Lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de l'amendement n°56 à l'article premier.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE PREMIER (Suite)
Mme la présidente. - Amendement n°56, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - J'insiste : il ne s'agit pas pour nous de faire preuve d'angélisme. La Commission nationale consultative des droits de l'homme elle-même juge cet article vague et de nature à porter gravement atteinte à la liberté d'aller et venir. Le syndicat de la magistrature juge, lui, son assise fragile : une intention, une infraction pénale à venir dans un pays étranger, un trouble potentiel au retour sur le sol français... Traditionnellement, l'autorité judiciaire a le monopole des décisions d'interdiction de sortie du territoire sur la base d'une mise en examen et selon une procédure contradictoire conforme aux exigences européennes et constitutionnelles. J'ajoute que l'étude d'impact ne comporte aucun élément chiffré sur la charge supplémentaire ni sur le nombre de recours possibles. Or on sait les dégâts de la RGPP et de la MAP.
En l'état, cet article premier porte une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Une large majorité de la commission a approuvé cet article et a renforcé les garanties : avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Avis défavorable pour les raisons précédemment exposées.
L'amendement n°56 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°35 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Lepage et Conway-Mouret.
I. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
Tout ressortissant
par les mots :
Toute personne résidant légalement sur le territoire
II. - Alinéas 11, 12, première phrase, et 14
Après les mots :
d'identité
insérer les mots :
ou de son titre de séjour
M. Jean-Yves Leconte. - Si le dispositif est utile pour les ressortissants français, pourquoi ne le serait-il pas pour les étrangers résidant légalement sur notre territoire ? L'interdiction de sortie du territoire est une mesure préventive. Notre suggestion est conforme à deux résolutions du Conseil de sécurité qui demandent aux États de mettre en oeuvre des dispositions de nature à éviter l'arrivée de djihadistes sur les lieux de combat.
Quid des familles dont tous les membres n'ont pas la nationalité française ? Le cas peut se présenter. Certains seraient expulsés, d'autres frappés d'une interdiction de sortie du territoire ? Toutes les personnes résidant sur le territoire de la République sont sous le contrôle de la République.
Mme la présidente. - Amendement n°27 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
ressortissant français
par le mot :
Français
M. Jacques Mézard. - Rédactionnel : le mot « ressortissant » n'est pas adapté car il implique la présence d'un État ou d'une juridiction étranger.
Mme la présidente. - Amendement n°72, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'interdiction de sortie du territoire emporte dès son prononcé et à titre conservatoire l'invalidation du passeport et de la carte nationale d'identité de la personne concernée ou, le cas échéant, fait obstacle à la délivrance d'un tel document. L'autorité administrative informe la personne concernée par tout moyen.
« Dès notification de l'interdiction de sortie du territoire, et au plus tard dans les vingt-quatre heures à compter de celle-ci, la personne concernée est tenue de restituer son passeport et sa carte nationale d'identité.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Cet amendement donne un effet immédiat à l'interdiction de sortie du territoire dès avant sa notification pour éviter que le délai de notification, potentiellement de quatorze jours, permette à la personne concernée de s'y soustraire en quittant le territoire.
Mme la présidente. - Amendement n°40, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 11
1° - Supprimer les mots :
et de la carte nationale d'identité
2° - Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle peut également emporter le retrait de la carte nationale d'identité de la personne concernée ou, le cas échéant, faire obstacle à la délivrance d'un tel document.
Mme Esther Benbassa. - Le retrait de la carte d'identité ne doit être qu'une faculté, envisagée au cas par cas.
Mme la présidente. - Amendement n°60, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Alinéa 11
Supprimer les mots :
et de la carte nationale d'identité
Mme Éliane Assassi. - Au vu des amendements déposés à l'Assemblée nationale, il nous semble que cette disposition est un signal dangereux adressé à ceux qui prônent la déchéance de nationalité et la stigmatisation toujours plus importante de certaines catégories de la population.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Priver de liberté de mouvement les ressortissants étrangers qui veulent revenir dans leur pays d'origine est impossible, monsieur Leconte. La prévention relève de la coopération judiciaire, qui est en route.
Avis favorable à l'amendement n°27 rectifié. Même avis à l'amendement n°72 du Gouvernement, qui est dans la logique du dispositif. Il est à craindre que la personne cible de l'interdiction de sortie du territoire ne retire pas le recommandé notifiant celle-ci. La commission a écarté les amendements nos40 et 60 ; la carte d'identité est un document de sortie.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Le cas des étrangers résidant en France et soupçonnés de vouloir participer à une entreprise terroriste est déjà traité ; les mesures d'éloignement du territoire sont quasi systématiques. Défavorable à l'amendement n°35 rectifié.
Avis favorable à l'amendement n°27 rectifié, défavorable aux amendements de Mmes Assassi et Benbassa, qui rendraient notre dispositif inopérant.
L'amendement n°35 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°27 rectifié est adopté.
L'amendement n°72 est adopté.
Les amendements nos40 et 60 deviennent sans objet.
Mme la présidente. - Amendement n°67, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser
par les mots :
lorsqu'ont été rassemblées des preuves matérielles concordantes démontrant
Mme Leila Aïchi. - Le risque terroriste est réel ; la France doit protéger ses citoyens. Je ne cède ni à l'angélisme ni à l'idéologie : je suis légaliste. Confier des pouvoirs démesurés à l'administration n'est pas la solution. L'interdiction de sortie du territoire est une procédure sans procès équitable. Il faut remonter à 1793 et à la Terreur pour trouver une sanction d'une telle sévérité. Les bases du dispositif sont hasardeuses : une intention, une infraction à venir à l'étranger, un trouble potentiel... Que sont des « raisons sérieuses de penser» ? Pourquoi avoir écarté le juge judiciaire, garant des libertés publiques, dont vous défendiez pourtant le rôle, monsieur le ministre, lors de l'examen de la Lopsi ? (M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur, s'exclame) Ce dispositif est attentatoire à la liberté d'aller et venir, contraire à l'exigence du procès équitable, disproportionné, incompatible avec les principes de notre droit.
Sur le moyen et long terme, cette politique n'a aucun sens : elle n'empêchera pas les plus déterminés de partir et de revenir, ne serait-ce que par voie terrestre.
Pour un homme de gauche, s'inspirer de George W. Bush et de son Patriot Act, avoir Éric Zemmour comme curseur et Marine Le Pen comme référence ne vous apportera rien. Au contraire, vous y perdez la France en faisant reculer ses idéaux de justice et de liberté et ses principes républicains.
Mme la présidente. - Amendement n°68, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser
par les mots :
lorsque sont réunis des indices concordants de nature à établir
Mme Leila Aïchi. - Amendement de repli. Votre budget prévoit 12 millions d'euros supplémentaires pour la lutte contre le terrorisme ; c'est l'équivalent du budget de la région Pays de Loire pour le tourisme, ou encore celui de l'entretien du jardin du Luxembourg... Si l'on veut lutter contre le terrorisme, commençons par y consacrer des moyens.
Mme la présidente. - Amendement n°57, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
raisons sérieuses de penser qu'il
par les mots :
faits ou renseignements avérés et propres à persuader « un observateur objectif » que l'individu en cause
Mme Éliane Assassi. - Comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme, nous proposons de gommer autant que possible le caractère subjectif de cet article. Le retrait de la carte d'identité devrait reposer sur des critères objectifs afin de permettre un contrôle juridictionnel.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - L'Assemblée nationale et la commission n'ont pas supprimé cet article ; nous travaillons dans ce cadre. Que Mme Aïchi se rassure : nous sommes dans un État de droit. Le juge administratif fait son travail depuis des années et rend des décisions de même nature, par exemple sur les mesures d'éloignement pour motif d'ordre public. Les paraphrases des amendements nos68, 67 et 57 ne sont pas utiles.
Quand une décision administrative est contestée devant le juge administratif, l'administration doit communiquer l'intégralité des éléments qui la fondent. Le juge peut l'annuler s'il la juge insuffisamment étayée. Votre approche, madame Aïchi, est un peu éloignée des réalités.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Merci, madame Aïchi, pour votre esprit de nuance et votre propos si peu manichéen. Vos arguments sont tout simplement erronés.
L'expression « des raisons sérieuses de penser » est fréquemment utilisée en droit international, par exemple à l'article premier de la convention de Genève de 1951 sur le droit des réfugiés, texte qu'on ne peut considérer comme liberticide, ou encore à l'article L. 712-2 du Ceseda. La notion est communément admise par le juge administratif. Retrait ?
Je comprends l'inspiration de l'amendement n°57. M. Sueur en propose un autre qui rejoint vos propositions, que je pense plus opportun. Je suggère le retrait.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je veux saluer le calme d'Alain Richard et de Bernard Cazeneuve et dire avec solennité que les propos de Mme Aïchi sont outranciers, profondément contraires à l'esprit du Sénat et attentatoires à la personnalité du ministre, dont nous connaissons les qualités humaines et politiques, la courtoisie et le sens de la mesure. De telles déclarations n'ont pas leur place ici.
On peut ne pas être d'accord. Mais que nous propose le gouvernement de la République ? D'éviter que des centaines de jeunes soient entraînés dans des systèmes de mort, ce que sont les entreprises djihadistes.
L'amendement n°67 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos68 et 57.
Mme la présidente. - Amendement n°16 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'interdiction de sortie du territoire est prononcée par le ministre de l'intérieur, après que la personne concernée, qui peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix, a été en mesure de lui présenter ses observations. Cette interdiction est prononcée pour une durée maximale de six mois à compter de sa notification. La décision est écrite et motivée.
M. Jacques Mézard. - Nous sommes tous sensibles à la nécessité d'un équilibre entre le respect des libertés et l'exigence de sécurité. Au grand jamais je ne pourrais rapprocher le ministre de l'intérieur de George W. Bush ou de Marine Le Pen ; je considère ces propos comme particulièrement choquants, ils n'honorent pas notre assemblée. Mais que chacun assume ses propos, n'est-ce pas cher président Sueur ? (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame) Moi, j'assume.
L'interdiction de sortie du territoire est une mesure grave, qui requiert une prudence extrême. Elle crée un précédent qui peut poser problème. C'est une mesure coercitive envers un individu potentiellement dangereux -qui n'a pas commis d'infraction et n'est pas encore condamné... Nous entendons renforcer les garanties procédurales et les droits de la défense : le prononcé ne pourra intervenir qu'après que l'intéressé a pu présenter ses observations.
Mme la présidente. - Amendement n°59, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La décision d'interdiction de sortie du territoire est prononcée par le ministre de l'intérieur, après l'organisation d'un débat contradictoire, la présence d'un avocat étant de droit avec toutes les garanties effectives afférentes aux droits de la défense. Cette interdiction est prononcée pour une durée maximale de six mois à compter de sa notification. La décision est écrite et motivée. Elle est fondée sur des faits précis et circonstanciés.
Mme Éliane Assassi. - Les textes internationaux et européens imposent le respect de garanties procédurales auxquelles il ne peut être dérogé. On ne pourra se dispenser du respect du principe du contradictoire. Cette atteinte à la liberté d'aller et venir est, en l'état, injustifiable.
Mme la présidente. - Amendement n°38, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 8, première phrase
Remplacer les mots :
six mois
par les mots :
quatre mois
Mme Esther Benbassa. - L'interdiction de sortie est une atteinte grave à la liberté d'aller et venir, au principe de proportionnalité ainsi qu'au droit au respect de la vie privée et familiale. La situation doit être réexaminée tous les quatre mois au moins.
Mme la présidente. - Amendement n°31, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 8, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle est fondée sur des faits précis et circonstanciés.
M. Jean-Pierre Sueur. - La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement autorisant la personne concernée à être assistée lors de la procédure ; en séance, les députés ont souhaité que la décision soit écrite et motivée. Notre commission a réduit le délai dans lequel les observations doivent être présentées, soit huit jours au lieu de quinze. Précisons plus avant : les limitations à la liberté de mouvement devant être justifiées par l'existence de faits ou renseignements propres à persuader un observateur objectif que l'individu en cause se prépare à commettre l'une des infractions visées, la décision d'interdiction de sortie du territoire doit reposer sur des faits précis et circonstanciés.
Mme la présidente. - Amendement n°73, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 8, troisième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le ministre de l'intérieur ou son représentant met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations écrites ou orales, lesquelles doivent intervenir dans un délai maximal de 10 jours à compter de la notification de la décision.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Cet amendement de précision revient sur le texte de la commission des lois, en retrait par rapport à la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Aux termes de l'article 24 de la loi d'avril 2000, une décision individuelle ne peut être prise qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations. C'est le principe général. La même loi précise cependant que ces dispositions ne sont pas applicables si elles compromettent l'ordre public. Dois-je rappeler à M. Mézard et à Mme Assassi que leurs formations politiques ont voté cette loi ? Dans les cas qui nous occupent, l'ordre public est évidemment en jeu.
Ramener de six à quatre mois la durée de validité, comme le propose Mme Benbassa, n'est pas judicieux. L'intéressé peut d'ailleurs demander la levée de la mesure.
L'amendement de M. Sueur ne me convainc pas davantage : l'expression « raisons sérieuses de penser » revient plus ou moins au même. Nous écouterons le Gouvernement.
Quant à l'amendement n°73 du Gouvernement, qui fixe un délai maximal de dix jours pour que l'intéressé rende ses observations, il conjugue les contraintes, celle imposée à l'administration et celle imposée à l'intéressé. Il me paraît moins équilibré et, pour tout dire, moins orthodoxe que la formule retenue par la commission.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Avis défavorable aux amendements nos16 rectifié et 59 qui priveraient la mesure de son efficacité. Il y a quelques mois, une mère a tenté de partir avec ses enfants en Syrie depuis Barcelone. Aucune mesure de contrôle judiciaire, aucune mesure de protection des enfants n'était en vigueur. Elle a emmené ses enfants sur un théâtre d'opérations terroristes. Organiser le contradictoire avant la notification ne l'en aurait pas empêché. Le délai qui est prévu, vingt-quatre heures, est de toute façon très court.
Avis défavorable à l'amendement n°38 également : un délai réduit à quatre mois empêcherait de traiter l'ensemble des dossiers au fond.
Avis favorable à l'amendement n°31 ; l'expression « raisons sérieuses de penser » ne me pose pas de problème, je l'ai dit. La précision rédactionnelle proposée par M. Sueur ne lui enlève ni force ni efficacité.
Permettez-moi de répondre avec la précision qui s'impose à M. Richard : l'amendement n°73 prévoit une procédure plus conforme à la loi d'avril 2000. Le délai de dix jours à compter de la notification de la décision accordé à la personne pour préparer sa défense est communément admis par le juge administratif. Il permet également à l'administration de revenir sur sa décision le cas échéant. L'équilibre est meilleur.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Notre assemblée a repoussé les amendements nos67, 68 et 57, relatifs aux conditions de légalité de l'interdiction de sortie du territoire. Selon leurs auteurs, la formule « raisons sérieuses de penser » était trop imprécise et laissait un trop large pouvoir d'appréciation à l'administration. Le rapporteur nous a convaincus que le juge administratif apprécierait la pertinence de ces « raisons sérieuses » ; c'est en effet la pratique de la juridiction administrative, au cas par cas.
Comment, dès lors, pourrions-nous ne pas être convaincus par ces mêmes arguments quand il s'agit, comme le propose M. Sueur, de fonder la décision sur des « faits précis et circonstanciés » ? Monsieur le ministre, votre position n'est guère cohérente, sauf à dire que l'amendement n°31 ne mange pas de pain. Mais alors, c'est la négation de votre travail de législateur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - J'ai été trop longtemps parlementaire pour penser cela. L'amendement n°31 ne substitue pas sa rédaction à celle prévue, il la précise et ainsi clarifie l'intention du Gouvernement, qui n'est pas de remettre en cause les droits de la défense -je ne le répéterai jamais assez.
M. Jean-Pierre Sueur. - Exactement !
M. Jacques Mézard. - En cas de circonstances exceptionnelles, le principe général du droit n'est pas appliqué.
M. Richard a rappelé qu'en 2000, nous avions voté pour. Je ne lui ferai pas l'affront de rappeler les positions de son groupe sur tous les textes sécuritaires présentés depuis 2002...
Lorsqu'il y aura des cas litigieux, et il y en aura, je ne doute pas que les journalistes s'en saisiront. Sur le plan concret, je ne m'inquiète donc pas. Mais sur le plan des principes, je crains que de telles méthodes soient étendues à d'autres cas de figure...
La qualité de la justice administrative n'est pas en cause. Mais comprenez qu'en tant qu'ancien avocat, je n'ai pas la même vision que celle de nos éminents collègues... Le véritable juge des libertés restera toujours le juge judiciaire.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Comme vous, je suis avocat, métier que j'ai longtemps exercé -et que j'exercerai sans doute encore ! (Sourires) Je ne partage pas votre vision. Le juge administratif a su démontrer sa capacité à préserver, de façon intraitable, les libertés publiques. Je pourrais citer des exemples où le juge judiciaire n'en a pas fait autant...
M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - À certaines époques...
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Le républicain que je suis fait toute confiance à la juridiction administrative.
L'amendement n°16 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos59, 38 et 31.
Mme Nathalie Goulet. - Sur l'amendement n°73 du Gouvernement, je suivrai la commission, dont le texte est plus clair.
L'amendement n°73 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°36, présenté par Mme N. Goulet.
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes visées au premier alinéa font l'objet d'un signalement aux services de l'air et des frontières et aux services en charge de la sécurité des pays de l'Union Européenne et de la Turquie. La liste de ces services est fixée par décret.
Mme Nathalie Goulet. - J'ai cru comprendre, dans la discussion générale, que ce type de signalement existait déjà. M. le ministre peut-il le confirmer ? Dans ce cas, je retirai l'amendement.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Avis défavorable : cela ne relève pas de la loi. Les services aux frontières des autres pays seront informés avant même l'interdiction de sortie du territoire.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
L'amendement n°36 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°58, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Alinéa 9, première et deuxième phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
Lorsque les conditions sont réunies, l'interdiction de sortie du territoire peut être renouvelée par décision expresse et motivée d'un juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le ministre de l'intérieur ou par son représentant. Le juge statue dans un délai de quarante-huit heures par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la personne réside, après audition du représentant de l'administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l'intéressé ou de son conseil, s'il en a un.
Mme Éliane Assassi. - Lorsqu'il n'y a pas urgence, nous proposons que le renouvellement de l'interdiction soit décidé par le juge des libertés et de la détention.
Mme la présidente. - Amendement n°39, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
I. - Alinéa 9, première phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
L'interdiction de sortie du territoire peut être renouvelée par décision expresse et motivée d'un juge désigné par le président du tribunal de grande instance de Paris, saisi à cette fin, et au plus tard 10 jours avant l'expiration de la mesure, par le ministre de l'intérieur ou par son représentant. Le juge statue dans les vingt-quatre heures suivant sa saisine par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la personne réside, après audition du représentant de l'administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l'intéressé ou de son conseil, s'il en a un.
II. - Alinéa 10, première phrase
Supprimer les mots :
et suivant la notification de chaque renouvellement
Mme Esther Benbassa. - Même chose.
Mme la présidente. - Amendement n°30, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 9, première phrase
Remplacer les mots :
peut être renouvelée par décision expresse et motivée
par les mots :
ne peut être renouvelée par décision expresse et motivée qu'après que la personne intéressée, assistée le cas échéant par un conseil ou représentée par un mandataire de son choix, a été mise à même de présenter des observations écrites ou orales
M. Jean-Pierre Sueur. - S'il est compréhensible que la mesure d'interdiction de sortie du territoire soit dispensée de procédure contradictoire préalable, compte tenu de l'urgence et de la nécessité d'effectivité, il est en revanche impératif de prévoir le respect du contradictoire avant toute prolongation de cette mesure.
Mme la présidente. - Amendement n°17 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Alinéa 9, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La personne concernée par l'interdiction de sortie du territoire peut demander un réexamen de sa situation tous les trois mois.
M. Jacques Mézard. - Nous revenons sur la légalité et la proportionnalité de la peine. Nous proposons un réexamen régulier de la situation de la personne concernée par l'interdiction de sortie du territoire, ainsi que le préconise la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Cela permettra un meilleur suivi et une meilleure connaissance de la personne.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Selon l'article 24 de la loi de 2000, le contradictoire ne trouve pas à s'appliquer en cas d'urgence, de circonstances exceptionnelles ou lorsque l'ordre public est menacé. Dans le cas de la première mesure, l'impératif d'urgence justifie que les observations en défense soient recueillies après la décision de l'interdiction de sortie du territoire ; dans le cas d'un renouvellement, le droit commun s'applique en revanche. Les amendements nos30 et 17 rectifié ne sont pas utiles : retrait ?
Le juge des libertés et de la détention, je l'ai dit, a pour rôle de suivre les procédures pénales. Ici, il s'agit de police administrative : avis défavorable aux amendements nos58 et 39.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis que la commission sur l'amendement n°17 rectifié. Je rejoins le rapporteur sur les amendements nos58 et 39, qui ne sont sans doute pas constitutionnels : avis défavorable.
M. Jacques Mézard. - En cas de renouvellement, le principe du contradictoire s'applique, a dit M. Richard. Le ministre considère-t-il également que l'on en revient au droit commun dans ce cas ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - La réponse est oui.
L'amendement n°58 n'est pas adopté.
L'amendement n°39 n'est pas adopté.
M. Jean-Pierre Sueur. - Comme je l'ai dit ce matin en commission, dès lors que le droit commun s'applique bien en cas de prolongation, que cela est acquis, je retire mon amendement n°30.
L'amendement n°30 est retiré.
L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°66 rectifié, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'article L. 521-2 du code de justice administrative est également applicable.
Mme Leila Aïchi. - Il s'agit du référé-liberté.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Le tribunal administratif dispose, pour statuer au fond, d'un délai de quatre mois ; cela méritait donc d'être inscrit à l'alinéa précédent. Ici, l'amendement est inutile : il ne fait que redire le droit.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis défavorable.
Mme Leila Aïchi. - Oui, le dispositif existe dans le code mais faire référence dans le texte au référé-liberté, dispositif fort complexe, faciliterait l'accès au droit.
L'amendement n°66 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°32, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 12, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il ne porte aucune mention relative au motif de sa délivrance.
M. Jean-Pierre Sueur. - L'interdiction de sortie du territoire vise une personne dont la participation à un projet terroriste est supposée, et non établie. L'intéressé se voit retirer passeport et carte nationale d'identité et remettre un récépissé. Celui-ci ne doit pas avoir d'effet stigmatisant. Cela relève sans doute du pouvoir réglementaire. Le ministre peut-il nous apporter des précisions ?
Mme la présidente. - Amendement n°41, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 12, seconde phrase
Après le mot :
récépissé
insérer les mots :
, qui ne peut porter aucune mention du motif de sa délivrance,
Mme Esther Benbassa. - Même chose.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Le même débat a eu lieu à l'Assemblée nationale : le décret précisera la forme du récépissé. Il existe déjà un dispositif analogue en cas de contrôle judiciaire. Ne nous faisons pas d'illusion : par construction, l'honorabilité de toute personne privée de sa carte nationale d'identité est en cause... L'adoption de ces deux amendements ne s'impose pas, sachant qu'un décret est en effet prévu.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Nous avons eu, en effet, ce débat à l'Assemblée nationale. Le décret en Conseil d'État donnera toute garantie sur le caractère non stigmatisant de ce récépissé. Les mentions figurant sur le récépissé correspondront a minima à celles qui figurent sur la carte nationale d'identité. Le décret répondra à vos préoccupations.
M. Jean-Pierre Sueur. - Eu égard à cette garantie et à l'engagement pris par le ministre, je retire l'amendement.
L'amendement n°32 est retiré.
L'amendement n°41 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°83 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission.
I. - Alinéa 15
1° Remplacer le mot :
septième
par le mot :
neuvième
2° Supprimer les mots :
ainsi que des modalités relatives à l'interdiction de transport prévue au quatorzième alinéa
II. - Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. »
L'amendement de coordination n°83 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Alinéa 17
Supprimer le mot :
approprié
M. Jacques Mézard. - Nous connaissons la sagacité du Gouvernement. Nous présentons cet amendement rédactionnel : le moyen sera forcément « approprié ».
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Utile rappel à la brièveté de la loi : la commission a suivi le président Mézard.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Le Gouvernement le suit aussi. (Sourires)
L'amendement n°18 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°34 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Lepage et Conway-Mouret.
Alinéa 19
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. - Ces dispositions sont applicables à titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous venons de voter l'interdiction de sortie du territoire alors que la France est intégrée dans un espace de libre circulation, l'espace Schengen. Notre dispositif ne sera donc pas totalement efficace, on le sait. Il faut, plutôt que de réfléchir sur les voyages en train, en autocar ou au PNR, engager une politique européenne intégrée sur la question. Nous proposons de nous donner cinq ans pour ce faire : renforcer la protection de l'espace Schengen. L'Europe est la solution : mieux vaut contrôler l'ensemble des entrées et des sorties de l'espace Schengen, au moyen de la biométrie, instaurer des cartes d'identité européennes non falsifiables ; il faut une politique européenne, plus solide et solidaire.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Certes, mais cela s'apparente à un voeu et appellerait donc plutôt une résolution. Ce n'est pas cela qui produira un accord.
Nous irons sans doute progressivement vers des dispositions convergentes qui permettront une coopération plus étendue. Il s'agit de prérogatives nationales. Le Gouvernement travaille à nouer des accords de coopération. Ne fragilisons pas le texte.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Les mesures européennes comme le PNR et le SIS n'entraînent pas l'interdiction administrative de sortie du territoire. Les dispositifs convergeront progressivement.
M. Jean-Yves Leconte. - C'est un amendement d'appel. Reste que pour respecter l'esprit de Schengen, il faudrait prévoir une interdiction de sortie de l'espace Schengen et non du territoire national. Nous aurions tout à gagner à instaurer des contrôles biométriques aux frontières de l'espace Schengen, comme le font le Brésil ou les États-Unis à leurs frontières.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Ce sujet important fait polémique. Certains responsables politiques ont affirmé que pour lutter contre le terrorisme, il faudrait suspendre Schengen. Or, Schengen est une chance pour la lutte contre le terrorisme.
L'interdiction de sortie du territoire est mécaniquement versée dans le SIS, auquel ont accès tous les autres pays de l'Union européenne. Pour que le dispositif soit efficace, il faut que la personne puisse être identifiée dans l'aéroport duquel elle part. D'où la nécessité du PNR, que bloque le Parlement européen. Nous menons ce combat. La question du contrôle extérieur des frontières de l'Union européenne peut justifier une modification du cadre Schengen. Les préoccupations de M. Leconte sont prises en compte.
M. Gaëtan Gorce. - Je rejoins le ministre. L'amendement n°34 rectifié limite l'effet de la loi à cinq ans. Il me paraît sain que l'application de la loi soit temporaire -elle est votée dans un contexte particulier, qui peut évoluer.
Mme Hélène Conway-Mouret. - La menace terroriste est globale, il faut lui donner une réponse globale. À l'Europe de s'engager. Sans doute par excès d'optimisme, nous espérons que ces mesures pourront être temporaires et que nous trouverons d'autres moyens de lutter contre la menace terroriste.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - L'interdiction de sortie du territoire est très ciblée. Si dans cinq ans, la source du problème était tarie, la loi ne serait plus appliquée. Si le problème perdurait, ce que je crains, nous n'aurions pas à passer à nouveau devant le législateur !
M. Gaëtan Gorce. - La notion de terrorisme est extrêmement floue ; elle peut être interprétée demain d'une autre manière qu'aujourd'hui. Je préférerai donc que cette loi soit temporaire.
L'amendement n°34 rectifié est retiré.
Mme Nathalie Goulet. - Je voterai sans hésitation l'article premier qui prend des mesures absolument nécessaires, que la Grande-Bretagne et d'autres États ont déjà prises. Donnons l'exemple de notre volontarisme.
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. Courtois, Frassa et Gournac.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 371-5 du code civil, il est inséré un article 371-... ainsi rédigé :
« Art. 371-... - Tout mineur voyageant sans être accompagné d'une personne titulaire de l'autorité parentale doit disposer d'une autorisation parentale de sortie du territoire. Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. »
M. Jean-Patrick Courtois. - Nous rétablissons l'autorisation parentale de sortie du territoire pour les enfants mineurs voyageant seuls, sans être accompagnés d'une personne titulaire de l'autorité parentale, supprimée depuis le 1er janvier 2013, même si le mineur dispose d'un passeport. En effet, le djihad concerne de plus en plus de mineurs qui partent dans des zones de combat, les parents n'ayant pas les moyens d'empêcher leur départ.
Quelles mesures prendrait le Gouvernement si le nombre de ces mineurs partant pour le djihad avec leur passeport devait augmenter ?
M. Alain Richard, co-rapporteur. - La législation de 2010 supprimant l'autorisation parentale était consensuelle.
L'interdiction de sortie du territoire suffit pour prévenir les déplacements visés. Rétablir l'autorisation générale serait disproportionnée.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Les mesures déjà mises en place ont une efficacité réelle. L'interdiction de sortie du territoire est une réponse équilibrée, proportionnée et efficace.
L'amendement n°13 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°80 rectifié, présenté par le Gouvernement.
A. - Après l'article premier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Le titre Ier du livre II est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Interdiction administrative du territoire
« Art. L. 214-1. - Tout ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou tout membre de la famille d'une telle personne peut, dès lors qu'il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l'objet d'une interdiction administrative du territoire lorsque sa présence en France constituerait, en raison de son comportement personnel, du point de vue de l'ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.
« Art. L. 214-2. - Tout ressortissant étranger non mentionné à l'article L. 214-1 peut, dès lors qu'il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l'objet d'une interdiction administrative du territoire, lorsque sa présence en France constituerait une menace grave pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France.
« Art. L. 214-3. - L'interdiction administrative du territoire fait l'objet d'une décision du ministre de l'intérieur écrite et non contradictoire. Elle est motivée, à moins que des considérations relevant de la sûreté de l'État ne s'y opposent.
« Si l'étranger est entré en France alors que la décision d'interdiction administrative du territoire prononcée antérieurement ne lui avait pas déjà été notifiée, il est procédé à cette notification sur le territoire national.
« Lorsque la décision a été prise en application de l'article L. 214-1, et que l'intéressé est présent en France à la date de sa notification, il bénéficie à compter de cette date d'un délai pour quitter le territoire qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à un mois.
« Art. L. 214-4. - L'étranger qui fait l'objet d'une interdiction administrative du territoire et qui s'apprête à accéder au territoire français peut faire l'objet d'un refus d'entrée, dans les conditions prévues au chapitre III du titre premier du présent livre.
« Lorsque l'étranger qui fait l'objet d'une interdiction administrative du territoire est présent sur le territoire français, il peut être d'office reconduit à la frontière, le cas échéant à l'expiration du délai prévu à l'article L. 214-3. L'article L. 513-2, le premier alinéa de l'article L. 513-3 et les titres V et VI du livre V sont applicables à la reconduite à la frontière des étrangers faisant l'objet d'une interdiction administrative du territoire.
« Art. L. 214-5. - L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction administrative du territoire. L'étranger peut introduire une demande de levée de la mesure après un délai d'un an à compter de son prononcé. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur la demande vaut décision de rejet.
« Art. L. 214-6. - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 214-5, les motifs de l'interdiction administrative du territoire donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date de la décision.
« Art. L. 214-7. - Le deuxième alinéa de l'article L. 214-4 n'est pas applicable à l'étranger mineur. »
2° L'article L. 213-1 est complété par les mots : « , soit d'une interdiction administrative du territoire » ;
3° Le livre V est ainsi modifié :
a) Le 7° de l'article L. 551-1 est complété par les mots : « ou d'une interdiction administrative du territoire » ;
b) À la seconde phrase de l'article L. 552-4, après les mots : « d'une interdiction de retour sur le territoire français en vigueur, », sont insérés les mots : « d'une interdiction administrative du territoire en vigueur, » ;
c) À l'intitulé du chapitre V du titre V, le mot : « mesure » est remplacé par le mot : « peine » ;
d) À l'article L. 561-1, après le 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction administrative du territoire. » ;
e) L'article L. 571-1 est ainsi modifié :
- au premier alinéa, après les mots : « d'interdiction de retour sur le territoire français, », sont insérés les mots : « d'interdiction administrative du territoire, » ;
- au même premier alinéa, après les mots : « code de procédure pénale », la fin de l'article est supprimée ;
4° Le livre VI est ainsi modifié :
a) L'article L. 624-1 est ainsi modifié :
- au premier alinéa, après les mots : « d'une obligation de quitter le territoire français », sont insérés les mots : « , d'une interdiction administrative du territoire » ;
- au deuxième alinéa, après les mots : « d'une mesure de refus d'entrée en France, » et les mots : « d'une interdiction judiciaire du territoire, », sont insérés les mots : « d'une interdiction administrative du territoire, » ;
b) Au dernier alinéa de l'article L. 624-4, les mots : « ou L. 541-3 » sont remplacés par les mots : « , L. 541-3 ou du 6° de l'article L. 561-1 ».
II. - Au premier alinéa de l'article 729-2 du code de procédure pénale, après les mots : « d'interdiction du territoire français, », sont insérés les mots : « d'interdiction administrative du territoire français, ».
B. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre I bis
Création d'un dispositif d'interdiction administrative du territoire
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Certains ressortissants étrangers qui ne résident pas habituellement en France peuvent représenter une menace grave pour l'ordre et la sécurité publics, en particulier lorsqu'ils peuvent circuler librement au sein de l'espace Schengen. Tel peut-être le cas de ressortissants d'États membres de l'Union liés aux mouvances radicales, voire à des organisations terroristes qui se rendent ponctuellement en France pour des séjours de très courte durée afin de rencontrer des ressortissants français ou étrangers résidant en France également impliqués dans ces mouvances. Or seules les personnes résidant en France peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion.
Cette nouvelle mesure, qui fera l'objet d'une décision écrite et motivée, notifiée à l'étranger concerné, permettra de lui refuser l'accès au territoire français, de le reconduire d'office à la frontière s'il pénètre sur le sol français en dépit de l'interdiction et, le cas échéant, de prononcer à son encontre une sanction pénale.
L'interdiction administrative du territoire, prise sous le contrôle du juge, devra reposer sur des éléments suffisamment graves et solides, précis et circonstanciés permettant d'établir que la présence en France de l'étranger représenterait une menace grave pour l'ordre et la sécurité publics. Elle devra être proportionnée au but poursuivi. L'étranger concerné pourra en demander la levée et les motifs de la mesure seront réexaminés tous les cinq ans.
Cet amendement s'inscrit dans la continuité de la résolution n°2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les combattants terroristes étrangers, qui prévoit notamment de lutter contre la mobilité internationale des terroristes en empêchant leur accès ou leur transit sur le territoire des États membres de l'ONU. Par le présent amendement, la France se positionne à l'avant-garde de la lutte contre le terrorisme international.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Avis favorable. L'argumentaire du Gouvernement nous a convaincus. Le dispositif de protection des droits individuels est cohérent avec ce qui existe déjà.
M. Jean-Yves Leconte. - Je comprends cet amendement car il participe de la logique globale du texte. Il arrive toutefois bien tard.
M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - La proposition a été faite à l'Assemblée nationale ; le Gouvernement n'était pas prêt, d'où son arrivée ici. L'amendement est désormais conforme au droit, la commission des lois a donc pu l'approuver.
L'amendement n°80 est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 2
Mme la présidente. - Amendement n°86, présenté par M. Hyest, au nom de la commission.
Alinéa 1
Remplacer la référence :
IV
par la référence :
VI
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Nous avons commis une erreur de référence.
L'amendement n°86, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Alinéa 3
1° Première phrase
Après la référence :
L. 541-3
insérer une virgule
2° Deuxième phrase
Après les mots :
décision est
insérer les mots :
écrite et
M. Jacques Mézard. - Amendement rédactionnel et de coordination avec l'article premier.
M. Alain Richard, co-rapporteur. - Avis favorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°20 rectifié est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. Philippe Bonnecarrere . - M. le ministre a parlé de « terrorisme en libre accès ». Je reste sceptique sur les chiffres ; mon expérience d'élu local me fait penser que le nombre de Français concernés est plus important qu'on ne le dit. La tendance est en tout cas à la hausse...
Seule question qui vaille : comment lutter contre le phénomène ?
La plupart des dossiers seront sans doute traités dans le cadre d'enquêtes préliminaires plutôt que de flagrant délit. Or le mandat de recherche nécessite que la peine applicable soit de trois ans d'emprisonnement. Pour les écoutes téléphoniques, il n'y a pas de quantum de peine. S'agissant des moyens informatiques, un amendement de coordination était nécessaire ; la commission des lois y a pourvu.
J'avais préparé un amendement modifiant le premier alinéa mais les moyens de preuve supplémentaires donnés aux services répressifs l'ont rendu inutile.
Mme la présidente. - Amendement n°10, présenté par Mme N. Goulet.
Supprimer cet article.
Mme Nathalie Goulet. - La rédaction retenue par la commission pose un gros problème pour la presse en ligne. Le Gouvernement ayant proposé un amendement n°74 qui me satisfait, je retire mon amendement de suppression.
L'amendement n°10 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement identique n°43, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Mme Esther Benbassa. - Le sujet est d'actualité. Je suis particulièrement attachée à la liberté de la presse. Appliquons la loi de 1881 à la presse sur internet.
Mme la présidente. - Amendement identique n°61, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Mme Cécile Cukierman. - Nous partageons l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme qui recommande de ne pas inscrire les dispositions de la loi de 1881 dans le code pénal, même limitées aux faits commis sur internet.
M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - La commission des lois a souhaité cette incrimination spécifique. Les réseaux méritent des règles de procédure spécifiques. Tout le monde sait que les groupes djihadistes sont très organisés sur la toile. Avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Le sujet est sensible et important. L'article 4 procède à un basculement, intégrant au code pénal les incriminations d'apologie du terrorisme et de provocation aux actes de terrorisme prévues dans la loi de 1881. Ces actes sont spécifiques : le terrorisme vise non une victoire militaire hors d'atteinte mais une victoire politique obtenue par la communication : l'effroi et le renoncement d'une population terrorisée. Le combat ne se joue pas à armes égales : l'adversaire sait tirer parti des protections que lui donne la loi sur la presse.
Quelles options avions-nous ?
Permettre l'application des techniques spéciales d'enquête dans la loi de 1881. On risquait ainsi d'étendre progressivement un régime spécifique à toute la loi sur la liberté de presse.
Laisser l'apologie dans la loi de 1881 et transférer la provocation dans le code pénal. La distinction entre les deux n'est pas toujours très claire en pratique et l'on aurait risqué des annulations de procédure.
Nous avons donc choisi une autre option, rejoignant les conclusions de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, notamment dans son avis du 20 décembre 2012, et fait entrer les deux dans le code pénal.
Vous proposez de distinguer suivant l'usage ou non d'internet. Dans sa décision du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a validé le principe des techniques spéciales d'enquête dès lors qu'elles sont applicables à des infractions « en cas d'atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes », ou « d'une gravité et d'une complexité particulière ». Cette jurisprudence a été confirmée par la décision du 4 décembre 2013 sur la loi relative à la fraude fiscale. Le Conseil a maintenu cette jurisprudence dans sa décision du 9 octobre 2014.
Comment pourrait-on dire que le spectacle de ces décapitations d'Occidentaux ne serait pas une « atteinte à la dignité ou à la vie des personnes » ? Que le prêche d'un imam autoproclamé glorifiant ces actes ne porte pas atteinte à notre sécurité ?
Le fondement de la distinction opérée par les rapporteurs n'est pas justifié en droit car l'atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes n'est pas moindre sans l'usage d'internet. Ce raisonnement a d'ailleurs été validé par le Conseil d'État lors de l'examen du projet de loi Mercier, une deuxième fois lors de ce texte-ci. Le rapporteur Hyest a souscrit à ce raisonnement en signant un amendement dans ce sens il y a deux ans.
Ne laissons pas subsister dans des cadre distincts des infractions analogues et ne plongeons pas les justiciables dans l'incertitude.
Sans basculement dans le cadre du code pénal, non seulement les méthodes spéciales d'enquête ne seraient plus utilisables mais la centralisation des affaires au pôle anti-terroriste ne serait plus possible.
Le contrôle du juge demeure le même, que l'on s'inscrive dans le cadre de la loi de 1881 ou dans celui du code pénal. Rien n'empêche de distinguer apologie et provocation au stade des poursuites.
La France est le seul pays où ces incriminations ressortissent à la loi sur la presse et non au code pénal. L'article 4 donne les moyens de combattre la parole mortifère tout en préservant les libertés publiques. Je vous demande donc de rejeter les amendements de suppression et d'adopter cette rédaction, celle que le Gouvernement avait proposée initialement.
Mme Cécile Cukierman. - J'entends votre définition de l'apologie du terrorisme. Je la partage : diffuser sur les réseaux des actes de violence est répréhensible. Mais faire entrer dans le code pénal ces infractions ne règle rien : cette définition reste floue. Nous aimerions avoir le regard complémentaire de la Chancellerie sur ce point.
M. Jean-Yves Leconte. - Je ne voterai pas ces amendements de suppression car les auditions m'ont convaincu de la nécessité d'une infraction spécifique, qui réprime l'abus de liberté d'expression sans charger la barque : l'apologie n'est pas le terrorisme.
Effarés par leur propre audace, les auteurs du texte ont d'ailleurs prévu des garde-fous.
Les amendements identiques nos43 et 61 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Lepage et Conway-Mouret.
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article 421-2-4 du code pénal, il est inséré un article 421-2-5 ainsi rédigé :
« Art. 421-2-5. - Le fait d'organiser, administrer, diriger, héberger, éditer ou financer un média de presse écrite, audiovisuelle, ou de communication au public en ligne ayant pour activité essentielle la provocation à la commission d'actes terroristes ou l'apologie du terrorisme est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende. »
M. Jean-Yves Leconte. - Les abus de liberté d'expression doivent certes être sanctionnés. Cet amendement crée une nouvelle infraction, qui ne concerne pas que la presse en ligne. Sont ainsi visées toutes les personnes responsables de produits multimédias. La création de ce délit spécifique permet surtout de ne pas sortir de la loi sur la presse les seules catégories d'abus à la liberté d'expression relatives au terrorisme, ce qui risquerait à terme d'ouvrir la porte à d'autres déplacements de délits de presse vers le code pénal.
Ne surchargeons pas le pôle anti-terrorisme du tribunal de grande instance de Paris avec des dossiers qui ne relèvent en réalité que de délits de presse. Il doit concentrer son activité sur l'instruction des situations relevant réellement du terrorisme.
Mme la présidente. - Amendement n°42, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 421-2-4 du code pénal est abrogé.
Mme Esther Benbassa. - La loi de 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme avait créé, à l'article 421-2-4, un nouveau délit. Le délit prévu à l'article 421-2-4 ne recouvre aucune situation nouvelle. Afin d'éviter toute confusion inutile, je propose de l'abroger. L'Assemblée nationale avait refusé cette création du Sénat, avant que l'article ne soit rétabli en commission mixte paritaire.
Mme la présidente. - Amendement n°44, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
I. - Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou de faire publiquement l'apologie de ces actes
II. - Alinéas 5 et 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° À la fin du sixième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les mots : « provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie » sont remplacés par les mots : « fait l'apologie des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal » ;
Mme Esther Benbassa. - Il ne faut pas confondre la provocation et l'apologie. Celle-ci n'est que l'expression d'une opinion qui peut certes être odieuse mais n'incite pas directement à commettre une infraction. L'article 4 prévoit d'ailleurs d'incriminer spécifiquement la provocation non publique.
La loi de 1881, qui protège la liberté d'expression, doit être préservée pour tout ce qui relève des délits d'apologie. Une distinction entre l'apologie du terrorisme et d'autres délits d'apologie ne se justifie pas.
Mme la présidente. - Amendement n°74, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 2
Supprimer les mots :
lorsque les faits sont commis par la voie d'un réseau de communication au public en ligne
II. - Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« II. - Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne.
« Lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
III. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
complété par une phrase ainsi rédigée :
par le mot :
supprimé
IV. - Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
V. - Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :
...° Au premier alinéa de l'article 48-1, la référence : « (alinéa 8) » est remplacée par la référence : « (alinéa 7) » ;
...° Au premier alinéa des articles 48-4, 48-5 et 48-6, la référence : « neuvième alinéa » est remplacée par la référence : « huitième alinéa » ;
...° À l'article 52, la référence : « et sixième » est supprimée ;
...° Au premier alinéa de l'article 63, les références : « 6, 8 et 9 » sont remplacées par les références : « 7 et 8 » ;
...° À l'article 65-3, les mots : « sixième, huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième ».
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Je l'ai justifié longuement.
Mme la présidente. - Amendement n°45, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - À l'article 397-6 du code de procédure pénale, après le mot : « politiques », sont insérés les mots : « , de délit d'apologie des actes de terrorisme ».
Mme Esther Benbassa. - L'article 397-6 du code de procédure pénale exclut du champ des procédures de convocation par procès-verbal et de comparution immédiate les délits de presse et délits politiques.
M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Je comprends l'intention de l'amendement n°7 rectifié. Mais comment déterminer le degré d'implication qui ferait entrer dans le périmètre de ce nouveau délit ? Avis défavorable, ainsi qu'aux amendements nos42 et 44. Dans la pratique, nous ont dit les juges, il est difficile de distinguer apologie et provocation ; il faut souvent utiliser les deux notions ensemble.
Pourquoi cette distinction entre code pénal et loi de 1881 ? Pour être efficace dans la lutte contre le terrorisme. L'apologie du racisme, des crimes contre l'humanité relèvent toujours de la loi sur la presse ; ils sont traités comme des abus de liberté d'expression. Le cas du terrorisme est différent. Les réseaux ont des moyens de communication colossaux, professionnels.
Votre interprétation de la jurisprudence constitutionnelle n'est pas la mienne, monsieur le ministre. Soucieux que les moyens mis en oeuvre soient proportionnés au but recherché, le Conseil limite l'utilisation des techniques spécifiques d'enquête aux cas très graves et complexes.
La juridiction de Paris est compétente pour les surveillances, infiltrations, confiscation de biens saisis, etc. Nous cherchons seulement à ce que le dispositif soit imparable : avis défavorable à l'amendement n°74. La force de notre rédaction, c'est son objectivité, qui lui confère une bonne solidité juridique.
Avis défavorable également à l'amendement n°45 : il doit pouvoir y avoir comparution immédiate.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Mêmes avis que la commission, à l'exception de mon amendement n°74.
M. Jean-Yves Leconte. - Le texte de la commission poursuit l'efficacité mais reste fragile : le code pénal s'appliquerait pour un média et la loi de 1881 pour un autre ! Si l'on commence à sortir certains éléments de la loi sur la presse, on sera tenté d'en sortir d'autres, au risque de remettre en cause un pilier de notre République.
L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos42 et 44
M. Michel Mercier. - L'amendement n°74 du Gouvernement concerne un point très important pour l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. Il ne s'agit pas de définir des incriminations mais de préciser la procédure. La loi de 1881 est venue en réaction à la politique du Second Empire. Nous y sommes tous attachés. Mais le paragraphe 2 de son chapitre V est manifestement inadapté aux cas de terrorisme. Si la procédure était efficace en la matière, cela se saurait depuis longtemps !
Monsieur Hyest, l'apologie des crimes contre l'humanité concerne des actes passés ; l'apologie du terrorisme, elle, des actes qui n'ont pas encore été commis. Cela fait une différence claire et nette.
Le législateur doit être strict dans la définition des infractions. L'article est précis mais vouloir en rester à la procédure prévue par la loi de 1881 serait de l'angélisme, face à des gens qui n'ont rien d'angéliques. Je voterai donc l'amendement du Gouvernement.
L'amendement n°74 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°45
Mme Nathalie Goulet. - Le rejet de l'amendement n°74 m'empêche de voter pour cet article.
L'article 4 est adopté.
Mme la présidente. Nous avons examiné 38 amendements, il en reste 54.
Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 15 octobre 2014, à 9 heures 30.
La séance est levée à minuit et demi.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques