Questions orales (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la suite des questions orales.
Négation des génocides
M. Hervé Marseille . - Il y a peu, j'avais interrogé le gouvernement sur la négation des crimes de génocide. Je n'ai jamais eu de réponse.
Le 24 avril 2012, M. François Hollande, candidat à la présidence de la République, s'exprimait devant la statue de Komitas à l'occasion de la 97e commémoration du génocide arménien. Après avoir rappelé la censure par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 23 janvier 2012, il s'était engagé à prendre une initiative au lendemain de l'élection présidentielle. Il s'engageait à ne pas conforter les négationnistes, et à assurer la sécurité juridique de cette disposition. Il s'engageait à être présent chaque 24 avril pour la commémoration du génocide arménien ; ce ne fut pas le cas l'an dernier. Deux ans après son élection, aucun projet de loi n'a été présenté afin de pénaliser la négation des génocides.
En janvier dernier, le président de la République a pourtant réitéré son engagement lors d'une conférence de presse conjointe avec M. Gül. Nous approchons du 24 avril. Les élus célébreront bientôt ce triste anniversaire dans leurs communes. La communauté arménienne attend des réponses.
Pouvez-vous nous préciser la date du dépôt du projet de loi promis par le président de la République ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes . - L'engagement du président de la République est clair : toutes les victimes ont droit à la protection de leur mémoire. Les négationnistes seront combattus sans relâche.
Nous devons le faire dans le respect de nos principes constitutionnels. Le Gouvernement mobilisera toutes les ressources de notre droit et tous les moyens offerts par le droit européen. La jurisprudence européenne a récemment ouvert une nouvelle piste.
En déplacement en Chine l'année dernière, le président de la République avait tenu à se faire représenter par le ministre de l'éducation nationale pour la commémoration du génocide. Nous ne manquerons pas à nos devoirs de mémoire cette année. Nous poursuivons le combat pour la vérité et la justice.
M. Hervé Marseille. - J'en sais autant qu'en arrivant. J'espère que nous saurons rapidement quand le texte promis sera déposé.
La séance, suspendue à 11 h 45, est reprise à 11 h 55.
Fruits et légumes
M. Henri Tandonnet . - Le projet de loi d'avenir pour l'agriculture revient sur la contractualisation mise en place dans le domaine laitier et celui des fruits et légumes par la loi de 2010. Un rapport sur la contractualisation dans le secteur laitier a été publié en juillet 2012 mais rien pour le secteur des fruits et légumes. Il serait bon de disposer d'informations sur les contrats proposés par les acheteurs et ceux signés par les producteurs, ainsi que ce que les contrats ont apporté ou peuvent apporter pour garantir l'équilibre de la négociation entre les agriculteurs et leurs différents acheteurs. De même, j'aimerais connaître les principales difficultés rencontrées par les acteurs économiques dans l'application du dispositif et, le cas échéant, les solutions mises en oeuvre pour les régler.
Dans le secteur des fruits et légumes, deux textes d'application ont été publiés, en 2010 et 2011. Deux cas de figure existent donc, aujourd'hui, pour les acheteurs en fruits et légumes, en fonction de l'endroit où les achats sont effectués.
Dans le cadre des relations commerciales avec les producteurs qui vendent leur production sur l'exploitation, les acheteurs doivent leur proposer des contrats contenant une série de clauses obligatoires et d'une durée minimale de trois ans. L'absence de proposition est sanctionnée par une amende de 75 000 euros. Cependant, un nombre important de producteurs qui se voient proposer ces contrats les refusent systématiquement.
Dans le cadre des relations commerciales avec les producteurs situés sur les carreaux de producteurs des marchés de gros, un contrat simplifié dit « spot » a été mis en place et n'est pourtant pas utilisé.
Quelles sont les intentions du Gouvernement pour répondre à ces difficultés ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - Merci pour votre question. Élue du sud de la France, je suis sensible à ces sujets. Veuillez excuser l'absence de M. Le Foll qui répond à ces mêmes questions à l'Assemblée nationale.
Malgré le décret pris, aucun contrat n'a été conclu. C'est la preuve que le dispositif instauré en 2010, bien qu'ajusté, n'est pas adapté aux fruits et légumes. La durée de trois ans n'est pas compatible avec la saisonnalité de ces produits. L'article 7 du projet de loi d'avenir pour l'agriculture assouplit la durée de ces contrats. L'interprofession pourra entamer des discussions pour fixer une durée adaptée, dans le respect du nouveau cadre environnemental européen. Le ministre de l'agriculture reste à votre disposition.
M. Henri Tandonnet. - Merci madame la ministre et bienvenue dans cet hémicycle. Nous avons déjà soumis un amendement, adopté en commission, au projet de loi en cours de discussion. J'espère qu'il sera adopté en séance.
Enrichissement des vins
M. Michel Teston . - Félicitations pour votre nomination madame la ministre.
L'organisation commune de marché vitivinicole autorise l'enrichissement du vin par addition de saccharose - c'est la chaptalisation - de moût concentré ou de moût concentré rectifié (MC/MCR) ou encore par des techniques soustractives. La chaptalisation est interdite dans le sud de la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal. Toutefois, elle peut être autorisée à titre dérogatoire, par l'État membre, lorsque les conditions climatiques sont reconnues comme défavorables.
Pour le sud de la France, ces restrictions géographiques sont définies par territoire de ressort des cours d'appel. Or un décret et un arrêté de 2012 ont modifié ces restrictions. Le département de l'Ardèche, qui dépend de la cour d'appel de Nîmes, a été le seul département de la région Rhône-Alpes dans lequel la chaptalisation est interdite.
Cette application de la réglementation européenne engendre des incohérences et distorsions de concurrence. Ainsi, les producteurs ardéchois d'appellation d'origine contrôlée côtes-du-rhône n'ont pas été autorisés, en 2013, à enrichir leurs vins par addition de saccharose alors que les autres producteurs d'AOC côtes-du-rhône ont pu le faire.
De plus, cette réglementation a entraîné des coûts supplémentaires importants car l'enrichissement par MC/MCR est trois fois plus coûteux et ne bénéficie plus, depuis le 31 juillet 2012, de l'aide octroyée à titre transitoire qui visait à compenser cette différence de coût. Est-il envisagé de modifier l'application de ces règles ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - Cette question m'est chère également, étant moi-même originaire des Pyrénées-Orientales, un autre département vitivinicole.
Lorsque les conditions climatiques sont défavorables - ce qui est rare par chez nous, c'est pourquoi le vin y est bon - le droit européen autorise en effet ces techniques. Les représentants nationaux des viticulteurs ont demandé en 2013 le retour des autorisations d'enrichissements supprimées en 2008, et le rétablissement de la compensation financière du surcoût des MC/MCR. La France présentera à l'automne 2014 ses positions en la matière.
Une réflexion est en cours au sein de la filière, à la demande du ministre, pour définir une stratégie cohérente ; ses conclusions sont attendues en juin. La question que vous soulevez sera abordée.
La coopération interrégionale sera renforcée, et des lignes directrices seront adressées aux préfets, afin de disposer d'un cadre national cohérent.
M. Michel Teston. - Il serait bon que les propositions soient faites avant la récolte de 2014. Certains producteurs vont pouvoir utiliser l'ajout de saccharose, quand d'autres seront contraints de recourir aux MC/MCR, beaucoup plus coûteux.
Étudiants handicapés
Mme Muguette Dini . - Je vous souhaite à mon tour la bienvenue, madame la ministre. Je veux vous interroger sur le respect des droits des étudiants handicapés à la compensation des conséquences de leur handicap lors des épreuves écrites et orales des examens et sur le recrutement des personnes handicapées dans la fonction publique.
Je connais personnellement un jeune adulte malvoyant, détenteur d'un master en informatique, candidat à l'agrégation mais n'ayant pu bénéficier d'un aménagement d'épreuves. Effondré par le stress, il s'est vu privé des droits à la compensation de son handicap, pourtant prévus par l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles. Candidat à des postes de remplaçant auprès de l'académie de Versailles, il s'est trouvé victime, cette fois, d'une interprétation trop restrictive des textes.
Je connais votre engagement madame la ministre. Que comptez-vous faire ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - Merci pour cette question, qui me concerne directement. Je suis heureuse que mon baptême du feu au Sénat se déroule avec vous.
Une feuille de route pour la compensation du handicap a été adoptée. Vous l'avez dit : le droit permet déjà cette compensation.
Le cas que vous évoquez me paraît comparable au problème du plafond de verre. Les établissements définissent eux-mêmes les aménagements requis pour les besoins des étudiants handicapés dans un plan dédié. Il faut faire changer les mentalités, et accompagner plus largement les étudiants. La charte Handicap du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sera déclinée dans d'autres secteurs, comme les écoles de journalisme et d'audiovisuel.
Le portail admission post-bac lancé par Geneviève Fioraso sera rendu accessible à tous dès 2015, et des questions-réponses seront mises en ligne sur l'aménagement des cours et des examens. Le comité de pilotage interministériel a été rétabli.
Dans la fonction publique, l'emploi des personnes handicapées est une priorité du Gouvernement. Le fonds pour l'emploi des personnes handicapées joue son rôle. Un minimum de 6 % des effectifs est réservé à ces personnes, comme dans le secteur privé. La question du handicap figure aussi à l'agenda social de la fonction publique. Il sera notamment question de reclassement et de maintien dans l'emploi : j'y veillerai.
Cette politique d'inclusion porte ses fruits dans les ministères sociaux, qui dépassent la barre des 6 %.
Mme Muguette Dini. - L'inclusion physique des handicapés progresse, mais dans le domaine intellectuel, des réticences et des résistances sournoises demeurent.
À quoi bon lancer toutes ces actions si les concours ne sont pas aménagés ? Le jeune dont je parle n'a pas pu se servir de son ordinateur spécifique. Comment se fait-il que le matériel ne soit pas disponible pour permettre à ceux qui en ont les capacités d'obtenir la juste récompense de leur travail ?
M. le président. - Merci, chère collègue, pour ce témoignage très émouvant.
La séance est suspendue à midi vingt.
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 14 h 30.