Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Merci de respecter vos temps de parole.
Réforme territoriale (I)
M. Robert Tropeano . - Ma question s'adresse à Mme la ministre de la décentralisation. Madame, vous êtes en charge de la réforme territoriale...
M. Roger Karoutchi. - Quelle chance !
M. Robert Tropeano. - ....qui nous jette dans la stupéfaction, comme tous les élus et les citoyens. L'enjeu, c'est l'avenir de la décentralisation voulue par François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre. Une telle réforme ne peut réussir sans consensus ni cohérence. On en est loin. Comment pouvez-vous encore justifier l'instauration du fameux binôme que le RDSE est fier d'avoir refusé et qui fait l'objet d'un refus massif ? Pourquoi dévitaliser les conseils généraux, rebaptisés conseils départementaux il y a un an, et repousser les élections d'un an alors que les nouveaux élus n'auront que leur extinction à gérer ? (Murmures amusés à droite) Le sentiment d'abandon est fort dans nos départements ruraux. Croyez-vous y remédier par le rattachement de certains territoires ruraux à des métropoles situées à 10 heures de transport aller-retour ? Y a-t-il une autre logique à cette réforme que l'arbitraire, le marchandage et les petits arrangements ? Où est la cohérence ? Hier, vous rétablissiez la clause de compétence générale ; vous vous apprêtez à nous en demander la suppression. Combien d'économies tirerez-vous de cette réforme ?
M. Alain Gournac. - Bonne question !
M. Roger Karoutchi. - Aucune économie.
M. Robert Tropeano. - La vraie réforme à faire, c'est celle de la péréquation et de la fiscalité locale. Cessez de jouer le peuple contre les élus : nous savons qui en sort toujours gagnant. (Applaudissements sur les bancs RDSE, au centre et à droite)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique . - Je ne suis pas surprise de cette question. Nous avons longuement débattu du rapport Raffarin et Krattinger et de l'excellent rapport de Mme Gourault.
M. Alain Fouché. - Si excellent qu'il n'a pas été utilisé !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Le Comité Balladur, MM. Raffarin et Krattinger ont fait des propositions différentes : il revenait à l'exécutif de trancher. Alors plus de départements et des intercommunalités plus fortes ? La question est posée depuis longtemps... À un moment, il faut bien lancer la réforme. Le président de la République et le premier ministre ont décidé de réduire le nombre de régions. Ils ont posé un préalable: ne pas séparer les régions existantes, qui ont appris à travailler ensemble, et créer des laboratoires communs... On verra ensuite pour les départements. (Exclamations sarcastiques à droite)
M. Roger Karoutchi. - C'est clair !
M. le président. - Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Je ne peux pas résumer ces longs débats en deux minutes. Toujours est-il que le Premier ministre a voulu laisser le temps de la réflexion.
Réforme territoriale (II)
M. Jean-Pierre Raffarin . (Applaudissements sur les bancs de l'UMP) - Dans toute la France, la réforme des territoires est mal accueillie. Le Sénat avait abouti à un consensus pour mener l'acte III de la décentralisation.
Nous avions décidé d'associer les territoires, dans une approche réfléchie, pour dessiner une nouvelle carte des régions. Or nous apprenons que la carte a été dessinée, un soir à l'Élysée, dans la solitude, par quelques-uns, qui ont imposé le fait du prince : l'un prônait le repli sur son territoire, condamnant l'autre à une opportune solitude, la troisième, refusé à l'ouest et rejeté au sud ne pouvait s'accrocher qu'au nord. Monsieur le ministre, les identités ne se négocient pas. Les réformateurs étaient prêts à discuter. Mais votre méthode, plus féodale que républicaine, a sans doute condamné le projet. Votre précipitation événementielle ne peut s'expliquer autrement que par des manoeuvres électorales. Relisez Fernand Braudel, penseur de l'identité de la France, qui a écrit que la science sociale a horreur de l'évènement.
À côté de grandes régions, gage de puissance et de stratégie, nous proposions de donner un nouvel élan aux départements, échelon de proximité et de cohésion. (Applaudissements à droite) Si vous videz le département de sa substance, au lieu d'aboutir à un acte III de la décentralisation, nous aurons un acte I de la recentralisation ! La réforme territoriale, je le dis sincèrement, dépasse les clivages politiques. Le Sénat qui aura le premier mot législatif, a toute légitimité à s'engager dans cette réforme. Monsieur le premier ministre, êtes-vous prêt à faire confiance au Sénat et à l'expertise des sénateurs ?
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Monsieur le premier ministre, notre organisation territoriale est devenue trop complexe, illisible : Ce constat est partagé.
Vous-même, Monsieur Raffarin, avec M. Krattinger, vous le reconnaissez dans votre rapport en plaidant en faveur d'un regroupement des régions. M. Balladur l'avait aussi proposé. La formation politique qui vous intéresse le plus propose la création de huit grandes régions et la suppression des départements. Il y a donc un débat qui traverse toutes les formations politiques et tous les territoires. De cette réforme, on parle depuis longtemps, sans la faire. Nous sommes passés des mots aux actes sous l'impulsion du président de la République. Vous avez de l'esprit, monsieur Raffarin, mais ne vous arrêtez pas aux anecdotes. Parlons de la méthode.
M. Gérard Larcher. - Ce n'est pas une méthode.
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Nous avons fait le choix du mouvement et de la réforme. En refusant toute réforme constitutionnelle, certains ont fait le choix du statu quo et parfois de la caricature.
Il ne s'agit pas de l'acte I de la recentralisation, Monsieur Raffarin ! Des régions plus grandes, plus puissantes, des intercommunalités renforcées, est-ce cela la recentralisation ? Non !
Nous donnerons plus de pouvoirs, de compétences et de moyens aux régions et aux intercommunalités, parce que c'est le couple institutionnel qui déterminera l'avenir du pays. Les projets de loi sur les compétences et le périmètre des régions seront présentés en conseil des ministres le 18 juin, pour lancer une réforme cohérente. Vous voulez des régions avec des blocs de compétence renforcés pour le développement économique, l'emploi, la formation ? Nous allons le mettre en oeuvre.
Cette réforme demande du temps et du débat. C'est pourquoi nous avons mené de longues concertations et le débat se poursuivra au Parlement. Je ne doute pas de la capacité du Sénat à faire des propositions. Nous les examinerons avec attention. Encore fallait-il proposer un texte ! Il n'était pas raisonnable, enfin, de demander à nos concitoyens de rester dans un cadre incertain. Il faut du temps. Le débat sur les départements va s'engager. Leur rôle en milieu rural n'est pas le même qu'en milieu urbain, évidemment. Nous aborderons ce débat avec ouverture d'esprit et nous entendrons le Sénat mais sans perdre de vue le cap d'une réforme indispensable pour notre pays ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Emplois à domicile
Mme Muguette Dini . - Le secteur de l'emploi à domicile fait face à l'urgence. Je m'étais opposée, en 2010, à la forte réduction de l'exonération des charges patronales, comme en 2012, à la suppression de la déclaration au forfait. L'Acoss a sonné l'alarme.
Garde des enfants, accompagnement des parents, aides ménagères, voilà ce dont il est question, et non de clowns, de maîtres d'hôtel ou de coaches sportifs.
Le nombre d'heures déclarées a chuté de 6,1 % ; même l'activité des assistantes maternelles a reculé. Depuis 2011, un énorme plan social a eu lieu, avec la suppression de 40 000 emplois, sans qu'on en parle.
Il faut porter à 2 euros par heure la déduction de charges et soutenir ce secteur qui crée des emplois non délocalisables. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Le Gouvernement partage votre préoccupation. La crise de ce secteur est due d'abord à la conjoncture. Viennent ensuite les raisons fiscales.
M. Alain Gournac. - C'est certain !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - En 2011, est intervenue la suppression de l'abattement de 15 points des cotisations employeur sans réforme des autres allégements. Il fut alors beaucoup plus avantageux pour l'employeur de déclarer au forfait... mais beaucoup moins pour le salarié qui perdait des droits sociaux en matière de retraite ou d'indemnités journalières!
Cette majorité, dans un souci de cohérence, a supprimé le forfait. Afin d'en limiter l'impact, le Parlement a instauré une baisse forfaitaire de 0,75 centime par heure travaillée, qui a coûté 200 millions au budget. La porter à 2 euros coûterait 300 millions d'euros.
M. Alain Fouché. - Pour l'emploi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Il faut donc y réfléchir. Un travail d'évaluation est en cours. Nous sommes ouverts à des évolutions afin de soutenir l'emploi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Michel Houel. - Ce ne sera pas un mal !
Lutte contre le terrorisme (I)
M. Jean-Pierre Sueur . - Ma question fait suite à l'odieux attentat antisémite perpétré au musée juif de Bruxelles. Nous disons notre profonde sympathie à toutes les victimes de ces actes barbares.
Les réseaux djihadistes sévissent, vous le savez. Le président de la République a annoncé que 30 Français étaient morts en Syrie récemment. La délégation parlementaire au renseignement suit cela de très près. Policiers, gendarmes, agents et douaniers font le maximum, il faut néanmoins faire encore plus, pour empêcher que de tels actes se reproduisent.
Monsieur le Premier ministre, quelles dispositions entendez-vous prendre pour lutter contre cette barbarie du terrorisme ? (Applaudissements)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - L'arrestation de Mehdi Nemouche confirme l'importance de la menace terroriste. À mon tour, je veux m'incliner devant les victimes de cet acte odieux commis à Bruxelles.
L'ennemi de nos valeurs, de notre démocratie est aussi interne. Les mots que j'avais dits en tant que ministre de l'intérieur avaient choqué, ils sont pourtant vrais.
La loi de décembre 2012 a renforcé notre arsenal préventif et répressif. Il fallait aller plus loin : ce fut fait avec la réforme du renseignement ; ce sera encore le cas avec le plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes, que M. Cazeneuve a présenté en conseil des ministres le 23 mai dernier et que j'avais évidemment préparé.
Nous devons traiter ce sujet sans rien nous interdire, dans le cadre de notre droit. Que faire de ceux qui reviennent ? Et même de ceux qui veulent partir ? Au-delà de toutes les mesures que nous prenons pour combattre les filières et favoriser la réinsertion se pose la question du départ : comment sanctionner ceux qui veulent partir faire le djihad ? 800 Français appartiennent à des réseaux ; 490 ont combattu sur le sol syrien ; 320 sont sur place, 30 y sont morts, 140 sont revenus. Jamais la France n'a fait face à une telle menace. Nous avons failli avoir un attentat à Strasbourg et dans le sud de la France. La menace est réelle et nous ne devons pas la cacher aux Français.
Dans cette lutte, qui doit tous nous rassembler, il faut éviter les amalgames : nos compatriotes de confession musulmane doivent se sentir épaulés par la communauté nationale car, partout dans le monde, les musulmans sont les premières victimes du terrorisme. Face à ce défi pour la France, je sais pouvoir compter sur chacun de vous. (Applaudissements)
Lutte contre l'antisémitisme
Mme Esther Benbassa . - L'antisémitisme en France suit une pente meurtrière comme l'ont démontré les attentats de Toulouse et Bruxelles. Leurs auteurs ont suivi un parcours similaire : ils se sont radicalisés en prison après avoir été coupé de la société, de l'école et de la famille. Aujourd'hui, l'Orient constitue une nouvelle source de terrorisme. La haine du juif et d'Israël est ingurgitée sur internet ; l'endoctrinement se double d'un apprentissage du terrorisme. Si les mesures annoncées par M. Cazeneuve s'imposent, on ne combattra pas le djihadisme new wave par les seules armes sécuritaires. La prison en est devenue le réservoir de salafistes fraichement convaincus ; mieux vaudrait souvent une peine probatoire qu'une radicalisation en prison. Grâce à la réforme pénale, peut-être pourra-t-on éviter le passage par la case prison. Ces actes ravivent chez les juifs et tous les démocrates, la mémoire des six millions de juifs morts pendant la guerre, dont 73 000 en France. Intolérable, cet antisémitisme doit être combattu par tous les moyens, comme l'islamophobie ou la xénophobie et tous les racismes. En fait, ces actes de terrorisme portent atteinte aux fondements de notre société démocratique. Les discours d'apaisement et les messages de sympathie ne suffisent plus : comment le Gouvernement compte-t-il rétablir les conditions du vivre-ensemble ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement . - Quand un homme abat quatre innocents dans un musée avec pour seul mobile la haine du peuple juif, le Parlement et le Gouvernement ne peuvent qu'être soulevés par l'indignation. À mon tour, j'adresse aux communautés juives de Belgique et de France frappées par le deuil un message de soutien fraternel, de solidarité et de compassion. Le Gouvernement restera ferme dans son combat contre cette barbarie moderne. Les auteurs seront inlassablement traqués, retrouvés et punis. M. Cazeneuve va présenter le 23 juin un arsenal de mesures pour éradiquer le terrorisme. Vous avez raison : la prison peut devenir un milieu propice au prosélytisme et à la radicalisation. Aussi, nous allons renforcer l'action des services de renseignement pénitentiaire et améliorer la formation des aumôniers, notamment musulmans. Il faut que les prisonniers voient des imams formés aux principes civiques et citoyens qui sont ceux de l'islam de France. Outre cet aspect répressif, il y a aussi un combat permanent à mener contre l'intolérance ; il y a quelques mois, le Gouvernement a montré son engagement lors de l'affaire Dieudonné.
Nous menons un combat déterminé contre l'antisémitisme, la violence et le terrorisme. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)
Réforme territoriale (III)
M. Christian Favier . - Dans l'improvisation la plus totale, le président de la République a annoncé une réforme territoriale dont personne ne veut, qui ne s'appuie sur aucune règle et qui n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact. (Applaudissements sur les bancs UMP) Elle est contraire à l'engagement n°54 du candidat Hollande d'associer les élus locaux aux réformes. C'est la fin programmée des départements, le regroupement forcé des régions, la baisse du nombre d'élus, sur fond d'austérité.
Les économies espérées ? M. Vallini dit, à présent, qu'il faudra attendre cinq à dix ans. En fait, les seules économies seront tirées de la suppression des services publics !
Plutôt que de mener cette réforme à la hussarde, pendant l'été, donnons la parole aux élus locaux, réunissons des États généraux et laissons trancher le peuple souverain ! (Applaudissements sur les bancs CRC et UMP)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique . - Nous avons pris tout notre temps, ici, pour parler des territoires, de l'intercommunalité... Et vous parlez d'improvisation ?
M. Alain Fouché. - Oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Le président de la République a recueilli l'avis de tous les groupes parlementaires. Le Premier ministre a reçu les associations d'élus, il est temps d'agir.
Le débat parlementaire, sur les précédents textes, nous a fait beaucoup progresser. Mais qui peut penser que la carte territoriale actuelle est satisfaisante ? Il faut revoir la carte des régions, réfléchir au partage des compétences. (M. Alain Fouché se récrie) Cessez donc de crier !
M. Christian Cointat. - Vous nous tournez le dos !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Je me tourne donc vers vous. La situation actuelle ne nous satisfait pas, la délégation des collectivités locales du Sénat en convient d'ailleurs. Il faut trouver les voies de la solidarité entre territoires. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Lutte contre le terrorisme (II)
M. Gérard Larcher . - La tragédie de Bruxelles rappelle celle de Toulouse, où des soldats avaient été touchés les premiers. L'obscurantisme, hélas, gangrène les esprits. Cet islam radical est combattu par les musulmans de France : M. Moussaoui, président d'honneur du Conseil français du culte musulman, disait de la radicalisation qu'elle défigure l'islam. Pourtant, depuis des années, des centaines de Français partent se battre en Syrie. Comment éviter leur départ ? Que faire lorsqu'ils reviennent ? La réponse doit être européenne, nous l'avons vu en nous déplaçant en Turquie, près de la frontière syrienne. On annonce un nouveau plan pour le 23 juin. Voici quelques mesures fortes qui pourraient être prises : confiscation du passeport, expulsions, gel des avoirs des micro-filières... Faut-il améliorer le fonctionnement de la DGSI ? Renforcer l'action des services de renseignement en prison ? Le président de la République a évoqué le sujet au G 7 hier, je le sais. Répondons en républicains à la menace terroriste. (Applaudissements à droite)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Ce sujet majeur concerne tous les pays. Avec M. Cazeneuve, nous avons décidé d'amplifier les coopérations avec l'Europe, mais aussi les États-Unis, l'Australie, le Canada, la Jordanie, la Turquie et le Liban qui sont touchés par cette menace.
Dans notre arsenal, la DGSI a été créée précisément pour lutter contre ce danger intérieur, diffus, qui sévit également en Espagne et ailleurs. Sont également posés le problème d'internet et celui de la liberté de la presse : nous avons dit à nos amis américains les problèmes posés par le premier amendement. Nous devons donner une réponse à ce phénomène qui fracture la communauté nationale.
Vous avez rappelé avec raison les paroles de l'ancien président du culte musulman ; merci de votre ton et de votre question qui dépasse les clivages (Applaudissements)
Mesures fiscales
M. Gilbert Roger . - Ces dernières années, beaucoup de Français modestes sont devenus redevables de l'impôt sur le revenu à cause du gel du barème.
Je salue la décision du Premier ministre de réduire, voire d'exonérer d'impôts dès septembre 2014 les personnes gagnant moins de 1 200 euros nets. Trois millions de ménages sont concernés, 1,8 million sortiront de l'impôt sur le revenu et, donc, de la taxe d'habitation et de la redevance télé.
Bercy a mis en place un simulateur sur internet pour estimer le montant de l'impôt, mais il ne tient pas encore compte de la réforme qui n'a pas été votée par le Parlement. Résultat, certains contribuables constatent qu'ils paient plus d'impôts. Pourriez-vous engager une campagne de communication en direction de chaque foyer ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - Dans le Pacte de responsabilité et de solidarité, le Gouvernement diminuera les cotisations des entreprises mais aussi les cotisations des salariés tout en exemptant d'impôt sur le revenu les ménages les plus modestes. La suppression de la demi-part des veuves votée il y a longtemps continue à faire sentir ses effets !
Avec cette réforme, 1,8 million de foyers sortiront de l'impôt sur le revenu, une économie moyenne de 700 euros par couple. Cette mesure sera financée en utilisant les ressources récupérées auprès de ceux qui ont fraudé le fisc. (« Bravo » ! à gauche) D'ici à la fin du mois, un nouveau simulateur à blanc sera disponible sur internet. (Applaudissements à gauche)
M. Didier Guillaume. - Très bien !
Autonomie
M. René-Paul Savary . - L'acte II de l'APA a été annoncé alors que l'acte I n'a toujours pas été compensé auprès des départements. L'âge moyen d'entrée en maison de retraite a reculé de 75 à 83 ans : c'est un progrès incontestable.
Les départements sont les chefs de file incontestés de cette prestation. Quelle sera, demain, leur place, alors qu'ils doivent être, « dévitalisés » selon certains ou « euthanasiés » pour d'autres ? Quel est le calendrier retenu ?
En outre, comment financerez-vous l'acte II ? Pourquoi la Casa n'est-elle pas d'ores et déjà versée aux départements ? La question nous concerne tous même si, disait Malraux, on ne voit vieillir que les autres... (Applaudissements à droite)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie . - Le Conseil des ministres vient d'adopter un important projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement, qui comprend un volet financier de 640 millions, un volet urbain -car vieillir, désormais, ce n'est pas rester chez soi- et un volet social sur l'accompagnement, qui comprendra un droit au répit pour les membres de la famille. La Casa y sera entièrement consacrée et les départements n'assumeront aucune dépense supplémentaire. Les personnes âgées auront droit à des heures d'accompagnement supplémentaires, financées, je le répète, par la Casa.
L'examen en première lecture aura lieu le plus rapidement possible. Si le Parlement travaille vite, comme nous le souhaitons tous, les Français en bénéficieront dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Retraite des femmes
M. Yves Daudigny . - En octobre dernier, à l'ouverture des débats sur la réforme des retraites, j'avais souligné la rupture par rapport à la législature précédente. C'est, en effet, une loi de justice et de progrès avec la prise en compte de la pénibilité, l'amélioration de la situation des travailleurs précaires, la validation de l'apprentissage ou encore la revalorisation des pensions des non-salariés du secteur agricole.
Madame Rossignol, vous étiez alors rapporteure pour la délégation aux droits des femmes. Alors que les pensions des femmes restent inférieures à celles des hommes, le décret du 1er juin confirme la compensation de la maternité pour la retraite des femmes. Confirmez-vous cette orientation, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie . - Merci d'avoir rappelé que la réforme des retraites, non contente d'assurer la pérennité financière de nos régimes de retraite, en a corrigé plusieurs iniquités et notamment les inégalités entre hommes et femmes. Les femmes perçoivent des pensions inférieures de 30 % à celles des hommes. Bien sûr, tout se joue avant, dans les parcours professionnels. Nous devons faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie privée.
Avec le futur décret, 70 000 femmes pourront valider des trimestres supplémentaires, celles qui ont trois enfants, qui ont eu des jumeaux ou qui ont adopté. Je rappelle également la double revalorisation de 80 euros pour les femmes. Voilà ce que fait le Gouvernement pour l'égalité ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Valeurs de la société
M. Philippe Darniche . - En septembre, je ne briguerai pas un nouveau mandat de sénateur. Une question me taraude : quel monde sommes-nous en train de transmettre à nos enfants ? Au fil des décennies, je vois s'écrouler les repères qui ont façonné ma vie. Où est la fidélité qui soudait le mariage ? Où est la protection des faibles ? Que deviennent les liens familiaux ?
Aujourd'hui, le Gouvernement remet en cause la nature, rien de moins, avec les ABCD de l'égalité par exemple en refusant la complémentarité entre hommes et femmes.
Pas moins de 96 % des foetus porteurs d'une trisomie 21 sont euthanasiés. Pourquoi dissocier avortement et détresse ? Pourquoi avoir rendu la pilule gratuite dès 15 ans ? C'est faire croire que la liberté, c'est assouvir tous les désirs, alors qu'ils peuvent vous rendre esclaves.
Votre loi a bousculé les codes multiséculaires. Le bateau France part à la dérive ! Face à la hausse du chômage, vous faites diversion avec votre réforme territoriale. Face à l'explosion de l'insécurité, vous répondez par le laxisme pénal. Que diront les générations futures ? Quand le Gouvernement cessera-t-il d'abimer la France ? (M. Jean-François Humbert applaudit)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie . - Je tiens à vous rassurer. Non, les androgynes ne reviendront pas sur terre, déchaînant la colère de Zeus. Non, l'indifférenciation des sexes ne menace pas la perpétuation de l'espèce humaine.
L'humanisme moderne, c'est de penser que la nature est tout sauf une norme morale.
Notre modèle autorise chacun à vivre selon ses convictions. Ce que la loi permet n'est pas une obligation. Quelle société voulons-nous transmettre à nos enfants ? Une société construite sur les valeurs qui sont les nôtres, celles de cette maison, celles de la République, de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Ce sont celles qui ont permis aux femmes de conquérir des libertés nouvelles que la nature ne nous avait pas données : les droits procréatifs, la contraception, le droit à l'IVG.
Je vous souhaite, monsieur le sénateur, une retraite heureuse : vous aurez tout le loisir de méditer, comme les apôtres, sur la hiérarchie entre la loi des hommes et la loi de Dieu. (Applaudissements à gauche)
La séance est levée à 16 h 10.
Prochaine séance mardi 10 juin 2014 à 14 h 30.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques