Questions cribles thématiques
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la réforme des rythmes scolaires à Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le thème a été choisi par le groupe UDI-UC.
Mme Corinne Bouchoux . - La circulaire du 19 décembre 2014, entrée en vigueur le 1er janvier, propose la généralisation des projets éducatifs territoriaux (PEDT) pour bénéficier du fonds spécial de soutien qui finance les activités périscolaires. Nous nous en réjouissons, d'autant que les initiatives des collectivités peuvent s'appuyer sur les services de l'État. Il ne s'agit pas uniquement de moyens financiers mais aussi de ressources locales, d'inventivité, de moyens humains. La mise en place d'une banque de ressources en ligne va dans ce sens. Un recensement des activités périscolaires peut-il être effectué afin d'échanger les bonnes pratiques ? Comment une évaluation de ces activités peut-elle être réalisée ?
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Veuillez excuser l'absence de Mme Vallaud-Belkacem, qui mène en ce moment les consultations préalables à la mise en oeuvre du plan cadre en faveur de la laïcité. Je m'engage à lui transmettre vos remarques et à vous répondre de mon mieux.
Cette circulaire de décembre 2014, élaborée en concertation avec tous les acteurs, a marqué une étape dans la construction des projets éducatifs territoriaux. Ceux-ci représentent un outil simple, et souple, garantissant la maîtrise par les élus et l'accompagnement par l'État. Comme vous le constatez, un groupe de suivi a été mis en place pour venir en aide aux petites communes. La banque de ressources, mise en ligne fin janvier, sera progressivement enrichie. Le développement de l'échange des bonnes pratiques est indispensable pour atteindre l'objectif ambitieux que nous nous sommes fixé : 100 % du territoire couvert par un PEDT.
Mme Corinne Bouchoux. - Les événements dramatiques de la semaine dernière ont mis en lumière l'intérêt d'activités fondées sur le vivre ensemble, la coopération, l'échange, et non pas sur la compétition. Elles existent déjà dans le Maine-et-Loire. Même s'il existe çà et là quelques problèmes...
M. Jean-François Husson. - Il y en a beaucoup !
Mme Corinne Bouchoux. - ... j'espère qu'on y arrivera partout...
M. Michel Le Scouarnec . - Penser l'école aujourd'hui, c'est penser la société de demain. À l'évidence, beaucoup reste à faire pour obtenir plus et mieux d'école. Les trois heures d'activités périscolaires coûtent 150 euros par enfant et par an. Malheureux ceux qui conjuguent les handicaps financiers aux handicaps géographiques. Quel est le bénéfice de la réforme pour l'enfant ? Ne fallait-il pas envisager une réforme plus globale, mieux concertée, plus respectueuse des rythmes de vie de l'enfant ? (Applaudissements sur les bancs CRC ; « Très bien ! » et applaudissements à droite)
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Vous avez raison, et nous le savons en ces temps dramatiques, l'école engage la société. Dès avril 2013, un groupe de travail a été mis en place pour évaluer la réforme des rythmes scolaires, de même qu'un pilotage serré des ministères de l'éducation et de la jeunesse, avec la Cnaf, ainsi que des études menées par l'Institut français de l'éducation.
L'impact sur l'emploi local est évalué entre 75 000 et 200 000 emplois. Il y a une forte attente en matière de formation et de professionnalisation. M. Kanner travaille à faciliter l'accès des jeunes aux diplômes professionnels d'animations : il y a là une filière d'avenir. Un premier bilan sera effectué fin juin 2015, le Premier ministre l'a annoncé.
M. Michel Le Scouarnec. - Merci de cette réponse précise. Les maires que j'ai rencontrés se disent inquiets de la fatigue des enfants...
Mme Catherine Procaccia. - Surtout en maternelle, c'est une catastrophe !
M. Michel Le Scouarnec. - J'ai été enseignant. Je sais que nous devons mieux gérer le temps des enfants...
M. le président. - Le nôtre aussi ! (Rires)
M. Michel Le Scouarnec. - Eh oui, c'est difficile... Plus que jamais, faisons vivre la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité !
Mme Françoise Cartron . - Les récents événements ont remis l'école au coeur du débat, parce que c'est le lieu par excellence d'apprentissage des valeurs républicaines, de l'esprit critique et de la tolérance. La réforme des rythmes scolaires doit proposer une ouverture sur le monde, qu'elle soit civique, culturelle, sociale et sportive. L'AMF, par la voix de son président, recommande d'inscrire des activités d'acquisition des valeurs républicaines dans les PEDT. La semaine dernière, la ministre de l'éducation nationale recommandait d'accueillir mieux toutes les activités proposées. Or les associations de jeunesse et d'éducation populaire, nous le savons, sont en difficulté. Comment le gouvernement compte-t-il les soutenir et les accompagner ? Leur travail, indispensable, est complémentaire de celui, remarquable, des enseignants. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Jusqu'à présent, sauf exceptions, les associations ont été, reconnaissons-le, trop peu sollicitées pour bâtir les PEDT. Les correspondants départementaux du collectif des associations partenaires de l'école publique apparaîtront sur le site de la banque d'informations en ligne. Les 22 associations concernées mobiliseront leur ingénierie, en lien avec les groupes d'appui départementaux des ministères.
La nouvelle action partenariale, que veut la ministre de l'éducation nationale, doit être soutenue financièrement. Dans le programme d'investissements d'avenir (PIA), 20 millions d'euros seront consacrés à l'apprentissage d'Internet. Il faut également faire plus de place à l'acquisition des valeurs républicaines, et l'AMF invite à les inscrire dans les PEDT ; un abondement de 10 millions d'euros a été annoncé par la ministre ce matin à cette fin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Françoise Cartron. - Merci pour cette réponse car ces associations apportent une ingénierie nécessaire aux petites communes et garantissent la qualité des intervenants chargés de diffuser les valeurs républicaines que nous remettons au coeur de l'école.
Mme Françoise Gatel . - Je me fais le porte-parole des élus. Nul ne peut contester que la réforme des rythmes scolaires, imposée, a creusé la fracture entre les mondes rural et urbain. Je regrette que le gouvernement se soit montré sourd aux mises en garde adressées par mes collègues centristes lors des débats parlementaires. (On le conteste sur les bancs socialistes). Une mission d'évaluation semble indispensable. En Ille-et-Vilaine, l'URSSAF décourage les maires de recourir à des auto-entrepreneurs... Sans quoi, cela sera requalifié en travail salarié, ce qui renchérira le coût de 45 %. Cette interprétation est-elle juste ?
M. le président. - J'engage chaque orateur à respecter son temps de parole, pour que tous les inscrits puisent être vus par les téléspectateurs.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Dès avril 2003, un comité national de suivi a été créé, des critères ont été définis. Le travail d'évaluation est long. Toutefois, à partir des 4 000 expérimentations menées, on peut conclure que les enseignements fondamentaux sont mieux positionnés avec une matinée supplémentaire.
Quant au recours aux auto-entrepreneurs, qui n'en sont pas moins qualifiés, nous nous employons à élucider cette question juridique. Nous avons saisi Mme Delga et je vous transmettrai sa réponse dès qu'elle me parviendra.
Mme Françoise Gatel. - Merci. Je souhaite que le gouvernement règle ce problème qui risque de concerner l'ensemble du territoire.
Mme Catherine Troendlé . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Après les incidents survenus dans les écoles lors de la minute de silence pour les victimes des attentats, je veux rappeler la place centrale de l'école dans la République. L'école instruit les enfants et leur transmet le respect des valeurs républicaines et le respect de la France. Il faut faire respecter les enseignants et les soutenir : le groupe UMP du Sénat s'est montré réactif en demandant la création d'une commission d'enquête. (« Très bien » à droite)
Plusieurs voix sur les bancs socialistes. - Nous aussi ! (Exclamations à droite)
Mme Catherine Troendlé. - D'après une enquête, 63 à 75 euros par élève et par an du coût des activités périscolaires restent à la charge des collectivités ; 29% d'entre elles prévoient des activités payantes, une simple garderie... ou rien du tout : où est l'égalité des chances ?
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Comme vous, nous voulons redonner l'espoir de la réussite à tous les enfants venant de tous les milieux.
Concernant les coûts des activités périscolaires, l'État s'est montré présent depuis 2013. Le fonds d'amorçage a été pérennisé en fonds de soutien, c'était un engagement du Premier ministre. Il s'agit d'une dotation de 400 millions. Une aide supplémentaire de 40 euros par enfant est versée aux communes d'outre-mer, comme à celles bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale « cible ».
Au-delà des moyens financiers, l'État se mobilise pour soutenir les élus. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; exclamations à droite)
Mme Catherine Troendlé. - Le fonds de soutien a été reconduit seulement après moult interpellations des parlementaires UMP. (On se récrie sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Sueur. - Tout le monde s'est mobilisé, à commencer par le groupe socialiste. (On le confirme sur les bancs socialistes ; protestations à droite)
Mme Catherine Troendlé. - Où est l'égalité des chances ? Vous ne m'avez pas répondu ! (Applaudissements à droite)
Mme Françoise Laborde . - Le fonds de soutien a été pérennisé mais le décret du 3 novembre 2014 distingue les activités périscolaires relevant directement des communes des activités extrascolaires du ressort des intercommunalités. Son application stricte entraînerait des conséquences fâcheuses. Comptez-vous assouplir ce décret afin que les communes puissent mieux articuler les deux temps ?
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Les activités organisées le mercredi après-midi qui relevaient de la catégorie périscolaire ressortissent désormais des activités extrascolaires. Nous avons entendu les élus qui attendaient cette évolution, vers plus de souplesse et de simplification, certains ont été surpris par les changements induits. Cependant, la compétence périscolaire est facultative. Aux élus de la partager.
L'année scolaire est déjà bien avancée et on ne peut bouleverser l'actuelle organisation. Avant la fin du mois de janvier, nous donnerons des instructions aux préfets afin qu'ils laissent de la souplesse jusqu'à la fin juin. Dans cette période transitoire, que chacun se prépare pour la rentrée suivante.
Mme Françoise Laborde. - Merci pour cette réponse. Outre le décret que vous avez cité, il faut aussi tirer les conséquences du décret du 7 mai 2014 autorisant des assouplissements. Si certaines communes ont organisé les activités sur deux après-midi, d'autres, contrairement à l'avis des chronobiologistes et à l'esprit de la réforme, les ont groupées le vendredi après-midi ce qui permet aux parents de substituer un enseignement religieux ou de prendre un long week-end...
M. Dominique Bailly . - La France, notre République, ont été visées au mois de janvier par des attaques terroristes. Cette séance est l'occasion de rappeler que l'école doit porter nos valeurs républicaines : liberté, égalité, fraternité.
Au cours de l'examen du budget 2015, le gouvernement a acté la pérennisation du fonds d'amorçage et la nécessité d'un PEDT.
Première question, si l'État a veillé à régler sa contribution, pour un tiers, avant la fin de l'année civile, pour deux tiers avant la fin de l'année scolaire, les versements de la CAF, intervenant une année après, peuvent entraîner des problèmes de trésorerie. Quelles améliorations envisager ?
Le PEDT, outil intéressant, est lourd à construire. Concrètement, comment s'organisera l'accompagnement de l'État qui vient d'être annoncé ?
Enfin, quelle évaluation des recrutements réalisés qui amènent à jongler entre souplesse et règles de la fonction publique ? (M. Jean-Pierre Sueur applaudit)
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - L'État a versé rapidement ses aides. Au titre de l'exercice 2014-2015, 22 500 communes ont déjà reçu 124 millions d'euros et recevront 256 millions d'euros au mois de mars prochain. La CNAF s'est engagée à faire mieux en simplifiant ses procédures.
Concrètement, l'accompagnement de l'État prendra la forme de la mise en ligne des ressources de l'aide à l'élaboration des PEDT et de l'échange de bonnes pratiques.
Enfin, le CNFPT s'attache à répondre aux besoins des collectivités sur le recrutement des animateurs.
M. Dominique Bailly. - Je salue la réactivité du gouvernement. (On ironise à droite) Eh oui, quand il y a une volonté politique, la réussite est au bout du chemin. (Exclamations à droite ; applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements à droite) En ces temps difficiles, regardons la réalité en face. C'est dans le gouvernement républicain qu'on a besoin de toute la puissance de l'éducation, disait Montesquieu. Oui, l'école est au coeur de la République mais la réforme des rythmes scolaires était-elle une priorité ?
Le bénéfice du fonds de soutien, qui a été pérennisé après un long combat des parlementaires de l'UMP, (exclamations sur les bancs socialistes) est réservé aux seules communes mettant en place un PEDT. Et les autres ? La diffusion des valeurs républicaines et la laïcité, à mon sens, relèvent de l'État ; les enseignants ont besoin d'être formés pour pouvoir réagir aux évènements. Enfin, quelle évaluation de la réforme ? Quelle amélioration pour les enfants ? (Applaudissements à droite)
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - D'ici juin, nous aurons un premier bilan de la réforme. Les élus locaux craignant que le PEDT ne soit un outil complexe, le gouvernement a voulu les apaiser en leur apportant l'ingénierie nécessaire avec la mise en ligne des ressources
Je fais confiance à l'intelligence collective des élus, très mobilisés après les tragiques évènements que nous venons de vivre. Quant à la formation des enseignants, elle avait été réduite sous le quinquennat précédent.
Mme Françoise Cartron. - Quelle erreur !
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Elle a été rétablie, avec la formation des Espé (Applaudissements sur les bancs socialistes).
M. Jean-François Husson. - L'intelligence des élus, c'est celle de leurs associations La réforme des rythmes scolaires ne change rien au fait que 150 000 jeunes sortent de notre système scolaire sans diplôme. Ne gâchons pas nos énergies : le ministre de l'éducation nationale est d'abord celui de l'instruction publique.
M. Daniel Chasseing . - Maire d'une petite commune rurale, j'éviterai la polémique. J'ai tenu à titre personnel à appliquer dès le début la réforme des rythmes scolaires, malgré son coût de 150 euros par enfant et par an. Mais quelle aide pour les petites communes qui ne peuvent pas bâtir de PEDT ou dont le PEDT est jugé insuffisant ? Quid pour l'accueil loisirs sans hébergement ? Pérenniserez-vous l'aide de 50 euros par enfant après 2015? (Applaudissements à droite)
M. Dominique Bailly et Mme Françoise Cartron. - Mais oui !
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Merci pour vos propos liminaires. Le fonds d'amorçage a été pérennisé dans la loi de finances initiale pour 2015 sous le nom de fonds de soutien.
M. Dominique Bailly et Mme Françoise Cartron. - Très bien !
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Le Parlement a retenu le conditionnement de l'aide au PEDT. Cependant, la procédure n'est pas rigide. Nous voulons aider les communes rurales pour développer l'éducation civique et le sentiment d'appartenance à la République. Chacun a le souci du bon sens et de l'efficacité. Il n'y aura pas de solution unique sur le territoire.
M. Daniel Chasseing. - J'espère que l'aide de 50 euros sera reconduite au-delà de 2015. (Exclamations sur les bancs socialistes) Je ferai part de vos remarques en Corrèze lors des réunions avec les recteurs.
M. le président. - Avant de suspendre, je signale que, si nous ne changeons pas de braquet, la discussion sur le projet de loi NOTRe - sur lequel 376 amendements restent à examiner - pourra s'étirer jusqu'à samedi, voire lundi...
Les explications de vote, une par groupe, auront lieu mardi prochain. Pour le scrutin public qui suivra, une seule délégation de vote sera autorisée.
La séance est suspendue à 15 h 55.
présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
La séance reprend à 16 heures.