Débat « Quels emplois pour demain ? »
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème « Quels emplois pour demain ? », à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective.
M. Roger Karoutchi, président de la délégation sénatoriale à la prospective . - C'est la première fois dans l'hémicycle que je prends la parole en cette qualité. La délégation a beaucoup travaillé, a produit beaucoup de rapports sur des sujets clés - l'emploi, l'environnement, la santé, l'éducation -, sans faire concurrence aux commissions mais a évoqué, au-delà de l'actualité, des thèmes de réflexion prospective.
Monsieur le ministre, vous savez combien il faut être solide, avec du tempérament, à un poste où les chiffres du chômage progressent mois après mois, mais il vous faut aussi porter une vision à long terme pour préparer l'avenir - la relève. Car les emplois de demain ne seront pas ceux d'aujourd'hui. D'où l'excellent rapport d'Alain Fouché, initié lorsque Joël Bourdin présidait la délégation : quels seront les secteurs qui embaucheront demain ?
Avant d'être sénateur, inspecteur de l'éducation nationale, j'avais travaillé sur les évolutions futures de notre système éducatif mais celui-ci ne se transforme pas rapidement. Comment le transformer pour l'adapter aux évolutions des secteurs économiques ? Est-ce même possible ? Certaines perspectives n'ont pas été avérées et des jeunes n'ont pas trouvé l'eldorado qu'on leur avait promis...
Les chiffres sont difficiles, le Premier ministre l'a redit : il faut 2 % de croissance pour créer des emplois. Si on veut préparer l'avenir, il faut que le gouvernement, l'État, les ministères, les acteurs publics soient informés des perspectives. C'est tout l'intérêt du rapport d'Alain Fouché, qui trace des pistes. Nous attendons monsieur le ministre, que vous nous donniez votre avis sur celles-ci. Vous direz, bien sûr, qu'il est un excellent sénateur et qu'il a rédigé un excellent rapport ; mais ce que nous attendons de vous, c'est que vous reveniez dans un an ou deux et nous disiez ce que vous aurez proposé au ministère de l'éducation nationale pour préparer les emplois de demain. (Applaudissements)
M. Alain Fouché, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective . - Merci pour cette excellente introduction ! Je salue tous les parlementaires qui ont travaillé sur le thème de ce soir. Nous avions l'ambition de dresser un panorama des secteurs qui embaucheront demain les jeunes qui se présenteront d'ici dix ou quinze ans sur le marché du travail. Le système de formation initiale et continue se met-il en phase avec ces évolutions ?
J'ai conduit une série d'auditions et de visites, de déplacements - peu coûteux - à Bruxelles et Cologne, j'ai colligé notes et rapport en tous genres. Je n'ai pas manqué de documentations, qui sont pléthoriques, de même que sont divers les acteurs qui interviennent dans les secteurs de l'emploi et de la formation. Je les ai consultés, interrogés, rencontrés. J'ai entendu les perspectivistes du Conseil d'orientation de l'emploi, de la Dares, du Céreq, des services de la Commission européenne. Au Futuroscope, j'ai interrogé les institutions, telles que le CNDP, présentes sur le site.
Certains raisonnements sont très scientifiques, d'autres plus empiriques, inspirés de l'air du temps. Ce ne sont jamais les mêmes viviers d'emplois qui sont cités. Mais se dégagent deux grandes tendances : des perspectives très élevées d'embauche dans les nouvelles technologies, le numérique et l'informatique - il manque 30 000 emplois dans ce secteur - et des débouchés importants pour les services à la personne, en raison du vieillissement de la population - et l'on sait la fiabilité à long terme des perspectives démographiques. Pour le reste, emploi industriel, professions intermédiaires, les perspectives sont plus floues ou contradictoires.
Faisons preuve d'humilité : on ignore largement quels seront les métiers de demain. Entre un tiers et 70 % de ces métiers sont encore inconnus. D'où ma question de Candide : comment se former à des emplois dont on ignore à peu près tout ? L'accélération des connaissances, les mutations de la société, la mondialisation font que ce qu'on apprend est obsolète deux ou trois ans plus tard.
Il faut s'attendre à une modification profonde des conditions de travail : horaires, environnement, localisation, carrières, cette dimension de la mobilité doit être intégrée à notre réflexion. Le gouvernement y prépare-t-il notre société ?
Il faut revoir la nature des savoirs à enseigner aux enfants pour accueillir le concept décrit sous le barbarisme d'employabilité. Il serait utile, plutôt que de les former à des métiers qui peut-être n'existeront plus, de leur inculquer des compétences transversales, comme la maîtrise des langues étrangères et de l'informatique, la compréhension des enjeux du développement durable, la capacité à travailler en équipe.
Je m'interroge sur la capacité de notre système éducatif à effectuer cette mutation, à l'heure où les enquêtes Pisa et autres montrent la dégradation du niveau des élèves. Comment y travaillez-vous avec votre collègue de l'éducation nationale, monsieur le ministre ? Notre système éducatif ignore encore trop les besoins réels des entreprises. Partagez-vous ce sentiment ?
Bien des difficultés que l'on m'a signalées ne sont pas nouvelles, de l'apprentissage, qui reste trop souvent un choix par défaut, aux inégalités devant la formation tout au long de la vie, en passant par l'insuffisante féminisation de certains carrières ou le peu de développement du télétravail. Que faire pour que les choses bougent ?
Notre délégation a adopté quatre séries de préconisations. La première porte sur les moyens de rendre plus visibles les perspectives immédiates d'emploi à l'aide de documents plus maniables, de l'accroissement des capacités d'accueil dans les secteurs prometteurs, de l'amélioration de l'orientation, du renforcement des liens entre le monde du travail et celui des étudiants. Voyez l'Allemagne : les jeunes en apprentissage passent 60 % de leur temps en entreprise et sont payés convenablement...
La deuxième série de préconisations est plus ciblée. Il s'agit d'anticiper la réindustrialisation en encourageant les formations scientifiques de niveau élevé, de stimuler la féminisation des emplois, notamment scientifiques, de mener une ambitieuse démarche en faveur de la robotique.
Ensuite, pour préparer l'employabilité des générations futures, l'éducation nationale doit recentrer les savoirs à transmettre sur les compétences transversales, sans hésiter à s'inspirer des modèles étrangers les plus performants, conforter une formation duale, mêlant savoirs académiques et expériences en entreprises, créer un dispositif de formation pratique professionnalisante pour réintégrer les décrocheurs.
Enfin, pour tenir compte de l'évolution de notre société, notre délégation insiste sur la promotion de carrières plus évolutives et plus adaptables - d'où l'ouverture effective de la formation tout au long de la vie au plus grand nombre. Il faudra encourager la mobilité professionnelle, sociale et géographique des travailleurs.
Monsieur le ministre, je prendrai connaissance avec intérêt et attention de vos réponses. (Applaudissements)
Mme Corinne Bouchoux . - Je remercie le rapporteur pour son travail très riche ; le sénateur Jean Desessard, qui est le référent du groupe écologiste sur ces sujets. Je reprendrai pour commencer ses propos : la prospective ne décrit pas seulement une courbe, elle doit aussi déterminer la courbe que nous voulons ; l'évolution dépend de la volonté publique du monde que nous voulons construire.
Le rapport est intéressant mais la place qu'il accorde à la transition énergétique n'est pas celle qu'elle mérite. Je vous renvoie aux travaux de l'OPECST sur l'Allemagne, qui montrent que c'est une perspective pour notre société, si la formation, l'école, les pouvoirs publics remplissent certaines conditions - formation, politique des entreprises, aides des pouvoirs publics. Ni une punition, ni une contrainte, mais une formidable opportunité. Entre 50 000 et 250 000 emplois sont à la clé.
Et si nous considérions mieux les activités verdissantes, le travail sur les pesticides ? Ce sont des opportunités pour la recherche et les emplois de demain.
La clé de tout, c'est l'école et la formation tout au long de la vie. En France, on aime l'école ou on ne l'aime pas. Si on a raté le train... On devrait avoir une deuxième chance, à 20 ou 25 ans, pour entreprendre des études d'ingénierie ou de médecine, comme cela se fait en Allemagne. Il faut répondre en ce sens par une articulation plus dynamique entre l'école et la formation professionnelle.
J'ai été élevée pour partie en Allemagne. En Allemagne, il n'y a pas l'ENA, pas de classes préparatoires aux grandes écoles, moins de ségrégation scolaire ; en Allemagne, la formation est continue tout au long de la vie - 50 % des PDG allemands sont issus de l'apprentissage. Le rapport au réel est différent...
Nous proposons, non pas une évolution quantitative, mais qualitative, vers cette autre société que permet la transition énergétique. Qui parmi nous a envoyé ses enfants en apprentissage de métiers manuels ? Les métiers intellectuels sont valorisés et ceux-là sont mal vus, à tort. D'où la mauvaise image de l'industrie. Il faut changer de paradigme !
Je n'aime pas du tout le mot « employabilité » qui transfère la charge d'adaptation à l'économie aux jeunes eux-mêmes. Il faut des écoles de la deuxième chance, de nouvelles méthodes pédagogiques, bref une révolution... (Applaudissements)
M. Jean Desessard. - Bravo !
M. Dominique Watrin . - Ma région, le Nord-Pas-de-Calais, est particulièrement concernée par les emplois de demain, tant nous avons perdu d'emplois hier et continuons à en perdre aujourd'hui. Jeremy Rifkin a été consulté par la région : à l'en croire, hydrogène et imprimantes 3D transformeront demain chaque immeuble en usine... Ce monde idyllique dépolitisé relève plus de la fable que de la prospective. Ce discours est dangereux car il nous faut penser nous-mêmes les impasses d'un modèle économique dominé par le gâchis économique, le court-termisme et les dégâts de la rentabilité maximale des capitaux. La piste des emplois verts est à peine esquissée dans le rapport et mériterait de plus amples développements. Je pense aux potentialités d'emplois en lien avec le grand port méthanier de Dunkerque, au projet porté par les associations Génération Ferdinand Béghin et Géants du papier pour fabriquer du papier d'emballage à base de chanvre, ou encore à l'exploitation du gaz de couche - qui n'a rien à voir avec le gaz de schiste -, exploitable sans fracturation hydraulique, dont les réserves dans le bassin minier sont évaluées à douze années de consommation de la région Nord-Pas-de-Calais.
L'industrie n'est pas un gros mot. J'ai apprécié, monsieur le rapporteur, la piste d'une réindustrialisation moderne à base d'emplois très qualifiés et de robotique après des années de délocalisations et de démembrements - 300 000 emplois perdus en cinq ans, et le « redressement productif » n'y a rien fait. Mieux vaut cependant utiliser le concept de « nouvelle industrialisation » pour ne pas reproduire des modèles qui ont disparu et anticiper l'avenir : relations nouvelles avec les services, y compris publics, qui sont les principaux prescripteurs de production industrielle ; importance de la révolution numérique dans le processus de production. La RTT est un facteur important de progrès social, elle est au coeur du débat sur les emplois de demain - et c'est à l'époque des lois Aubry que le chômage a le plus diminué... Il y a urgence à mettre fin au productivisme et au consumérisme, à rompre avec l'obsolescence programmée, à mettre en place des filières tout au long du cycle du produit : là aussi sont les emplois de demain. Le rapport insiste sur la montée en qualification, aussi sur le risque d'une société à deux vitesses avec des emplois hyper-qualifiés d'un côté et de l'autre une tendance à la baisse de la qualification des ouvriers et employés. Nous ne nous résignons pas à pareille évolution.
On évoque souvent; comme vous, monsieur le ministre, le secteur de l'aide à domicile comme particulièrement porteur. Je vous renvoie au rapport que j'ai signé avec Jean-Marie Vanlerenberghe : 98 % de femmes...
Mme Corinne Bouchoux. - C'est vrai !
M. Dominique Watrin. - ... précarisation, manque d'attractivité... Je pose le postulat d'une montée en qualification de tous les métiers.
Votre rapport est utile mais n'oublions pas l'enseignement d'Henri Bergson : « l'avenir n'est pas ce qui va arriver mais ce que nous allons faire ». (Applaudissements)
M. Pierre-Yves Collombat . - Je suis désolé mais je vais vous décevoir : je crois qu'il n'y a pas de réponse à la question posée... On peut spéculer sur l'avenir, le prêcher, mais il ne répond guère. On estime qu'entre un tiers et 70 % des métiers de demain n'existent pas encore, c'est dire ! Les experts n'en savent pas plus que ceux qui ne le sont pas...
Voici ma propre prévision : les métiers futurs ressembleront à ceux d'aujourd'hui, même s'ils se transformeront de l'intérieur par la technologie et les méthodes. Imaginer une transformation magique de la société sous leur empire est parfaitement vain, car les nouvelles technologies doivent composer avec les capacités des hommes et de leurs organisations. Les gains de productivité qu'elles entraînent ne réduisent pas nécessairement les charges de travail, ni les effectifs.
D'où ce paradoxe : l'avènement d'une société affranchie de l'obligation de travailler, annoncée par Aristote, Marx et tant d'autres, n'a pas eu lieu. On travaille encore plus, on a créé des emplois inutiles ou sans intérêt, des « jobs à la con », selon la citation d'une prospectiviste, placée en note de bas de page dans votre rapport... Parmi ces emplois inutiles, les directeurs généraux des entreprises, les huissiers de justice, les télémarketteurs, les lobbyistes, les chargés de relations publiques...
On oublie la dimension politique des créations d'emplois. Alain Minc et Jacques Attali annonçait dès la fin des années 70 l'informatisation de la société par la télématique... Déjà eux, déjà un mirage... Le minitel, lancé en même temps que le projet américain Arpanet qui donnera naissance à Internet est abandonné en 2011...
La prévision devient impossible dans une mondialisation financiarisée et non régulée, livrée au libre-échange généralisé, où le rôle de l'État est réduit à celui de fluidificateur du marché du travail. Certes, la France doit se réindustrialiser et cela devrait rimer avec la transition énergétique. Or les prix du gaz et du pétrole baissent et ce sont les Chinois qui produisent désormais seuls les panneaux solaires. Rien ne dit que la croissance de l'énergie solaire profitera à l'Europe et à la France.
Les aides à la personne sont considérées un peu vite comme un gisement d'emplois alors que leur développement dépend des incitations fiscales et financières, des capacités économiques des familles... Du besoin à l'emploi se déploie tout l'espace de la décision politique. Au lieu de prolonger des courbes, il convient de décider quelle société on veut et quels moyens on entend y consacrer. (Applaudissements à gauche)
M. Olivier Cadic . - L'expression « Emplois de demain » devrait résonner comme une promesse, surtout auprès des plus jeunes pour lesquels elle rime avec « métiers auxquels les parents ne comprennent rien »... (Sourires) C'est mon cas. J'ai commencé ma carrière en 1981 comme dessinateur assisté par ordinateur sur carte électronique, métier qui n'existait pas trois ans plus tôt et a disparu dix ans plus tard... Les emplois se créent et sont supprimés plus vite que le temps que le système éducatif met à y former. C'est ainsi.
Les jeunes de 20 ans sont nés dans une Europe aux frontières ouvertes. Le rôle du ministre de l'emploi est de faciliter la mobilité internationale. Or votre gouvernement la menace...
Les emplois de demain sont encore inconnus. Une lame de fond s'annonce à l'horizon, qu'on appelle biotech, greentech, nanotech... Thérapie cellulaire, exosquelette... Demain, les sourds entendront et les aveugles verront ! Nous approchons de l'immortalité...
M. Jean Desessard. - Dépêchons ! (Sourires)
M. Olivier Cadic. - Il faut investir massivement dans la recherche, faute de quoi nos pépites comme Carmat, entreprise française qui a inventé le coeur artificiel, seront rachetées par des groupes américains. Il faut développer un système de capital-risque et de capital-développement. Il nous faut dix fois plus d'investisseurs privés, de venture capitalists. Nous avons traduit venture par « risque » plutôt que par « aventure » : c'est significatif...
De l'argent, nous en avons ! La France est le troisième épargnant mondial. Notre encours d'assurance-vie avoisine les 1 500 milliards d'euros ! Incitation fiscale et emplois de demain sont donc des mots qui vont très bien ensemble. Or, dans la loi Macron, rien ou presque sur la fiscalité. Dans nos entreprises familiales, les actionnaires minoritaires réclament des augmentations de dividendes pour pouvoir payer leur ISF. Autant de manque à investir ! Quelle destruction de valeur !
À l'heure du combat entre États-continents, nous devons sortir de notre confetti et penser l'avenir au niveau européen. Des investissements ambitieux ne peuvent se concevoir qu'à l'échelle de l'Union européenne, laquelle doit harmoniser nos législations et créer au plus vite le marché unique numérique. Londres reste plus attractive que Paris pour accueillir des emplois qualifiés.
McKinsey a identifié, en mai 2013, douze technologies porteuses, dont l'internet des objets connectés, l'impression 3D, les énergies renouvelables, les nouveaux matériaux. La puissance publique fait face à un double défi s'agissant des emplois d'avenir : la formation et l'information. « Stratifieur », qui sait que ce métier consiste à assembler des matériaux composites ? De même pour les data scientists, qui seront pourtant 1,5 million aux États-Unis en 2018. Pour s'y préparer, il faut rapprocher informatique, statistiques et marketing. Ce métier, tout comme celui de community manager, n'existait pas il y a quelques années. Il faut inciter à beaucoup plus de mobilité. La Poste invente le postier moderne, qui rend aussi visite aux personnes seules, contre rémunération par le CCAS. Face au vieillissement de la population, le potentiel de l'économie sociale et solidaire est considérable ; il compensera la destruction d'emplois dans les autres secteurs.
Y en aura-t-il pour tout le monde ? Selon une étude réalisée en septembre 2013 par Frey et Osborne, deux chercheurs d'Oxford, 47 % des emplois aux États-Unis pouvaient être remplacés par des machines. Selon une étude du cabinet Roland Berger, datant de décembre 2014, la robotique supprimera chez nous 3 millions d'emplois d'ici à 2025. Après les cols bleus, les cols blancs seront les prochaines victimes de l'évolution technologique. Ne resterait alors qu'une catégorie : les « cols d'or », selon le terme inventé par Richard Florida, professeur à l'université de Columbia. Ces architectes, développeurs, directeurs artistiques représentent déjà 30 % de la population active aux États-Unis, mais 50 % des salariés et 70 % du pouvoir d'achat. C'est la nouvelle creative class !
Les métiers même intellectuels, sans valeur créative, sont donc menacés à long terme. Ils devront se transformer de l'intérieur. J'ai commencé, vous ai-je dit, à travailler dans le dessin assisté par ordinateur. Beaucoup d'emplois, demain, assisteront les ordinateurs.
Invité à partager ma vision d'entrepreneur à une conférence récente, j'ai proposé le résumé suivant : pas de papier, pas de salarié : no paper, no people. Mes collaborateurs travaillent sur plusieurs continents. Je ne les rencontre jamais. Ils n'ont pas de contrat de travail. Ils sont indépendants et en vivent bien. L'exact inverse du modèle qui a fait le succès de Gérard Pélisson à la tête du groupe Accor, qui a créé 200 000 emplois dans le monde.
L'avenir sera fait de mastodontes économiques, des multinationales qui rivalisent avec les États-nations, lesquels devront se montrer accueillants aux nouvelles activités. Et il y aura aussi un tissu de PME fondées sur des structures flexibles, qui s'affranchiront de tout carcan administratif pour avoir la souplesse leur permettant de répondre aux demandes venant de partout à tout moment.
Les États où il fera bon vivre et travailler verront leur volume d'emplois croître comme par magie. Toronto gagne 250 000 habitants par an. Le monde a déjà changé. La France, elle, est-elle prête à changer ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Daniel Gremillet . - Depuis la crise, aucune inversion de la courbe du chômage n'a été constatée. Les plus de 50 ans sont les plus touchés, avec les plus jeunes. L'Insee souligne que la France a perdu 9 % de ses actifs depuis 1980. L'industrie représentait 30 % du PIB ; c'est 20 % désormais.
La Commission européenne a montré que trois pays de la zone euro ont plus détruit d'emplois industriels que leurs voisins, l'Espagne, l'Italie, la France. L'Allemagne, elle, en a créé. Nous comptions 689 000 personnes au chômage en 1975 ; nous en sommes à 3,5 millions. Le parallèle est patent, entre le taux de chômage et la désindustrialisation. Seuls 27 % des salariés de l'industrie suivent une formation ; ce chiffre doit nous interpeller. Entre 2005 et 2013, les ingénieurs partis travailler à l'étranger sont passé de 13 % à 15 %. La demande croît, sans doute. Mais lorsqu'elle progresse de 3,8 % en France, c'est plutôt 5,8 % hors de nos frontières. Et deux tiers des ingénieurs qui vont travailler dans l'industrie étrangère, le font de leur propre initiative, non à la demande d'un groupe étranger. Chaque jeune parti d'un territoire est un appauvrissement supplémentaire de notre économie.
La loi NOTRe telle que votée par le Sénat va dans le bon sens : il faut s'appuyer sur les spécificités des territoires ; la région est l'échelon le plus adéquat.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Il ne faut pas oublier le département !
M. Daniel Gremillet. - Élu de la Lorraine, j'ai vu des activités bouleversées par l'évolution de notre économie. Il faut renforcer le couple formation-emploi. Avec Jackie Pierre, nous avons rencontré des chaudronniers cet été : l'autorisation d'ouvrir les classes nécessaires à la pérennisation de leur activité n'a jamais été donnée.
Donnons confiance aux jeunes d'aujourd'hui qui inventent les emplois de demain ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Yannick Vaugrenard . - Je tiens à féliciter Alain Fouché pour son excellent rapport. Sur ce sujet complexe qui mêle philosophie, social, sociétal, faisons preuve d'une certaine humilité. Je forme le voeu que ce travail nous permette d'élaborer des pistes pour l'avenir. Les nombreuses statistiques disponibles ne suffisent pas à éclairer l'avenir, sachant que de 30 à 70 % des métiers d'avenir n'existent pas encore. Cela ne doit toutefois pas nous empêcher de réfléchir : vous avez su prendre de la hauteur par rapport aux chiffres mensuels du chômage.
Vous souhaitez que les perspectives immédiates soient plus lisibles : il faut repenser la statistique de l'emploi. Identifier les secteurs de demain n'est pas facile, mais ceux liés au vieillissement de la population seront certainement en tête des plus dynamiques. Le ministère du travail évalue à 350 000 le nombre d'offres d'emploi qui ne trouvent pas preneurs. La cause en est à chercher dans l'inadaptation de l'offre et de la demande, et non dans je ne sais quelle mauvaise volonté des chômeurs. Notre système de formation doit être remis à plat.
L'enquête Pisa fait apparaître une dégradation des résultats des jeunes Français en fin de scolarité, s'agissant notamment des fondamentaux éducatifs. C'est dès l'enseignement maternel et primaire que des efforts considérables doivent être entrepris. Une formation générale performante permettra toujours une adaptabilité plus aisée.
Mais le point qui nous occupe aujourd'hui et sur lequel le gouvernement a décidé d'agir, concerne les offres d'emplois non pourvues. Le gouvernement a mis en place l'opération « Formations prioritaires pour l'emploi », qui offre des formations ciblées dans des secteurs comme le commerce, les transports, les secteurs sanitaire et social. Lors de ses voeux aux acteurs de l'entreprise et de l'emploi, le président de la République a dressé un premier bilan de cette opération. L'objectif initial était de faire entrer 30 000 demandeurs d'emploi dans ces formations spécifiques en 2013. Cet objectif a été dépassé : 80 000 demandeurs d'emploi ont été concernés en 2014 et l'objectif pour 2015 est désormais de toucher 100 000 personnes.
Vous préconisez de miser sur la réindustrialisation. Mais nous ne vivons pas en autarcie. Nos plus de 2,3 millions d'entreprises industrielles dégagent plus de 1 600 milliards d'euros de valeur ajoutée par an, sachant que 1 200 milliards d'euros de déficit commercial ont été accumulés par l'Europe face à la Chine. La lutte contre la désindustrialisation est engagée.
Certes nécessaire, la mobilité professionnelle ne doit pas aggraver la précarité des salariés. On estime à 3,2 millions le nombre de salariés précaires. Les CDD représentent 7,4 % de l'ensemble des emplois. Le taux d'emplois précaires est passé de 5 % en 1982 à 11 % aujourd'hui. L'ampleur de cette précarité est sous-estimée, car il existe aussi des emplois précaires non salariés.
Les emplois de demain seront aussi soumis à la concurrence internationale. Il convient de prendre en compte le problème des travailleurs détachés.
C'est souvent à la suite de crises aiguës que la construction européenne a progressé ; soyons donc résolument optimistes. « Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou », disait Nietzsche.
Vos dix préconisations sont intéressantes. Je souhaite que la délégation fasse des points d'étape réguliers, pour que nous travaillions de façon constructive pour nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)
M. Didier Mandelli . - Je remercie nos collègues de la délégation à la prospective, et félicite le rapporteur pour la qualité de son travail.
La réponse à la question posée dépend de la conjoncture. Or 35 % des employeurs expriment des difficultés de recrutement, deux tiers des embauches se font en CDD et 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans formation.
Les métiers ont fortement évolué ces dernières décennies. Le nombre d'agriculteurs a fondu tandis que celui des cadres d'entreprise et d'administration dépassait les 4 millions. Le vieillissement de la population, l'apparition de smart cities dotées de mobiliers urbains et de transports intelligents, la croissance verte, vont créer des emplois nouveaux. Ce dernier point me tient à coeur en tant que membre de la commission du développement durable. Le projet de loi transition énergétique doit susciter les changements nécessaires. Les emplois de demain resteront en grande partie ceux d'aujourd'hui, adaptés aux évolutions environnementales ; protégeons-les et faisons-les évoluer.
Les emplois vacants sont nombreux, ce qui est difficile à expliquer en période de chômage. Le prix Nobel Jean Tirole a fustigé le fonctionnement du marché du travail et proposé de créer un contrat de travail unique. M. Valls s'est montré ouvert à cette idée. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Le travail détaché est un problème majeur. En principe très spécialisés et censés compenser une carence dans un domaine précis, les travailleurs détachés se multiplient pourtant. Cette concurrence est redoutable. Le contrôle de ces pratiques devait être renforcé. Cela ne suffira pas. Il faut harmoniser les règles au plan européen.
Comment préparer les jeunes aux emplois de demain lorsque 150 000 quittent déjà le système sans formation ?
M. Charles Revet. - Eh oui !
M. Didier Mandelli. - Il faut renforcer la formation, mieux l'articuler aux besoins de Pôle emploi. L'emploi nous concerne tous. Il ne se décrète pas. Mais nous ne pourrons laisser nos concitoyens dans le désespoir. Ce rapport doit être suivi d'effets. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Michel Savin . - Alain Fouché relève qu'entre un tiers et 70 % des métiers de demain sont encore inconnus. Pour l'heure, nous constatons la disparition de nombreux emplois artisanaux. De nombreuses évolutions du marché du travail sont en germe depuis des années.
L'apprentissage est identifié comme une voie d'avenir : 70 % des jeunes ainsi formés obtiennent un emploi. Or, faute de visibilité des entreprises, ce secteur n'est guère soutenu. Les mesures récentes n'ont rien arrangé. Un travail de fond doit être conduit. Nous attendons des propositions concrètes pour l'apprentissage. Notre pays doit se préparer aux grands changements de demain - développement durable, numérique - mais aussi soutenir les secteurs qui souffrent : agriculture, logement. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Fabienne Keller . - Je salue à mon tour le travail d'Alain Fouché dans le cadre de la délégation sénatoriale à la prospective, qui s'appuie sur de nombreuses rencontres et de nombreuses auditions.
L'actualité est lourde : 189 000 chômeurs de plus l'année dernière, portant le total à 3,5 millions. Comment créer les conditions de l'emploi ? Le rapport identifie trois leviers.
L'apprentissage, d'abord. Le dispositif fonctionne outre-Rhin, pour des emplois manuels, mais aussi des jobs d'ingénieur ou de comptable. Le processus s'inscrit dans la durée : le jeune est suivi tout au long de son parcours. Et que faites-vous, monsieur le ministre ? Vous supprimez la prime à l'embauche, moyennant quoi vous faites baisser le nombre d'apprentis ! La confiance placée dans le jeune devrait pourtant se transformer en atout économique.
M. Charles Revet. - C'est aussi vrai de l'alternance.
Mme Fabienne Keller. - Deuxième levier : les entreprises. Elles ont besoin de confiance et de stabilité. Or au lieu de baisser les charges, vous les avez alourdies, au profit d'un CICE illisible, qui crée un effet d'aubaine plutôt qu'il incite, et qui ne jouera qu'après un délai de trois ans pour les grandes entreprises.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - Quelle argumentation décevante !
Mme Fabienne Keller. - Le compte personnel formation (CPF) est une excellente idée, que nous avions eue avec le DIF, dont vous changez le nom et l'administration pour l'éclat de la communication.
L'activité dépend de milliers de petites décisions, lesquelles dépendent de la confiance permise par la simplicité et la stabilité de l'environnement économique. La loi Macron ne va pas dans ce sens. (Exclamations sur les bancs socialistes) Je propose donc cette piste : connaître et respecter l'entreprise, créatrice de richesses.
Troisième levier : l'humain. On crée de la désespérance en multipliant les catégories de chômeurs. « Il faut changer de logiciel dans la lutte contre le chômage », titrait justement ce matin un grand quotidien ; considérer les demandeurs d'emploi comme des personnes, riches d'un véritable potentiel, non comme des étiquettes.
Que faites-vous, concrètement, pour développer l'apprentissage, et pour soutenir les nouveaux emplois ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Je remercie d'abord le président Karoutchi des propos qu'il a tenus et de leur ton ! Je salue l'excellent rapport commis par Alain Fouché ; il restera sans doute dans les annales du Sénat et nous nous y référerons.
En matière d'emploi, il y a beaucoup de spécialistes, sans doute autant que de Brésiliens compétents pour être sélectionneur de leur équipe de football, soit à peu près tout un chacun !
Vos interrogations recoupent souvent les miennes ; nous essayons ensemble de nous projeter dans l?avenir, nous n'étions pas réunis aujourd'hui pour débattre de la situation d'aujourd'hui, surtout avec des arguments comme ceux de Mme Keller.
Mme Fabienne Keller. - Ils vous ont donc touché !
M. François Rebsamen, ministre. - Je remercie chacun pour son intéressante participation au débat. La transition énergétique ? Nous pouvons en espérer 15 000 emplois d'avenir. Le crédit d'impôt recherche est efficace : notre pays est de ceux qui attirent le plus de chercheurs étrangers, monsieur Cadic. La concurrence déloyale des travailleurs détachés, monsieur Mandelli ? Il faut certes lutter contre, en faisant bien la différence avec ceux qui viennent dans des conditions parfaitement légales.
Le rapport de la délégation sénatoriale à la prospective pose une question essentielle pour notre pays, confronté à la crise sans précédent de l'Europe. Le temps perdu dans le chômage de longue durée, pour certains, ne sera jamais rattrapé. L'effort dans la formation sera maintenu en 2015. Le compte personnel de formation, la garantie jeunes déploieront leurs effets. Qu'il s'agisse des métiers de l'environnement, des aides à la personne, voyez là-dessus le livre sur les métiers 2022 publié par la Dares et France Stratégie.
La prospective en la matière - et je veux bien revenir en débattre avec vous, monsieur le président, quand vous voulez - doit nous aider à nous préparer. Il serait vain d'opposer un présent tout entier consacré à la lutte contre le chômage et des perspectives lointaines, peu opérationnelles. En matière d'emploi, l'action présente est intimement liée à la préparation de l'avenir, fondée sur les grandes tendances qui dessinent le marché du travail de demain.
Notre dispositif de formation et d'orientation professionnelle doit être, en conséquence, réactif et utile à l'économie. Nous devons donc renforcer notre capacité à identifier les besoins des entreprises en compétences, en métiers. Certains sont déjà visibles.
La prospective, activité difficile, n'a de sens qu'orientée vers la décision. Ayons des acteurs qui interviennent, au plan national et territorial, sans trop de redondance.
Cinq mutations structurelles sont à l'oeuvre : une nouvelle géographie mondiale de l'activité se dessine, qui ne réserve plus aux pays développés la production à haute valeur ajoutée et aux autres pays la concurrence par les prix ; une démographie à la fois dynamique et caractérisée par le vieillissement ; une évolution profonde de notre modèle familial qui crée de nouveaux besoins en services à la personne, logement, enseignement ; l'exigence de la transition énergétique ; la révolution numérique et robotique qui entraîne des conséquences sur les compétences et sur toute la chaîne de valeur.
Le besoin de se projeter existe pour développer certaines filières comme le numérique et le nucléaire, ou assurer la réussite de grands projets. Une grande partie de la question de l'emploi nécessite non pas une projection sophistiquée mais une capacité à aider les entreprises à transformer leur potentiel d'activité en emplois. Nous avons trop de futurologues et pas assez d'accoucheurs.
Les services de l'État doivent se recentrer sur le concret, le présent porteur d'avenir...
Mme Fabienne Keller et M. Michel Savin. - Très bien !
M. François Rebsamen, ministre. - Comment aider les entreprises à recruter ? Aidons les employeurs dépourvus de fonction ressources humaines structurée à répondre aux questions, généralement simples, qu'ils se posent. Les services de l'État doivent devenir les ensembliers des offres de services relevant de la compétence de plusieurs acteurs.
Les métiers évoluent à une vitesse vertigineuse. Nous devons collectivement suivre cela dans notre pratique quotidienne. Le service public de l'emploi doit être au contact réel de l'entreprise, ici et maintenant : c'est le cas pour Pôle emploi, avec ses conseillers dédiés à la relation entreprises, ce doit l'être pour les services déconcentrés de l'État, qui doivent s'orienter davantage vers les entreprises.
Le répertoire opérationnel des métiers de Pôle emploi, le seul référentiel en France, doit être repensé à partir des compétences, actualisé et rendu collaboratif. Pôle emploi y travaille à ma demande.
Les diplômes professionnels doivent évoluer avec les besoins des acteurs économiques. Dans le cadre du plan pour le développement de l'apprentissage annoncé par le président de la République le 19 décembre dernier, nous travaillons à améliorer le processus de validation pour que les partenaires sociaux soient davantage sollicités. La compréhension des évolutions vaut aussi pour le recrutement et la recherche d'emploi, avec le rôle croissant des réseaux sociaux et d'Internet pour l'évaluation des profils.
Il revient au service public de l'emploi de mieux faire circuler l'information sur les besoins avec l'open data sur le marché du travail et les besoins de recrutement. Il faut développer des plates-formes collaboratives : c'est l'objet de l'Emploi store de Pôle emploi.
Notre système d'orientation et de formation doit s'adapter aux enjeux actuels et futurs de l'entreprise. Il doit donner les bonnes informations aux bonnes personnes au bon moment.
Mme Pascale Gruny. - On en est loin !
M. François Rebsamen, ministre. - Il est vrai qu'on ne trouve pas de chaudronnier. On pourrait peut-être aussi les payer plus...
Monsieur Fouché, votre rapport signale des défauts qui ont été ou sont en passe d'être corrigés par la réforme de la formation professionnelle du 5 mars 2014, qui passe de l'obligation de dépenser à l'obligation de former - avec une baisse des cotisations -, qui vise à valoriser les formations certifiantes, pour concentrer l'effort sur les besoins de l'économie et rendre accessible la formation à tous, ce que ne faisait pas le DIF. Le compte personnel de formation est la première grande avancée depuis Jacques Delors, en 1971. (M. Jean Desessard approuve) Chacun pourra se former tout au long de sa vie professionnelle, y compris pendant ses périodes de chômage, quand il en a le plus besoin.
J'ajoute que la définition des critères partagés installera un système de certification des organismes de formation. Le CPF marche : 200 000 comptes ont été ouverts entre le 5 et le 25 janvier.
M. Jean Desessard. - C'est bien !
M. François Rebsamen, ministre. - Il y en aura des millions, au total... Pour ceux qui s'interrogent sur leur rôle, c'est désormais le défi des régions, qu'elles mettent en place des services pour les compétences dont elles disposent.
M. Jean Desessard. - Voilà !
M. François Rebsamen, ministre. - L'État à un rôle d'impulsion pour les projets structurants destinés à relancer l'économie, pour l'investissement social que représente la formation. L'Europe doit y prendre aussi sa part. Or nos programmes répondent à des besoins ponctuels et plus rarement à des besoins de long terme. C'est l'enjeu du rôle du chef de file des régions.
L'État doit impulser des systèmes structurants pour donner à la France de nouvelles générations de salariés capables de programmer et de coder. La demande est énorme et les États-Unis l'ont compris qui proposent une formation à de jeunes Français habitant autour de Paris. Heureusement, des chefs d'entreprises, en France aussi, ont ouvert des écoles dans le même but.
L'État doit contribuer, avec ses partenaires, à mettre en valeur des filières porteuses. Le plan de développement de l'apprentissage comporte à cet égard toute une série d'actions, comme la campagne de sensibilisation ou le décret sur les machines dangereuses, qui ont pour objet de lever des freins, de valoriser certaines filières.
Il n'y a pas que des problèmes financiers, même si les décisions de 2012 et 2013 n'étaient pas bonnes.
Mme Fabienne Keller. - Ah !
M. Jean Desessard. - C'est bien de le reconnaître !
M. François Rebsamen, ministre. - La baisse n'a pas été aussi forte que certains l'ont dite en 2013, et nous avons enregistré une légère reprise en 2014. L'apprentissage et l'alternance sont des filières d'excellence, y compris pour les bacs + +... (Exclamations sur les bancs UMP)
C'est bien de le dire, mais que les chefs d'entreprises embauchent des jeunes en alternance ! Un jeune doit envoyer en moyenne 59 CV pour trouver un tel poste !
Mme Pascale Gruny. - Cela coûte trop cher ! (On renchérit sur les bancs UMP)
M. François Rebsamen, ministre. - Mais non ! Les grandes entreprises qui ont des usines en France et en Allemagne embauchent deux à trois fois plus d'apprentis outre-Rhin ! Cela s'explique par la différence de systèmes de formation. Chez nous aussi, l'apprentissage, je le répète, est une filière d'excellence !
M. Charles Revet. - Dites-le à vos amis du gouvernement !
M. François Rebsamen, ministre. - Nous mettons en place une bourse nationale de l'apprentissage sur le site de Pôle emploi. Nous avons augmenté, voire doublé certaines primes ; ce n'est donc pas un problème financier pour les entreprises. Luttons tous ensemble contre les a priori sur l'apprentissage et sur certains métiers. Il y a des métiers pénibles qui méritent des salaires correspondant au travail qu'ils exigent.
Avançons donc ensemble ! Nous sommes à la croisée des chemins. La robotisation menace des emplois mais apportera aussi des progrès de compétitivité, de nouvelles filières ou des relocalisations. Je suis convaincu que la France a tous les atouts en main : de grands groupes, un tissu de PME numériques dynamiques, des infrastructures de très haut niveau, un appareil de recherche puissant, une administration compétente, un système de formation rénové et performant.
Ces améliorations techniques et organisationnelles ne suffiront pas pour relever le défi. Il faudra faire évoluer les individus dans leurs compétences. Mettre le social au contact de l'entreprise, le doter d'un appareil de formation performant et réactif, tel est le défi que les réformes en cours et à venir ont pour objet de relever. (Applaudissements des bancs socialistes jusqu'à certains bancs à droite)
Prochaine séance demain, jeudi 29 janvier 2015, à 9 heures.
La séance est levée à 20 h 55.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques