Débat sur les agences régionales de santé
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur les agences régionales de santé à la demande de la commission des affaires sociales et du groupe UMP.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales . - Je me félicite que nous abordions la question de l'organisation et du fonctionnement des agences régionales de santé (ARS), quatre ans après leur mise en place.
Au regard de l'étendue de leurs compétences, les ARS sont devenues des acteurs essentiels, pour ne pas dire incontournables, de la mise en oeuvre des politiques de santé, au détriment de la démocratie sociale et sanitaire. MM. Le Menn et Milon ont formulé des propositions constructives après un travail fructueux au sein de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat (Mecss), sous l'autorité d'Yves Daudigny, qui ne peut malheureusement pas être parmi nous aujourd'hui. J'espère qu'elles seront reprises comme l'ont été nos propositions sur la tarification hospitalière avec le récent aménagement de la T2A.
À la veille de la finalisation d'un projet de loi de santé publique annoncé de longue date, je souhaite que nos recommandations relatives aux ARS, aux taxes comportementales ou encore à l'accès aux soins des plus démunis connaissent le même succès. Nous aurions aimé être plus étroitement associés à la préparation de ce texte majeur qui mobilise le ministère depuis plusieurs mois. Je m'inquiète du possible transfert de la gestion des risques aux ARS, qui viderait de son sens notre sécurité sociale.
Les rapporteurs ont donné priorité à l'amélioration du climat social et au renforcement de la transparence du fonctionnement des ARS, à l'association des élus à leur gouvernance et à la démocratie sanitaire. Je leur laisse la parole.
M. Jacky Le Menn, rapporteur de la commission des affaires sociales . - Ce rapport est le fruit d'une année de travaux de la Mecss. Il y a cinq ans, les débats sur la loi HPST ont été vifs, sans que les ARS aient alors particulièrement fait polémique. Nous avons recherché des pistes d'amélioration pouvant faire consensus : j'y insiste.
Contrairement aux anciennes ARH, les ARS ont été conçues pour assurer le pilotage du système de santé, dans un objectif de meilleure efficience des politiques de santé, de territorialisation de celles-ci et de décloisonnement. Regroupant sept organes préexistants, les ARS ont simplifié le paysage administratif sans entraîner de rupture dans l'exercice de leurs missions. Sans remettre en cause l'esprit de la loi, nous appelons à une évolution des pratiques, afin d'opérer définitivement ce basculement.
La création des ARS visait à faire travailler ensemble des agents aux habitudes et cultures professionnelles différentes. Avons-nous réussi à bâtir cette maison commune ? Si les dirigeants sont enthousiastes, le personnel exprime un malaise profond. Les différences de salaires et d'organisation de travail qui subsistent sont sources de frustrations. Le malaise est encore plus grand pour les médecins et pharmaciens inspecteurs de la santé publique, appelés à exercer des missions transversales de conduite de projet. Tous les métiers sont plus ou moins touchés. Or les personnels n'ont pas été préparés ni accompagnés. À cela s'ajoutent les restrictions d'effectifs.
La création d'un statut propre aux ARS déstabiliserait encore plus les agents. Nous proposons plutôt d'harmoniser les rémunérations et les conditions de travail, d'améliorer la fluidité des parcours, de mieux prévenir les risques psycho-sociaux, de donner toute leur place aux organisations représentatives du personnel. Tout cela pour renforcer la confiance des personnels dans leur institution et leurs perspectives de carrière.
Pour améliorer le pilotage, nous recommandons l'intégration des agences sanitaires telle que la HAS, l'ANSM et l'Anses au sein du Conseil national de pilotage. Ce dernier doit prendre pleinement sa place dans le pilotage des ARS, tenir véritablement le rôle de catalyseur alors qu'il est aujourd'hui un filtre entre les ARS et les directions centrales, celles-ci ne se coordonnant guère. Nous plaidons pour davantage de subsidiarité.
La loi HPST a confié au secrétaire général des ministères sociaux le pilotage des ARS, qui ne correspond pas à ses missions traditionnelles. Il nous paraîtrait préférable de nommer un secrétaire général à la santé et à l'autonomie chargé de présider le conseil national de pilotage qui disposerait d'un pouvoir hiérarchique sur les directions « métier » du ministère. Nous souhaitons aussi que les contrats d'objectifs et de moyens soient recentrés sur la stratégie et prennent plus en compte les spécificités territoriales.
Les directeurs généraux d'ARS, parfois qualifiés de préfets sanitaires, ne sont actuellement responsables que devant le ministre, d'où un sentiment de recentralisation alors que la création des ARS devait constituer une nouvelle étape dans la subsidiarité. Trop de choses dépendent de la personnalité du directeur général. Nous souhaitons plus de transparence : la lettre de mission du directeur général devrait être rendue publique. On verrait ainsi que leur mission va bien au-delà de la maîtrise de la masse salariale... Malgré les réticences probables du Gouvernement, je suis convaincu que cela contribuerait à la confiance.
La confiance, c'est justement le fil rouge de notre rapport. Espérons que la future loi de santé publique suivra dans cette voie. (Applaudissements)
M. Alain Milon, pour le groupe UMP . - Le directeur général de l'ARS dispose de pouvoirs étendus, qui doivent être assortis de contrepouvoirs sans toutefois bloquer l'action publique. Or ni le Conseil de surveillance ni la Conférence régionale de la santé et de l'autonomie (CRSA) n'ont trouvé leur place. Le premier, présidé par le préfet de région, dispose de compétences limitées. Les représentants de l'État, qui disposent d'un droit de votre triple, peuvent empêcher le rejet du budget et des documents financiers ; nous préférerions la majorité simple à la majorité des deux tiers. Nous demandons aussi que le Conseil de surveillance puisse se saisir de tout sujet dans le champ de compétence de l'agence et se prononcer sur l'ensemble des documents que comporte le plan régional de santé. Sa composition doit aussi être revue, et sa présidence revenir à un élu local : il y gagnerait en légitimité pour peser à côté du directeur général.
La France n'a pas l'habitude de la démocratie sanitaire. Or la loi HPST a créé les conférences régionales de la santé et de l'autonomie dont la large composition est gage de diversité et de pluralisme. Leurs compétences sont vastes : elles peuvent faire toutes propositions au directeur général de l'ARS et organiser des débats publics. Sont-elles parvenues à influer sur le contenu des projets régionaux de santé ? Dans l'ensemble, le bilan est satisfaisant, encourageant, même si les plans régionaux de santé devront être allégés. Les CRSA doivent devenir le lieu privilégié de la démocratie sanitaire, ce qui suppose qu'elles disposent librement de leurs moyens financiers. Elles doivent aussi avoir le temps d'étudier les documents transmis par les ARS...
Pour rationaliser les choses et éviter les doublons, il faudrait rendre facultative la constitution des conférences de territoire là où un contrat local de santé n'a pas été conclu.
Les CRSA sont un maillon indispensable pour une relation de confiance, en particulier dans le domaine médico-social, ou les compétences des ARS et des conseils généraux. Dans certaines régions, les ARS apparaissent trop éloignées des réalités locales, le dialogue est difficile avec les élus.
Le champ de compétences des ARS, s'il est très large, est cohérent. L'extension au médico-social et à la médecine ambulatoire est indispensable à partir du moment où le système de santé est organisé autour du parcours de santé. L'élargissement à la veille et à la sécurité sanitaire se justifie si cette mission est correctement articulée avec la prévention. En revanche, les modalités d'exercice de leurs missions par les ARS doivent aller vers plus de simplicité, d'efficacité. Certaines de leurs tâches purement administratives, en particulier en matière de veille et de sécurité sanitaire, doivent être tout bonnement abandonnées. Aux ARS de se garder, en outre, de s'immiscer dans la gestion des établissements, qu'elles fassent confiance à leurs partenaires. Veillons à ne pas les embourber dans les contraintes procédurières.
La loi HPST fait des ARS les garantes de la mise en oeuvre, à l'échelle régionale, de la politique nationale. Comment définir leur degré de liberté ? La réponse pragmatique consiste à procéder au cas par cas. Depuis 2012, les ARS disposent d'un outil de financement spécifique : le fonds d'intervention régionale, le FIR, doté de 3 milliards d'euros de crédits autrefois cloisonnés. Faut-il aller plus loin ? Les autoriser à fixer des tarifs de remboursement différents selon les régions ? Les esprits n'y sont pas prêts. Stabilisons le champ du FIR et ajoutons-y une perspective pluriannuelle. Transférer la totalité des crédits à gérer aux ARS est une piste à explorer. La dichotomie entre l'État et l'assurance maladie est une vaste question ; nous y reviendrons lors de l'examen du prochain projet de loi de santé publique. Il conviendrait de clarifier cette politique éparpillée et technocratique et de favoriser l'accès des ARS aux données de santé, dans un cadre protecteur des libertés publiques. La régulation des soins de ville est un chantier majeur. Les ARS disposent de très peu d'outils d'action.
La qualité des soins et le bien-être des patients exigent que les ARS conventionnent largement avec l'ensemble des professionnels de santé, pour dégager des enveloppes financières hors tarifs et honoraires.
La loi HPST a engagé une réforme profonde de notre système de soins. Il faut à présent faire davantage confiance aux acteurs de terrain en distinguant les rôles respectifs de l'État et de la sécurité sociale. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je félicite nos collègues pour leur excellent travail. La création des ARS a été une avancée majeure que notre groupe réclamait de longue date : le cloisonnement des structures, la mauvaise maîtrise des dépenses de soins, l'insuffisante articulation des niveaux de décision exigeaient cette réforme.
Le bilan des ARS est positif : elles ont été installées rapidement. Ce n'était pas gagné d'avance, vu leur complexité.
Mais, jeunes, elles sont très personnalisées par leur directeur général. Certains venaient de l'assurance maladie, d'autres du privé, d'autres encore de la fonction publique hospitalière. Leur qualité personnelle a beaucoup pesé dans la mise en place des structures. Cela pose la question de la démocratie sanitaire, parent pauvre de la réforme. Les disparités de représentation des différents acteurs sont patentes.
En 2009, nous défendions une démocratisation, en tempérant d'abord le pouvoir du directeur général dans le conseil de surveillance par l'élection du président du conseil de surveillance. Nous approuvons la solution avancée dans le rapport comme les propositions visant à rendre les décisions des ARS plus collégiales. Nous proposions aussi de faire de la conférence régionale de santé un organe de codécision avec l'ARS par le vote du projet régional de santé.
La relation entre ARS et collectivités peut s'appréhender sous l'angle de la distribution technique des missions. Dans quel sens la réforme territoriale va-t-elle bouleverser le système ?
Les liens entre ARS et État gagneraient également à être clarifiés. L'administration d'État n'a pas tiré toutes les conséquences de la création des agences régionales. Passons, ici aussi, d'une logique de prescription à la fixation d'orientations stratégiques analogue à celle de la Lolf. Sans cette révolution copernicienne, il n'est pas étonnant que la création des ARS ait eu un impact ambivalent, en particulier dans le médico-social où les directeurs généraux ont été vus comme des commissaires du Gouvernement répartissant des budgets contraints sans nécessairement rechercher la concertation.
Quant aux liens assurance maladie-État, le rapport ouvre de fructueuses perspectives. Qu'en ferez-vous, madame la ministre, dans le cadre de la stratégie nationale de santé ? (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs RDSE)
M. Jacques Mézard . - Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur rapport. Son titre est juste : un déficit de confiance.
Lorsqu'on est parlementaire et président d'un exécutif local, car cela existe encore, ces problèmes sont connus.
Vous critiquiez hier la vision technocratique de la réforme HPST, madame la ministre. Vous aviez raison : l'ARS fait plus figure d'usine à gaz technocratique que de chef d'orchestre. L'accumulation des procédures pseudo-démocratiques ont révélé leurs méfaits.
Les élus locaux représentant les citoyens se voient privés des informations nécessaires. On ne saurait raisonnablement laisser les choses en l'état.
Les directeurs généraux d'ARS sont dotés de beaucoup de pouvoirs. S'il faut en user, d'aucuns en ont quelque peu abusé... D'autres, heureusement, ont une connaissance de la santé suffisante pour mener une politique non point seulement technocratique. Mais la démocratie fait toujours défaut. J'ai connu les conseils d'administration des hôpitaux, je suis actuellement au conseil de surveillance de l'ARS : j'espère que vous avez prévu des modifications substantielles de leur fonctionnement, madame la ministre, car la situation n'est plus tenable. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
M. Christian Bourquin. - Bravo !
Mme Aline Archimbaud . - J'ai pris connaissance du rapport de la Mecss avec intérêt. Les lois que nous votons sont trop peu évaluées. La création des ARS était une réforme d'ampleur dont il convenait de dresser le bilan.
Manque de démocratie, démarrage difficile, distance avec le terrain, technocratie... Les ARS souffrent. Le rapport peint un tableau objectif et sans concession de leur création en 2009. Contrepouvoirs limités, malaises des personnels... Le constat est sévère.
Renforcer la régulation des soins de ville, démocratiser leur gouvernance, revoir le rôle du FIR, autant de propositions opportunes. J'ai moi-même formulé des propositions à l'attention du Premier ministre sur l'accès aux droits et aux soins des plus démunis, qu'on faciliterait en décloisonnant les champs sanitaire et social. Santé et social sont liés, les professionnels le savent. Ils sont néanmoins démunis. Quant aux médecins, ils sont aussi conscients des limites de ce cloisonnement, mais estiment ne pas être « des assistantes sociales ». Des programmes régionaux de santé et schémas régionaux des soins ont été mis en place, c'est vrai. Mais leur impact est limité.
Le premier axe d'amélioration réside dans les missions des ARS. « Et maintenant, on fait comment ? » se disent certains devant l'immensité de leur champ de compétences. L'aspect descendant des recommandations nationales n'encourage pas, en outre, l'innovation sur le terrain.
Les ARS doivent coordonner leurs actions avec les collectivités territoriales, très actives en matière de prévention ou d'aide aux étudiants boursiers.
Nous espérons que la prochaine loi de santé publique s'attaquera à ces deux volets. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Lenoir . - À mon tour de féliciter Jacky Le Menn et Alain Milon pour leur remarquable travail.
M. Mézard trouve le titre du rapport révélateur. Il oublie sa première partie ; « Les ARS : une innovation majeure ». Vous l'aurez compris, je soulignerai les points positifs de la réforme de 2009.
Les ARS ont succédé, rappelons-le, aux ARH. La création de celles-ci inquiétait déjà. Nous y avons pourtant vu un rouage important de la politique de santé sur nos territoires. Cette politique a un coût, un prix ; d'où la nécessité de régulation.
Premier apport de la réforme, la territorialisation. Quel élu dans cet hémicycle pourrait se plaindre de disposer d'un représentant de l'autorité publique compétent sur son territoire ? Les circuits sont plus courts ; plus besoin de plaider la cause de son hôpital à Paris... Ensuite, le décloisonnement, sur lequel je ne reviens pas. Que penser du fonctionnement des ARS ? Elles doivent beaucoup à leur directeur général, c'est vrai. Mon expérience, qui n'est peut-être pas partagée, est d'avoir eu affaire à d'excellents directeurs. Le dernier est parti trop vite -on ne refuse pas une promotion ; son successeur, je n'en doute pas, fera aussi bien. La clé du succès, c'est le lien étroit entre l'autorité publique et les élus locaux. Je le dis sans fard, ceux-ci sont jugés sur leur capacité à faire fonctionner leurs hôpitaux. L'élu, plus que le directeur de l'hôpital, fera l'objet de sévères critiques de la population si un service vient à fermer. Les ingrédients de la confiance sont désormais là. Le déficit de confiance pointé dans le titre du rapport ne doit pas tromper le lecteur ; il doit se lire autrement.
L'autorité du directeur général doit être maintenue. Or, l'organisation du ministère et celle de la politique sur le terrain sont en décalage : il faut y remédier.
Reste qu'il revient au ministère de fixer les orientations stratégiques. Ce n'est pas toujours évident : le directeur général est fondé à s'impliquer dans la politique menée, à faire remonter des requêtes. Il n'en reste pas moins un exécutant.
Transférer la gestion des crédits de l'assurance maladie aux ARS s'impose. Il faut en outre donner aux agences les moyens humains nécessaires pour fonctionner.
Une réforme territoriale s'annonce. En Normandie, la fusion des régions consanguines nous convient. Mais, dans la méga-région centre, comment le directeur général de l'ARS fera-t-il ?
Les élus revendiquent plus de responsabilité dans la prise de décision. Il faut leur fournir les informations essentielles, dont ils sont aujourd'hui privés.
Les CRSA et les conférences territoriales sont insuffisamment articulées pour que la politique menée soit parfaitement cohérente.
Pour finir, je relaie l'inquiétude des Sdis, qui ignorent vers qui se tourner faute d'obligations de concertation suffisamment claires.
Prenez garde, madame la ministre, les politiques que vous menez risquent d'être battues en brèche par l'élargissement sans fin des régions... (Applaudissements à droite)
Mme Laurence Cohen . - Décloisonner la gestion de l'offre de soins est évidemment souhaitable. Malheureusement, les ARS ont surtout cherché la réduction de l'offre, que la baisse de l'Ondam illustre parfaitement.
Si l'échelon local est pertinent, c'est la conception même des ARS qui pose problème.
Elles étaient, rappelons-le, le bras armé de la loi HPST, véritable RGPP de la santé conçue pour transformer l'hôpital en entreprise.
Les réductions drastiques des dépenses de santé, conséquence de cette idéologie, n'ont pas été remises en cause par le nouveau gouvernement. Cela devrait faire l'objet d'un autre rapport, qui serait fondé à analyser également le bien-être au travail et la démocratie sanitaire.
Les directeurs généraux des ARS sont des superpréfets sanitaires aux pouvoirs exorbitants, sans contrepouvoirs. Le conseil de surveillance n'est qu'une coquille vide. Nous partageons donc les propositions relatives à la transparence. Voyez le résultat de la politique actuelle : l'ARS décide le transfert de la maternité des Lilas à Montreuil, au mépris de la spécificité du projet aux Lilas, de l'avis des organisations représentatives, des personnels et des élus, de l'engagement du président de la République. Voyez l'Hôtel-Dieu, le combat autour du maintien de la chirurgie cardiaque à Henri Mondor, dans le Val-de-Marne. Il faut en finir avec les conceptions technocratiques des ARS.
Remplaçons le conseil de surveillance par un conseil d'administration, sans voix prépondérante, fonctionnant selon une logique ascendante.
Le statut même des ARS pose problème : structure de droit privé, elle exerce pourtant une mission régalienne et gère l'argent socialisé.
Nous nous étions prononcés pour une séparation entre gestion des risques et régulation de l'offre de soins. La logique initiale de l'assurance maladie et l'esprit du conseil national de la Résistance sont désormais bien loin.
Renforçons le rôle des élus locaux, via les CRSA, en en faisant le lieu d'élaboration de la stratégie locale. Instaurons des instances tripartites usagers-professionnels-élus pour faire contrepoids aux directeurs généraux d'ARS, à chaque niveau.
Si la création des super-régions allait à son terme, la logique de proximité n'aurait plus aucun sens. Elle doit pourtant primer sur la logique comptable. (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC)
M. Maurice Antiste . - Ce débat relève d'une heureuse initiative. Les missions dévolues aux ARS sont efficacement mises en oeuvre dans un cadre participatif. Toutefois, les difficultés demeurent nombreuses. Le contrôle de légalité en matière d'hospitalisation pourrait être assuré directement par les préfectures. En revanche, le pouvoir de réquisition pour faire fonctionner les maisons médicales de garde devrait revenir au directeur général de l'ARS, non au préfet.
Une mise en cohérence s'impose également sur la formation : elle ne concorde pas avec la planification de l'offre de soins. La gestion des crédits Handicap relève des ARS et des conseils généraux : il faut aller au bout de la décentralisation.
La fongibilité des crédits entre sanitaire et médico-social est parfois bloquée par le fléchage des crédits. Assouplissons leur gestion.
Le personnel de la cellule interrégionale d'épidémiologie relève de l'autorité scientifique de l'Institut national de veille sanitaire ; intégrons ce personnel à l'ARS pour éviter les dysfonctionnements.
L'assurance maladie dispose d'un système informatique autonome. Une interconnexion des systèmes s'impose pour que l'ARS puisse exploiter toutes les données.
Les différences de statuts des personnels des ARS, issues de la fusion de divers organismes, vont avec une diversité des grilles de rémunération et des avantages : une harmonisation s'impose. A la Martinique, dans un contexte économique et social particulier, les conflits sociaux sont fréquents et longs, ce qui nuit à la continuité de la politique des soins, particulièrement pour les personnes âgées, les dyalisés et les insuffisants respiratoires.
L'attractivité de nos savoir-faire dans le bassin caribéen entraîne un surcroît de travail. Les infrastructures destinées aux seniors sont trop peu nombreuses. Le poids de l'aide sociale -un quart de la population bénéficie de la CMU- grève les budgets d'investissement des collectivités dans le sanitaire et le médico-social. Enfin, les médecins libéraux sont insuffisamment nombreux. Tous ces éléments appellent des réponses madame la ministre. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Raymond Vall . - Je n'ai pas d'animosité particulière contre les ARS. Dans ma région de Midi-Pyrénées, tout se passe plutôt bien. En revanche, je n'avais pas voté la loi HPST pour défendre les hôpitaux locaux. Mme Roselyne Bachelot m'ayant assuré qu'on ne leur enfilerait pas « des brodequins d'acier », j'avais retiré mon amendement.
Quelle est la situation ? L'application de la T2A, maintes fois reportée, menacera 290 hôpitaux locaux sur 320 ! Ces chiffres de la Cour des comptes sont accablants : 10 % d'économie et 2 300 emplois menacés. Résultat, plus d'hôpitaux de proximité pour les personnes âgées, plus de service d'accueil spécialisé pour récupérer d'une opération.
Madame la ministre, je n'irai pas par quatre chemins : on va vers une désertification de nos bassins de vie ruraux. D'autant que si les hôpitaux locaux disparaissent, les médecins libéraux quitteront nos territoires. Une nouvelle fois, madame la ministre, je vous invite à nous rendre visite. (Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, n'apprécie guère) Oui, la santé est bien une mission régalienne qui doit être remplie également sur tout le territoire ! (Applaudissements sur les bancs RDSE et à droite)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Comment répondre aux besoins sanitaires de nos concitoyens au plus près du terrain ? Voilà la question posée aujourd'hui. Je salue votre initiative et la qualité du travail de MM. Le Menn et Milon ; personne ne s'en étonnera, ce sont tous deux de grands connaisseurs du monde de la santé. Leur rapport souligne les limites de la réforme bien sûr, mais aussi ses mérites.
La création des ARS ne tombe pas du ciel, des jalons avaient été posés dès 1991 et lors de la mise en place des schémas régionaux d'organisation sanitaire. Depuis deux ans, ce gouvernement a mis les ARS au service de la modernisation du système de santé. Leur rôle est de renforcer la territorialisation et le décloisonnement. Ce qui leur vaut, madame Cohen, un statut spécifique puisqu'elles déclinent une politique nationale tout en répondant à des besoins locaux. Mais la question essentielle n'est pas celle du statut, c'est celle de l'objectif poursuivi. Nous devons aller plus loin, raison pour laquelle je veux un nouveau projet de loi.
Les 9 000 agents des ARS -leur effectif va de 77 en Guyane à 1 200 en Ile-de-France- accomplissent des missions qui vont de la veille à la sécurité sanitaire, la prévention, la santé environnementale, la régulation de l'offre de soins, le suivi des professionnels jusqu'à l'animation des instances de démocratie sanitaires. Ils sont médecins, pharmaciens, ingénieurs, inspecteurs, contrôleurs de gestion. Cette diversité de leurs parcours administratifs fait leur richesse et parfois leurs difficultés.
Les ARS ont mis en oeuvre une stratégie nationale de santé et le pacte territoire santé, avec un bloc d'objectifs spécifiques pour l'outre-mer, monsieur Antiste. Je salue leur implication dans l'attribution de bourses aux étudiants en médecine en contrepartie de l'engagement d'exercer en zone sous-dotée, et le déploiement des praticiens territoriaux. J'ai le plaisir de vous annoncer que 400 nouveaux contrats, dont beaucoup avec de jeunes femmes, seront signés cette année, preuve du succès de ce dispositif.
La coordination des médecins urgentistes des hôpitaux et des Sdis est fondamentale dans l'organisation des soins d'urgence. Mon directeur de cabinet a reçu aujourd'hui les représentants des pompiers. Nous aboutirons bientôt.
M. Jean-Claude Lenoir. - Bien.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Le premier enjeu, je le disais, est le décloisonnement des politiques de santé. On se souvient des débats à l'Assemblée nationale...
M. Jean-Claude Lenoir. - Oui, je me souviens de vos propos, nous étions tous deux députés.
Mme Marisol Touraine, ministre. - ... et au Sénat. On voulait en finir avec l'organisation en silo. Je maintiens mon discours d'alors : nous devons porter le décloisonnement plus loin, la réforme de 2009 était par trop technocratique. Les ARS répondaient alors plus à une logique administrative qu'à la construction d'une logique de santé fondée sur le décloisonnement. Cela dit, j'en avais voté la création.
Les hôpitaux locaux, M. Vall ne l'ignore pas, font l'objet d'une adaptation de la T2A dans la loi de financement de la sécurité sociale, en fonction du parcours de soins, ce qui, d'ailleurs, est tout à fait essentiel pour conserver le service public hospitalier, madame Cohen. En tout cas, les hôpitaux locaux sont, pour moi, essentiels. Sans quoi, on ne peut pas demander à des médecins libéraux de s'installer dans des zones moins bien pourvues.
Je partage votre souci d'un meilleur pilotage des ARS, monsieur Le Menn. J'ai créé un poste de secrétaire général adjoint et de chef de service...
M. Jean-Claude Lenoir. - Oh !
Mme Marisol Touraine, ministre. - ....chargé du pilotage de la stratégie nationale de santé et des ARS. Comme vous, je veux renforcer le conseil national de pilotage et les CRSA.
Oui, il faut stabiliser le champ de compétences des ARS et leur adresser une feuille de route claire. Et, pour rassurer Mme Archimbaud, je considère l'accès aux soins des plus démunis non pas comme un nouvel axe mais comme un axe fort de l'action des ARS. Le prochain contrat d'objectifs et de moyens devra mieux définir leurs orientations stratégiques et opérationnelles. Une remise à plat de leurs missions est à l'étude, en appui à la simplification et à la modernisation des processus de travail.
Donner plus de marges de manoeuvre aux ARS est fondamental pour qu'elles puissent innover : aussi ai-je assoupli et abondé le fonds d'intervention régional qui est doté de 3,4 milliards et bénéficie d'une plus grande visibilité institutionnelle puisqu'il devient un sous-objectif de l'Ondam. J'ai créé un groupe de travail pour réfléchir au transfert de sa gestion administrative, que vous recommandez.
Les ARS paient effectivement les frais de regroupements trop rapides entre agents de l'assurance maladie et fonctionnaires d'État. J'ai insisté sur l'amélioration du management, la fluidité du parcours. Le renforcement du dialogue social est, pour moi, une priorité. D'ores et déjà, les directeurs généraux se mobilisent avec des conventions locales.
En matière de gouvernance, la stabilité doit prévaloir. Je ne suis donc pas favorable à une modification des conseils de surveillance. En revanche, je fais mienne votre préoccupation d'une plus grande implication des collectivités. Je veillerai, monsieur Lenoir...
M. Jean-Claude Lenoir. - Je suis inquiet pour vous, madame la ministre !
Mme Marisol Touraine, ministre. - Tranquillisez-vous, je suis sereine.
Je disais donc que je veillerai à préserver l'échelon de proximité dans la réforme territoriale, même si l'échelon départemental n'est sans doute plus adapté. Approfondissons la démocratie sanitaire à travers les CRSA, qui ont fait la preuve de leur intérêt.
Pour conclure, merci de ce travail sur les ARS. J'espère que nous continuerons à bâtir ensemble une politique de santé au plus près des territoires. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)