Protection de l'enfant (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant, présentée par Mme Michelle Meunier et plusieurs de ses collègues.
Mme Michelle Meunier, auteure de la proposition de loi et rapporteure de la commission des affaires sociales . - En application de l'article 44-6 du Règlement, la commission des affaires sociales souhaite que la discussion de l'article 7, qui traite du délaissement parental, soit réservée jusqu'à la fin de l'article 18.
La réserve, acceptée par le gouvernement, est ordonnée.
Discussion générale (Suite)
Mme Élisabeth Doineau . - Comment ne pas exprimer des regrets ? Que Mme Dini ne soit plus là aujourd'hui ; le sujet lui tenait tant à coeur. Que cette discussion générale se prolonge, avec un mois de décalage. Qu'un tel sujet mobilise si peu...
Mme Françoise Laborde. - Les meilleurs sont là !
Mme Nicole Bricq. - Les bons !
Mme Élisabeth Doineau. - La protection de l'enfance, ce sont 30 000 mineurs, soit 1,8 % des jeunes de 0 à 21 ans, 7 milliards d'euros. Cette proposition de loi touche de nombreux sujets, comme l'inceste ; qui ne sont pas abordés par le rapporteur de la mission d'information du Sénat. C'est un peu un rendez-vous manqué... Avec Mme Dini, Mme Meunier a mené un travail empathique, empreint d'humanité pour dresser un bilan exhaustif, en interrogeant d'anciens enfants suivis par l'ASE : 62 % d'entre eux ont souffert de l'interruption de leur parcours, 43 % du maintien à tout prix du lien avec les parents. Preuve qu'il reste beaucoup à faire !
Je salue le travail de pédagogie de M. Pillet. La loi du 5 mars 2007 a clarifié les missions et le vocabulaire de la protection de l'enfance, renforcé les dispositifs d'alerte, amélioré l'information du personnel. Mais, huit ans après, sa mise en oeuvre n'est que partielle, faute de moyens financiers.
Le fonds créé pour financer la protection de l'enfance n'a jamais été abondé correctement. Les départements ont vu leurs dépenses sociales exploser, avec un reste à charge qui a crû de 4,6 %. En Mayenne, par exemple, ce sont 36 % de jeunes confiés en plus en cinq ans, 21 % de mesures éducatives en plus, 11 % de dépenses en plus entre les deux derniers budgets. De plus en plus de jeunes faisant l'objet de mesures pénales sont confiés à la protection de l'enfance, alors qu'ils relèveraient plutôt de la protection judiciaire de l'enfance.
Les autres pays européens privilégient l'épuisement des possibilités de négociations préalables avec les parents. En France, la réponse est majoritairement judiciaire. Le cas des jeunes souffrant de problèmes psychiatriques est difficile à gérer. Autre difficulté : le cas des mineurs étrangers isolés.
Les départements sont soumis à de multiples contraintes administratives : schémas, plans, tableaux de bord, etc. et leurs pratiques sont soumises à des audits internes et externes. Tout cela a été fait dans l'intérêt des enfants, certes, mais n'oublions pas l'humain au profit des grilles statistiques...
Certains départements n'ont plus les moyens d'appliquer toute la loi. Saint-Exupéry disait justement : « S'agissant de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible ».
Pour ce qui est des mineurs étrangers isolés, l'État s'est déchargé sur les départements. Il faut se pencher sur cette question sensible. Notre vote dépendra du sort réservé à nos amendements. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Aline Archimbaud . - Dans son rapport de 2015, l'Observatoire national de la délinquance indique que les faits de violence et maltraitance contre les enfants s'élèvent à 20 884, en hausse de 6 000 par rapport à l'année précédente. La loi de 2007 marquait un progrès mais des manquements subsistent sur le terrain. Ils ont été bien soulignés par l'excellent travail de Mmes Meunier et Dini.
L'essentiel est de pouvoir intervenir en amont. L'information doit circuler pour éviter les drames. Or le cloisonnement entre les acteurs, le manque de moyens financiers y font obstacle. Il faut décloisonner les services de l'aide à l'enfance et de l'aide aux familles.
La centralisation des signalements, instaurée par la loi de 2007, doit faciliter la prise en charge des enfants. Mais la formation fait défaut... Les médecins scolaires devraient être en première ligne - or la santé scolaire reste le parent pauvre de la protection de l'enfance. En France, en 2009, on comptait 1 270 médecins scolaires pour 200 000 élèves. À Pantin, il n'y en a qu'un pour 11 000 élèves !
La situation des mineurs étrangers isolés, malgré la circulaire de 2013, est insatisfaisante. Les tests osseux, pourtant peu fiables et très lourds, sont encore utilisés pour évaluer l'âge des enfants, contrairement à ce que demande la circulaire. La répartition de ces mineurs entre départements a été refusée par certains ce qui accroît la charge des autres. Les associations dénoncent les conditions d'accueil de ces enfants, qui doit être réalisée conformément aux valeurs de la Convention internationale des droits de l'enfant dont notre pays est signataire.
Malgré ces regrets, cette proposition de loi apporte des premières réponses à un certain nombre de problèmes. Les écologistes le voteront. (Applaudissements à gauche)
Mme Laurence Cohen . - Dans un contexte de précarisation sociale et économique, dans un système social qui exclut plus qu'il n'intègre, le nombre d'enfants pauvres a augmenté de 440 000 entre 2008 et 2012, et de 13 % celui des enfants pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance depuis 2010.
La proposition de loi de Mmes Meunier et Dini vise à améliorer le dispositif existant en prévoyant un pilotage national, pour remédier aux inégalités territoriales. Le dogme du maintien du lien avec les parents doit notamment être revu.
L'amélioration du suivi de l'enfant placé est indispensable. La proposition de loi renforce le projet pour l'enfant et l'information des familles d'accueil. La formation des acteurs doit être améliorée. La nomination d'un médecin traitant est bienvenue, tout comme la proposition par le juge d'un administrateur ad hoc, chargé de représenter les intérêts du mineur.
Je regrette toutefois l'absence de proposition sur la prise en charge des fratries et le silence du texte sur les moyens financiers et humains de la protection de l'enfance. Vu le contexte budgétaire, les inégalités territoriales risquent de progresser. Nous aurions aimé voir réaffirmé le rôle central de l'État, seul à même de garantir l'égalité de traitement.
En fait de prévention, la PMI se voit fragilisée par la dilution de ses missions. La question de l'autonomisation et de l'insertion professionnelle des jeunes de l'ASE aurait aussi mérité d'être abordée, tout comme celle de la situation d'extrême fragilité des mineurs étrangers isolés. Songez à ces lycéens sans papiers qui vivent la peur au ventre... Certains élus, notamment au conseil général du Val-de-Marne et au conseil régional d'Île-de-France, ont mis en place un système de parrainage pour leur permettre de poursuivre leurs études en France. Je salue l'action du réseau Éducation sans frontières, qui oeuvre pour mettre fin aux expulsions. Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.
Le groupe CRC souhaite enrichir ce texte, nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Claude Dilain applaudit aussi)
M. Jean-Noël Cardoux . - Chacun reconnaît que la loi de 2007, que nous devons à Philippe Bas, ici présent, est un bon texte - certes perfectible. En matière de protection de l'enfance, les départements - dont l'existence même, faut-il le rappeler ? est menacée -, sont chefs de file, et pilotent le dispositif, plutôt bien. Je rends hommage aux assistants familiaux et maternels, trop peu reconnus, qui exercent une mission difficile et côtoient au quotidien les pires situations.
Ce texte émane d'un excellent rapport de Mmes Meunier et Dini. Nous considérons, au groupe UMP, que sa transposition dans la loi n'est pas aboutie : elle aurait mérité plus de recul, et une véritable étude d'impact. Sur l'adoption, une remise à plat s'impose, comme le propose le président Milon. Cette proposition de loi arrive six mois après le dépôt du rapport, seulement ; nous aurions pu prendre plus de temps. Je salue toutefois le travail de la commission ; sur l'adoption, les amendements de M. Pillet ont été adoptés à l'unanimité de la commission.
L'article premier crée un conseil national de la protection de l'enfance. Mieux vaudrait s'appuyer sur l'Observatoire national de la protection de l'enfance qui existe déjà.
L'article 2 traite de la formation, mais pourquoi les conseils généraux financeraient-ils la formation d'agents de l'État ? Il serait plus simple de s'appuyer sur l'observatoire départemental de l'enfance pour assister, simplement, la formation des agents départementaux.
L'article 4 prévoit un médecin référent en PMI. C'est bien, mais cela se heurtera à la désertification médicale dans nos territoires...
L'article 7 crée une commission pluridisciplinaire - qui exigera la création de quatre ETP. Une usine à gaz, a dit un président de conseil général de l'actuelle majorité...
L'article 8, qui prévoit l'intervention du juge sur le lieu d'accueil, traduit une certaine défiance envers les services de la PMI...
Toutes ces obligations nouvelles imposées à des départements exsangues et menacés auraient mérité une réflexion approfondie, une concertation avec l'ADF. Ces nouvelles charges sont-elles d'ailleurs compatibles avec l'article 72-2, qui prévoit la compensation des transferts de charges aux collectivités locales...
Le groupe UMP, fort modéré, s'en tiendra à proposer de supprimer des articles qui créent le plus de charges pour les départements.
L'enfer est pavé de bonnes intentions... Si nos amendements sont adoptés, nous voterons le texte. Mais en l'état, nous ne pouvons l'approuver. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Claude Dilain . - Après la loi de 2007, Mmes Meunier et Dini ont proposé un rapport d'information, adopté par la commission des affaires sociales. Une proposition de loi en a découlé, reprenant les suggestions les plus opportunes et consensuelles. Cette proposition de loi doit nous rassembler, car la protection de l'enfance fait l'objet d'un consensus évident. Tous, nous voulons protéger les enfants. Pourtant, légiférer sur ce sujet reste un exercice difficile.
Le souci du bien-être de l'enfant ne date réellement que du XIXe siècle. Il a fallu attendre le 23 décembre 1874 pour que soit votée la première loi relative à la protection des enfants et des nourrissons. Auparavant, les enfants étaient plutôt perçus comme une gêne, par les familles aristocratiques, qui confiaient leur progéniture à une nourrice, comme par les familles populaires, où abandons et infanticides n'étaient pas rares. Longtemps, le père a eu droit de vie et de mort sur ses enfants. L'instinct maternel ou paternel n'est pas inné, comme l'a démontré Élisabeth Badinter.
Deux philosophies de la protection de l'enfance s'opposent : celle qui prône le maintien des liens familiaux, celle qui privilégie la rupture. La maltraitance nous émeut - attention, car l'affect n'est pas bon conseiller en matière de législation.
La création d'un conseil national de la protection de l'enfance est indispensable, mais il doit se nourrir d'informations recueillies au niveau départemental.
C'est pourquoi je préconise des commissions départementales de la protection de l'enfance.
Je propose aussi de remplacer la formule classique « l'âge du discernement » par celle du « degré de maturité ». L'enfant discerne à tout âge ! Traduisons juridiquement cette réalité.
Cette proposition de loi est courageuse. Nul doute que le Sénat saura en débattre sereinement, avec pour seul objectif le bien-être de l'enfant. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Mouiller . - La loi de 2007 est une bonne loi, même si elle peut paraître incomplète. En matière de protection de l'enfance, la main du législateur doit intervenir avec prudence et après mûre réflexion.
Or cette proposition de loi n'est pas totalement aboutie : nous n'avons pas tous les éléments pour prendre des décisions. Nous ne pouvons légiférer sous le coup de l'émotion. Je salue le travail de M. Pillet, qui a éclairé la réflexion de la commission des affaires sociales sur certains principes juridiques essentiels. Certains n'ont pas vocation à être remis en cause dans un tel texte. Ainsi de la procédure de consultation des documents administratifs.
Il ne nous a pas paru opportun de modifier le régime de l'adoption simple. Celle-ci est révocable mais l'article 370 limite la demande de révocation aux mineurs de plus de 15 ans. La proposition de loi rendait irrévocable l'adoption simple. Le sujet doit être traité dans son ensemble. Nous préférons supprimer les articles concernés et demander une étude sur la question. Nous proposons aussi la suppression de l'article 21, sur l'exclusion des parents de la succession de leur enfant en cas de crime ou délit à son encontre. Nous regrettons aussi le maintien de l'article 20, sur le retrait automatique de l'autorité parentale.
Le vote de notre groupe dépendra du sort réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Jacques Bigot . - La loi de 2007 a marqué un progrès indéniable, salué sur tous les bancs.
M. Charles Revet. - Bravo, monsieur Bas !
M. Jacques Bigot. - Nous avons à l'égard de nos enfants des responsabilités sociales incontestables. La protection de l'enfance ne concerne pas que les enfants maltraités mais aussi ceux qui ont eu le malheur de naître de parents incapables d'exercer l'autorité parentale. La Convention internationale des droits de l'enfant confère à tous les enfants le statut de personne. La lourde responsabilité de la protection de l'enfance est portée par les conseils généraux. Elle induit des charges considérables. Mais les services sociaux sont-ils ceux qui veillent le plus aux économies à réaliser ? La pluridisciplinarité est indispensable. Ce n'est pas la bonne volonté qui fait la qualité du travail. Les travailleurs sociaux revendiquent leur liberté de conscience et le secret professionnel. La pluridisciplinarité peut être très utile.
Soyons humbles : ce n'est pas les lois que nous faisons qui assureront aux enfants le bonheur et l'éducation. Le conseil national n'est pas un lieu de recentralisation mais un lieu de regard. Le projet pour l'enfant vise à apporter aux enfants un environnement aussi stable que possible. L'évolution de la parentalité nous invite à repenser l'adoption. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie . - Madame Doineau, je partage avec vous l'idée que l'accumulation des schémas, etc., est souvent un obstacle à l'action. Ce texte, loin de suraccumuler, simplifie plutôt et donne aux départements et aux professionnels des outils adaptés.
Ce n'est pas un texte sur l'adoption, sujet sur lequel nous menons un travail, en particulier avec le ministère des affaires étrangères pour l'adoption à l'étranger.
Madame Archimbaud, une bonne nouvelle : l'étude que vous avez citée, qui fait état d'une hausse de 43 % des faits d'abandon et de maltraitance, s'explique par le changement des indicateurs.
Oui, madame Cohen, la crise explique bien des choses. La pauvreté est une maltraitance sociale ! Il n'y a pas de mineurs isolés étrangers expulsables tant qu'ils sont mineurs. Notre système est très protecteur.
La PMI est un acteur de la protection de l'enfance mais pas le seul. Nous avons mis en place un groupe de travail sur l'articulation entre PMI et protection de l'enfance dans les départements.
Merci à M. Dilain et à M. Bigot pour leurs interventions. Pour le reste, je répondrai lors de l'examen des articles.
Mes services ont été à la disposition de Mmes Meunier et Dini et je me sens, sur cette proposition de loi, tout à fait aidante. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales . - Le Gouvernement a déposé lundi 6 amendements ; Mme la ministre a pris l'attache de la commission en amont, pour en présenter la teneur. Ce souci de concertation est assez rare pour être salué.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°20 rectifié bis, présenté par MM. Cardoux et Mouiller, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mmes Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau et MM. Morisset, Pinton, D. Robert et Savary.
Supprimer cet article.
M. Jean-Noël Cardoux. - Il est illusoire d'imaginer qu'une nouvelle instance nationale va permettre de piloter un dispositif de protection de l'enfance entièrement décentralisé et de la compétence des départements depuis 1983.
Cet article est redondant avec l'article 3 qui maintient la nouvelle dénomination de l'« Observatoire national de la protection de l'enfance ».
Est-ce le choc de simplification tant attendu ? Mon amendement, lui, y contribue.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis favorable. À titre personnel, j'y suis défavorable, puisqu'il s'agit de l'un des axes majeurs de la gouvernance de la protection de l'enfance voulue par la proposition de loi.
La redondance que vous alléguez n'est pas avérée, car le conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) aura davantage un rôle d'évaluation et d'orientation. Le modèle est celui du Haut Conseil de la famille, qui fonctionne très bien. Pour mutualiser davantage, le CNPE pourrait remplacer le Comité interministériel de l'enfance maltraitée et le Conseil technique de la prévention spécialisée.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. - Je comprends la première réaction que l'on peut avoir face à la création d'une telle instance. En travaillant sur l'évaluation de la loi 2007, j'ai beaucoup rencontré les présidents de conseil général - je les ai réunis tous le 12 novembre -, toutes appartenances politiques confondues, tous confrontés aux mêmes constats : le besoin d'échanges, de pilotage national, régalien et décentralisé ; ils rejoignent en cela les professionnels qui travaillent en tuyaux d'orgue et expriment les mêmes besoins. Je souhaiterais que l'on donne une chance à ce nouvel outil, dont les compétences ne recouvrent pas celles de l'ONPE. Avis défavorable, donc, tout en étant consciente de l'utilité d'un rapprochement.
À la demande du groupe UMP, l'amendement n°20 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n° 85 :
Nombre de votants3 | 40 |
Nombre de suffrages exprimés3 | 40 |
Pour l'adoption18 | 7 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté et l'article premier est supprimé
Les amendements nos14 rectifié ter et 24 rectifié deviennent sans objet.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par MM. Cardoux et Mouiller, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mmes Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau et MM. Morisset, Pinton, D. Robert et Savary.
Supprimer cet article.
M. Jean-Noël Cardoux. - La portée de cet article est extrêmement large puisque les personnes visées par l'article L. 542-1 du code de l'éducation sont « les médecins, l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels enseignants, les personnels d'animation sportive, culturelle et de loisirs et les personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale ».
La proposition de loi est muette sur le financement de ces formations : autant dire que les départements subiront un transfert de charges. On dit qu'on trouvera une solution... Ils ont déjà été tellement échaudés...
M. Charles Revet. - C'est peu dire !
M. Jean-Noël Cardoux. - ... que nous préférons prendre les devants.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est dommage !
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - La commission des affaires sociales a donné un avis favorable. À titre personnel, j'y suis défavorable. S'agissant de prévention, il faut repérer les signaux éventuels de maltraitance et de danger. De quels transferts parlez-vous ? Dans les départements où cela fonctionne bien, c'est ainsi que les choses se passent ; ainsi à Nantes, où j'assistais récemment à une réunion au CHU à propos des bébés secoués, tous les professionnels étaient présents. Les formations sont financées sur les crédits de droit commun. On a tout intérêt à décloisonner. Je n'y vois nul transfert de charges.
M. Charles Revet. - Vous le dites vous-même, cela fonctionne déjà !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. - Il y a un malentendu dans la méthode. Vous traquez tout ce qui pourrait créer des charges supplémentaires aux départements mais il ne s'agit ici que de meilleure organisation du travail, source potentielle d'économie.
La loi de 2007 est très inégalement appliquée sur le territoire. En matière de formation, 60 % des départements n'ont pas mis en place l'obligation d'évaluation qui leur est faite. Nous voulons les inciter à appliquer la loi. De même, il n'y a que 10 % d'enfants qui bénéficient du projet pour l'enfance. Je ne crée pas de droit opposable en la matière, je veux voir avec les départements comment atteindre les objectifs de la loi de 2007. Soyons donc plus positifs ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. René-Paul Savary. - Je tiens à vous faire part des difficultés qui remontent du terrain. Ce n'est pas en légiférant qu'on changera les choses... Tout dépend des volontés locales et, surtout, des moyens des départements, qui peinent à avoir le personnel nécessaire et correctement formé. La Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) non plus n'a pas le personnel suffisant pour faire face à ses responsabilités. Ce qui est important, c'est que les gens travaillent ensemble et il faut surtout clarifier qui fait quoi. Ainsi, sur les mineurs étrangers isolés, nous sommes toujours en manque de formation adéquate malgré la loi.
J'ajoute que se pose le problème de la radicalisation. On voit des bénéficiaires du RSA qui changent de comportement mais on ne trouve pas le moyen de signaler sans dénoncer, sans tromper la confiance. Les procureurs sont davantage attentifs. Ils demandent aux travailleurs sociaux d'aller voir les familles. Mais ceux-ci ne peuvent intervenir qu'à la demande des familles. N'inversons pas les choses ! Nous avons besoin de moyens et de plus de personnel pour obtenir des résultats, de mettre davantage d'huile dans les rouages. La loi n'y peut rien, hélas !
Mme Nicole Bricq. - Vous remettez le couvert sur la répartition des compétences des départements... Or vous n'avez à aucun moment abordé le sujet à propos de la loi NOTRe. Vous prenez le problème à l'envers : cette compétence ne vous a jamais été déniée mais vous ne voulez pas l'exercer. (M. Charles Revet s'exclame) Choisissez vos priorités ! Je considère que la protection de l'enfance, le signalement sont une priorité. Nous sommes confrontés à ce problème régulièrement. Il faut voter contre votre amendement.
Mme Laurence Cohen. - On dépasse largement le cadre de cet article. Ne revenons pas au débat sur la loi NOTRe. Cet article instaure un bilan annuel des formations continues. Comment le législateur s'y opposerait-il ?
J'entends vos inquiétudes sur le financement de ces formations. Peut-être un sous-amendement serait-il opportun pour clarifier ce point mais supprimer cette évaluation ne me paraît pas approprié. Nous ne vous suivrons pas.
M. Philippe Bas. - Cet amendement supprime une disposition qui n'a rien de très substantiel. Sa portée est assez difficile à apprécier. S'il s'agit de dire tout l'intérêt d'une formation des professionnels de la protection de l'enfance, nous tomberons vite d'accord... Mais qui sont, au juste, ces professionnels ? Ceux de l'ASE, ceux de la PJJ qui ne concernent pas les départements, les enseignants, les médecins... Bref, le champ d'application est difficile à appréhender. Il y a deux catégories : les agents des départements et les autres. Nous avons déjà des formations en direction des premiers et un bilan social, je ne vois pas l'utilité de mettre à la charge des départements un document supplémentaire. L'instrument de pilotage des formations existe. Quant aux autres, c'est une tâche impossible que l'on assignerait aux départements, d'élaborer des formations d'un personnel aussi divers. Ou cette disposition est sans grande portée, ou elle est d'application très difficile. On ne fera pas progresser la protection de l'enfance en se payant de mots. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Élisabeth Doineau. - Pourquoi écrire un tel article dès lors que la loi de 2007 doit s'appliquer ? Si elle ne l'est pas, il doit être possible de multiplier les contrôles... En Mayenne, l'Igas, la Cour des comptes nous ont beaucoup apporté pour améliorer nos formations et nos méthodes. La réalité, c'est que les départements manquent de moyens.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. - J'ai été, au siècle dernier, médecin et vice-président du conseil général du Vaucluse chargé de l'action sociale. J'ai un jour constaté la maltraitance, par sa mère, d'un enfant qui portait des marques de fer à repasser dans le dos... À la suite de l'hospitalisation de l'enfant, signalement fait, celui-ci est mort. Sa mère a été condamnée, et j'ai été poursuivi pour signalement incorrect. Cette expérience m'a meurtri. Vice-président du conseil général, j'ai mis en place un système de protection de l'enfance dès 1992 avec les enseignants, les juges, les médecins, les éducateurs sportifs, tous les professionnels, pour leur demander de travailler ensemble sur les signalements.
L'article demande aux départements de réaliser un bilan des formations. Les crédits de formation pourraient être réorientés à cet effet, pour que les signalements soient efficaces et pour que ceux qui signalent soient protégés. Je vous demande d'adopter cet article. Lui opposer un argument financier n'est pas pertinent ; le supprimer serait humainement lamentable. (Applaudissements à gauche)
Mme Aline Archimbaud. - Oui, ces besoins de formation sont exprimés par tous les professionnels. Ne faisons pas la politique du pire. Il s'agit de faire en sorte que les professionnels soient plus efficaces. L'argument financier ne tient pas.
Mme Hermeline Malherbe. - Oui, on a besoin de ce bilan de formation. Il aurait pu être porté par les observatoires départementaux de la protection de l'enfance, mais les conseils généraux sont bien chefs de file. Les incidences financières de ce bilan sont négligeables.
L'ensemble du personnel agissant pour la protection de l'enfance est concerné. Tous les professionnels échangent au sein des ODPE. La suppression de cet article me paraît aberrante. C'est de la politique politicienne, qui a rarement peu cours ici... (Applaudissements sur les bancs socialistes, CRC, du RDSE et écologistes)
L'amendement n°21 rectifié bis n'est pas adopté.
(On s'en félicite à gauche)
L'amendement n°16 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Dilain et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le même article L. 226-3-1 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Des commissions pour la protection de l'enfance regroupant tous les acteurs concernés par la protection de l'enfance sont instituées sur le territoire départemental.
« Elles ont pour mission d'évaluer les pratiques et les outils statistiques afin d'harmoniser ces pratiques et de faire des propositions au Conseil national de la protection de l'enfance.
« La composition et les modalités de fonctionnement de ces commissions sont fixées par décret. »
M. Claude Dilain. - Les professionnels de la protection de l'enfance considèrent que les liens entre les différents services de la protection de l'enfance ne fonctionnent pas. D'où la création d'une commission départementale qui réunisse les différents acteurs, afin de dresser un bilan des bonnes pratiques.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Retrait ou rejet. Cela ferait doublon avec l'observatoire départemental de la protection de l'enfance.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Claude Dilain. - C'est dommage...
L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.
L'article 2 est adopté.