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Table des matières
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Contrôleur général des lieux de privation de liberté (Deuxième lecture)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Catherine Tasca, rapporteure de la commission des lois
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois
Mme Catherine Tasca, rapporteure
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux
Droit à l'information durant les procédures pénales(Conclusions de la CMP - Procédure accélérée)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux
Mobilisation des fonctionnaires
Taxe sur les transactions financières
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics
M. Manuel Valls, Premier ministre
M. Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique
M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
Activités privées de protection des navires (Procédure accélérée)
Mme Odette Herviaux, rapporteure de la commission du développement durable
M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État
Ordre du jour du mardi 20 mai 2014
SÉANCE
du jeudi 15 mai 2014
98e séance de la session ordinaire 2013-2014
présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président
Secrétaires : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jean-François Humbert.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de quatre projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales pour lesquels la Conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord relatif à l'hébergement et au fonctionnement du centre de sécurité Galileo, est définitivement adopté.
L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Canada relatif à la mobilité des jeunes est définitivement adopté.
L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord instituant le Consortium des centres internationaux de recherche agricole en qualité d'organisation internationale est définitivement adopté.
L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le Consortium des centres internationaux de recherche agricole relatif au siège du Consortium et à ses privilèges et immunités sur le territoire français est définitivement adopté.
Contrôleur général des lieux de privation de liberté (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n°2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Discussion générale
M. le président. - La parole est à Mme la garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs de la commission)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Il y a des raisons de l'applaudir ces temps-ci.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Cette proposition de loi émane de vos rangs, puisqu'elle est due à Mme Tasca. La rapporteure de l'Assemblée nationale, Mme Dumont, s'est elle aussi fortement impliquée. Comme nous sommes en deuxième lecture, je ne reviendrai pas sur son contenu de manière exhaustive.
Le Sénat contribue avec constance à la protection des libertés publiques et à l'amélioration des conditions d'incarcération. Je pense, en premier lieu, à la commission d'enquête de 1872 due au vicomte d'Haussonville, qui comptait parmi ses membres d'éminents parlementaires tels MM. Victor Schoelcher et René Bérenger. Elle a donné lieu à la loi de 1875 instaurant l'emprisonnement cellulaire, puis, en 1885, à un certain nombre de mesures comme la liberté conditionnelle ou le sursis simple.
Ce texte s'inscrit dans cette continuité, celle aussi du rapport Hyest-Cabanel de 2000 qui a abouti à une proposition de loi évoquant déjà la création d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je pense aussi à la commission d'enquête Mermaz-Floch de l'Assemblée nationale, ou encore à l'ouvrage du docteur Vasseur qui a préparé l'opinion publique à considérer la prison comme un espace de droit et le détenu comme un sujet de droit.
Aujourd'hui, la proposition de loi de Mme Tasca nous invite à renforcer les prérogatives du contrôleur général des lieux de privation de liberté, créé en 2007. Cette évolution a été encouragée par les juridictions européennes et nationales. Dans les années 90, la justice administrative a abandonné sa jurisprudence de l'ordre intérieur selon laquelle les affaires pénitentiaires n'étaient pas de sa compétence ; il en va autrement désormais. La justice judiciaire, ensuite, a évolué avec la loi Guigou de 2000 : certaines décisions du juge de l'application des peines ne sont plus des mesures d'administration judiciaire mais des ordonnances ou des jugements, susceptibles de recours.
La nécessité d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté ne fait plus de doute. L'institution a fait ses preuves sous l'impulsion de Jean-Marie Delarue dont les mérites sont unanimement reconnus.
Cette proposition de loi rompt encore un peu plus avec l'ordre carcéral traditionnel comme ordre particulier en reconnaissant, comme je le disais tout à l'heure, la prison comme espace de droit et le détenu comme sujet de droit. L'isolement dans les parloirs existait jusque dans les années 1980... Ce texte parachève donc un mouvement, même s'il ne l'achève pas : c'est le propre de la vie humaine...
Parmi les dispositions restant en discussion, la possibilité pour les députés européens élus en France de saisir le contrôleur général des lieux de privation de liberté -la loi de 2000 les autorise déjà à visiter inopinément les établissements pénitentiaires. Autre mesures, l'accès aux procès-verbaux équivalents à ceux de garde à vue dans les autres lieux de privation de liberté, comme les lieux de retenue douanière ou pour vérification du droit au séjour ; ou encore la possibilité pour le contrôleur général de donner un avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation d'établissements pénitentiaires. L'Assemblée nationale a également modifié le délit d'entrave, en supprimant la peine d'un an d'emprisonnement qui le sanctionne mais en l'étendant aux représailles.
Le détenu est privé de liberté mais le Conseil constitutionnel lui-même a rappelé qu'il doit pouvoir se prévaloir des droits et libertés garantis constitutionnellement, dans la limite des nécessités qui s'imposent à l'administration pénitentiaire.
Une évolution du droit est indispensable pour faire de la prison une institution républicaine, de l'incarcération un temps utile et du détenu un acteur de l'exécution de sa peine. Rien ne sert de reconnaître la qualité du travail des personnels pénitentiaires si nous aggravons leurs difficultés par la législation.
Cette proposition de loi confortera le contrôleur général et améliorera encore les conditions d'exercice de ses missions. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Catherine Tasca, rapporteure de la commission des lois . - Merci, madame la ministre, d'avoir inscrit ce texte dans la longue histoire parlementaire. Je me réjouis qu'il nous revienne aussi vite de l'Assemblée nationale, malgré l'encombrement du calendrier parlementaire. Je salue l'engagement des députés et de la rapporteure Laurence Dumont, ainsi que du Gouvernement.
Nous devions tirer les leçons des six premières années d'existence du contrôleur général des lieux de privation de liberté en renforçant ses prérogatives : il pourra accéder à davantage d'informations, notamment, sous conditions, à celles couvertes par le secret médical et ses interlocuteurs, qu'ils soient détenus ou membres de l'administration pénitentiaire, seront mieux protégés -le délit d'entrave est élargi aux représailles.
L'existence d'une autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect des libertés dans les lieux de privation de liberté est plus que jamais indispensable alors que la surpopulation carcérale a franchi en avril un nouveau seuil -68 859 détenus pour 57 680 places.
L'Assemblée nationale a prévu que le contrôleur général des lieux de privation de liberté ait les mêmes prérogatives en cas de vérification sur place que de visite de contrôle. Plusieurs améliorations rédactionnelles ont été apportées, notamment pour préciser les qualités des collaborateurs du contrôleur général habilités à accéder à des informations couvertes par le secret médical.
Quant à l'accès aux procès-verbaux de garde à vue, les députés l'ont élargi aux procès-verbaux de retenue pour vérification de droit de séjour et de retenue douanière.
Le contrôleur général pourra formuler des avis sur les projets de reconstruction, de réhabilitation ou de restructuration de tout lieu de privation de liberté. Ce n'est pas anodin. Le programme « 13 200 », décidé il y a quelques années, a conduit à la construction d'établissements surdimensionnés ou à l'implantation de centres de semi-liberté difficilement accessibles ; il eût été pertinent qu'il pût donner un avis avant ces opérations coûteuses, relevées par M. Lecerf dans ses différents avis budgétaires. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, renchérit)
Les députés ont supprimé la peine d'emprisonnement encourue pour délit d'entrave et inclus dans la nouvelle infraction le fait de sanctionner une personne pour avoir établi des liens avec le contrôleur général ou lui avoir fourni des informations. La suppression de la peine d'emprisonnement empêchera le placement en garde à vue mais non de poursuivre l'intéressé devant le tribunal correctionnel. Il est temps de cesser de considérer la prison comme la peine de référence. Plusieurs membres de la commission des lois estiment cependant nécessaire de marquer la réprobation du législateur à l'égard de tels agissements. Tous les délits d'entrave -au travail de la CNIL par exemple- devraient être punis de la même façon ; un quantum semblable serait souhaitable.
Enfin, à l'initiative de Sergio Coronado, l'Assemblée nationale a prévu que les députés européens élus en France pourront saisir le contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Sur ma proposition, la commission des lois a approuvé toutes ces modifications. Elles concourront à renforcer une institution qui a fait la preuve de son utilité et de sa légitimité. Le Sénat a été bien inspiré de refuser son intégration au Défenseur des droits. Sans doute faudrait-il mieux articuler leurs tâches : c'est l'objet d'une convention signée en 2011.
Je rends hommage à Jean-Marie Delarue qui a contribué à façonner la nouvelle institution, à son sens du dialogue et à sa rigueur, son attachement sans faille aux principes fondateurs de la République et à son indépendance hors de tout soupçon. Souhaitons que son successeur soit digne de lui.
Le texte nous paraît parvenu à un équilibre satisfaisant. Il améliorera l'exercice des missions du contrôleur général et les conditions de travail des personnels pénitentiaires. La commission des lois propose de l'adopter conforme, en vue d'une promulgation rapide, à la veille de la nomination du successeur de Jean-Marie Delarue. (Applaudissements sur tous les bancs)
Mme Cécile Cukierman . - La loi du 30 octobre 2007 a créé le contrôleur général des lieux de privation de liberté, chargé de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.
Le groupe CRC était évidemment favorable au principe, conforme aux engagements internationaux de la France, tout en considérant que l'institution restait trop faible.
Cette proposition de loi, qui reprend des recommandations émises par M. Delarue, renforce les prérogatives du contrôleur général des lieux de privation de liberté ; elle les aligne dans plusieurs domaines sur celles du Défendeur des droits et consacre des bonnes pratiques.
Les députés lui ont donné le droit d'accéder aux procès-verbaux de retenue douanière ou pour vérification du droit au séjour, ce dont nous nous félicitons. De même, il pourra se prononcer sur les projets de construction ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté ; son avis aurait été utile sur la loi de programmation de 2012.
Comme le montrent de nombreux rapports et avis, l'état des prisons françaises a peu évolué : surpopulation, situation alarmante dans le domaine psychiatrique, dans les centres de rétention et les zones d'attente... La loi pénitentiaire doit être intégralement appliquée. Et la prochaine loi pénale devra définitivement mettre fin à des conditions de détention souvent indignes. (Applaudissements à gauche)
M. Nicolas Alfonsi . - Cette proposition de loi mettra un terme aux distorsions entre le droit et la pratique, en renforçant les prérogatives du contrôleur général des lieux de privation de liberté afin de mieux prévenir les atteintes aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté.
En six ans, Jean-Marie Delarue et ses collaborateurs ont visité plus de 800 établissements. S'il s'est félicité des mesures prises par certains chefs d'établissements, il a aussi souligné les limites de l'exercice, au regard notamment des délais et des conséquences effectives sur la situation des détenus. En avril dernier, il a reproché à l'administration pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone de n'avoir pas tenu compte de ses recommandations d'il y a cinq ans et d'avoir laissé s'installer un sentiment d'impunité.
Ce texte remédie à plusieurs difficultés : création d'un délit d'entrave au travail du contrôleur général des lieux de privation de liberté étendu aux représailles, protection de la correspondance avec les détenus ou avec les personnels entrant en contact avec lui. Le contrôleur général pourra accéder aux procès-verbaux, mettre en demeure les personnes intéressées de répondre à ses demandes d'informations, lever, dans certains cas, le secret médical en accord avec la personne concernée. Toutes ces dispositions confortent la place de l'institution dans notre paysage démocratique. Le contrôleur général pourra aussi formuler un avis sur les projets de construction et de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté.
Certaines mesures proposées par le contrôleur général des lieux de privation de liberté sont restées lettre morte alors qu'elles ne coûtent rien, tel que le vouvoiement systématique des détenus. Certaines pratiques administratives doivent évoluer.
Malgré l'adage, nous pouvons aujourd'hui légiférer sans trembler. Le Sénat, qui avait voté en 2011 contre l'intégration du contrôleur général au défenseur des droits, doit réitérer son soutien à une institution qui honore notre démocratie. Le RDSE, attaché depuis toujours aux libertés, rend hommage au travail de Mme Tasca et votera cette proposition de loi avec une conviction réaffirmée. (Applaudissements)
Mme Esther Benbassa . - La nécessité d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté n'est plus à démontrer, alors que le nombre de personnes écrouées a atteint 68 859 le 1er avril dernier pour 57 680 places. Le groupe écologiste votera ce texte avec détermination, comme en première lecture.
Je salue les enrichissements apportés par le Sénat et l'Assemblée nationale. Celle-ci a donné au contrôleur général des lieux de privation de liberté accès à tous les procès-verbaux relatifs au déroulement d'une mesure privative de liberté. Les députés européens pourront le saisir, grâce à une initiative du député écologiste Sergio Coronado.
Le travail accompli par le contrôleur général des lieux de privation de liberté est immense, avec plus de 150 lieux visités chaque année. Ses derniers rapports sont édifiants ; à nous de faire avancer le droit et les droits. En avril, il publiait un rapport sur le quartier des mineurs de Villeneuve-lès-Maguelone, où la violence sévit. Le même 23 avril, il formulait un avis rappelant que l'encellulement individuel n'est pas effectivement mis en oeuvre ; il recommandait d'en faire bénéficier prioritairement les personnes handicapées, les détenus de plus de 65 ans, ceux atteints d'une affection mentale et les personnes ne comprenant pas le français. Il encourageait enfin à donner un sens plus restreint à l'usage des quartiers d'isolement.
Nous voterons ce texte avec enthousiasme et conviction mais resterons attentifs, notamment lors de l'examen de la future loi pénale, à ce que les recommandations du contrôleur général ne tombent pas dans l'oubli. (Applaudissements)
M. Jean-René Lecerf . - Cette proposition de loi est exemplaire à bien des égards. Elle nous revient de l'Assemblée nationale moins de quatre mois après son adoption ici -preuve que le bicamérisme peut fonctionner efficacement si chacun prend ses responsabilités. Elle a recueilli un accord unanime sur nos bancs : les familles politiques peuvent se rassembler quand sont en jeu les principes fondamentaux de notre démocratie. Je suis de ceux qui apprécient ces moments trop rares ; j'aimerais qu'ils le fussent moins, notamment en matière de politique pénale... Les majorités d'aujourd'hui, différentes de celles de 2007, nous invitent à poursuivre le travail commencé.
Le premier titulaire de la fonction de contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, a fait preuve d'une compétence, d'une hauteur de vue et d'un discernement exceptionnels.
Cette proposition de loi est exemplaire, enfin, en ce sens qu'elle témoigne du rôle que veut assumer le Sénat dans la défense des libertés. Sans remonter jusqu'à la IIIe République, je rappellerai le rapport de Jean-Jacques Hyest intitulé Prisons : une humiliation pour la République. J'ai apprécié entendre hier en commission des lois que la future loi pénale doit s'adosser à la loi pénitentiaire de 2009.
Il eût été erroné de fusionner le contrôleur général des lieux de privation de liberté avec le Défenseur des droits. Les deux institutions sont profondément différentes (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, approuve), comme le sont leurs modes de saisine. Peut-être une fusion sera-t-elle possible le jour où nous aurons surmonté les problèmes liés à l'univers carcéral : surpopulation, maladies mentales, insécurité, caïdat, manque de moyens en personnel. Nous en sommes loin.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - En effet...
M. Jean-René Lecerf. - La proposition de loi remédie à certaines des difficultés qui ont entravé l'exercice de la mission du contrôleur général ; elle donne aussi une assise législative aux pratiques mises en place par Jean-Marie Delarue. On peut regretter que certaines dispositions n'aient pas été approfondies : accès aux documents couverts par le secret médical, détenus violents, suppression de la peine de prison sanctionnant le délit d'entrave. Mais les députés ont apporté au texte de nombreuses améliorations : saisine par les députés européens, accès aux procès-verbaux, avis sur les projets de construction...
Le vote conforme nous mettra à l'abri de vicissitudes du calendrier parlementaire -nous avons oublié depuis longtemps qu'on ne légifère que d'une main tremblante... Le groupe UMP apportera tout son soutien à cette proposition de loi et exprime sa reconnaissance à Mme Tasca. (Applaudissements)
M. Vincent Capo-Canellas . - La situation carcérale en France est préoccupante : les détenus sont plus nombreux qu'en 2002 de 32 %, et certains établissements ont un taux d'occupation de plus de 200 %... Dans ces conditions, la nécessité d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté ne fait plus de doute.
La création du Défenseur des droits a donné l'occasion au Sénat de réaffirmer son attachement à l'institution du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je salue à mon tour la qualité du travail de Jean-Marie Delarue, dont le bilan est très largement positif.
Plus de 800 établissements ont été visités depuis 2008, dont plus du tiers sont des locaux de garde à vue ; la situation de 1 683 personnes a été pour la première fois portée à la connaissance du contrôleur général en 2013, une augmentation de 12 %.
Dans cette situation inédite de surpopulation carcérale, le contrôleur général a su trouver sa place et faire évoluer les mentalités.
Beaucoup reste cependant à faire et ce débat est là pour le rappeler. Les conditions de travail du personnel pénitentiaire sont difficiles, voire dangereuses. Le récent mouvement de grève des gardiens en témoigne. Une des fonctions du contrôleur général est d'alerter sur ces problèmes aussi.
Plusieurs aménagements proposés par ce texte visent à pérenniser certaines pratiques mises en place par M. Delarue afin que son successeur, qui sera nommé en juin, les reprenne à son compte.
Je me réjouis de l'article 4, qui impose la publicité des avis, recommandations et propositions du contrôleur général. En revanche, j'émets une réserve sur l'article premier A : le contrôleur général dispose-t-il des moyens nécessaires au contrôle des mesures préalables à l'éloignement des étrangers ? M. Delarue lui-même en doute... Cette extension est une fausse bonne idée.
Je salue le travail de Mme Tasca. Comme elle, le groupe UDI-UC veut mieux faire connaître le rôle du contrôleur général, en particulier auprès des auxiliaires de justice et des avocats. Votons ce texte conforme pour une entrée en vigueur rapide. (Applaudissements)
Mme Virginie Klès . - Exemplarité, valeurs, République, liberté, respect, sont des mots qui sont souvent revenus à cette tribune ce matin. Cela donne la sensation que tout a été dit, sauf peut-être une expérience personnelle que je veux relater.
Pourquoi cette belle unanimité ce matin ? Nous la devons sans doute à la façon dont fonctionne cette institution, que j'ai constatée lors d'une visite où je l'ai accompagnée. Nous sommes arrivés inopinément dans des locaux parisiens de garde à vue ; la surprise a été totale : le secret avait été bien gardé. Réellement inopinée, la visite n'était pas pour autant un piège ; nous ne venions pas en inquisiteurs. Il a suffi de dire les mots « contrôleur général » pour être bien reçus. Bien sûr, il y avait des réticences car personne n'aime être contrôlé, mais surtout du respect pour le professionnalisme de l'équipe, son sens du détail, son souci du dialogue et de l'écoute lors des entretiens, la sincérité des échanges. Peu à peu, la crainte s'effaçait, les gardiens comprenant que l'équipe était là pour écouter, noter, vérifier. Pareil du côté des gardés à vue : dialogue et respect. Après la visite, les comptes rendus sont pesés, soupesés, discutés pour aboutir à un rapport fondé sur le principe du contradictoire.
Merci à Mme Tasca d'avoir inscrit dans la loi les améliorations nécessaires à l'activité de cette institution : la levée du secret médical ou encore la création du délit d'entrave. C'est l'honneur de la République d'avoir créé le contrôleur général des lieux de privation de liberté. N'oublions jamais que, dans ces enclaves, les rapports d'autorité sont inévitablement plus difficiles qu'ailleurs. Ces enclaves doivent néanmoins être des lieux de droit. Bravo à Jean-Marie Delarue pour son action !
Nous voterons cette proposition de loi avec enthousiasme et conviction. (Applaudissements unanimes)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'amendement n°1 n'est pas défendu.
L'article premier B est adopté, de même que les articles premier, 2, 3, 4 bis, 5 et 6.
Interventions sur l'ensemble
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois . - Je veux, au nom de la commission des lois, rendre hommage à M. Jean-Marie Delarue pour sa modestie, son réalisme, son écoute, son sérieux et sa très grande exigence. Les rapports du contrôleur général des lieux de privation de liberté, pour les gouvernements quels qu'ils soient, sont sans complaisance.
Mme Tasca a eu raison de présenter ce texte nécessaire, merci également à la garde des sceaux. Oui, la prison est aussi un espace de droit. (Applaudissements)
Mme Catherine Tasca, rapporteure . - Par cette belle unanimité, qui n'est pas si courante, le Sénat sert la démocratie. Car il montre que la défense des droits de tous les citoyens, quels que soient les accidents de leur vie, doit surpasser les clivages politiques. Soyez-en remerciés ! (Applaudissements)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . - Les débats au Sénat sont toujours de grande qualité ; votre belle unanimité donnera de la force à l'institution du contrôleur général des lieux de privation de liberté. J'ai quelque impatience à revenir devant vous présenter ma réforme pénale. (Applaudissements)
La proposition de loi est définitivement adoptée.
(Applaudissements)
Droit à l'information durant les procédures pénales(Conclusions de la CMP - Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales.
Discussion générale
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Ce texte, qui vise à transposer la directive du 22 mai 2012, a été examiné dans des délais contraints, en procédure accélérée. La commission mixte paritaire, réunie mardi dernier, a trouvé un accord sans difficulté. À l'article premier, nous avons retenu une rédaction plus souple : l'officier de police judiciaire pourra juger s'il est utile de mentionner l'infraction dans la convocation écrite à l'audition libre. La commission mixte paritaire a répondu à l'inquiétude de députés de l'opposition en remplaçant « suspect » par la formule, plus neutre et plus respectueuse de la présomption d'innocence, de « personne soupçonnée ».
À l'article 3, l'Assemblée nationale a trouvé une solution habile : la garde à vue prolongée de quatre jours pour les faits d'escroquerie en bande organisée avait été, en effet, jugée disproportionnée par le Conseil constitutionnel en décembre 2013. Le régime dérogatoire, élaboré en concertation avec la Chancellerie, répond aux objections des sages du pavillon Montpensier.
L'Assemblée nationale avait prévu que le bulletin n°1 du casier judiciaire ferait expressément partie des pièces du dossier susceptibles d'être communiquées aux parties ou à leurs avocats. Mais ce bulletin contient toute l'histoire judiciaire de la personne poursuivie. Dans l'attente de garanties pour la personne, la CMP a supprimé cette mention et est revenue au texte du Sénat, volontairement moins précis.
Je me réjouis que la commission mixte paritaire ait retenu la solution du Sénat sur l'accès au dossier. Le droit communautaire ne nous impose pas de le communiquer intégralement.
Autre objet de satisfaction, l'article 6 ter introduit par les députés à l'initiative de M. Coronado : les personnes détenues faisant l'objet d'une procédure disciplinaire doivent avoir accès aux enregistrements de vidéo-surveillance. Au législateur de l'inscrire dans notre droit, a rappelé le Conseil constitutionnel le 25 avril 2014.
Je vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Nous devions transposer la directive du 22 mai 2012 parce que la France, comme les autres États membres, contribue au droit communautaire, et surtout pour la sécurité de nos procédures.
Cette transposition s'inscrit dans la construction d'un espace européen de liberté, de sécurité et de justice, engagée lors du Conseil de Tempéré avec la reconnaissance mutuelle des décisions de justice et la définition des normes pour la protection des victimes et des personnes soupçonnées. Nous en sommes à achever le programme de Stockholm 2010-2014. Avec le traité de Lisbonne, tout le champ pénal doit relever du droit communautaire. Nous avançons vers l'instauration d'un parquet européen.
La directive que nous transposons aujourd'hui doit l'être avant le 2 juin : nous sommes dans les délais ! Nous sommes dans un processus en cours : pour cette fois, la directive B et une partie de la directive C relative à l'accès à l'avocat. Ce sera l'occasion de reprendre la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2011 sur l'intervention de l'avocat durant l'audition libre.
Avec ce texte, nous renforçons les droits à l'information à tous les stades de la procédure, depuis l'enquête, l'audition libre et la garde à vue jusqu'à l'audition sous le statut de témoin assisté ou de mise en examen. Les personnes concernées pourront accéder facilement au dossier, en contrepartie de quoi l'Assemblée nationale a renforcé la sanction de la violation du secret de l'instruction. De même, les personnes en comparution immédiate pourront se faire assister d'un avocat et demander des investigations complémentaires. Bref, toute une série de dispositions consolident les droits des personnes suspectées.
Jusqu'à présent, notre droit a été modifié le plus souvent au fur et à mesure des évolutions du droit communautaire ou sous le coup de décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. Légiférer ainsi dans l'urgence n'est pas satisfaisant. Nous avons besoin de réfléchir à l'architecture même de notre procédure pénale, sachant que 97 % de nos procédures sont des enquêtes préliminaires. D'où la mission que j'ai confiée au procureur général Jacques Beaume : l'objet est d'introduire du contradictoire. Certains s'en inquiètent parfois ; qu'ils se rassurent, dans un État de droit, l'enquête sera renforcée et consolidée par un surcroît de contradictoire.
Nous pouvons, au reste, prévoir par la loi que la défense n'a pas accès à toutes les pièces du dossier ; je l'ai dit la semaine dernière aux députés qui voulaient prévoir un accès intégral au dossier.
Les conclusions de cette mission seront connues en juin, je vous les transmettrai afin que nous construisions, ensemble, l'architecture de notre procédure pénale. Ainsi, mettrons-nous fin aux affrontements sans objet entre avocats et enquêteurs ; j'espère aussi pouvoir ainsi surmonter la part de subjectivité qui entre dans les inquiétudes des uns et des autres.
Merci d'avoir travaillé rapidement, vous éviterez à la France une forte amende. (Applaudissements)
M. Nicolas Alfonsi . - Le RDSE, comme le Sénat tout entier, est très attaché au respect des libertés. Le Conseil européen a adopté, le 30 novembre 2009, une feuille de route pour bâtir un socle minimal de règles protectrices pour les victimes et personnes suspectées. Il en est découlé la directive A, déjà transposée. Nous en sommes à la directive B que nous devions transposer avant le 2 juin, ainsi qu'à une part de la directive C, pour laquelle le temps presse moins. Ce texte, qui la reprend, a été amélioré à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
Désormais, l'avocat interviendra durant l'audition libre, laquelle a concerné 800 000 personnes en 2012. Cette procédure ne servira plus de moyen propre à contourner les droits de la défense.
Madame la garde des sceaux, vous avez renvoyé l'accès de l'avocat du gardé à vue aux procès-verbaux d'audition des victimes et des perquisitions à une réforme ultérieure. Comment être sûr qu'elle aura lieu ? Les commissions Donnedieu de Vabres et Delmas-Marty ont déjà réfléchi à la question. Il faut en finir avec l'idée que le contradictoire est une entrave à la justice.
En attendant, le groupe RDSE votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements)
Mme Esther Benbassa . - Si le groupe écologiste approuve ce texte, je veux redire notre appel à reconsidérer notre droit pénal et notre procédure pénale dans leur ensemble. Rendons-les conforme au droit communautaire et à la jurisprudence constitutionnelle, cessons de modifier notre législation par bribes. Pourquoi a-t-il fallu attendre les arrêts du 13 octobre 2009 et du 14 octobre 2010 de la Cour européenne des droits de l'homme, la décision du 30 juillet 2010 du Conseil constitutionnel et celle du 19 octobre 2010 de la Cour de cassation pour que la loi de 2011 reconnaisse au gardé à vue le droit d'être assisté par un avocat ?
Un regret : le Gouvernement est revenu en séance sur un amendement d'un député écologiste prévoyant l'accès de l'avocat à l'intégralité du dossier ; pour l'heure, les pièces sont énumérées limitativement à l'article 63-4-1 du code de procédure pénale. Je suis sûre que, dans quelques années, nous y viendrons, à supposer que le droit communautaire ne nous l'impose pas avant.
Toutefois, ce texte comporte bien des avancées : droit au silence, à un interprète, à un avocat durant l'audition libre...
Fort heureusement, l'article 10, qui autorisait le Gouvernement à adapter par ordonnance le Ceséda à la refonte du règlement Dublin 2, demeure supprimé. Cette refonte est nécessaire et les écologistes demandent depuis longtemps l'instauration d'un recours suspensif contre les décisions de transfert prises à l'encontre d'étrangers dont la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État membre. Mais elle ne doit pas être élaborée hors du contrôle du Parlement. Le Gouvernement doit nous faire des propositions concrètes pour revenir dans le détail sur ce droit si malmené au cours de la précédente législature.
À quelques jours des élections européennes, montrons que l'Europe contribue à renforcer les libertés et les droits des citoyens. (Applaudissements)
M. Jean-Jacques Hyest . - La date limite de transposition était le 2 juin 2014... Il était temps !
Le groupe UMP est bien entendu favorable à l'adoption de ce texte, eu égard à notre obligation communautaire. Une refonte totale de notre procédure pénale s'impose à terme. Nous avons tant légiféré par à-coups... Mais c'est un autre sujet.
Le principe de l'audition libre avait été partiellement censuré par le Conseil constitutionnel en 2011. Les députés avaient alors inventé une procédure paradoxale : des « suspects » en audition libre, malgré la présomption d'innocence !
Beaucoup a été fait pour les droits de la défense. La réforme de la garde à vue était indispensable. Nous avons débattu pendant des années du droit ou non de se taire... Cette réforme n'a provoqué aucune catastrophe, preuve qu'il faut parfois savoir raison garder.
Un équilibre doit être préservé avec les nécessités de l'enquête, notamment sur le contenu du dossier.
L'égalité d'accès à la justice est un vain mot si certains n'ont pas les moyens de se faire assister par un avocat. L'aide juridictionnelle est en crise. On peut écrire de beaux textes, encore faut-il pouvoir les appliquer.
Le groupe UMP votera ce texte qui répond à la nécessité de transposer le droit européen et renforcera les droits de la défense. (Applaudissements)
M. Yves Détraigne . - La procédure pénale est l'un des domaines les plus sensibles de notre droit. Lorsqu'il s'agit de transposition, le Parlement a les mains liées... Nous savons d'ores et déjà qu'il faudra remettre l'ouvrage sur le métier pour la transposition imminente d'autres directives.
Dans un avis de juillet 2013, la Commission consultative des droits de l'homme regrettait une approche segmentée de la procédure pénale, au fil des évolutions du droit européen. La commission appelait à une réforme d'ensemble et à un travail législatif ambitieux.
Certes, des avancées ont eu lieu. Mais une modernisation globale s'impose. La doctrine est riche en ce domaine : rapports Donnedieu de Vabres, Delmas-Marty... Il est temps de passer aux actes.
Ce texte ne sera opérationnel que s'il s'accompagne de moyens budgétaires. L'étude d'impact n'évalue pas le coût de l'information de la personne soupçonnée ni de l'interprétariat. Certaines dispositions, certes imposées par le droit européen, me laissent sceptiques : ne risque-t-on pas d'entraver les enquêtes, donc la justice ?
Souhaitons qu'à l'avenir, on n'attende pas l'échéance pour transposer.
Les critiques émises par les instances européennes me paraissent assez injustes, vu la qualité de nos forces de l'ordre et de nos magistrats. (Applaudissements)
Mme Cécile Cukierman . - Favorable sur le fond, j'émettrai quelques réserves sur l'organisation de nos débats. Les parlementaires doivent veiller à ce que la transposition des directives soit fidèle mais disposent de marges de manoeuvre pour choisir les moyens d'atteindre les objectifs, ce qui laisse la place à des choix politiques. La procédure accélérée nous empêche de travailler correctement.
Dommage, aussi, que la transposition conjointe de la directive de décembre 2013 soit partielle. Il aurait mieux valu une transposition globale des deux directives. La procédure pénale ne saurait être constamment remise en question. J'approuve cependant votre souhait, madame la ministre, de recourir à l'expertise de la commission Beaume : espérons qu'elle servira à élaborer une réforme globale et cohérente.
Sur le fond, nous approuvons le renforcement des droits de la défense prévu par ce texte. L'audition libre des personnes soupçonnées doit être strictement encadrée, nous l'avons dit d'emblée. Lors de l'instruction, le contradictoire sera garanti par l'accès au dossier des parties.
L'Assemblée nationale a confirmé la suppression de l'article 10 : nous craignions qu'une réforme par ordonnance du droit d'asile ne restreigne les droits des demandeurs. C'était la condition que le groupe CRC avait posée à l'adoption de ce texte.
Pour finir, je saluerai l'excellent travail accompli sur ce sujet complexe. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur . - L'après-midi de mardi fut contrasté. Sur le présent projet de loi, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord, grâce à un travail très constructif et aux efforts de M. Michel. Sur un autre projet de loi de transposition, de simplification et de modernisation de la justice, les sénateurs ont maintenu, comme nous l'ont confirmé des professeurs de droit, qu'il n'était pas raisonnable de réformer par ordonnance un cinquième du code civil. Je pense au droit des obligations. Le projet d'ordonnance supprime par exemple une disposition qui nous protège des subprimes...
Je n'ai toujours pas compris pourquoi les députés s'étaient rangés à l'avis du Gouvernement. La commission mixte paritaire ayant échoué, la réflexion se poursuivra dans les deux assemblées.
M. Jean-Jacques Hyest. - Il y a aussi les animaux !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - En effet. Lorsqu'un sujet entièrement neuf apparaît dans la deuxième assemblée saisie, la procédure accélérée empêche la première de l'examiner. Il faut trouver une rédaction qui satisfasse les défenseurs du bien-être animal tout en apaisant les inquiétudes du monde agricole. M. Mohamed Soilihi a proposé une formulation sage : espérons qu'elle sera retenue.
J'en reviens à ce projet de loi, qui améliorera grandement notre droit. Il crée un statut des personnes « suspectées » entendues en audition libre. Les personnes gardées à vue seront mieux informées de leurs droits et des pièces du dossier. Les personnes poursuivies pourront plus facilement exercer les droits de la défense, le délai de l'audience étant porté à trois mois.
Comme les députés, nous estimions que l'accès intégral au dossier par l'avocat aurait posé problème, et n'était pas imposé par le droit européen.
Ce projet de loi prend en compte la décision du 14 décembre 2013 du Conseil constitutionnel sur le régime dérogatoire de la garde à vue prolongée. Il consacre la jurisprudence de la Cour de cassation sur le point de départ de la garde à vue faisant suite à une audition libre. Enfin, sur l'accès au dossier des personnes détenues faisant l'objet d'une procédure disciplinaire, le texte comporte de grands progrès.
Ce texte aura pour effet d'alourdir le coût de l'aide juridictionnelle, même si les estimations varient du simple au double. Une réforme devient urgente.
Comme l'a dit Mme Benbassa, des décisions communautaires peuvent conduire à améliorer notre droit. Cela mérite d'être rappelé à l'approche des élections européennes. (Applaudissements)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . - J'envisage une transposition de la directive C avant la date limite : nous nous reverrons bientôt.
Sur l'aide juridictionnelle, il existe un excellent rapport sénatorial. Vous le savez, j'ai l'ambition d'une grande politique de solidarité nationale ; je n'en ai pas encore les moyens...
Il faut diversifier les sources de financement, revaloriser l'unité de valeur -ce qui n'a pas été fait depuis sept ans, étendre le champ des affaires concernées. Ce projet de loi générera des besoins nouveaux, que l'étude d'impact évalue à 50 millions d'euros. Nous en tenons compte dans les discussions budgétaires.
Sur l'accès au casier judiciaire et l'usage abusif qui pourrait en être fait, il est nécessaire que le défenseur ou le justiciable ait accès à ces pièces, ainsi que d'harmoniser les pratiques : la circulaire est en voie d'achèvement. Dans une démocratie, les éléments rassemblés sur un citoyen doivent lui être accessibles. Le rapporteur de l'Assemblée nationale craint que des employeurs n'en profitent pour réclamer ces pièces ; ils n'en auraient pas le droit.
Distinguons le droit du citoyen et celui du tiers. Le Conseil constitutionnel a estimé qu'une garde à vue de 96 heures ne se justifie pas lorsqu'il s'agit d'une atteinte aux biens. J'avais proposé 48 heures, les députés préféraient 72 heures. Je n'ai pas fait preuve d'une audace débridée en m'en remettant à la sagesse de l'Assemblée nationale.
Au bout du compte, le risque d'inconstitutionnalité est limité, nous y avons veillé, mais je n'ai pas qualité pour l'estimer nul. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
M. le président. - Conformément à l'article 42, alinéa 12, de notre Règlement, seuls les amendements déposés ou approuvés par le Gouvernement sont recevables à ce stade. Le Sénat se prononcera par un seul vote sur l'ensemble.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 19, première phrase
Supprimer les mots :
autre que la rétention prévue à l'article L. 3341-1 du code de la santé publique,
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Le Sénat avait choisi d'intégrer la durée de l'audition libre à celle de la garde à vue ; l'Assemblée nationale a excepté le temps passé en cellule de dégrisement mais le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, n'est pas de cet avis. D'où cet amendement.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - En général, les parlementaires n'aiment pas les amendements déposés sur les conclusions d'une CMP. Mais j'estime, même si la commission des lois ne s'est pas prononcée, que celui-ci doit être accepté puisqu'il pare à un risque d'inconstitutionnalité.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 17
Remplacer les références :
,4° et 5° de l'article 61-1
par la référence et les mots :
et 4° de l'article 61-1, et être avertie qu'elle a le droit d'être assistée par un avocat conformément aux articles 633-1 à 63-4-3
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Je n'aime guère, moi non plus, ces amendements de dernière minute dont les commissions ne peuvent débattre et je m'impose d'ordinaire une grande discipline pour que le Parlement ait la possibilité de débattre au préalable. Mais le texte est technique.
Lorsqu'une personne, au cours d'une garde à vue, est interrogée sur une autre affaire, cela constitue, en quelque sorte, une audition libre au sein de la garde à vue. Elle doit bénéficier de l'assistance de l'avocat.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - À titre personnel, avis favorable à cet amendement technique qui lève une ambiguïté. D'autant plus favorable que l'intervention de l'avocat au cours de l'audition libre est reportée au 1er mai 2015 tandis qu'elle doit être immédiate lors de la garde à vue.
Les conclusions de la CMP, modifiées, sont adoptées.
La séance est suspendue à midi quinze.
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Mobilisation des fonctionnaires
Mme Laurence Cohen . - Après dix ans de démantèlement des services de l'État, de stagnation des salaires et de saignée des effectifs, les fonctionnaires manifestent aujourd'hui dans l'unité syndicale. Ils espéraient un changement de politique, ils sont toujours les cibles de la rigueur. Cinq années sans augmentation de salaire, c'est un record historique. Le gel du point d'indice jusqu'en 2017 est scandaleux, quand plus d'un million de fonctionnaires touchent à peine le Smic. La faible rémunération des plus bas salaires au 1er janvier n'y changera pas grand-chose.
À cette mise à la diète dramatique pour le pouvoir d'achat s'ajoute une attaque violente contre l'emploi dans les services publics de proximité, qui sera encore aggravée par la réforme territoriale, avec des conséquences désastreuses pour la cohésion sociale. Croyez-vous qu'il y ait trop de fonctionnaires quand les communes se battent pour conserver une école, un tribunal, un hôpital, un bureau de poste ? Les fonctionnaires hospitaliers sont-ils vraiment en surnombre ?
Nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas comprendre la poursuite d'une politique qui a été condamnée dans les urnes et qui aggrave la crise. Madame la ministre, allez-vous entendre les agents en commençant par mettre un terme au gel de leur salaire et à la baisse des effectifs des services publics ? (Applaudissements sur les bancs CRC, Mme Gisèle Printz applaudit aussi)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique . - Quand on augmente le point d'indice, on augmente les salaires de façon proportionnelle : quelques euros pour le bas de l'échelle, bien plus pour les mieux rémunérés, ceux qu'on appelle les « A+++ ». C'est pourquoi nous avons choisi d'augmenter de 500 euros annuels ceux qui sont le plus proche du Smic, qui sont effectivement plus d'un million. Nous pensons d'abord à ceux qui font la vie quotidienne des Français.
Détruire 30 000 emplois par an, comme le précédent gouvernement, ou bien décider de rester à effectifs constants, ce n'est pas la même politique ; créer 60 000 postes supplémentaires dans l'Éducation nationale, augmenter les effectifs dans la police et la justice, ce n'est pas la même politique. Les fonctionnaires portent les valeurs républicaines, ce sont eux qui font l'action publique et donc participent au redressement de la France. Ils méritent notre attention.
Une négociation va s'ouvrir. Nous partageons leur anxiété mais ne pouvons répondre à toutes leurs demandes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Taxe sur les transactions financières
M. Pierre-Yves Collombat . - Monsieur le ministre des finances, vous exprimant à propos de la taxe sur les transactions financières, après le conseil des ministres européens du 5 mai, vous avez dit que le serpent était en train de sortir de l'eau. Votre homologue allemand a, lui, précisé que les discussions allaient se poursuivre... Quand verra-t-on la queue du serpent ? À quoi ressemblera l'animal ? La taxe touchera-t-elle les produits dérivés en plus des actions et obligations, ce qui serait logique ? Sur les 700 000 milliards de dollars d'échanges par an de ces produits, 7 à 8 % seulement servent à l'économie réelle. Et quel sera le taux de la taxe ? S'ils sont taxés, les produits dérivés le seront-ils davantage que les actions et obligations, ce qui serait une nouvelle fois logique ? (Applaudissements sur les bancs RDSE)
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - Le conseil européen Ecofin a enfin décidé une première étape de mise en place de cette taxe. Voilà des mois, des années qu'on en parlait.
Aujourd'hui il nous faut plus de croissance, d'investissements, d'emplois. Mais n'oublions pas que l'instabilité financière, l'utilisation abusive de certains instruments financiers sans lien avec l'économie réelle, la spéculation sur la spéculation sont à l'origine de la crise de 2008-2009. C'est à cela qu'il faut s'attaquer. La taxe sur les transactions financières est un outil pour mettre un peu de régulation, un peu de sagesse dans les transactions financières.
Onze pays de l'Union européenne, et non des moindres, ont décidé que la taxe entrera en vigueur le 1er janvier 2016 ; qu'évidemment les transactions sur les actions seraient concernées, ainsi que certains produits dérivés. Nous continuons à débattre du taux avec les onze pays concernés. Je suis favorable à une différenciation en fonction de la dangerosité intrinsèque des instruments financiers. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Budget de la défense
M. Christian Cambon . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Ce n'était qu'une rumeur, elle risque de devenir réalité : cinq mois seulement après le vote de la loi de programmation militaire, le Gouvernement va-t-il renier une fois de plus ses engagements ? Bercy souhaite ponctionner peut-être de plus de 2 milliards d'euros le budget de la défense. Le président de la République s'était pourtant engagé à sauvegarder ces 31,4 milliards d'euros annuels, qui ont déjà subi une forte diminution pour atteindre un niveau tout juste acceptable. Nos armées sont déjà beaucoup mises à contribution : en 2014, elles subiront 60 % des suppressions de postes de la fonction publique.
Au-delà du retard des programmes et des livraisons d'équipement, il en va du moral et de la sécurité de nos soldats, ceux que nous envoyons dans des zones dangereuses marquées par la violence et la barbarie. Nous avons vu, en Centrafrique, des campements rudimentaires, des matériels vétustes, le rationnement de l'eau potable, des flaques de boue dans les camps qui favorisent le développement du paludisme...
La situation internationale permet-elle de baisser la garde ? L'Europe parle fort et désarme, mais laisse la France bien seule. Le président de la République peut provoquer tous les sommets sur la sécurité, le droit sans la force ne sert à rien, la Syrie et l'Ukraine nous le rappellent. Allez-vous renoncer à cette nouvelle saignée budgétaire, qui mettra en péril la capacité de nos armées ? Si vous persistez, aurez-vous l'honnêteté de dire que la France n'a plus les moyens de porter dans le monde les valeurs de paix que nos soldats incarnent avec tant de courage ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - La loi de programmation militaire a été votée ; toute évolution s'inscrira dans ce cadre, il faut de la visibilité. Ensuite, je considère que les crédits militaires ne sont pas de même nature que les autres ; ils assurent la sécurité de la France ; en intervenant à l'extérieur, au Mali ou en Centrafrique, nos soldats protègent les Français.
Mais il faut aussi, aujourd'hui comme hier, maîtriser les dépenses publiques. On ne peut abstraire un ministère de tout effort.
M. Alain Gournac. - Il a déjà beaucoup donné !
M. Michel Sapin, ministre. - Il n'est pas question de priver d'un seul euro ceux qui risquent leur vie, évidemment. Le ministre de la défense l'a dit hier, nous voulons protéger la souveraineté de la France. Elle passe par les crédits militaires mais aussi par la souveraineté budgétaire et la maîtrise des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
Réforme territoriale (I)
M. Jean-Marie Bockel . - La réponse de M. Sapin ne me rassure guère...
M. Didier Guillaume. - Elle était pourtant très claire !
M. Jean-Marie Bockel. - La rationalisation du millefeuille territorial est une revendication historique des centristes. Mais la réforme annoncée reste bien floue. Il est temps que le Gouvernement sorte des non-dits et des discours incantatoires.
Pour nous, la réforme doit conduire à une meilleure gestion de la dépense publique, produire des économies avérées sur les frais de fonctionnement, supprimer les doublons. Elle doit permettre de gagner en lisibilité au travers d'une clarification des compétences des différents échelons territoriaux. Elle doit être l'occasion de mettre le pays en mouvement, de dynamiser nos territoires pour créer croissance et emploi.
Le calendrier de la réforme est tout aussi important : nous nous opposons fermement au report des élections cantonales et régionales. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Didier Guillaume. - Oh ! Ça va !
M. Jean-Marie Bockel. - La réforme est trop importante pour servir de prétexte à une opération partisane. (Applaudissements à droite) Elle ne peut enfin s'appliquer de la même façon dans les territoires ruraux et urbains... (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Caffet. - La question !
M. David Assouline. - Votre temps de parole est largement dépassé !
M. Jean-Marie Bockel. - Quand le Gouvernement tombera-t-il enfin le masque pour dévoiler quand et comment il compte s'y prendre pour mener cette réforme ? Quand il y a du flou, c'est qu'il y a un loup... (Applaudissements sur quelques bancs RDSE, au centre et à droite ; protestations sur les bancs socialistes)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Ne polémiquons pas sur un tel sujet, il exige du sérieux. Une réforme profonde de nos collectivités territoriales est attendue. On en parle mais on ne la fait pas.
Voix à droite. - Et le conseiller territorial ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. - La gauche a réalisé les grandes réformes de la décentralisation ; d'autres étapes ont été franchies avec le président Raffarin. Chacun reconnaît que nous avons perdu en efficacité et en lisibilité.
La réforme à venir devra assurer l'efficacité de la dépense publique, la solidarité entre les territoires, la démocratie de proximité. Pour cela, il faut aller vite. L'intention de ceux qui veulent la différer est de ne pas la faire. Le président de la République consulte. (Marques d'ironie à droite) L'idée est bien d'organiser le pays autour de grandes régions, de solidifier les intercommunalités, de travailler sur les compétences, d'organiser la disparition des conseils généraux. Nous devons le faire, dans le dialogue. Tous ceux qui ont proposé, par le passé, de telles solutions devront dire s'ils sont, oui ou non, pour la réforme, pour plus d'efficacité et de lisibilité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Nous l'accompagnerons par une réforme profonde de l'État. Nous verrons alors qui est droit dans ses bottes, qui est capable de réformer, qui est clair dans ses positions ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Alain Gournac. - On verra !
Politique européenne
M. Simon Sutour . - Ma question s'adresse à Harlem Désir. (« Ah ! » à droite)
Aller voter le 25 mai aux élections européennes, c'est dire quelle Europe on souhaite. Le Parlement européen a beaucoup évolué depuis le traité de Lisbonne, ses pouvoirs de codécision ont été accrus. Plus nous voterons, plus il aura de poids. Le prochain scrutin est historique car, pour la première fois, les citoyens pèseront directement sur le choix du président de la Commission européenne. Qui aurait imaginé que Martin Schulz, chef de file et candidat du PSE, puisse rencontrer les salariés de Gad, dans le Finistère, pour leur parler de droits sociaux ? Nous défendons une politique alternative à l'austérité, une Europe plus sociale, qui investit davantage, lutte contre le chômage et pour l'harmonisation fiscale...
M. Alain Gournac et M. Christian Cambon. - La question ?
M. Simon Sutour. - La question c'est : quelle Europe ? (« Ah ! » à droite) Bruxelles, ce n'est pas un pouvoir invisible, c'est celui du Parlement européen et des responsables politiques. Monsieur le ministre, quels sont les grands principes qui président à la politique européenne du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes . - Nous sommes à dix jours d'un scrutin décisif pour l'avenir de l'Europe, à l'heure où nous commémorons la première Guerre ainsi que le Débarquement en Normandie... L'Europe n'est pas seulement ce legs précieux qu'est la paix, voulue par ses pères fondateurs, elle est aussi l'échelon indispensable pour agir dans la mondialisation.
Le scrutin du 25 mai servira à faire entendre la voix de la France, pour une réorientation de la politique européenne vers plus de croissance et d'emplois ; l'austérité n'est pas une réponse à la situation que connaît le continent. Ne laissons pas les nationalismes et les populismes l'emporter.
Nous voulons une Europe qui renforce son soutien à la croissance et à l'investissement, une Europe qui défende ses industries et en bâtissent dans les domaines d'avenir, une Europe qui lutte contre le dumping social, qui se dote d'un salaire minimum, qui harmonise les droits sociaux par le haut. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Alain Gournac. - Ce n'est pas un meeting ici, c'est le Sénat !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Nous voulons une Europe de l'énergie et de la transition énergétique, une Europe de la défense, une Europe qui pèse dans le monde, une Europe industrielle et aussi une Europe de la solidarité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Areva
Mme Corinne Bouchoux . - Le rapport de la Cour des comptes sur la gestion d'Areva pour la période 2006-2012 soulève certaines questions. Les échos dans la presse sont inquiétants, notamment sur la gouvernance du groupe. Certains choix stratégiques malheureux ont été faits... Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? Ne pourrait-on saisir l'occasion pour remettre en cause le choix de l'EPR ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Voix à droite. - Certainement pas !
M. Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique . - Le rapport final de la Cour sera remis d'ici fin juin. La conclusion définitive n'interviendra qu'alors. Le contrôle porte sur les exercices 2006 à 2012.
Les deux actionnaires d'Areva, le Commissariat à l'énergie atomique et l'État, ont envoyé au président du conseil de surveillance et au président du directoire un courrier demandant de transformer Areva en société à conseil d'administration. C'est une évolution importante qui devrait mettre un terme à certaines frustrations.
Sur l'affaire Uramin, des enquêtes sont en cours.
Le gouvernement japonais souhaite redémarrer les centrales nucléaires : Areva est donc en mesure de retrouver des marges de manoeuvre financières. Citons la victoire d'Areva en Turquie, en Grande-Bretagne : des États investissent, avec Areva, dans le nucléaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; « Très bien ! » et applaudissements sur quelques bancs à droite)
Rythmes scolaires (I)
Mme Catherine Troendlé . - Au départ, la réforme des rythmes scolaires faisait consensus. Comment est-on arrivé à de tels mécontentements ? La faute au ministre Peillon, qui n'a pas pris la peine de venir en débattre devant le Parlement, qui ne s'est pas déplacé pour venir devant la mission commune d'information.
La faute à votre prédécesseur qui, enfermé dans son bureau, a cru qu'il pouvait, en claquant des doigts, bouleverser l'école. Le ministre Peillon n'a même pas pris la peine de défendre sa réforme devant le Parlement, ni même de se déplacer devant la mission d'information dont le rapporteur était pourtant une socialiste, Mme Cartron. Il a préféré la décréter seul, entouré de quelques technocrates. (Protestations à gauche)
M. David Assouline. - Vous n'étiez pas dans l'hémicycle pendant les longs débats sur la loi Peillon !
Mme Catherine Troendlé. - Vous êtes, monsieur Hamon, le ministre qui doit renouer le dialogue. Votre décret du 8 mai présente des avancées certaines mais il pourrait être contreproductif : le décret de M. Peillon réduisait la durée d'enseignement journalière et vous offrez la possibilité de la rétablir à six heures.
M. Peillon répartissait les activités périscolaires sur l'ensemble de la semaine, vous offrez la possibilité de les concentrer sur une seule demi-journée, avec le risque que ce soit le vendredi après-midi, ce qui rallongera encore la rupture du week-end.
Les communes qui n'arriveront pas à résoudre leurs difficultés financières ne mettront pas en place d'activités périscolaires. Vous aurez deux types d'écoliers, ceux du périscolaire et les orphelins de 15 heures. Où se trouve encore « l'intérêt de l'enfant » ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. David Assouline. - Il y a des limites au ridicule : qu'a fait M. Chatel ?
Mme Catherine Troendlé. - Un moratoire s'impose jusqu'à la rentrée 2015. Il faut une loi préalable garantissant l'intérêt de l'enfant et répondant aux besoins des communes. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Louis Carrère. - Le divin enfant !
M. Didier Guillaume. - Nous créons les postes que la droite a supprimés !
M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Nous réorganisons les rythmes éducatifs pour les adapter au rythme de l'enfant, comme le voulaient M. Peillon et, avant lui, M. Chatel. Les résultats de l'apprentissage des acquis fondamentaux en calcul et en français baissent dans le primaire car les journées sont trop longues : il manque une matinée pour les enseignements fondamentaux. L'objectif est de permettre aux enfants de mieux apprendre, pour que la France ne soit plus la championne d'Europe pour le poids de l'origine sociale dans le destin scolaire des enfants. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Il faut redonner le goût d'apprendre, grâce au temps libéré. Vous nous jugerez d'ici deux ou trois ans au niveau atteint par les élèves de CM2. (Exclamations sur les bancs UMP) Oui, deux ou trois ans car l'éducation, c'est le temps long.
Nous restaurons une situation créée par une politique de diminution du nombre de postes dans les écoles. La gauche a créé des postes là où vous les détruisiez ; c'est le cas dans le Haut-Rhin, vous le savez bien, madame Troendlé.
On nous a demandé de mieux tenir compte des maternelles, nous le faisons ; des communes rurales, nous le faisons. Le Premier ministre a accepté que soit prolongé d'un an le soutien à l'amorçage. Bref, le décret complémentaire répond à vos demandes ! Si vous changez d'avis, nous le regrettons car ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Rythmes scolaires (II)
Mme Françoise Cartron . - Hier, le rapport de la mission commune d'information sur les rythmes scolaires a été rejeté, suite à une manoeuvre grossière de l'UMP. (Rires et exclamations sur les bancs UMP) Ses propositions constituaient pourtant autant de réponses aux difficultés recueillies durant les six mois de travail de la mission et avaient été validées par sa présidente, Mme Troendlé.
M. Carle et Mme Troendlé se félicitaient pourtant, il y a quelques jours, du nouveau décret et de son application à Megève.
M. Didier Guillaume. - Très bien, monsieur Carle !
Mme Françoise Cartron. - Et hier, volte-face... Il faut dire que cela fait dix ans que vous vous attaquez à l'école publique.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Et à la formation des enseignants.
Mme Françoise Cartron. - On ne sait plus ce que vous vous voulez, sinon détruire. Il faut dire que cette tâche de démolition de l'école, vous vous y êtes attelés avec constance durant une décennie.
Suppression de trois heures d'enseignement, merci monsieur Darcos : moins d'école pour mieux apprendre. C'est évident ! Suppression de 80 000 postes, merci monsieur Sarkozy : moins de profs pour plus d'élèves. C'est évident ! Suppression de la formation des enseignants, merci monsieur Chatel : moins de formation pour mieux enseigner. C'est évident ! (Approbations sur les bancs socialistes ; protestations sur les bancs à droite)
Ces mauvaises manières servent une cause politicienne, au mépris des intérêts de l'enfant. La réalité est bien loin du tableau apocalyptique dressé par certains : nous avons rencontré des acteurs très contents de la réforme sur le terrain. (Exclamations à droite)
Monsieur le ministre, pouvez-vous revenir sur la question pour mettre fin à l'entreprise de désinformation menée par d'aucuns ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je distingue entre l'opposition argumentée et les postures. Quoi que l'on pense de la règle, on ne peut accepter que certains s'en affranchissent. Le décret s'appliquera à la rentrée à toutes les communes, à tous les enfants. Le temps scolaire, c'est l'État ; le périscolaire, ce sont les communes. Nous proposons une expérimentation aux communes de petite taille, où le travail n'a pas été mené jusqu'ici.
On nous demande de concentrer les activités périscolaires afin de faciliter les choses pour les petites communes. Nous le faisons et l'on m'accuse de libérer le vendredi après-midi pour les enseignants !
Je suis ouvert à la discussion mais le Gouvernement doit prendre des décisions ; il le fait et elles seront appliquées. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Petites retraites agricoles
M. Alain Fauconnier . - Les retraites agricoles sont parmi les plus faibles de France : 625 euros à 790 euros par mois en moyenne, sans parler des conjoints d'exploitants... Cette situation décourage les jeunes de reprendre des exploitations. Le président de la République s'est engagé à revaloriser ces pensions jusqu'à 75 % du Smic, pour un coût de 300 millions d'euros en 2017. C'est un signal fort de justice sociale envers les plus modestes. Aujourd'hui, 1,6 million de retraités agricoles attendent les décrets d'application de la loi sur les retraites. Pouvez-vous confirmer aux agriculteurs qui nous écoutent que le Gouvernement poursuivra son effort en la matière ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Il fallait revaloriser les retraites des agriculteurs, sans oublier le volet recettes. La réforme des retraites a prévu de revaloriser les pensions à 75 % du Smic d'ici 2017. En janvier 2014, la loi a mis fin à la discrimination dont souffrent les conjointes d'agriculteur. Les décrets d'application ont été signés, ils seront publiés très prochainement, dès demain peut-être, et s'appliqueront rétroactivement à compter de février 2014. L'engagement est tenu ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Réforme territoriale (II)
M. Antoine Lefèvre . - Monsieur le Premier ministre, les semaines se suivent sans que nous arrivions à vous suivre. On reporte les scrutins ? D'un an, de six mois ? On supprime les départements ? Le président de la République ne les défendait-il pourtant point naguère ? Triple salto arrière, énième revirement, énième reniement... (Protestations sur les bancs socialistes)
Le président de la République consulte les partis politiques ; il redoute le référendum, mais comment modifier la Constitution sans majorité ? Vous avez outragé le conseiller territorial et découvrez aujourd'hui que c'était finalement une bonne manière d'avancer vers la fusion du département et de la région. Il aurait réduit le millefeuille et serait d'ores et déjà entré en vigueur
Redoutant les prochaines élections, vous bouleversez tout. Savez-vous où vous allez, où nous allons ? (Applaudissements à droite)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - La sagesse proverbiale du Sénat devrait conduire à éviter ce type de polémique. Si chaque modification d'un scrutin était motivée par des intentions politiques pernicieuses, vous en auriez eu beaucoup, avec toutes les modifications que vous avez faites, sans d'ailleurs que nous vous fissions de procès d'intention. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Quels sont les objectifs de la réforme territoriale ? Moins de régions, pour qu'elles soient de dimension européenne, pour les transferts de technologie, pour les relations avec les universités, pour des pôles d'excellence, pour les grandes infrastructures, pour l'équipement. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes) Des intercommunalités plus fortes, pour plus de solidarité dans plus de proximité.
S'agissant de la suppression des conseils départementaux, la contradiction est chez vous : j'ai lu en janvier dernier, dans le Figaro Magazine, que M. Copé la proposait !
Nous voulons avancer dans le compromis et le dialogue. Le président de la République consulte, écoute ; au terme des échanges, les meilleures décisions seront prises pour faire la meilleure réforme possible. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes ; exclamations sur les bancs UMP)
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 15.
Activités privées de protection des navires (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux activités privées de protection des navires.
Discussion générale
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - (Mme Odette Herviaux, rapporteure de la commission du développement durable, applaudit) Ce projet de loi vise à autoriser et à encadrer le recours à des entreprises privées de protection sur les navires français dans les zones les plus exposées à la piraterie, conformément à l'engagement fort que le Gouvernement a pris après le comité interministériel de la mer. Il a fait l'objet d'un travail approfondi de mes services en lien avec la Défense, l'Intérieur et le secrétariat général de la mer. Je veux rendre hommage au rapport de Jack Lang, rendu en janvier 2011 à la demande du secrétaire général de l'ONU, qui a mis en lumière l'urgence pour les États de se saisir de ce sujet qui touche à la fois à la sécurité des navires et à la compétitivité du pavillon français. La piraterie menace le commerce international et la sécurité des approvisionnements. Son recul apparent dans la Corne de l'Afrique et le détroit de Malacca n'empêche pas sa recrudescence dans le Golfe de Guinée et d'autres eaux. On a dénombré plus de 264 attaques en 2013, avec des conséquences physiques et psychologiques lourdes sur les marins.
Le coût économique est également élevé pour les armateurs, évalué entre 5 et 8,5 milliards d'euros au niveau mondial chaque année.
L'État a mis à disposition des équipes de protection embarquées de la Marine nationale. Chaque année, 152 militaires sont déployés à cette fin, dont l'efficacité, la qualité, l'engagement sont unanimement salués. Mais les contraintes logistiques et diplomatiques ne sont pas toujours compatibles avec le rythme des rotations commerciales.
Ce projet de loi complètera les mesures de prévention existantes. Je pense à la mise en place de centres de signalement des navires dans les zones à risque.
Avec ce texte, nous protégerons mieux le pavillon français, comme le souhaitent les armateurs : la sécurité des navires, de leurs équipages et de leur cargaison sera renforcée.
La France dispose de la première surface maritime en Europe. De nombreux pays européens ont déjà autorisé les activités privées de protection des navires. Le Gouvernement a souhaité donner les mêmes outils aux navires français qu'à leurs concurrents internationaux. La flotte de commerce est un secteur économique décisif pour notre pays. Il compte plus de 300 navires, représente un gisement d'emplois considérable, 12 500 emplois directs pour les seuls marins. Ce projet de loi entraînera la création de plusieurs centaines d'emplois directs.
Le Gouvernement définira les zones à risque en lien avec les armateurs. Il veillera à ce que les lignes directrices internationales soient respectées. Seules seront concernées les zones à haut risque et certains types de navires.
Nous devons faire application du principe de passage inoffensif défini par la convention de Montego Bay. Nous ajoutons une certification obligatoire des entreprises. L'ensemble des acteurs sont concernés : dirigeants, gérants, agents. Les référentiels de formation seront définis par l'État, les centres de formation agréés. Seules certaines catégories d'armes et de munitions seront autorisées. La transparence de l'activité sera garantie par des contrôles administratifs, ou encore la tenue de registres d'activité. L'usage de la force sera limité à la légitime défense.
Ce texte recherche un équilibre entre protection armée privée des navires et un encadrement strict conforme aux principes. La Marine nationale, j'y insiste, conservera l'ensemble de ses prérogatives. La France agit au niveau international pour lutter contre la piraterie, avec l'Union européenne, notamment dans le cadre de l'opération Atalante. La France est très active sur le plan diplomatique pour endiguer ce qui constitue un fléau pour les relations internationales et les échanges commerciaux.
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - J'espère, au Sénat, le même vote unanime qu'à l'Assemblée nationale. Soyez assurés de mon souci d'obtenir au plus vite un texte opérationnel, d'assurer un encadrement sérieux de la profession, de construire une loi pragmatique pour offrir aux entreprises françaises du transport maritime les meilleures conditions de compétitivité et d'exercice de leurs activités.
Vous avez voulu codifier une partie des éléments de ce texte dans le code de sécurité intérieure. Le Gouvernement présentera un certain nombre d'amendements de coordination.
Les délais d'examen de ce texte furent contraints, j'en conviens. Je salue votre travail et souhaite que la Haute assemblée vote ce projet de loi largement, sinon unanimement, car la détermination de la représentation nationale ne doit pas faillir pour exprimer notre volonté que là où il y a un danger, la France est capable d'assurer la sécurité de ses navires. Je souligne la qualité de nos échanges préparatoires. (Applaudissements sur tous les bancs)
Mme Odette Herviaux, rapporteure de la commission du développement durable . - Quelques heures avant que les députés adoptent à l'unanimité ce projet de loi, le tanker SP Brussels était attaqué au large du Nigéria. Sur ce navire battant pavillon des Iles Marshall étaient pourtant présents deux gardes armés, sans doute en nombre insuffisant compte tenu de la taille et de la configuration du bateau. Ce tanker avait déjà été attaqué en décembre 2012. C'est dire combien il y a urgence à agir.
Le Bureau maritime international a comptabilisé 264 attaques en 2013 et déjà 72 depuis le début de cette année. Les pirates n'hésitent pas à prendre en otage et à torturer les équipages pour obtenir des rançons.
D'après l'ONG One Earth Future, l'impact économique global de la piraterie s'élève à une somme comprise entre 5 et 12 milliards de dollars par an. Les armateurs supporteraient 80 % des coûts directs. La moitié concerne les dépenses de carburant due à l'accélération de la vitesse dans les zones à risque. Les coûts d'assurance représentent 300 millions de dollars. Le coût des déroutements pour éviter les zones dangereuses est estimé à 700 millions de dollars.
La piraterie, si elle a décliné dans le détroit de Malacca et au large de la Somalie, croît au large du Nigéria. Les attaques y sont violentes, elles visent le pillage et le saccage des navires. Contrairement à la Somalie, il ne s'agit pas d'enlever des otages pour obtenir une rançon, la vie humaine y a moins de valeur.
La protection des navires battant pavillon français est une mission dont la Marine nationale s'acquitte fort bien et depuis très longtemps. Depuis l'attaque du Ponant, elle met à disposition des navires français qui transitent dans les zones à risque des équipes de protection embarquées qui ont repoussé avec succès quinze attaques. La qualité de ce dispositif est reconnue dans le monde entier. Mais la Marine nationale ne peut honorer que 70 % des demandes reçues chaque année pour des raisons logistiques et diplomatiques. Monsieur le ministre, nous sommes très attachés au maintien des capacités de notre Marine nationale.
M. Charles Revet. - Tout à fait d'accord.
Mme Odette Herviaux, rapporteure. - Les compagnies maritimes françaises perdent des marchés, faute de pouvoir garantir suffisamment les navires, leurs équipages et leur cargaison. L'armateur danois Maersk a interdit à sa filiale française de prendre part à certains marchés, à cause de l'aléa que représente l'absence de protection des navires français.
Les armateurs ont été longtemps réticents à embarquer des hommes armés ; ils sont aujourd'hui contraints de recourir à cette solution. Pour éviter que nos navires aillent s'immatriculer à l'étranger, il était devenu indispensable d'adapter notre droit aux faits. Il ne s'agit nullement de privatiser les missions dévolues à nos forces armées, la Marine nationale n'envisage nullement de réduire son offre de protection. L'offre privée ne s'y substituera pas mais la complètera afin de rendre la protection des navires français plus systématique.
Je salue le travail minutieux d'Alain Richard et de la commission des lois. Grâce à lui, notre texte distingue mieux les spécificités applicables aux navires des mesures classiques sur la sécurité privée, qui relèvent du code de la sécurité intérieure.
Pour les titres I, III et VI, la commission du développement durable n'a pas modifié l'équilibre satisfaisant atteint par l'Assemblée nationale. Tous les acteurs réclament l'adoption sans modification de ce texte pour une entrée en vigueur rapide. Monsieur le ministre, vos services et vous-même nous avez rassurés sur la promptitude avec laquelle vous publierez les décrets d'application.
Nos propres amendements clarifient le cadre de l'emploi de la force armée en cas de légitime défense. Je remercie Alain Richard pour sa collaboration. Cette loi ne résoudra pas à elle seule tous les problèmes de la piraterie mais en l'adoptant rapidement, nos navires seront mieux protégés et le monde entier saura que la flotte française reste l'une des plus sûres au monde. (Applaudissements)
M. Jean-Louis Carrère, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères . - J'ai souhaité que notre commission soit saisie pour avis de ce texte pour le replacer dans le contexte de la lutte contre la piraterie maritime, abordée à maintes reprises dans nos travaux, et en apprécier les conséquences sur nos forces armées. Nos budgets doivent être maintenus en l'état (Applaudissements sur plusieurs bancs)
La faiblesse étatique et la pauvreté de certaines régions sont les causes principales de la piraterie. L'arsenal juridique international a été modernisé. Au-delà de la convention de Montego Bay de 1982, la France dispose d'un arsenal juridique complet, modernisé par la loi du 5 janvier 2011.
Cela ne suffit pas. Au large de la Somalie, l'opération Atalante, d'autres encore, combinées avec des missions de coopération, contribuent, avec la diffusion de bonnes pratiques, à réduire la piraterie. L'un des moyens des plus efficaces reste l'embarquement d'équipes de protection armées, compatibles avec l'article 94 de la convention de Montego Bay. Avec les Pays-Bas -dont la législation évolue aussi- et la Finlande, la France est l'un des seuls pays de l'Union européenne à ne pas encore autoriser cette solution. Elle assure la protection des navires par des équipes de protection embarquées de la Marine nationale. En France, la décision est prise par le premier ministre, après une étude technique de l'état-major de la Marine nationale qui donne lieu à une convention ponctuelle, mais annuelle pour les thoniers senneurs des Seychelles. On compte 25 à 35 demandes par an, satisfaites à 70 %. Je salue la qualité de la prestation rendue avec sang-froid et discernement par les fusiliers marins.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois, et M. Charles Revet. - Très bien !
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - Si le cadre d'emploi des équipes de protection embarquées était élargi et les délais diplomatiques et techniques réduits, l'effectif des équipes de protection embarquées devrait être doublé, ce qui excéderait nos capacités. Le risque de dépavillonnement de navires français est réel si le législateur n'agit pas rapidement.
M. Charles Revet. - Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - Les activités privées de protection des navires par des gardes armés sont clairement dissociées des activités militaires qui ne relèvent que de l'État, dès l'article premier. L'ensemble des dispositions est codifié non pas dans le code de la défense mais dans le code des transports et celui de la sécurité intérieure. Il ne s'agit nullement d'une externalisation de nos forces armées, comme je l'ai entendu dire.
Le projet de loi élimine tout risque de confusion avec les activités de l'État, comme celle de la police et des forces armées, mais parfois de façon excessive, comme quand il interdit de faire mention de la qualité d'ancien militaire des équipes des sociétés amenées à contracter avec les armateurs.
M. Charles Revet. - D'accord !
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - Certains seront pourtant amenés à recruter d'anciens fusiliers marins. Nous nous serions volontiers limités à une seule exclusion de cette mention dans les documents publicitaires. (M. Charles Revet approuve)
Ces activités ne sont exercées qu'à bord des navires « éligibles ». Le Gouvernement définira par voie réglementaire quels sont les navires non éligibles. Il importait assurément de dissuader armateurs ou plaisanciers de placer des gardes armés à bord de voiliers ou de navires de croisière transportant des passagers qui doivent absolument éviter les zones dangereuses. L'amendement du Gouvernement à l'article 18 est donc bienvenu.
Ces zones dangereuses, définies par arrêté du Premier ministre, seront révisées régulièrement. Ce dispositif intéressant laisse aux armateurs le choix. Nul doute que les assureurs les inciteront à se protéger. Cependant, demeure posée la question de l'articulation entre les équipes de protection embarquées et les sociétés privées de protection. Attention, en maniant une arithmétique sommaire, à ne pas réduire la capacité de la Marine nationale. L'embarquement de ses équipes de protection fournit un excellent moyen de formation et de maintien en condition opérationnelle. Et l'on ne peut préjuger de l'évolution de la menace. La loi de programmation militaire doit être respectée.
La commission des affaires étrangères invite le Sénat à adopter ce projet de loi. (Applaudissements)
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois . - Beaucoup a été dit, je me bornerai à quelques observations sur ce projet de loi.
La France, depuis la loi de 1983, est dotée d'un dispositif de sécurité privée éprouvé, audacieux même puisque la régulation est confiée à une commission associant les professionnels du secteur.
La création d'une nouvelle profession de sécurité privée encadrée est le premier point de ce texte. Les règles d'emploi de la force seront adaptées, bien sûr, à la marine marchande. En revanche, agrément, contrôle, règles de sanction, tout cela relève du code de la sécurité intérieure. Parmi les exceptions, l'exigence spécifique de formation, la validité d'un an seulement de la carte professionnelle, la dispense d'obligation de nationalité. À l'interdiction d'exploiter des titres précédemment acquis s'ajoutent des règles en matière de tenue et d'affichage qui visent à éviter toute confusion avec la force publique.
Les équipes de sécurité ne seront présentes que sur le navire. Le nombre d'agents privés embarqués relève, aux yeux de la commission des lois, du décret, et non de la loi. Le rôle du capitaine est clarifié : il n'a pas autorité à donner ordre de faire feu.
À la réflexion, monsieur le ministre, il ne paraît pas judicieux de citer le code pénal pour le recours à la force en cas de légitime défense : cela risque d'introduire une confusion puisque ce principe est d'application générale.
Mieux vaudrait également ne pas confier à l'État le soin de définir les zones dangereuses ; en cas d'incident hors de ces aires, sa responsabilité serait pointée du doigt. On ne m'a pas suivi sur ce point.
Enfin, nous devions encadrer les contrôles douaniers conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Un bon texte, donc, que tout le monde souhaite voir adopté rapidement. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à publier sans tarder les décrets d'application. Fort bien, encore faut-il que la pratique suive, qu'un référentiel soit mis au point, que les formations soient délivrées aux agents de protection et l'agrément accordé aux sociétés. Les armateurs veulent savoir quand ce texte pourra s'appliquer. (Applaudissements)
M. Pierre-Yves Collombat . - Que les esprits chagrins me pardonnent : je répéterai ce que les orateurs précédents ont dit avant moi, avec concision. La piraterie sévit, on en viendrait même à regretter ce « stupide XIXe siècle »... (Sourires)
Je ne vous le cacherai pas, j'aurais préféré que la protection des navires reste une prérogative de la Marine nationale. Il est pourtant clair que nous ne pouvons pas multiplier les opérations Atalante et les équipes de protection embarquées...
Ce texte autorise les activités privées de protection en les encadrant fortement ; elles devront être inscrites au registre du commerce, obtenir une autorisation administrative d'exercer qui ne leur confère aucune prérogative de puissance publique et ne pas sous-traiter. Elles interviendront dans les seules zones à risque définies par décret -sur ce point, je ne partage pas l'avis du rapporteur Richard. De nombreux garde-fous sont prévus -tenue des agents, usage de la force, armes autorisées à bord. Le contrôle administratif sur le territoire national est organisé. Le groupe RDSE votera ce texte (Applaudissements)
Mme Leila Aïchi . - La privatisation de la sécurité des navires ne peut être une solution durable. La piraterie sévit dans le Golfe d'Aden, le sud de la Mer rouge, le Golfe de Guinée, le détroit de Malacca et la partie méridionale de la mer de Chine, avec de graves conséquences humaines et économiques. Avec 234 attaques recensées en 2013, la piraterie aurait un impact économique estimé entre 7 et 12 milliards de dollars par an. Au regard du manque de moyens de la Marine nationale, il fallait adapter notre modèle aux enjeux stratégiques.
Le groupe écologiste regarde avec intérêt les garanties apportées par le texte. Mais si la France a jusque-là gardé la sécurité des navires dans le giron de l'État, ce n'était pas par hasard. Le présent texte ne doit pas être un précédent, on ne saurait renoncer à doter notre marine des moyens humains et matériels nécessaires.
Si le principe de réalité et une logique sécuritaire s'imposent, nous devons comprendre les ramifications de ce phénomène complexe qu'est la piraterie pour mieux le combattre. Ainsi, en Somalie, les deux famines qui ont sévi et la désintégration de l'État laissent aux populations affamées peu de choix pour se nourrir, sinon celui de la piraterie. Les eaux somaliennes, très poissonneuses, sont pillées par les navires étrangers : cette pêche aurait rapporté 300 millions d'euros en 2008. Plus grave, en 2005, l'ONU reconnaissait que les eaux somaliennes servaient de décharge pour des déchets radioactifs... La situation est similaire au Nigéria : dans la zone du delta polluée par l'exploitation pétrolière offshore, les pêcheurs spoliés se transforment en pirates...
Saluons le succès de l'opération européenne Atalante : le nombre d'attaques est passé de 40 par mois à 3. La défense européenne peut être relancée, les outils sont là. Nous devons nous inscrire dans une démarche globale et concertée et cesser de traiter les conflits avec des concepts dépassés.
Nous condamnons fermement la piraterie, pour partie liée à des réseaux mafieux ou terroristes. Mais toute initiative sécuritaire doit trouver sa place dans un cadre plus large de développement. Le groupe écologiste s'abstiendra.
M. Charles Revet . - Une fois n'est pas coutume, le groupe UMP approuve la procédure accélérée : nous n'avons que trop attendu. 412 navires ont été attaqués depuis 2012 alors que le texte était prêt depuis décembre 2011. Nous sommes tous attachés, dans cet hémicycle, aux missions régaliennes de l'État -occasion, pour moi, de saluer le courage du GIGN et des militaires appelés à intervenir dans des conditions de grande tension. Mais si on ne protège pas la liberté du commerce, c'est le règne du chacun pour soi.
Le recours aux sociétés privées pour la protection des navires est devenu le seul moyen d'assurer la protection des équipages. Il n'y a pas de mystère, le groupe UMP votera ce texte.
On parle beaucoup des Best Management Practices de l'Organisation maritime internationale, de l'opération Atalante et de la coopération avec les Japonais ou la Russie, en oubliant que la loi du 5 janvier 2011 a jeté les bases juridiques de la lutte contre la piraterie. Cette loi a défini les infractions pénales constitutives d'actes de piraterie et les modalités de leur constatation. Elle a donné une compétence quasi universelle aux juridictions françaises de traiter des affaires de piraterie et créé un régime sur mesure pour les personnes interpelées retenues à bord, la consignation. Le présent texte poursuit l'oeuvre engagée. La loi de 2011 accordait déjà au commandant des pouvoirs d'officier de police judiciaire. À mon sens, ce texte complète donc la loi du 5 janvier 2011 et ajoute à la protection publique la protection privée.
Les formalités exigées des entreprises de sécurité ne constitueront pas un obstacle à leur activité mais offriront des garanties indispensables aux armateurs. Il est dommage que l'article 9 interdise aux entreprises de sécurité de communiquer la qualité d'ancien fonctionnaire de police ou d'ancien militaire d'un agent, gérant ou dirigeant. Dans un secteur très concurrentiel, cela introduit une distorsion de concurrence, les sociétés étrangères pouvant, elles, faire étalage du pedigree de leurs personnels.
Sur la définition des zones dangereuses, le Gouvernement a revu sa copie, et c'est tant mieux.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Nous écoutons le Parlement...
M. Charles Revet. - ...avec raison ! Elles seront délimitées en concertation avec les professionnels. Mieux vaut aussi en rester à la rédaction de l'article 19. En revanche, les articles 21 et 27 demeurent trop flous. En théorie, le capitaine est seul maître à bord. En pratique, quand les balles fusent, seuls ceux qui ont des armes ont le pouvoir...
Une digression pour finir : nous subissons, depuis plusieurs années, des violations de notre zone économique exclusive, voire de la zone contigüe, et même de nos eaux territoriales. Je pense particulièrement à la pêche illégale en Guyane...
Manifestement, un effort doit être accompli pour renforcer les moyens et la présence de la Marine nationale. Si réduire les dépenses de l'État de 50 milliards d'euros est une nécessité, il serait irresponsable d'amputer, ne fut-ce que partiellement, les crédits de la défense. M. Carrère ne me contredira pas : (Applaudissements à droite ; M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis, applaudit aussi)
M. Jean-Marie Bockel . - À mon tour de saluer le travail des rapporteurs sur ce sujet juridiquement complexe. On le sait, l'enfer est souvent pavé de bonnes intentions... Je vous épargnerai les chiffres qui ont déjà été cités. La mer est un enjeu stratégique majeur pour la France à l'heure de la mondialisation ; notre pays dispose en effet en la matière d'atouts économiques et politiques de première importance.
La piraterie sévit dans le Golfe d'Aden, le détroit de Malacca, les côtes indonésiennes et ailleurs. Le mode opératoire est connu : des embarcations légères et rapides, des violences physiques et psychologiques, des conséquences économiques. Les pirates profitent de la déliquescence des États, le meilleur exemple en étant la Somalie. La communauté internationale a réagi -opérations Ocean shield ou Atalante- car 30 % du pétrole mondial transite par le Golfe d'Aden ; ces efforts portent leurs fruits, le nombre d'attaques a drastiquement diminué depuis le pic de 2011.
À partir de 2008, la Marine nationale a mis des équipes de protection embarquée à disposition des navires marchands ; mais ses ressources sont limitées et elle ne peut répondre qu'à 60 % des demandes.
Je le dis d'une phrase, je m'associe mot pour mot aux propos du président Carrère : la Marine nationale a besoin de moyens, nous serons au côté de M. le Drian pour le soutenir lors des arbitrages à venir. (M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, applaudit)
Ce texte, donc, autorise et encadre le recours aux activités privées de protection pour compléter l'action de la Marine nationale sans s'y substituer. Ce faisant, il supprime un intérêt au dépavillonnement. Nous aurions pu en profiter pour clarifier le sort des pirates capturés. En 2012, 34 navires ont renoncé au pavillon français. Le transport maritime français représente 300 000 emplois directs, avec 5 500 navires. Nous devons protéger sa compétitivité en lui offrant les mêmes conditions que ses concurrents européens. Favoriser le développement d'entreprises de sécurité et de défense et d'une offre française responsable créera également des emplois... Il y a là un intérêt économique et géopolitique.
Le groupe UDI-UC approuve ce texte dans l'espoir de le voir rapidement entrer en vigueur. Reste que la piraterie en mer s'explique souvent par les problèmes structurels à terre, la pauvreté, la déliquescence des États. En juin 2013, le sommet de Yaoundé a marqué une étape pour la coordination des pays bordant le Golfe d'Aden, avec le soutien de l'Union européenne.
La menace de la piraterie n'a pas disparu. Si le texte renforce la sécurité des navires, une approche plus globale est nécessaire si nous voulons que la mer reste un espace de prospérité et de liberté. Elle pourrait bien être l'avenir de la planète... (Applaudissements à droite)
Mme Évelyne Didier . - 264 attaques recensées par le Bureau maritime international en 2013, voilà de quoi nous convaincre de la nécessité de lutter contre la piraterie, qui prend souvent sa source dans la guerre, l'insuffisance du développement, la misère. Le combat nécessite aussi, comme l'a souligné le Conseil économique, social et environnemental le 16 janvier 2013, de détecter et couper les circuits financiers auxquels la piraterie recourt.
Ce texte soulève plusieurs difficultés, si importantes qu'elles mettent en péril la réalisation même de ses objectifs économiques et de sécurité. L'argument de la compétitivité n'est pas convaincant. Si le pavillon anglais attire les armateurs, c'est qu'il offre des conditions fiscales et sociales séduisantes... Arrêtons cette fuite en avant qui consiste à diminuer les exigences. Le groupe CRC avait réagi en ce sens après la décision de l'armateur Maersk de dépavillonner ses navires français, afin d'élargir les obligations de capacités de transport à l'ensemble des produits énergétiques stratégiques. Notre indépendance en la matière n'est plus assurée. En attendant que l'Europe construise un pavillon équivalent au pavillon de premier registre, notre pays doit se doter d'une flotte stratégique de pétroliers, gaziers et chimiquiers, sous pavillon français de premier registre et armée par des armateurs français. Le texte ne va pas dans ce sens.
L'efficacité et la qualité des équipes de la Marine nationale est unanimement saluée. Mieux vaudrait les renforcer.
Aucun engagement de localisation des emplois n'est imposé, non plus qu'aucune condition de nationalité des agents de sécurité : comment communiqueront-ils avec les marins s'ils ne parlent pas le français ? Le texte pose également des problèmes pratiques : ces agents auront-ils une formation continue solide ? Respecteront-ils des règles de déontologie ? Le recours aux armes est encadré, qu'il s'agisse de leur nombre ou de leur catégorie, soit ; mais comment les agents procèderont-ils à des opérations dissuasives comme des tirs de barrage ? L'application du droit commun de la légitime défense est, à nos yeux, un artifice juridique dangereux. Avec raison, la rapporteure a insisté sur l'articulation entre l'autorité du capitaine et celle des agents de sécurité.
L'article 8 n'est qu'une déclaration de principe, qui plus est contraire au droit international : l'État du pavillon sera toujours tenu responsable des agissements des entreprises privées. L'exercice d'une mission armée, dans les espaces internationaux et les mers territoriales étrangères, sur des navires arborant le pavillon français sera considéré comme l'exercice de prérogatives de puissance publique. Sinon, ce texte ne serait pas nécessaire...
Souhaitant que la politique maritime, en France et en Europe, se bâtisse autour de la pérennisation des savoir-faire et de l'emploi, le groupe CRC votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Thani Mohamed Soilihi . - La piraterie maritime n'est pas seulement un thème de prédilection du cinéma et de la littérature, c'est un phénomène sérieux, évolutif, qui entraîne des conséquences physiques et psychologiques graves sur les marins et des effets environnementaux et économiques considérables. Alors que 90 % du commerce mondial se fait par voie maritime, 230 attaques ont eu lieu en 2013, 300 à 500 membres d'équipage ont été malmenés, retenus en otages, blessés ou tués. Résultat, les armateurs doivent décider des déroutements, accorder des surprimes aux marins, payer pour la sécurité de leurs navires. Tout cela coûte fort cher à la compétitivité de notre marine marchande.
La Marine nationale protège efficacement nos navires. Depuis 2008, elle participe à l'opération Atalante contre la piraterie au large de la Somalie, ainsi qu'à la force multinationale 151 de l'Otan. Les navires français peuvent demander une équipe de protection embarquée et ces mesures ont eu un effet dissuasif notable. Mais cette accalmie ne doit pas conduire à réduire le niveau de vigilance. Tant que la situation économique et politique en Somalie n'évoluera pas, le phénomène de baisse est réversible...
La Grande-Bretagne, l'Espagne, le Danemark ou la Norvège autorisaient déjà le recours à des services de protection privés. Le texte définit un cadre juridique strict pour cette activité sur les navires français, soumise à l'obtention d'une autorisation délivrée par le CNAPS. Les questions de la tenue et des armes sont traitées, ainsi que les conditions du recours à la force. Le texte est équilibré et respectueux tant du droit international que de nos principes constitutionnels. Le choix de la commission des lois en matière de codification améliore l'intelligibilité de la loi.
Ce texte s'inscrit dans la continuité du comité interministériel de la mer du 2 décembre 2013 qui s'est appuyé sur le rapport de Jack Lang de janvier 2011, remis au secrétaire général de l'ONU.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - Très bonne référence !
M. Thani Mohamed Soilihi. - Il répond aussi à une recommandation du rapport d'information Peyronnet-Trucy.
Les députés ont adopté ce texte à l'unanimité le 29 avril. J'invite le Sénat à en faire de même. (Applaudissements)
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État . - Je salue la qualité des travaux du Sénat et me réjouis de ce large consensus. Peut-être les positions évolueront-elles lors de l'examen des amendements vers une abstention positive...
Monsieur Richard, nous tenons régulièrement des réunions de concertation avec les armateurs et les sociétés de sécurité afin que ce texte soit mis en oeuvre au plus vite. Sur la légitime défense, l'argumentation juridique était parfaite, bien sûr, mais il s'agit d'insister sur le caractère restrictif dans lequel s'exercera l'activité de protection.
Monsieur Revet, le cadre législatif existant était imparfait.
M. Charles Revet. - Il faut publier les décrets rapidement !
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Je m'y engage.
Monsieur Bockel, les pirates appréhendés sont des délinquants, des terroristes, pas des prisonniers de guerre. Les droits de l'homme leur seront garantis, même s'ils ne les respectent guère.
Madame Didier, Vous êtes bien sévère... Je n'ai pas renoncé à vous convaincre... Soyez persuadée de notre volonté de construire une politique maritime forte et intégrée. Oui, la mer est l'avenir de la planète. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2 A
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois.
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
II.- Le premier alinéa de l'article L. 612-1 du même code est ainsi rédigé :
« Seules peuvent être autorisées à exercer à titre professionnel, pour elles-mêmes ou pour autrui, les activités énumérées au 1° à 3° de l'article L. 611-1, et à titre professionnel, pour autrui exclusivement, l'activité mentionnée au 4° de l'article L. 611-1 : ».
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. - La société de sécurité ne pourra agir que pour autrui.
L'amendement n°3, accepté par le Gouvernement et la commission, est adopté.
L'article 2 A, modifié, est adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.
Supprimer cet article.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Outre que ces dispositions relèvent d'une loi de finances, elles s'appliquent aux seules prestations réalisées en France par des entreprises établies sur le territoire ; il y a là une possible distorsion de concurrence.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. - La commission des lois est défavorable à cet amendement, contraire à l'article 34 de la Lolf : il est parfaitement possible d'instaurer une imposition par une loi ordinaire.
Si l'on raisonne en termes de concurrence internationale, il faudrait une comparaison avec les sociétés étrangères. L'agrément du CNAPS -qui perdra de l'argent- a en outre une valeur économique, commerciale évidente.
Mme Odette Herviaux, rapporteure. - Sagesse.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté, ainsi que l'article 4.
L'article 5 demeure supprimé.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
dont la liste des prescriptions est fixée par décret en Conseil d'État
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Le Gouvernement doit pouvoir définir par décret en Conseil d'État la liste des prescriptions.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. - La rédaction de cet amendement est pour le moins discutable. Il n'est justifié que par la précision sur le décret en Conseil d'État. Pour le reste, il est satisfait par le texte de l'article. Acceptons-le toutefois, avec l'espoir que sa rédaction sera allégée d'ici la commission mixte paritaire.
Mme Odette Herviaux, rapporteure. - Sagesse.
L'amendement n°8 est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
L'article 7 demeure supprimé.
L'article 8 est adopté.
ARTICLE 9 (SUPPRIMÉ)
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Masson-Maret et les membres du groupe UMP.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le deuxième alinéa de l'article L. 612-15 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables pour l'exercice de l'activité mentionnée au 4° de l'article L. 611-1. »
M. Charles Revet. - Pourquoi pénaliserait-on les entreprises françaises ? Les entreprises étrangères peuvent, elles, afficher la qualité de leurs agents.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Avis défavorable. Il faut distinguer entre l'activité privée de ces personnes et leur expérience militaire. On ne transfère pas ses titres des forces armées vers les activités privées : c'est une règle de déontologie saine.
Mme Odette Herviaux, rapporteure. - Défavorable.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Défavorable. Il faut une distinction claire, c'est une question de déontologie, voire d'éthique. Il n'y a pas lieu de nous aligner sur des pays moins regardant en la matière.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - Je suis très souvent en accord avec le Gouvernement. Mais celui-ci aura-t-il les moyens juridiques de sanctionner les entreprises qui feraient état du curriculum vitae de leurs salariés ? Un tel affichage n'aurait-il pas un puissant effet dissuasif ? Je compte sur la sagesse du Sénat...
M. Thani Mohamed Soilihi. - Le groupe socialiste se range à l'avis défavorable des commissions. Il s'agit d'éviter toute confusion avec un service public. Le code de la sécurité intérieure prévoit une telle disposition à l'article L. 612-15 pour les autres activités de sécurité. Enfin, les arguments de M. Richard nous ont convaincus.
M. Jacques Gautier. - Le curriculum vitae crédibilise l'action : si un jour vous cherchez un travail, vous mettrez sans nul doute en avant votre qualité d'ancien ministre. Laissez les anciens militaires faire de même !
M. Charles Revet. - La France veut toujours être exemplaire. Je trouve cela très bien, pourvu que les autres fassent de même. Pourquoi interdire aux sociétés françaises ce qui est autorisé ailleurs ? Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à préciser que le personnel de ces sociétés est bien formé !
Je vois ce qu'il en est avec la pêche : des navires de l'Union européenne viennent sous le nez de nos pêcheurs pêcher des espèces protégées à ce moment de l'année.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°1 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
L'article 9 demeure supprimé.
L'article 10 est adopté.
L'article 11 demeure supprimé.
ARTICLE 12
M. le président. - Amendement n°9, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
de garde privé
par les mots :
d'agent de protection
II. - Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
à cinq ans
par les mots :
par décret en Conseil d'État
III. - Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Pour l'exercice de l'activité mentionnée au 4° de l'article L. 611-1, la condition prévue au 4° du présent article n'est pas applicable. La délivrance de la carte professionnelle répond en outre aux conditions exigées à l'article L. 616-2. » ;
IV. - Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au premier alinéa de l'article L. 612-23, les mots : « à l'article L. 611-1 » sont remplacés par les mots : « aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 611-1 ».
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Amendement de précision. La durée de validité de la carte professionnelle relève du domaine réglementaire.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Favorable. Toutefois, selon l'article 34 de la Constitution, le droit d'exercice d'une profession relève du domaine de la loi.
Mme Odette Herviaux, rapporteure. - Favorable.
L'amendement n°9 est adopté.
L'article 12, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°19, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 612-10 du code de sécurité intérieure, après les mots : « la demande d'autorisation est faite », sont insérés les mots : « , sauf pour l'activité mentionnée au 4° de l'article L. 611-1, ».
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Les procédures prévues aux articles L. 612-10 et L. 612-11 ne sont pas adaptées.
L'amendement n°19, accepté par la commission, est adopté ; il devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 612-11 du code de la sécurité intérieure, après les mots : « la demande d'autorisation est déposée », sont insérés les mots : « , sauf pour l'activité mentionnée au 4° de l'article L. 611-1, ».
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Même chose.
L'amendement n°20, accepté par la commission, est adopté ; il devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VI du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure, tel qu'il résulte de l'article 2, est complété par un article L. 616-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 616-6. - La demande d'autorisation, d'agrément ou de carte professionnelle est déposée dans des conditions et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. »
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Cet amendement prévoit qu'un décret en Conseil d'État puisse prévaloir des procédures de dépôt et d'examen des demandes adaptées aux activités de protection des navires.
L'amendement n°10, accepté par la commission, est adopté ; il devient un article additionnel.
Les articles 13, 14, 15, 16 et 17 demeurent supprimés.
ARTICLE 18
M. le président. - Amendement n°17, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret fixe les types de navires non éligibles ainsi que les circonstances dérogatoires dans lesquelles ceux-ci peuvent embarquer des agents de protection. »
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Il s'agit d'éviter d'accroître les risques dans certaines zones.
Mme Odette Herviaux, rapporteure. - Cet amendement revient sur le texte de la commission. Le Gouvernement a évoqué les dangers liés au développement d'une offre de tourisme « sensationnel ». Nous sommes convaincus : avis favorable.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Favorable.
L'amendement n°17 est adopté.
L'article 18, modifié, est adopté.
Les articles 19, 20, 21 et 22 sont adoptés.
ARTICLE 23
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Herviaux, au nom de la commission du développement durable.
I. - Alinéa 2
Après les mots :
protégés
insérer les mots :
, ainsi que les catégories d'armes autorisées,
II. - Alinéa 3
Après les mots :
nombre d'armes
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
autorisé est fixé par décret.
Mme Odette Herviaux, rapporteure. - Cet amendement prévoit que le nombre d'armes autorisées pour une équipe privée de protection des navires sera déterminé par décret simple. En effet, contrairement aux catégories d'armes autorisées, le nombre d'armes revêt un caractère essentiellement technique.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Favorable.
L'amendement n°21 est adopté.
L'article 23, modifié, est adopté, de même que l'article 24.
L'article 25 demeure supprimé.
Les articles 26, 27, 28, 29, 30 et 30 bis sont adoptés
ARTICLE 31
M. le président. - Amendement n°11, présenté par le Gouvernement.
I. - Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au premier alinéa de l'article L. 611-2 du code de sécurité intérieure, tel qu'il résulte de l'article 2, les mots : « de l'autorité administrative » sont remplacés par les mots : « du Conseil national des activités privées de sécurité ainsi que du représentant de l'État dans le département ou, à Paris, du préfet de police ».
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le dernier alinéa de l'article L. 611-2 du code de sécurité intérieure, tel qu'il résulte de l'article 2, est ainsi rédigé :
« Un compte rendu de visite est établi, dont copie est remise immédiatement au responsable de l'entreprise et est adressé aux autorités mentionnées au premier alinéa. »
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Amendement rédactionnel.
L'amendement n°11, accepté par la commission, est adopté.
L'article 31, modifié, est adopté.
Les articles 32 et 33 demeurent supprimés.
ARTICLE 34
M. le président. - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
selon les règles de la procédure sans représentation
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Amendement de précision.
L'amendement n°12, accepté par la commission, est adopté.
L'article 34, modifié, est adopté.
ARTICLE 34 BIS
M. le président. - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéas 11 et 29, premières phrases
Compléter ces phrases par les mots :
selon les règles de la procédure sans représentation
II. - Alinéa 23
Supprimer les mots :
prévus au VII
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Amendement de précision.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Il s'agit du contrôle douanier des navires. L'amendement est protecteur. En revanche, nous maintenons dans cet article un dispositif de droit de visite « H 24 », ce qui n'est généralement pas accepté. Mais compte tenu de la vie à bord, ce droit de visite nous a semblé transposer à la réalité maritime la règle générale qui n'autorise ce type de visite qu'aux heures diurnes.
Mme Odette Herviaux, rapporteure. - Favorable.
L'amendement n°13 est adopté.
L'article 34 bis, modifié, est adopté, ainsi que l'article 35.
ARTICLE 36 (SUPPRIMÉ)
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Les deux premières phrases de l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure sont ainsi rédigées :
« Le montant des pénalités financières doit être fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense. »
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Prononcer des pénalités financières en fonction d'un pourcentage du chiffre d'affaires est admis par le Conseil constitutionnel, mais très encadré. Dans une décision récente, le Conseil estime que, pour retenir une sanction prononcée en proportion du chiffre d'affaires, l'infraction doit être précisément déterminée et il doit exister un lien entre sanction et infraction.
En l'occurrence, nous préférons remplacer le plafond en pourcentage du chiffre d'affaires par un plafond en euros.
Mme Odette Herviaux, rapporteure. - Sagesse.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Retrait ? Le Gouvernement travaille sur cette question à la suite de la censure du Conseil constitutionnel. Le code de sécurité intérieure prévoit un lien entre le manquement et le chiffre d'affaires, la sanction ne pouvant excéder 3 % du chiffre d'affaires. Prenons le temps d'expertiser cette mesure. Nous voulons que la sanction des manquements soit dissuasive. Les chiffres d'affaires de la plupart des sociétés concernées dépassent 100 millions d'euros.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Je suis convaincu qu'une question prioritaire de constitutionnalité sur l'application de cet article obtiendrait satisfaction. Le Gouvernement souhaite laisser l'article existant en l'état, soit. Je ne peux faire son bonheur malgré lui...
L'amendement n°4 est retiré.
L'article 36 demeure supprimé.
ARTICLE 37
M. le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 11
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 6° Le fait de recourir à une entreprise privée de protection des navires sans respecter les zones où ce recours est autorisé ou le type de navire éligible, définis par les dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 5443-1 du code des transports ; »
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Amendement de cohérence.
L'amendement n°14 rectifié, accepté par la commission, est adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Revet et les membres du groupe UMP.
Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
M. Charles Revet. - La sanction prévue pour le non-respect du nombre minimum de gardes armés privés à bord du navire protégé est manifestement disproportionnée. Ce nombre est fixé au regard d'une analyse de risque effectuée par l'armateur et l'entreprise de protection, au regard des moyens de protection du navire, et ce nombre ne peut être inférieur à trois.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Défavorable. C'est un choix de sécurité première que de ne conclure un accord avec une société que dans les conditions prévues par la loi. La sanction est justifiée.
Mme Odette Herviaux, rapporteure. - Même avis.
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - De même.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
L'article 37, modifié, est adopté.
L'article 38 demeure supprimé.
ARTICLE 39
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Revet et les membres du groupe UMP.
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Sont punis de la même peine :
« 1° Le fait de mettre obstacle à l'accomplissement des contrôles prévus aux articles L. 611-2, L. 616-4, L. 634-1 à L. 634-3, lorsqu'ils sont relatifs à l'activité mentionnée au 4° de l'article L. 611-1 ;
« 2° Le fait de mettre à disposition ou d'avoir recours à un nombre d'agents inférieur à celui prévu à l'article L. 5443-2 du code des transports. »
M. Charles Revet. - Amendement de cohérence avec le précédent. Celui-ci harmonise les sanctions avec les dispositions similaires du code de la sécurité intérieure et fait peser le deuxième quantum de sanctions pénales conformément au code de la sécurité intérieure, soit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende au maximum.
L'amendement n°5, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 39 est adopté, ainsi que les articles 40 et 41 A.
L'article 41 demeure supprimé.
L'article 42 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°16, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 5774-1 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 5774-1. - Les dispositions du chapitre IV du titre III et du titre IV du livre IV sont applicables en Polynésie française. »
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Il s'agit de l'applicabilité du texte en Polynésie française.
L'amendement n°16, accepté par la commission, est adopté ; il devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le chapitre III du titre IV du livre VI du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 643-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 643-2. - Le présent livre est applicable à Saint-Barthélemy sous réserve des adaptations suivantes :
« 1° Au 2° de l'article L. 612-1 et au 4° de l'article L. 612-7, les mots : « ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
« 2° Au 1° de l'article L. 612-7, les mots : « ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
« 3° Au second alinéa de l'article L. 612-11, les mots : « ou l'État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
« 4° Aux premier et second alinéas de l'article L. 612-24, les mots : « ou de l'État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés. »
II. - L'article L. 644-1 du code de la sécurité intérieure est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« 3° Au 2° de l'article L. 612-1 et au 4° de l'article L. 612-7, les mots : « ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
« 4° Au 1° de l'article L. 612-7, les mots : « ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
« 5° Au second alinéa de l'article L. 612-11, les mots : « ou l'État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
« 6° Aux premier et second alinéas de l'article L. 612-24, les mots : « ou de l'État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés. »
III. - Le chapitre VIII du titre IV du livre VI du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 648-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 648-1. - Le titre Ier et le titre III sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises en tant qu'ils concernent les activités mentionnées au 4° de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure et sous réserve des adaptations suivantes :
« 1° Au 2° de l'article L. 612-1 et au 4° de l'article L. 612-7, les mots : « ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
« 2° Au 1° de l'article L. 612-7, les mots : « ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
« 3° Au second alinéa de l'article L. 612-11, les mots : « ou l'État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
« 4° Aux premier et second alinéas de l'article L. 612-24, les mots : « ou de l'État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés. »
M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Il s'agit encore de l'applicabilité outre-mer.
L'amendement n°15 rectifié bis, accepté par la commission, est adopté ; il devient un article additionnel.
L'article 43 est adopté.
Intervention sur l'ensemble
Mme Évelyne Didier . - Je remercie le ministre pour ses précisions ; nos courriers n'avaient pas obtenu de réponse du précédent gouvernement...
Il est normal de débattre de déontologie : l'intérêt général s'appuie sur la déontologie.
Notre vote négatif sur ce texte ne traduit pas une défiance que nous aurions à votre endroit : nous vous faisons confiance, monsieur le ministre. Nous voulons simplement que l'inquiétude manifestée par certains syndicats trouve son expression dans cet hémicycle. Il est bon que les différents points de vue qui existent dans la société des points s'expriment ici.
Le projet de loi, modifié, est adopté.
Prochaine séance mardi 20 mai 2014 à 9 h 30.
La séance est levée à 18 h 50.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du mardi 20 mai 2014
Séance publique
À 9 h 30
Présidence :Mme Bariza Khiari, vice-présidente
1. Questions orales
À 14 heures 30
Présidence : Mme Christiane Demontès, vice-présidente
2. Débat : « Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? ».
À 17 heures
Présidence : Mme Christiane Demontès, vice-présidente
3. Débat sur les perspectives de la construction européenne.