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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Question prioritaire de constitutionnalité (Renvoi)

CMP (Candidatures)

CMP (Demande de constitution)

Engagement de la procédure accélérée

Demande d'avis sur une nomination

Questions orales

Accessibilité aux personnes handicapées

Mme Patricia Bordas

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Port du foulard et neutralité du sport

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports

Rédacteurs territoriaux

Mme Michelle Demessine

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique

Élections cantonales et régionales

M. Jean Boyer

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique

Permis de conduire international

Mme Catherine Procaccia

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Mineurs emprisonnés

Mme Marie-Thérèse Bruguière

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Rythmes scolaires (I)

M. Antoine Lefèvre

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Rythmes scolaires (II)

Mme Françoise Férat, en remplacement de M. Hervé Maurey

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Remorqueurs dans le golfe de Gascogne

M. Yannick Vaugrenard

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Aides à l'enrichissement du vin

M. Robert Tropeano, en remplacement de M. Christian Bourquin

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Barrage de Guerlédan

M. Yannick Botrel

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Observatoire national de l'enseignement agricole

Mme Françoise Férat

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Politique de sécurité routière

M. Alain Fouché

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Lutte contre le chômage dans le Nord-Pas-de-Calais

M. Dominique Bailly

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

CMP (Nominations)

Questions orales (Suite)

Souscription obligatoire d'une complémentaire santé

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique

Maisons de l'emploi

M. Jean-François Husson

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique

Soutien aux entreprises qui produisent en France

Mme Mireille Schurch

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique

Contrôle des distributeurs de lait

M. Rachel Mazuir

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique

Sénateurs non inscrits et questions parlementaires

M. Jean Louis Masson

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique

Tribunaux départementaux

Mme Jacqueline Alquier

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique

Débat sur la pauvreté

M. Joël Bourdin, président de la délégation sénatoriale à la prospective

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective

Mme Aline Archimbaud

M. Michel Savin

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Isabelle Pasquet

Mme Michelle Meunier

M. François Fortassin

M. Ronan Kerdraon

M. Martial Bourquin

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Hommage à une délégation parlementaire indonésienne

Débat sur les perspectives de la construction européenne

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur de la commission des affaires européennes

M. André Gattolin

M. Jean Bizet

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Michelle Demessine

M. Jean-Pierre Chevènement

M. Richard Yung

Mme Colette Mélot

M. Dominique Bailly

M. Roland Ries

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Accord en CMP

Ordre du jour du mercredi 21 mai 2014




SÉANCE

du mardi 20 mai 2014

99e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : M. Jean Desessard, Mme Odette Herviaux.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Question prioritaire de constitutionnalité (Renvoi)

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 16 mai 2014, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'alinéa 4 de l'article L. 443-15 du code de la construction et de l'habitation (Dispositions applicables aux cessions, aux transformations d'usage et aux démolitions d'éléments du patrimoine immobilier)

CMP (Candidatures)

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires.

La commission du développement durable m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.

CMP (Demande de constitution)

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues à l'article 12 du Règlement.

Engagement de la procédure accélérée

Mme la présidente.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2013.

Demande d'avis sur une nomination

Mme la présidente.  - Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre, par lettre en date du 16 mai 2014, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de Monsieur Stéphane Saint-André en qualité de président du conseil d'administration de l'établissement public Voies navigables de France. Cette demande d'avis a été transmise à la commission du développement durable.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle vingt questions orales.

Accessibilité aux personnes handicapées

Mme Patricia Bordas .  - Le 26 février 2014, Jean-Marc Ayrault a annoncé le report de trois à neuf ans de l'obligation faite aux établissements recevant du public et aux transports collectifs de se rendre accessibles aux personnes handicapées. C'était, hélas, devenu inévitable, en raison du retard pris dans la publication des décrets, à la suite de la loi de 2005, de la sous-évaluation financière des travaux, de la singulière complexité de la réglementation et, surtout, d'un portage politique de la loi de 2005, insuffisant voire inexistant. De fait, entre 2005 et 2012, deux conférences nationales seulement ont été réunies.

Afin de convertir en actes la loi de 2005 qui me paraît une révolution sociétale, Jean-Marc Ayrault a confié en 2012 une mission à notre collègue Claire-Lise Campion pour réfléchir à l'application de cette loi. Une concertation inédite avec tous les acteurs a été lancée et un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance est en cours de discussion. Voilà le second souffle de la politique d'accessibilité tant espéré. Entre parenthèses, le recours aux ordonnances qu'apprécient peu les parlementaires se justifie par l'urgence et la technicité des mesures à prendre, et le monde associatif l'a approuvé.

Le Gouvernement envisage-t-il un mécanisme d'incitation à l'égard des collectivités territoriales qui ont un devoir d'exemplarité ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - L'accessibilité universelle est un objectif partagé. Le retard pris depuis 2005 suscite une impatience légitime : pour certains, la vie quotidienne est un parcours du combattant. C'est pourquoi Jean-Marc Ayrault a confié une mission à Claire-Lise Campion en 2012. Une vaste concertation a été ouverte courant 2013 associant pour la première fois tous les acteurs concernés.

L'objectif du projet de loi actuel n'est pas de se laisser du temps, mais d'appliquer la loi de 2005 en s'en donnant les moyens et en simplifiant des normes parfois trop complexes. La loi demeure effective : son non-respect est pénalement sanctionnable, sauf si un agenda d'accessibilité programmée est conclu d'ici la fin de l'année.

Je signerai bientôt une convention avec la Caisse des Dépôts et BPI France, notamment pour financer les travaux engagés par des collectivités publiques. Une campagne d'information va bientôt démarrer avec l'appui des jeunes engagés dans un service civique.

L'accessibilité doit être considérée comme un investissement d'avenir, car elle concerne 12 millions de personnes en France : être accessible, pour un établissement, c'est être attractif.

Mme Patricia Bordas.  - L'accessibilité concerne non pas seulement les personnes handicapées, mais tous ceux qui, un jour ou l'autre, peuvent être confrontés à des problèmes de déplacement. Songez aux parents avec des poussettes, à la population vieillissante...

Des communes comme Grenoble ou Brive ont entrepris des travaux. Il n'en va pas de même partout.

Les futures échéances doivent être respectées. Tout nouveau retard serait une régression pour la société dans son ensemble. Vous avez ma confiance.

Port du foulard et neutralité du sport

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - En juillet 2012, j'ai déjà interpellé le Gouvernement sur l'autorisation du port du voile sur les terrains de football par la Fifa

L'International football association board (Ifab) vient de faire de même, bafouant le principe de neutralité du sport énoncé par l'article 50-3 de la Charte olympique, ainsi que l'interdiction des discriminations fondées sur le sexe - car le voile est porté uniquement par les femmes.

La Fédération française de football (FFF) s'est déclarée hostile à cette mesure. Si elle est maintenue, son président a indiqué que si la France organisait la Coupe du monde de football féminin en 2019 et que l'Arabie saoudite se qualifiait, les règles internationales seraient respectées.

Qu'entend faire le Gouvernement pour refermer la boîte de Pandore ?

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports .  - La neutralité politique et religieuse sur les terrains de sport est un principe auquel la France est très attachée. La décision de l'Ifab entrera en vigueur le 1er juillet ; elle a été prise au motif que la kippa ou le voile seraient des signes « culturels », et non confessionnels. Il ne nous appartient pas de commenter cette décision d'une instance internationale indépendante, mais le Gouvernement exprime tout son soutien à la FFF pour veiller à ce que le football, en France, reste neutre. Nous nous efforcerons de peser à l'avenir sur les décisions de la Fifa.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Imposer aux seules femmes le port d'un couvre-chef est discriminatoire et contraire aux principes olympiques. Soyons vigilants, y compris sur la féminisation des instances du sport.

Rédacteurs territoriaux

Mme Michelle Demessine .  - Pour apaiser les inquiétudes des lauréats du concours interne de rédacteur territorial non encore recrutés, le Gouvernement a publié le 30 juillet 2012 un décret qui assouplit les modalités de recrutement.

Il fixe un quota de 5 % de nominations par la voie de la promotion, pour une période de trois ans à compter de la parution du décret. Cela ne règle pas la situation des lauréats du concours interne en attente de promotion. Après le 31 décembre, ils seront en concurrence avec les lauréats du concours externe. Certains envisagent d'ailleurs de passer ce concours. Quel paradoxe pour ces agents qui se sont investis dans leur collectivité ! Ils ont le sentiment de ne pas être reconnus à la hauteur de leur mérite. Mais cela ne suffira pas. Il conviendrait de créer une part hors quota ou, comme le demande Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, de rehausser le quota de 5 % à 10 %.

Qu'envisage le Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique .  - J'entends votre souci de précision. Les lauréats ont bénéficié d'une mesure exceptionnelle et transitoire de promotion interne, pour tenir compte de la réforme des cadres d'emploi de catégorie C.

Tous n'ont pu être promus en raison du quota, fixé en 1984 dans le but de garantir un juste pyramidage des effectifs.

Afin de favoriser leur recrutement, nous avons prolongé la validité de l'examen, sans limitation de durée. Des mesures favorables ont été prises sur le quota par les décrets de 2010 et 2012. Une clause de sauvegarde autorise un recrutement interne en 2015, même en l'absence de tout recrutement externe.

Alors que le dispositif de 2004 était expressément transitoire, il a été progressivement étendu et prolongé.

Je me suis engagée à faire le bilan fin 2014. La plupart des cas devraient être résolus. Une discussion a commencé sur les parcours, formations, passerelles... À partir de là, voyons comment favoriser les promotions sans déclencher un bug.

Mme Michelle Demessine.  - Merci d'apporter un peu de clarté sur ce dossier complexe. Ces fonctionnaires doivent bénéficier de la reconnaissance pécuniaire mais surtout morale qui leur est due.

Élections cantonales et régionales

M. Jean Boyer .  - Ma question ne vous surprendra pas puisqu'on parle de reporter les élections cantonales et régionales. Les cantons ayant été agrandis, les candidats ont besoin de s'y faire connaitre ; c'est indispensable. Dans les cantons urbains, bien des élus ne connaissent pas leur secteur mais, dans les cantons ruraux, il est rare que l'élu ne connaisse pas au moins quelques habitants dans chaque village.

La réforme territoriale ne doit pas être éphémère. Vous êtes, madame Lebranchu, une ministre appréciée. Les élections cantonales seront-elles effectivement reportées ? Vous êtes bretonne, je suis auvergnat, j'espère une réponse qui ne soit pas de Normand.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique .  - Le ministre de l'intérieur, pardonnez-moi, est normand... (Sourires)

La loi du 17 mai 2013 a fixé à mars 2015 la date des élections cantonales et régionales. L'accélération de la réforme territoriale nous conduit cependant à redessiner bientôt les régions : c'était une demande unanime du Sénat, exprimée lors d'un débat en janvier. Un autre projet de loi est en préparation sur la répartition des compétences, qui sera bientôt présenté en conseil des ministres. Le président de la République a choisi de consulter les responsables des partis politiques pour faire le point sur les réformes et leur calendrier.

Pouvons-nous faire cette réforme avec le calendrier électoral actuel, qui empêcherait tout débat à partir de novembre ? Ce n'est pas sûr, et c'est pourquoi le ministre de l'intérieur fera des propositions. Vous êtes auvergnat, je suis bretonne et le ministre Vallini est dauphinois : nous voulons tous que nos territoires se sentent bien pour participer au redressement de la France.

M. Jean Boyer.  - J'ai bien entendu votre volonté de concertation. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Dans des cantons deux à trois fois plus grands, il faudra du temps pour se faire connaître. Je ne me présenterai pas aux prochaines élections sénatoriales, volontairement. C'est donc sans esprit de polémique que je m'efforce de faire remonter les messages de la France d'en bas, afin d'éviter que de nouveaux cantons ne meurent avant de naître.

Permis de conduire international

Mme Catherine Procaccia .  - Hors de l'Union européenne, le permis de conduire international est indispensable. Délivré pour une durée de trois ans, il est renouvelable une seule fois, si la demande est déposée un mois avant la date d'expiration initiale. Il comporte un emplacement réservé pour un tampon donnant lieu à sa prorogation. Ce sujet m'a déjà occupée en 2010, et j'ai obtenu que soient harmonisées ses modalités de renouvellement qui étaient auparavant variables en fonction des services préfectoraux. Le renouvellement intervient dans les mêmes conditions que la demande initiale : le demandeur doit justifier son identité et la validité de son permis français. Il suffit d'apposer un tampon pour proroger le permis. Problème, deux photographies d'identité récentes sont exigées qui diffèrent généralement de la photo apposée sur le permis international.

À l'étranger, nos compatriotes peuvent avoir besoin de conduire. Les consulats les informent peu sur la nécessité de posséder un permis international.

Qu'entend faire le Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'intérieur. Il préside une réunion des préfets place Beauvau.

L'annexe 7 de la convention de Vienne du 8 novembre 1968 a été modifiée le 29 mars 2011, fixant un nouveau modèle de permis de conduire international. L'objectif est de sécuriser ce document, qui a fait l'objet de nombreuses fraudes. Contrairement au précédent modèle, il ne permet plus aux autorités nationales de proroger le permis. À son échéance, le conducteur doit solliciter la délivrance d'un nouveau permis, en remplissant le formulaire Cerfa n°14881-01 et en fournissant trois photographies : les deux premières pour le formulaire Cerfa et la troisième pour le permis international.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Pour les Français, le permis de conduire international reste indispensable pour pouvoir conduire hors de l'espace économique européen. Comme vous l'y invitez, le ministère des affaires étrangères demandera aux consulats de le mentionner systématiquement sur leurs sites Internet.

Mme Catherine Procaccia.  - J'ignorais que les règles avaient été modifiées. Sur Internet, on peine à trouver des informations sur le permis de conduire international. Le site de la préfecture de l'Isère le mentionne, sans plus de détails. Rien dans mon département ! Les informations devraient être disponibles sur le site du service public.

Mineurs emprisonnés

Mme Marie-Thérèse Bruguière .  - J'aurais aimé que Mme la garde des sceaux me réponde en personne. Le 23 avril 2014, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a dénoncé la situation au quartier des mineurs de la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, où s'étaient déroulées de graves violences à l'encontre de jeunes à leur arrivée en détention, - comme une forme de rite de passage ou de bizutage. Celles-ci m'ont choquée, comme elles ont choqué M. Tropeano. Certains mineurs en sont traumatisés, ce qui compromet leur réinsertion. L'administration pénitentiaire est désemparée. Beaucoup de faits échappent à tout signalement, et les procédures disciplinaires sont trop longues. Des faits semblables ont déjà été dénoncés à Villefranche-sur-Saône en 2009.

Ces rites d'un autre âge qui se sont déroulés dans la cour doivent prendre fin. Je retiens deux des recommandations du Contrôleur général. D'abord il faut veiller à la prise en charge éducative des enfants, leur rappeler les notions de règlement, de respect d'autrui. Ensuite il faut que les médecins fassent un signalement lorsqu'ils constatent les conséquences corporelles de ces actes. On ne saurait s'abriter derrière l'argument selon lequel les enfants seraient naturellement portés à être violents.

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le Gouvernement ne minimise nullement ces faits. La garde des sceaux, empêchée ce matin, a répondu au Contrôleur général. Une mission a été créée dès le 17 avril, et des mesures ont d'ores et déjà été prises : des travaux de sécurisation sont conduits pour empêcher tout contact entre majeurs et mineurs. Un nouveau quartier pour mineurs de 25 places sera ouvert dès juillet à Toulon en attendant l'ouverture du quartier d'Aix.

Pour mettre fin au sentiment d'impunité, une commission de discipline spécifique a été créée, et le procureur de Montpellier poursuit systématiquement les infractions constatées.

Des formations sont dispensées sur le respect de l'autre et la distinction entre auteur et victime. Un travail important est aussi entrepris avec les familles.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - La solution, vous l'avez dit, passe par le respect de l'autre, et par plus de moyens. Nous resterons vigilants.

Rythmes scolaires (I)

M. Antoine Lefèvre .  - Loin de simplifier les choses, le récent décret sur les rythmes scolaires n'a fait que créer des complications supplémentaires. Je passe sur le problème informatique qui entraîne la suppression de la prérentrée, mais il y a de quoi être caustique...

Je veux attirer votre attention sur les conditions de la prise en charge des élèves en situation de handicap lors des activités organisées après la classe dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Les journées de classe sont allégées, se terminent plus tôt et ne doivent plus dépasser une durée de cinq heures trente. Les communes et Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant la compétence en matière d'enseignement maternel et primaire ont dû, par conséquent, adapter leurs activités périscolaires afin d'assurer la prise en charge obligatoire des élèves au moins jusqu'à 16 h 30, heure de fin de classe, dans la plupart des cas, antérieurement à la réforme.

Cependant, ni le décret du 24 janvier 2013 ni celui du 7 mai ne précisent rien quant à la prise en charge des enfants handicapés pendant cette période périscolaire. Or les Auxiliaires de vie scolaire (AVS) ont vocation à intervenir pendant le temps scolaire uniquement. Des animateurs, non qualifiés pour cette prise en charge, sont alors amenés à encadrer ces enfants, cependant que dans certains départements, de jeunes enfants handicapés sont exclus de ces activités périscolaires et se retrouvent marginalisés dans leur processus de socialisation auprès de leurs camarades de classe. Pour les communes ou EPCI, il paraît difficilement concevable d'opérer une rupture d'accueil, potentiellement discriminatoire, entre les temps scolaires, périscolaires et extrascolaires.

Je vous demande donc de prendre les mesures nécessaires à l'adaptation des missions des Auxiliaires de vie scolaire afin qu'ils puissent couvrir non seulement le temps scolaire, mais aussi les périodes réservées aux activités périscolaires telles qu'elles découlent du décret du 24 janvier 2013. Les crédits et personnels nécessaires doivent être consacrés au financement de l'élargissement des missions des AVS aux activités périscolaires afin que les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) puissent réellement déterminer un nombre d'heures suffisant pour couvrir aussi bien le temps scolaire que les périodes d'activités périscolaires et, ainsi, assurer une prise en charge de qualité à l'enfant.

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - La mission sénatoriale sur la réforme des rythmes scolaires a fait un excellent travail. Hélas, le vote sur le rapport a contredit les déclarations de la veille de M. Carle entre autres, qui saluaient la simplification apportée par le décret... Sur un tel sujet, le débat ne doit pas être pris en otage par les appareils des partis. Il y va de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Les AVS en temps scolaire se voient désormais offrir un CDI au bout de six ans, et une valorisation des acquis : c'est ce gouvernement qui l'a fait.

Pour le temps périscolaire, les projets éducatifs territoriaux, qui associent tous les acteurs locaux, prévoiront des activités destinées aux élèves handicapés.

Il appartient à l'État d'organiser le temps scolaire, aux collectivités territoriales le temps périscolaire. L'État maintient son aide de 50 euros par enfant, même pour les communes qui ont annoncé qu'elles n'organiseraient pas d'activités périscolaires. À elles de dire ce qu'elles en feront.

M. Antoine Lefèvre.  - Merci de cette réponse, même si elle était très politique... Le Gouvernement doit assumer la totalité de ses prérogatives. Je ne suis pas convaincu par vos arguments sur le financement. Que je sache, la réforme des rythmes scolaires n'a pas été décidée sous M. Sarkozy. Les collectivités territoriales, je le regrette, se sont vu confier de nouvelles missions non financées.

Rythmes scolaires (II)

Mme Françoise Férat, en remplacement de M. Hervé Maurey .  - M. Maurey assiste actuellement aux obsèques du maire de Fourges auquel il tient à rendre hommage. La réforme des rythmes scolaires était d'ailleurs une question chère à ce grand élu local. Il a pris note, monsieur le ministre, de la prolongation du fonds d'amorçage. Cela ne suffira pas quand se profile une baisse de la DGF de pas moins de 30 %.

Réforme bâclée, prise dans la précipitation... Pour autre preuve, les règles qui encadrent le reversement du fonds aux intercommunalités traduisent une profonde méconnaissance de la réalité. Le décret du 2 août 2013 prévoit que les communes ne peuvent reverser le fonds d'amorçage à un établissement public de coopération intercommunale que si ce dernier exerce conjointement les compétences « activités périscolaires » et « service des écoles ». Or dans de nombreux cas, les EPCI n'exercent que la compétence « activité périscolaire ». Ainsi, l'organisation des activités périscolaires et leur financement est à la charge des EPCI, les communes membres perçoivent le fonds d'amorçage sans pouvoir le reverser à l'EPCI. Cette situation est aberrante et témoigne, une nouvelle fois, de l'impréparation de cette réforme décidée sans concertation et de la nécessité de reporter sa généralisation. Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour clarifier cette situation dans les meilleurs délais ?

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Vous parlez d'impréparation de la réforme des rythmes scolaires quand elle reposait sur un diagnostic consensuel, pendant le quinquennat précédent, sous les bons auspices de M. Luc Chatel. Notre école, avec ses journées trop longues, est devenue la championne d'Europe de la reproduction des inégalités sociales. D'où une matinée de plus pour mieux apprendre le français, les mathématiques, afin d'éviter le décrochage en classe de sixième.

Il revient à l'État de fixer le temps scolaire, je le réaffirme avec force car les communes qui ne le respecteraient pas se trouveraient dans l'illégalité. Charge aux communes, cela est facultatif, d'organiser le temps périscolaire.

L'État, avec le fonds d'amorçage et la CAF, peut verser jusqu'à 144 euros par enfant ; c'est la preuve de notre volonté d'accompagner les collectivités.

L'essentiel est que les élèves du primaire sachent correctement lire et compter. J'espère que vous serez au rendez-vous de la prochaine rentrée, qui aura lieu dès le 2 septembre.

Mme Françoise Férat, en remplacement de M. Hervé Maurey.  - Cette réforme ne règle pas les difficultés, raison pour laquelle notre mission sénatoriale n'a pas adopté le rapport. Je n'ai jamais changé de position. Et de grâce, dispensez-nous l'éternel argument de l'héritage...

Les élus ruraux sont inquiets. Plutôt que des rafistolages, différez la généralisation de cette réforme ; faites une expérimentation et un bilan, avant d'en passer par la loi. (M. Jean Boyer applaudit)

Remorqueurs dans le golfe de Gascogne

M. Yannick Vaugrenard .  - Nous manquons de remorqueurs dans le golfe de Gascogne depuis que l'Abeille Languedoc, qui était autrefois basé à La Rochelle, est remonté dans le Pas-de-Calais, après la décision du gouvernement britannique de mettre fin au contrat d'affrètement du remorqueur de cette zone. Mme Kosiuzcko-Morizet avait promis un navire de remplacement : promesse non tenue.

Entre Brest et Bayonne, il n'y a plus aucun navire pour protéger les côtes. Pourtant, leur utilité n'est plus à démontrer. Depuis leur mise en place en 1978, après la catastrophe de l'Amoco Cadiz, ils ont évité 21 catastrophes. Comment ouvrir des autoroutes de la mer sans eux ?

La France doit se doter des moyens nautiques pour venir en aide aux équipages et aux biens.

M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Veuillez excuser l'absence de M. Cuvillier. En 2011, le gouvernement anglais a décidé de mettre fin au financement d'un remorqueur dans le Pas-de-Calais.

D'où la remontée de l'Abeille Languedoc dans cette zone, qui est la plus accidentogène, où circulent 100 000 navires par an. Au reste, l'Abeille Bourbon a une capacité d'intervention dans le golfe de Gascogne, lequel est également couvert par un plan franco-espagnol. Grâce à deux bâtiments de soutien et de dépollution, nous avons par exemple récupéré 520 conteneurs perdus en mer cet hiver par un navire au large de Brest.

Notre organisation actuelle est conforme à nos obligations internationales et européennes, comme la Commission l'a reconnu début 2013.

M. Yannick Vaugrenard.  - Il est plus coûteux à l'État de réparer que d'anticiper les catastrophes écologiques. J'espère que vous appuierez la demande des professionnels de la mer auprès de M. Cuvillier.

Aides à l'enrichissement du vin

M. Robert Tropeano, en remplacement de M. Christian Bourquin .  - L'arrêt des aides à l'enrichissement du vin par moût concentré (MC) et moût concentré rectifié (MCR) a de sérieuses conséquences sur les vignobles du sud de la France. Instituées dans la nouvelle organisation commune de marché de 2008, ces aides ont pris fin au 31 juillet 2012.

Les caves particulières et les coopératives du Languedoc-Roussillon ne sont pas autorisées à enrichir par chaptalisation, c'est-à-dire par adjonction de saccharose, contrairement à leurs homologues du reste de la France et d'une partie de l'Europe. D'où une concurrence déloyale.

Envisagez-vous des mesures de compensation dès les vendanges 2014 ? Elles sont plus que nécessaires...

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Avec raison, vous avez rappelé que l'arrêt des aides à l'enrichissement était prévu dès 2008. La chaptalisation est réservée aux régions les moins ensoleillées, celles du nord de l'Europe, quoique des dérogations soient prévues en cas de nécessité.

L'an dernier, nous avions déjà débattu de cette question pour le Languedoc-Roussillon, dont les viticulteurs ont fait de très importants efforts de qualité. Oui, nous devons renégocier au niveau européen, mais cela ne se fera pas sans fixer des objectifs stratégiques clairs - un vin de qualité, la marque Sud de France - et anticiper - car nous n'obtiendrons rien pour les vendanges de 2014.

M. Robert Tropeano.  - Merci, de la part de tous les viticulteurs du Languedoc-Roussillon, pour votre soutien.

Barrage de Guerlédan

M. Yannick Botrel .  - Le barrage de Guerlédan, en centre Bretagne, est un site touristique très fréquenté à la limite des départements du Morbihan et des Côtes d'Armor.

Sa vidange totale est programmée en avril et mai 2015 pour un nouveau remplissage à compter de novembre ; huit mois d'intervention sont nécessaires, dont six mois d'assec.

Les autorités prévoient une affluence massive comme cela fut le cas lors de la précédente vidange en 1985. Pour le stationnement, les services de l'État ont prévu un conventionnement avec les agriculteurs ainsi qu'une indemnisation pour l'occupation de leurs parcelles. Mais 2015 sera la première année d'application de la réforme de la politique agricole commune. Or le recensement des terres agricoles éligibles à la PAC, effectué en ce début de période, exclura les surfaces agricoles non exploitées. Quelles mesures envisager ? Les élus, les agriculteurs attendent une réponse claire.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Dès cette année, et sans attendre 2015, les droits à paiement unique peuvent être activés. L'occupation de terres agricoles étant ici décidée par les autorités publiques, la clause de gains exceptionnels - qui réduira proportionnellement les droits à paiement de base à attribuer à un exploitant ayant cédé des terres en 2014 ou 2015 - ne s'appliquera pas aux exploitants concernés, qui conserveront l'intégralité de leurs portefeuille. Tout sera remonté sur les terres agricoles effectives, pour retrouver la valeur globale de celui-ci.

M. Yannick Botrel.  - Merci pour cette réponse circonstanciée, qui mettra un terme aux blocages constatés dès les réunions techniques préparatoires. La discussion pourra avancer avant 2015 période où, paradoxalement, le lac sera davantage visité vide que rempli. Les communes ont besoin d'être aidées quand elles doivent assumer des charges supplémentaires, merci de relayer ce message aussi !

Observatoire national de l'enseignement agricole

Mme Françoise Férat .  - Le mandat des membres de l'Observatoire national de l'enseignement agricole (Onea) est arrivé à terme en 2013. Or aucun décret n'a été publié. Est-ce à dire que l'on veut mettre fin à l'Observatoire ? Son rapport en 2013 soulignait la spécificité et la qualité de l'enseignement agricole, avec raison. Je proposerai, en deuxième lecture, comme en première, de traduire ses recommandations dans la loi d'avenir de l'agriculture. L'Onea ne doit pas disparaître. Quand le décret de désignation sera-t-il publié ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je connais votre attachement, madame Férat, à l'enseignement agricole ; je découvre aujourd'hui votre attachement à l'Onea... Je vous le dis clairement : j'entends maintenir cet observatoire mais dans un cadre nouveau, qui devra donner lieu à un décret. Son expertise est nécessaire au ministère, en particulier pour son travail d'anticipation. Je travaillerai à une publication rapide du décret après l'adoption de la loi d'avenir.

Mme Françoise Férat.  - Faut-il attendre jusque-là ? Ce serait dommage d'attendre un an... Je vous remercie toutefois pour ces propos rassurants.

Politique de sécurité routière

M. Alain Fouché .  - La multiplication incessante des radars n'a pas de lien de cause à effet sur la baisse de la mortalité au volant. Le « tout radar » est aujourd'hui davantage une manne financière pour l'État quand M. Chirac avait conçu les radars comme un outil servant à abaisser la mortalité sur les routes. Les Français ne sont pas dupes.

Le cas de l'Allemagne est éloquent : grâce à une politique fondée sur la confiance, à population supérieure, à nombre de permis en circulation et parc automobile plus importants, la mortalité sur les routes allemandes est plus faible. Au cours des vingt dernières années, le nombre d'accidents mortels y a diminué de 71 % malgré une augmentation du trafic de 25 % et du nombre de véhicules de 17 %.

Le « tout répressif » français a ses limites. Un excès de vitesse de 5 kilomètres/heure n'entraîne pas une perte de contrôle du véhicule ou une augmentation du potentiel de mortalité. Ce qui est en cause, c'est avant tout l'alcool, les stupéfiants et les grands excès de vitesse. Le pari allemand est payant : l'Allemagne occupe la cinquième place du classement européen en termes de sécurité routière, avant la France qui se situe en huitième position. Pourquoi continuer dans le « tout-répressif » ? Le Gouvernement entend-il engager une concertation avec les automobilistes et établir avec eux un rapport de confiance pour mener une vraie réforme ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. le ministre de l'intérieur, retenu place Beauvau.

La baisse de la mortalité routière est un objectif partagé. Le Gouvernement mobilise tous les leviers de la prévention comme de la répression, qui sont complémentaires. La mise en place de radars automatiques n'a nullement un objectif financier, elle a déjà sauvé 30 000 vies. En 2013, les recettes de radars ont atteint 700,8 millions d'euros, dont 238 millions ont été reversés aux collectivités territoriales pour améliorer leurs infrastructures de transport, et 170 millions à l'Afitf. Ces chiffres sont à mettre en regard des 21,7 milliards d'euros que coûtent les accidents de la route.

Les petits excès de vitesse de moins de 10 km/h sont désormais responsables, sur les routes bidirectionnelles, de 46 % des accidents mortels.

La lutte contre l'alcool et la drogue au volant fait également partie de nos priorités : 10 millions de contrôles ciblés ont été menés l'an dernier.

Quant à la comparaison avec l'Allemagne, elle ne vaut pas. Notre taux de mortalité sur la route a baissé de 72,3 % entre 1990 et 2010, soit davantage que les 71,6 % constatés outre-Rhin et le nombre d'accidents corporels a baissé ici de 59 %, là de 20,5 % seulement.

M. Alain Fouché.  - Vos chiffres sont fantaisistes. Les accidents sont d'abord dus à la forte augmentation du nombre de conducteurs sans permis ou disposant d'un permis étranger, sans points, néanmoins valable sur tout le territoire européen. Le Gouvernement sanctionne toujours les mêmes, ceux qui se lèvent tôt pour travailler et n'ont pas comme d'autres les moyens de s'acheter des points sur Internet. Tout cela est d'une injustice incroyable. Il faut modifier cette politique.

Lutte contre le chômage dans le Nord-Pas-de-Calais

M. Dominique Bailly .  - Selon les statistiques mensuelles du chômage publiées en 2014, ma région du Nord-Pas-de-Calais compte 269 600 demandeurs d'emploi en catégorie A, 375 700 toutes catégories confondues. Plus de 70 000 sont moins de 25 ans. Le nombre de demandeurs d'emploi atteint un niveau record dans le Nord-Pas-de-Calais, 14 % de la population active.

Le Gouvernement a appelé à une mobilisation générale pour faire reculer durablement le chômage et lancé le pacte de responsabilité, qui comprend des engagements chiffrés en termes de création d'emplois. Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre dans ce cadre, en particulier au bénéfice de ma région ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - La région Nord-Pas-de-Calais bénéficie de dépenses de l'État deux fois supérieures proportionnellement à son poids démographique et économique. C'est la preuve du volontarisme de l'État. Le Gouvernement active tous les leviers dans la région du Nord-Pas-de-Calais : l'activité partielle (16 millions), les formations individualisées (7 500 personnes en ont bénéficié en 2013), les contrats aidés (12 % du total national). Grâce aux contrats d'avenir, les résultats sont au rendez-vous : le chômage des jeunes a reculé de 6 % dans la région, davantage que la moyenne nationale. En 2014, 1 350 contrats aidés supplémentaires seront octroyés.

Le pacte de responsabilité amplifiera ces résultats. La mobilisation doit être permanente pour redonner de l'espoir.

M. Dominique Bailly.  - Merci de cette mobilisation en faveur de cette région qui est la plus jeune de France. Je me félicite de la garantie jeunesse annoncée par le président de la République et du combat qu'il mène à Bruxelles. L'expérimentation menée dans dix régions doit être pérennisée.

La séance, suspendue à 11 h 25, reprend à 11 h 30.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires.

La liste des candidats établie par la commission du développement durable a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement.

N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire : en tant que titulaires, M. Raymond Vall, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Richard, Michel Teston, Jean-Jacques Hyest, Mme Hélène Masson-Maret, M. Jean-Marie Bockel ; et en tant que suppléants, MM. Jean-Louis Carrère, Gérard Cornu, Mmes Évelyne Didier, Marie-Françoise Gaouyer, MM. Thani Mohamed Soilihi, Charles Revet, Mme Esther Sittler.

Questions orales (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons l'examen des questions orales.

Souscription obligatoire d'une complémentaire santé

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi rend obligatoire une couverture complémentaire santé collective minimale dans toutes les entreprises au 1er janvier 2016. Je regrette qu'au cours de la réunion de la commission mixte paritaire, plusieurs dispositions introduites au Sénat aient été supprimées et, particulièrement, une modification de bon sens qui permettait à un salarié bénéficiant à titre personnel ou en tant qu'ayant droit d'une assurance complémentaire santé à la date de signature de l'accord de branche, d'en être dispensé : c'était l'objet d'un amendement de Mme Procaccia, voté contre l'avis du Gouvernement.

En outre, les modalités spécifiques de financement en cas d'employeurs multiples et pour les salariés à temps très partiel doivent être déterminées par un décret que l'on attend toujours.

Enfin, l'imposition fiscale des mutuelles de santé sur les bulletins de salaire constitue bien un nouvel impôt qui limitera les garanties mutuelles familiales aux foyers dont un membre uniquement sera salarié ; c'est aussi un nouveau mode de financement de la sécurité sociale...

Que faire pour les salariés employés par des employeurs multiples et à temps très partiel, couverts par une mutuelle familiale, par exemple, qui se voient imposer par leur employeur l'adhésion à une complémentaire ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique .  - Je vous prie d'excuser M. Rebsamen. Vous savez combien les complémentaires santé offrent des protections inégales. L'ANI du 11 janvier 2013 prévoyait une convention santé collective minimale dans toutes les entreprises à partir de 2016 ; cette disposition a été inscrite dans la loi, qui prévoit des dispenses pour éviter les doubles couvertures, par exemple pour ceux qui sont déjà couverts par le contrat collectif obligatoire de leur conjoint. Nous n'avons pas voulu aller plus loin, pour n'affaiblir ni la protection des salariés ni la mutualisation nécessaire au sein des entreprises ou des branches.

Les décrets, qui ont fait l'objet d'une large concertation, seront très bientôt publiés.

La fiscalisation de la participation des employeurs aux complémentaires santé est une mesure d'équité, sans effet sur le champ des garanties offertes, qui contribuera au financement de la généralisation de la complémentaire.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Merci de ce rappel, mais le 18 avril 2013, le Sénat a exprimé sa volonté que les salariés ne paient pas deux fois. Ils doivent avoir le libre choix. Il appartient certes au pouvoir réglementaire, de fixer la liste des justificatifs, mais M. Sapin avait pris ici des engagements. Nous veillerons à ce qu'ils soient respectés. Il y va de la crédibilité de la parole gouvernementale et du pouvoir d'achat des salariés.

Maisons de l'emploi

M. Jean-François Husson .  - En pleine crise, le Gouvernement a fait le choix, à l'automne 2013, de réduire presque de moitié le budget des maisons de l'emploi : c'est dire le peu de considération qu'il porte à la territorialisation des politiques de l'emploi et de l'insertion. Trancher dans le vif sans concertation ni évaluation, c'est la politique de l'autruche. Vous me direz que le budget de l'emploi a augmenté de 7 % mais pour financer quelles priorités ? Les maisons de l'emploi, ancrées dans les territoires, implantées dans les bassins d'emplois urbains comme ruraux, travaillent avec les collectivités et les entreprises locales et apportent un appui précieux à Pôle emploi, comme l'a démontré l'Igas. On en compte 180 - trois dans mon département - qui couvrent plus de 10 000 communes, 20 millions d'habitants et plus de 1,5 million d'entreprises.

Comment le Gouvernement peut-il prendre le risque de casser les dynamiques locales en asséchant leurs finances ? Tout dépasse l'entendement. Ce pari d'une recentralisation jacobine est dangereux. Il a fallu attendre l'arrêté du 18 décembre 2013 pour qu'une évaluation soit prévue : qu'elle soit menée à son terme, afin que la valeur ajoutée des maisons de l'emploi, indéniable, soit reconnue et leur financement revu à la hausse. Confortons cette intelligence collective au service de l'emploi ! En cette période de crise, nous avons besoin de toutes les bonnes volontés, de toutes les énergies, pour combattre le fléau du chômage.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique .  - M. Rebsamen rencontre en ce moment les présidents de région, qui sont au coeur de la lutte contre le chômage. Vous le savez, le Gouvernement a fait de cette dernière une priorité.

La mission « Travail et emploi » a vu son budget augmenter de 7 % en 2014, preuve de notre détermination. Cela ne nous dispense pas de réfléchir au périmètre d'intervention de l'État. Plusieurs rapports ont montré que les missions des maisons de l'emploi, hétérogènes, méritaient d'être clarifiées ; la pertinence d'un soutien uniforme sur l'ensemble du territoire n'était pas assurée. D'où la réduction de leur budget de moitié en 2014 : 26 millions contre 54 millions en 2013. L'objectif est de cibler les financements vers des besoins prioritaires, anticiper les mutations et les accompagner pour plus d'efficacité.

La principale plus-value des maisons de l'emploi, c'est leur participation à la Gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) au niveau territorial. Conformément aux souhaits des parlementaires, nous avons alloué une enveloppe de 10 millions supplémentaires pour abonder leurs crédits de fonctionnement.

La répartition des enveloppes entre régions a été déterminée en fonction de critères objectifs : population couverte, actions menées dans les nouveaux axes du cahier des charges, masse salariale... Les Direccte doivent affecter les crédits dont elles disposent aux maisons de l'emploi en fonction, là encore, d'éléments objectifs.

Rendre plus efficace le service public, simplifier le millefeuille, ce n'est pas recentraliser, mais faire en sorte que la politique de l'emploi soit conduite au plus près des besoins locaux.

Dans le cadre de l'évaluation prévue par le décret du 18 décembre 2013, le groupe de travail présidé par Mme Bouillaguet dressera un état des lieux et proposera des évolutions. Je vous invite à participer à la réflexion, avec le souci de l'intelligence collective que nous vous connaissons.

M. Jean-François Husson.  - Vous êtes trop aimable... Les collectivités souhaitent faire mieux, mais faire mieux avec moins, avec beaucoup moins, c'est compliqué. Attention aux régimes amaigrissants pour la santé de l'emploi ! Vos arguments ne m'ont pas convaincu pas plus qu'ils ne convainquent les Français qui ne voient venir ni l'inversion tant promise de la courbe du chômage, ni le retour de la croissance.

Depuis 2012, vos choix politiques se sont révélés inefficaces et même contre-productifs, qu'il s'agisse d'économie, d'emploi ou de fiscalité - sinon la lueur d'espoir que représente le pacte de responsabilité. Au premier trimestre de cette année, 24 000 emplois encore ont été détruits dans le secteur marchand. Dites-vous bien que les entreprises ont besoin de confiance, non qu'on leur impose des contreparties chiffrées, et de retrouver des marges pour créer de la richesse dans tous les territoires de notre beau pays de France.

Soutien aux entreprises qui produisent en France

Mme Mireille Schurch .  - Alors que le Gouvernement entend mener le redressement productif, Il semble que le contexte financier ne permettre pas de mener à son terme le contrat-cadre signé avec Alstom pour la production de 1 000 TER et trains Régiolis ; 200 commandes fermes seulement ont été confirmées par les régions. Or l'État a chargé la SNCF de lancer un appel d?offres pour du matériel grandes lignes ; pourquoi ne pas profiter du contrat existant, la plate-forme Régiolis pouvant être utilisée pour d'autres types de trains ? Le Grand Massif central ne peut attendre plus longtemps un matériel roulant moderne.

De même, le choix du Gouvernement pour les drones tactiques semble se porter sur Thales, qui fabrique ses drones en Israël, alors que le concurrent Sagem-Safran produit les siens, hors cellule, en France.

Tout cela contredit la volonté exprimée par le décret qui vient d'être publié sur la commande publique dans les secteurs stratégiques dont celui de l'énergie. Il est possible de favoriser les entreprises françaises sans porter atteinte aux règles de la concurrence. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre en ce sens ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique .  - Les récents chiffres de la production manufacturière sont plutôt rassurants. Le ministre du redressement productif, dont je vous prie d'excuser l'absence, s'est maintes fois exprimé sur la commande publique, qui est effectivement un stimulant essentiel de la production française. Les procédures sont ouvertes et transparentes, comme le veut la directive européenne du 31 mars 2004.

S'agissant du compteur Linky, par exemple, les industriels ont eu le temps d'élaborer des projets d'adaptation de leur outil de production en France. Les PME françaises doivent être privilégiées, car si elles représentent 57 % des achats publics en volume, cette proportion tombe à 27 % en valeur.

Concernant les drones, le contrat avec Sagem-Safran implique des unités de Dijon, Poitiers, Montluçon, ainsi que les nombreuses PME françaises qui produisent des sous-ensembles. L'expérience acquise permet à l'entreprise de développer un nouveau drone tactique endurant, le Patroller. La démarche est vertueuse.

De même, les commandes de matériels roulants viendront remplir les carnets de commande de nos industries, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais. Le plan « TGV du futur », piloté par Alstom, associe des PME innovantes.

Nous avons fixé l'objectif : 2 % des commandes publiques doivent être adressées à des PME innovantes. Des expérimentations sont en cours pour utiliser l'open data afin de leur faciliter l'accès aux marchés publics.

La nouvelle procédure de partenariat innovation, issue de la révision des directives européennes sur la commande publique en mars 2014, sera négociée par phases. Elle permettra de se dispenser d'appel d'offres pour l'innovation, celle-ci étant définie largement.

Le Gouvernement construit un Small Business Act à la française, conforme aux règles de l'OMC et européennes. Un médiateur des marchés publics a été nommé en 2012. Le service central des achats de l'État diffuse les bonnes pratiques.

Mme Mireille Schurch.  - Merci de cette réponse détaillée. Les trains Intercités seront-ils compris dans le contrat-cadre avec Alstom, ce qui dispenserait d'un nouvel appel d'offres ?

S'agissant des drones, merci de nous offrir un peu de visibilité. La jurisprudence du Conseil d'État et de la Cour de justice de l'Union européenne nous autorise à introduire dans les appels d'offres des critères fondés sur l'implantation géographique ou la poursuite d'objectifs de développement durable. Le Front de gauche, afin de favoriser les relocalisations, propose une taxe kilométrique à l'échelon national comme européen, et ce que nous appelons des visas sociaux et environnementaux aux frontières de l'Union.

Contrôle des distributeurs de lait

M. Rachel Mazuir .  - La production de lait bio se développe dans le département que j'ai l'honneur de présider, l'Ain. Les modalités de contrôle des distributeurs de lait relèvent, en France, de l'ordonnance du 18 octobre 1945, qui dispose que les volumes de liquides qui font l'objet de transactions commerciales doivent être mesurés au moyen d'instruments de mesures légaux. Les distributeurs de lait doivent se conformer aux dispositions de la directive européenne du 31 mars 2004 sur les instruments de mesure, transposée en France par le décret du 12 avril 2006 et son arrêté d'application du 28 avril 2006. C'est ainsi qu'ils doivent être équipés d'un débitmètre et d'un compteur certifié conforme. L'arrêté du 28 juin 2002, en son article 5, prévoit un contrôle annuel. Un seul organisme, installé en Charente, a reçu l'agrément pour effectuer ces contrôles.

La révision périodique a pour objet les opérations d'entretien, de maintenance et de réglage ; la vérification périodique, quant à elle, vise à vérifier la conformité d'un instrument et, en particulier, de s'assurer que ses erreurs sont inférieures aux erreurs maximales tolérées.

Pour les distributeurs de lait cru, la réglementation a déjà été aménagée : l'organisme agréé est autorisé à procéder à la vérification périodique même si la révision périodique n'a pas été réalisée. Le gérant du distributeur de lait bénéficie d'une présomption de bonne foi, quand bien même l'appareil nécessite une intervention technique.

Cependant, cette réglementation pénalise encore lourdement les agriculteurs désireux de se lancer dans ce type de commercialisation de leur lait. Serait-il envisageable d'assouplir les opérations de contrôle des débitmètres des distributeurs de lait ? Certes, il semble délicat de supprimer l'article 5 de l'arrêté du 28 juin 2002, car de tels contrôles offrent une garantie aux parties intéressées à la transaction ; mais les contrôles pourraient être espacés.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique .  - La distribution de lait cru, vous l'avez dit, est régie par l'ordonnance du 18 octobre 1945 et plusieurs décrets et arrêtés. Cette réglementation garantit aux consommateurs l'exactitude des volumes : la tolérance est de plus ou moins 1 % pour un litre.

Des fabricants italiens ont convaincu des producteurs de s'équiper afin de vendre directement aux consommateurs. Mais des difficultés ont surgi dès les premières pannes, le SAV n'est guère assuré et le coût de la réparation peut être très élevé. L'administration a décidé d'assouplir la réglementation pourvu que les appareils respectent les maxima tolérés en service. Une étude devra cependant être conduite, afin d'éviter que le consommateur en pâtisse.

Le bénéfice pour les producteurs est moindre qu'escompté : 40 litres par jour vendus dans une ferme à 200 litres pour un distributeur installé dans un lieu très fréquenté... Les contraintes sanitaires et de maintien en service sont lourdes.

Assouplir la réglementation n'encouragerait donc pas, à notre sens, le développement du commerce du lait.

M. Rachel Mazuir.  - L'affaire a défrayé la chronique dans mon département. Un agriculteur a vu son distributeur fermé par la Direccte, et a dû attendre un mois pour que l'organisme vienne constater un écart... de 0,5 %. Il a perdu 1 500 euros, c'est une somme dans ce secteur... Un assouplissement serait bienvenu.

Sénateurs non inscrits et questions parlementaires

M. Jean Louis Masson .  - Si nous posons des questions orales, c'est que le système des questions écrites fonctionne mal ; le Gouvernement est censé répondre dans un délai de deux mois... S'il le faisait, je ne serai pas obligé d'y revenir sans cesse, cela économiserait du temps de travail pour tout le monde... C'est la quatrième fois consécutive que le ministre de l'intérieur ne vient pas me répondre. Je sais que le Gouvernement est solidaire mais mieux vaut tout de même avoir affaire au ministre compétent !

Les questions au Gouvernement sont au fondement du contrôle parlementaire. Les sénateurs non-inscrits, qui n'ont pas les mêmes droits que les autres en matière de droit de tirage, aimeraient au moins qu'on leur réponde sérieusement et sans retard ; 200 de mes questions sont encore sans réponse.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique .  - Je vous prie d'excuser le ministre de l'intérieur, qui préside une réunion des préfets place Beauvau ; comme vous le savez, la sécurité des Français est la priorité du Gouvernement. Je suis heureuse de vous retrouver... Après vérification minutieuse, je vous rappelle que, depuis le début de cette législature, vous avez posé 1 493 questions écrites, représentant 13 % des questions posées par des sénateurs ; depuis, 1 088 réponses vous ont été fournies. Très précisément, 749 de vos questions ont été adressées au ministre de l'intérieur, soit plus de la moitié des questions écrites qui lui ont été posées par des sénateurs. Le ministre de l'intérieur a déjà répondu à 517 d'entre elles, soit 57 % de ses réponses à l'ensemble des sénateurs.

Convenez que vos questions exigent toutes la mobilisation de fonctionnaires, qui ont aussi la charge de la sécurité des Français. Le ministre de l'intérieur n'a donc pas manqué de diligence à votre égard.

Pardonnez-moi de vous répondre en lieu et place du ministre de l'intérieur : je suis membre du Gouvernement et M. Cazeneuve m'a demandé de parler en son nom...

M. Jean Louis Masson.  - M. Cazeneuve n'était pas forcé de convoquer les préfets ce matin, cette séance de questions orales est prévue depuis deux mois ! La moitié des questions que j'ai posées ne font que reproduire des questions déjà posées. Dans un tiers des cas, on m'a répondu n'importe quoi. Une fois, on m'a écrit que le problème était important et que l'on me répondrait bientôt... Qu'y a-t-il d'extraordinaire à ce qu'un sénateur fasse son travail et interroge le ministre de l'intérieur ?

Je compte sur vous pour faire part de mon mécontentement au ministre de l'intérieur.

Tribunaux départementaux

Mme Jacqueline Alquier .  - Le rapport du Premier président de la cour d'appel de Montpellier envisage la création des tribunaux départementaux de première instance. Le 4 février dernier, alertée par le bâtonnier de Castres, j'avais déjà interpelé le Gouvernement car le TGI de cette ville pourrait se voir retirer le statut de juridiction de plein exercice. La population du Tarn est répartie entre deux territoires, deux bassins de vie démographiquement équivalents autour d'Albi et de Castres. Cette bipolarisation ne doit pas être remise en cause, à moins de provoquer d'un côté l'affaiblissement, de l'autre la saturation. C'est le cas dans l'Aveyron : la juridiction détachée de Millau n'a quasiment plus d'activité. Mme Klès et M. Détraigne ont appelé l'attention sur la nécessité de ne pas appliquer mécaniquement le principe d'un tribunal de plein exercice par département. Pouvez-vous envisager un assouplissement pour mon département comme cela a été fait dans l'Aude ? Dans le Tarn, la réforme de la carte judiciaire en 2007 avait été combattue avec succès.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique .  - Mme la garde des sceaux, retenue ce matin, a une approche contraire à celle du gouvernement précédent : la justice de proximité. Pour preuve, les TGI de Tulle, de Saint-Gaudens et de Saumur rouvriront en septembre prochain. Des chambres détachées ont été créés là où il en était besoin.

Une concertation de très grande ampleur a été réalisée sur l'ensemble du territoire avec tous les acteurs pour ajuster notre justice au plus près des besoins locaux. L'analyse de la Chancellerie est en cours. Mme Taubira l'a dit devant les représentants des avocats, aucun TGI ne sera supprimé.

Soyez certaine, madame la sénatrice, de l'attention que porte Mme la garde des sceaux au Tarn.

Mme Jacqueline Alquier.  - Merci.

La séance est suspendue à midi quarante.

présidence de Mme Christiane Demontès,vice-présidente

La séance reprend à 14 h 40.

Débat sur la pauvreté 

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème : « Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? » à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective.

M. Joël Bourdin, président de la délégation sénatoriale à la prospective .  - Je suis toujours très heureux de voir les travaux de notre délégation susciter des débats en séance publique. C'est l'occasion de prendre un peu de hauteur - de recul devrais-je dire - par rapport à un horizon qui dépasse celui du court terme. Notre délégation, qui n'a pas d'équivalent à l'Assemblée nationale, a vocation à réfléchir aux évolutions sociales et économiques et, s'il estime qu'elles ne vont pas dans le bon sens, à proposer des actions pour corriger les trajectoires.

En l'occurrence, si la pauvreté n'a rien d'un phénomène nouveau, y compris dans les pays riches, elle est devenue héréditaire et se transmet de génération en génération, telle une malédiction. C'est pour briser cet enchaînement dramatique que notre rapporteur, M. Vaugrenard, a entrepris cet important travail, qui s'est achevé en février par un atelier de prospective très fructueux : il a donné, ce qui est rare, la parole aux personnes en situation de pauvreté elles-mêmes et aux associations caritatives dont je salue le dévouement.

Le rapport de M. Vaugrenard a reçu un écho médiatique jusqu'en Tunisie : à l'étranger aussi, on lit les rapports du Sénat, lorsqu'ils sont bons ! Merci, madame la ministre, de votre présence et de votre écoute. (Applaudissements)

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective .  - Je me réjouis de ce débat qui prolonge mon rapport intitulé Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? Osons la fraternité. Merci au président Bourdin qui a soutenu cette proposition.

« Ce qu'il y a de scandaleux dans le scandale, c'est qu'on s'y habitue » écrivait Simone de Beauvoir. La France a beau être un pays riche, 14 % de notre population y vit sous le seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian, soit 977 euros par mois. La pauvreté touche 4 millions de ménages en France. Un enfant sur cinq est pauvre et même un sur deux dans les ZUS. Comment se résigner à ce silencieux raz-de-marée de la misère ?

Notre entreprise - téméraire, direz-vous - nous a obligés à reconsidérer nos principes. Le rapport doit beaucoup à l'échange avec les associations. Les auditions ont été complétées par des déplacements à Bruxelles et en Loire-Atlantique ; nous avons passé deux nuits avec le Samu social de Paris. Par leur expertise, leur expérience, les personnes entendues nous ont beaucoup apporté.

Pour se projeter dans l'avenir, il faut partir du présent. La pauvreté se durcit et se transforme. Outre les travailleurs précaires des grandes villes et les chômeurs, elle frappe aussi de nombreuses personnes âgées, des mineurs isolés, des familles monoparentales, des ruraux. Trop souvent, on naît pauvre et on le reste. Les jeunes de moins de 25 ans constituent 42 % de la population pauvre alors qu'ils ne sont que le tiers de la population.

Il y a désormais bien plus de pauvres dans des familles monoparentales que dans des familles nombreuses. Les femmes, à la tête de neuf familles monoparentales sur dix, souffrent du versement aléatoire d'une pension alimentaire ; elles occupent pour la plupart des emplois sous-qualifiés, avec des temps partiels subis et mal rémunérés. Elles subissent de plein fouet le doublement en dix ans du prix du logement.

L'aggravation de la pauvreté va de pair avec celle de l'inégalité. En France, les 10 % les plus riches accaparent 50 % de la richesse nationale, tandis que les 50 % les moins riches n'en ont que 10 % à se partager. Entre 2004 et 2011, le pouvoir d'achat des 10 % les plus pauvres a reculé de 3,4 %.

C'est en France que l'origine sociale des élèves pèse le plus lourdement sur la réussite scolaire, comme l'a souligné l'OCDE : sept enfants d'ouvriers sur sept deviennent ouvriers, sept enfants de cadres sur dix deviennent cadres.

Si nous ne faisons rien, le scénario noir se répètera. Fixons-nous donc trois objectifs : prendre conscience, instaurer la confiance, oser la fraternité.

Prendre conscience d'abord, grâce à un appareil statistique renforcé : les chiffres de l'Insee ont deux ans de retard. Il est parfaitement possible de disposer de statistiques mensuelles comme en Suisse et en Belgique. La croissance, à elle seule, ne résorbera pas la pauvreté. Il faut lutter résolument contre l'évasion fiscale et consacrer plus de moyens à la lutte contre la pauvreté. Malgré la stratégie ambitieuse de l'Union européenne, le nombre de pauvres y a augmenté de 7 millions depuis 2010. Le Gouvernement a engagé un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, qui comprend des mesures fortes comme la garantie jeune, mais ne suffira pas. Le portage politique est une question essentielle.

Instaurer la confiance, ensuite. Il est trop facile de stigmatiser les pauvres comme des profiteurs, voire des fraudeurs. Si la fraude sociale - principalement due aux employeurs - représente 4 milliards d'euros par an, la fraude fiscale approche, elle, les 60 milliards. Les pauvres sont en grande majorité des victimes qui, loin de bénéficier d'un prétendu assistanat, renoncent souvent à faire valoir leurs droits, à commencer par celui de se soigner, comme l'a montré Mme Archimbaud dans un excellent rapport de l'an dernier. Leurs non-dépenses font économiser 10 milliards à la collectivité !

Contre ce non-recours aux droits, il serait bon de rendre automatique le versement des prestations et de préférer un contrôle posteriori. Passer de la défiance à la confiance coûterait beaucoup moins cher à la collectivité.

La confiance passe aussi par une politique résolue en faveur des enfants, qui ne doivent pas être condamnés à la pauvreté par hérédité. Les évolutions sociales de notre société depuis l'après-guerre, la hausse du divorce et la multiplication des familles monoparentales, justifient une réforme de notre politique familiale. Je suis favorable à des allocations dès le premier enfant, soumises si nécessaire à des conditions de ressources.

Pour parer à l'urgence, nous demandons la création d'un numéro « grande détresse », et le raccourcissement des délais d'instruction des demandes d'asile. La majorité sociale, qui conditionne le droit aux prestations, doit être alignée sur la majorité légale.

Pourquoi ne pas nous inspirer des Danois, qui rémunèrent jusqu'à cinq années de formation sous forme de chèque ? Nul laxisme dans ce système car l'assiduité est contrôlée. Chaque pauvre devrait avoir un référent unique susceptible de l'aider, au sein des services sociaux ou d'une association. Je mesure la révolution que cela impose, simplifier le millefeuille administratif est cependant une nécessité.

Oser la fraternité enfin, ce qui ne fait pas obstacle à l'efficacité, au contraire. Les inégalités sont évidentes entre départements, dans le versement des aides extra-légales. La lutte contre la pauvreté constitue, à mes yeux, une prérogative régalienne. À l'État de privilégier les préventions à la réparation.

Le principe de participation des personnes pauvres aux politiques qui leur sont destinées doit être généralisé, à l'exemple du 8e collège de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Nelson Mandela disait : « Tout ce qui est fait sans moi est fait contre moi ». La Belgique a beaucoup d'avance sur nous, avec son dossier unique. Qu'attendons-nous pour imiter son exemple ?

Libérons les initiatives, car tout n'a pas été essayé. L'impact de chaque loi, de chaque règlement, sur la pauvreté doit être évalué. De même pour l'action des professionnels et, j'ose le dire, des bénévoles avec toute la diplomatie que cela suppose. Un répertoire intelligent des pratiques innovantes pourrait être mis en place.

Notre délégation a voulu se faire le porte-voix de tous ceux qui sont condamnés par la pauvreté à voir passer la vie sans y participer. Privés de ressources, ils sont aussi privés de parole. Un représentant d'ATD Quart Monde, qui n'a pas dit un mot de ses difficultés matérielles, a insisté sur les notions de respect, de regard et de dignité : c'est pourquoi je suis favorable à l'inscription dans le code pénal d'un nouveau motif de discrimination en raison de la précarité sociale à côté de ceux liés au sexe, à l'appartenance religieuse ou encore à la sexualité.

Le président Bel m'avait donné son accord pour organiser des manifestations au Sénat à l'occasion de la journée internationale de la lutte contre la pauvreté du 17 octobre. Je ne doute pas que son successeur agira de même.

Je citerai pour finir notre illustre prédécesseur Victor Hugo : « L'homme est fait, non pour traîner des chaînes, mais pour ouvrir des ailes ». (Applaudissements)

Mme Aline Archimbaud .  - Merci à M. Vaugrenard pour son rapport, dont j'espère qu'il sera suivi d'effets. En France, 8,7 millions de personnes vivent avec moins de 977 euros par mois, à quoi il faut ajouter les millions de gens qui ont tout juste un peu plus. Ils sont enfermés dans un cercle vicieux, une spirale de l'exclusion multifactorielle.

Les Français en sont conscients, qui s'indignent de l'inégalité d'accès aux soins par exemple. Selon l'Insee, l'espérance de vie varie de sept ans entre un ouvrier et un cadre.

Près de quatorze ans après la création de la CMU, l'accès aux soins se dégrade. Or la maladie accroît la précarité. Un tiers des Français ont renoncé au moins une fois à se soigner en 2013, soit plus que les Américains dont on dénonce régulièrement le système de soins insuffisant. C'est dû à la lourdeur des démarches pour les plus fragiles, à des effets de seuil, comme pour la CMU complémentaire. Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures ; il a réuni en décembre 2012 la Conférence de lutte contre la pauvreté. J'ai remis au Premier ministre, en septembre 2013, un rapport formulant des propositions : simplifier les démarches pour rendre effectif l'accès aux droits : lever des obstacles financiers comme avec la généralisation du tiers payant ; soutenir les structures qui viennent en aide aux indigents et notamment celles qui innovent en croisant le social et le sanitaire ; faire en sorte que les intéressés deviennent acteurs de leur santé - une évidence au Canada qui ne l'est pas chez nous.

Les élections municipales ont montré l'amertume des Français, le risque de délitement de la communauté nationale tentée par les extrêmes. Il y a urgence. (Applaudissements à gauche ; M. Alain Fouché applaudit aussi)

M. Michel Savin .  - Merci à la délégation sénatoriale à la prospective pour ce beau rapport. La pauvreté, hélas, est toujours d'actualité. Pour préparer mon intervention, j'ai rencontré l'association « RSA 38 », qui rassemble les allocataires au RSA de l'Isère. Ceux-ci sont dignes, ils ne veulent pas être considérés comme des assistés. Des mesures concrètes doivent être prises pour améliorer leur quotidien.

La pauvreté c'est quoi ? C'est avoir du mal à se nourrir, à se loger, faute d'argent. L'État doit aider ceux qui font face à des accidents de la vie, ce qui peut arriver à tous mais tend à se transmettre de génération en génération. La société préfère fermer les yeux sur ce qui se passe à deux pas. Les responsables politiques doivent réagir. En 1954, l'Abbé Pierre a suscité une prise de conscience, mais les choses n'ont guère changé...

Il faut remettre l'humain au coeur de ce débat. Les pauvres ne doivent plus disparaître dans l'anonymat des statistiques.

La lutte contre la pauvreté n'est pas affaire de beaux discours, elle doit reposer sur du concret. À cet égard, l'automatisation des prestations sociales semble aller dans le bon sens. Mieux vaut simplifier les démarches. Les allocataires souhaitent être accompagnés pour savoir ce à quoi ils ont droit. Les pauvres demandent à être associés aux politiques qui leur sont destinées, ce qui n'est pas toujours le cas. Pourquoi un représentant des allocataires de RSA ne siégerait-il pas dans un conseil d'administration des bailleurs sociaux et des CAF ?

La pauvreté est une violation des droits de la femme et de l'homme. Vous avez cité Nelson Mandela : « Tout ce qui est fait pour moi sans moi est fait contre moi. » : participer, c'est proposer, assumer. En faisant des pauvres des citoyens à part entière, nous comprendrions mieux les ressorts de la pauvreté.

Certaines propositions de ce rapport sont bonnes, et j'espère qu'elles ne resteront pas des voeux pieux. (Applaudissements)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? L'intitulé de ce débat laisse songeur, comme si le politique discrédité devait rappeler son hostilité à un fléau qui sévit depuis longtemps et a donné lieu à des théories, tel le marxisme, dont on connaît l'effet sur notre histoire. Ce n'est ni le socialisme ni le libéralisme débridé qui a fait régresser la pauvreté en Europe au XXe siècle, mais bien l'économie sociale de marché. Et voici que la pauvreté progresse de nouveau.

Les propositions de ce rapport suffiront-elles à régler ce problème séculaire ? Certes non, mais le rapport a le mérite de dresser un constat, de clarifier les choses, de faire des propositions. À l'échelle du siècle, la pauvreté a reculé ; à l'échelle des dernières décennies, elle s'est aggravée : tel que défini par l'Insee comme 60 % du niveau de vie médian, le taux de pauvreté en 2011 a atteint son niveau record depuis 1997 : une hausse de 0,3 % par rapport à 2011, soit 14,3 % de la population active, 8,72 millions de personnes, dont le quart en situation de très grande pauvreté, vivant avec moins de 790 euros par mois. Et le décrochage de notre pays est aggravé par ce que révèle l'enquête Pisa sur l'incapacité de notre système scolaire à contrecarrer les inégalités sociales. Or le père Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart Monde, a montré à raison l'importance de la politique éducative dans la lutte contre la pauvreté.

Ce rapport bat également en brèche des idées reçues : la fraude sociale est moindre que le non-recours aux prestations sociales qui atteint 5 milliards, et dix fois moindre que les 50 milliards de la fraude fiscale.

Quant aux propositions du rapport, elles oublient l'importance de la croissance : pour redistribuer des richesses, il faut d'abord les créer. C'est l'objet des pactes de croissance et de responsabilité ainsi que de la réforme de notre architecture des prélèvements obligatoires que défend le groupe UDI-UC. De même à propos de notre protection sociale : l'Autriche et les pays scandinaves ont consenti à un basculement vers un système par points pour protéger le droit à la retraite. Où en sommes-nous ?

Presque dix ans après le rapport de notre collègue Mme Valérie Létard, finissons-en avec le saupoudrage des aides, pour les cibler sur des publics prioritaires : les enfants, les femmes seules, les chômeurs... Voilà l'analyse du groupe UDI-UC sur l'excellent rapport de M. Vaugrenard. (Applaudissements)

Mme Isabelle Pasquet .  - « Finalement, quand on est riche, ça ne s'arrête jamais. C'est la même chose quand on est pauvre ». Cette célèbre réplique du cinéma français en dit long sur le sujet qui nous occupe.

Oui, les personnes en situation de pauvreté sont d'abord des victimes. Il faut, en conséquence, sanctionner les coupables. Avec des millions de Français, nous l'attendions de François Hollande. Nous avons été déçus : seule a été revue la pension des veuves dans le projet de loi relatif à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Qu'en est-il pour le mécanisme de garantie des pensions alimentaires ? Le Gouvernement a repoussé nos amendements de lutte contre ceux qui organisent la précarité du salarié. Ne nous y trompons pas, si la pauvreté progresse, les ultra-riches sont de plus en plus riches et de plus en plus nombreux. Les cinq familles les plus riches possèdent plus que les 30 % de Français les plus pauvres. La seule famille Bettencourt, onzième fortune mondiale, détient deux fois plus que les 20 % des ménages les plus pauvres. Même Le Figaro le dit : des riches toujours plus riches, des pauvres toujours plus pauvres...

Ensuite, parce que les personnes pauvres sont des victimes, évitons les petites phrases assassines, les discours culpabilisants. Non, ceux qui tentent de survivre grâce à la solidarité ne sont pas des parasites, des profiteurs. Pour preuve, le taux de non-recours aux prestations : 50 % du public éligible ne demande pas le RSA, 70 % l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé. Il en résulte 6 milliards d'aides non versées. Simplifier les démarches est une nécessité pour faciliter l'accès aux droits.

Il existe néanmoins un hiatus entre la réalité et sa perception : selon un sondage de l'Ifop en 2012, huit Français sur dix estiment qu'il y a trop d'assistanat. À nous, responsables politiques, de faire oeuvre de pédagogie et de nous interroger, j'y insiste, sur la répartition des richesses en France.

La pauvreté, devenue héréditaire, frappe d'abord les jeunes (Mme Annie David le confirme) Selon un sondage de l'Unicef, le taux d'enfants pauvres oscille entre 8,8 et 10 %. D'où l'impérieuse nécessité de faire de la lutte contre la pauvreté infantile une priorité. La Nation tout entière doit se préoccuper de ses enfants ; tous, qu'ils soient riches ou pauvres, représentent notre avenir. Toutes les pistes n'ont pas été explorées : la généralisation des allocations familiales dès le premier enfant portée par l'Union des familles laïques (Ufal) et soutenue par notre rapporteur, M. Vaugrenard ; une prestation de compensation de la pauvreté infantile comme il en existe une pour le handicap. Ces pistes doivent être approfondies, il y a urgence ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Michelle Meunier .  - À mon tour de saluer le rapporteur sur ce sujet qu'on aimerait évoquer au passé. Face à des chiffres alarmants, on souhaiterait une solidarité sans faille. Je concentrerai mon propos sur les femmes et les enfants. La pauvreté a un sexe ; les femmes sont les plus touchées : 4,7 millions de femmes pauvres pour 4 millions d'hommes ; et même après 75 ans, deux fois plus de femmes pauvres que d'hommes pauvres. Elles cumulent les handicaps, leurs salaires sont moindres, leur travail plus pénible, le chômage les frappe plus durement. En 2012, 42 % des femmes de 40 à 65 ans sont inactives dans les ZUS, contre 20 % ailleurs ; l'organisation familiale y est pour beaucoup.

Les femmes sont aussi celles qui prennent en charge leurs aînés ou leurs parents handicapés, une activité sociale et humaine utile mais non rémunérée...

Les femmes sont, enfin, à la tête de 85 % des familles monoparentales qui, on le sait, sont les plus pauvres. La pauvreté est héréditaire : un enfant sur cinq est pauvre, soit 3 millions d'enfants.

Le projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes s'est attaqué au non-versement des pensions alimentaires qui représente - 40 % des cas. Enfin !

La pauvreté est aussi dans les têtes. Deux tiers des personnes illettrées dans le monde sont des femmes ; l'enlèvement récent des 250 lycéennes nigérianes nous rappelle l'importance de ces enjeux. D'où la nécessité de se doter de statistiques sexuées pour mieux lutter contre la pauvreté. (Applaudissements)

M. François Fortassin .  - Merci à la délégation sénatoriale à la prospective de nous proposer ce débat. La pauvreté, malgré nos politiques ciblées, progresse : on compte plus de 900 000 personnes pauvres supplémentaires entre 2008 et 2011.

Les transferts sociaux ont limité l'approfondissement des inégalités sociales de 41 %. Le chômage fragilise pourtant notre société. Comme l'a rappelé le premier ministre à Cergy la semaine dernière, les pauvres ne demandent qu'à travailler, avoir un logement décent, se soigner, tout faire pour la réussite scolaire de leurs enfants mais ils sont souvent stigmatisés et servent de bouc émissaires. Il faut changer de mentalité et faire notre devoir d'assistance en aidant ceux qui ont moins. C'est le sens du mot fraternité. La misère est l'oeuvre des hommes, seuls les hommes peuvent la détruire. Cela suppose une approche transversale allant de l'accès aux soins à celui à la culture en passant par le logement. À cet égard, je salue les mesures prises par ce gouvernement contre le mal-logement qui touche 3,6 millions de personnes : lutte contre l'habitat indigne, dont 150 000 personnes qui vivent dans des structures d'hébergement ou, pire, dans la rue, encadrement des loyers ou encore garantie universelle des loyers. En matière d'emploi, le Gouvernement a créé les emplois d'avenir et les contrats de génération ; il a également décidé que le gel des pensions de retraite ne toucherait pas les plus faibles d'entre elles, au-dessous de 1 200 euros. Tout cela va dans le bon sens.

Simplifier les aides est essentiel, cela a été dit ; le nombre de non-requérants le prouve.

Enfin, je veux insister sur le gaspillage alimentaire. Comment accepter que des melons tachés, qui ont pourtant la même qualité gustative que les autres, soient jetés ? Comment accepter que l'on refuse de vendre moins cher les produits qui arrivent bientôt à péremption ? Ce gouvernement, je l'espère, engagera une réflexion approfondie sur ce volet car, après tout, l'alimentation est un facteur essentiel dans la lutte contre la pauvreté.

Nous devons engager une large concertation associant tous les acteurs et surtout les personnes pauvres. Sans leur participation, la solidarité restera un vain mot. La lutte contre la pauvreté n'est pas affaire d'observations philosophiques mais de concret ! (Applaudissements)

M. Ronan Kerdraon .  - « Osons la fraternité » : le rapport de M. Vaugrenard remet à l'honneur ce beau mot de fraternité, qui figure, faut-il le rappeler, dans notre devise républicaine.

3,5 millions de Français bénéficient des minima sociaux, 6 millions si l'on tient compte des ayants droit. La pauvreté atteint 9 millions de personnes, soit 14,3 % de la population. Elle frappe d'abord les jeunes, les femmes et les seniors. En 2008, plus d'un pauvre sur deux avait moins de 35 ans.

Oui, pour enrayer la pauvreté des jeunes, redonnons-leur espoir, élaborons des stratégies de confiance. Comme le disait Léo Lagrange, « Ne traçons pas un seul chemin, ouvrons-leur toutes les routes » avec les partenaires sociaux et la collaboration des jeunes eux-mêmes. La précarité des jeunes a aussi un impact sur leur santé. Le sentiment d'inutilité est générateur de mal-être, voire de souffrance psychique, à l'origine de comportements à risque, voire de violence.

La prévention, dit avec raison M. Vaugrenard, doit passer par l'éducation et une formation nouvelle et diversifiée des jeunes, la gestion en amont de la pauvreté en fluidifiant l'information. Sans insister sur les différentes pistes, nous devons revaloriser le RSA socle, qui progresse moins vite que l'ancien RMI, l'ouvrir aux jeunes de 18 ans et multiplier les bourses étudiantes pour faciliter l'insertion des jeunes dans la compétition universitaire. Cela a été dit, nous devons simplifier les démarches administratives pour diminuer le nombre de non-requérants.

Enfin, les travailleurs sociaux eux-mêmes souffrent de la précarité, il faut y remédier. « L'égalité n'est jamais acquise, c'est toujours un combat » comme le disait François Mitterrand. (Applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin .  - Pierre Bourdieu disait : « La cécité aux inégalités sociales autorise à considérer toutes les inégalités comme des inégalités naturelles, de dons ».

Le rapport de M. Vaugrenard revient sans angélisme sur des idées reçues : non, la plupart des chômeurs ne le sont pas par choix.

Dans la ville de 15 000 habitants dont je suis maire, il existe un socle de chômage de longue durée, qui ne baisse pas, même en période de croissance. La misère n'est pas moins réelle dans les champs et les montagnes ; la ruralité n'est pas un eldorado... Je suis de ceux qui plaident pour un maillage serré des services publics. Le premier des magistrats, le maire, surtout dans les petits villages, est souvent celui qui connaît le mieux la situation de ses administrés : la proximité est essentielle pour lutter contre la pauvreté.

Je suis aussi de ceux qui plaident pour la démocratisation des moyens de communication : l'exclusion numérique est une réalité. Il faut faciliter l'accès aux droits. S'agissant de la réforme de l'État providence, il faut simplifier les démarches administratives. Instaurer un référent unique est une excellente idée. Est-ce envisageable et à quel horizon ? On parle d'une baisse des prestations sociales, cela provoquerait un dévissage de certains citoyens. Comment sanctuariser les aides ?

Je voudrais parler de la dignité humaine, à propos de nos lois. Rappelons-nous notre débat sur l'allocation équivalent retraite. Sa suppression a plongé dans la misère de nombreux salariés qui avaient travaillé dans des conditions parfois pénibles pendant 40 ans.

M. Alain Néri.  - Il fallait le rappeler !

M. Martial Bourquin.  - Attention à ne pas réserver à la lutte contre la pauvreté des mesures low cost. Que les 25 % des logements sociaux soient de beaux ensembles, que les cantines scolaires offrent des repas de qualité aux enfants qui ne mangent pas à leur faim. Une proposition iconoclaste, enfin : multiplions les projets de micro-crédit d'économie sociale et solidaire, qui met le pied à l'étrier. Camus disait : « Nous ne pouvons pas faire de leur voix la nôtre ; tout au plus, nous avons la responsabilité de faire de nos lois les leurs ». (Applaudissements)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - La pauvreté n'est pas une fatalité. Il n'empêche, elle est devenue récurrente, alarmante, dramatique. Plutôt que d'appliquer des sparadraps, revenons sur le tout libéralisme. Depuis des lustres, on nous explique qu'il faut déréguler, déréglementer pour redonner du dynamisme à l'économie et retrouver de la croissance. Résultat, du salariat précarisé !

L'État providence ? Je n'aime pas ce mot qui vient des Anglo-saxons et qui évoque je ne sais quel « don ». Notre modèle à nous, c'est la protection sociale, celle que certains voulaient privatiser, financiariser et, quelle idée géniale, cibler sur les plus pauvres. Le résultat de ce « ciblage » sur le terrain ? Des crédits en baisse et 25 critères dans lesquels le demandeur ne rentre jamais pile poil : il n'aura droit à rien !

L'individualisation des prestations a fragilisé la société. Nous devons restaurer la philosophie républicaine de la fraternité, c'est vrai, monsieur Vaugrenard. Mais pas de fraternité sans égalité, - ni liberté - sans universalité des droits...

Il n'est pas acceptable que 68 % des ayants droit au RSA n'en bénéficient pas. Il faut être polytechnicien pour faire les calculs et les présenter aux services sociaux. Inversons la situation : ce n'est pas aux pauvres à demander leurs droits, mais à l'État d'informer les ayants droit.

On pleure sur la montée du Front national. On ferait mieux de réformer ce système : une famille qui aurait droit au RSA n'ose pas le demander, une autre le reçoit, très normalement, parce qu'elle a pu être aidée par une assistante sociale. Je vous en supplie, madame la ministre, organisez une grande conférence avec les CAF et les personnes pauvres.

Simplifier les démarches, tout le monde l'a dit, c'est une nécessité. Il est sympathique de généraliser les mutuelles, mais mieux vaudrait consolider le tronc commun de la sécurité sociale : ce serait moins cher et plus efficace.

Quant aux allocations logement, il faudrait les revaloriser au lieu de les geler : ce ne serait pas ruineux.

Je ne suis pas hostile à ce que l'on encourage l'offre productive, mais qui peut espérer renouer avec la croissance sans relancer la consommation populaire ? Obama l'a fait.

Rien n'est possible sans redistribution des richesses, alors que la rente foncière a retrouvé le niveau des années vingt, comme l'a montré Thomas Piketty. J'espère que la réforme fiscale annoncé par Jean-Marc Ayrault n'est pas enterrée. (Applaudissements à gauche)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - À mon tour de féliciter M. Vaugrenard pour son travail, à la fois précis et synthétique, et pour la force de ses convictions et de son engagement. Oui, je crois que l'on peut changer les choses par l'action publique, par la volonté. Le Gouvernement a mis en place un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, sous l'impulsion de Marie-Arlette Carlotti. Je mettrai toute mon énergie à poursuivre sa mise en oeuvre.

La pauvreté des enfants est héritée : c'est l'aspect le plus révoltant de l'exclusion. Un enfant sur cinq est touché par la pauvreté ; certains très gravement, quand les parents sont sans emploi, ou dans les familles monoparentales : 41 % de ces dernières sont pauvres, contre 14 % des familles à deux parents. Le phénomène est accru en ZUS. Le comité interministériel du 23 janvier 2013 a ciblé les mesures sur les enfants pauvres, pour faciliter notamment l'accès aux crèches. La scolarisation dès 2 ans est également un bon moyen de rétablir l'égalité républicaine. Le complément familial pour les familles nombreuses modestes vient d'être revalorisé, ainsi que les aides aux familles monoparentales.

Vous avez parlé des jeunes, avec raison. Entre 18 à 25 ans, ils connaissent une période critique. Il faut les aider à s'insérer dans la vie active. C'est l'objet de la « garantie jeune » - que nous expérimentons, avec François Rebsamen. Les enfants et les jeunes adultes sont confrontés à la difficulté de se loger : nous avons multiplié les places en hébergement, lutté contre l'habitat indigne, encadré les loyers... Nous travaillons avec Mme Pinel pour lutter contre le mal-logement.

Le phénomène des travailleurs pauvres est inacceptable ; il touche avant tout les femmes. L'article 8 de la loi de sécurisation de l'emploi de 2013 impose un minimum de vingt-quatre heures hebdomadaires, mais sa mise en oeuvre est laborieuse. L'exonération des cotisations sociales jusqu'à 1,3 smic est un début ; nous réfléchissons aussi à une meilleure articulation du RSA activité et de la prime pour l'emploi.

Le Premier ministre a annoncé l'exonération de nombreux ménages modestes de l'impôt sur le revenu dès 2014 : c'est une bonne nouvelle, qui redonnera du pouvoir d'achat.

Quand on est pauvre, on paye plus cher son loyer, son téléphone, son chauffage, son assurance... L'Igas se penche sur ce sujet. Il faudra aussi veiller à lutter contre l'exclusion numérique, qui rend toute démarche extrêmement compliquée. Je m'y attèlerai, avec Mme Lemaire.

Les frais bancaires seront plafonnés, c'est une grande avancée du plan. La loi de séparation des activités bancaires de 2013 a prévu que les offres de moyens de paiement soient adaptées à la situation des plus fragiles pour limiter les risques d'incidents et une précarisation. Des points conseil budget seront expérimentés dès cette année, notamment avec la possibilité de microcrédits personnels.

Monsieur Fortassin, les dons alimentaires seront défiscalisés pour les producteurs ; M. Le Foll prépare un plan pour réduire le gaspillage alimentaire.

L'aide à la complémentaire santé (ACS) est passée de 500 à 550 euros dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale ; 690 000 personnes supplémentaires bénéficient depuis avril de la CMU ou de l'ACS.

La pauvreté frappe aussi les personnes âgées. Les 564 000 bénéficiaires du minimum vieillesse verront celui-ci revalorisé pour atteindre 800 euros. Mme Rossignol est très investie sur ce sujet. Les minima liés aux handicaps seront eux aussi revalorisés. Le Gouvernement a fait le choix de la justice.

Comment la société considère-t-elle les plus pauvres ? « Assistés », « marginaux », « profiteurs », « fraudeurs »... Les mots les plus violents se bousculent. Pour lutter contre cette stigmatisation, il faut d'abord « faire ensemble » avec les pauvres eux-mêmes qui sont les experts d'une pauvreté vécue au quotidien : le huitième collège du Conseil national de lutte contre l'exclusion associe les premiers concernés. Je rencontrerai demain les participants, qui ont beaucoup à nous apprendre, notamment sur le sujet de la simplification de l'accès aux droits. La procédure pour la moindre aide financière est incompréhensible, des dossiers de 32 pages, une multitude de pièces à fournir... Un vrai parcours du combattant. Un dossier de demande simplifiée, donnant accès à plusieurs prestations, est expérimenté dans deux départements ; j'y suis attentive. Le dossier est avant tout le problème de l'administration, pas de la personne !

Le contrôle a posteriori est une idée séduisante. Mais se voir réclamer des indus est souvent catastrophique pour les personnes concernées. Nous réfléchissons à des droits pour trois mois. Le citoyen doit aussi avoir réellement accès aux informations le concernant. Le référent unique de parcours est une bonne idée. Je piloterai bientôt les états généraux du travail social, avec les départements et les régions, qui sont des acteurs impliqués au quotidien.

M. Christian Bourquin.  - Très bien !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Le combat contre la pauvreté n'est pas l'apanage de l'État : tous ont un rôle à jouer. La raison d'être du politique, c'est de s'occuper des gens, de tous les gens, sans exception. C'est mon engagement. (Applaudissements à gauche et au centre ; M. Michel Savin applaudit aussi)

La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 17 heures.

Hommage à une délégation parlementaire indonésienne

Mme la présidente.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Je salue la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation de parlementaires de la Chambre des représentants de la République d'Indonésie, présidée par Mme Ayu Kus Indriyah, vice-présidente de la commission des finances.

Après une rencontre avec des collègues du groupe interparlementaire d'amitié « France-Indonésie et Timor-Est », présidé par Mme Catherine Procaccia, cette délégation a consacré son après-midi à des entretiens à la commission des finances. Elle a notamment rencontré le rapporteur général, François Marc, afin d'évoquer des questions relatives aux finances locales et au budget de l'État.

Cette visite atteste de l'excellence des relations interparlementaires entre nos deux pays. Au nom du Sénat tout entier, je forme le voeu qu'elle renforce encore nos liens et souhaite la plus cordiale bienvenue à nos collègues indonésiens. (Applaudissements)

Débat sur les perspectives de la construction européenne

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les perspectives de la construction européenne.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes .  - Je me félicite de la tenue de ce débat, à quelques jours des élections européennes ; j'en remercie le président du Sénat et la Conférence des présidents.

Depuis le traité de Lisbonne, le rôle du Parlement européen a été renforcé : il est désormais codécideur en de nombreux domaines. Et pour la première fois, les citoyens pèseront directement sur le choix du président de la Commission européenne. Mais le climat est morose, l'Europe est trop souvent le bouc émissaire de nos maux... Ses dysfonctionnement sont souvent commentés et ses succès passés sous silence. Pourtant, 14 millions d'Européens se sont établis dans un autre État grâce à la libre circulation, Erasmus a bénéficié à 3 millions d'étudiants. La PAC, c'est 10 milliards d'euros chaque année pour notre agriculture et la politique de cohésion, 14 milliards pour nos territoires. La construction européenne a permis à notre continent de vivre durablement en paix.

Mais le sens du projet européen s'est effiloché. Une vision fait défaut, que les peuples ressentent. Le doute fait le lit du populisme. Nous devons aux jeunes générations de le combattre pour qu'ils vivent l'Europe comme une chance et non comme une menace. La commission des affaires européennes a mené une réflexion approfondie sur les perspectives européennes, sous la houlette convaincue et expérimentée de Pierre Bernard-Reymond. Son rapport, très complet, fait des propositions pertinentes ; il a recueilli une approbation unanime.

Quelle Europe voulons-nous ? Pas une Europe qui subisse les errements de la finance, l'austérité qui découle des manquements de quelques-uns, la crise, le chômage. Oui, il faut rétablir les comptes publics, réduire l'endettement. Les peuples peuvent accepter des efforts, mais il faut leur donner des motifs d'espérer. Nous voulons une Europe sociale, qui lutte contre le chômage et pour l'harmonisation fiscale, qui protège mieux les droits sociaux et les libertés fondamentales. Gardons-nous de diviser l'Europe, il n'y a pas d'un côté une Europe du Nord, parée de toutes les vertus, et une Europe du Sud, coupable de toutes les turpitudes.

La France porte ce message. Elle joue un rôle moteur pour combattre le dumping social, les fraudes. Il n'y aura pas d'espace commun sans harmonisation fiscale et sociale. L'annonce de la création d'un smic allemand va dans le bon sens, mais il faudra aller plus loin vers une plus grande harmonisation.

L'Europe doit renouer avec les grands projets, ce qu'elle a su faire dans le passé. C'est à l'échelle européenne qu'ils auront un effet de levier sur la croissance, notamment dans le domaine du numérique. Comme le disait justement Mme Morin-Desailly, l'Europe ne doit pas devenir une colonie numérique : en matière de protection des données, elle a un modèle à défendre. La crise ukrainienne nous rappelle aussi l'intérêt qu'auraient les Européens à mener une politique énergétique commune. Agir en ordre dispersé, c'est affaiblir l'Union et chacun des États qui la composent.

Pouvons-nous réaliser ces ambitions dans une Europe à 28 ? Le rapport de Pierre Bernard-Reymond pose clairement la question : qui veut avancer dans le sens de l'intégration et de la solidarité, en délaissant les égoïsmes nationaux ? Les coopérations renforcées ont fait leurs preuves. Laissons ceux qui le veulent approfondir le projet européen. L'union bancaire prend enfin forme, la coordination des politiques économiques et budgétaires a beaucoup progressé. Pour construire une Europe puissance, il faut des institutions rénovées, plus crédibles et plus visibles, un budget augmenté. Cela suppose de définir des ressources propres ; nous attendons les conclusions du groupe présidé par Mario Monti.

Nous voulons aussi une Europe plus démocratique, la composition du Parlement européen doit évoluer. Les parlements nationaux ont aussi un rôle essentiel à jouer, avec le contrôle de subsidiarité - que nous exerçons ici avec vigilance. À deux reprises, les parlements nationaux ont adressé un carton jaune à la Commission européenne, ce qui a conduit la Commission à retirer son texte sur le droit de grève et à convenir que l'avis des parlements nationaux serait pris en compte sur son projet de parquet européen.

Il faut aller plus loin avec un droit d'initiative des parlements nationaux. En matière économique et financière, en matière de politique étrangère et de défense, des structures existent désormais ; à nous de nous en saisir.

L'Europe est un grand projet, qui a permis des avancées considérables. Les dysfonctionnements existent ; il faut les analyser lucidement, pour dessiner l'Europe que nous voulons, proche des citoyens et qui réponde à leurs attentes. (Applaudissements)

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur de la commission des affaires européennes .  - Vivons-nous une simple crise, financière, économique, sociale, morale qui a déferlé sur l'Europe, sans que celle-ci n'ait eu les instruments pour y répondre ? Ne sommes-nous pas plutôt à l'aube d'une grande mutation qui va, pendant plusieurs décennies, rebattre les cartes avant que s'installe un nouvel ordre du monde au sein duquel aucune nation ne peut dire la place qu'elle y occupera ? Ou encore l'Europe, ce petit cap de l'Asie qui a apporté au monde les idées de liberté, de progrès, de solidarité, a-t-elle amorcé son déclin ? Le Bas-Empire européen a-t-il commencé ?

Ces interrogations, cette peur expliquent confusément la radicalisation, le désamour, la défiance palpable au cours de cette campagne électorale. Entre ceux qui veulent se réfugier derrière la seule Nation, les partisans de la fuite en avant vers un super-État et ceux dont l'horizon se limite aux échéances électorales, nous percevons le trouble profond que crée l'existence des différents avenirs possibles.

En réaction à l'impérialisme, s'est dressée la Nation - et avec elle le nationalisme. Après les atrocités des deux guerres, les pères fondateurs de l'Europe ont eu une intuition historique, transcender la Nation sans l'effacer pour faire émerger une communauté fondée sur la libre adhésion, la démocratie, la solidarité, le progrès et la paix. Le défi de la paix a été gagné. Le deuxième défi, ce fut la réunification du continent ; des ex-dictatures sont venues nous rejoindre. Ceux qui doutaient, les pays nordiques, le Royaume-Uni, ont estimé qu'il valait mieux être dedans que dehors.

Prochain défi : la mondialisation. La question est simple : vaut-il mieux l'aborder seuls ou plusieurs ? Le contexte appelle la réponse... En 1950, la planète comptait 2,5 milliards d'habitants, elle en comptera en 2050 plus de 9 ; tous les continents verront leur population augmenter - sauf l'Europe. Dès 2030, aucun pays de l'Union européenne ne figurera plus dans les huit premières puissances du monde. On pense alors au proverbe touareg : « Seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin ».

Voulons-nous être acteurs de l'organisation et du destin de la planète, défendre nos valeurs, notre mode de vie, notre qualité de vie, ou bien usés, fatigués, désabusés et divisés nous contenterons-nous d'être simples spectateurs, livrés à la puissance d'États-continents ? J'espère que nous serons nombreux, en France et en Europe, à vouloir relever ce troisième défi. Il n'est pas gagné, mais il n'est pas perdu non plus. Le désamour à l'égard de l'Europe est explicable. La crise financière née de l'ultralibéralisme et d'un capitalisme non régulé a provoqué de vraies souffrances, sans que l'Europe ne s'érige en rempart. La plupart des chefs d'État et des politiques n'ont pas osé dire aux peuples que les Trente Glorieuses étaient révolues et pour masquer la réalité, ont endetté leur pays. Ils ont cédé à la facilité, s'attribuant ce qui allait bien et rejetant sur l'Europe bouc émissaire tout ce qui n'allait pas - en songeant à la prochaine élection plutôt qu'à la prochaine génération, en préférant sondages, marketing, tactique et communication à toute réflexion à long terme et au courage. Les chefs d'État ont du mal à déléguer une partie de leur souveraineté. Les hommes politiques qui vantaient naguère l'Europe, n'osent plus en parler devant la montée de populismes avec lesquels certains d'entre eux sont tentés de composer. La presse ne s'intéresse plus à l'Europe - sauf Public Sénat qui a retransmis le débat des prétendants à la présidence de la Commission...

La gestion de la Commission européenne est apparue à juste titre comme tatillonne, technocratique, multipliant les normes ridicules au point d'oublier le travail important réalisé, notamment par Michel Barnier.

La politique commerciale donne parfois une impression de naïveté, l'absence de politique de change provoque l'euro fort - qui n'a pas que des inconvénients mais est perçu comme un frein à nos exportations ; la politique de concurrence empêche la constitution de groupes capables de peser face aux géants internationaux. Surtout, la démocratie en Europe est largement inachevée. Le président du Conseil européen est nommé, non élu, quand l'Europe, comme toutes les grandes puissances, a besoin d'une voix, d'un visage, d'un patron ; le président de la Commission sera désigné par le Conseil, même s'il sera tenu compte de l'avis du Parlement ; les électeurs ne voient leurs députés que tous les cinq ans. Le couple franco-allemand est déséquilibré, le budget européen indigent - 1 % du PNB - ce qui est d'autant plus regrettable que si une politique de désendettement est indispensable pour les États, elle ne l'est pas pour l'Europe... C'est au niveau européen qu'il aurait fallu faire la relance (Mme Corinne Bouchoux approuve) mais des États ne l'ont pas voulu. La méthode intergouvernementale est à bout de souffle, la règle de l'unanimité rend la prise de décision difficile.

En France les pro-européens sont séparés par le mur de la bipolarisation et la tendance de chacun des camps à prêter l'oreille à la démagogie des extrêmes. Plus que tout, le problème vient de la coexistence de deux conceptions fondamentales de l'Europe : une Europe-espace à la britannique et une Europe puissance construite autour de politiques communes, avec une visée fédérale à terme. Il faut que ces deux visions cohabitent en conservant les Vingt-huit dans l'Union ; que les tenants de la seconde vision, que ceux qui veulent aller plus vite et plus loin puissent le faire sans en être entravés ; qu'ils lancent un appel d'offres pour plus d'intégration.

Ce diagnostic trace le chemin et dicte le projet. Dans mon rapport, j'ai affirmé une conviction plutôt que de tenter une impossible synthèse. J'ai articulé 24 propositions, toutes soumises à discussion et amélioration ; il faudra du temps, beaucoup de temps pour qu'elles entrent un jour dans le droit positif. Mais l'Europe a besoin d'un grand projet, un projet de civilisation. Les chefs d'État devraient cesser de louvoyer, de ne s'intéresser qu'au futur proche. Il suffirait de quelques visionnaires courageux, au lieu de tacticiens frileux, pour que l'Europe se réconcilie avec elle-même et entraîne à nouveau les peuples. L'Europe doit s'organiser à terme sur un modèle fédéraliste, devenir une communauté de nations menant de nouvelles politiques fiscales, économiques, climatiques, de défense...

L'Europe sera politique ou ne sera pas. Pourquoi ne pas faire élire le président du Conseil par les 10 000 parlementaires européens et celui de la Commission européenne par le Parlement européen ? Hiérarchiser cette commission à l'exemple d'un gouvernement ? Donner un pouvoir d'initiative et le vote d'une partie des recettes au Parlement européen ? Mieux associer les parlements nationaux ?

Sur le plan économique, il faudrait doter le budget européen de ressources propres à hauteur de 60 % et le doubler, autoriser l'Europe à emprunter, créer des eurobonds, confier la politique de change à la BCE, renforcer la Cour des comptes européenne.

Oui, l'Europe est au milieu du gué. C'est en étant plus européens que nous pourrons rester souverains. Comme le disait Keynes, la difficulté n'est pas de comprendre les idées nouvelles mais d'échapper aux idées anciennes. Il s'agit non de faire la révolution ou un grand bond en avant, mais de sortir du clair-obscur, de s'affranchir des égoïsmes nationaux pour tracer un chemin. Face au gigantesque défi que nous lance le XXIe siècle, la Nation ne peut demeurer le stade ultime de l'organisation des peuples. Les provinces ont fait la France en leur temps. Les États doivent faire l'Europe sans défaire les nations. (Applaudissements)

M. André Gattolin .  - Qui se rend compte que nous sommes à quelques jours des élections européennes ? La question de la diffusion du débat entre les candidats à la présidence de la Commission européenne est exemplaire : non seulement le groupe France Télévisions a refusé de le retransmettre, mais il a diffusé un programme concurrent... Il est temps de créer une radio publique consacrée à l'Europe, comme le recommande le grand fédéraliste Pierre Bernard-Reymond que, par-delà nos divergences politiques, je rejoins tout à fait sur ce sujet. Les Européens comme lui sont trop peu nombreux.

Les responsables nationaux cèdent souvent à la tentation de se défausser sur l'Europe. Il est si facile de blâmer une institution lointaine... L'Europe n'est certes pas parfaite mais dans un monde qui évolue vite elle fait du sur-place. Dans 30 ans, plus aucun pays européen ne sera membre du G8 : cela nous inquiète, cela devrait nous mobiliser.

Comment l'Europe échapperait-elle à la crise actuelle de la démocratie et de la solidarité ? Pour paraphraser Sieyès, je dirais : Qu'est-ce que l'Europe ? Tout. Qu'a-t-elle été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien. Que demande-t-elle ? À y devenir quelque chose.

Les gouvernements successifs sont passés maîtres dans l'art de minimiser le caractère politique des intégrations successives. La Commission est condamnée pour ses orientations libérales, mais ce sont celles du Conseil qu'elle sert... Et si le Parlement est impuissant, c'est parce que les États le veulent. L'opacité dans laquelle se négocie le traité transatlantique est un déni de démocratie.

Le débat du 15 mai fut, malgré tout, un putsch démocratique. Les candidats ont prévenu les gouvernements : désormais, le choix des peuples s'imposera à eux. Véritable mini serment du Jeu de paume, prêté dans un silence assourdissant. Les pensées qui mènent le monde arrivent sur des pattes de colombes a dit un fameux philosophe.

Nous serons plus forts, non en sortant de l'euro, mais en complétant notre politique monétaire. L'Europe sera plus forte, non en donnant plus de pouvoirs aux nations, mais en rendant ses institutions plus démocratiques, en renforçant les liens entre échelons nationaux et européens. Déconnectons la citoyenneté européenne de la notion de nationalité. Accordons au Parlement européen un droit d'initiative législative, et aux élections européennes une dimension supranationale. Assumons le destin politique de l'Europe. C'est en franchissant ce pas que nous lui redonnerons vie. (Applaudissements)

M. Jean Bizet .  - En ce centenaire de la Première Guerre mondiale, et alors que l'Ukraine sombre dans la guerre civile, le projet européen conserve tout son sens. Le rapport de Pierre Bernard-Reymond le rappelle utilement après celui de Jean Arthuis sur la zone euro en 2012. Jamais ce projet n'a été un long fleuve tranquille mais ce n'est pas une raison pour que nous nous en lassions... L'Union européenne est effectivement au milieu du gué, à nous de lui donner un nouvel élan. Nos concitoyens ne doivent pas se laisser séduire par les extrémistes et les eurosceptiques, ce qui est en jeu est moins l'Europe elle-même que son fonctionnement.

L'Europe reste un projet enthousiasmant, qu'animent intrinsèquement les valeurs de paix, de liberté, de dignité et de solidarité. La construction européenne a sorti le continent de guerres régulières, qui ont débouché par deux fois sur des conflagrations mondiales.

L'Union européenne a consolidé la sortie de la guerre froide et accueilli les pays de l'est dans la démocratie, avec la libre circulation, avec Erasmus. Elle a mis en place des politiques communes comme la PAC. Sa politique économique commune reste un solide acquis : l'Union européenne est le premier marché mondial, ses parts de marché dans le monde sont stables à 16 %. Bref, il n'y a pas lieu de douter du succès de l'Union européenne.

Sortir de l'euro ce serait voir immédiatement nos taux d'intérêt augmenter, au risque de renchérir la dette publique et de nuire au financement de notre économie. Ce n'est pas parce que l'Europe ne fonctionne pas de manière optimale qu'il faudrait la mettre à bas.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES) constitue l'outil de gestion de crise qui manquait. La supervision budgétaire a été renforcée, l'union bancaire est en marche. Même avec ses défauts, la zone euro a résisté à la crise en faisant preuve de solidarité ; les marchés ne se risquent plus à spéculer sur l'effondrement de l'euro. Ne gâchons pas à la veille d'en récolter les fruits ce que nous avons construit. La désaffection à l'égard de l'Europe s'explique largement par la conjoncture économique. Il n'y a pas d'avenir pour notre pays isolé.

Nous ne réussirions seuls ni le retour de la croissance, ni la transition énergétique, ni la maîtrise des flux migratoires. La libre circulation est un acquis auquel nos concitoyens tiennent. Pour faire face à l'arrivée des immigrés illégaux, nous soutenons la nomination d'un commissaire européen à l'immigration et l'augmentation des moyens de Frontex.

Le péché originel de la monnaie unique, c'est de ne pas être accompagnée d'une coordination fiscale et budgétaire. Poursuivons l'intégration en prenant chacun nos responsabilités, c'est-à-dire en réduisant les dettes nationales. À cet égard, la politique du Gouvernement nous laisse perplexes. Il ne suffit pas d'espérer le retour de la croissance pour qu'il vienne.

Je suis prêt à transgresser les frontières politiques pour soutenir les mesures qui vont dans le bon sens. La politique énergétique, elle aussi, doit être menée au niveau européen, dans la logique de ce qui fut la Communauté européenne du charbon et de l'acier. Notre indépendance énergétique en dépend, comme nous le rappelle la crise ukrainienne.

La question est moins celle du fédéralisme que celle de la poursuite d'une construction qui serait un modèle original. Trouvons un équilibre entre le communautaire et l'intergouvernemental, évitons que Bruxelles ne s'immisce dans tous les détails de notre vie quotidienne.

Le progrès de l'intégration passe par une Europe à plusieurs cercles. Il faut mettre en place un véritable budget européen, finançant des projets communs. L'Eurogroupe doit être officialisé et doté d'une présidence permanente.

Les Français attendent avant tout une Europe plus lisible et plus démocratique. La nouvelle procédure de sélection du président de la Commission européenne constitue un premier pas.

L'Europe ne peut se passer du couple franco-allemand, d'où nos inquiétudes face aux divergences économiques qui se creusent entre nos deux pays. Cela pourrait empêcher la constitution d'un noyau central - ou alors, la France n'en ferait pas partie. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - À quelques jours d'élections européennes qui devraient être une respiration démocratique majeure, il faut tirer la sonnette d'alarme : l'abstention risque fort d'atteindre des sommets et il est à craindre de voir plus d'une centaine de députés anti-européens siéger à Strasbourg. C'est sans doute la manifestation la plus évidente du malaise qui gangrène l'Europe.

L'Union est la fille de notre histoire continentale, elle signifie libre circulation, justice, droits de l'homme et aussi la Ceca, Erasmus, Airbus. Depuis 60 ans, elle agit comme force de progrès et de liberté. Hélas, elle apparaît aujourd'hui comme une source de contraintes. L'euro est devenu un bouc émissaire après qu'il nous a permis, pour reprendre le mot de Jean Arthuis, de « jouer les prolongations » en évitant de nous réformer.

Soit, l'Europe a pris du retard sur la marche du monde. Mais ses lacunes indéniables sont-elles une raison de tout abandonner ? Face à la Chine et aux États-Unis, l'Europe ne pèse guère, on l'a vu à propos du scandale des écoutes de la NSA. Et les crises syrienne et ukrainienne montrent notre impuissance face à une Russie sûre d'elle-même et dominatrice. Mais seuls, nous serions marginalisés, ne serait-ce qu'en raison de notre stagnation démographique.

Nous avons besoin de plus d'Europe, mais pas de n'importe laquelle. Seule l'harmonisation des politiques nationales permettra de nouer de nouveaux partenariats, en particulier avec l'Afrique, ce géant de demain.

Le plus urgent est de combler le fossé démocratique entre l'Europe et les citoyens. L'euro doit enfin marcher sur ses deux jambes, avec un gouvernement économique en lien avec la BCE. Le Parlement européen doit recevoir toutes les compétences d'un parlement, avec une seconde chambre constituée de parlementaires nationaux.

La mission d'information sur la gouvernance de l'Internet a confirmé l'importance du rôle de l'Europe. Elle peut infléchir cette gouvernance dans le sens du respect des libertés, alors que le magistère des États-Unis a faibli. Nous ferons des propositions dans les prochaines semaines.

Pourquoi la France ne serait-elle pas le fer de lance d'une vaste consultation européenne sur l'Europe que les citoyens souhaiteraient ?

En 1916, Apollinaire, poète français d'origine polono-italienne, écrivait : « Il est grand temps de rallumer les étoiles ». Mobilisons-nous pour dire quelle Europe nous voulons et rallumer les étoiles de son drapeau ! (Applaudissements)

Mme Michelle Demessine .  - Les élections européennes n'intéressent guère les citoyens. C'est pourtant l'occasion de dire quel sens ils veulent donner à l'Europe. Celle-ci ne pourra continuer à se construire sans entendre les attentes des peuples.

Loin de favoriser la coopération, l'Union européenne met aujourd'hui en concurrence peuples et territoires. Après la Seconde Guerre mondiale, la construction européenne fut un gage de paix. Or la paix n'est pas acquise, comme nous le voyons en Ukraine, à propos de laquelle l'Union européenne se montre encore une fois impuissante.

Les citoyens doivent être informés des vrais enjeux. Le traité transatlantique est négocié en secret, alors que c'est la copie conforme du projet de 1994, négocié lui aussi dans le plus grand secret et rejeté in extremis. Comment compter sur ce gouvernement, quand le président de la République veut accélérer la négociation ? Les députés du Front de gauche avaient déposé une proposition de résolution demandant l'arrêt des négociations, les députés socialistes l'ont vidée de sa substance.

Mme Nicole Bricq.  - Ils ont bien fait !

Mme Michelle Demessine.  - Jamais le fossé entre les institutions européennes et les citoyens n'a été aussi grand. Le Parlement européen doit se voir reconnaître un vrai pouvoir de décision. L'Europe doit aussi se doter d'une politique industrielle cohérente. L'actualité l'impose : projet de rachat d'Alstom par General Electric en France, enquête sur la fusion des deux grands opérateurs téléphoniques en Allemagne. Même le lobby des grandes entreprises reproche à la Commission de ne pas être assez protectrice, de ne pas porter de vision stratégique et de ne pas préserver nos capacités de recherche. Le cas de la SNCM montre que la concurrence libre et non faussée coule l'industrie européenne : la Commission lui impose de rembourser 440 millions d'aides, une véritable épée de Damoclès, quand l'entreprise propose un plan industriel consistant. Là encore, on fait primer la logique de libéralisation.

Les salariés doivent être impliqués dans les choix stratégiques des entreprises. Les peuples doivent être systématiquement consultés sur les traités essentiels. L'harmonisation fiscale et sociale n'est pas moins indispensable, pour une Europe de progrès. (Applaudissements sur les bancs CRC)

présidence de M. Charles Guené,vice-président

M. Jean-Pierre Chevènement .  - En 2012, le Gouvernement nous appelait à contextualiser le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en tenant compte de l'annexe sur la croissance, de la taxe sur les transactions financières, de l'union bancaire. Dans une motion, je soutenais que ce traité nous enfermait dans un corset budgétaire dont nous ne sortirions qu'à la suite d'une grave crise sociale. Nous y sommes. L'austérité mène à la stagnation : en 2014, la croissance en Europe sera entre 2,5 fois et 7 fois inférieure à celle des autres régions du monde. Seule l'Allemagne tire son épingle du jeu.

Citant Apollinaire Mme Morin-Desailly parlait de rallumer les étoiles. Je souhaite pour ma part réhabiliter un pharmacien lorrain qui fut en vogue dans les années 1920, le docteur Coué (Sourires), lequel prétendait guérir les gens en leur faisant répéter : « Demain sera meilleur qu'aujourd'hui. »

Le chômage explose, la déflation menace, l'excédent commercial de la zone euro s'explique par le cas allemand, quand nous sommes en déficit de 60 milliards... Les pays moins bien placés dans la division internationale du travail pâtissent de l'euro fort. La monnaie unique est inadaptée à une zone économique hétérogène. Cela peut mener à une mezzogiornisation, un appauvrissement des pays du Sud, à moins que l'on ne transforme la monnaie unique en monnaie commune, comme nous avions entre 1999 et 2002, avec des possibilités d'ajustement périodique.

Dimanche, l'abstention sera une nouvelle fois la réponse des citoyens au défaut de démocratie, une nouvelle fois illustré par le traité de Lisbonne, qui reproduisait le traité constitutionnel rejeté par 55 % des Français. En Allemagne, même, les adversaires de l'euro risquent d'obtenir un score intéressant...

Pour la Grèce, l'Irlande, Chypre, peut-être une restructuration de la dette est-elle inévitable. On s'ébaubit de ce que les pays fortement endettés peuvent maintenant se refinancer à long terme à des taux moins élevés. C'est que la BCE accorde aux banques espagnoles des prêts très avantageux pris sur la dette de leur pays.

Le Gouvernement réclame la fin de l'euro fort, l'Allemagne a beau jeu d'exciper de sa loi fondamentale, qui interdit tout prêt de la Banque centrale à l'État... Ce que font le Japon et les États-Unis, nous ne pouvons pas nous l'autoriser !

Le Premier président de la BCE s'est souvenu que le Conseil des gouverneurs pouvait prendre des mesures correctrices en matière de change, en cas de déséquilibre grave. N'est-ce pas le cas ?

Cessons de nous raconter des histoires sur la fin prétendue de la crise de l'euro, ou sur la taxe sur les transactions financières, purement cosmétique, qui ne rapportera que 5 milliards d'euros par an. L'union bancaire ? Elle s'est fondée sur l'exemple chypriote, c'est-à-dire la mise à contribution des épargnants au-delà de 100 000 euros.

Ce monde est dangereux, gardons-nous de l'aborder avec des idées trop simples. La crise ukrainienne, par exemple, doit être affrontée sans préjugés russophobes. De même, faisons preuve d'imagination en matière monétaire.

M. le président.  - Votre temps de parole est largement épuisé.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - J'en ai fini, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, CRC et quelques bancs à droite)

M. Richard Yung .  - À l'instar de M. Pierre Bernard-Reymond, et contrairement à M. Chevènement, je crois que notre avenir passe par la consolidation de l'union monétaire. Grâce à la monnaie unique, nous avons surmonté la crise au cours de laquelle s'est constitué l'Eurogroupe, embryon de gouvernance européenne.

La crise a été l'occasion d'avancées : l'union bancaire, dont M. Chevènement pense qu'elle n'est rien, est pour moi un progrès considérable.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Dérisoire !

M. Richard Yung.  - Désormais, le citoyen ne paiera plus pour les crises bancaires.

L'union bancaire demandera du temps, au moins dix ans. En attendant, il faut mettre en place un filet de sécurité en adossant le fonds d'aide au MES. Pour cela, il faudra convaincre la chancelière allemande, qui s'y refuse encore. Interventions sur le marché secondaire, refinancement des banques commerciales à hauteur de 500 milliards, la BCE a agi durant la crise et réduit les tensions sur les dettes souveraines. Reste pourtant du chemin à parcourir.

Faisons de la zone euro une véritable union politique. Différentes pistes sont possibles : institutionnaliser l'Eurogoupe avec un président pérenne, sorte de ministre des finances de la zone euro, créer un parlement de la zone euro - l'économiste Thomas Piketty le suggère dans Le Monde de ce soir : une chambre des représentants des nations, une sorte de Bundesrat européen. Cette seconde voie est probablement une impasse, les députés européens disant qu'ils sont les représentants des peuples et presque tous les partis politiques allemands la refusant.

La mutualisation partielle des dépenses d'indemnisation du chômage, défendue par Dominique Bailly, est une idée intéressante. Le projet de taxe sur les transactions financières va clopin-clopant, je n'en dis pas plus. Les euro-obligations, défendues par M. Bernard-Reymond, seraient un moyen d'avancer.

Voilà quelques pistes pour animer ce débat ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes, centristes et sur certains bancs de l'UMP)

Mme Colette Mélot .  - Tout a commencé en 1950 par une déclaration de Robert Schuman sur la paix. Ont suivi la Ceca en 1952, puis la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique en 1957. Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Adenauer signèrent le Traité de l'Élysée qui lança le couple franco-allemand, moteur de la construction européenne. Dans les années soixante-dix, Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt firent avancer la coopération sur de nombreuses questions politiques.

Nous devons garder en mémoire ces actes fondateurs. L'Europe, même s'il ne faut pas verser dans l'eurobéatitude, est une chance pour nous et nos enfants. Comment revenir en arrière devant l'émergence des géants que sont la Chine, le Brésil et l'Inde ? Avec 500 millions d'habitants, l'Europe représente le plus fort PIB au monde ; notre monnaie est recherchée. L'Union européenne doit fonctionner à géométrie variable, admettons-le. Difficile de faire l'Europe sans la Grande-Bretagne. Or elle ne veut pas de l'euro.

Mario Monti, reçu à l'Académie des sciences morales et politiques, a donné une leçon d'Europe : rejetant toute idée d'alliance des pays du sud contre l'Allemagne, il a demandé à la France de redevenir la France, pour qu'elle joue le rôle de pont avec l'Allemagne - ce qui suppose qu'elle améliore ses performances. Ce sont effectivement nos deux pays qui ont construit l'Europe, eux qui représentent la moitié de la croissance européenne.

Les arguments populistes sur l'Union ont conduit, ne l'oublions pas, à la guerre. L'élargissement de l'Union est indispensable à la démocratie. Dix ans après leur adhésion, les pays d'Europe centrale et orientale se félicitent de leur entrée dans l'Union : de l'Estonie à la Slovénie, celle-ci a dopé l'activité, les exportations, les investissements étrangers

En Pologne, le niveau de vie est quatre fois plus élevé qu'en Ukraine. Après avoir choisi la déréglementation au sortir du carcan soviétique, la Pologne est désormais une démocratie. Sur les dix pays qui ont adhéré en 2004, six ont choisi l'euro.

Le rapport de M. Bernard-Reymond est riche de recommandations. Le projet Erasmus 2 est un programme phare. Reste à harmoniser nos politiques sociales et fiscales.

Soixante-cinq ans après la déclaration Schuman, 57 ans après le traité de l'Élysée, il faut avoir l'audace d'aller de l'avant. Non, le projet européen n'est pas une vue de l'esprit ! (Applaudissements à droite)

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Dominique Bailly .  - Dimanche, 400 millions de citoyens européens sont appelés à se rendre aux urnes pour choisir leurs députés. Quelle Europe voulons-nous ? Voilà toute la question. Ne laissons pas les eurosceptiques démanteler le projet européen que nous construisons pas à pas depuis des décennies. Le 25 mai constituera une nouvelle étape démocratique : le Parlement européen aura son mot à dire sur le choix du président de la Commission européenne. L'Europe pourra s'appuyer sur une légitimité démocratique qui lui faisait défaut jusque-là !

Sortons de l'austérité voulue par la droite européenne pour montrer qu'une autre Europe est possible, une Europe du progrès et de la croissance. Depuis deux ans, le président François Hollande a obtenu des avancées sur la garantie jeunesse, ainsi que sur l'encadrement et le contrôle des travailleurs détachés : la responsabilité du donneur d'ordre sera engagée ; ce n'est pas rien. C'est écrit dans la directive d'application. Progrès léger peut-être, mais qui prouve que l'Europe peut protéger les travailleurs contre le dumping social.

L'Europe sociale n'est pas une utopie, la bâtir passe par l'application des textes existants. La lutte contre les inégalités et la poursuite du modèle social européen sont l'avenir de l'Europe. J'ai toujours défendu l'idée d'une mutualisation partielle des prestations chômage, elle est désormais reprise et considérée avec sérieux. Une assurance chômage européenne remplirait un rôle de stabilisation économique, elle éviterait de faire des politiques sociales une variable d'ajustement, elle donnerait aux Européens une vision immédiate de ce que l'Europe fait pour eux.

L'Europe a beaucoup à faire : un smic européen, défini en fonction du niveau de vie de chaque État et égal à 60 % du salaire médian ; l'égalité salariale entre femmes et hommes, lutter encore et toujours contre le dumping social ; combattre le chômage des jeunes avec la garantie jeunesse, l'encadrement des stages et une aide à la mobilité étudiante, la protection des services publics, voilà quelques suggestions pour que l'Europe ne perde pas son souffle ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Roland Ries .  - Le 25 mai, les électeurs pourront exprimer leur vision de l'Europe. Hélas, beaucoup ne le feront pas ; d'autres exprimeront leur défiance, voire leur hostilité à l'égard du projet européen.

Les pères fondateurs, après la guerre, travaillèrent à une union économique qui serait le ferment d'une union plus large où Allemands et Français ne se verraient plus comme des ennemis irréductibles mais comme des partenaires.

Dans ma ville de Strasbourg, siège du Conseil de l'Europe, de la Cour européenne des droits de l'homme et du Parlement européen, chacun mesure l'extraordinaire progrès accompli par l'Europe en 60 ans. L'Union européenne aujourd'hui se trouve à la croisée des chemins.

Qui, depuis la crise de 2008, peut contester que l'idéal européen s'est abîmé dans sa politique : l'Europe s'est faite sans les peuples ? Dans ces doutes et ces défiances qui s'expriment, terreau des extrêmes, on interroge l'Europe mais l'Europe aussi s'interroge sur elle-même.

Cela nous invite à rompre avec la « vision minimale » de l'Europe, dénoncée par le président de la République dans sa tribune du 9 mai, une Europe commerciale, politique, sans âme. À cette vision, les socialistes et socio-démocrates veulent opposer une Europe des peuples. Cela passe par un approfondissement du débat démocratique dans nos instances. Or la crise a précipité sur le devant de la scène des institutions comme la Commission européenne et la BCE qui se situent hors de l'espace délibératif. Ne nous y trompons pas, derrière le principe d'indépendance que le traité confère à ces institutions, derrière le voile technocratique, c'est bien de questions politiques, au sens large, qu'il s'agit.

Depuis 1979, les citoyens élisent leurs députés européens. Avec ces élections, nous franchissons un pas démocratique : les partis européens présentent leur candidat à la présidence de la Commission européenne, les commissaires pourront être choisis parmi les nouveaux députés. La légitimité démocratique de la Commission en sera renforcée. Cela ne suffira pas, certes.

Sans vouloir verser dans la critique populiste du gouvernement des juges, je m'étonne de la récente décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur les Epic. La construction européenne ne doit pas s'enliser dans le juridisme. À l'Europe technocratique, dont le siège est à Bruxelles, opposons l'Europe démocratique et citoyenne, dont le siège est à Strasbourg. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Merci à la commission des affaires européennes du Sénat pour sa contribution très riche au débat sur l'Europe. L'expérience de secrétaire d'État aux affaires européennes, de député européen et de sénateur de M. Bernard-Reymond est précieuse. À l'évidence, nous partageons une même conviction, une même certitude, une même ambition : l'Europe n'est pas la source de nos maux ; elle a apporté la paix, la stabilité, la croissance. Nous différons ensuite sur les moyens et voies à suivre... Peu importe, le Sénat s'honore d'organiser ce débat à l'orée des élections européennes. Non, l'Europe ne se fera pas sans les peuples. Et l'Europe, c'est les normes sanitaires, la PAC, les accords commerciaux avec le reste du monde, la lutte contre le dumping social. Il faut mettre fin à ce paradoxe : l'abstention progresse quand le Parlement européen est doté de plus en plus de pouvoirs. L'abstention est un renoncement : pour que la France pèse, il faut une participation forte. Je n'éviterai pas la question de l'architecture institutionnelle. L'Europe différenciée est déjà une réalité : le coeur du réacteur, c'est la zone euro ; l'espace Schengen compte 22 membres, des coopérations renforcées ont eu lieu sur le divorce, les brevets, la taxe sur les transactions financière. Cette souplesse est nécessaire, mais veillons à ne pas créer la division.

Nous devons donc continuer à travailler à Vingt-huit, chaque fois que cela est possible. Nous l'avons fait sur la directive d'application sur le détachement des travailleurs en obtenant le soutien de la Pologne. Ensuite, cette Europe différenciée doit rester ouverte à ceux qui voudront la rejoindre. Enfin, elle ne doit pas faire figure d'Europe à la carte : pas question de demander l'accès au marché commun sans accepter la libre circulation...

Le couple franco-allemand a, bien sûr, un rôle essentiel à jouer. Le président François Hollande a des contacts étroits avec la Chancelière Merkel, qui l'a invité dans sa circonscription électorale - fait rare ; j'en ai également avec mon homologue allemand. Notre histoire explique cette coopération, nous devons la poursuivre en restant un laboratoire de la construction européenne. Concrètement, nous devons répondre au défi migratoire par le renforcement de Frontex, et une politique de voisinage avec les pays du sud de la Méditerranée. Mieux vaut exploiter, à traités constants, les virtualités de l'Europe, plutôt que de s'engager dans une réforme institutionnelle qui nous vaudrait de nombreux opt-out britanniques.

Désormais, la priorité va à l'Europe de la croissance et de l'emploi, non à l'Europe de l'austérité. C'est l'axe de la politique européenne de la France. Dès juin 2012, François Hollande s'est battu pour un pacte de croissance de 120 milliards d'euros. Le BIE, qui a augmenté ses investissements de 60 milliards supplémentaires, a accordé 7,8 milliards de prêts en France en 2013, contre 4,5 milliards par an autrefois. Il faudra utiliser les project bonds, doter l'Europe de ressources propres - M. Gattolin a raison. Le cadre financier pluriannuel a été sauvegardé, les budgets de la recherche, des transports, de l'énergie augmentés, sans oublier le numérique. Enfin, d'importantes avancées ont été réalisées dans la lutte contre l'évasion fiscale. Preuve que nous tenons notre objectif de sérieux budgétaire sans obérer notre capacité à prendre le train de la croissance.

À moyen terme, l'Union monétaire devra se doter d'un mécanisme de garantie. La gouvernance de la zone euro doit effectivement être rénovée, c'est indispensable pour l'harmonisation de nos politiques. La taxe sur les transactions financières (TFF) entrera en vigueur d'ici au premier janvier 2016. Le traité transatlantique facilitera l'accès de nos producteurs au marché américain, qui leur est souvent fermé, sans diminuer nos exigences européennes. Nous sommes favorables à la transparence : d'ailleurs, les parlements nationaux et le Parlement européen auront le dernier mot.

La présidence italienne qui commence bientôt sera une opportunité pour l'Europe de la croissance. Le Conseil d'octobre sera un rendez-vous important : les Italiens veulent soutenir l'économie réelle, avec pour objectif de faire remonter la part de l'industrie à 20 % du PIB européen. Autres sujets d'importance qui seront traités : le numérique, ainsi que la défense. La crise ukrainienne a souligné l'impérieuse nécessité de bâtir une Europe de l'énergie. Le sujet sera à l'ordre du jour du Conseil de juin. Les travaux du Conseil s'articulent autour d'un accord-cadre sur le climat - avec pour objectif de réduire de 40 % les émissions de CO2 et de porter à 27 % la part des énergies renouvelables - le renforcement des interconnexions et des mécanismes d'achats groupés. Les échanges entre le président Hollande et le Premier ministre polonais ont donné lieu à des avancées, le sujet sera discuté dès le Conseil en juin. Nous devons donner un signal clair en septembre, lors du sommet convoqué par le secrétaire général de l'ONU.

C'est indispensable avant la réunion de la COP21 à Paris en 2015. Choisir entre climat et sécurité énergétique serait absurde ; pour nous, les deux vont de pair.

Enfin, l'Europe de la défense a montré ces derniers mois son actualité. Les décisions du Conseil des 19 et 20 décembre derniers doivent être mises en oeuvre, le calendrier a été fixé, il faudra tenir les échéances.

C'est vrai pour les actions en cours en Afrique, notamment au Mali. Ces progrès doivent aussi se traduire dans le domaine des capacités - je pense aux drones et aux avions ravitailleurs.

Tout ceci est au service de la grande ambition de la France pour une Europe plus prospère et plus solidaire. J'entends nos concitoyens qui se plaignent d'un divorce avec l'Union européenne. Je veux leur témoigner de notre détermination à fixer un cap clair, vers la croissance et l'emploi. Servir l'Europe, c'est servir un beau projet pour notre continent, mais c'est aussi la meilleure façon de servir la France, ses valeurs et sa place dans le monde. (Applaudissements à gauche)

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance-vie en déshérence est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Prochaine séance demain, mercredi 21 mai 2014, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 35.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 21 mai 2014

Séance publique

À 14 heures 30

Présidence : M. Jean-Patrick Courtois, vice-président

Secrétaires : M. Alain Dufaut - M. Jacques Gillot

1. Débat sur le climat et l'énergie en Europe.