Commune nouvelle (Procédure accélérée - Suite)
Discussion générale (Suite)
M. François Baroin . - Cette proposition de loi est issue des travaux de l'AMF, alors présidée par mon prédécesseur, Jacques Pélissard. Au congrès de 2013, le bureau de l'Association avait demandé une relance de la commune nouvelle dont Michel Mercier avait été à l'initiative en 2010, puis une proposition de loi, validée par son bureau pluraliste avait été déposée par Jacques Pélissard à l'Assemblée nationale en janvier de cette année. C'est la seule réforme structurelle portée par une association dans le souci de l'intérêt général. Les communes ont toujours su s'adapter et la réforme territoriale ne pourra réussir qu'avec la mobilisation des élus locaux. Cette proposition sur la commune nouvelle prouve que les changements sont possibles avec eux.
Toute réforme de décentralisation doit reposer sur la liberté et la confiance...
Mme Catherine Deroche. - Très bien !
M. François Baroin. - La confiance et la liberté, c'est laisser le choix aux élus de la mutualisation, d'une mutualisation voulue et non subie. Il ne doit pas y avoir de schéma unique, de directive ou de circulaire. Cette réforme qui ouvre des potentialités engage une forme de révolution culturelle. Le principe de subsidiarité n'est pas un vain mot, c'est le principe même de la vie dans un bassin de population. La commune nouvelle replace le bloc communal au coeur de l'édifice institutionnel.
Mme Catherine Deroche. - Très bien !
M. François Baroin. - Elle confirme une fidélité à la commune appréciée des Français. Les maires sont les élus auxquels les Français font le plus confiance, ne les tourmentons pas.
Aux améliorations proposées par le Sénat, je proposerai d'en ajouter d'autres, notamment sur l'accueil des gens du voyage. (Applaudissements.)
M. Jean-Pierre Sueur . - Fusion de communes, communes associées, maires délégués, transformation d'EPCI en communes, tout a été essayé. Depuis la célèbre loi Marcellin de 1971, la panoplie d'outils est très riche. Pourtant, ils ont été peu utilisés. Pourquoi en a-t-il été ainsi ? Pourquoi y a-t-il plus de défusions que de divorces dans la vie civile ? La réponse, nous la connaissons tous : depuis la loi du 14 décembre 1789, une des grandes lois de la République, les Français ont la commune au coeur. On nous dit que 36 000 communes c'est trop ; que nous en avons plus que partout ailleurs en Europe ; mais la France est la France.
Les communes, ce sont 550 000 conseillers municipaux qui connaissent chaque école, chaque commerce, chaque maison, chaque coin de rue. Les fantassins de la démocratie sont d'un dévouement sans limite. À considérer les heures qu'ils passent à exercer leur mission, leurs indemnités, pour ceux qui en touchent, sont faibles...
La voie française, pour l'avenir, c'est l'intercommunalité avec les lois de 1992 et de 2001. Tout notre territoire en est couvert. Et, fait important, 90 % par le volontariat. Nous respectons les préfets ; mais l'intercommunalité n'aurait pas tant prospéré si l'intercommunalité n'allait pas de pair avec le respect de la cellule de base de la démocratie qu'est la commune. Il faut soutenir et renforcer l'intercommunalité. Nous parlerons demain du projet de loi NOTRe ; drôle de nom ; enfin, c'est déjà un pluriel... Ce texte, à mon sens, doit bâtir une France dotée de régions fortes et d'intercommunalités fortes. C'est là l'avenir. Le sort du département devra être réglé de manière pragmatique, au cas par cas. Respectons cette intuition qui est également celle de ce texte : les communes sont le coeur battant de la démocratie.
Je salue mes collègues députés Pélissard et Le Roux, leur texte concerne surtout les petites et moyennes communes. Vouloir l'appliquer à de grandes agglomérations pour réaliser des économies serait irréaliste et illusoire pour qui connaît la réalité et l'attachement des Français à leur ville.
Il faut l'appliquer là où des rationalisations sont possibles et nécessaires dans le monde rural. Si les élus y croient, comme ils ont cru à l'intercommunalité, des créations de communes nouvelles se feront, indépendamment des incitations financières, même si celles-ci sont bienvenues.
Pour finir, je note que le maintien des élus au sein du conseil municipal de la commune peut avoir des conséquences singulières : si dix communes fusionnent, il faudra réquisitionner la salle de fête... Ce sera un véritable parlement, une expérience dont nous pouvons tirer profit et qui procède de la souveraine liberté des Françaises et des Français. (Applaudissements)
M. Jean Desessard . - Les communes françaises représentent 41 % du total des communes de l'Union européenne ; 31 539 d'entre elles, soit 85 %, comptent moins de 2 000 habitants. En moyenne, elles sont constituées de 1 750 habitants, contre 4 100 en Europe. Depuis les années 1960, nos voisins ont procédé à des réformes. Entre 1950 et 2007, la Suède a réduit ses communes de 87 %, le Royaume-Uni de 73 %, la Belgique de 65 % et l'Allemagne de 41 % ; la France, seulement de 3 %. C'est parce que nous avons choisi, avec les lois Marcellin de 1971 et la réforme de 2010, le volontariat et la voie de l'intercommunalité plutôt que celle de la fusion.
Cette proposition de loi s'inscrit dans cette tradition forte : maires délégués maintenus comme des maires adjoints, respect des spécificités urbanistiques avec des plans de secteur, maintien des dotations pendant trois ans. La transition se fera ainsi en douceur
Les écologistes qui veulent renforcer l'intercommunalité, les régions et l'Europe ne veulent pas supprimer l'échelon communal...
Mme Jacqueline Gourault. - Très bien !
M. Jean Desessard. - ... parce que c'est un espace démocratique au plus près des citoyens. Nous voterons ce texte qui préserve cet espace sans empiéter sur le principe de libre administration des communes. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes, au centre et à droite)
M. Jean-Pierre Bosino . - Ce texte améliore le régime de la commune nouvelle « pour des communes fortes et vivantes » ... mais bientôt disparues. Nous refusons de partager le consensus qui règne depuis tout à l'heure autour d'une mesure de bon sens.
Cette loi s'inscrit dans le prolongement de textes qui ont connu un échec patent. Les défusions se poursuivent... Quatre ans après la réforme de 2010, treize communes nouvelles regroupant 35 communes ont été créées. Voilà que nous remettons le couvert pour, selon la rapporteure de l'Assemblée nationale, lever des obstacles institutionnels, financiers, voire psychologiques. Soit, mais à l'AMF, de nombreux maires, et M. Baroin ne me désavouera pas, se sont plaints de cet acharnement à faire disparaître les communes.
Mme Jacqueline Gourault. - Ce n'est pas le but de ce texte !
M. Jean-Pierre Bosino. - Ce texte ne se contente pas d'améliorer la loi de 2010 : il faut le replacer dans son contexte.
La baisse des dotations mine l'investissement local, dernier rempart contre la crise systémique que nous traversons. Cette baisse n'est pas ponctuelle mais conforme à la loi de programmation des finances publiques : moins 27 % d'ici à 2019. De plus, la loi NOTRe, avec l'élargissement des périmètres intercommunaux, rendra nécessaire des ajustements.
Les problèmes sont connus. Mais les solutions apportées ne sont pas à la hauteur. Le débat autour des communes est ancien. Sous la Révolution, le marquis de Condorcet prônait déjà le regroupement des villages par souci de notabilisation, tandis que Mirabeau soutenait la transformation des 44 000 paroisses en autant de communes.
En quoi l'existence de 36 000 communes pose-t-elle un problème ? Elles sont le premier échelon de la démocratie. On souhaite favoriser la coopération. La fusion ce n'est pas la coopération !
De même, le maintien des dotations n'est pas garanti au-delà de la période transitoire. De plus, mécaniquement, plus il y aura de communes nouvelles, plus les autres communes seront pénalisées financièrement, avec le risque de voir les services publics livrés encore davantage au privé. C'est pourquoi le groupe CRC ne votera pas cette proposition de loi.
M. Jacques Mézard . - Beaucoup de gouvernements ont cherché à réduire le nombre des communes, tous ont échoué. Nos concitoyens sont attachés aux communes. La loi Marcellin s'est soldée par des divorces ô combien conflictuels. La loi de 2010 a créé 19 communes nouvelles sur 36 000 communes, loin de l'enthousiasme espéré...
D'où ce texte que le groupe RDSE soutient avec quelques réserves.
Il est plus facile de créer des communes nouvelles lorsqu'elles sont proches du bourg-centre. Dans les zones rurales, où les communes sont éloignées, celles-ci craignent d'être oubliées. Nous devons respecter la liberté des conseils municipaux, faire confiance à l'intelligence territoriale. Ce qui freine les initiatives des élus, c'est la multiplication des normes, l'empilement des schémas de toute nature, la bureaucratie.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - C'est certain !
M. Jacques Mézard. - Il faudrait simplifier, mais on n'en prend pas le chemin...
L'avenir c'est l'intercommunalité. Il faut faciliter le transfert des compétences.
Les intercommunalités doivent correspondre aux bassins de vie, ce qui n'est nullement possible avec l'imposition d'un seuil de population arbitraire se surajoutant au désastreux binôme cantonal...
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - « Désastreux », c'est le mot !
M. Jacques Mézard. - On n'attire pas les mouches avec du vinaigre... Il y a des incitations financière, avec une friandise : la majoration de la dotation forfaitaire de 5 %. C'est contradictoire avec le principe de rationalisation parce que la commune nouvelle n'apporte pas de nouveaux services et c'est inéquitable parce que cette majoration s'inscrit au débit des autres communes.
Le RDSE votera ce texte, mais sans illusions sur son efficacité. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)
M. Henri Tandonnet . - Je salue l'initiative de M. Mercier, rapporteur de ce texte, qui a défendu la réforme de 2010 et qui s'est fait élire dans sa commune nouvelle.
La réforme territoriale du Gouvernement ne traite pas du regroupement des communes. La proposition de loi se fonde sur le volontariat. Le regroupement est un outil d'avenir qui permet de réaliser des économies, tout en sauvegardant les identités communales. Les maires délégués des petites communes seront libérés des contraintes administratives pour mieux se consacrer à leurs missions de proximité. Cette réforme ne concerne pas que les grandes communes, mais aussi les communes rurales.
Les petites intercommunalités structurées autour d'un bourg-centre et d'un bassin de vie ne seront pas obligées de se dissoudre dans une grande intercommunalité.
Le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi qui répond à la diversité des territoires. Je salue les assouplissements qu'elle apporte, notamment la composition du nouveau conseil municipal pendant la période transitoire, ou la désignation, de droit, des maires délégués comme adjoints de la commune nouvelle. Les mesures financières sont opportunes. Les 600 maires qui ont participé à un atelier lors du dernier congrès ont manifesté un grand intérêt et le volontariat les rassure. Nous voterons ce texte qui donne de nouvelles marges de manoeuvre aux élus. (Applaudissements)
Mme Catherine Deroche . - Le texte était attendu. Dans mon département de Maine-et-Loire, on compte trois communes nouvelles, dont Baugé-en-Anjou. La commune nouvelle doit être un outil souple, fondé sur le volontariat, de rationalisation financière et administrative. Les élus s'y intéressent. Le sujet revient dans chacune des réunions auxquelles je participe. Je veux insister sur la transformation des maires délégués en adjoints, un bon point car cette disposition dissipe la crainte d'une perte d'identité.
Le maintien des dotations pendant trois ans est essentiel pour accompagner les maires pendant le processus de fusion. Un délai supplémentaire au-delà de 2016 serait cependant bienvenu ; une commune nouvelle ne se fait pas en un jour et les équipes municipales viennent tout juste d'être renouvelées.
Le groupe UMP votera ce texte.
Mme Jacqueline Gourault. - Très bien !
(Applaudissements)
M. Mathieu Darnaud . - Si le maire a la mission de dessiner l'avenir de sa commune, le Sénat a vocation à veiller sur celui de toutes les communes de France. Ce texte tombe à point nommé et donne un nouveau souffle à l'institution communale. À l'heure où, sous prétexte de simplifier, on nous propose une organisation territoriale à la géométrie complexe, ce texte redonne une légitimité à la cellule de base de la démocratie territoriale, pour laquelle l'attachement des citoyens ne s'est jamais démenti. La commune est un élément d'identité, les citoyens s'identifient à leur ville ou leur village.
Toutefois, en dessous d'un certain seuil de population, la mutualisation est nécessaire pour garantir le maintien des services publics. Une vingtaine de communes, en Ardèche, a déjà franchi le pas de la fusion. Ce texte autorise un équilibre entre l'efficacité de la commune nouvelle et les communes déléguées, garantes de la proximité et gardiennes de la mémoire.
L'approche, fondée sur le volontariat, est l'inverse de celle de la loi NOTRe, qui enjambe les réalités humaines et géographiques. Ce texte est le fruit d'un consensus nourri par l'expérience locale. Je salue M. Pélissard, auteur de ce texte intelligent et pragmatique. (Applaudissements)
La discussion générale est close.