Débat sur l'orientation des finances publiques
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'orientation des finances publiques.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances . - Je suis heureux de vous retrouver ce soir, c'est un moment important pour évoquer les orientations futures de nos finances publiques.
En 2012, la zone euro a connu une nouvelle année de récession dont la France a subi les conséquences. Notre pays n'est pas un isolat, ses principaux clients et fournisseurs sont dans cette zone. Ce qui a conduit le Gouvernement à réviser la prévision de croissance à 0,1 % et l'objectif de déficit à 3,7 en 2013. Nous avons eu une discussion franche lors de l'examen du programme de stabilité sur les conséquences à en tirer. L'opposition appelait à des mesures de redressement supplémentaires pour tenir coûte que coûte les 3 % cette année. Le Gouvernement a jugé que la voie de pareil plan de rigueur aurait supposé des hausses d'impôt et des coupes dans les dépenses à hauteur de 15 milliards, qui auraient aggravé la récession et le chômage sans réduire significativement le déficit parce que ce qu'on aurait gagné d'un côté aurait été perdu de l'autre. Cette logique nominaliste était vouée à l'échec ; le Gouvernement a choisi une autre voie.
L'opposition se trompe en réclamant la vérité parce que la vérité est la même pour tous et que nous la disons au fur et à mesure qu'elle se dévoile. Ce qui nous sépare, c'est autre chose, c'est un désaccord profond sur la politique économique à mener en de telles circonstances. Nous, nous voulons que l'économie française se redresse, nous acceptons, nous revendiquons de laisser jouer les stabilisateurs automatiques.
Une des leçons des années écoulées, c'est que la multiplication des collectifs ne garantit pas la réduction des déficits. Les dépenses publiques devront être gérées scrupuleusement mais nous laissons les recettes fiscales s'ajuster. Ce qui rend inutile un collectif budgétaire.
Quand nous sommes arrivés aux responsabilités en juin 2012, il fallait parer au plus urgent. La priorité absolue, c'était assurer la survie de l'euro. Les doutes étaient là. Pour y parvenir, il fallait éviter l'instabilité, la propagation des chocs, le décrochage de certains de nos partenaires. Nous avons passé beaucoup de temps à chercher des solutions pour la Grèce, Chypre, l'Espagne, parce qu'il n'y aura pas de sortie de crise pour la France si on ne trouve pas en Europe d'issue convaincante.
Au niveau national, il fallait desserrer un étau menaçant, celui de la hausse des taux d'intérêt. Nous avons réduit les déficits en 2012 en demandant des efforts rudes au pays -si nous ne l'avions pas fait, le déficit aurait été supérieur à 5,3 %. En janvier 2012, le consensus de croissance pour la zone euro était de 1 % et la récession fut de 0,6 %. Ce contexte va peser, comme ont pesé les augmentations d'impôt depuis 2011. Ceux qui nous reprochent un matraquage fiscal ont voté, en 2011 et 2012, 35 milliards de hausses d'impôt ; nous avons fait en sorte de préserver les classes populaires. Cela dit, la baisse de pouvoir d'achat est surtout due au chômage.
Notre économie reste une grande économie. Je refuse le France-bashing, les faux prophètes du déclassement qui jouent contre leur camp. Dénigrer son pays n'est pas une bonne politique. Il est vrai que ces dix dernières années, notre économie s'est affaiblie, a perdu en compétitivité mais elle n'est pas en situation de faillite, comme le disait un ancien Premier ministre -avant d'accumuler 600 milliards de dettes supplémentaires.
Nous voulons réorienter la construction européenne en direction de la croissance. Aujourd'hui, l'Europe connaît la croissance la plus faible des grandes zones économiques de la planète, le chômage le plus élevé, les déficits les plus forts. Le Gouvernement n'a cessé de demander, en 2012, une réorientation. Les lignes ont commencé à bouger. La Commission européenne a donné plus de temps à plusieurs pays, dont la France, pour passer sous la barre des 3 %, met désormais l'accent sur la réduction des déficits structurels et a lancé le pacte pour la croissance et l'emploi.
Un mot sur les recommandations de la Commission européenne. Autant il est logique qu'elle demande aux pays européens d'agir pour réformer le marché du travail -ça tombe bien nous l'avons fait-, pour améliorer la compétitivité -ça tombe bien, nous l'avons fait avec le CICE-, pour réformer les retraites -ça tombe bien, nous allons le faire parce que la réforme Fillon, qui devait tout régler, est loin d'avoir résolu le problème-, pour mener des réformes écologiques -ça tombe bien, nous sommes en train de le faire-, autant il n'est pas acceptable qu'elle ait une approche trop invasive. Sur les retraites, elle n'a pas à nous dire quelle voie privilégier. Le dialogue avec elle se poursuit, un dialogue respectueux de l'institution, qui n'est cependant pas exempt de rapports de force...
Nous faisons un effort de 20 milliards d'euros pour la compétitivité, avec le crédit d'impôt compétitivité emploi, pour baisser le coût du travail. Il est en train de mordre, de prendre : 800 millions d'euros de préfinancements ont été accordés aux PME et la BPI est particulièrement active en ce domaine. Nous avons pris des mesures exceptionnelles en faveur du logement.
Quand nous construisons un budget, la finalité est économique, en faveur de l'emploi, de la croissance, de la compétitivité. Notre but est de permettre à l'économie de se redresser. La zone euro est en train de sortir de la récession, trop lentement certes mais assez pour que nous puissions maintenir l'objectif d'inversement de la courbe du chômage à la fin de l'année.
Nous n'ignorons pas les réalités et les critiques qui nous sont adressées sont trop injustes. La France a plutôt mieux résisté que ses partenaires, même l'Allemagne et les Pays-Bas. Dire que nous nous accrochons à une prévision de déficit de 3 %, ce n'est pas acceptable, non plus que prétendre que les dépenses déraperaient. Il existe certes des risques sur la croissance et, donc, sur les rentrées fiscales, mais nous tenons le cap des réformes structurelles.
Pour 2014, l'effort structurel sera tenu. Si la croissance n'est pas au rendez-vous, les 3 % ne seront pas un objectif intangible. Les économies sur les dépenses publiques sont importantes pour éviter d'augmenter les prélèvements obligatoires. La lutte contre la fraude fiscale se poursuivra, ainsi que la réduction des niches, à quoi je sais le président Marini très sensible.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Merci.
M. Pierre Moscovici, ministre. - Le budget pour 2014 est particulièrement ambitieux, avec 14 milliards d'économies. La modernisation de la puissance publique sera portée par la MAP. Réduire les dépenses publiques n'est pas une fin en soi mais une condition pour plus de croissance pour réduire les déficits.
Ce débat se déroule dans un contexte de transparence accrue grâce, notamment, au Haut conseil des finances publiques. Nous voulons informer, rendre compte de notre stratégie, montrer la cohérence de notre approche. C'est le sens de notre action. J'attends beaucoup de ce débat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances . - Notre débat intervient deux mois après le programme de stabilité. La situation économique n'a pas beaucoup évolué ; les perspectives restent incertaines, ce qui explique que le Gouvernement ait modifié à la marge ses prévisions.
Personne ne nie les risques liés à l'évolution des recettes mais il est fort difficile de savoir ce que seront les rentrées de TVA quand on examine les chiffres pour avril et mai. L'opposition réclame un collectif. Nos collègues sont-ils nostalgiques des trois ou quatre collectifs annuels, qui ne permettaient d'ailleurs pas de modifier fondamentalement la situation ? Il serait absurde de vouloir, à chaque baisse des prévisions de croissance, mettre un tour de vis supplémentaire pour garder inchangé un objectif de déficit public par rapport au PIB. Une telle politique procyclique nous entraînerait dans la décroissance.
Nos partenaires ne réclament pas une telle politique, d'autant que la France a porté une nouvelle politique depuis fin 2012, pour concilier sérieux budgétaire et soutien à la croissance en Europe. Le FMI estime qu'après trois années d'ajustement budgétaire substantiel, il existe une marge pour modérer le rythme de la consolidation, à condition que l'effort soit concentré sur les dépenses et soutenu par la poursuite des réformes structurelles. Pour sa part, l'Union européenne devrait nous accorder deux années supplémentaires pour revenir sous la barre des 3 %. Cela ne doit pas nous inciter à réduire nos efforts. Le Premier ministre a dit aux ministres, dans sa lettre de cadrage, que le rythme de réduction des finances publiques ne devait pas fragiliser la reprise de la croissance. Nous devons donc nous garder et du laxisme et de l'austérité pour éviter de mettre en cause notre crédibilité ou de nous enfoncer dans la récession.
Limiter l'impact récessif, tel est l'objectif. Dès 2014, l'effort portera à 70 % sur les dépenses publiques. Les choix opérés en 2012 et 2103 étaient justifiés. Mais nous devons passer à une nouvelle phase. Le niveau d'ajustement prévu pour 2014 a vocation à satisfaire l'objectif des 3 % mais les recettes dépendent de la croissance. Toutefois, en retenant des hypothèses de croissance dégradées, nous respecterions néanmoins les conditions fixées par l'Union européenne.
S'agissant de la maîtrise des dépenses publiques, l'État a dépensé moins que les années précédentes dès 2012. En 2014, les dépenses devront diminuer de 1,5 milliard. Les plafonds de crédit montrent que les priorités resteront financées, dans l'enseignement, la justice et la sécurité. Cependant, dès 2015, des réformes structurelles seront nécessaires. Il faudra trouver des recettes nouvelles en 2014. Cela suppose d'engager la transition vers une fiscalité écologique en fixant une trajectoire. D'aucuns considèrent qu'il serait plus acceptable de le faire en période de croissance. Sans doute, mais la fiscalité peut modifier les comportements, pour répondre aux défis de demain. C'est d'ailleurs ce que fait le Gouvernement dans plusieurs domaines.
J'ai le sentiment que la France prépare l'avenir dans de bonnes conditions et la situation budgétaire s'améliore.
Mme Michèle André. - Très bien !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Nous avons écouté nombre d'interlocuteurs ces dernières semaines. Nous sommes allés aux États-Unis où nous avons rencontrés des économistes. Beaucoup nous disent que la France devrait avoir davantage confiance en elle-même. La confiance est un privilège.
Mme Michèle André. - Tout à fait !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - C'est un privilège pour celui qui la reçoit, et aussi pour nous qui croyons dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - La couverture des risques sociaux constitue le premier poste des dépenses publiques. Le principe d'équilibre des différentes branches est inscrit dans le code de la sécurité sociale. Une bonne gestion s'impose. La dette sociale représente 10 % du PIB. Cet effort répond à un impératif de justice. Financer la protection sociale sur la dette reviendrait à en reporter la charge sur les générations futures. Ce serait économiquement, socialement, moralement inacceptable.
Les objectifs fixés en PLFSS 2012 ont été atteints. Le solde des différentes branches du régime général s'est amélioré de 4 milliards. L'Ondam a été inférieur aux objectifs. La suppression de niches sociales a contribué à la croissance du régime général. Le découvert de l'Acoss s'est établi à 16 milliards. Le transfert de déficit résiduel à la Cades est moins important que ces dernières années mais l'effort doit se poursuivre. L'année 2013 sera marquée par la stabilisation des déficits sociaux. En dépit des 5 milliards de recettes nouvelles, le solde doit se dégrader de 1 milliard.
Tous postes confondus, les dépenses de l'Ondam seront à nouveau contenues mais le très faible dynamisme des ressources de la Cnam, en particulier les recettes de CSG contribueront à aggraver le déficit de la branche.
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Voilà une belle illustration du mythe de Sisyphe : malgré les recettes supplémentaires, malgré la maîtrise des dépenses, le déficit diminue à peine, traduisant l'importance de l'évolution de la masse salariale et l'existence de déficits structurels non corrigés en période de conjoncture favorable. Près de 13 milliards d'euros de recettes nouvelles auront été votés entre septembre 2011 et septembre 2012, pour une réduction effective des déficits de 3 milliards d'euros. Nous n'avons aucun regret à avoir : en l'absence de mesures correctrices, le déficit avoisinerait les 26 milliards et les perspectives financières seraient de nouveau catastrophiques.
Je salue les réformes engagées par le Gouvernement. La réforme de la politique familiale devrait améliorer le caractère redistributif. Les ressources des familles vulnérables seront améliorées. La réforme réduisant le quotient familial est opportune car elle confirme le principe d'universalité des prestations familiales, elle conforte les acquis de cette politique et évite de peser sur les caisses d'allocations familiales.
De récentes recommandations formulées par le Haut conseil sont intéressantes, notamment l'amélioration de la gouvernance des emplois sociaux. J'ai appelé de mes voeux une telle innovation, qui éclairerait la représentation nationale.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Très bien !
M. Thierry Foucaud . - Réduire les dépenses publiques en 2014 ? Cela signifie réformer les retraites, augmenter le prix du tabac et le forfait hospitalier, mais aussi réduire le budget du ministère de l'écologie, geler le point d'indice des fonctionnaires et continuer à détruire des postes. Bercy montre l'exemple. Allez lutter contre la fraude fiscale avec 2 634 agents de moins ! Pour « faire » écologique, deux centimes de plus pour le gazole.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Juste remarque !
M. Thierry Foucaud. - Je n'arrive pas à comprendre qu'après cinq années de croissance atone, il faille supporter des sacrifices toujours plus injustes et insupportables. Pourtant, la Cnav a vu son déficit se réduire en 2012, mais elle doit encore près de 6 milliards en soutien de régimes déficitaires. Bref, le déficit est de 200 millions. Pour la Cnam, son déficit était de 8,8 milliards, soit 5 % du total, dont 3,3 milliards de compensation aux autres régimes. En 2012, le déficit s'est contracté et la Cour des comptes estime que les compensations s'élèvent encore à plus de 2 milliards. Le régime général des salariés mais aussi celui des fonctionnaires d'État viennent au secours des non-salariés.
Qui paiera nos retraites, entend-on dire ? C'est pour imposer aux salaires de nouvelles coupes.
La Grèce revenue, en termes de richesse, à l'année 2002, l'Espagne et ses 27 % de chômeurs, le Portugal avec un mois de grève générale, voilà qui montre à l'envi que les politiques d'austérité des Barroso, Draghi, Monti, Merkel, Almunia et autres Juncker sont en train de tuer l'idéal européen. On parle de 8 milliards pour l'emploi des jeunes ? Si l'Europe n'a que 8 milliards pour les jeunes, autant arrêter tout de suite !
La poursuite des politiques d'austérité, c'est l'outil de la division de la majorité politique et populaire qui a voulu le changement en mai 2012, après avoir subi pendant dix ans la vaine agitation de gouvernements de droite incapables de répondre aux attentes populaires. Poursuivre l'austérité, pour le gouvernement actuel, c'est se couper de ceux qui l'ont élu et qui se partagent désormais entre attentistes, déçus, indifférents et révoltés. Voulez-vous suivre la pente fatale de la social-démocratie européenne, incapable de reprendre le pouvoir aux Pays-Bas, en chute libre en Grèce et en Espagne, au purgatoire au Portugal et qui s'apprête à subir, en Allemagne, une défaite majeure face aux Unions chrétiennes dont elle n'arrive pas à se distinguer.
Nous comptons 3,3 millions de chômeurs et 5 millions de personnes sans emplois. Gérard Rivière, président de la Cnav, a raison de dire qu'une réforme des retraites n'a pas de sens avec un tel niveau de chômage. La part de travail salarié est sans cesse plus faible dans la richesse nationale. Pourtant, en 2013, 131 milliards d'euros ont été consacrés pour payer les fonctionnaires et leurs pensions. Or un rapport de Jean-Jack Queyranne évalue à 110 milliards les aides de l'État aux entreprises. Encore un effort, et l'État dépensera davantage en cadeaux aux entreprises qu'en rémunération de ses fonctionnaires.
Quand écoutera-t-on enfin les salariés qui subissent, sous la trappe à bas salaire, les effets pervers des exonérations, les cadres qui souffrent sous les exigences de rentabilité immédiate ? Quand va-t-on entendre ceux qui savent fort bien que la baisse de la TVA sur la restauration n'a pas résolu les problèmes d'emploi et d'activité du secteur ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est bien vrai !
M. Thierry Foucaud. - Et les aides qu'évoque le rapport Queyranne ne représentent que deux fois le produit de l'impôt sur les sociétés. Et ce rapport ne parle pas du reversement de la TVA déductible, des effets du régime des groupes sur l'impôt sur les sociétés, et j'en passe.
La Cour des comptes évalue à 35,4 milliards les dépenses en faveur des entreprises et à 71 milliards les moindres recettes. Au total, ce sont 505,5 milliards laissés, entre 2005 et 2010, à la disposition des entreprises. Tous ces efforts n'ont amené que le creusement des déficits et la hausse de la dette.
Il est temps d'inverser la vapeur. Qu'ont fait les entreprises de l'argent public ? Il faut mener la chasse à la fraude fiscale et sociale, de manière déterminée, contre ceux qui trompent le fisc, et donc la France. Ce sera plus de recettes, pour plus de réponses utiles. Des milliers d'emplois publics doivent être pourvus.
Le redressement passe par le renoncement aux politiques d'austérité, qui ne peuvent produire qu'une explosion sociale. (Applaudissements sur les bancs CRC)
présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président
M. Jean-Vincent Placé . - Le protagoniste de ce débat, c'est la croissance. Elle est aujourd'hui notre unique horizon, qui recule à mesure que l'on avance. Elle se déprécie sans discontinuer depuis quarante ans. Nous, écologistes, n'aurons pas la foi qui nous ferait croire au retour de la fille prodigue. Le cycle du productivisme à tout prix trouve là ses limites. L'agriculture en offre un exemple éloquent : mécanisation et pesticides. Les agriculteurs en paient le prix. Il faut y substituer une production de qualité. Et cela vaut pour tous les secteurs, y compris le tertiaire.
C'est cela, l'écologie politique : accompagner la transition vers un modèle qui respecte les hommes et préserve les milieux. Cela s'accommode mal, monsieur le ministre, avec ce que vous nous avez décrit. La seule faille serait la dépense et, grâce à sa maîtrise, la croissance nous attendrait au coin de la rue. Non que toute coupe soit à bannir mais celles que vous nous proposez ne nous conviennent pas. Certes, vous avez changé l'acronyme du RGPP en celui de MAP, mais cela ne nous fera pas admettre le sort que vous faites au budget de l'écologie. Le déficit de la balance commerciale, 70 milliards, est égal à celui de sa balance énergétique. Il serait bon d'y songer. Autre exemple : la gabegie dans le médicament, par manque de recours aux génériques et laxisme dans les AMM.
Les pollutions de l'air entraînent des pathologies dont le coût est estimé à 20 ou 30 milliards d'euros, selon un rapport 2012 de la mission du développement durable. Voilà qui couvrirait aisément le déficit de la sécurité sociale.
Supprimer la composante aérienne de notre force de frappe serait, également, une solution pragmatique sur laquelle s'accordent les experts.
Autant de sources d'économie susceptibles de nous faire retrouver des marges de manoeuvre. Au lieu de quoi, les rudes efforts demandés aux Français servent à financer, sans contrepartie, un CICE fort coûteux. (Mme Annie David, président de la commission des affaires sociales, approuve) Christian Eckert, rapporteur de l'Assemblée nationale, dit d'ailleurs, sur son blog, le mal qu'il en pense. Arnaud Montebourg a dit ce qu'il fallait penser de l'austérité. Et le groupe socialiste de l'Assemblée nationale exhorte, avec le groupe écologiste, à s'engager dans la transition écologiste. Delphine Batho a fait les frais du renoncement.
Nous sommes encore prêts à y croire. La loi d'orientation agricole constituera une opportunité de changer radicalement notre modèle alimentaire ; la loi Consommation permettra de voir si mes propositions sur l'obsolescence programmée visant à sortir de la civilisation du gâchis rencontrent un écho. Mais à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a refusé d'augmenter les délais de garantie des biens de consommation afin de ne pas entraver la compétitivité des industriels... Les Français apprécieront.
Il est inconcevable que les budgets à venir restreignent les maigres crédits du budget de l'écologie et ne mettent pas en place une fiscalité écologique. Je ne voterai pas, je l'ai dit, de budget de l'écologie en baisse.
Telles sont les orientations qui sont les nôtres. Rendez-vous nous est donné pour l'automne. J'espère que nous pourrons alors défendre ensemble les mêmes ambitions ; sinon, nous prendrons d'autres dispositions.
M. Jean Arthuis . - Ce débat est notre rendez-vous de prospection, le moment où les propositions de réforme et d'arbitrage doivent être confrontées.
Le contexte n'a jamais été aussi difficile. D'ores et déjà, on sait que nos déficits dérivent et la charge de la dette, en dépit de taux historiquement bas, est supérieure à la première mission du budget, l'enseignement scolaire.
Peut-être l'Europe est-elle responsable de certaines de nos transgressions. Sans l'euro, nous ne nous serions pas autorisés de tels déficits. Nous avons tous contribué à transformer le pacte de solidarité et de croissance en pacte des menteurs et des tricheurs ; il a fallu la crise des dettes souveraines, dont la Grèce est le symbole, pour que nous décidions de mettre fin à cette dérive à laquelle nous avons tous contribué.
Sans réformes structurelles profondes et courageuses, pas de retour à l'équilibre. Pour recréer des emplois, il faut renouer avec la compétitivité, et pour désendetter la France, assainir nos comptes publics, deux impératifs indissociables.
Le diagnostic cinglant de Louis Gallois est sans appel. Il préconise un choc de compétitivité. Si la période étudiée avait été supérieure à dix ans, sans doute aurait-il eu un regard critique sur les 35 heures. C'est en France que les marges des entreprises sont les plus faibles. Leur premier problème, c'est la rentabilité ; nous devons donc cesser de financer notre protection sociale par des impôts sur les salaires, qui favorisent les délocalisations.
Je salue la création du CICE à 20 milliards, mais il faut aller au moins à 50. La gauche reconnaît, pour la première fois, que l'augmentation des charges sociales est excessive et que l'augmentation de la TVA n'est plus un tabou. Mais de grâce, allons au bout du chemin, renversons enfin la table et donnons-nous les moyens de rétablir la compétitivité.
Pour assainir les finances publiques, il faut sécuriser les recettes, mais aussi réduire les dépenses.
Pour les recettes, vous avez renoncé au matraquage fiscal : il faut simplifier la fiscalité et supprimer les kyrielles de niches. L'impôt doit cesser de taxer la production pour imposer les produits, via la TVA, que vous appellerez comme vous voudrez si vous ne voulez pas l'appeler sociale.
Nous avons besoin d'une fiscalité lisible, claire, prévisible. Or, en un an, vous avez multiplié les signaux contradictoires, notamment sur l'imposition des plus-values immobilières.
Pour les dépenses, il faut sortir de la logique primaire du rabot, qui a montré ses limites ; c'est une réforme structurelle qu'il faut engager. Tous les acteurs publics doivent être mobilisés. L'Union européenne a décidé de porter la durée du travail de ses fonctionnaires de 37 heures et demie à 40 heures : inspirons-nous d'elle. Il n'était pas question, au départ, d'étendre les 35 heures à la sphère publique ; il en coûte 20 milliards chaque année.
En matière de dépenses sociales, je crains, pour les retraites, que l'on n'aille encore d'atermoiement en hésitation.
Les normes, trop nombreuses, sont des activateurs de dépense publique et des freins à la compétitivité. Combien de projets retardés à cause d'elles !
Pour construire des bâtiments d'élevage, il faut cinq à six ans en France, contre quelques mois en Allemagne. Et je ne parle pas de l'archéologie préventive... Quant aux administrations centrales, elles sont le repaire de rédacteurs de normes tatillonnes.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Avec tout ce qui n'allait pas, heureusement qu'on a changé de Gouvernement !
M. Jean Arthuis. - Vous n'en êtes qu'aux annonces...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Profitez-en !
M. Jean Arthuis. - Les collectivités territoriales sont prêtes à assumer leurs responsabilités. La raréfaction de leurs moyens sera sans doute une efficace incitation à la réforme.
La Cour des comptes nous appelle à nos devoirs. Nous savons ce qu'il faut faire mais nous ajournons sans cesse.
La lucidité sans le courage ne sert à rien : osons les vraies réformes. (M. Francis Delattre applaudit)
M. Philippe Dallier . - Nous abordons ce débat un jeudi soir, à une heure tardive. Je doute qu'à la fin de nos échanges, nous serons mieux informés tant le Gouvernement multiplie les annonces en reportant leur financement à plus tard : 10 000 postes dans l'éducation nationale qui s'ajoutent aux 60 000 promis, 2 000 postes promis à Pôle emploi, 100 000 nouvelles places de crèche...et la liste n'est pas exhaustive !
Nous attendions une loi de finances rectificative. Comment parler de 2014 alors que la plus grande incertitude règne sur l'exercice 2013 ? Tirer les conséquences des variations de la conjoncture n'est jamais agréable mais c'est une question de sincérité, de transparence et de prudence dans la gestion.
Les recettes seront très inférieures aux prévisions, en raison de prévisions de croissance trop optimistes. Votre argument, qui fait appel au programme de stabilité, ne vaut pas. Si le déficit y a été revu à la hausse de 7 milliards, ce sont près de 10 milliards qui pourraient manquer du fait que les recettes fiscales tardent à rentrer, qu'il s'agisse de la TVA, de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu.
Votre bataille de chiffres à l'Assemblée nationale, avec Gilles Carrez, laisse craindre de mauvaises surprises. Le gel programmé sera insuffisant. Nous ne pouvons nous contenter de vos déclarations de bonne tenue des dépenses et demandons une loi de finances rectificative.
Pourquoi avoir supprimé la RGPP pour y substituer une MAP balbutiante ? Nous y aurions gagné au moins deux ans dans la maîtrise de la dépense. Nous attendons un calendrier précis de votre politique de modernisation de l'action publique.
Le Parlement est dans son rôle quand il vous demande des chiffres actualisés pour exercer ses prérogatives. Nous n'avons pas eu de vote pour le programme de stabilité ni pour le débat d'orientation : c'est bien pourquoi nous voulons une loi de finances rectificative.
Vous justifiez votre refus par deux arguments : laisser jouer les stabilisateurs budgétaires et ne pas recourir à l'impôt. Ce n'est pas votre « surgel » qui fera une politique. Ce n'est qu'un pis-aller qui marque que vous tergiversez. Pour faire revenir la croissance, il faut s'en donner les moyens.
Jusqu'à présent, vous avez privilégié la hausse des impôts. Les entreprises et les particuliers ne supportent plus votre matraquage fiscal. Vous prétendez qu'ils n'augmenteront plus : et la hausse de la TVA ? Et la baisse du quotient familial ? Et la hausse des cotisations Agirc-Arco ? Et la hausse de 10 % de l'écotaxe ?
La situation économique de la France appelle des ajustements d'urgence. Les autorités européennes demandent une exécution budgétaire rigoureuse et des ajustements structurels sur la dépense, qui n'ont pas encore eu lieu.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - C'est faux !
M. Philippe Dallier. - Ce n'est pas moi qui le dit mais l'Europe !
La Cour des comptes ne dit d'ailleurs pas autre chose, estimant que des mesures fortes portant sur la dépense publique doivent être prises.
Et que dire des déclarations de certains ministres qui ont contraint le président de la République à rassurer nos partenaires en leur expliquant qu'en France, un ministre peut dire n'importe quoi, pour peu qu'il appartienne à un courant du PS assez puissant mais finalement, que tout cela n'est pas bien grave... Tout cela ne sert pas la France. De grâce, arrêtons les guerres picrocholines avec les instances européennes ! La France doit tenir ses engagements et nous ne défendrons notre souveraineté qu'en réduisant notre déficit et notre dette publique.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Et voilà !
M. Philippe Dallier. - Inspirons-nous de l'Allemagne, où les objectifs sont partagés et ne sont pas remis en cause à chaque changement de majorité.
Il faut engager les réformes sans tarder et cesser de laisser croire aux Français que tous les outils seraient déjà dans la boîte. Le CICE est loin d'être le nec plus ultra. Effet d'aubaine, faible ciblage sur l'industrie, complexité ; vous donnez d'une main ce que vous reprenez de l'autre. Quant à l'ANI, il ne constitue pas une véritable politique de flexisécurité.
La situation n'est pas bonne et vous ne donnez guère de raisons d'espérer. Vous avez d'abord sous-estimé la gravité de la crise : le président de la République l'a avoué à la télévision ; vous avez ensuite argué de l'héritage. Entre 2002 et 2012, la dette et les déficits auraient flambé.
Mme Michèle André. - C'est vrai !
M. Michel Berson. - Eh oui !
M. Philippe Dallier. - Mais en 2002, le déficit était de 50 milliards ; en 2007, de 37 milliards. Et vous oubliez la crise, inouïe, qui a fait s'effondrer de 25 % les recettes de l'État.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Eh oui !
M. Philippe Dallier. - Nous avons essayé de faire face en soutenant la relance ; à l'époque, vous nous reprochiez de ne pas en faire assez ! A vous de prendre la relève : nous vous jugerons sur les résultats. (« Très bien ! » à droite)
La Cour des comptes l'a dit : nous sommes entrés, en 2011, sur une trajectoire de redressement. Ce qui explique que vous vous appropriez certaines initiatives lancées par le précédent gouvernement, comme le MES, que vous n'aviez pas voté, ou la TTF, que vous n'avez fait que mener à son terme.
Nous attendons, monsieur le ministre, des informations concrètes sur la manière dont vous allez utiliser les deux années de sursis que vous a données Bruxelles. Deux ans, c'est court et la confiance des marchés financiers pourraient se retourner face à l'« insoutenable légèreté de la dette » dont parlait Philippe Marini dans un célèbre rapport. On sait ce qui se passerait en cas d'augmentation du coût des emprunts. Ce qui se passe au Portugal est un signal d'alerte de plus. (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, approuve) Il faut agir avec détermination. Sur tous ces sujets, nous souhaitons vous entendre. (Applaudissements à droite)
Mme Michèle André . - En 2013, ce débat s'inscrit pour la troisième fois dans le cadre du semestre européen, dans un contexte d'extrême fragilité de nos finances publiques, après dix ans de gestion qui ont mis la France en difficulté, à force de cadeaux fiscaux, de casse de l'État providence -quand on veut noyer son chien...
M. Francis Delattre. - Pauvre bête !
Mme Michèle André. - Nous, socialistes, sommes pour la République sociale de 1946, un État protecteur. L'État providence n'est passé de mode que dans la tête des idéologues. Mais les travailleurs pauvres, les pauvres sans travail, de plus en plus nombreux dans nos rues, nous empêchent de trouver normal que l'on parle d'assistanat, de coût du travail -quand on ne parle jamais du coût du capital, de la rentabilité à deux chiffres qui donne des avantages indécents.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Prenez tout !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Pourquoi pas ?
Mme Michèle André. - Il a fallu emprunter pour compenser les allégements d'impôt dont ont bénéficié certains.
En 2012, la gauche, arrivée dans une conjoncture terriblement dégradée, a procédé d'emblée à un ajustement structurel courageux, qui n'avait jamais été entrepris depuis le milieu des années 1990. Les dépenses de l'État ont connu une baisse historique de 300 millions.
Le programme de stabilité prévoit une reprise graduelle de l'activité en France au long de l'année 2013. Comme le rapporteur général, je pense que la confiance est un privilège que nous sommes quelques-uns à partager.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Merci !
Mme Michèle André. - S'il la prévoit, c'est que les instances européennes saluent les mesures engagées par le Gouvernement.
L'effort sur les dépenses est engagé. Il se poursuivra sur la période, grâce à une baisse des dépenses, hors dette et pension, inédite.
Nous n'avons pas de leçon de gestion économe à recevoir de la précédente majorité : on a rappelé les chiffres. Le déficit actuel est de la moitié de celui que l'on a connu sur la période précédente. Et nous finançons nos priorités : embauches à l'éducation nationale et à Pôle emploi, tandis que d'autres secteurs perdront des fonctionnaires -c'est une chose dont on ne peut jamais se réjouir car moins de fonctionnaires, c'est parfois moins de services.
Ce gouvernement met en oeuvre des réformes de long terme sans trahir ses priorités. Ses choix sont cohérents. Le groupe socialiste les soutiendra. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Serge Larcher . - Les perspectives ne sont pas souriantes outre-mer : conditions économiques et sociales dégradées, chômage record. Il faut donc bien calibrer la participation à l'effort de rigueur.
Le 16 juin, notre délégation à l'Outre-mer et la commission de l'économie étaient réunies pour examiner un rapport sur la défiscalisation outre-mer. Or, les dispositifs fiscaux sont incontournables ; si leur réputation est sulfureuse, ils n'avaient fait l'objet d'aucune évaluation. La Cour des comptes propose de les supprimer, sans prendre en compte les drames que cela provoquerait. L'administration fiscale estime que leur montant est trop élevé, 1 milliard, mais d'autres dépenses sont bien plus coûteuses. L'outre-mer a déjà beaucoup contribué à la réduction des niches avec les fameux coups de rabot.
Il est impératif de stopper cette hémorragie, pour retrouver une certaine stabilité. Le Premier ministre disait récemment, aux Antilles, qu'il fallait de la clarté et de la visibilité. Je m'en félicite. Il a indiqué qu'un nouveau crédit d'impôt serait proposé, sans en dire plus. Il ne faudrait pas que des mesures d'économie créent une onde de choc destructrice.
Conformément aux propositions de notre rapport, il faut agir pour éviter la chute de la collecte constatée l'année dernière.
Le développement économique et social de l'outre-mer serait-il moins important que la protection du patrimoine architectural au titre du dispositif Malraux ?
Nous devons pouvoir accéder au crédit bancaire, clé de la croissance. Certes, des contrôles et des sanctions sont nécessaires. Il serait pertinent de déconcentrer la procédure et d'en faire bénéficier les collectivités outre-mer.
En ce qui concerne le logement social, les dispositifs de défiscalisation prévus dans la Lodeom sont les bienvenus. Notre groupe de travail a suggéré des pistes pour diminuer le coût du montage des dossiers et proposé une expérimentation de prêts bonifiés servis par la Caisse des dépôts.
Le premier ministre a évoqué l'expérimentation d'un crédit d'impôt : il n'évitera pas les frais d'intermédiation et suppose l'accès à un préfinancement.
Enfin, ce crédit d'impôt ne peut bénéficier aux collectivités disposant de l'autonomie fiscale. Prenons garde à éviter toute déstabilisation de leur économie.
Les annonces du premier ministre ont suscité l'espoir, après la mort annoncée de la défiscalisation. Je souhaite que tous ces dispositifs soient adoptés aux spécificités ultramarines, en se conformant aux exigences de progressivité, lisibilité et stabilité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Georges Patient . - On ne cesse de voir dénoncer, de rapports en déclarations, les dispositifs de défiscalisation outre-mer. La Cour des comptes parle d'avantages fiscaux excessifs, de générosité fiscale exorbitante. Je m'élève contre cette simplification, condescendante et dédaigneuse des réalités de l'outre-mer. Le document de politique transversale pour l'outre-mer pour 2013 fait apparaître un recul de 1 %. Les outre-mer représentent 4,5 % de la population française, et la même proportion des dépenses du budget général.
Le niveau moyen des DTOM en 2010 est proche de la France métropolitaine des années 90, soit un vingtaine d'années de retard !
Les outre-mer, ce sont des écarts de revenu par habitant considérables par rapport à la métropole. Ce sont des taux de chômage très élevés. L'outre-mer nécessite une attention particulière parce qu'il y a une réelle urgence sociale dans ces territoires. Prenons-y garde : le feu de 2009 ne s'est pas éteint.
Je salue la préservation des crédits de la mission outre-mer, et même leur augmentation de 1 %.
Sur l'implantation de la BPI, le Premier ministre nous a rassurés en affirmant que l'ensemble de ses produits seront disponibles outre-mer.
Il est difficile d'apprécier globalement l'effort du budget de l'État en faveur de l'outre-mer car la mission outre-mer ne regroupe pas tous les programmes. J'espère que les crédits des autres ministères évolueront de la même façon que ceux de l'outre-mer car les besoins sont criants dans tous les domaines. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Berson . - Ce débat s'inscrit dans un contexte européen nouveau. Les nouvelles règles européennes étaient nécessaires, répondant à une crise sans précédent depuis 1919, que nous n'ignorons pas, monsieur Dallier.
M. Philippe Dallier. - Nous voilà rassurés.
M. Michel Berson. - Elles nous imposent une discipline budgétaire renforcée. La création d'un Haut conseil des finances publiques constitue une contrainte supplémentaire pour l'élaboration du budget, dans un contexte de fragilité des finances publiques
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Tout à fait !
M. Michel Berson. - Le contexte national, lui aussi, est nouveau, marqué par le sérieux budgétaire qui donnera lieu à un effort historique pour 2014. Il n'était plus possible de laisser le déficit structurel du pays à 5,1 % du PIB en 2011. Le Gouvernement et sa majorité l'ont ramené au niveau de 2007. On nous reproche d'invoquer l'héritage.
Mme Michèle André. - Il faut le faire.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ne vous en privez pas si cela vous fait plaisir.
M. Michel Berson. - Mais ce qui n'a pas été fait hier doit être fait aujourd'hui. L'exercice budgétaire mobilise efficacement la dépense publique, pour que le pays retrouve compétitivité et croissance.
Les priorités du Gouvernement sont claires : emploi, éducation, logement, justice et sécurité.
Le CICE sera généralisé et portera pleinement ses fruits en 2014. La création de la BPI est un signal fort vers les entreprises et l'emploi.
Sur la recherche, l'augmentation de la dépense publique peut être regardée comme un objectif en soi, selon la rue Cambon. En effet, 80 % des emplois sont créés dans les secteurs d'innovation technologiques. Le crédit d'impôt recherche est l'une des premières dépenses fiscales de l'État. Son montant devrait se stabiliser à 6 milliards en 2014, après un triplement en sept ans. Un plafonnement à 5 milliards dégagerait 1 milliard utile pour réduire le déficit budgétaire et pourrait être redéployé en faveur des grands organismes et des universités. (M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, applaudit)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances . - Faut-il que je revienne sur les raisons pour lesquelles on devrait faire une loi de finances rectificative, que j'explique pourquoi l'effort affiché en faveur de la maîtrise des finances publiques relève de la mise en scène et du discours convenu ? Philippe Dallier s'en est excellemment chargé.
Je me placerai dans une perspective plus large. La gestion des finances publiques est caractérisée par des signaux contradictoires et révèle une réelle absence de stratégie économique.
Le bas niveau des taux d'intérêt nous avantage. Mais les marchés sont volatils. Nous ne sommes à l'abri de rien.
La France, nous l'espérons, est susceptible de s'engager dans la voie des réformes structurelles. Mais le Gouvernement donne l'impression de subir ces réformes. Certes l'ANI flexibilise un peu le marché du travail mais la contrepartie n'a-t-elle pas été la création de cotisations supplémentaires qui vont handicaper notre compétitivité ? Pour diminuer le coût du travail, avec le CICE, on a eu recours à des mécanismes très compliquée, à tel point que beaucoup de PME hésitent à entrer dans ce dispositif. Le Gouvernement qui, par le crédit d'impôt, a primé les entreprises non délocalisables, comme les entreprises de l'audiovisuel public ou La Poste, revient sur ces avantages. De même pour les cliniques privées. Ce n'est donc pas la panacée qu'on nous a présentée !
Lorsque la Commission européenne nous demande de nous engager plus franchement dans la voie des réformes structurelles, le Gouvernement, pourtant favorable à un gouvernement économique européen, proteste contre « l'ingérence de Bruxelles ». Nous sommes toujours dans le jeu de rôle ! Pendant ce temps, la situation relative à la France en Europe se dégrade. Pendant ce temps, l'Espagne, au prix d'efforts douloureux, retrouve une part de sa compétitivité et la France se raccroche à des mesures sans impact macro-économique véritable. Ne serait-elle pas coincée entre l'Allemagne et les pays du sud ? Le Gouvernement invoque les effets bénéfiques d'une MAP que rien de précis ne caractérise à ce jour, tout en affirmant qu'elle n'a rien à voir avec la RGPP. Comment éviter de dérouter les agents publics sans objectifs chiffrés ?
Combien de temps pourra-t-on à ce point assurer tant de contradictions en matière fiscale ? L'augmentation des impôts sur le patrimoine fait payer les riches, certes, mais alimente aussi les délocalisation de patrimoine. Les investisseurs en entreprises sont fiscalisés à des taux élevés. N'en retrouve-t-on pas parmi les 8 000 foyers qui ont vu, en 2012, leur imposition dépasser leur revenu fiscal de 2011 ?
Vous avez renforcé la taxation des actions, alors que l'on veut inciter à la détention longue d'actions et que les règles comptables internationales incitent les entreprises à se financer davantage par fonds propres. Où sont les investisseurs, monsieur le ministre ? A l'étranger ? L'absurdité économique de la mise au barème des revenus du patrimoine, avec les aller-retour invraisemblables applicables aux « pigeons », montre une illisibilité, une incohérence, une absence de stratégie fiscale.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales . - Si le débat parlementaire doit avoir lieu, il ne doit pas nuire aux conditions de travail du personnel... Ce débat se déroule dans un contexte particulièrement difficile, le chômage atteignant un niveau inégalé. Cela pèse sur les comptes sociaux, qui représentent la moitié des finances publiques. Notre rapporteur, M. Daudigny, a retracé l'évolution des finances sociales. Pour la première fois, leur déficit est repassé sous la barre des 20 milliards d'euros, grâce aux recettes fiscales nouvelles ajoutées en loi de finances rectificative et à la sous-revalorisation des prestations familiales en 2012. La très faible évolution de la masse salariale résulte de la situation de l'emploi et des plans sociaux.
Certes, l'Europe a reporté à 2015 l'exigence du retour aux 3 % de déficit. Mais l'effort structurel de l'an prochain devra atteindre un point de PIB, soit 20 milliards d'euros. Le Gouvernement souhaite porter cet effort à 70 % pour les finances publiques. Je m'interroge sur l'impact sur l'activité et la protection sociale.
Réduire les dépenses publiques, c'est bien, mais trouver des recettes nouvelles ne l'est pas moins. Quid des recettes des administrations de sécurité sociale ? Qui, du Parlement, de la Cour des comptes ou de la Commission européenne, décidera du vote de notre budget ?
La politique familiale entre dans ce schéma de réduction pour 1 milliard d'euros. Il est abusif de parler de déficit de la branche famille parce que c'est le précédent gouvernement qui a privé la branche famille de ses recettes les plus solides. Le Gouvernement maintient l'universalité des allocations familiales mais je regrette les mesures qui alourdiront les charges des familles et créent une nouvelle tuyauterie qui affecte le financement de la banche famille.
Je ne veux pas anticiper sur le débat annoncé cet automne sur les retraites. Je déplore la sous-indexation des retraites complémentaires. Réduire le pouvoir d'achat des retraités n'est pas le meilleur gage de l'amélioration de nos finances publiques.
Le Gouvernement évoque une nouvelle réduction du taux d'évolution de l'Ondam. Nos concitoyens vont être conduits à renoncer à certains soins, je pense en particulier aux étudiants.
J'ai rencontré cet après-midi une délégation de salariés de l'Hôtel-Dieu : ils protestent contre les décisions financières qui poussent à la fermeture de cet établissement et dénoncent un risque de privatisation de notre système de santé publique.
Au chapitre des recettes, je préfèrerais une action plus résolue pour réduire les niches sociales. J'éprouve une certaine déception à l'égard du récent rapport du Haut conseil de financement de la protection sociale, qui est bien timide sur le sujet comme sur la contribution des revenus du patrimoine. Il est nécessaire que l'objectif d'équilibre des comptes soit associé à des financements qui garantissent des ressources suffisantes au regard des besoins de la population.
Je donne acte au Gouvernement de sa volonté de résorber les déficits sociaux afin de ne pas mettre en péril, à force de fragilisation, la pérennité de notre système de protection sociale, fondé sur la solidarité entre générations, entre malades et bien portants, entre chargés de famille et non chargés de famille, un système qui tend à réduire les inégalités et à faire avancer du même pas la société. N'oublions pas que les dépenses de protection sociale génèrent un tiers de la richesse du pays. (M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances, applaudit)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué . - Je remercie tous les orateurs de leurs contributions au débat. J'entends dire que le Gouvernement ne se soucie pas de compétitivité, raison pour laquelle la croissance ne revient pas... Nous avons agi à la suite de la publication du rapport Gallois, dont on disait que le Gouvernement n'en tiendrait pas compte avant de critiquer par avance le fait qu'il en retienne la mesure principale, le CICE.
La compétitivité s'est dégradée depuis 2002, date à laquelle notre balance commerciale était équilibrée, quand son déficit est aujourd'hui de 75 milliards. Qu'avez-vous fait pendant dix ans pour la compétitivité ? Vous avez décrété à quelques encablures des élections présidentielles qu'il fallait agir dans l'urgence, faire en quelques jours ce qui n'avait pas été fait en dix ans : la TVA sociale. Une mesure tellement urgente que vous en aviez différé la mise en oeuvre à octobre 2012... J'ai du mal à accéder à la pertinence du raisonnement...
Nous avons choisi, nous, un allégement de charges nettes. La TVA sociale faisait payer aux consommateurs l'allégement de charges offert aux entreprises. Mais comme la baisse de cotisations allait faire croître les bénéfices de ces mêmes entreprises, donc l'assiette de l'impôt sur les sociétés, on récupérait par ce biais une partie de l'avantage consenti. Si nous n'avons pas fait ce choix, c'est aussi qu'il n'était pas possible pour nous de faire payer aux consommateurs une partie des allégements -les entreprises ont besoin de consommateurs... Le CICE n'a rien d'une mesure idéologique.
Cela ne suffit pas ? Certes. Il y a aussi l'accord national interprofessionnel, qui est gagnant-gagnant, sécurise les parcours professionnels et apporte plus de souplesse dans le marché du travail. Avons-nous eu tort de faire tout cela ? Vous seriez bien les seuls à le considérer. La Commission européenne a salué nos efforts, que la Cour des comptes et la Haut conseil ont jugés non négligeables.
Sur la cohérence de la politique fiscale, je réponds et à la présidente de la commission des affaires sociales et au président de la commission des finances que la grande réforme fiscale a commencé l'an dernier. L'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail, l'alignement de l'impôt sur les sociétés payé par les grandes entreprises et les PME, la taxe à 75 %...
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Elle n'est pas encore en vigueur !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - ...la réforme de l'ISF, la révision des droits de succession.. Je ne dis pas que le but ultime est atteint, mais tout cela dessine une réforme cohérente, qui n'est certes pas un grand soir fiscal. La dynamique est engagée, la réforme va se poursuivre.
M. Marini a demandé à son tour : où est la cohérence ? Oui, où est la cohérence d'une politique qui a vu un bouclier fiscal, défendu bec et ongles pendant cinq ans, défait en toute fin de législature ?
M. Philippe Dallier. - Bonne question !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Avec l'ISF, on a joué au yoyo jusqu'à s'apercevoir que des contribuables se plaignaient de payer plus de 100 % de leurs revenus en impôts. En réalité, il y a deux catégories de Français, les salariés modestes, qui ne décident pas des revenus qu'ils perçoivent, et d'autres qui décident de leurs revenus parce qu'ils recourent à l'optimisation fiscale -pour ne pas payer l'ISF, ils décident de ne pas percevoir des dividendes ou des revenus de placement. Cela n'avait pas échappé à M. Juppé qui avait mis en place un plafonnement du plafonnement. Si vous trouvez cela injuste, c'est que vous êtes plus à droite que vos prédécesseurs...
Y a-t-il une cohérence entre le sérieux budgétaire et la justice sociale ? Entre le sérieux budgétaire et la volonté de relancer la croissance ? Peut-on mener une politique rigoureuse qui ne soit pas austéritaire ? Le sérieux budgétaire est le moyen de faire monter en gamme le service public et d'assurer la préservation de notre système de protection sociale.
Si la politique familiale est en déficit, ce n'est pas un hasard : le déficit a été organisé par les mesures qu'a évoquées la présidente David. Nous prenons des mesures, comme la réduction du quotient familial, sans remettre en cause l'universalité des prestations. Et nous faisons 760 millions d'économies sur la branche. Pourquoi ? Parce que les structures familiales ont changé. De jeunes mères qui travaillent ont besoin de services de garde : nous entendons créer 270 000 places d'accueil, là où la précédente majorité en avait supprimé 55 000 en réduisant la scolarisation des mois de 2 ans. Il faut financer ces services nouveaux. Nous le faisons en abandonnant des prestations, en les modulant ou en les remettant en perspective, comme pour le congé de fin d'activité ou la prestation d'accueil du jeune enfant. Le sérieux budgétaire est au service d'une ambition sociale.
Quand, sur les retraites, on a près de 20 milliards d'impasse à l'horizon 2020, il faut trouver des solutions. Et il n'y a pas 36 000 chemins, étant entendu que nous ne voulons pas mettre en cause l'âge légal de départ à la retraite. Les solutions doivent être trouvées dans la concertation, avec à l'esprit un idéal de justice qui n'est pas antinomique avec le rétablissement des comptes publics.
Un mot, enfin, sur la MAP. La RGPP, ce sont 12 milliards d'euros d'économies nettes sur cinq ans, avec des suppressions massives d'emplois sur le fondement d'une logique de rabot ; on eût mieux fait d'utiliser un autre outil, le niveau... Sur ces 12 milliards, 1,9 a été restitué sous forme d'avantages catégoriels pour contenir le mécontentement. Economie nette, 2 milliards par an. Et la RGPP serait l'alpha et l'oméga de la bonne gestion publique ? Tandis que lorsque nous faisons 14 milliards d'économies à l'horizon 2014, soit sept fois plus, vous nous accusez de gabegie ! Je ne suis pas sectaire ; essayons d'avoir, ensemble, une approche convenable. Il n'y a pas eu que du mauvais dans la RGPP et il y a, dans la MAP, des choses qui méritent d'être approfondies. Mais soyons du moins honnêtes sur les chiffres, d'autant qu'ils nous sont livrés par la Cour des comptes, de sorte de hisser notre réflexion collective. D'ici l'automne, nous aurons tous les chiffres, des évaluations plus précises ; nous aurons alors mille choses à nous dire... (Applaudissements sur les bancs socialistes)