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Table des matières
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois
M. René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable
M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois
Budget européen (Questions cribles)
Mise au point au sujet d'un vote
Action publique territoriale (Suite)
Question prioritaire de constitutionnalité
Action publique territoriale (Suite)
SÉANCE
du jeudi 30 mai 2013
107e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires : M. Alain Dufaut, Mme Catherine Procaccia.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Rappels au Règlement
Mme Catherine Morin-Desailly . - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 28 de notre Règlement et concerne l'organisation de nos travaux. Nous nous apprêtons à débuter l'examen d'un projet de loi important pour nos territoires. Je regrette qu'on le fasse un jeudi, ce qui, après le mariage pour tous, devient une habitude.
En commission des lois, il avait été convenu de renvoyer à d'autres commissions l'examen de certains articles au fond. Mais quand la commission des lois a établi son texte, les autres commissions n'avaient pas encore rendu leur avis. Cet écueil aurait pu être évité par un calendrier adéquat.
La commission des lois a dû travailler jusqu'à 3 heures du matin pour élaborer son texte. Ce ne sont pas de bonnes conditions de travail ; elles ont conduit à siéger en effectif réduit.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Vous n'y étiez pas !
Mme Catherine Morin-Desailly. - Encore une fois, nous nous interrogeons sur le partage de l'ordre du jour entre semaines d'initiative sénatoriale et d'initiative gouvernementale, qui n'est plus respecté : plus personne n'y comprend rien.
Je regrette que ce texte ait été scindé en trois. Un texte unique aurait certes été lourd, mais il aurait donné une vision d'ensemble. Nous faisions la même observation en 2010. On va examiner la question des métropoles en faisant abstraction des territoires ruraux. Pourtant, l'un et l'autre sont complémentaires. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. Jacques Mézard . - L'application de l'article 40 est un problème récurrent. Que ce soit sur le texte relatif aux binômes ou sur celui-ci, des décisions ont été prises, que nous estimons tous arbitraires, quand ce n'est pas incompréhensibles au regard de l'importance de ce texte. Certaines ont sans doute été prises trop rapidement. Je veux bien que le calendrier rende les choses difficiles, mais le doute doit bénéficier à celui qui dépose l'amendement. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Roger Karoutchi. - C'est juste.
M. le président. - Le président de la commission des finances prépare un recueil de précédents des applications de l'article 40, qui vous sera communiqué. Nous aborderons le sujet en Conférence des présidents.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce n'est pas son recueil qui nous intéresse, mais la façon de l'appliquer.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois . - Je suis en total accord avec M. Mézard. À l'initiative de M. Collombat, nous avons décidé, à l'unanimité de la commission des lois, de rencontrer, chaque groupe étant représenté, le président de la commission des finances, pour lui soumettre quelques exemples concrets. Quand l'article 40 est invoqué, il n'y a pas de recours possible. Il faudra donc trouver des solutions.
À Mme Morin-Desailly je veux dire que nous avons travaillé sur ce texte avec énergie et passion. Nous avons entendu, publiquement, en commission, cinquante élus, et M. Vandierendonck en a entendu une autre cinquantaine. Les rapporteurs pour avis des trois autres commissions ont aussi beaucoup travaillé. Nous avons passé beaucoup de temps sur ces questions passionnantes, et j'en suis heureux. Nous vous proposons des améliorations conséquentes. Le Sénat aura imprimé sa marque à ce texte, parce que nous sommes au contact des élus. Hier soir, nous n'avons travaillé que jusqu'à minuit et demi : vous voyez que la sagesse progresse ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
Action publique territoriale
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
Discussion générale
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - C'est avec d'autant plus de plaisir que je m'adresse à vous qu'à travers vous, je sais que c'est à la France des territoires que je m'adresse, et ainsi à l'ensemble des Français.
Le travail de votre commission des lois a été considérable. Autant je puis regretter que le texte ait été découpé, autant, au vu du temps passé par les sénateurs sur ce premier texte, je mesure qu'il eût été humainement impossible de procéder en une seule fois.
Je veux resituer ce texte dans le cadre des attentes de nos concitoyens. Contrairement à ce qui s'est dit, l'enjeu n'en est pas de donner un champ clos aux rivalités entre associations d'élus. Les compétences locales ne sont pas des trophées et nos débats ne procèdent pas dans le rapport de forces. Il s'agit ici de mobiliser les collectivités territoriales. Les élus sont engagés plus que jamais auprès de chaque Français, chaque entrepreneur, chaque agriculteur, pour que chacun ait ses chances et voie des perspectives de redressement. Parce que la France est en crise, nous avons plus que jamais besoin de ce réseau d'élus locaux. Les discours de défiance à leur endroit sont inacceptables. Le président de la République a voulu les mobiliser face à la gravité de la crise et aux ravages du chômage, dès le début de sa mandature, pour le redressement du pays. Pas de succès, dans la bataille de l'emploi, sans eux.
Ce texte rappelle la nécessité absolue de cette mobilisation, magnifiquement illustrée par les états généraux de la démocratie locale. Chaque territoire de France est facteur de richesses et peut contribuer à la croissance. Aucun ne doit se sentir oublié. Ce serait au prix de la confiance. En 1981, Gaston Defferre disait : « Ouvrons les yeux, regardons autour de nous, en quelques années, tout a changé ! ». Trente ans après, la vie de nos concitoyens a encore changé. Les Français parcourent 50 kilomètres par jour en moyenne pour se rendre à leur travail. Il faut être d'autant plus attentif au transport et au logement. Notre démographie est une des plus dynamiques d'Europe et les femmes sont au travail : il faut les aider dans l'accueil des enfants. Les collectivités sont confrontées au défi du développement. Et le lien social doit être préservé.
Le président l'a dit. Il faut faire prendre de l'avance à la France, et créer, sereinement, un nouveau modèle français.
Depuis trente ans, les collectivités territoriales ont tenu leur rôle et assumé leurs responsabilités. Elles conduisent nombre de réformes avec réactivité, souplesse, adaptation. La décentralisation a d'abord, avec les transferts, engagé beaucoup de constructions d'équipements. Il ne s'agit plus de cela aujourd'hui, ni de transferts de personnel, mais de mettre en cohérence les missions de l'État avec celles des collectivités territoriales, garantir que la réforme avance sur ses deux jambes.
L'action publique est décriée alors qu'elle n'a jamais été aussi utile. C'est un facteur d'attractivité, de compétitivité, autant que de justice.
M. François Marc. - Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Le dialogue entre État et collectivités territoriales doit être plus clair. La question est celle du sens donné à la puissance publique. Il ne s'agit pas de dénoncer des doublons, mais de s'engager dans un partage des rôles, avec un État recentré sur ses missions fondamentales, fort, déterminé, engagé sur le territoire et en Europe.
Nombre de politiques publiques marquantes ont commencé par des expérimentations, chères à Jean-Pierre Raffarin. La qualité de vie doit beaucoup à la clause de compétence générale. Depuis trente ans, l'article 72 de notre Constitution forme, avec le code général des collectivités territoriales, le cadre d'une action plurielle des collectivités territoriales au service de la population. C'est par une action commune avec l'État que nous serons à la hauteur des attentes des Français.
Le Gouvernement a voulu faire le bilan de la décentralisation, et en a tiré des principes, qui président à ce texte. Notre pays, au plan territorial, ne progresse durablement que dans l'équilibre, a dit Edmond Hervé dans le rapport écrit avec Mme Gourault...
M. Jean-Claude Gaudin. - Très bien.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - ... qui porte une analyse pertinente sur le passé. J'ai entendu les doutes qui vous tourmentent, et souhaite y répondre ici, avec Mme Escoffier. Je puis vous assurer qu'il n'y a dans ce texte aucune velléité centralisatrice. Il s'est agi de clarifier et simplifier les compétences, réaffirmer le principe de libre administration des collectivités territoriales et de non-tutelle d'une collectivité sur une autre, dans le respect du principe de subsidiarité et de l'expérimentation. Le rapport sénatorial prône aussi le renforcement du dialogue entre l'État et les collectivités territoriales.
Votre commission des lois a sensiblement modifié l'économie de ce projet de loi. C'est le jeu démocratique. Les conférences des exécutifs ? Nous en avons repris l'idée de votre rapport, avec les conférences territoriales d'action publique. De même, avec le pacte de gouvernance territoriale que nous proposons. Votre président lui-même l'avait évoqué dans la Drôme le 15 septembre dernier, lors d'une réunion publique. Nous vous proposerons donc d'y revenir, par amendement qui ne reprend pas exactement notre texte initial ; j'espère que nous parviendrons à un accord.
Autre proposition que faisait votre délégation : moderniser le département. C'est ainsi que nous lui confions le rôle de chef de file dans les domaines où il est le plus compétent.
Moderniser la fiscalité locale, rechercher de nouvelles ressources, réformer la péréquation tant verticale qu'horizontale. Tout ce travail est engagé, et nous entendons pouvoir avancer dès le projet de loi de finances 2014.
M. François Marc. - Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Vous vouliez aussi valoriser les atouts de la coopération entre collectivités territoriales, renforcer les fonctions de contrôle des chambres régionales des comptes. Nous vous suivrons. Comme sur l'attention à porter aux fonctionnaires, et je déposerai le 13 juillet un texte sur la fonction publique territoriale, qui a un rôle essentiel à jouer aux côtés de nos élus.
Reprendre à notre compte l'initiative parlementaire ? Je vous suis, les deux textes sur l'évaluation des normes et l'exercice des mandats locaux seront inscrits à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 18 juillet. (On s'en félicite sur le banc des commissions)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Excellente nouvelle ! Très bien, monsieur le président du Sénat !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Il l'a annoncé, je le confirme.
L'unité de la République est au coeur de nos préoccupations et ce projet de loi ne la met pas à mal. Mais l'unité n'est pas l'uniformité. Les spécificités des territoires doivent être prises en compte. Alors que la France doit se redresser, il faut tirer parti du dynamisme farouche de nos élus locaux pour trouver des solutions. C'est pourquoi nous confirmons la région dans son rôle économique et de formation professionnelle, où nous la faisons chef de file.
L'école de la République est de grande qualité, mais il est trop fréquent que l'orientation des enfants se fasse en fonction de la géographie plutôt que de leur choix, tant l'éloignement de certaines formations est pénalisant. Nous devons veiller à mettre l'orientation en cohérence avec la carte des formations, afin que chaque jeune ait vraiment droit à son projet personnel. Comme certains quartiers, des communes se sentent abandonnées, éloignées. Ce sentiment d'abandon est inquiétant. Nous y percevons la même demande de service public, de présence de la République. Il faut conjuguer les efforts de tous les échelons de collectivité. La région ne peut se charger de l'aménagement de chaque commune de France ; il faut que le département y mette la main, en liaison avec elle.
Avec un chef de filat récrit, des maires confortés, comment ne pas adhérer aux conférences territoriales de l'action publique ? On ne peut réagir de la même façon sur tous les territoires, marqués par des réalités géographiques et historiques différentes. Il ne s'agit pas d'imposer une organisation des services publics à la carte, mais de prendre en compte cette diversité. Faute de quoi, à chaque changement, à chaque crise, il faudra changer la loi. C'est pourquoi nous permettrons aux élus de s'organiser entre eux quant aux grandes compétences, selon les territoires. Je fais confiance aux élus de France pour trouver des accords, comme cela se fait déjà dans certaines régions. Pacte de gouvernance, pacte de confiance : je souhaite que nous puissions en discuter.
J'en viens aux villes. Il en est, en France, de grandes, qui n'ont cependant pas le monopole de l'action en faveur du redressement, mais la partagent avec chaque territoire de France. Reconnaître les métropoles est important.
L'Île-de-France est une métropole monde. La métropole Grand Paris a besoin de structurer davantage. L'association des élus Paris Métropole a travaillé des mois sur ce sujet...
M. Philippe Dallier. - Pour quoi faire ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - ... et je rends hommage au maire de Sceaux qui porte ce projet.
M. Gérard Larcher. - Nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde !
M. Philippe Dallier. - En effet, nous ne sommes pas d'accord.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Je parle de la présidence. Nous avons partagé le constat de ces élus. (Mouvements divers à droite) Je sens que le sujet prête à polémique... (Rires sur les mêmes bancs) Il nous semble important de porter le chantier de la coopération intercommunale, en faveur des citoyens. Nous nous proposerons d'y travailler ensemble. La région Île-de-France joue déjà un rôle. L'inquiétude est la suivante : si Paris Métropole a des compétences en matière de logement, quid de la grande couronne ? Sur le fondement des contrats de développement territorial, la région doit garder compétence mais une autorité de la zone dense doit pouvoir se charger de certains programmes. Quand on parle d'autorité opérationnelle de logement, je n'ai pas le sentiment que l'on remette en cause la région.
M. Gérard Larcher. - Attendons.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Le Grand Paris Express doit être mené à bien, nous nous y sommes engagés.
Deuxième grand chantier, celui de la métropole lyonnaise. Je salue l'accord trouvé entre les élus de Lyon et du département. Il faudra régler la question des transferts financiers, mais la dynamique est retrouvée sur l'agglomération lyonnaise.
Plus complexe est le cas d'Aix-Marseille-Provence, grande porte méditerranéenne dans l'Histoire, qui a du mal, aujourd'hui, à le rester, alors que la France et l'Europe en ont tant besoin. Le port, Fos, l'aéroport, Iter, Ariane : l'État est au rendez-vous. Mais pour les transports, de multiples organisations sont en charge. Même problème pour le logement. Il faut coordonner l'action en matière de transport, de logement, d'éducation et de recherche. L'université d'Aix-Marseille a un rôle majeur à jouer dans le bassin méditerranéen.
Nous nous accordons sur le diagnostic. Alors, comment procéder ? Pour le Gouvernement, ces compétences peuvent être gérées par un seul EPCI, la métropole Aix-Marseille-Provence. L'État a engagé une mission de préfiguration avec les élus et la société civile. Il faudra prendre une décision. Je comprends les réticences des maires mais je veux leur dire qu'en créant des conseils territoriaux à l'image de ce qui se fera dans le Grand Lyon, on retrouvera les compétences des organismes intercommunaux d'aujourd'hui : les maires auront droit à la parole. Ils seront maîtres de leur espace. La question d'un Plan local d'urbanisme (PLU) sur la grande aire métropolitaine a fait peur. À chacun, plutôt, d'écrire son plan local d'urbanisme, afin de les réunir ensuite dans un grand schéma d'aménagement. (M. Jean-Claude Gaudin se montre intéressé) Les populations en ont besoin, qui souffrent d'un vrai problème de mobilité. L'État sera présent aux côtés d'Aix-Marseille-Provence pour qu'elle devienne la grande métropole,...
M. René Vandierendonck. - Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - ... le flambeau méditerranéen dont nous avons besoin. De deux choses l'une, soit on n'avance pas et la région restera en retrait des grandes capitales méditerranéennes, soit on avance comme à Lyon et la métropole marseillaise trouvera son rang.
M. Jean-Claude Gaudin. - Ils sont très riches.
M. Jean-Noël Guérini. - Eh oui.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Notre projet de loi améliorera aussi l'intégration intercommunale, essentielle à la clarification de notre paysage institutionnel. Les articles de presse, les déclarations médiatiques qu'ont suscités ce texte ont été choquants. Je tiens à rappeler que plus de 50 % de l'action publique sont portés par les territoires. L'action locale n'est pas gabegique, comme on l'a entendu dire. Les intercommunalités ont pris d'importantes responsabilités, elles ont créé des services : elles ont eu besoin de fonctionnaires pour les assumer. Quant à nos élus, dont plus de 400 000 sont bénévoles, ils sont prêts à relever tous les défis : celui de la compétitivité hors coûts tout comme celui de l'écologie.
Des craintes se sont exprimées : la démocratie ne risque-t-elle pas, avec ce texte, de s'éloigner de la proximité ? Je le conteste. La France a bien fonctionné grâce à son polycentrisme ; il ne s'agit pas de le remettre en cause. Mais les compétences qui ont été transmises représentent une très lourde charge ; elles appellent un accompagnement. Nous entendons travailler à la recherche de compromis, pour une clarification de l'action publique porteuse des valeurs républicaines. Si l'action publique est une, nous n'oublions pas qu'elle est portée par les élus des territoires, ainsi que par les citoyens. (Applaudissements à gauche ; Mme Jacqueline Gourault applaudit également)
M. René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois . - Ce projet de loi était attendu et redouté. Redouté parce qu'il fallait savoir s'il serait bien un texte de décentralisation ; attendu, parce qu'il devait être l'occasion, monsieur le président du Sénat, de donner une suite positive aux engagements pris en clôture des états généraux par le président de la République, afin de répondre aux attente des élus sur la simplification des normes et le problème lancinant du statut de l'élu local. Vous avez donné des réponses, madame la ministre, je vous en donne acte.
Je commencerai par l'organisation de l'action publique territoriale. Est-ce ce que nous attendions ici ? Non. (On renchérit à droite) L'important, c'est de conserver un ordonnancement complet de la structure territoriale. M. Raffarin, président de la mission d'information sur la décentralisation disait qu'il existe une pensée du Sénat sur le sujet. La commission des lois du Sénat a eu pour seul guide de retrouver ce corps de doctrine partagé, qui prévalait dès la création à Nice de la première métropole. Oui, il faut « faire confiance à l'intelligence territoriale ». Tous ceux qui étaient là en 2009 sont encore là aujourd'hui. De quoi aider un jeune sénateur ballotté sur le Paris-Roubaix de la décentralisation, où les secteurs pavés ne manquent pas... (Rires)
Nous avons toute la discussion pour balayer le terrain. Le Sénat aura toute latitude, nous a dit Mme Lebranchu, pour amender ce texte (exclamations et rires à droite), mais ne faisons pas porter au Gouvernement la nécessité du chef de file, la composition de la conférence territoriale ou la nécessité d'organiser l'action publique de manière conventionnelle sur un strict plan d'égalité entre les parties.
Premier secteur pavé, le problème du chef de file, « instrument d'ordre et de mise en cohérence » selon la Cour des comptes, pour « une meilleure coopération entre les collectivités territoriales ». La commission des lois a constaté que cette notion était encore mal comprise ; elle dit de manière non équivoque que le chef de file organise et non détermine les modalités de l'action commune ; il ne dessaisit personne de ses compétences.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis, et M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. - Très bien !
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Autre secteur pavé : le pacte de gouvernance territoriale. La décentralisation est vecteur d'émancipation, elle marque la fin de la tutelle pour les « incapables majeurs »... La plupart d'entre nous ont pris ce pacte comme un système de bonus-malus pour passer de la tutelle à la curatelle. (Mlle Sophie Joissains applaudit) Respectons le principe de libre organisation. La conférence territoriale peut choisir d'organiser, par convention, une compétence. La commission des lois a réservé hier soir la question du tourisme...
M. Jean-Claude Gaudin. - Laissez-la aux communes !
M. René Vandierendonck, rapporteur. - ... comme le sport et la culture l'avaient été en 2010.
Sur les métropoles, fions-nous à une approche fonctionnelle de leur rôle, en regard du projet de territoire qui ne répond pas nécessairement aux frontières de l'EPCI. 80 000 habitants du Nord-Pas-de-Calais habitent en dehors du territoire de la métropole et y travaillent pourtant. Cela suppose un certain degré d'intégration des compétences et des fonctions, une certaine taille aussi. Je suis le premier à penser que c'est dans l'intégration de l'innovation, de la recherche, de l'enseignement supérieur que se trouvent les emplois de demain. Mais l'exigence de compétitivité doit se conjuguer avec l'exigence de cohésion sociale. Dans la rue, à Roubaix, on ne m'interpelle pas sur la métropole, mais sur les retombées sociales de la croissance qu'elle permet, une métropole qui doit être inclusive, comme on dit à Bruxelles... On comprend à cet égard que le seul endroit du texte où le mot « Métropole » a droit à la majuscule, c'est pour qualifier celle de Lyon... (Exclamations à droite) Nous aurons un débat, nouveau secteur pavé, sur le nombre des métropoles - qui doit être limité, conformément à la position constante du Sénat.
La métropole de droit commun doit rester une intercommunalité à part entière. Nous en avons intensément discuté, il n'est pas question que la loi en fixe le nombre...
Pour Paris...
M. Philippe Dallier. - Ah !
M. Jean-Claude Gaudin. - Paris, Paris, Paris !
M. René Vandierendonck, rapporteur. - ... nous avons entendu M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, dire que s'il refuse un démantèlement obligatoire des compétences des départements, il peut admettre une forme d'intégration, comme celle que défend M. Dallier...
M. Philippe Dallier. - Merci !
M. René Vandierendonck, rapporteur. - ... pourvu que toute délégation ou transfert se fasse par la voie conventionnelle et que la cohérence soit préservée. Le choix du Gouvernement d'un syndicat mixte n'insulte pas l'avenir et recentre judicieusement sur le logement les compétences du Grand Paris Métropole. Le maire de Lyon rappelle que sa communauté urbaine produit 10 000 logements par an ; à ce rythme, dans l'unité urbaine de Paris, on doublerait et davantage la production de logements. C'est une priorité absolue qui doit nous motiver.
Mlle Sophie Joissains. - Et Aix-Marseille ?
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Pour Lyon justement, il est apparu hier soir en commission que tant sur le régime électoral à terme que sur les modalités financières nous ne pouvions plus avancer : il est indispensable que le Gouvernement rencontre officiellement et ensemble MM. Collomb et Mercier.
Pour Marseille, nous avons essayé, de façon pragmatique, d'attribuer un nouveau délai de concertation, en parfait accord avec les maires, que je remercie, pour faire la démonstration qu'Aix-Marseille-Provence, comme Lyon, peut devenir une collectivité territoriale sui generis, où seules les compétences stratégiques seront dévolues aux maires et où sera élaboré, en concertation avec eux, un système porteur du plus haut degré jamais atteint de déconcentration. Je remercie la ministre et le président Sueur d'avoir permis la réalisation de cet objectif, à force d'efforts à nul autre pareil.
C'est avec l'accord du Gouvernement que nous avons mis en chantier le développement d'un nouveau concept de pôle métropolitain qui s'intéresserait au tissu rural. Il y a une forte attente à cet égard.
Ce texte ne galvaude pas le terme de métropole ; il ajoute des dérogations aux règles de constitution des communautés urbaines, afin de permettre à des communautés d'agglomération de devenir communautés urbaines. Encore faut-il, mesdames les ministres, que le coût d'une telle réforme ne vienne pas en déduction de l'enveloppe normée... (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Claude Gaudin. - Bravo !
M. Philippe Dominati. - Nous sommes les seuls à applaudir !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Pour la commission des affaires économiques, les secteurs pavés sont moins nombreux, mais toujours difficiles. Madame la ministre, vous avez eu le courage d'engager ce projet de loi, au coeur de la confrontation de nos visions internes. Vous avez osé essayer de trancher, enfin.
Nous aurions préféré un seul projet de loi. Sa scission a détérioré sa lisibilité, même si, au fond, il n'y a qu'un seul projet.
Nous nous réjouissons que cette partie du projet de loi consacre le fait métropolitain, enjeu européen, en renforçant les compétences des métropoles françaises. Je m'en félicite en particulier pour la métropole de Paris rebaptisée par la commission des lois « Grand Paris métropole ». Nul n'ignore son poids économique. Le syndicat Paris Métropole a été créé à Clichy-sous-Bois...
La métropole de Lyon résulte de la fusion de la communauté urbaine et du département du Rhône. Je me réjouis que Gérard Collomb et Michel Mercier aient exprimé courageusement une vraie vision de l'avenir des métropoles, et me félicite du soutien du Gouvernement à leur démarche.
La métropole Aix-Marseille-Provence constitue un EPCI à fiscalité propre dont le périmètre excède le périmètre de la communauté urbaine de Marseille. Ce projet rencontre une vive opposition, mais je salue la détermination du Gouvernement. Quand l'intérêt d'un grand territoire, quand celui de la France sont en jeu, il est indispensable que l'État intervienne. M. Caselli, président de la communauté urbaine, relève l'existence de six autorités organisatrices de transport, une balkanisation des zones commerciales et d'activité, l'absence de cohérence territoriale. Voilà qui justifie le projet du Gouvernement.
Ce texte n'a pas été assez loin pour rationaliser l'organisation administrative. On peut par exemple se poser la question des départements de la petite couronne.
M. Philippe Dallier. - On doit se la poser !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Il est troublant que le président de l'ADF l'évoque lui-même, et que les deux présidents du conseil général de la Seine-Saint-Denis, l'ancien et l'actuel, posent la question...
La commission des affaires économiques s'est saisie de plusieurs articles. Sur le Grand Paris Métropole, elle salue les modifications de la commission des lois à l'article 12 qui ont recentré celui-ci sur la priorité du logement. Le plan métropolitain devra être compatible avec le schéma directeur de l'Île-de-France et tenir compte du schéma régional de l'habitat. Je me suis interrogé sur la pertinence de ces documents et le lien entre eux. Les acteurs du logement de l'Île-de-France saluent ces dispositions. Le projet de loi est cohérent et équilibré.
La commission des affaires économiques se félicite de la détermination du Gouvernement à répondre à l'enjeu majeur du logement en Île-de-France, où l'on ne construit que 37 000 logement par an alors qu'il en faudrait 70 000. Mais le projet de loi ne suffit pas, en effet, madame Schurch. Il faut des moyens, oui, mais aussi une volonté politique. Élaborer un plan d'accord, c'est bien, mais si localement il y a des obstructions importantes, il faudra réfléchir à contraindre davantage les communes en termes de permis de construire. (M. le président Sueur applaudit ; M. Roger Karoutchi s'exclame)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Il faut savoir ce que l'on veut !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Les articles 18 et 19 concernent le quartier de la Défense. Je les ai abordés la fleur au fusil...
M. Roger Karoutchi. - Allons bon !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - ... mais il ne s'agit pas en réalité de clarification ni de simplification. La situation est extrêmement difficile. Ce quartier est le premier quartier d'affaires européen, une opération d'intérêt national depuis 1958 et la création de l'Établissement public pour l'aménagement de la région de la Défense (EPAD) ; sa gouvernance a été modifiée par la loi de 2007 qui a déconnecté les activités d'aménagement et les activités de site. Un établissement public local de gestion a été mis en place, l'Établissement public de gestion du quartier d'affaires de la Défense (EPGD), alors que l'aménagement est national. Six ans après, les objectifs de la loi ne sont pas atteints. Je vous regarde, mais vous n'êtes pas responsable, monsieur Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. - Si vous me regardez, c'est que je connais le dossier. (Sourires)
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Le rapport de la Cour des comptes est édifiant... Un simple procès-verbal signé en décembre 2008, dans des conditions surprenantes, est au coeur du problème. Selon la Cour, il a introduit une insécurité juridique et provoqué des blocages.
L'État a engagé plusieurs contentieux contre des délibérations de l'EPGD. Les articles 18 et 19 apportent une réponse à cette situation, nuisible à l'attractivité du site. On ne peut plus aménager comme on le faisait en 1958 ! Les frais de remise en état des équipements publics sont à la charge de l'EPGD et donc des communes de Courbevoie, Puteaux et le conseil général des Hauts-de-Seine. (Mme Isabelle Debré s'exclame) Les sommes citées, 100 millions d'euros, sont importantes ; elles pourraient être bien supérieures. Mais les trois collectivités territoriales, qui ont largement bénéficié des retombées de la Défense, ont les moyens financiers de les assumer.
Réfléchissons à l'avenir du site à moyen et long terme : ou bien l'État a encore une vision d'aménagement de caractère national, ou il considère que l'aménagement est terminé et il faudra venir à une situation de droit commun.
Sur Marseille, je salue la volonté d'apaisement avec le report du délai.
L'article 31 rénove le statut des métropoles de droit commun. J'approuve le relèvement du seuil démographique de constitution. Comme la commission des lois, nous estimons qu'il faut éviter la métropolisation du territoire. Et comme elle, nous préférons le conventionnement pour le transfert des compétences.
L'article 45 a été supprimé par la commission des lois. Dont acte. Il demandait à ce que chaque région ne comporte qu'un établissement public foncier d'État. Nous voudrions le réintroduire en Île-de-France, où se pose un problème majeur.
La commission des affaires économiques estime que le texte comprend, pour les articles dont elle est saisie, des avancées importantes. Je formule le voeu que notre Haute Assemblée l'adopte. (Applaudissements sur les bancs socialistes et des commissions)
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Très bien !
M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable . - Je salue l'ardeur avec laquelle le rapporteur s'est emparé de ce texte. La commission du développement durable s'est saisie pour avis des articles 3, 4 et 5 qui organisent la coordination entre les collectivités territoriales et posent la question de l'équilibre entre la reconnaissance légitime du fait métropolitain et celle, tout aussi légitime, du monde rural, qui a paru oublié. L'article 31 et l'article 35 ont également été examinés. La commission des lois a délégué au fond les articles 15, 16 et 17.
Certes, ce projet de loi ne révolutionne pas l'action publique locale. Mais il importe d'aboutir à une réforme utile. Ce texte contient de réelles avancées pour la démocratie territoriale, améliore concrètement l'efficacité de l'intervention des collectivités. C'est dans cet état d'esprit que nous l'avons examiné. Le travail de la commission des lois a été décisif pour faciliter l'action des élus locaux et, en supprimant le pacte de gouvernance territorial, éviter les montages trop complexes de schémas chronophages. Elle a également modifié les domaines de compétences des différents chefs de file pour introduire davantage de cohérence. Le choix initial du Gouvernement faisait du bloc communal le chef de file pour la qualité de l'air !
M. Louis Nègre. - Catastrophique !
M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. - Le monde rural est le grand absent de ce texte. Le fait urbain ne peut être reconnu à son détriment. D'où les deux amendements que nous présentons. Le premier intègre à la conférence territoriale un représentant des élus ruraux par département ; le second crée des pôles ruraux d'aménagement et de coopération afin de conforter les projets engagés par les pays.
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Très bien !
M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. - Il s'agit de permettre à la ruralité de vivre dans des espaces de projets modernes et innovants, impliquant les habitants et les élus locaux.
Le stationnement est au coeur des politiques de mobilité durable. Dépénalisons la sanction dans ce domaine. (M. Louis Nègre applaudit)
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Très bien !
M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. - L'amende est uniforme sur tout le territoire, donc trop élevée dans les petites communes, et pas assez dissuasive dans les grandes villes. L'infraction ne peut être sanctionnée que par les policiers nationaux ou les policiers municipaux assermentés, qui n'ont pas les moyens de remplir cette mission - se crée ainsi un sentiment d'impunité. Le circuit de recouvrement a été critiqué par la Cour des comptes en 2010. La commission du développement durable vous propose deux amendements sur ce sujet.
Avis favorable à l'adoption sans modification de l'article sur les métropoles de droit commun tel qu'amendé par la commission des lois. La refonte du régime des métropoles s'accompagne d'un élargissement du régime des communautés urbaines. L'équilibre ainsi atteint entre grandes métropoles et métropoles moyennes me paraît satisfaisant.
L'article 15 résulte d'un mauvais découpage en trois du texte, la commission du développement durable vous propose de le supprimer. En revanche, les articles 16 et 17 réalisent une coordination satisfaisante du réseau des transports en Île-de-France. Les limites de la création d'un réseau parallèle au réseau existant sont apparues rapidement. Le nouveau Grand Paris Express présenté par le Premier ministre le 6 mars dernier confirme cette approche intégrée, qui impose une collaboration effective entre le Stif et la Société du Grand Paris (SGP). Cette coordination devra avoir lieu dans les meilleures conditions possibles, sans allonger les délais. Les parties prenantes partagent le même objectif d'avancer de concert. La commission vous propose d'adopter les deux articles dans la rédaction proposée par le Gouvernement.
Au total, le projet de loi, largement modifié par la commission des lois, est porteur de progrès pour notre démocratie territoriale ; il fait confiance à l'intelligence des territoires et des élus. La commission du développement durable a donné un avis favorable à son adoption, sous réserve de ses amendements. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Raymond Vall applaudit aussi)
M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances . - M. Vandierendonck a expliqué la position de la commission des lois. Et d'ajouter : avec quel budget ? J'aurais beaucoup à dire sur le fond du projet de loi, comme maire et président d'agglomération. Mais je partage à 100 % ce qu'a dit notre excellent rapporteur.
J'en viens donc directement aux conditions financières. Comment faire autrement alors que les finances publiques sont un sujet de préoccupation quotidienne pour nombre de collectivités territoriales, qui ne savent plus comment préparer leur budget ? Comment faire autrement quand l'aide de l'État va diminuer dans les années qui viennent ? La commission des finances s'est saisie pour avis de toutes les dispositions financières.
L'article 10 prévoit la couverture intégrale par des EPCI à fiscalité propre de l'ensemble du territoire francilien non couverts par la réforme de 2010. L'achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France entraînera une hausse, évaluée à 75 millions d'euros, lissée sur 2015 et 2016, de la dotation d'intercommunalité. Les incidences de cet article sur le Fonds de solidarité des communes d'Île-de-France n'ont pu être évaluées.
L'article 12 crée un établissement public dénommé Grand Paris Métropole, qui disposera des ressources attribuées par ses membres, d'une dotation de fonctionnement et d'un fonds d'investissement métropolitain. Le Gouvernement n'a pu évaluer le montant à financer, car il dépend de l'étendue des compétences exercées. La contribution des membres sera fixée dans les statuts. Le Directeur général des collectivités locales m'a assuré que la dotation de fonctionnement n'était pas assimilable à la DGF, dans la mesure où l'établissement public n'est pas un EPCI à fiscalité propre, mais relèvera de la catégorie des syndicats mixtes. Elle ne sera donc pas non plus une dotation d'intercommunalité et n'entraînera pas une augmentation de la dotation d'intercommunalité de l'ensemble des EPCI. Elle n'entrera pas dans le périmètre de l'enveloppe normée.
Enfin, la métropole de Paris bénéficiera d'un fonds d'investissement métropolitain, mais le Gouvernement n'a pu me dire comment il serait financé. Il pourrait l'être partiellement par les collectivités territoriales concernées.
M. Roger Karoutchi. - Ah oui ?
M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Mais il n'est pas exclu que l'État participe. Je vous proposerai un amendement de précision.
J'en viens au fonds de péréquation des départements franciliens. Les modalités proposées par le Gouvernement n'étaient pas acceptables, en raison du déséquilibre entre critère de ressources et de charges, qui faisait bénéficier l'essentiel des fonds à un seul département. La commission des finances a souscris à la suppression de cet article, auparavant décidée « à titre conservatoire » par la commission des lois, en raison de la mise en place d'un groupe de travail sur la recherche de ressources pérennes, annoncée le 22 octobre dernier, et d'aborder la question lors de l'examen du projet de loi de finances, lorsqu'il aura rendu ses conclusions. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes ; M. René Vandierendonck, rapporteur, et M. Claude Dilain, rapporteur pour avis : Très bien !)
Les articles 18 et 19 visent à régler le conflit entre les deux établissements de la Défense, en mettant à la charge d'une des collectivités finançant un établissement public local les frais de remise en état du site. Je vous proposerai un rapport d'évaluation du coût.
J'en arrive aux métropoles. Le DGCL estime le coût à 35 millions, à supposer que les communautés initialement concernées deviennent métropoles. Mais la commission des lois, en relevant le seuil démographique, a diminué le nombre d'EPCI éligibles. Et elle a assoupli l'accès au statut de communauté urbaine. Si bien que l'impact financier devrait rester le même.
Pour Lyon, la commission des lois a décidé d'avancer la date de création de la métropole, projet le mieux ficelé, le plus abouti, qui fait l'objet d'un accord entre les parties concernées. Il n'en résultera pas de coûts supplémentaires mais il y a besoin de quelques ajustements techniques. Ainsi l'article 29 prévoit que le Gouvernement déterminera par ordonnance les règles financières et fiscales applicables, qui ne sont pas fixées par ce texte, ce qui ne permet pas de déterminer les potentiels financier et fiscal des collectivités. Une compensation des transferts de charges assurera la neutralité budgétaire et évitera tout risque de tutelle d'une collectivité sur l'autre. Nous vous proposerons quelques amendements.
Nous précisons en particulier que le financement de tout organisme institué dans le cadre de la métropole sera exclusivement financé par les deux collectivités. Vu l'originalité de ce projet, avec en particulier les nouvelles formes de calcul de transferts, qui intègrent le critère de l'épargne nette, le ministère devrait recevoir, conjointement, MM. Collomb et Mercier car ce projet exemplaire pourrait faire des émules.
Sur la métropole Aix-Marseille-Provence, une dotation exceptionnelle d'intercommunalité est prévue la première année. La commission des finances considère que ce régime dérogatoire n'a pas lieu d'être et vous proposera un amendement en ce sens, qui limitera la dotation à 15 millions au lieu de 34, pour ne pas entamer la dotation des autres collectivités.
Sur le reste des articles, nous n'avons pas d'observation particulière à formuler.
Quelles conséquences financières aura ce projet de loi' ? Pour l'achèvement de la carte intercommunale hors petite couronne francilienne, conséquence de la loi de 2010, 75 millions en 2013, 100 millions en 2014. S'y ajoutent les conséquences de ce projet pour l'Île-de-France en 2015 et 2016 : 75 millions. Pour la création des métropoles, le Grand Paris Métropole (GPM) ne pèsera pas sur l'enveloppe globale. Pour Aix-Marseille-Provence, 34 millions d'euros en 2016. Pour Lyon, neutralité, pour les métropoles et les communautés urbaines, en 2015 18 millions, même chose en 2016. Le projet pèsera donc pour 145 millions sur la dotation d'intercommunalité. Cumulés au 1,5 milliard de moins pour les collectivités territoriales, à la péréquation horizontale et verticale, à l'achèvement des schémas départementaux d'intercommunalité, ce sont 250 millions, qu'il nous paraît impossible de mettre à la charge de la dotation globale.
M. Gérard Larcher. - Bien sûr !
M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Il faut définir ce qui sera pris sur l'enveloppe globale et ce qui sera pris sur le budget de l'État.
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Exactement !
M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Si l'on n'en discute pas, ce projet de loi s'en trouverait gravement handicapé. Nos deux commissions ont travaillé dans un souci de clarté et de mise au net, sans hostilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes et à droite)
M. René Vandierendonck, rapporteur, et M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. - Très bien !
M. Roger Karoutchi. - Nous pouvons donc applaudir ensemble !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois . - Parlons vrai. Mesdames les ministres, l'amitié qui nous lie depuis longtemps m'y autorise. Nous avons voulu que ce texte fût profondément changé. Nous avons demandé trois textes, plus courts, plus simples, plus percutants et le Gouvernement nous a entendus. Pourquoi ? Parce qu'un triple impératif s'impose : simplicité, clarté, lisibilité. Que voulons-nous, en somme ? La solidarité territoriale d'abord, qui implique l'action des communes, au coeur de notre conception de la République (M. Roland Povinelli applaudit) et l'action des départements pour la solidarité sociale et territoriale. C'est pourquoi il faut aller vers plus de justice, donc de péréquation. Ensuite, il nous faut des régions fortes, plus fortes, avec plus de liberté financière et locale, qui leur donne plus de latitude. Des régions fortes pour l'économie et pour l'emploi, au coeur des préoccupations de nos concitoyens. Si dans d'autres pays d'Europe, il est plus facile de créer des PME, que les collectivités territoriales peuvent prendre des participations, c'est parce que les régions y sont fortes.
Nous voulons, enfin, des métropoles du futur. Il nous faut donc des logiques cohérentes, dans le respect des communes.
Des communautés fortes, disons-nous, cela concerne les métropoles, les communautés urbaines, mais aussi les communautés de communes, irremplaçables. Communautés urbaines et communautés de communes doivent se donner la main dans chaque bassin d'emplois.
Voilà ce que nous voulons. C'est pourquoi nous voulons des textes courts, percutants, auxquels nous allons contribuer. Je remercie M. Vandierendonck de son travail. Notre position repose, madame la ministre, sur une philosophie différente de la vôtre. Autant s'en expliquer clairement. À quoi bon ajouter une conférence territoriale aux structures qui existent déjà, au risque de créer un embrouillamini où l'on ne comprendra plus rien. (Vifs applaudissements à droite et sur certains bancs à gauche) Sans doute est-il utile qu'une conférence se réunisse qui rassemble les élus, comme c'est déjà le cas en Bretagne, mais pas besoin de l'inscrire dans la loi ! Laissons de la souplesse aux élus.
M. Gérard Larcher. - Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - N'allons pas les obliger à donner des avis sur tout avant de les coaguler dans un pacte qui ne se fera jamais ! (« Très bien ! » à droite) Clarté, simplicité, lisibilité ! (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs socialistes) Les communes chefs de file pour la mobilité durable ? (Rires à droite) Et la qualité de l'air ? Mais l'air connaît-il les frontières communales ! (Applaudissements sur les mêmes bancs)
Pour nous, la responsabilité majeure des communes, c'est la proximité, les services publics de proximité. (Applaudissements à droite et au centre et sur plusieurs bancs socialistes)
M. Roland Povinelli. - C'est l'intelligence même !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Nous avons refusé, pour les métropoles, l'inflation. Ne croyons pas qu'un mot va tout résoudre ! Le rôle européen de Strasbourg est manifeste, le rôle frontalier de Lille-Roubaix-Tourcoing est patent. Nous les reconnaissons.
Pour Paris, je salue le travail de notre rapporteur et de Claude Dilain. Il faut lutter, comme l'a dit le Premier ministre, contre les intercommunalités de confort. Rassembler des villes pauvres d'un côté, riches de l'autre, c'est le contraire de la solidarité. Le premier problème est celui du logement. Tout doit être mis en oeuvre pour le résoudre.
Sur Aix-Marseille-Bouches-du-Rhône, je salue l'implication active des élus, dont il faut reconnaître l'attachement à l'échelon communal et la nécessité de la concertation. Je sais, madame la ministre, que vous vous êtes beaucoup dépensée. J'appelle de mes voeux une initiative du Gouvernement, pour répondre à des attentes qui sont aussi financières.
S'agissant de Lyon, je salue le travail remarquable de MM. Mercier et Collomb. Ce qui est ici intéressant, et eût pu l'être en Alsace...
M. Gérard Longuet. - Hélas !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - ... c'est que des initiatives locales puissent changer le territoire. Je salue Edmond Hervé, qui a été le premier à mettre en oeuvre le lien entre la ville centre et sa périphérie, avec une taxe professionnelle unique pour la solidarité.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Bravo !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Cette première expérience a porté ses fruits : puisse l'expérience initiée à Lyon et dans le Rhône faire de même !
Nous avons rédigé un nouveau texte, à partir du vôtre : la discussion, madame la ministre, loyale, nous permettra d'avancer, parce que le Sénat de la République aura dit ce qu'il porte en lui. Ce que nous voulons, en bons disciples de Montesquieu, c'est la clarté et la séparation des pouvoirs. Or le texte opérait une certaine confusion. Ce sont les objectifs, non les formes, qui comptent : l'emploi, l'économie, la solidarité, et tout ce qui nous permet de mieux vivre ensemble dans la clarté. (Applaudissements à gauche, au centre et à droite)
Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation . - Depuis sa création en avril 2009, notre délégation a élaboré près de 25 rapports et procédé à de multiples auditions. Je veux associer les deux anciens présidents, Alain Lambert et Claude Belot à cet important travail, et rendre hommage à Edmond Hervé qui nous a incités à en faire la synthèse. Merci à notre rapporteur et à madame la ministre d'avoir montré que ces travaux peuvent enrichir la discussion. Ils combinent une visée stratégique à long terme et un regard concret sur les besoins du présent. D'où le pragmatisme de nos propositions, souvent consensuelles, les questions de gouvernance restant prégnantes. La décentralisation est à la croisée des chemins, entre besoin d'un État unitaire et besoin de proximité. La question n'est plus du transfert des compétences, mais de leur clarification, et de la coordination des acteurs.
Deuxième point important, la diversité des cultures territoriales, qui demandent à être respectées. Ce qui est bon pour la Bretagne, ne marche pas forcément pour la région Centre. (M. Ronan Dantec applaudit) Ce qui est acquis à Lyon ne peut s'appliquer tel quel à Aix-Marseille. Ce pragmatisme doit prévaloir, et la confiance faite à l'intelligence territoriale.
Troisième élément : la légitimité de tous les niveaux de collectivités territoriales. N'allons pas transposer tels quels les modèles étrangers, encore moins des concepts technocratiques impraticables.
On ne résoudra pas les problèmes sans respecter toutes les communes, échelon de base de la démocratie française. (Mlle Sophie Joissains et M. Roland Povinelli applaudissent) Reste qu'il importe de consolider les intercommunalités.
La métropole lyonnaise est une initiative emblématique, qui simplifie le paysage.
Quatrième point : l'évolution profonde des dynamiques territoriales, qui appelle une différenciation du cadre juridique applicable aux collectivités territoriales, et une simplification du cadre applicable aux métropoles.
Cinquième point, la ruralité, dans ses différentes composantes, car il n'y a pas une ruralité (« Très bien ! » sur le banc des commissions) qui s'opposerait à l'urbanité (« Très bien ! » sur le même banc) Veillons à ce que les ruralités soient respectées, considérées comme des territoires à part entière, même si ruralité et urbanité sont complémentaires, et ne peuvent vivre l'une sans l'autre.
M. Gérard Larcher. - Nous l'avons toujours dit.
Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. - Nombre de nos propositions sont reprises dans le projet de loi. Non-tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, mise en oeuvre dynamique de la notion de chef de file, constat de carence en cas d'inertie d'une collectivité territoriale, gestion coordonnée de compétences partagées dans les conférences territoriales, incitation à l'intercommunalité comme échelon privilégié pour l'aménagement opérationnel, en particulier pour l'administration du droit des sols, incitation à une vision intercommunale de l'urbanisme, le maire conservant le permis de construire, réorganisation des métropoles autour d'autres enjeux que le seul fait démographique, en en faisant des territoires d'équilibre qui participent à l'harmonie de l'ensemble.
La sémantique a ici tout son sens. Il aurait été préférable de parler de communautés métropolitaines plutôt que de métropoles, qui peuvent faire craindre qu'elles vont tout absorber. Il faudra veiller à la fluidité entre les filières de la fonction publique territoriale, et à la question de la péréquation, ainsi que M. Germain s'en est clairement expliqué.
Je salue le travail de notre Haute Assemblée, qui, tout en respectant l'équilibre voulu par le Gouvernement, a donné à ce texte sa couleur et son essence, dans le prolongement de la loi de 2010 qui initiait les métropoles et les intercommunalités - aspect qui avait rencontré une quasi-unanimité.
Le bicamérisme est et doit rester une réalité tangible. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et à droite)
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Très bien !
M. Christian Favier . - Nous regrettons les conditions de rédaction de ce texte et les modalités selon lesquelles il a dû être examiné. Les conditions et la méthode sont loin d'aboutir à une nouvelle étape de la décentralisation, qu'attendent nos concitoyens. Pourtant, l'expérience de la mauvaise réforme de 2010 aurait dû vous alerter. Elle a pesé dans le changement de majorité.
M. Roger Karoutchi. - Remerciez-nous !
M. Christian Favier. - L'initiative d'états généraux, lancée par le président Bel, a donné lieu à des milliers de contributions. Les centaines d'élus locaux qui y ont participé ont tous déploré la complexité et l'absence de moyens. Tous ont demandé un cadre rénové pour l'intercommunalité, afin qu'elle reste un outil au service des communes, dont le rôle est central dans la vie de la République. Chacun a insisté sur la nécessaire présence de l'État aux cotés des collectivités territoriales.
Las, ce texte est bien éloigné de ces attentes. Il n'y a pas de décentralisation, mais une déstabilisation des administrations locales et l'effacement des communes et des départements au profit des régions, comme le voulait la commission Balladur.
Vous comprendrez notre désaccord. Devant l'ampleur du mécontentement, vous avez scindé votre texte en trois. Nous examinons aujourd'hui un texte partiel. Plutôt que de partir logiquement de la commune, à la base, vous commencez par le sommet ! La conférence territoriale, placée sous l'égide de la région, régira tout par le biais de pactes de gouvernance. Concentrer ainsi tous les pouvoirs en un lieu, c'est aller à l'encontre des principes de libre administration et de non-tutelle. Certes, notre commission des lois y a mis bon ordre, mais la conférence territoriale demeure.
Que faites-vous des conférences des exécutifs ? Leur tort, à vos yeux, est sans doute qu'elles respectent trop les collectivités territoriales qui les composent. En témoigne votre conception du chef de filat, dont je ne suis pas sûr qu'elle soit la même que celle de notre rapporteur.
Vous voulez concentrer les pouvoirs locaux et les éloigner des citoyens. Ainsi des métropoles : vous préparez la fusion des communes et des départements, par transfert de leurs compétences à des structures administratives éloignées des citoyens. Craignons que l'unité du territoire national n'en soit mise à mal.
Les métropoles vont bouleverser notre paysage institutionnel, malgré les aménagements de la commission des lois. Vous allez dans le sens voulu par l'Europe et une économie financiarisée. Les métropoles seront des trous noirs absorbant toute l'énergie du développement économique. Vous prenez le risque d'une politique à plusieurs vitesses. Craignons le développement d'inégalités sociales et territoriales, dangereuses pour la cohésion sociale.
Faut-il favoriser, comme vous le faites, la constitution de baronnies locales pour des élus au quatrième niveau ? On ne construit pas l'avenir en niant son histoire. La cohésion de la France repose sur l'action équilibrée des communes, des départements et des régions. Pourquoi fragiliser l'édifice en période de crise, alors que les collectivités de proximité jouent un rôle d'amortisseur social ?
Pourquoi privilégier la technocratie au détriment des services publics locaux ?
Mme Éliane Assassi. - Barroso, l'Europe !
M. Christian Favier. - Notre conception du développement qui met l'humain au centre est très éloignée de votre texte comme de celui de la commission des lois qui n'apporte rien pour le renforcement de la démocratie locale. Or le statu quo n'est pas tenable. Nous devons entrer dans un nouvel âge de la décentralisation. En donnant plus de place aux citoyens dans la décision, ce qui suppose un statut de l'élu, afin que les responsabilités puissent être exercées par un plus grand nombre, en interdisant le cumul des mandats, en donnant plus de place aux différentes sensibilités politiques dans les assemblées délibérantes, en donnant le droit de vote à tous les résidents.
Mme Éliane Assassi. - Très bien ! (Murmures à droite)
M. Christian Favier. - ... en donnant à chaque collectivité territoriale compétence générale, en développant des coopérations volontaires dans la confiance partagée, grâce à une démocratie locale revivifiée. Il faut respecter chaque niveau de collectivité, en institutionnaliser leurs relations, mais toujours sur la base du volontariat.
Enfin pour que ce ne soit pas un jeu de dupes, il faut donner aux collectivités des capacités financières. L'autonomie financière est liée à leur autonomie fiscale. C'est un enjeu démocratique.
Nous regrettons que les conditions de mise en place de cette réforme ne nous aient pas permis de faire advenir notre vision progressiste, conforme aux combats de la gauche. Seule l'acceptation de nos amendements serait de nature à nous faire voter ce texte, encore trop éloigné, dans la rédaction de la commission des lois, des attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs CRC et sur plusieurs bancs à droite)
M. Michel Mercier . - Je vous souhaite bon courage mesdames les ministres (sourires) car ce chantier n'est jamais facile, tout permanent qu'il est, non par peur des égoïsmes, mais parce que les Français sont profondément attachés à leurs institutions et à leurs communautés locales. Il faut aussi s'adapter soi-même, lorsque l'on veut changer. Il y faut beaucoup de ténacité et accepter que l'on arrive parfois ailleurs qu'à l'objectif que l'on s'était fixé au départ. Nous ne connaissons pas encore le port où nous aborderons. Ce texte a marqué un pas ; il en restera d'autres à franchir. Les choses doivent toujours être replacées dans le temps.
Je comprends bien qu'on ne pouvait tout faire tenir dans un seul texte ; on l'aurait tué par étouffement. C'est à nous qu'il revient de replacer celui-ci dans la perspective de l'ensemble. On ne peut avancer que pas à pas ; ayant moi-même défendu un texte en la matière, j'ai fait l'expérience de cette exigence.
Je remercie le président et le rapporteur de la commission des lois d'avoir voulu faire en sorte que l'on puisse avancer. Nous l'avons fait en affirmant des idées simples. La liberté, d'abord, qui ne va jamais sans la responsabilité. Nos électeurs attendent de nous des résultats. Les élus locaux feront ou ne feront pas ; ils n'ont qu'un maître, le suffrage universel.
Vous avez affirmé la prééminence de la méthode conventionnelle, de l'accord local. Il faut toujours rappeler qu'il n'y a pas de tutelle d'une collectivité sur l'autre et que la commune a un rôle particulier. Sortons de la stérile et fausse opposition entre le rural et l'urbain. La vie allie l'un et l'autre, les villes ont besoin de l'espace rural et réciproquement.
Ce texte affirme et essaie d'organiser le fait métropolitain. Ne galvaudons pas ce mot, qui ne saurait s'appliquer à toute ville de quelque importance. Il n'y a que quelques métropoles, peut-être cinq ou six en France.
Comment ce texte peut-il s'appliquer à Lyon ? Nous avons proposé, Gérard Collomb et moi-même, d'aller vers la construction d'une métropole à Lyon. C'est une idée ancienne. Nous sommes assez différents l'un de l'autre pour nous accorder. Quand on se ressemble, on ne s'entend pas.
Organisons l'avenir. Nous vous demandons de nous laisser faire, en nous orientant, en veillant à éviter chausse-trapes et oublis. C'est un projet formidable que cette métropole qui existe déjà. Depuis longtemps, Lyon est une grande ville qui a toujours regretté en secret de n'être point la capitale. Mais n'allons pas récrire l'Histoire.
Nous ne demandons pas à la capitale de faire pour nous. Nous ne demandons rien.
M. Gérard Longuet. - Laissez à ceux qui ont besoin.
M. Michel Mercier. - Nous n'empêchons pas les autres de demander. (Sourires)
Le véritable ennemi de l'unité de la République, c'est l'uniformité.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Très bien !
M. Michel Mercier. - Tout reste à faire. Pour une communauté urbaine, prendre la place du département n'est pas une victoire, c'est une énorme tâche.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Michel Mercier. - Il y a encore quelques points qui laissent à désirer. (Sourires)
Il faut que les ressources compensent intégralement les charges transférées. On va transférer la ressource affectée au RSA provenant de l'État ? Oui, pour 27 % de son coût ! Ce qui est écrit ne correspond pas à la réalité. (« Très bien ! » à droite)
M. le président. - Il est vraiment temps de conclure.
M. Michel Mercier. - J'insiste. Je vous le rendrai ! (Sourires)
Nous ne mettons pas en cause le Sdis unique, qui est un bel outil, mais rappelons que jamais les communes membres de la communauté urbaine n'ont payé de taxe. C'est la communauté urbaine qui paie.
Oui, j'ai envie de voter votre texte. Aidez-nous à le voter ! (Applaudissements au centre ainsi que sur certains bancs socialistes et de l'UMP)
M. Jean-Claude Lenoir. - Vive la capitale des Gaules !
M. Jacques Mézard . - Le primat des Gaules...
Je rends hommage au rapporteur qui a accompli un travail d'« honnête homme ». Sommes-nous toujours au pays de Descartes ? La Ve République est-elle celle de la raison ? Je crois nécessaire de rappeler, in limine, ces deux vers de Boileau : « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement » et « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ». Nos concitoyens sont plongés dans un abîme de perplexité devant la complexité de notre organisation territoriale.
Moderniser, ce doit être rendre les institutions plus efficaces. Oui, il faut plus de simplicité. Il est bon de consulter les associations d'élus, aux positions respectables et figées, mais le Gouvernement doit assumer ses responsabilités comme le firent, en 1982, Pierre Mauroy et Gaston Defferre. Comment avancer quand un texte traite de compétences financières, un autre de la répartition des compétences, un autre encore de l'articulation des strates territoriales... Il y a actuellement trois textes en navette sur le même sujet ! Il est vrai qu'il est difficile de démêler l'écheveau.
À supposer qu'existe un projet, réunir une majorité des trois cinquièmes pour modifier la Constitution est un exercice plus que délicat. Donc inscrivons-nous dans le cadre constitutionnel actuel. L'exégèse sur le chef de file résulte d'une transaction que n'aurait pas désavouée feu le président Edgar Faure... Qu'attendons-nous ? Des compétences restent partagées entre l'État et les collectivités. Il faut réexaminer la question des Sdis et la coopération des coûts des transferts de compétences. Oui, il faut simplifier.
Comment s'y retrouver, citoyens et élus, entre communes, intercommunalités, cantons, départements, régions... On veut multiplier les schémas, les conférences, les hauts conseils ; à ce compte, que deviendrait le Sénat ?
Arrêtez cette inflation antidémocratique, madame la ministre ! Vous voulez le non-cumul pour les parlementaires, vous multipliez les cumuls horizontaux. Il en faudra, des professionnels de la politique, pour articuler tout cela ! (Applaudissements) Le succès de la loi Chevènement est surtout dû aux enveloppes de DGF, c'est plus difficile en période de vaches maigres. (M. Philippe Dallier approuve)
Vous inventez la scissiparité législative... Le Sénat a travaillé, récrit le texte, qui devient ainsi un ... projet de loi sénatorial. Nous sommes prêts à faire de même sur le non-cumul.
Il est évident que Paris, Lyon, Marseille justifient que l'on conforte le fait métropolitain. La présence ce matin des maires de Lyon et de Marseille justifie le cumul. Nous sommes réservés, comme M. Mercier, sur la multiplicité des métropoles sur tout le territoire, façon de faciliter l'évaporation des départements.
Reportez-vous au travail de Gaston Defferre, à l'époque où l'État assumait ses responsabilités. Tirons tous ensemble la leçon du dévoiement qui s'est ensuivi de l'article 3 de la loi de 1983 sur la répartition des compétences.
Notre groupe se déterminera en fonction de l'évolution du débat. Faisons confiance au Sénat. (Applaudissements sur les bancs du RDSE ainsi que sur plusieurs autres bancs)
La séance est suspendue à 12 h 55.
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 15 heures.
Budget européen (Questions cribles)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le budget européen.
M. Simon Sutour . - Où en est la négociation sur le cadre financier 2014-2020 ? De l'avis général, le président de la République a bien négocié, même si nous aurions préféré un budget plus ambitieux ; mais l'essentiel a été préservé et des perspectives sont ouvertes dans des domaines clés. Restent quelques zones d'ombre cependant, notamment les moyens insuffisants du programme Erasmus et l'aide aux plus démunis. Mais le dernier mot n'est peut-être pas dit ; conformément au traité de Lisbonne, le Parlement européen doit désormais approuver le cadre financier pluriannuel de l'Union à la majorité de ses membres. J'ai donc mis le sujet à l'ordre du jour d'une réunion conjointe des commissions des affaires européennes de l'Assemblée nationale et du Sénat avec les membres français du Parlement européen. Un large soutien s'est dégagé aux propositions du Parlement européen, clauses de flexibilité et de revoyure, ressources propres. Quelle est la position du Gouvernement sur ces sujets ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes . - Le 8 février, la négociation du cadre financier pluriannuel s'est déroulée dans un contexte très difficile, marqué par l'opposition des gouvernements conservateurs. De leur proposition initiale de 820 milliards d'euros, nous sommes parvenus à 960 milliards. La phase de négociation avec le Parlement européen est ouverte, au cours de laquelle nous voulons concrétiser les acquis en faveur de la recherche et développement, des interconnexions, de l'aide aux plus démunis, de la lutte contre le chômage des jeunes. Nous abordons positivement les échanges avec le Parlement et sommes favorables à la clause de révision générale à mi-parcours qu'il demande, comme à une clause de flexibilité maximale et à une feuille de route claire sur l'ensemble du budget, y compris les chèques et rabais. Le budget doit trouver d'autres ressources que la TVA et la TTF. J'ai bon espoir que nous aboutissions sous présidence irlandaise à un budget qui favorise la croissance et l'emploi.
M. Simon Sutour. - Je le souhaite comme vous mais je suis moins optimiste sur les délais... Il est très positif que pour la première fois, le Parlement européen soit appelé à approuver le budget et que les parlements nationaux aient leur mot à dire.
J'insiste sur les régions en transition : les 3 milliards d'euros de crédits doivent être maintenus et même augmentés. Dix de nos régions pourraient être concernées, qui ne l'étaient pas sur la période 2007-2013.
M. Éric Bocquet . - Les chiffres d'Eurostat traduisent une dramatique augmentation du chômage des jeunes en Europe : près de 23 % des 15-24 ans sont sans emploi. Dans les trois quarts des régions, le taux de chômage des jeunes est le double du taux total.
L'Union européenne a prévu une enveloppe de 6 milliards d'euros dans son prochain budget, dont 3 milliards du Fonds social européen, pour financer une garantie pour les jeunes : tous les moins de 25 ans se verront offrir un emploi, une formation ou un stage quatre mois après leur sortie de l'enseignement ou la perte d'un emploi.
Parallèlement, des États membres passent des accords bilatéraux. Espagne et Portugal se sont entendus avec l'Allemagne pour lutter contre le chômage des jeunes. Nous faisons de même. Quelle est l'originalité du dispositif franco-allemand ? A-t-il vocation à être étendu à l'ensemble de l'Europe et comment s'articulera-t-il avec les décisions du sommet des 27 et 28 juin ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Les ministères français et allemands ont pris l'initiative de ce que la presse a appelé un New Deal contre le chômage des jeunes. Une ligne de crédit spéciale est créée pour stimuler la création d'emplois dans les petites entreprises ; pour stimuler la mobilité des apprentis, nous leur ouvrons le dispositif Erasmus ; nous facilitons, enfin la création d'entreprises par les jeunes via le réseau européen des pépinières d'entreprises et un accès plus facile au crédit.
Nous voulons mobiliser au plus vite la ligne de crédit de 6 milliards d'euros, en la concentrant sur 2014 et 2015. Le président de la République en parlera à l'issue de son entretien avec Mme Merkel ce soir.
M. Éric Bocquet. - Cette multiplication d'initiatives laisse perplexe, y compris le commissaire européen en charge de l'emploi. Elles sont prises sous la houlette de l'Allemagne.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Non.
M. Éric Bocquet. - En tout cas, elles font la part belle au modèle d'outre-Rhin, dont nombre d'études ont montré les limites ; il présente surtout l'avantage de rapporter plus aux employeurs qu'il ne leur coûte et d'attirer les jeunes des pays européens en crise...
M. André Gattolin . - Depuis 2008, le budget de l'Union européenne et le cadre pluriannuel relèvent de la codécision. Mais cela crée une anomalie démocratique, puisque le Parlement, qui n'est élu que pour cinq ans, vote un cadre de sept ans. À quoi s'ajoute une aberration économique : comment planifier un horizon si lointain ?
La fongibilité est devenue la règle. Je pense au volet agricole ; le risque est que les subventions l'emportent sur les lignes consacrées au développement rural et au verdissement de la PAC.
N'est-il pas temps de passer à un cadre quinquennal et de sanctuariser les crédits des politiques de transformation ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Nous devons garantir la légitimité démocratique des grands choix budgétaires de l'Union. Je me réjouis que le traité de Lisbonne ait consacré la place du Parlement européen. Le cadre financier fixe les grandes orientations pour sept ans, c'est une condition de prévisibilité des investissements et engagements à moyen et long terme - c'est un des facteurs qui expliquent le succès de la PAC ou de la politique de cohésion. Le nouveau Parlement aura toutefois son mot à dire, puisque le budget annuel est voté en codécision et qu'une clause de revoyure est prévue à mi-parcours.
La fongibilité est encadrée, elle n'est pas contradictoire avec une bonne utilisation de l'argent disponible. La France, à la différence d'autres pays, accepte la clause de flexibilité. Et le Parlement sera codécideur dans le cadre du budget annuel.
M. André Gattolin. - J'insiste : une programmation à cinq ans serait cohérente avec la durée du mandat. Merci de votre vigilance sur la fongibilité. Je travaille sur le programme de soutien à la surveillance de l'espace, la Commission européenne veut soustraire 45 millions d'euros à Galileo pour le financer. C'est inquiétant.
M. Jacques Mézard . - L'accord de février peut être vu de deux manières. On peut s'en réjouir après l'échec de novembre, mais aussi considérer qu'il n'est pas à la hauteur des enjeux, puisqu'il prévoit, pour la première fois, un budget en baisse. Très favorables à la construction européenne, nous sommes convaincus, même si nous sommes conscients des difficultés dues à la crise, que ce n'est pas avec un budget au rabais qu'on sortira de celle-ci. Le Parlement ne s'y est pas trompé, qui demande une rallonge. Il faut d'abord faire face aux impayés de 2012... L'Union européenne est-elle victime de l'austérité qu'elle a contribué à déclencher ? Il n'en reste pas moins que le retour de la croissance exige un budget européen conséquent.
Quid des ressources propres ? Comment réorienter les politiques en faveur de la croissance ? Se dirige-t-on vers l'émergence d'un gouvernement économique européen, comme le souhaite la France ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Je connais l'engagement de votre groupe et votre vigilance quant à la bonne consommation des fonds européens. Le cadre financier 2014-2020 garantira que seront engagés 50 milliards d'euros de dépenses supplémentaires par rapport à la période précédente, grâce aux cliquets posés sur les lignes consacrées à l'emploi, à l'innovation, aux infrastructures - plus 140% -, à Erasmus pour tous, qui passe de 8 à 12 milliards d'euros.
L'Europe se dotera-t-elle un jour de ressources propres plus solides ? C'est une voie que soutient la France, qui espère être rejointe pas d'autres États membres. Il faut être optimiste, je le dis en connaissance de cause...
M. Jacques Mézard. - Merci de ces informations. Que nous commencions à être écoutés est une bonne nouvelle. Les élus locaux ont tout intérêt à suivre attentivement les crédits européens - d'où notre attachement au cumul des mandats.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Bien amené... (Sourires)
M. Jacques Mézard. - Montrons à nos concitoyens que l'Europe est capable du meilleur !
M. Jean Bizet . - Une vraie négociation sur le cadre financier pluriannuel est engagée entre le Parlement et le Conseil, longue et difficile, mais qui témoigne que le budget européen ne se décide plus à huis clos. C'est bon pour la démocratie et la crédibilité des institutions européennes. Je salue la position courageuse des eurodéputés, notamment ceux du PPE. Quel est, monsieur le ministre, le calendrier de la négociation ? Visez-vous un accord avant l'été ? Comment anticiper les conséquences sur la PAC ? La nouvelle PAC entrera-t-elle en vigueur avant 2014 et pourrait-il y avoir un accord sur la PAC avant le vote sur le cadre pluriannuel ?
Le Gouvernement nous dit que l'essentiel est préservé ; mais l'agriculture française perd 52 milliards (M. le ministre le conteste). La contrepartie annoncée d'un milliard est étalée sur sept ans... Comment dans ces conditions préserver notre politique d'installation des jeunes et le soutien au verdissement ? Les crédits de gestion des crises seront-ils suffisants ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - La position de la France sur les demandes du Parlement européen nous donne bon espoir. D'autant que nous avons répondu favorablement à la demande du Parlement pour solder les comptes : 7,3 milliards d'euros dès cette année, dont 960 millions d'euros à la charge de la France. Nous pouvons être optimistes sur l'adoption du budget lors de la session de juillet. La position de la France est ouverte pour trouver un accord. Le cadre pluriannuel comporte des avancées essentielles, il faut le préserver.
Les crédits qui iront aux agriculteurs ne baissent pas mais sont réaffectés entre les premier et deuxième piliers, celui qui finance le soutien au verdissement : rotation des cultures, prairies permanentes, surfaces d'intérêt écologique comme les haies. M. Le Foll m'a indiqué qu'un accord serait possible au 1er janvier 2015, 2014 étant une année de transition.
M. Jean Bizet. - Votre réponse manque de clarté. Avec 7,3 milliards, le compte n'y est pas ; il ne l'est pas plus pour la PAC. Le rattrapage d'un milliard porte sur sept ans, les agriculteurs ont tout lieu d'être inquiets. Ils seront moins bien accompagnés par les fonds européens alors que la concurrence, y compris intra-européenne, s'intensifie.
M. Jean Arthuis . - Le Conseil des 7 et 8 février est parvenu à un accord sur le cadre budgétaire pluriannuel au terme d'âpres négociations pour contenir l'évolution des crédits, notamment des dépenses administratives - dont les frais de personnel représentent 75 %. Les chefs d'État et de gouvernement ont exercé une pression forte sur la Commission pour qu'elle réduise ses dépenses. Pour y parvenir, la Commission propose de porter le temps de travail hebdomadaire de 37 h 30 à 40 heures sans compensation salariale et de porter l'âge de la retraite de 63 à 65 ans. Des économies de 5 % des frais de personnel sont attendues d'ici 2018. Le Gouvernement français soutient-il ces propositions ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - La négociation a en effet été difficile, puisque plusieurs pays voulaient s'en tenir à 820 milliards. Nous avons obtenu que l'on aille jusqu'à 960 milliards, ce qui suppose de négocier, aussi, des efforts.
La fonction publique européenne doit rester forte et de qualité. Les négociations en cours s'attachent donc au statut. Nous avons indiqué à la Commission qu'elle ne pouvait s'exonérer des efforts qu'elle demande aux fonctions publiques nationales - efforts que la France accomplit pour ce qui la concerne. Un accord devrait aboutir d'ici le vote du budget européen en juillet.
M. Jean Arthuis. - Je rends hommage au Gouvernement pour son courage sur l'augmentation du temps de travail et de l'âge de départ en retraite. (Marques d'amusement au centre et à droite) Par souci de cohérence, il serait bon d'ouvrir de telles négociations en France. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Bernadette Bourzai . - Le Gouvernement français est entré dans un trilogue depuis le 13 mai, y compris dans le cadre de la PAC. M. Bizet pose inlassablement la question du montant du budget de la PAC. Je le lui dis comme ancienne membre de la commission agricole du Parlement européen, tout le monde savait que les crédits de la PAC allaient décroître ; le montant retenu est celui de 2013 multiplié par sept. La France a su tirer son épingle du jeu, en obtenant un milliard supplémentaire pour le développement rural.
Quid du développement durable dans le cadre stratégique « plurifonds » ? Du fonds d'aide aux plus démunis, où il manque un milliard d'euros ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Les retours espérés pour la France au titre de la PAC seront à la hauteur de la période précédente : 47,6 milliards d'euros au titre du premier pilier, 8,2 milliards au titre du deuxième pilier, renforcé - les défenseurs de la montagne y seront sensibles. Il fallait rendre la PAC plus juste pour les jeunes agriculteurs et les petits élevages, et plus verte.
Le renforcement du deuxième pilier contribuera à la cohésion et au développement rural. Tous les fonds structurels doivent être sollicités : FSE, Feder, Feader. Pour les régions en transition, que le précédent gouvernement n'avait pas voulu défendre, l'aide sera plus intense. Le Fonds d'aide aux plus démunis ? Le président de la République a demandé en février qu'il soit rétabli ; il a été pérennisé à hauteur de 2,5 milliards d'euros, et pourrait être relevé jusqu'à 3,5 milliards d'euros.
Mme Bernadette Bourzai. - Je salue votre détermination et celle de M. Le Foll. La répartition des aides doit être plus juste, en faveur des zones défavorisées et de l'élevage. Nous venons, à la commission des affaires européennes du Sénat, d'adopter une proposition de résolution pour faire de 2014 une année de lutte contre le gaspillage alimentaire. Les produits agricoles doivent être respectés et consommés.
M. Philippe Dallier . - Nous nous réjouissons de l'engagement réaliste et responsable du Parlement européen, en particulier de nos collègues du PPE. Plus que jamais, il faut afficher notre ambition politique pour l'Europe et un budget plus élevé à terme et surtout plus efficace. Comment le Gouvernement agit-il pour relancer la croissance en Europe ? Entend-il soutenir des projets transfrontaliers à forte plus-value ? Il faudrait nous accorder avec nos partenaires. Est-il prêt à accepter la clause de revoyure demandée par le Parlement ? À plus de fongibilité dans la gestion des crédits ? À une RGPP européenne ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Je me réjouis de ce que nous avons obtenu, 100 milliards d'euros de plus que ce qui était prévu par la majorité précédente. Sur la relance de la croissance, le pacte de juin 2012 a permis la recapitalisation à hauteur de 10 milliards de la Banque européenne d'investissement, soit un effet de levier de plus de 60 milliards d'euros de prêts sur les années 2013 à 2015 - 21 milliards pour la France ; les PME en bénéficieront. Une ligne de 6 milliards d'euros va accompagner l'emploi des jeunes, que nous voulons concentrer sur 2014 et 2015. Une politique de grands travaux - comme le canal Seine-Nord, la liaison ferroviaire entre la France et l'Italie - est engagée. Il y a à la clé des emplois non délocalisables.
M. Philippe Dallier. - Les élections européennes approchent. Nous sommes tous inquiets de ce qui pourrait sortir des urnes, tant le sentiment anti-européen progresse.
Mme Cécile Cukierman. - Demandez-vous pourquoi !
M. Éric Bocquet. - Il faut revoir les bases !
M. Dominique Watrin. - Promouvoir l'Europe sociale !
M. Philippe Dallier. - Il faut faire preuve de pédagogie et de responsabilité, rappeler que l'Europe a protégé les Européens pendant la crise...
M. Jean Arthuis. - Très bien !
M. Philippe Dallier. - Faisons tout pour que le sentiment européen puisse continuer à progresser. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Richard Yung . - Ma question porte sur le financement de la garantie pour la jeunesse. Cette initiative est bienvenue alors que près d'un jeune actif sur quatre est au chômage - ils sont 7,5 millions en Europe. C'est un cancer qui ronge nos sociétés de l'intérieur.
Le cadre financier pluriannuel a prévu 6 milliards entre 2014 et 2020. Cela paraît beaucoup, mais divisé par six ans et 7 millions de chômeurs, cela ne fait que 150 euros par jeune chômeur. (M. le ministre le conteste) Le président de la République propose de mobiliser dès à présent une partie de ces fonds. Comment l'organiser avant que le cadre financier soit voté ? M. Moscovici indique qu'il envisage d'affecter une partie de la taxe sur les transactions financières à ce financement. Qu'en pense le Gouvernement ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - La lutte contre le chômage des jeunes est l'affaire de tous. Certains pays ont un taux de chômage à 50 %, la France n'en est heureusement pas là. Nous n'en souhaitons pas moins engager ces 6 milliards le plus vite possible, en concentrant l'effort sur les régions où le chômage est le plus fort, au bénéfice de huit régions et de l'ensemble de l'outre-mer. Concentrer l'effort sur deux ans sera plus fructueux : nous nous employons à en convaincre nos partenaires. Le programme Erasmus passera de 8 à 12 milliards pour que les apprentis puissent en bénéficier. La garantie jeunesse, enfin, engage les États à faire à leurs jeunes une proposition d'emploi, de formation ou de stage avant que soient passés quatre mois après leur sortie du système scolaire ou la perte d'un emploi. Le Gouvernement mettra en oeuvre en septembre ce dispositif, à titre expérimental, dans dix départements avant de l'élargir ; l'objectif est de toucher 100 000 jeunes.
M. Richard Yung. - Merci de ces indications. Concentrer l'effort paraît en effet judicieux.
La séance est suspendue à 15 h 50.
présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président
La séance reprend à 16 heures.
Mise au point au sujet d'un vote
M. René-Paul Savary. - Lors du vote sur le projet de loi portant refondation de l'école, M. Alain Fouché a été déclaré comme votant contre, alors qu'il ne souhaitait pas prendre part au vote ; et lors du vote de la loi portant sur le blocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement, il a été déclaré comme votant contre, alors qu'il souhaitait voter pour.
M. le président. - Dont acte.
Action publique territoriale (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
Discussion générale (Suite)
Mme Hélène Lipietz . - J'ai une jupe-culotte depuis de nombreuses années, à laquelle je tiens beaucoup mais qui s'est usée. J'ai dû la rapiécer et maintenant il est impossible de reconnaître le tissu d'origine. Cette réforme m'y fait penser, qui travaille sur une structure vieille de trente ans, reliftée par l'intercommunalité (Sourires) Au lieu d'un texte ambitieux on nous propose une timide tentative, faute d'une réflexion sur l'État moderne dans la France du XXIe siècle.
Quid des communes, agglomérées de force dans une métropole ?
La biodiversité des métropoles est assurée, mais nous ne sommes pas rassurés quant à leur capacité à affronter les enjeux européens et mondiaux, écologiques surtout.
Les écologistes sont pour une réforme ambitieuse, simple et lisible pour les citoyens, qui s'appuie sur des régions fortes, européennes, des intercommunalités dont font partie les métropoles, des territoires ruraux. Or ce texte ne parle que des métropoles. Cette fascination pour les territoires de demain risque de faire oublier les habitants d'aujourd'hui. Nous allons recréer les États - cités du Moyen Âge italien, avec des doges métropolitains, élus pour six ans par l'aristocratie des élus territoriaux. Pourquoi les conseils métropolitains ne sont-ils pas élus au suffrage universel direct ?
M. Philippe Dallier. - Bravo.
Mme Hélène Lipietz. - La loi de 1982 a transformé les régions en collectivités territoriales de plein exercice mais leur naissance date réellement de l'élection des conseillers régionaux au suffrage universel direct en 1986. Pourquoi ne pas faire de même en 2014 ?
M. Ronan Dantec. - Absolument !
Mme Hélène Lipietz. - Créons un débat public avec les citoyens autour des projets métropolitains. (Mlle Sophie Joissains et M. Roland Povinelli applaudissent bruyamment ; MM. Philippe Dallier et Ronan Dantec également)
Laisser ainsi s'installer des potentats locaux, même si ce n'est qu'un fantasme, c'est ouvrir la porte au Front national ! On ne peut pas dire : la démocratie, oui, mais demain.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Il y aura bientôt, pour la première fois, fléchage. On ne va pas réformer déjà ce qui n'est pas encore mis en oeuvre.
Mme Hélène Lipietz. - À Lyon, oui, mais pas en 2016, en 2020. Faisons confiance aux territoires. Notre histoire nous a habitués à constituer un millefeuille de structures pour des territoires indépendants, raisonnons aujourd'hui en interdépendance. Le statut des métropoles n'est pas qu'une affaire de seuil. Pourquoi ne pas introduire des critères qualitatifs et objectifs ?
Nous reprendrons la parole métropole par métropole. Ces hyper-centres d'activités économiques ne doivent pas occulter les réalités économiques, sociales, humaines et écologiques des territoires alentour. Ces territoires attendent une loi équilibrée qui rappelle la responsabilité de chacun, donc aussi des métropoles, pour un aménagement équilibré du territoire. Ne les décevons pas. (Applaudissements sur les bancs écologistes ; M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit aussi)
M. Jean-François Husson . - Ce projet de loi était très attendu. Nous sommes l'émanation des collectivités territoriales : il nous concerne au premier chef. Et nous cherchons des solutions adaptées aux besoins et aux enjeux de nos territoires. Nous avions placé beaucoup d'espoirs dans ce projet de loi.
Lors des états généraux de la démocratie territoriale, le président de la République avait déclaré que les pays qui réussissent le mieux dans la compétition mondiale sont ceux qui fédèrent leurs territoires dans des projets communs. Que d'espoirs n'a-t-il pas suscités ! Au lieu d'une loi-cadre ambitieuse, vous nous livrez un texte saucissonné, vidé de sa force et d'une partie de sa substance. Pourtant, vous avez une majorité absolue à l'Assemblée nationale, une majorité à contours variables au Sénat, une majorité écrasante dans les régions, une majorité dans les départements et vous dirigez de nombreuses villes. Presque les pleins pouvoirs ! Or vous réussissez à déplaire à la majorité sénatoriale, qui a récrit le texte.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Elle a fait son travail.
M. Jean-François Husson. - Pourtant, le président de la République a annoncé à Dijon, en mars, qu'il était « nécessaire de garantir le niveau des dotations aux collectivités locales ». C'est en période de crise que les grands talents se révèlent. Le Gouvernement laisse passer une occasion de révéler le sien. Je le regrette. Travaillons sur une approche fonctionnelle de nos territoires. Traçons les perspectives d'avenir dans un cadre d'action propice à la performance territoriale dans les aires urbaines. Comment le Parlement peut-il se prononcer sur les métropoles sans connaître le projet susceptible d'émerger pour les autres collectivités ? En fait de choc de simplification, nous assistons à un choc de complexification, comme l'a exposé ce matin le président de la commission des lois.
On assiste à une querelle sur les seuils démographiques des métropoles. Et les réalités de terrain ? Les habitants n'ont que faire des logiques administratives et cartographiques.
Montons des partenariats fondés sur les bassins de vie, en portant territoires urbains et ruraux dans une belle dynamique. Le pôle métropolitain est un territoire de vie. Les agglomérations ont un rôle structurant.
Ce projet de loi devait reposer sur quatre principes : confiance, clarté, cohérence, démocratie. Un avis de gros temps est lancé sur nos collectivités. Les dotations de l'État vont baisser : moins 4,5 milliards d'euros d'ici à 2015. La colère gronde. Cet acte III est un acte manqué. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Hyest . - L'enthousiasme est pour le moins mitigé : c'est un euphémisme ! Selon la bonne habitude socialiste, vous faites silence sur plusieurs lois de la décentralisation. Vous y avez sacrifié, vous-même, monsieur Sueur, étant ministre, ...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - La loi que j'ai alors défendue créait les communautés de communes.
M. Jean-Jacques Hyest. - ... mais il y a eu ensuite la loi Chevènement, et la loi Raffarin, et la loi de 2010 qui a créé les métropoles !
Ce projet de loi, saucissonné, manque de cohérence. L'aspect financier, pourtant fondamental, est occulté. Certes, les lois de finances sont là pour cela. Surnageait l'article 14, dont nos deux commissions demandent le report. Il reposait sur des critères orientés et injustes. Je salue le travail du rapporteur et du président de la commission des lois qui a dit explicitement qu'il avait une autre philosophie que le Gouvernement.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Je l'ai dit clairement.
M. Jean-Jacques Hyest. - Mais nous devons nous engager, politiquement, sur le texte initial du Gouvernement.
Beaucoup de juristes sérieux considèrent que le débat - interminable - sur la clause de compétence générale n'est pas pertinent.
M. Pierre-Yves Collombat. - Vous connaissez des juristes sérieux.
M. Jean-Jacques Hyest. - Comme saisi d'effroi devant la liberté d'administration retrouvée des collectivités, on l'encadre dans le carcan du pacte de gouvernance territoriale. Nous avons ici un montage technocratique...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Nous l'avons supprimé.
M. Jean-Jacques Hyest. - ... sous contrôle des préfets et des chambres régionales des comptes.
Quant aux métropoles, nouveauté autorisée par l'article 72 de la Constitution dans sa version révisée en mars 2003, la métropole lyonnaise devient une collectivité se substituant au département, la métropole marseillaise n'est ni plus ni moins qu'un EPCI et enfin la métropole parisienne avec une gouvernance curieuse, le conseil métropolitain réunissant le maire de Paris et les présidents d'intercommunalité. Bel exemple de démocratie locale ! D'autant qu'on y ajoute un schéma de coopération interdépartementale, - en oubliant que les départements de la grande couronne viennent d'achever leur propre schéma - en reprenant la formule, si critiquée - que n'ai-je entendu ici ? - de la loi de 2010. On nous reprochait alors de donner trop de pouvoirs aux préfets, et aujourd'hui, on n'a plus rien à dire contre eux. Le fait est que les préfets sont indispensables.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le mieux serait encore de revenir à leur situation d'avant 1982.
M. Jean-Jacques Hyest. - La métropole ne peut se développer contre la région, surtout si l'on s'ingénie à faire des départements des super-bureaux d'action sociale.
J'en viens aux métropoles, dotées de ce nom magique. Lille et Strasbourg ont un environnement européen, mais ne multiplions pas, au-delà, les métropoles, alors que la structure des communautés urbaines peut s'adapter à bien des territoires.
Nos concitoyens risquent de ne plus rien comprendre à cette complexité.
Depuis quelques années, on assiste à une offensive permanente contre la commune et le département : voyez les rapports Attali, Balladur et Jospin. Seule l'intercommunalité, en réalité une supracommunalité, et la région trouvent grâce aux yeux des bons esprits. On asphyxie les départements. Dans nos campagnes, chacun défend la commune, « berceau de la démocratie locale », mais on la cantonne, comme le département, dans la gestion de la vie quotidienne.
La réforme de 2010 fut une tentative courageuse d'apporter une réponse nouvelle. Vous n'en avez pas voulu sans doute pour défendre les baronnies constituées au fil du temps, avec leur cortège de petites prébendes, d'obligés et de dépenses somptuaires ?
On nous dit que les collectivités doivent participer au redressement des finances publiques alors que le président de la République avait annoncé un pacte de confiance avec la garantie du niveau des dotations. Même amendé, ce projet de loi ne correspond pas à l'objectif affiché de modernisation de l'action publique et j'ai le sentiment que nous perdons notre temps. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Edmond Hervé . - Mesdames les ministres vous faites de ce texte l'acte I de la modernisation de l'action publique et non l'acte III de la décentralisation. Nous attendons beaucoup d'une réforme de la fiscalité locale moderne et juste. C'est François Hollande qui a annoncé cette nouvelle étape de la décentralisation, avec un pacte de confiance et de solidarité. Premier objectif : la croissance ; deuxième objectif : le rétablissement des comptes publics, déclarait-il à la Sorbonne en clôturant les états généraux de la démocratie locale, en prenant soin de préciser que les collectivités étaient aussi concernées.
Le paysage territorial a changé. J'ai regretté les polémiques occultant la réalité. Monsieur le rapporteur, vous avez raison de souligner l'excellence de la fonction publique territoriale dans votre rapport. Il y a eu bien des avancées, face à l'affaiblissement d'un État distant et incertain, dont le rôle a changé : il est le garant du pacte républicain mais toutes les politiques publiques sont nécessairement partenariales.
L'État n'a plus le monopole de la régulation ni de l'intérêt général. Nos collectivités territoriales y participent.
Première évidence : la solidarité entre l'État et les collectivités territoriales et entre les collectivités territoriales elles-mêmes s'impose. C'est dans ce cadre que nous devons apprendre à conjuguer libre administration et discipline budgétaire et fiscale, discipline européenne aussi. Il y a des solidarités évidentes.
Deuxième évidence : nous avons un vaste territoire faiblement peuplé avec des densités variables. Nous ne comptons que quatre aires urbaines millionnaires : Paris, Lyon, Marseille et Lille.
Évitons d'importer des modèles qui ne correspondent ni à notre philosophie ni à notre culture. Je renvoie aux travaux de notre délégation, dont je salue les présidents successifs et particulièrement Mme Gourault. Son rapport se réfère aux travaux du professeur Saint-Étienne pour qui l'institutionnel ne doit pas prendre le pas sur le fonctionnel ni sur le stratégique. Il ne suffit pas d'un statut pour créer une influence, un rang éventuel.
Notre pays a besoin de grandes agglomérations. Mais elles ne résument pas le fait métropolitain. Dégageons-nous d'un certain jacobinisme qui hiérarchise les territoires. L'avenir est aux réseaux, aux filières, à la coopération, à la territorialisation. Privilégions les compétences partageables par accord contractuel. Aucun juriste ne peut définir le bloc de compétences. Je suis très attaché aux compétences obligatoires. Mais une région ne peut exercer sa compétence économique sans les départements. Il faut des conventions pour exercer les différentes compétences. Vous ne pourrez pas donner une valeur prescriptive aux schémas sans contractualisation.
Je suis heureux de la redéfinition du chef de file : il ne décide pas, il organise, met en rapport. Oui, madame Lebranchu, le problème essentiel de notre administration est celui de la transversalité, pas la hiérarchie.
Mme Éliane Assassi. - Très bien !
M. Edmond Hervé. - Nous sommes tous d'accord pour dire que notre territoire est différent. Assumons-le. Cela appelle l'expérimentation. L'indivisibilité n'implique pas l'uniformisation.
Financièrement, il n'est pas de bonne politique d'allouer des subsides aux métropoles au détriment des départements et des communes. (Applaudissements au banc des commissions et sur plusieurs bancs à droite et au centre)
Je remercie le premier ministre d'avoir mis en place par anticipation la préfiguration du Haut Conseil des territoires. Je souhaite que le Sénat soit régulièrement informé de ses travaux.
Monsieur Vandierendonck, vous avez évoqué le Paris-Roubaix. Je souhaite qu'il n'y ait pas de faux départ et que le franchissement de la tranchée d'Arenberg se passe sans incident (Sourires) et je rappelle à Mme Lebranchu, que l'un des plus grands vainqueurs de la course fut un Breton, Bernard Hinault. (Applaudissements et rires)
Mme Cécile Cukierman. - Bravo !
Mme Isabelle Pasquet . - Je veux évoquer la situation du département des Bouches-du-Rhône, coupé en deux, avec à l'ouest des territoires ruraux et à l'est des aires industrielles soumises à l'injonction de compétitivité face à Gènes et Barcelone.
La métropole, pour mettre fin aux trafics qui se terminent par des règlements de comptes sanglants, pour le développement de l'économie, du transport, de l'université, du port autonome bref, de tout : c'est simple mais simpliste ! Les élus, celles et ceux qui se battent pour faire de ce territoire un espace commun pour ses habitants, savent qu'il en va autrement. Les résistances, dénigrées par le Gouvernement comme la réaction de caciques préoccupés de clientélisme, s'expriment aujourd'hui et traversent tout le spectre politique. Elles reflètent les inquiétudes des populations, tant sur le fond que sur la forme. Le mode d'élection de la métropole aboutit à un gouvernement de gestionnaires, avec le fléchage, loin des élections municipales. Quant aux conseils de territoire, ils ne masquent pas la réalité : tout se décidera ailleurs que sur le territoire des communes. La Provence classait déjà Marseille il y a deux ans au quatrième rang des communes où vivent les Français les plus fortunés. La situation s'est aggravée depuis. Il faudrait travailler à une nouvelle répartition des richesses, à des coopérations mutuellement avantageuses. La liste est longue des initiatives qui peuvent faire commun si les incitations financières de l'État remplacent l'autoritarisme administratif. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Vincent Capo-Canellas . - Ce projet de loi est le premier d'une trilogie, pas l'acte III de la décentralisation. Le Gouvernement l'a reconnu. Le groupe centriste le regrette. Exercice risqué s'il en est : simplifier, c'est arbitrer. Vous n'aviez pas une feuille de route claire. La synthèse du président de la République aux états généraux fut brillante mais peu opérante. À trop concilier, on perd sa boussole.
J'en viens à la place des communes et de l'intercommunalité. Nous réaffirmons notre attachement à ce couple. Le département est très utile et joue un rôle majeur en zone rurale. Les dotations publiques vont baisser, après les décisions récemment annoncées.
À Lyon, le choix est fait par les élus. En Île-de-France, vous contournez le problème. En province vous laissez les élus décider de la contractualisation. Dans ce projet de loi foisonnant et bavard, chacun trouve des motifs de satisfaction et de mécontentement. Satisfaction pour Lyon mais la définition de la métropole recouvre une triple réalité comme l'a dit Mme Gourault : une collectivité territoriale à Lyon, un EPCI pour Aix-Marseille-Bouches-du-Rhône et un syndicat mixte à Paris.
Pour les sujets de mécontentement, la multiplication des schémas, qui rendra encore plus difficile la prise de décision et la conduite des politiques par les collectivités territoriales.
La commission des lois a tenté d'apporter de la clarté à ce texte. Rétablir la compétence générale est une décision symbolique. Mais la situation financière empêchera les collectivités territoriales d'agir au-delà des compétences obligatoires. Le chef de filat peut aboutir à un fatras ou à la tutelle d'une collectivité.
Je salue la suppression du pacte de gouvernance territoriale.
J'en viens à l'Île-de-France, via Lyon !
Je salue l'engagement de M. Mercier et de Gérard Collomb : clarté et efficacité au confluent du Rhône et de la Saône, brouillard en bord de Seine, madame la ministre.
Erreur de méthode, certes ; problème de leadership aussi. L'Île-de-France a envie et besoin d'une métropole. Elle crève de l'inefficacité et de l'empilement des structures. La version finale du schéma directeur a fini par reprendre une partie du projet de loi du Grand Paris. L'administration considère trop souvent que l'intercommunalité en Île-de-France est une chose et le Grand Paris une autre. Or l'intercommunalité est le moyen de construire le Grand Paris en Île-de-France. Le projet de loi n'en fait pas mention.
On a pris le problème par le mauvais bout en voulant imposer une toise à 300 000 habitants pour le développement de l'intercommunalité : elle est vécue comme une perte de proximité et une régression démocratique. En outre, vous essayez de construire la métropole en ajoutant une couche au millefeuille territorial ; ce n'est pas de bonne politique. Enfin, centrer la métropole sur le logement ne saurait, enfin, être un point de départ : ce devrait être un point d'arrivée.
Sur le périmètre, il y a deux visions. Dès lors que vous choisissez l'aire urbaine de Paris comme périmètre de la métropole, vous vous condamnez à reprendre le périmètre de la région Île-de-France puisque 95 % de la population de la région vit dans l'aire urbaine. La Région devient de fait la métropole. L'autre vision c'est de partir de la petite couronne, avec une métropole qui remplace les départements. Il faut trancher. La proposition de la commission est plus réaliste que le texte initial mais sur l'Île-de-France, il faut repartir à zéro ; le Sénat se grandirait à rejeter cette partie du texte.
Ardents décentralisateurs, nous pensons que décentraliser c'est faire des choix. Tel est notre désaccord. (Applaudissements au centre et à droite, ainsi que sur le banc des commissions)
M. Pierre-Yves Collombat . - Le projet du Gouvernement, produit d'une gestation difficile, nous arrive tronçonné en trois parties et il n'est plus question de décentralisation, mais d'un projet managérial à mille lieues de l'esprit des lois de 1982-1983, grâce à quoi les collectivités territoriales contribuent à l'essentiel de l'investissement public sans déficit. Qui dit mieux ? Et l'on vient brider leurs initiatives ! Aux états généraux, la première attente des élus était de voir créer un statut. Il paraît que c'est pour bientôt. Ils attendent aussi beaucoup de la réforme locale et de la simplification administrative. Le pacte territorial aura de quoi les réjouir !
S'agit-il de répondre aux sollicitations de l'Union européenne, du FMI, des holdings, voire de l'OCDE qui parle des économies substantielles qu'apporterait une fusion des petites communes et une suppression du département... Et si l'on supprimait l'OCDE ? Cela ferait des économies. (Rires)
M. Roger Karoutchi. - J'y ai été ambassadeur !
M. Pierre-Yves Collombat. - Il s'agirait, dit-on, de préserver notre « souveraineté budgétaire ». Souvenez-vous du AAA ! Est-ce en bridant l'action des collectivités territoriales que l'on retrouvera la croissance et l'emploi ? La vérité, c'est que les caisses de l'État sont vides, et que les collectivités territoriales doivent se serrer la ceinture pour sauver la face devant Bruxelles et Berlin.
On retire aux petites collectivités leurs compétences essentielles, avec le projet de développement de la solidarité territoriale. Parallèlement, on dope les métropoles, qui concentreront l'essentiel des richesses, au détriment de la péréquation. On organise la « servitude volontaire » des élus, pris dans la toile d'araignée du pacte territorial qui, à peine bouclé, devra être révisé. On met, enfin, les élus sous contrôle financier. Et l'on parle de rétablir la confiance, de clarifier et de renforcer la démocratie ? Drôle de manière de procéder.
Je me félicite que notre commission des lois ait revisité ce texte. Le Parlement, même sous la Ve République, n'est donc pas obligé de tout avaliser. S'inspirant du rapport Hervé-Gourault, le texte de la commission des lois crée les conditions d'un accord. Voyez comment l'Europe s'est autoparalysée sous sa camisole de traités. La servitude volontaire n'a rien de bon. Et pas plus quand elle prend la forme d'un pontificat infaillible du président de la commission des finances, opposant à nos amendements la sanction de l'article 40.
Le chef de filat, la métropole sont encore loin de faire consensus. Manquent aussi les outils pour l'organisation des territoires en réseau.
J'ai lu, madame la ministre, que vous vous prépariez à un bras de fer avec le Sénat.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Certainement pas.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce serait dommage. Arriver au consensus dans notre Haute Assemblée serait un bon signal. (Applaudissements sur de nombreux bancs à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission. - Très bien !
M. Ronan Dantec . - Quelle occasion manquée ! On devait décliner un nouvel élan décentralisateur et voilà, en lieu et place, un texte bien faible. Le constat est sévère, c'est que l'enjeu est d'importance. L'acte III de la décentralisation devait fédérer les énergies et renforcer la solidarité territoriale, exigences majeures du temps.
Ce projet de loi dit surtout les difficultés d'organisation et le conservatisme frileux face à toute offre de réforme. Le constat ne s'adresse pas à vous, madame la ministre, mais aux élus qui veulent défendre leur pré carré. Les citoyens, aussi, ont craint pour leur avenir. D'où l'échec de la réforme en Alsace.
Oui, c'est une véritable vision d'avenir qu'il nous faut projeter : nous avons quelques jours devant nous. Commencer par les métropoles est dangereux. Il aurait fallu étudier ensemble le couple région-métropole, au lieu de nous laisser croire que nous sommes dans la stratégie de Lisbonne. C'est affaiblir la force politique du texte et la confiance des citoyens. Par amendements, nous dirons que les métropoles doivent s'engager dans un nouveau dialogue avec leurs territoires environnants, et notamment les villes moyennes. Nous insistons sur le renforcement des compétences de la région, avec un chef de filat clair. Les collectivités territoriales sont aussi capables de se coordonner. Sur la transition énergétique, elles ont su travailler ensemble.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - C'est vrai.
M. Ronan Dantec. - Il appartient à la loi de tracer un cap. Les grandes villes devront y prendre leur part.
Sur certains points, le texte nous semble encore plus en retrait après réécriture de la commission des lois. Le pacte régional nous paraissait intéressant pour dépasser certains blocages. Surtout, sans élections directes, les métropoles ne seront pas légitimes. Ce point sera central pour déterminer notre vote. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Jean-Claude Gaudin . - Ce projet est très important pour l'évolution du fonctionnement des collectivités territoriales ; il est plus important encore pour Marseille, dont je connais au premier chef les difficultés et les potentialités. Sur la notion de la métropole, le texte du Gouvernement, revu par la commission des lois, s'inscrit dans une évolution naturelle. C'est une démarche nécessaire pour toute l'agglomération, qui n'enlèvera rien à personne et apportera beaucoup à tout le monde.
Il y a des précisions à apporter au texte, cependant. Le développement économique, l'aménagement du cadre de vie, la lutte contre le chômage sont réalité à Marseille, mais nous sommes encore en retard. Voyez Lyon et Barcelone. C'est un retard qui remonte à 1966, quand Marseille, sur décision de son maire, n'est pas montée dans le premier train des communautés urbaines de France.
M. René Vandierendonck, rapporteur. - C'est vrai.
M. Jean-Claude Gaudin. - Résultat, elle est restée trop seule pour aborder les problèmes des cinquante dernières années. Quand la loi Chevènement a ouvert une nouvelle occasion en 1992, le conseil communal n'a pas hésité, ni son maire. La communauté urbaine Marseille Métropole s'est affirmée depuis treize ans dans ses compétences et ses projets ; elle a même résisté aux soubresauts d'une alternance démocratique qui n'avait pas été décidée par le suffrage universel.
M. Gérard Longuet. - C'est vrai.
M. Jean-Claude Gaudin. - Sur le fondement de la loi de 2010, le conseil avait voté le principe de l'extension de la communauté urbaine à dix-huit communes. Le Gouvernement va sans doute ici trop loin, mais je connais assez le train de l'administration française pour ne pas craindre la vitesse, sinon la précipitation. Le report à 2016 est acquis, c'est une bonne chose.
La condition, c'est de ne pas créer une couche supplémentaire au millefeuille et surtout, d'assurer la prééminence des maires. Qui dit EPCI dit coopération intercommunale, les élus doivent en être la base. Les maires doivent garder un rôle dans l'aménagement et le droit du sol. À dix-huit, nous l'avions réussi. Nous le pourrons à 92. Pourquoi ne pas essayer ?
Dans les présentations polémiques du projet, on reproche à Marseille sa prétendue tentation hégémonique. Rien n'est plus faux. Elle n'a nullement l'intention d'exporter des problèmes sur le reste du territoire, alors qu'elle a inversé la spirale du destin, qu'elle a créé en dix-huit ans 40 000 nouveaux emplois et 20 000 nouvelles entreprises, tout en accueillant 80 000 nouveaux habitants ; que sa gestion est rigoureuse et honnête ; qu'elle a stabilisé sa dette, ne consacrant son effort fiscal qu'aux investissements. Marseille n'a pas de leçon à recevoir, pas plus qu'elle n'en donne à quiconque. Elle a compté, compte et comptera d'abord sur elle-même. Mais elle profite à l'ensemble des communes de l'agglomération, de ses habitants, qui utilisent ses services, y travaillent, s'y font soigner, y vont au théâtre. Et c'est pourquoi l'intercommunalité doit être organisée sur le territoire. On ne peut se plaindre de l'état des transports sans agir pour développer les infrastructures.
Les maires continueront d'exercer leurs compétences pleines et entières. La référence au pacte de gouvernance est utile à rappeler aux traînards. La loi de 2010 n'avait pas permis une bonne représentation des communes les plus peuplées. Portée à 238 membres, l'assemblée métropolitaine me semble de nature à résoudre le problème. Tous les maires doivent faire partie du conseil.
La métropole, oui, mais avec qui et pour quoi faire ? Le projet métropolitain doit assurer le développement économique et social de tout le territoire. Cela suppose une implication forte de l'État, sans lequel le projet n'a pas de sens. L'engagement devrait être à proportion de celui que consent l'État pour le Grand Paris.
La compétence pluviale doit être assumée au niveau métropolitain, de même que la voirie sous toutes ses modalités. Enjeu stratégique, enfin, le grand port maritime. Je présenterai un amendement là-dessus.
Dernier point, à moins qu'il ne soit temps de conclure... (On incite l'orateur à poursuivre)
M. le président. - Si c'est juste pour une sardine.... (Rires)
M. Jean-Claude Gaudin. - Bon, je conclus.
Le bataillon des marins-pompiers, 1 400 hommes et femmes qui assurent la protection de 24 000 hectares, soit l'équivalent de Roissy à Orly, coûte 100 millions d'euros par an, dont 70 millions à Marseille. Il faut trouver une solution, n'en déplaise au magnifique grand potentat de l'article 40. (Rires ; plusieurs voix sur divers bancs : « Où est-il ? »)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Il n'est pas là, M. Marini. (Nouveaux rires)
M. Jean-Claude Gaudin. - Nous pouvons passer de la métropole inachevée à la métropole affirmée. Nous avons fusionné trois universités. Dans le chantier euroméditerranéen, l'Europe et les collectivités territoriales collaborent. Pour Marseille, capital européenne de la culture, toutes les communes sont concernées.
Je ne crois guère au Saint-Esprit, mais un peu d'espoir, de confiance, que diable ! Et l'on parlera après, monsieur Collombat, du statut de l'élu, loin du contexte actuel, et des télévisions. (Rires et applaudissements)
M. Gérard Collomb . - Votre texte, mesdames les ministres, était attendu. Parfois de pied ferme. Il fut beaucoup commenté, souvent de manière un peu contradictoire, ce qui diminue la pertinence des critiques. S'il soulève tant de difficultés, c'est que la France est devenue diverse, et qu'il est facile d'opposer entre eux les territoires, quand il faudrait rechercher l'unité, qui ne veut pas dire uniformité.
Sur les cartes de la Datar, on voit la France rurale, des Ardennes au sud-ouest, en passant par le Massif central. C'est le département qui, dans cette France, doit être l'armature. On voit ensuite la France des villes moyennes, celles qui regroupent de l'ordre de 100 000 habitants. On y trouve les premiers services aux entreprises, les premières antennes universitaires, certaines spécialités. Il faut renforcer ces villes, dont la dynamique rejaillit sur tout le territoire autour d'elles. N'opposons pas le rural et l'urbain. 90 % de la population vit sous influence urbaine.
On voit, enfin, des grandes villes d'intérêt national, avec des systèmes urbains complexes qui portent la dynamique économique mais sont aussi confrontés à des difficultés sociales. Il faut leur donner les moyens de faire un bond en avant. C'est ce que fait ce texte en instaurant les métropoles de droit commun. Trois sur quatre métropoles peuvent essayer de se comparer aux grandes métropoles européennes, Barcelone, Manchester ou Milan.
Et puis, il y a le problème spécifique de l'Île-de-France, qui représente 30 % du PIB français. C'est la seule métropole européenne avec Londres à pouvoir peser sur la scène mondiale. Or c'est encore un territoire très fragmenté, où le cloisonnement institutionnel peut nuire à la dynamique économique et paralyser la construction de logements. (On approuve sur les bancs de la commission) C'est pourquoi, la compétence logement doit être un point de départ.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Très juste.
M. Gérard Collomb. - Ce chemin vers plus d'intégration, c'est celui qu'a parcouru la communauté urbaine de Lyon, dès 1966. Au départ, pour assurer des services urbains basiques, alors que seules 18 communes sur 55 étaient équipées du tout-à-l'égout. Puis vinrent la compétence urbanisme, le logement, le très haut débit, l'énergie. Les communes se sont habituées à travailler ensemble sur des champs toujours plus nombreux, à résoudre les problèmes de La Duchère ou de Vénissieux.
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Très bien !
M. Gérard Collomb. - Vous vous souvenez des explosions urbaines, de la révolte des banlieues : c'était dans l'agglomération lyonnaise. C'est fini.
Créer des métropoles, c'est se donner les moyens de peser en Europe, de mieux prendre en compte les questions sociales, en articulant mieux l'urbain et l'humain.
Je veux dire à nos amis Marseillais que c'est dans cette voie de l'intégration communale que réside la clé du succès. À Lyon, en 1966, lorsque fut créée une des neuf premières communautés urbaines de France, la quasi-totalité des élus étaient contre ; personne ne regrette. Votre territoire, amis Marseillais, a des atouts. Saisissons-nous de ce texte pour écrire une page nouvelle de notre histoire.
Ce projet de loi, pour certains, manquerait de souffle. Il n'y a pas une France, mais des France (On approuve à droite) et il n'est pas aisé d'organiser notre complexité. On ne peut plus se contenter d'un modèle unique, comme autrefois. Nous devons ensemble donner vie à ce texte. L'immobilisme ou le changement, telle est l'alternative. Si nous restons prisonniers de nos immobilismes, de nos conservatismes, rien ne bougera. Sachons saisir cette chance, pour que les collectivités territoriales soient, demain, les vraies actrices du changement. (Applaudissements sur les bancs des commissions, plusieurs bancs socialistes et UMP)
M. Hervé Marseille . - Ce projet de loi porte sans doute un titre attrayant mais personne ne se laisse abuser par le terme de modernisation. Peu se satisfont de ce texte, et l'important travail de la commission des lois en témoigne. Malgré ce travail, le grand nombre d'amendements déposés traduit une insatisfaction générale. Le pouvoir des maires, en Île-de-France, est confisqué. Je ne doute pas, chers collègues, attachés que vous êtes à cette fonction de proximité, que vous saurez porter un jugement critique sur ce choix. Ce texte complique le millefeuille et affaiblit le principe de libre administration, privant souvent les collectivités territoriales de leur pouvoir d'appréciation.
L'article 12 crée le Grand Paris Métropole. Cet établissement public serait composé de la ville de Paris et des EPCI à fiscalité propre. La région Île-de-France et les départements pourraient participer avec voix consultative aux travaux de Grand Paris Métropole. Nos communes sont les grandes oubliées. Le transfert au Grand Paris Métropole de prérogatives communales dessaisit les maires, élus légitimes. L'article 13, relatif au schéma régional de l'habitat, donne compétence à Grand Paris Métropole pour sa déclinaison territoriale. Autrement dit, le maire est dessaisi de la politique d'urbanisme, alors que c'est au plus près du terrain que l'on peut corriger les inégalités. J'ajoute que les dirigeants des intercommunalités ne sont pas élus au suffrage universel direct et n'ont donc pas à répondre de leurs actions devant les électeurs. Le rapprochement des collectivités demande du temps. Il y faut un partenariat durable, stable et collectif. Je déposerai un amendement pour reporter le Grand Paris Métropole après l'achèvement de la carte intercommunale.
Les moyens manquent, puisque le texte reste à moyens constants. Et les normes se multiplient, sans être coordonnées : c'est contre-productif. Le nombre de logements construits ne pourra que baisser.
Où est la cohérence, la vision d'ensemble de ce texte ? Quel avenir pour la région Île-de-France, qui subira la concurrence de la métropole ? Ce texte est insatisfaisant, et pour l'opposition, et pour bien des représentants de la majorité, si l'on en croit le nombre d'amendements déposés par les groupes CRC et écologistes. Quel financement pour le Grand Paris Métropole ? Quelles conséquences en termes de péréquation ?
Vous comprendrez que nous ne puissions nous engager, en l'état, sur ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Pierre Sueur. - Les amendements ne sont pas un signe d'insatisfaction, mais une marque d'intérêt. Si l'on est hostile par principe au fait de déposer des amendements, autant fermer le Parlement.
M. Gérard Larcher . - Michel Mercier nous le disait, la réforme des collectivités territoriales requiert courage et abnégation de la part des ministres, tant la commune et le département sont chers à nos concitoyens, tant le sujet est sensible. Une interrogation nourrit l'inquiétude des élus. Depuis le 16 décembre 2010, c'est le quatrième texte qui vient modifier l'organisation territoriale, et ce n'est pas fini. Cette instabilité est insupportable pour les élus. À peine les schémas départementaux de coopération intercommunale achevés, moins de cinq mois après, tout est bouleversé.
Interrogation, aussi, face à une complexité toujours croissante. Comment réhabiliter à la fois la clause de compétence générale et la notion de chef de file ? Quelle place, enfin, pour les communes ? En Île-de-France, les choses ne sont pas comparables à Lyon : 11,8 millions d'habitants dont 10 dans l'agglomération centrale. Il ne saurait y avoir de réponse unique, qui vaille partout.
Dans votre projet, madame la ministre, l'institutionnel primait sur le fonctionnel. Heureusement, la commission des lois a prévu une représentation des communes de moins de 50 000 habitants. L'intercommunalité et l'action communale ont besoin de dynamisme.
Les communes rurales des départements périurbains s'interrogent, c'est vrai dans tous les départements de la grande couronne. Une partie de mon département s'intéresse plutôt à la région Centre ou à la région Haute-Normandie. En Île-de-France, on ne nous parle pas de transports collectifs avant 2030 !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Que fait M. Karoutchi ?
M. Gérard Larcher. - Il faut faire du concret, du fonctionnel, du cohérent, répondre à la réalité : on ne bâtira pas le concept de métropole dans l'affaiblissement des territoires ruraux, des villes moyennes et des bourgs-centres.
La loi de 2010 était imparfaite, mais la commune était au coeur de l'organisation territoriale. Ma ville est pôle d'équilibre dans un secteur encore rural de l'Île-de-France, trait d'union avec Chartres en région Centre. La commune a du sens, n'en déplaise à l'OCDE, surtout en temps de crise. (M. Roland Povinelli applaudit) Je défends une organisation territoriale, monsieur le président, bâtie sur un renforcement de l'intercommunalité, sur l'idée qu'il faut conforter le département là où il a du sens...
M. Gérard Longuet. - En zone rurale...
M. Gérard Larcher. - ... et des métropoles qui correspondent aux défis européens et de la mondialisation. Je crois à la constitution de réseaux, à la concertation, à la contractualisation mais pas au modèle unique. Voilà un projet qui pourrait nous rassembler. (Applaudissements au centre et à droite et sur quelques bancs socialistes)
M. François Patriat . - Je vois bien les bonnes intentions... Mais il est des divergences qui demeurent. Il était temps, mesdames les ministres, de siffler la fin de la partie. Il fallait choisir, trancher. M. Mézard a parlé du cumul. Un président de région vous parlera des régions.
Comment mettre fin aux doublons, moderniser l'action publique pour la rendre plus efficace ? Comment libérer les capacités créatrices des territoires ? Comment responsabiliser chaque échelon, conforter l'État dans ses fonctions régaliennes et son rôle d'arbitre ? Le chef de l'État a répondu en concluant les états généraux, puis à Dijon. La France a besoin de retrouver la confiance et l'équité, de réinventer son fonctionnement démocratique, de changement. Pour tout cela la décentralisation est déterminante.
Les régions se sont reconnues dans les orientations du président de la République. Elles ont formulé des propositions fondées sur quatre principes : clarifier, simplifier, responsabiliser, économiser. Elles ont signé avec le Gouvernement une déclaration commune début septembre pour prendre leur part au redressement du pays.
Or nous constatons une certaine confusion. Les trois textes que vous présentez, madame la ministre, n'accélèrent pas la décision publique ni ne responsabilisent État et collectivités territoriales avec des blocs de compétences claires. Ce n'est pas aux collectivités de dire ce qu'elles veulent faire mais à l'État de dire ce qu'elles doivent faire et avec quels moyens.
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
M. François Patriat. - Il est vrai que les élus, y compris ceux de même tendance politique, que les territoires ne se font pas confiance entre eux, parce qu'ils veulent tout faire. Il est vrai aussi que nous n'avons pas su trancher, la France compte trop de collectivités dans son fameux millefeuille.
Les conférences territoriales risquent de bloquer l'action publique, les collectivités se contrôleront les unes les autres ; de même avec le pacte. On pourrait même arriver à une tutelle des collectivités sur la région.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Absolument ! C'est un risque.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - C'est aller loin !
M. François Patriat. - Heureusement la commission y a remédié. La réforme ne doit pas être l'occasion de les opposer, d'institutionnaliser les cafouillages. Pour cela il faut trancher, savoir qui fait quoi, qui est responsable de quoi, qui doit rendre des comptes. C'est ainsi que nous redonnerons confiance à nos concitoyens, que nous redonnerons du souffle à la démocratie locale.
Les régions sont soucieuses de faire réussir une réforme qu'il faut aborder avec pragmatisme. Revenons à l'ambition affichée par le président de la République. (M. Roger Karoutchi rit) Simplifions, clarifions, responsabilisons. Donnons aux régions le statut de chef de file de l'aménagement et du développement durable du territoire, ce chef de filat doit être responsable et efficace. Déléguons aux régions, comme l'a dit Jean-Pierre Sueur, une compétence complète sur le développement économique.
Permettons aux régions de devenir autorités de transport de plein exercice, de chefs de file de l'intercommunalité. Réussissons le transfert de l'autorité de gestion des fonds européens. Obtenons un portefeuille de ressources fiscales dynamiques, plus en lien avec l'activité des régions. Aussi, avec la commission des lois, nous oeuvrons dans le bon sens. Nous soutiendrons ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes et des commissions)
M. Roger Karoutchi . - Pourquoi voulez-vous essayer de faire entrer l'Île-de-France dans un moule qui n'est pas le sien ? Marseille, Lyon représentent entre 15 et 20 % de la population de leur région respective. En Île-de-France, vous créez une métropole qui rassemble 85 % à 90 % de la population. Que restera-t-il de la région ? Qu'est-ce que ce monstre, sinon un contre-pouvoir à la région ? Un monstre qui absorbe tout, sauf, évidemment, les zones rurales. Chaque président de conseil général concerné en grande couronne se débrouillera...
C'est la métropole qui aura la compétence logement, mais la région conservera celle des transports - elle n'y arrive déjà pas ! Tout le monde est d'accord, moi le premier, pour reconnaître qu'on a un vrai problème de fonctionnement : l'Île-de-France est ou trop petite ou trop grande. Comme on ne sait pas faire, on invente sans cesse des structures nouvelles qui ne changent rien et rendent de plus en plus complexes et inefficaces les politiques.
On aurait pu fonder la métropole avec les quatre départements du centre, imaginer d'autres formules. Mais avec le non-choix qui est fait nous conservons les communes, privées de l'essentiel de leur pouvoir ; les départements de petite couronne, dessaisis pour partie au profit des EPCI ou de la métropole; et les départements de grande couronne dont la gestion sera partagée, dans la métropole pour une part, en dehors pour l'autre... On nous dit : ne vous inquiétez pas, il y aura un schéma régional de l'habitat. Mais l'établissement public foncier régional ne marche pas du tout, certains départements, certaines communes ont créé le leur !
Ce système est fou ! Nous sommes tous d'accord pour remettre à plat l'existant. Mais vous créez une strate supplémentaire, dans une logique de compétition avec la région. L'une et l'autre s'affronteront - pour le plus grand bien de nos concitoyens ? Certainement pas ! Vous niez les efforts réalisés en matière d'intercommunalité en petite couronne, vous dessaisissez les départements. Que gagnons-nous en Île-de-France pour la vie quotidienne de nos concitoyens ?
En 1994, j'ai souvenir d'un plan sympathique ; la région Île-de-France devait passer de 10 millions d'habitants alors à 9,5 millions en 2020. Nous en aurons 13 millions ! À l'époque, l'unité urbaine, c'était 340 communes, elles sont aujourd'hui 412, demain davantage encore... La région devrait se voir conférer les compétences des métropoles. Pourquoi dessaisir les communes, les départements de la petite couronne, tant qu'on n'a pas réfléchi à l'extension urbaine future ? Où en sera-t-on en 2030 ? Où va-t-on ? On crée un monstre qui ne répond ni aux attentes des élus ni à celles des habitants. Nous avons besoin de lien entre les départements et les communes, qui se fasse au travers d'une structure ; celle-ci existe, c'est la région.
De grâce, ne multiplions plus les fonds, les schémas, les structures. Les élus ne savent plus à quel saint se vouer. L'Île-de-France a besoin de liberté, de souffle, pas de structure supplémentaire. (Applaudissements à droite)
M. Roland Ries . - Ce projet de loi répond à une double nécessité : la prise en compte, dans notre organisation territoriale, des évolutions qui ont affecté nos modes de vie ; et le souhait de la France d'adresser à ses partenaires européens un message clair. Ce texte met en effet en valeur le positionnement européen de certaines de nos grandes agglomérations. Il consacre aux agglomérations lilloise et strasbourgeoise des dispositions liées à leur vocation européenne ; pour elles, les enjeux sont transfrontaliers mais les formes de coopération actuelles ne sont pas adaptées, leur mise en oeuvre se heurte à des difficultés d'harmonisation des initiatives et de rationalisation des financements. D'où l'intérêt des schémas de coopération transfrontalière. Les métropoles de Strasbourg et Lille seront désormais les interlocuteurs privilégiés de leurs partenaires au-delà des frontières. Siège du Conseil de l'Europe, de la CEDH, de diverses institutions européennes et internationales, Strasbourg assume des fonctions qui sont, ailleurs, celles d'une capitale d'État. Le statut d'eurométropole le reconnaît. Le président de la République a rappelé devant le Parlement européen le 5 février dernier son attachement à cette vocation européenne. Strasbourg a bénéficié d'un soutien constant de l'État, que ce soit avec François Mitterrand, Jacques Chirac ou Valéry Giscard d'Estaing. Notre commission des lois a introduit des précisions nécessaires. Merci à son président et à son rapporteur.
Un dossier préoccupe nos grandes agglomérations (M. Louis Nègre applaudit) la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant...
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Très bien !
M. Roland Ries. - ... attendues unanimement depuis si longtemps. Il sera transformé en service public du stationnement.
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est compliqué !
M. Roland Ries. - Il me semble qu'il existe sur ce point un consensus. Je souhaite qu'il s'étende au reste du texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Louis Nègre . - Après les grandes lois de 1982 et 2004, ce texte n'a pas l'envergure attendue d'un acte III de la décentralisation. Scindé en trois textes, il souffre d'une rédaction initiale confuse, loin de la devise olympique citius, altius, fortius... C'est plutôt un texte petibonus... (Sourires)
Je me félicite de l'important travail accompli par le président et le rapporteur de la commission des lois, qui ont opportunément simplifié le texte. La commission a revu en profondeur la composition et le rôle de la conférence territoriale, assoupli utilement certaines dispositions, comme à l'article 31, conforté le fait urbain en préconisant l'émergence de métropoles d'une taille européenne.
Je me réjouis que le titre même du projet de loi affirme les métropoles. Nice-Côte d'Azur en est l'exemple pour l'instant unique. Nous savons depuis dix-huit mois ce qu'est concrètement une métropole...
M. Pierre-Yves Collombat. - Rurale !
M. Louis Nègre. - ... celle créée par Christian Estrosi à la suite de la loi de 2010. Elle fonctionne efficacement et à la satisfaction générale. Et pourtant, chez nous aussi, quand on a créé la communauté d'agglomération il y a dix ans, les oppositions étaient fortes. Aujourd'hui la situation s'est inversée. Notre métropole pilote a ouvert la voie. Elle exerce la plupart des compétences proposées par le projet de loi. Elle se fonde sur une intercommunalité dynamique et solidaire qui porte un vrai projet de territoire.
Certains s'inquiètent d'une intégration aussi poussée. Cher collègue Favier, n'ayez pas peur ! (Sourires) Les communes rurales sont 29 sur 46 dans notre métropole. Mais, n'en déplaise aux Cassandre, nous avons su créer entre elles et les communes urbaines une solidarité qui a renforcé la cohésion sociale. C'est la meilleure réponse aux détracteurs des métropoles. Aujourd'hui, deux communes dirigées par des maires communistes réclament leur intégration à la métropole niçoise.
Maire de Cagnes-sur-Mer, je constate, comme mes 45 autres collègues, que ma commune n'a pas disparu. Je ne suis pas devenu maire d'arrondissement. La clé de la réussite, c'est la bonne gouvernance, elle-même fondée sur la conférence des maires, qui doit se voir reconnaître un rôle plus décisif que dans ce projet de loi, et une charte qui incite à rechercher systématiquement le consensus.
Le projet de loi va dans le bon sens. Je le voterai. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. le président. - Attribuer des temps de parole de quelques minutes sur des sujets qui sont notre coeur de métier est un peu irréaliste...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Il y a tant de demandes !
M. Vincent Eblé . - Ce projet de loi reconnaît le fait métropolitain, réponse adaptée à des réalités très diverses. Pour la première fois, la vision de l'organisation des pouvoirs locaux n'est plus centralisée, uniforme, mais s'appuie sur l'expérience de terrain, en laissant aux acteurs des marges de manoeuvre importantes. C'est un signe de maturité de notre démocratie.
Pour Paris, le texte amendé par la commission des lois crée une collectivité sui generis ; j'y souscris, mais veillons au périmètre, aux compétences et à la solidarité financière. Certains en tiennent pour que métropole et région ne fassent qu'un. D'autres plaident pour une structure centrée sur l'aire urbaine ; c'est le cas de la commission des lois. Ne créons pas de nouvelles frontières au sein de la région. Élu de Seine-et-Marne, qui couvre la moitié de la surface régionale, je connais les craintes de relégation, qui conduisent souvent à l'extrémisme.
M. Philippe Dallier. - Eh oui !
M. Vincent Eblé. - Obligés de s'éloigner pour trouver des logements à prix accessibles, ils subissent des transports bondés, des équipements de proximité insuffisants : trouvons la bonne échelle pour résoudre ces difficultés. Or les deux tiers des habitants sont exclus de la métropole. Les réalités font fi de l'aire urbaine stricto sensu : Sénart, Cergy-Pontoise, Saclay en témoignent. Le périmètre proposé exclut même les pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle... Plus grave, la commission des lois méconnaît le besoin de structuration de ces territoires qui subissent les conséquences de l'émiettement intercommunal. Nous en savons quelque chose en Seine-et-Marne. Je regrette une forme de frilosité inadaptée aux enjeux. Il faudra clarifier le statut et les compétences de la future métropole.
En Île-de-France cohabitent des pôles très pauvres et des secteurs très riches. Gardons en mémoire les émeutes de 2005. Le pays tout entier pâtirait d'un affaiblissement de l'Île-de-France. Le Gouvernement avait proposé un dispositif de péréquation entre départements. Les commissions ont proposé la suppression de l'article. Ce serait une grave erreur ; sans ce dispositif, il n'y aura pas de métropole durable et solidaire. Je proposerai un amendement visant à son rétablissement, pour le principe, renvoyant à la loi de finances pour son dispositif technique. Gardons en permanence présent à l'esprit ce qui fonde l'action publique locale, le service au public, le développement des territoires, la lutte contre les inégalités. Dans l'oeuvre de redressement, les collectivités territoriales peuvent et doivent jouer un rôle important. (Applaudissements sur les bancs des commissions)
M. Philippe Dallier . - Voilà cinq ans que j'attends ce débat sur le Grand Paris. Ce jour aurait été un grand moment de bonheur si j'avais pu voir mon travail transcrit dans la loi... Il eût fallu pour cela que je sois sénateur du Rhône...
M. Roger Karoutchi. - Nul n'est prophète en son pays !
M. Philippe Dallier. - Les choses avancent, même le président de l'ARF convient que la question de la fusion des départements mérite d'être posée. Il y a un an, j'ai reçu un coup de fil de Claude Bartolone, alors président du conseil général de Seine-Saint-Denis, qui se disait favorable à ma position. Malheureusement, votre projet de loi ne va pas dans ce sens. Vous n'en avez pas eu l'audace. Le président Huchon n'a jamais voulu entendre parler du Grand Paris, dont il craint la concurrence ; et le maire de Paris, qui a pourtant initié un dialogue avec la banlieue, n'est jamais allé au bout de sa logique. L'espèce de compromis que vous proposez est la plus mauvaise solution. On ne peut pas ne rien faire, il y a urgence à permettre à notre ville monde de rivaliser à armes égales avec ses concurrentes, urgence à rendre les politiques publiques plus efficaces, urgence à réduire la fracture territoriale dans la métropole la plus riche d'Europe mais aussi celle où les inégalités entre collectivités sont les plus grandes, urgence enfin à rationnaliser la dépense publique - nos concitoyens ne comprennent plus qui vote l'impôt local ni pour faire quoi.
Ce texte ne le permet pas. Le maire de Paris, le président du Grand Paris et celui de la région, les huit présidents de conseil général, plus les dizaines de présidents de communautés... à côté de 412 maires qui diront : « Et moi, et moi, et moi ! ». Un modèle incompréhensible pour tout le monde ! C'est le coeur du débat. À Lyon, à Marseille, vous rationnalisez. Pourquoi pas en Île-de-France ? À Marseille, vous avez répondu à un élu que multiplier les niveaux de collectivités était budgétivore et inefficace ! Vous parliez d'or ! Dans la petite couronne, toutes les communes ont la taille critique pour délivrer les services de proximité.
En 2008, je préconisais de s'appuyer sur ces communes. Qui suit les allocataires du RSA, les personnes âgées dépendantes en Île-de-France ? Les services des communes ! (M. Christian Favier s'exclame) Sur moins de 10 % du territoire de l'Île-de-France, nous avons 7 millions d'habitants, soit une densité plus grande que celle du Grand Lyon. Faut-il inclure dans la métropole 10 millions d'habitants sur 12 ? Cela n'a pas de sens ! Mon modèle ne coûterait pas un sou aux autres, il a un effet péréquateur extraordinaire. Les compétences pourraient être ensuite redistribuées, la métropole étant une collectivité locale de plein exercice, sans clause de compétence générale, se spécialisant en matière de logement. Quand on aura coupé la Seine-Saint-Denis en quatre ou cinq agglomérations, élaboré PLH et PLU, aura-t-on changé quoi que ce soit à la mixité sociale ? Dans cette première couronne, on se regroupe par couleur politique ; à l'ouest, les moins riches avec les un peu plus riches, à l'est les plus pauvres avec les un peu moins pauvres... Est-ce là votre modèle ? Le mien ne s'oppose pas à la grande couronne, ne l'affaiblit pas. Il faut imposer la coopération entre collectivités territoriales. Pourquoi la métropole sur la zone dense s'opposerait-elle à la grande couronne ou à la région Île-de-France.
Oui, mon projet a cinq ans. Mais qui a proposé un autre modèle ? Ne me reprochez pas de persister, mon projet est comme un vin de garde, il se bonifie avec l'âge alors qu'il y a des vins nouveaux qui tournent vite vinaigre ! (Applaudissements à droite ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit aussi)
M. Alain Richard . - Cette discussion est fertile. Il y a eu débat sur la méthode. Je fais partie de ceux qui ont souhaité le partage en plusieurs projets. Souvenez-vous de l'acte I de la décentralisation : on n'a pas procédé autrement. Plutôt que travailler sur une masse difficilement maîtrisable, mieux valait diviser, sans anticiper ici sur la suite.
Avec le développement de la décentralisation, qui a porté de nombreux fruits, on a aussi vu se développer les corporatismes, reconnaissons-le.
La métropole représente un niveau d'intégration intercommunale considérablement amplifié. Ce que l'on délègue, on ne le reprend plus. Il faut donc en rester à une vision réaliste, par un partage efficace et équitable, entre commune et EPCI, dans l'esprit mutualiste. Il y a, là aussi, des pesanteurs et des conservatismes, avec un implicite, y compris chez certains élus et hauts fonctionnaires, y compris territoriaux, que les métropoles sont l'avenir, et les communes le passé. Il y a deux enjeux : la proximité, avec les vertus du dialogue en direct; en temps de crise, c'est avec la commune que les citoyens échangent ; et le coût de gestion. Je pose la question du rapport coût-prestation à mesure que les structures grossissent. Là-dessus, la Cour des comptes a dit des choses nuancées. Or, le paysage financier a changé, et durablement. Il faudra rationaliser et développer les synergies entre communes et intercommunalités. Avant notre rendez-vous dans cinq ans sur les schémas de coopération intercommunale, il faudrait évaluer les coûts de gestion : ce qui est gros n'est pas forcément moins coûteux.
Je voudrais faire une réserve de taille sur le projet et cette idée que la concentration des pouvoirs est synonyme d'efficacité. Il y a de l'inattendu de la part d'un gouvernement de gauche. Les communes sont tenues de déléguer aux métropoles, qu'elles le veuillent ou non. Pour Marseille, on privilégie la contrainte. Pour Paris, on inclut des communautés actuelles ou futures dans une structure unique. Et le passage en métropole signifie le passage du PLU de la commune à la communauté. Les propositions s'éloignent de la trajectoire émancipatrice suivie depuis quarante ans et qui a marqué la victoire de notre famille politique.
Vous partez du principe que les élus ne sont pas capables de prendre conscience du besoin nouveau de coopération et de solidarité.
La commission des lois a mené un travail transpartisan sur ce texte. La volonté est je crois largement partagée de faire aboutir ce texte. Nous avons entendu beaucoup de beaux discours. Nous avons ce soir des motions de procédure, visant à clore la discussion. Or tous les groupes ont beaucoup à apporter. Ce soir sera un moment de vérité. Sommes-nous capables de travailler ensemble à définir une structure collective respectant l'échelon communal ?
Nous pouvons montrer à ce pays soucieux de voir ses représentants s'engager dans des choix constructifs que nous savons travailler ensemble pour l'avenir. Le pays le remarquera. (Applaudissements à gauche)
Mme Élisabeth Lamure . - Le Gouvernement et les élus de terrain que nous sommes n'ont pas la même vision. Le projet rhodanien crée une nouvelle collectivité, qui réduit la superficie et les ressources du département. Le cas de Lyon Métropole fait figure de symbole, car il est le fruit d'un accord entre Gérard Collomb et Michel Mercier. Mais l'accord a précédé le débat. Que Lyon ambitionne de devenir une grande métropole européenne, on ne peut qu'y souscrire. Mais qu'en sera-t-il des 58 communes du Rhône ? Savent-elles que leur disparition est quasiment programmée pour 2020 ? Et quid des moyens financiers du nouveau département, qui va passer de 1,7 million d'habitants à 430 000 habitants ? Or, à ce jour, nous n'avons aucune étude chiffrée pour nous prononcer. Une étude d'impact est indispensable. Et pour Lyon, et pour toutes les métropoles à venir. Car une augmentation de la fiscalité ne serait pas acceptable. La métropole ne doit pas affaiblir les territoires voisins, elle doit être, au contraire, une locomotive. Sans étude d'impact, le volet démocratique aura manqué. Le président de la commission des lois a plaidé pour une rencontre tripartite. J'y souscris. Elle est indispensable pour l'avenir de nos collectivités territoriales rhodaniennes. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Noël Guérini . - Nous allons nous prononcer sur un texte qui intéresse tout particulièrement les huit élus des Bouches-du-Rhône. Nous sommes ici 349 représentants de territoires, tous issus de la démocratie de proximité. Notre proximité avec les habitants de nos territoires me conduit à vous dire ce que sont les réalités de la Provence et le décalage de ce texte.
Ce n'est pas d'une métropole, qui deviendra vite obèse, dont nous avons besoin. Marseille n'a pas besoin d'une intégration à marche forcée. Mais d'écoute et de solidarité. Cette loi d'exception pour Marseille crée un niveau administratif supplémentaire. Son plus grand risque est démocratique. Pourquoi vider les mairies de leurs compétences de proximité, le droit du sol, pour les renvoyer à la métropole ? Marseille a besoin, surtout, de la solidarité de l'État et des communes voisines, qui ne la refusent pas, puisqu'elles sont prêtes à verser 50 millions par an. Pourquoi 69 maires sur les 90 que vous voulez enrôler de force, seraient-ils relayés dans des pouvoirs consultatifs, alors que des décisions majeures seront prises sur l'urbanisme, l'environnement, l'emploi, la fiscalité. Entendez les 109 maires sur 119 qui sont opposés à votre texte !
La métropole ne devait pas être une contrainte, mais un projet. Le texte est quasi le même que celui de 2010 pour les compétences qu'il retire aux communes, en particulier le droit du sol. À l'époque, toute la gauche parlementaire l'avait combattu. Il ne fut adopté qu'à trois voix de majorité et vous aviez, madame Lebranchu, voté contre à l'Assemblée nationale. Nous avons au moins le bénéfice de la constance dans nos positions. Constance et pas conservatisme. Entendez six sénateurs des Bouches-du-Rhône sur huit, 109 maires sur 119, qui ne sont pas opposés au changement, ni conservateurs. Nous avons de l'ambition pour notre département, qui représente 50 % du PIB de la région Paca. Renforcer son influence dans l'aire méditerranéenne justifie la coopération. Et à Marseille, nous convergeons sur le diagnostic mais divergeons sur la méthode. Comment la vieille méthode de l'empilement institutionnel créerait-elle du neuf ? Nous appelons à une mobilisation dans un grand plan national pour les Bouches-du-Rhône et Marseille.
Alors que l'on prévoit 30 milliards pour Paris, rien n'est prévu pour Marseille. Trop vite, trop loin, trop fort a dit M. Gaudin. Je le suis là-dessus. La manière autoritaire n'est pas la bonne. Entendez cet appel de la raison, comme on doit le faire en République.
Je ne pourrai voter ce projet de loi sans modification profonde. (MM. Rachel Mazuir, Roland Povinelli et Mlle Sophie Joissains applaudissent)
M. Philippe Dominati . - La liberté que se sont octroyés nos rapporteurs et le président de la commission des lois visait à répondre à l'attente de nos élus locaux. Mais la déception est profonde : une réforme qui n'est pas présentée dans le bon ordre, a dit le rapporteur, un projet faible, ainsi que l'a dénoncé M. Dantec. La France a longtemps eu peur de Paris et de l'Île-de-France. Mais sous la Ve République, tous les présidents de la République s'en sont souciés, et nous attendions le président Hollande, qui a une chance exceptionnelle puisqu'il bénéficie de l'écoute politique du président de région - depuis douze ans - et du maire de Paris - depuis deux mandats, qui ne se représente pas. C'est une chance historique, et vous passez à côté, en recherchant le compromis à tout prix.
Vous voulez un statut d'exception à Paris. Vous échouez à définir une gouvernance, et un périmètre. C'est pourquoi je me rallierai à la proposition de mon collègue Dallier, qui est au moins une tentative de définir un périmètre. Votre texte ne dit rien sur la gouvernance, ni sur les finances, alors qu'on en sait le surcoût.
En Île-de-France, l'organisation des transports est inepte. Et vous ne faites rien, au lieu de profiter de l'occasion pour coupler logement et transports.
Je suis déçu. Le président n'a pas pris la mesure de la nécessité de rendre de l'oxygène à la région. Beaucoup d'élus, de maires, se sont exprimés ici avec une vision. Or, je ne trouve rien, dans ce texte, de ce que serait la vision, l'expression du maire de Paris. Rien dans les 500 pages du rapport ! C'est affligeant.
Ce texte de compromis n'est pas acceptable en l'état. (Applaudissements à droite)
M. Roland Povinelli. - Bravo ! Que chacun respecte son temps de parole !
M. Philippe Kaltenbach . - Élu d'Île-de-France depuis dix-huit ans, je ne suis pas déçu. J'attendais cet acte fondateur de la métropole parisienne. Ce Gouvernement a pris le taureau par les cornes, c'est le premier. Je remercie les ministres de le défendre, en dépit des attaques dont elles ont fait l'objet.
Ce texte doit lancer un nouveau dialogue, initié par la conférence métropolitaine, puis Paris Métropole. Il prend pleinement en compte les difficultés que rencontrent nos concitoyens en matière de logement, de transport, d'inégalités. Pour y répondre, il fallait en venir à l'échelle métropolitaine. Sur le logement, on pourra enfin être efficace, alors que chaque année, avec 35 000 logements construits quand il en faudrait 70 000, le déficit se creuse.
Que de contrastes, d'inégalités dans la région et même à l'intérieur des départements. Dans les Hauts-de-Seine, entre Neuilly et Nanterre ou Gennevilliers, les écarts sont immenses. Il faut corriger les déséquilibres. La politique du logement sera un test. S'il réussit, il faudra aller plus loin. J'adhère au modèle défendu avec brio par Gérard Collomb, et qui trouve aujourd'hui son aboutissement, cinquante ans après la création de la communauté urbaine.
On pourrait aller plus loin mais on ne peut tout faire d'un coup. La question du département sera posée : il faudra certainement aller vers la suppression de ceux de la petite couronne. Dans la France rurale le département demeure légitime mais dans la France urbaine, le fait métropolitain s'impose.
Le projet, largement amendé en commission, doit continuer à évoluer. J'ai présenté un amendement, retenu en commission, sur l'abaissement du seuil en petite couronne. J'en défendrai d'autres, sur le maintien d'un collège des maires ou l'adhésion volontaire des départements limitrophes.
Certains voudraient aller plus vite, d'autres ne pas bouger. Ce texte est une étape significative. À nous de contribuer à sa réussite, en pensant à nos concitoyens et en nous rassemblant sur tous les bancs. (M. Claude Dilain, rapporteur pour avis, applaudit)
M. Philippe Bas . - Ce projet ne traite pas de toutes les grandes questions mais aborde, parfois avec pragmatisme, des enjeux importants. Je me réjouis que l'on s'engage sur la voie de la diversité ; tant l'État a placé les collectivités territoriales sous la même toise.
Hélas ce projet est inabouti. Il ne clarifie pas les compétences entre département et région. En rétablissant la clause de compétence générale, tout en incitant les collectivités territoriales à s'investir dans certains domaines de compétence, vous ne craignez pas la contradiction. Vous tentez de donner plus de consistance à la notion de chef de filat : c'est insuffisant. Notre système de financements croisés n'est pas sans avantages. Il permet de dépasser les clivages en s'engageant sur des projets d'avenir. C'est pourquoi notre commission des lois a voulu assouplir le texte, en évitant toute hiérarchisation, de crainte de créer une tutelle contraire au principe de subsidiarité. Les intercommunalités ne sont pas les succursales des départements ni ceux-ci les filiales des régions.
Il existe certains chevauchements, cependant, qui peuvent être larges. C'est une limite objective. N'allons pas multiplier les pactes et autres schémas, vecteurs de bureaucratisation. Méfions-nous de l'émergence d'un centralisme régional, comme d'une recentralisation rampante.
J'en viens aux métropoles. Lyon recueille un large accord des élus, que l'État reprend à son compte. Mais je crains le précédent d'une insuffisance de solidarité de la métropole avec les terroirs qui l'entourent. Il faut être prudent. Pour Aix-Marseille-Provence, l'absence d'accord est regrettable, mais ne suffit pas à disqualifier le projet de loi du Gouvernement. Se pose la question des charges de centralité assumées par Marseille, qui mettent la ville en difficulté, compte tenu des évolutions démographiques et économiques. Et Marseille assume pour l'État des charges, comme celles des marins-pompiers, qui devraient être mieux partagées. Avec les amendements nécessaires, le projet de loi peut aboutir.
Pour l'Île-de-France, vous mettez en question le travail difficile des élus pour faire progresser l'intercommunalité. C'est déloyal. Et pourquoi faire coexister métropole et région dans un périmètre quasi identique ?
Le projet de loi, si on laisse de côté les généralités sans portée des premiers articles, dont notre commission des lois a ôté le venin, ne manque pas d'intérêt et je serai attentif à la façon dont nos débats le feront évoluer.
M. Bernard Cazeau . - Merci au Gouvernement d'avoir eu le courage de revenir sur la réforme de 2010, qui déstabilisait les collectivités territoriales. Je me centrerai sur les premiers articles du texte. Dans la loi de 2004, la notion de chef de file est définie comme la faculté pour une collectivité territoriale d'organiser une action commune. C'est dire que le chef de filat repose sur la volonté et la capacité des élus à se coordonner. Le texte est équilibré sur l'article 3, qui définit un compromis de responsabilité dans chaque ensemble régional. Le tourisme en sera un exemple : pourquoi la commission des lois, au nom de l'économie à faire, est-elle revenue sur le partage harmonieux de la compétence ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Nous vous avons entendu. Nous avons évolué.
M. Bernard Cazeau. - Avant que le tourisme devienne un moteur économique régional, il faut le construire. Et ce sont les départements qui le font. En Dordogne, premier département touristique de l'intérieur hors Île-de-France, c'est lui qui a pris en main la grotte de Lascaux. Il faut aussi réaffirmer le rôle du département en matière de solidarité et d'infrastructures de télécommunications et de biodiversité.
Il est sage que la commission des lois ait allongé les conditions d'exercice de la conférence territoriale, qui doit être un lieu de coordination et non d'affrontement.
Voilà ce que je voulais dire en défense d'une collectivité territoriale que je connais bien, et qui doit conserver une identité forte sur tous les sujets de proximité. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes)
M. Roland Povinelli . - Je serai court, mais incisif. Suis-je en train de vivre un rêve kafkaïen ? Six sénateurs sur huit, 109 maires sur 119, sont contre le projet. Que dit l'article 30 ? La métropole exerce « de plein droit » - je souligne - « en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : » et suivent sept pages ! On laisse aux communes l'état-civil, et c'est à peu près tout...
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Mais non !
M. Roland Povinelli. - Je suis stupéfié de voir que trente ans après la loi Defferre, c'est un gouvernement socialiste qui procède ainsi ! Faut-il vous rappeler les propos de Gaston Defferre en 1982 à l'Assemblée nationale ? « Il faut que les décisions soient prises au plus près du terrain ».Vous faites exactement le contraire de ce qu'il revendiquait !
Les maires ne veulent pas garder la mairie pour garder le pouvoir. Ils ne veulent pas que leur commune disparaisse. C'est toute leur vie. Croyez-vous que Bertrand Delanoë qui gère une ville de 2 millions d'habitants et dirige 45 000 employés municipaux puisse les recevoir personnellement ? Non. Mais nous, oui. C'est cela, la proximité.
Jean-Claude Gaudin est bien gentil mais quand on a été ministre, on s'arrange pour aider sa ville. Madame Lebranchu, vous avez déclaré, jadis, devant la Fédération des élus socialistes et républicains, que la commune conserverait toujours ses compétences. Dois-je encore citer Martine Aubry, Jean-Pierre Raffarin... et Nicolas Sarkozy, au Congrès des maires de 2008, qui n'a pas dit autre chose que François Hollande, lequel déclarait que la démocratie a besoin de la commune.
J'ai souvenir de certains engagements de naguère. Ceux de M. Ayrault, alors président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, ceux de M. Fabius à Solferino. Et voilà le résultat. C'est inadmissible qu'un gouvernement de gauche fasse ce qu'il fait ! (Mlle Sophie Joissains applaudit)
Mme Samia Ghali . - Une parenthèse, tout d'abord. L'incident de tout à l'heure m'a peinée. Un ministre ne peut pas dire à une sénatrice de se taire, lui reprocher d'avoir des idées. J'espère que vos paroles ont dépassé votre pensée.
Je ne suis pas opposée à une coopération métropolitaine. Je sais qu'il faut changer d'échelle pour rivaliser avec les grandes métropoles européennes et mondiales. Nous avons le port de Fos, celui de Marseille, l'un des meilleurs CHU d'Europe, sept pôles de compétitivité, de grandes richesses. Mais ce texte n'est pas à la hauteur. Il ne s'en donne pas les moyens. Deux éléments essentiels manquent : les finances et les règles précises de gouvernance. La métropole, en l'état, n'entraînera que frustrations. Je ne prendrai pas la responsabilité d'un nouveau malentendu. Le Premier ministre en personne est venu à Marseille dire que la ville devait faire l'objet d'une priorité nationale, ce qui doit se traduire par des moyens supplémentaires de l'État pour rattraper notre retard. Le Grand Paris se voit doté de plusieurs milliards d'euros. J'en suis heureuse pour Paris et pour les autres villes.
M. Jean-Noël Guérini. - On n'a rien eu !
Mme Samia Ghali. - Je demande le même traitement pour la construction métropolitaine marseillaise. Avec un engagement fort de l'État, alors, oui, nous atteindrons les objectifs fixés par le comité interministériel. J'évalue à 1,5 milliard d'euros sur douze ans le besoin de financement nécessaire. Douze communes de la communauté urbaine de Marseille ne veulent pas rentrer dans la métropole, madame la ministre ; je vous demande de modifier le projet de loi sur ces deux exigences : des moyens et des règles de gouvernance. (MM. Jean-Noël Guérini et Roland Povinelli applaudissent)
Question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 30 mai 2013, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles L. 225-27 et L. 225-28 du code de commerce (direction et administration des sociétés anonymes). Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
La séance est suspendue à 20 h 5.
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
La séance reprend à 22 h 5.
Dépôt d'un rapport
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu, en application de l'article 2 du décret du 17 janvier 2006, le rapport du comité interministériel de prévention de la délinquance pour 2012. Il a été transmis à la commission des lois.
Action publique territoriale (Suite)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
Discussion générale (Suite)
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Mme Lebranchu et moi vous adressons de vifs remerciements pour vos interventions de très grande qualité que nous avons entendues avec sérénité, de façon constructive. J'adresse un remerciement appuyé aux quatre rapporteurs, MM. Vandierendonck, Dilain, Germain et Filleul, ainsi qu'au président Sueur et à Mme Gourault, présidente de la délégation aux collectivités territoriales, que de tristes raisons éloignent de nous ce soir.
J'ai entendu aussi des regrets à propos d'un texte qui serait tronçonné. Je récuse ce mot : il s'agit plutôt d'un premier temps, le premier de trois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Comme la valse à trois temps.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Je dirai : de trois actes, à propos d'un ensemble que je ne qualifierai pas d'acte III de la décentralisation car il s'agit plutôt d'un prolongement de ce qui a été fait auparavant.
J'ai entendu aussi des mots violents sur un « manque de souffle », une « complexité » que nous ajouterions. Je préfère retenir ce qui nous réunit : nous sommes tous des gens de terrain et nous partageons trois objectifs : clarifier, simplifier et maîtriser la dépense publique. Les textes sur le statut de l'élu local et sur les normes seront examinés fin juin et début juillet, Mme Lebranchu vous l'a dit.
Et puis, nous partageons la volonté de nouer un pacte de confiance, vos discours en témoignaient ; un pacte de solidarité entre toutes les communes : rurales, urbaines ou périurbaines, elles contribuent à la richesse de notre territoire.
Diversité et unité des territoires, ces deux mots qui sont revenus dans vos bouches, vont effectivement de pair.
Vous avez émis des critiques. En particulier, à l'encontre des conférences territoriales de l'action publique. En réalité, celles-ci sont le contrepoint du rétablissement de la clause de compétence générale pour des élus à qui nous faisons confiance.
M. Pierre-Yves Collombat. - Vous voulez les surveiller.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Sur le pacte territorial, pacte de confiance et de responsabilité, dont vous craignez les lourdeurs, lui préférant le conventionnement, le Gouvernement est prêt à vous écouter et à vous entendre.
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Très bien !
Mme Éliane Assassi. - Mieux vaut tard que jamais.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Vous avez également évoqué les problèmes financiers des collectivités territoriales. Notre direction générale des collectivités territoriales fait en sorte de vous donner les éléments de la manière la plus transparente qui soit. Les informations qui vous manquent encore, nous sommes en train de les préparer.
Il a beaucoup été question des métropoles. Paris, Lyon, Aix-Marseille, nous savons quelles difficultés se posent. Votre commission des lois a veillé à les aplanir. Tout n'est pas parfait, vous l'avez dit avec flamme. Tâchons de faire aboutir ce projet.
S'il y a eu des critiques, vous avez partagé nos observations pragmatiques et concrètes. M. Gaudin a parlé de la formidable solidarité à Marseille ; M. Hervé a beaucoup insisté sur la nécessité de mieux définir la notion de chef de file ; M. Collomb a présenté avec force et conviction ce qui s'est fait à Lyon avec M. Mercier ; M. Nègre a posé le problème épineux de la dépénalisation du stationnement.
Ce texte devra effectivement répondre aux besoins des citoyens ; nous avons la volonté d'avancer avec vous. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. - Motion n°263 rectifiée, présentée par Mlle Joissains.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n° 581, 2012-2013).
Mlle Sophie Joissains . - Je suis contre la métropole Aix-Marseille. Mme Lebranchu nous a reçus de multiples fois ; elle n'a pas compté son temps mais ne nous a pas entendus. Pourtant, 109 communes faisaient des propositions... Alors, pourquoi passer en force ? À Lyon, cela fonctionne, pas à Marseille.
L'article 30 du projet de loi crée de façon forcée, à compter du 1er janvier 2015, un nouvel établissement public de coopération intercommunale, qui regroupe l'ensemble des communes membres de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, de la communauté d'agglomération du Pays d'Aix-en-Provence, de la communauté d'agglomération Salon-Étang de Berre-Durance, de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Étoile, du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence et de la communauté d'agglomération du Pays de Martigues.
Cette création doit s'imposer en faisant disparaître les établissements publics de coopération intercommunale existants, sans les consulter non plus que les communes appelées à devenir membre du nouvel EPCI. Cette création s'accompagne de nombreux transferts de compétences, au-delà de ceux qu'avaient consentis les communes aux EPCI existants puisque le schéma n'était pas identique dans tous les EPCI. Le Gouvernement ayant cru bon d'aligner le tout, cet article est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales, posé à l'article 72 de la Constitution et à la Charte européenne de l'autonomie locale.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 janvier 2013 et le 8 mars 2013 de deux questions prioritaires de constitutionnalité posées respectivement par les communes de Puyravault et de Couvrot à propos de la conformité à la Constitution de l'article 60 de la loi du 16 décembre 2010 qui définit la procédure de modification de périmètre des EPCI à fiscalité propre et celle de leur fusion. Le Conseil, s'il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, a fait état, dans les motifs, des garanties apportées aux communes préalablement à cette modification de périmètre ou à cette fusion. Il relève que ces décisions ne peuvent intervenir qu'après consultation des EPCI et des communes intéressés.
Or l'article 30 du projet de loi conduit à une fusion forcée sans tenir compte de ces garanties attachées au principe de libre administration des collectivités territoriales, alors que la création de la métropole d'Aix-Marseille-Provence doit s'accompagner de transferts supplémentaires de compétences par rapport aux établissements publics existants.
Au surplus, l'article 30 du projet de loi est contraire à l'article 9-6 de la Charte européenne de l'autonomie locale, selon lequel « les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décisions pour toutes les questions qui les concernent directement ».
Par comparaison, la création de la métropole de Paris doit s'accompagner préalablement à sa création de l'achèvement de la carte intercommunale de l'unité urbaine de Paris. L'article relatif au schéma régional de coopération intercommunale prévoit l'obligation de consulter les communes et la commission régionale de coopération intercommunale. La loi établit donc une différence de traitement entre Paris et Aix-Marseille-Provence, en privant cette dernière des garanties constitutionnelles relatives à la libre administration des collectivités territoriales.
Le projet de loi est donc contraire à la Constitution et doit être rejeté.
M. Gérard Collomb . - Mme Joissains s'est focalisée sur un seul aspect de ce texte : la création de la métropole d'Aix-Marseille. On peut la comprendre... Pour autant, un autre état d'esprit prévaut sur ces bancs. Même si nos avis divergent, ce qui nous réunit est la conviction que nous devons changer, changer parce que le monde bouge, parce que la France bouge. Notre architecture institutionnelle doit être amendée pour que notre pays réponde aux défis de demain. Gaston Defferre disait le 27 juillet 1981 : « Ouvrons les yeux, regardons autour de nous, tout a changé ». Depuis, le mouvement du monde s'est accéléré : une révolution technologique tous les dix ans ; des pays émergents, qui n'étaient pas hier dans notre champ de vision, s'imposent comme des puissances industrielles. Et nous ? Nous ne changerions rien ? Nous garderions une organisation figée ? La volonté de changement ne date pas d'hier. Depuis mes premières discussions avec M. Pélissard et d'autres sur les pôles métropolitains, il existe 25 de ces pôles en France et c'est la réalité dans laquelle vivent des millions de nos concitoyens. Parfois dans des conditions difficiles à cause justement du manque de gouvernance. Problème de logement, fracture sociale qui est souvent spatiale... De là naissent la rancoeur et le doute chez nos concitoyens, la méfiance à l'égard des élus qui ont la volonté de mieux faire mais n'en ont pas les moyens.
M. René Vandierendonck, rapporteur. - C'est vrai.
M. Gérard Collomb. - Ce texte apportera des réponses en mettant en synergie les territoires. Alors qu'il résout une question aussi fondamentale, nous devons poursuivre la discussion.
Marseille, personne ne le nie, a des problèmes. Capitale européenne de la culture, elle ne manque pourtant pas du soutien de l'État. Mais la ville a été pensée dans un territoire étroit et la communauté urbaine est réduite aux acquêts... Comparez à Lyon : 50 communes, des plus fragiles aux plus riches, qui rendent crédible la volonté de vivre ensemble. Alors, oui, Marseille ne pourra rebondir que si elle accepte d'élargir son horizon, son territoire et de se donner une gouvernance globale. Est-ce nier la diversité ? J'entends les inquiétudes ; les propos de M. Nègre sur l'expérience de Nice ont dû vous rassurer.
Quand la communauté urbaine de Lyon a été créée en 1966 par un décret du général de Gaulle, cela a suscité force critiques. On posait les mêmes questions qui vous habitent aujourd'hui à Aix-Marseille. Désormais, des élus des communes avoisinantes de Lyon Métropole font campagne pour l'intégrer.
Mme la ministre propose une organisation déconcentrée avec des circonscriptions de véritable exercice territorial, au travers de la conférence territoriale des maires. La création de la métropole d'Aix-Marseille a été repoussée d'un an, jusqu'après la réunion de la conférence territoriale des maires en 2015. Le président de la commission des lois était prêt à aller plus loin pour progresser ensemble sur le projet d'Aix-Marseille-Provence.
J'admire votre passion, madame Joissains, mais ce texte n'a rien d'anticonstitutionnel.
Mlle Sophie Joissains. - Si !
M. Gérard Collomb. - La rédaction de la commission des lois sur le chef de filat doit vous rassurer. Personne n'a jamais affirmé que les métropoles de Lyon, de Lille, de Strasbourg ou de Bordeaux étaient contraires à la Constitution. Les réunions n'ont pas manqué en Provence. Je respecte les hommes et les femmes de conviction dont vous êtes, mais si nous voulons mieux prendre en compte le rôle des communes, il faut poursuivre la discussion...
Mme Éliane Assassi. - Ce n'est pas cela, discuter !
M. Gérard Collomb. - ... avec l'esprit d'ouverture qui est celui du Sénat, qui est celui de notre commission des lois et des ministres. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes, RDSE ; M. Michel Mercier applaudit aussi)
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Avis défavorable. En commission, nous avons cité des décisions du Conseil constitutionnel pour motiver notre décision.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Vous avez fait des comparaisons qui ne tiennent pas puisque la métropole d'Aix-Marseille serait une création par la loi. Le principe du chef de file n'est nullement contraire à l'interdiction de la tutelle posée par la Constitution. L'article 30 de ce projet de loi ne contrevient pas aux décisions du Conseil constitutionnel, lequel a jugé que la loi était fondée à obliger une commune à rejoindre un syndicat mixte, au nom de l'intérêt général, pour peu que les obligations soient suffisamment définies. Avis défavorable à la motion.
M. René-Paul Savary . - Nous serions tentés de donner raison à Mme Joissains ; nous pensons cependant que le débat doit se poursuivre, afin que nous y soulignions le rôle des départements, si importants pour la solidarité. La question de la tutelle et de l'autorité se pose : les départements sont en charge du RSA et le mien consacre à cette dépense sociale un million non compensé. Et voici que le Premier ministre annonce une mesure qui augmentera le nombre de bénéficiaires et revalorise le RSA, sans dire comment ce sera financé. Si vous voulez rétablir la confiance, il faut vous y prendre autrement ! Nous sommes pour une clarification des compétences, nous reparlerons du tourisme. Notre souci n'est pas d'empiéter sur les autres collectivités territoriales ; ce que nous cherchons est la complémentarité pour rendre le meilleur service au meilleur coût.
Le cas des communes de Puyravault et de Couvrot, dont avait été saisi le Conseil constitutionnel, était très spécifique : il y allait bien de l'intérêt général. Une de ces communes avait une cimenterie sur son territoire...
Notre groupe ne votera donc pas cette motion.
M. Ronan Dantec . - Les grandes fédérations d'élus n'ont pas réussi à se mettre d'accord, c'est dire ! Le groupe écologiste a décidé unanimement de ne pas voter cette motion car nos élus d'Aix et de Marseille veulent une métropole à périmètre élargi. Le débat a été riche cet après-midi, poursuivons !
Mme Éliane Assassi . - Je comprends les raisons qui ont poussé Mme Joissains à déposer cette motion. Nous aurions aimé débattre de ce texte dans des conditions différentes. Quand bien même, nous nous abstiendrons pour défendre le renvoi en commission. Je rappelle que c'était notre camarade d'Aubagne qui avait porté le fer contre la réforme territoriale de Nicolas Sarkozy.
M. Jacques Mézard . - Le RDSE ne votera pas cette motion. Il est utile et nécessaire de poursuivre le débat sur un texte qui concerne directement les collectivités territoriales, dont le Sénat assure la représentation. Qui plus est, nous travaillons sur le texte de la commission, non sur celui du Gouvernement. Ne laissons pas l'Assemblée nationale organiser le texte à sa guise, nous savons d'expérience quel danger nous courons.
Beaucoup ont loué l'action décentralisatrice du gouvernement Mauroy. Mais Gaston Defferre avait présenté son texte dès juillet 1981, preuve qu'il avait été longuement travaillé en amont. Nous ne sommes malheureusement pas dans ce cas de figure...
Enfin, nous avons la chance que siègent ici les maires de Marseille et de Lyon... Leurs propos et les convictions qu'ils expriment montrent l'utilité d'avoir au Sénat des maires en exercice ! (Applaudissements à droite) J'espère que vous ne l'oublierez pas... Imaginez ce débat sans eux ! (Exclamations amusées à droite)
La motion n°263 rectifié n'est pas adoptée.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°649, présentée par Mlle Joissains.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n° 581, 2012-2013).
Mlle Sophie Joissains . - Je suis insistante, mais nous sommes, dans les Bouches-du-Rhône, très motivés. Même si nous sommes fermement opposés à ce texte, nous avons apprécié, madame la ministre, vos visites chez nous, nous savons que ce n'était pas simple... M. le président de la commission des lois a eu une écoute inattendue et sa disponibilité a été totale. M. le rapporteur a, aussi, été très attentif - surtout au début... La commission des lois nous a beaucoup aidés avec le report d'un an et l'assouplissement du régime des PLU.
Ce texte n'est pas clair. Le vocable de métropole recouvre plusieurs régimes, cela nous perturbe. Les maires des communes rurales et moyennes ont été ulcérés par ce qu'ils en ont compris. Le président de l'Association des maires ruraux de France a estimé que ce projet de loi brassait du vent... Celui de l'Association des villes moyennes juge que les petites communes n'auront plus voix au chapitre et que le texte éloignait les centres de décision des citoyens. Pour l'Assemblée des communautés de France, les différences sont minces avec la loi de 2010. C'est pourquoi nous sommes dubitatifs sur le statut de la commune, entité dont M. Hyest a dit qu'elle apparaissait ancienne et dépassée...
M. Jean-Jacques Hyest. - Aux yeux de certains !
Mlle Sophie Joissains. - Pour certains, en effet, la commune n'est plus qu'un gentil ex-voto... Parler de métropole, cela fait moderne, européen, cela rappelle les grandes cités outre-Atlantique. Mais l'élu local est avant tout le représentant des habitants. En cas de problème, il est en première ligne ; il s'occupe de tout, y compris de l'urbanisme, qui est le rêve de la cité pour les citoyens, qui ont besoin de son appui. Personne n'aura la vision qui est la sienne à des kilomètres de l'endroit où vivent les gens. La démocratie locale, c'est une démocratie partagée. La population choisit quelqu'un qui sera véritablement son représentant. Cela exige la proximité.
La loi de 2010, qui avait beaucoup de défauts, laissait au moins le choix. Malgré leur colère, 109 des 119 communes des Bouches-du-Rhône ont voté le pôle métropolitain, qu'elles soient rouges, socialistes ou UMP. Elles ont réussi, c'est un exploit, à s'unir autour d'une idée commune de leur territoire. C'est en se tenant les mains qu'on a avancé. Je comprends que le maire de Marseille ait envie de métropole. Mais le projet ne rencontre pas l'assentiment de tout le monde, et tout le monde n'a pas la bonhomie et l'allant de M. Gaudin - on l'a vu en commission. Si tous les présidents de collectivité étaient comme lui...
Marseille est une porte de la Méditerranée, avez-vous dit, madame la ministre. Propos qui m'a rendue perplexe. J'aime énormément Marseille, c'est l'enfance, le soleil, les plages, Pagnol... Mais la Provence est multipolaire. Et dans les Bouches-du-Rhône, il n'y a pas que le littoral et le caractère presque napolitain de Marseille. Il y a aussi...
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Aix !
Mlle Sophie Joissains. - ... la Provence de Cézanne, plus terrienne, plus sombre, historiquement plus intellectuelle, Aix et son palais Comtal, le bon roi René, sa noblesse de robe... Un autre monde... Et autour d'Arles un autre encore, la Provence mistralienne, plus brute, centrée sur sa culture et ses traditions...
Ces trois mondes ne sauraient se réduire à un seul, ils sont très jaloux de leur autonomie. Dire que l'un eux va régir les deux autres... Le sentiment d'injustice est profond. M. Ayrault est venu inaugurer Marseille-Provence, capitale européenne de la culture. Tous les maires s'étaient mis autour de la table pour donner l'élan qu'il fallait au territoire. Un vrai miracle. Mais il fallait nommer une ville, ce fut Marseille, puis la Provence. Mais le Premier ministre a gaffé : il n'a parlé que de Marseille, il n'a cité aucun des territoires associés. Nous sommes tous partis blessés. Et voici que vous rouvrez la blessure ! Tout à coup, nous sommes rayés d'un trait de crayon. Nous ne pouvons l'accepter.
Rappelez-vous les mots de Gaston Defferre, qui voulait, en 1981, que les élus soient « libres d'agir sans tous ces contrôles a priori, sans que leurs décisions soient mises en cause, retardées et déformées par des fonctionnaires et des ministres lointains qui ne connaissent pas leurs problèmes et que rien n'habilite à décider à leur place. » C'est qu'il n'y a que ceux qui vivent sur place qui voient toutes les subtilités d'un lieu et le chemin qu'il faut prendre. C'est ce que les élus que nous sommes ont fait. Vous le verrez dans les amendements que nous avons déposés en commun, CRC, socialistes, UMP.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mlle Sophie Joissains. - Déjà ! Marseille est une ville chatoyante, pleine d'affects, parfois brutale, parfois misérable... Elle a ses travers aussi, qui ont influé sur les services publics. Le mono-syndicalisme a paralysé le port, perturbé les services publics... (Exclamations sur les bancs CRC) La longue grève de la collecte des ordures ménagères a eu les résultats que l'on imagine...
Nous voulons un financement de l'État à la hauteur de ce qui est prévu pour Paris, pour que le transfert des 7 000 à 8 000 fonctionnaires se passe le mieux possible. Nous avons fait le pôle métropolitain pour échapper à la métropole, nous avons proposé un syndicat mixte auquel associer la Camargue. Laissez-nous le mettre en place ; et si dans deux ans, le bilan est mauvais, nous sommes prêts à accepter la métropole de l'article 30. Acceptez, et nous travaillerons comme des fous... (M. Philippe Dominati applaudit)
M. François Patriat . - Après tous les compliments que vous avez lancés, madame Joissains, je veux à mon tour vous en adresser un. Par votre propos passionné, vous avez montré qu'il fallait poursuivre le débat. Je pourrais aussi vous parler de la Bourgogne du sud, de celle du nord et du Sénonais, de Chablis, de Vézelay et de Gevrey-Chambertin, de celle de Fontenay, de Pommard ou d'Époisses... ; et de toutes nos AOC qui sont signe d'origine...
Le Sénat, en amont même des états généraux, a beaucoup travaillé, avec les rapports Gourault de 2009 et 2011, le rapport Krattinger, et j'en passe, près de quarante rapports et bilans divers en tout. Le temps de la décision est venu.
En 1981, j'étais dans l'hémicycle pour entendre Gaston Defferre. Un quarteron de jeunes députés de l'opposition promis à un bel avenir nous disait alors à peu près la même chose que vous. Exactement le même discours, aussi, en 1992, lorsque nous avons créé les deux premières communautés de communes en territoire rural... Vous y étiez, monsieur le président de la commission...
Les états généraux organisés à l'initiative du président Bel, vaste concertation, ont montré que la pensée du Sénat a imprégné nos territoires. Des consultations nombreuses ont eu lieu en amont de la présentation de ce texte, au cours d'une série de trois cycles, juillet et décembre 2012, février 2013. En commission des lois, près de 550 amendements ont été déposés, 188 adoptés. Les trois commissions saisies pour avis ont aussi beaucoup travaillé. Décider qu'il n'y a pas lieu d'examiner les articles, ce serait amoindrir le rôle du Sénat, dire qu'il n'a rien à apporter.
Le nouveau régime des métropoles n'est pas identique, madame Joissains, à celui de 2010 : il rétablit la clause de compétence générale pour les départements et les régions, avec le chef de filat pour corollaire. Il crée des métropoles à statut particulier pour Paris, Lyon et Marseille à côté des métropoles de droit commun.
De multiples réunions ont eu lieu sur la problématique marseillaise : la ministre s'est déplacée à une dizaine de reprises, onze réunions publiques ont été tenues. La commission des lois a procédé à de très nombreuses auditions. Son président et son rapporteur ont multiplié les rencontres. Notre président de groupe, François Rebsamen, a aussi rencontré les élus des Bouches-du-Rhône, qui ont été largement entendus.
Le débat ne peut s'interrompre à cause d'une question locale sur laquelle le consensus ne s'est pas fait. Du travail immense de la commission des lois et du débat peut surgir un fruit d'avenir.
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - J'ai apprécié la poésie de l'intervention de Mme Joissains. J'ai pu dire aux maires combien leurs remarques avaient été prises en compte. Les transferts de compétences seront encadrés. Je les ai aussi rassurés sur la DGF. Il est important que tous les amendements relatifs à Aix-Marseille-Provence soient discutés. Ma communauté d'agglomération est à cheval sur le Léon et le Trégor, cela ne l'empêche pas de fonctionner... Si je vous rejoins sur la question de la porte de la Méditerranée, reste que sur cette zone magnifique, il faut une organisation qui favorise le développement. On ne peut se satisfaire de la situation actuelle. L'avis est défavorable.
M. Pierre-Yves Collombat . - Marseille n'est pas tout le projet de loi. L'absence de consensus local doit-il nous interdire de continuer à débattre ? Le texte de 2010 posait des problèmes qui n'étaient pas minces. Nous devons donc poursuivre le débat, d'autant que des propositions ont été faites qui améliorent beaucoup le texte initial. Ce n'est qu'un début, continuons le combat...
M. Ronan Dantec . - J'ai apprécié cette présentation de la Provence qui sentait la lavande et le soleil dont nous manquons tant. Mais parlait-on vraiment de Mistral et de Pagnol, ou n'était-on pas en train de nous vendre, à la Fernandel, quelques pagnolades ? Je me souviens de Manon des Sources, si proche de l'univers de Giono : les territoires qui s'ignorent sont des territoires qui s'assèchent...
Ma ville de Nantes est capitale verte de l'Europe grâce à sa métropolisation. On peut ironiser sur la compétence qualité de l'air donnée aux maires, mais dans ma ville, il existe des rues-canyons où l'air est considérablement pollué. Un maire ne peut y être indifférent. Le PLU doit revenir au maire, dites-vous, au motif de la proximité ; c'est hélas ce qui nous donne des paysages pleins de lotissements, un mitage qui touche aussi la Provence...
Une identité aide toujours à mieux comprendre les identités des autres. Quand Yvan Audouard et Pierre Jakez-Hélias présentaient ensemble des contes, ils se comprenaient parfaitement. L'agglomération de Morlaix est partagée entre le Trégor et le Léon ; je ne vois pas de difficulté pour Aubagne, Aix et Marseille.
La motion n°649 n'est pas adoptée.
Renvoi en commission
Mme la présidente. - Motion n°58, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n° 581, 2012-2013).
Mme Éliane Assassi . - Je regrette de présenter cette motion devant un hémicycle clairsemé...
M. Louis Nègre. - La qualité remplace la quantité !
Mme Éliane Assassi. - Les conditions de préparation et d'examen de ce texte ne sont pas satisfaisantes. Le texte a été scindé en trois, au prix d'une perte de visibilité globale et de fortes incohérences. Le premier texte fait par exemple référence au Haut Conseil des territoires, présenté comme essentiel par François Hollande, qui ne sera créé que dans le troisième texte. On parle de chef de filat, alors que les compétences à attribuer ne sont pas créées - je pense à la qualité de l'air pour les communes.
Les élus de terrain ont beaucoup contesté ce projet de loi, et cela s'est traduit par un remaniement profond du texte par notre commission des lois, soucieuse d'écoute. Mais il manque un échange de fond sur le texte récrit. La commission des lois a beaucoup travaillé, nous dit-on. Excusez-moi : c'est la moindre des choses !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. - C'est en effet normal pour un texte qui va structurer la vie de nos institutions locales et même celle de nos concitoyens, dont on a finalement peu parlé... J'ai été frappée par le caractère désincarné des interventions. Quand j'ai entendu Christian Favier, je me suis dit : enfin de l'humain ! Car nous avons été élus pour travailler, réfléchir, répondre aux besoins et aux attentes de nos concitoyens. On peut toujours, comme on l'a fait en commission des lois, examiner des amendements jusqu'à 3 heures du matin.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - On est là pour cela. Et ce n'est pas l'exception, hélas !
Mme Éliane Assassi. - Dans ces conditions, il était difficile, voir impossible pour les sénateurs ayant déposé des amendements d'exposer leurs objets, voire de les défendre. Un tout nouveau texte a été élaboré en commission et nous n'avons eu qu'une petite semaine pour l'examiner et proposer des amendements. Le président de la République avait dit à Dijon qu'il faisait confiance au Sénat pour remanier le texte. L'annonce était donc faite et l'on pouvait en tenir compte dans le calendrier. Le président du Sénat annonçait pour sa part une large concertation pour approfondir les états généraux ; le Gouvernement n'en a eu cure et a balayé la proposition. L'examen s'est donc soldé par une soixantaine d'auditions, sans autre forme de consultation, suivies par une réécriture complète du texte. Il eût été bon, dans ces conditions, de consulter à nouveau. Cette idée d'un aller-retour entre le Sénat et les associations d'élus a été abandonnée. Et une commission des lois réduite, en pleine nuit, à la portion congrue a récrit le texte. On est loin de l'esprit des états généraux, qui furent une belle réussite démocratique. Le Sénat n'a pu se saisir de ce texte.
La démocratie est au coeur de la réflexion qui m'anime. Ce projet de loi et sa précipitation font débat. Il faut prendre le temps de l'échange pour répondre à l'exigence démocratique qui monte dans notre pays. Ne confondons pas vitesse et précipitation. Rappelez-vous la censure constitutionnelle sur le projet de loi sur le logement, dont l'examen avait été bâclé.
Nous avons, c'est détestable, un débat qui préfigure une France morcelée, éclatée entre des métropoles toutes-puissantes d'un côté et de l'autre de grandes zones promises à la désertification. C'est prendre le risque de réveiller des baronnies locales oublieuses d'un développement harmonieux, et de susciter la concurrence entre les territoires. Nos débats de cet après-midi furent caricaturaux. La métropole est un monstre complexe dont les élus, y compris sur ces bancs, comprennent mal tous les mécanismes ; ce qu'ils voient en revanche, c'est le déficit démocratique...
Le découpage en trois textes aussi pose problème. Nous avons pris les choses à l'envers - je crois que le rapporteur partage ce constat. Nous ne savons rien de ce que deviendront les deux autres textes. Quels outils seront donnés aux communes pour se prémunir de l'influence des futures métropoles ? Comment garantir que ce dispositif ne vise pas simplement à réduire les dépenses ? On a appris mardi que M. Ayrault entendait relancer les contrats de plan État-région-grandes collectivités. Ah bon ? Quel est ce nouveau type de contrat qui porte négociation avec les « grandes collectivités » ?
De même, en juin prochain sera proposé un pacte de confiance avec les collectivités territoriales sans que les départements aient l'assurance d'être compensés des allocations de solidarité auxquelles ils doivent faire face. La question financière est au coeur d'une réforme audacieuse de la décentralisation, porteuse de progrès et de développement des services publics. Notre commission ne nous a pas éclairés sur le réalisme de la réforme vu l'exigence de réduction des dépenses voulue sinon imposée par Bruxelles.
Que dit M. Barroso ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Je ne suis pas sur les positions de M. Barroso.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Nous ne sommes pas d'accord avec lui.
Mme Éliane Assassi. - « L'examen des dépenses publiques en cours qui concerne non seulement les administrations centrales mais aussi les administrations des collectivités locales et de la sécurité sociale devrait indiquer comment améliorer encore l'efficacité des dépenses publiques.... La nouvelle loi de décentralisation devrait traiter cette question. »
Bref, nous avons bien besoin de renvoyer le texte en commission pour un examen plus approfondi. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jean-Pierre Sueur . - Je m'exprime au nom de mon groupe qui me l'a demandé.
Madame Assassi, je vous ai connu plus convaincante. De quoi parlons-nous ? D'un texte inscrit à l'ordre du jour conformément à la Constitution par la Conférence des présidents. Selon vous, on aurait peu parlé des gens quand j'ai entendu, moi, battre le coeur vivant de la démocratie. Quelles que fussent les positions, le débat a été de qualité. Le Gouvernement, encore heureux, n'a pas engagé la procédure accélérée ; nous aurons quelques mois pour approfondir le travail sur ce texte.
Notre rapporteur, sitôt nommé, a procédé à de nombreuses auditions - il a entendu 50 élus en avril qui ont eu quelque écho ; puis à d'autres auditions - une cinquantaine d'élus encore. Le compte rendu de l'examen du texte le 15 mai a été mis en ligne le 16 mai - grâce à la diligence de nos services. Les groupes ont eu le temps de préparer leurs amendements.
Mme Éliane Assassi. - La commission ne les a pas encore tous examinés que nous débattons en séance publique !
M. Jean-Pierre Sueur. - La commission a adopté 292 amendements, dont 188 lors de l'établissement du texte. N'y voyez pas le signe d'une insuffisance : nous avons fait notre travail, celui d'amender la loi avec énergie et conviction. Après tout, lorsque le texte est adopté conforme, il y a davantage de raisons de renvoyer un texte en commission, des amendements ayant peut-être échappé à la sagacité des rapporteurs...
Mme Éliane Assassi. - Mauvaise foi !
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous nous sommes réunis 25 heures pour établir le texte et examiner les amendements extérieurs que, à ma demande, comme j'en ai imposé l'usage - on m'en fait parfois le reproche - leurs auteurs ont présenté un par un.
Mme Éliane Assassi. - Vous n'êtes guère convaincant.
M. Jean-Pierre Sueur. - Soyez satisfaite : j'annonce que la commission poursuivra ses travaux lundi de 14 heures à 16 heures et, éventuellement, mardi de 9 heures à 10 heures.
Mme Éliane Assassi. - Vous êtes sur la défensive !
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Je rends hommage à votre pugnacité. Le Sénat aurait une position maastrichtienne...
Mme Éliane Assassi. - Je n'ai pas dit ça ! Barrosienne !
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Vous voulez une coopérative d'élus, un débat participatif ? N'insultez pas l'avenir : nous siégerons dix jours, réjouissez-vous nous aurons un débat participatif... et laissez-moi ma chance ! (Applaudissements au banc des commissions ; Mme Éliane Assassi rit de bon coeur et applaudit aussi)
Mme la présidente. - Je suppose que M. le rapporteur est défavorable...
M. René Vandierendonck, rapporteur. - Oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Le Gouvernement aurait pu présenter un projet de loi dès le mois de juillet, l'an dernier. Nous avons préféré attendre la tenue des états généraux de la démocratie territoriale. Nous avons écouté les associations d'élus et procédé à 150 auditions, le temps de la réflexion a bien été pris. Le projet a été jugé lourd et à la demande du président Bel nous l'avons scindé en trois dont l'examen va être échelonné dans le temps. Sur le premier le texte de la commission est fort différent du texte du Gouvernement. Nous prendrons tout le temps nécessaire pour en débattre. Nous sommes à la disposition du Sénat et du groupe pour discuter de tous les points techniques et difficiles.
Vous avez raison : ce débat est extrêmement important car il concerne au premier chef l'organisation de la vie de nos concitoyens. Je ne puis donc être favorable à votre motion.
La motion n°58 n'est pas adoptée.
Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 31 mai 2013, à 9 h 30.
La séance est levée à minuit et quart.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du vendredi 31 mai 2013
Séance publique
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n° 495, 2012-2013).
Rapport de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 580, 2012-2013).
Texte de la commission (n° 581, 2012-2013).
Avis de M. Claude Dilain, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 593, 2012-2013).
Avis de M. Jean-Jacques Filleul, fait au nom de la commission du développement durable (n° 601, 2012-2013).
Avis de M. Jean Germain, fait au nom de la commission des finances (n° 598, 2012-2013).