Régulation des activités bancaires (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de séparation et de régulation des activités bancaires.
Discussion générale
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je veux dire ici ma fierté du travail accompli sur ce texte qui va redessiner le paysage bancaire afin qu'il soit plus stable et plus éthique, au service de la croissance, et qui va mettre la finance à sa juste place. Fierté sur la forme, aussi, car Gouvernement et Parlement ont fait oeuvre de coproduction, dans une écoute réciproque remarquable. Fierté sur la méthode, enfin, car à chaque étape, j'ai voulu faire le lien avec les avancées européennes alors que les lignes bougent considérablement -je pense au secret bancaire-, souvent sous impulsion française.
Quels sont les axes structurants de cette réforme ? La stabilité financière, d'abord, soit la maîtrise des risques financiers, via la séparation des activités spéculatives pour compte propre des banques. Ce sont des activités qui ont concentré le plus gros des pertes pendant la crise. Le cantonnement protègera et les banques et leurs clients. Autre axe clé, la prévention et le contrôle des risques systémiques, avec le renforcement de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l'obligation pour chaque établissement de se doter d'un testament bancaire, la création du Haut conseil de stabilité financière, chargé de la prévention et de la surveillance des risques systémiques. L'ACPR pourra enfin interdire à l'établissement de poursuivre une action jugée risquée.
Deuxième volet, le soutien à la croissance. Le secteur bancaire joue un rôle décisif de financement de l'économie et d'appui à la consommation des ménages. Il doit le jouer mieux pour que les entreprises trouvent les financements dont elles ont besoin. C'est pourquoi nous avons choisi de préserver le modèle français de banque universelle.
Dernier volet, la justice. Les dettes d'une banque doivent porter sur les actionnaires plutôt que sur les clients et la collectivité...
M. Yannick Vaugrenard. - Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre. - ...selon le principe « qui faute paie ». (M. Daniel Raoul applaudit)
Un conseil Ecofin spécial viendra, car nous n'avons pu trouver un accord sur ce point, afin que l'Union bancaire progresse. L'Eurogroupe a défini, la semaine dernière, les grandes lignes de l'intervention du mécanisme de stabilité ; reste à définir celles de la résolution. Sur la contribution des déposants, il nous reste du chemin à faire.
La banque de détail est cruciale dans la vie quotidienne. D'où l'introduction de dispositions protégeant le droit au compte ou sur les frais d'intervention -objets d'une divergence entre les deux chambres : pour moi, la gestion du double plafond, je l'ai dit à l'Assemblée nationale, est préférable au plafond unique. Les députés ne m'ont pas suivi. Ce qui compte, c'est que la CMP puisse parvenir au meilleur accord. Je compte sur votre capacité de persuasion.
La justice, c'est aussi lutter contre ce qui sape l'équité de la participation de chacun au regard au redressement budgétaire.
Je pense au blanchiment et à la fraude, qui doivent être combattus avec détermination, à l'échelle nationale, européenne et internationale.
L'Assemblée nationale a très largement confirmé vos travaux en première lecture : cantonnement, résolution, trading à haute fréquence, dérivés de matières premières agricoles -sujet qu'elle a précisé.
Elle a pris en compte les progrès européens enregistrés depuis la première lecture. La France n'est pas un isolat ; j'ai poussé au maximum nos vues à Bruxelles, avec succès pour la transparence pays par pays. Le conseil Ecofin du 24 mai s'en est inspiré.
Autres avancées, les bonus des dirigeants des banques et des traders. La directive CRD4 introduit un plafonnement, comme vous le souhaitiez.
M. François Marc. - Excellent !
M. Pierre Moscovici, ministre. - J'ai demandé sa transposition en droit français pour moraliser la situation. Le Sénat avait d'ailleurs ouvert la voie, avec le say on pay.
Sur la fraude fiscale internationale, une vague s'est levée auG20, au G8. La France a été le fer de lance pour faire refluer une anomalie. Nous avançons vers un FATCA européen et l'échange automatique d'informations. C'est le moyen d'ébranler le secret bancaire. J'ai proposé à l'Assemblée nationale d'inclure un dispositif permettant l'application automatique des accords d'échange d'informations. J'ai voulu que la France soit précurseur mais non pas qu'elle se désarme unilatéralement, ce qui fragiliserait notre système bancaire.
J'ai également voulu voir appliquer le principe de transparence aux grandes entreprises. Le seuil sera défini par décret. Mais, en raison du même principe, l'extension sera concomitante à celle de la règle au niveau européen.
La cohérence du texte est ainsi préservée. Il n'y a pas lieu de pousser de nouveaux feux. Je proposerai seulement un amendement à l'article 14, pour en étendre le dispositif au secteur des assurances, avec lequel nous avons eu un débat nourri.
Ce texte est le fruit de l'implication résolue du Parlement sur ce projet. Sur ses points clé, le Parlement a su l'enrichir ; sur ceux qui n'étaient pas initialement prévus, la discussion a été ouverte et fructueuse -elle conforte nos positions à l'échelle européenne et internationale.
Grâce aux progrès des débats européens, la lecture à l'Assemblée nationale a permis de belles avancées. Le Sénat a apporté une contribution importante, prolongée à l'Assemblée nationale. En première lecture, vous aviez adopté sans opposition ce texte précurseur, d'intérêt général. Par souci de cohérence, je souhaite que vous marquiez à nouveau votre soutien à ce projet qui fait de la France un leader en Europe. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances . - La deuxième lecture à l'Assemblée nationale fut riche en débats, après une première lecture au Sénat où ce texte fut adopté sans opposition.
Seuls 35 articles restent en discussion, les divergences entre nos deux assemblées sont minimes et la CMP devrait aboutir. Merci au ministre et à son cabinet pour le travail coopératif que nous avons mené.
Les deux titres les plus emblématiques ont été adoptés. D'abord la séparation des activités spéculatives pour compte propre dans des filiales capitalisées sur des bases différentes, qui pourront mourir sans intervention de la maison mère ou du contribuable. Plus de coup de téléphone au directeur de la banque de France le vendredi soir avec menace de mettre la clé sous la porte... La maison mère pourra se consacrer pleinement à ses activités bancaires. M. Draghi, que nous avons rencontré ce matin, a déploré avec nous que les banques ne prêtent plus aux PME. Il s'agit d'y remédier.
Ensuite, les instruments sont là, désormais, pour faire face aux faillites bancaires sans faire appel au contribuable. J'ajoute que la réglementation européenne qui se met en place s'inspire de nos dispositions.
L'Assemblée nationale a complété notre travail. Le Sénat avait adopté des amendements visant à lutter contre le blanchiment et les paradis fiscaux. A l'article 4 bis, nous avions obligé les banques à publier des données, pays par pays, sur leur implantation à l'étranger. La directive CRD4 impose la même obligation. Tous les pays européens sont donc sur un pied d'égalité. L'Assemblée nationale a voulu soumettre les grandes entreprises à la même obligation, qui deviendra bientôt européenne. Elle a également donné un support juridique à l'échange d'informations à visée fiscale.
A l'article 4 quinquies B, relatif aux rémunérations des actionnaires, introduit à notre initiative, elle a voulu que la consultation de l'assemblée générale porte sur l'enveloppe globale versée durant l'exercice écoulé. Nous aurons d'autres discussions sur la question. Ne vaudrait-il pas mieux que ce débat de l'assemblée générale ait lieu non pas ex post mais ex ante ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Cela vaudrait mieux.
M. Richard Yung, rapporteur. - ...comme vient de le décider l'Allemagne, qui n'est pas en proie à un bolchevisme échevelé.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est le régime américain.
M. Richard Yung, rapporteur. - Le comité des rémunérations devra mener une revue annuelle sur les rémunérations de tous les preneurs de risques. La rémunération variable, enfin, ne pourra dépasser la rémunération fixe, sauf accord express de l'assemblée générale.
L'Assemblée nationale est revenue sur l'article 14, qui fut ici l'objet de longues discussions. Jusqu'où l'ACPR doit-elle contrôler les administrateurs des organes régionaux des banques mutualistes ? Nous avions prévu qu'une procédure contradictoire devait se mettre en place en cas de divergence avec l'organe central -à l'initiative de M. Caffet. L'Assemblée nationale est revenue au texte initial du Gouvernement. Reste que certaines caisses régionales gèrent 400 milliards, dans un ensemble représentant 2 000 milliards. Il est normal que l'ACPR puisse contrôler la probité des administrateurs.
Demeurent certains points de désaccord. Nous avions supprimé le débat annuel parlementaire sur la liste des paradis fiscaux, prévue à l'article 4 bis A, considérant que le Parlement peut se saisir à tout moment ; les députés l'ont rétabli. Nous nous tiendrons à notre position.
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Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du jeudi 27 juin 2013
Séance publique
A 9 heures 30
1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable. (n°662, 2012-2013)
Rapport de Mmes Odette Herviaux, rapporteure pour le Sénat. (n°661, 2012-2013)
A 15 heures à 15 h 45
2. Questions cribles thématiques sur la situation des caisses d'allocations familiales.
A 16 heures et le soir
3. Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.
4. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la représentation des Français établis hors de France. (n°684, 2012-2013)
Rapport de M. Jean Yves Leconte, fait au nom de la commission des lois. (n°686, 2012 2013)
Résultat des travaux de la commission. (n°687, 2012-2013)