SÉANCE
du lundi 27 mai 2013
104e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président
Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Hubert Falco.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Transpositions en matière pénale (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France.
Discussion générale
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Ce texte, modifié par les députés qui l'ont adopté à l'unanimité, tend à mettre en oeuvre le programme de Stockholm qui, portant sur la période 2010-2014, vise à construire un espace de justice et de sécurité.
A l'heure où l'on constate une désaffection pour l'Union européenne, ce texte, qui transpose une douzaine d'instruments internationaux, rappelle à bon escient que le droit européen fait progresser la protection des libertés fondamentales. Nous nous exposons à des sanctions en cas de retard de transposition. Cela dit, ce n'est pas la crainte des sanctions qui nous fait agir : nous partageons les objectifs de ces textes dont le but est de lutter contre la criminalité organisée, en harmonisant les incriminations pénales et en coordonnant l'action judiciaire au sein de l'Union européenne, des pays du Conseil de l'Europe et au plan international.
L'Assemblée nationale a introduit, il y a quinze jours, trois modifications substantielles, à commencer par la possibilité pour les associations concernées de se porter partie civile dans les affaires de lutte contre la traite des êtres humains. Elle a également modifié le dispositif prévu pour le fonctionnement d'Eurojust et donné une définition de l'esclavage.
Premier chapitre important, la lutte contre la traite des êtres humains. L'Assemblée nationale a introduit dans le champ de l'incrimination des éléments jusqu'alors considérés comme des circonstances aggravantes et prévu une peine de dix ans quand les éléments de l'infraction sont cumulés.
Outre la transposition du droit à l'interprétation et à la traduction dans les procédures pénales, nous introduisons en droit français un instrument très important : la convention de Lanzarote en 2007 sur les abus et violences sexuels envers les enfants, la pédopornographie et la traite des enfants.
Les députés ont renforcé les pouvoirs du membre français d'Eurojust, créé par la décision-cadre de 2008. Cela constitue une audace quand la Commission européenne travaille actuellement à un projet de règlement. Mieux vaut en rester à une transcription fidèle, j'ai plaidé en ce sens. Votre rapporteur a effectué sur ce point une analyse très fine, que je rejoins : le membre national d'Eurojust est un magistrat hors hiérarchie, on ne peut donc lui reconnaître des pouvoirs de contrainte en matière d'enquête. Il n'en pourra pas moins faire des suggestions d'actes d'enquêtes. Cela apporte à la fois sécurité et souplesse.
Grâce à ce texte seront reconnues entre États membres les condamnations par contumace, ce que le Conseil de l'Europe fait déjà. Resteront quatre instruments à ratifier avant décembre 2014, sur le racisme et la xénophobie et sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière d'approbation et de détention provisoire.
Le projet adapte enfin divers instruments internationaux. Après vingt-cinq ans de combat, nous aboutissons sur la lutte contre les disparitions forcées, objet de la convention des Nations unies de décembre 2006, grâce aux efforts de notre ambassadeur. Seront désormais prises en compte aussi celles qui ne relèvent pas des crimes contre l'humanité.
Nous adaptons la convention de coopération judiciaire entre l'Union européenne d'une part et l'Islande et la Norvège d'autre part.
Nous intégrons, enfin, la convention d'Istanbul de mai 2011 concernant les violences faites aux femmes et la violence domestique, sur lesquelles notre législation est déjà assez complète.
La définition de l'esclavage manque dans notre code pénal. Elle doit être conforme à la convention de 1926. La France prévoit déjà une incrimination aux articles 212-1 et 212-2 du code pénal, sur l'esclavage collectif relevant du crime contre l'humanité. La tradition juridique française était de punir les effets de l'esclavage : le proxénétisme, les actes de mendicité forcée, la contrainte. En créant une incrimination générique, on peut toucher l'atteinte à la dignité et d'autres aspects qualitatifs.
Avant de retenir une définition de ces incriminations, j'estime cependant, avec votre rapporteur, qu'il faut prendre le temps de la réflexion. Je m'engage à mettre en place un groupe de travail réunissant des associations, des parlementaires et les experts de la direction des affaires criminelles et des grâces pour aboutir à une définition apportant toutes les garanties juridiques nécessaires et conformes aux engagements internationaux de la France. Aucun véhicule législatif inscrit à l'ordre du jour ne peut le porter mais rien n'interdit une initiative parlementaire.
Je rends hommage au travail du Sénat et vous engage à voter ce texte. (Applaudissements)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement . - Ce texte, qui ne procède pas à de simples ajustements techniques, renforcera la lutte contre la traite des êtres humains en intégrant les notions de servitude, de prélèvements d'organes ou d'actes de mendicité dans son périmètre. Ce matin, j'étais encore avec l'association Ac.Sé qui assure la sécurité des anciennes victimes de la traite : la lutte contre la traite des êtres humains appelle une réponse interministérielle. D'où la création d'une mission très attendue, la Miprof, qui délivrera les premières recommandations en octobre.
Outre le renforcement d'Eurojust, ce texte impose l'obligation de traduction dans les procédures pénales et alourdit les sanctions contre les atteintes sexuelles aux enfants et la pédopornographie.
Enfin et surtout, nous transposons la convention d'Istanbul de 2011 qui prend acte du continuum dans les violences sexistes, des préjugés aux violences physiques et appelle une réponse globale, de la prévention à la sanction en passant par le suivi. La France se veut exemplaire en ce domaine ; elle a encouragé les États non européens à adhérer à la convention d'Istanbul lors du dernier Forum de la francophonie.
Le projet de loi introduit un nouveau délit, constitué par le fait de tromper quelqu'un pour l'emmener à l'étranger où lui faire subir un mariage forcé. Le droit français nous donne toutes les armes utiles sur notre territoire mais c'est à l'étranger que les femmes vivant en France et souvent binationales subissent le plus souvent ces violences. Nous mobilisons les postes consulaires.
Autre avancée, le combat contre l'excision. Inciter à subir une mutilation sexuelle sera dorénavant considéré comme constitutif d'un délit. Soyons fiers d'avoir été pionniers en ce domaine et de la mobilisation de la communauté internationale ; nous l'avons vu le 20 décembre dernier aux Nations unies. Reste 140 millions de femmes victimes d'excision dans le monde, dont 50 000 en France. A nous de mieux sensibiliser pour prévenir. Nous préparons une campagne le 6 février prochain, lors de la journée contre les mutilations sexuelles avec le collectif L'excision, parlons-en. Enfin, nous voulons dire aux victimes que leur souffrance n'est pas définitive : le protocole chirurgical de réparation est désormais intégré dans la nomenclature de l'assurance maladie.
Enfin, la tentative d'interruption de grossesse forcée sera plus sévèrement sanctionnée.
Voilà les grandes lignes de ce projet de loi sur des sujets auxquels je sais le Sénat très sensible. (Applaudissements)
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois . - Cet après-midi sera consacré à du droit pénal international. Si nous regardons « l'image plus large », comme on dit outre-Atlantique, le mouvement conventionnel, profond et cohérent, aboutit aux rapprochements de nos principes alors que nos droits, issus du fond de l'histoire, sont par nature très différents. Voilà qui témoigne de l'avancée patiente et significative d'un universalisme humaniste.
Ce texte, longuement mûri, provient de diverses sources internationales : d'anciennes décisions-cadres de l'Union, des directives, des conventions du Conseil de l'Europe ou liées à l'existence de l'Espace économique européen et, enfin, une décision de la Cour européenne des droits de l'homme. Cela exigeait du temps : le projet de loi présenté par le Gouvernement se nourrit des travaux engagés par son prédécesseur. J'y vois la marque de la continuité de l'État et l'explication de l'esprit de concorde qui a régné à la commission des lois. Résultat, l'accord est complet sur quinze des articles en discussion.
Est-il logique de présenter les dispositions de ce texte en fonction de nos engagements européens et internationaux plutôt que dans l'ordre où ces articles apparaîtront dans le code pénal et le code de procédure pénale ?
Ce texte apporte des avancées dans la lutte contre la traite des êtres humains, les violences faites aux femmes et aux enfants, dont le mariage forcé et l'incitation aux mutilations sexuelles, sans parler de la disparation du terme d'inceste dans le code, exigée par le Conseil constitutionnel. Au total, de nombreuses modifications auxquelles il faut ajouter le droit à la traduction et à l'interprétation, l'usage des insignes humanitaires, la reconnaissance mutuelle des décisions par contumace.
Par souci de clarté et d'efficacité du droit, la définition de la réduction en esclavage, qu'il faut introduire, est renvoyée à de plus amples travaux. La convention de 1926, reproduite dans la convention de 1956, vise « l'état ou condition d'un individu sur lequel s'exercent les attributs du droit de propriété », autrement dit un phénomène collectif d'esclavage. Ce n'est pas le sujet : nous visons, nous, l'esclavage privé. Autre difficulté, il n'y a pas de distinction en français entre « esclavage » et « servitude » : quand nous parlons de servage, c'est autre chose qui est visé, pas l'esclavage aboli en 1848. La question à trancher est la suivante : faut-il créer un délit ? Mme la garde des sceaux a répondu à mon interrogation en proposant une organisation de la réflexion parfaite en tous points.
Autre sujet, le fonctionnement d'Eurojust. Alors que le Gouvernement mène une démarche fructueuse sur le parquet européen, faut-il anticiper de manière incertaine ce travail en donnant à notre coordinateur national des pouvoirs d'autorité, sachant que ce magistrat, en vertu de la loi organique, n'est pas placé dans la hiérarchie ?
Concernant le droit à l'interprétation et à la traduction, le Gouvernement a renvoyé au niveau réglementaire des dispositions qui relèvent du législatif. Autre point de désaccord avec l'Assemblée nationale, le délit d'offense au chef de l'État. Contrairement à ce qu'ont compris les députés, la Cour européenne des droits de l'homme, dans sa décision de mars 2013, ne recommande pas sa suppression : elle visait un cas d'espèce.
Faut-il inclure les organisations politiques parmi les auteurs des disparitions forcées ? Je ne le crois pas, le texte actuel permet déjà de poursuivre ces organisations non terroristes. A ce propos, madame la ministre, comment mieux protéger les témoins et les victimes qui aident à démanteler les réseaux ?
De grands débats s'ouvrent donc devant nous. On entendra probablement dire que telle ou telle disposition est technique. Je m'inscris en faux contre cette formule : le texte est concret, trouvons les moyens de le rendre efficace par un travail législatif attentif et soigné ! (Applaudissements à gauche)
Mme Maryvonne Blondin, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - Notre délégation, qui a consacré de nombreux travaux à ce sujet, s'est vu confier, par la commission des lois, le soin d'examiner les dispositions transposant la directive du 5 avril 2011 sur la lutte contre la traite des êtres humains et celles concernant la convention d'Istanbul de mai 2011 sur la lutte contre les violences faites à la femme.
La lutte contre la traite des êtres humains progresse au sein de l'Union européenne, la coopération s'améliore avec la Roumanie et la Bulgarie. Mais cette incrimination est utilisée dans 10 % des cas seulement ; on lui préfère celle de proxénétisme. Nous suggérons de faire de cette lutte une priorité de notre politique nationale, de favoriser la formation des fonctionnaires concernés et l'implication des magistrats financiers, et que soit menée une action diplomatique plus vigoureuse.
Note arsenal législatif sur les violences faites aux femmes est de plus en plus complet. L'importance de la convention d'Istanbul réside dans la répression de la tromperie visant à attirer une personne à l'étranger pour procéder à un mariage forcé, mais aussi celle de l'incitation à la mutilation sexuelle et à une interruption de grossesse non souhaitée.
De 2004 à 2011, on observe une hausse des incriminations pour violences faites aux femmes de plus de 80 % ! Cela traduit clairement une plus grande sensibilité à ce phénomène. Enfin !
M. Roland Courteau. - Exactement !
Mme Maryvonne Blondin, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. - Nous devons mieux identifier ces violences, former et sensibiliser les agents des services publics concernés à ce fléau qui sévit dans le cadre intime de la famille.
Concernant l'escroquerie au mariage forcé, nous préconisons une action auprès des États où se déroulent le plus de mariages forcés. Nous souhaitons la création d'une interdiction de sortie du territoire pour ces jeunes envoyés à l'étranger en vue d'un mariage forcé ou encore d'un changement d'orientation sexuelle. La justice doit aussi pouvoir inquiéter les familles qui empêchent leurs proches de revenir en France. Sensibilisons nos consulats à la question.
La convention d'Istanbul signe la volonté des pays européens de marcher du même pas, mais les criminels savent s'adapter. L'action concrète sur le terrain est donc essentielle. Tout ce qui facilitera la lutte contre ces violences est bienvenu, de même que toute initiative pour une meilleure coopération internationale. (Applaudissements)
M. Stéphane Mazars . - Notre pays, pourtant parmi les membres fondateurs de l'Union, ne s'illustre pas par son zèle à transposer. Le tableau publié par la Commission européenne en février montre que nous avons cependant fait des progrès. Ce projet de loi de transposition est donc un pas en avant. Le traité de Lisbonne a communautarisé les questions relatives à la justice pénale. Le groupe du RDSE se félicite de ce renforcement de l'intégration qui ouvre la voie à un parquet européen et un espace commun des droits et libertés. Le travail conjoint de la Chancellerie et du Secrétariat général aux affaires européennes mérite d'être salué.
Le mécanisme de notre système juridique tel que posé par le Préambule de 1946 nous incite à trouver les moyens d'une meilleure articulation avec le droit international, une coopération la plus efficace possible. La décision du Conseil constitutionnel du 4 avril est le signe d'une meilleure intégration du droit communautaire dans notre droit français. Mais gardons-nous de nous contenter de règles a minima. Heureusement, l'autorité de la Cour européenne des droits de l'hommes a permis, au fil des décisions, de rapprocher nos systèmes juridiques.
Des arrêts de 2005 et de 2012 de la Cour européenne des droits de l'Homme ont montré le caractère non opératoire de notre droit en matière de répression de l'esclavage. Nous approuvons cependant le choix de notre rapporteur, suivi par Mme la garde des sceaux, de mener plus avant la réflexion.
L'obligation d'interprétation et de traduction est introduite à tous les stades de la procédure. La directive du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants ajoute d'importantes protections pour les victimes et la compétence des juridictions françaises est étendue, tandis que le jugement extraterritorial des ressortissants devient possible dans les cas de tourisme sexuel.
Trois décisions du Conseil sont également transposées, dont la première fixe les règles de procédure en matière de justice et étend la reconnaissance entre les États membres, qui ne pourront plus refuser d'exécuter un mandat d'arrêt européen. La deuxième, visant à faciliter les mécanismes de transfèrement, touche à un aspect essentiel de la justice : la réinsertion. La troisième est relative à Eurojust.
Ce texte ne se résume pas à ses aspects techniques. Il comporte, malgré son aridité, une dimension éthique. Je salue le travail de notre rapporteur.
Un mot de l'article 17 bis. Notre groupe n'est pas attaché au présidentialisme. L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme a montré que le crime de lèse-majesté n'avait plus sa place dans notre droit. Pour autant, dès lors que le statut juridictionnel du président de la République est en cours d'élaboration, il est légitime de remettre la question à plus tard.
Nous apporterons notre soutien à ce texte. (Applaudissements)
Mme Esther Benbassa . - Alors que l'Europe est ressentie comme un mécanisme supplémentaire d'austérité, ce texte est une belle occasion de montrer qu'elle peut aussi renforcer les droits fondamentaux. Il s'agit ici de construire un socle cohérent en matière de justice, comme cela devrait l'être en matière d'environnement où il faudra reconnaître un crime d'« écocide ».
Avec cette transposition, nous rattrapons notre retard. Européenne convaincue, je m'en réjouis, comme de la mise en conformité de notre droit avec la jurisprudence européenne.
Je pense notamment à la condamnation de la France pour placement d'enfants en centres de rétention administrative. Le chemin à parcourir reste long.
J'en viens aux dispositions de ce texte. Me tiennent à coeur celles qui concernent la lutte contre la traite des êtres humains. Une vraie définition sera introduite dans le code pénal. L'article 225-4-1 du code ne permettait pas, en l'état, de punir ce crime de façon satisfaisante. La France, conformément à ses engagements internationaux, doit punir toutes les formes de traite. La réécriture de cet article représente donc une avancée considérable. De même que la révision de l'échelle des sanctions et l'extension de l'incrimination de la traite des mineurs. Mais lutter contre les traites suppose aussi une vraie coopération, et une révision de nos instruments comme Frontex.
L'article 3 renforce la protection des étrangers en leur ouvrant la possibilité de se faire traduire les pièces essentielles à leur défense, pour un procès équitable.
L'article 4 met le droit français en conformité avec le droit européen en matière d'abus sexuels sur les enfants et de pédopornographie, en introduisant l'incitation à subir des atteintes sexuelles, et va même au-delà en rendant nos juridictions compétentes pour le crime de proxénétisme sur mineur, à l'étranger, par un étranger résidant habituellement sur notre territoire.
L'article 15 donne un bel exemple de protection identique des droits des nationaux et des autres. La Cour de justice de l'Union européenne avait jugé contraire au principe de non-discrimination fondée sur la nationalité que l'on réserve aux seuls ressortissants français le bénéfice de non-exécution d'un mandat d'arrêt européen pour exécuter en France une peine de prison prononcée dans un autre État membre.
Désormais, les résidents vivant depuis cinq ans sur le territoire national pourront également y purger leur peine.
Les articles 16 et 17 adaptent dans notre droit la convention d'Istanbul, en créant trois nouvelles incriminations, sur le mariage forcé -qui sont des circonstances aggravantes-, l'incitation sur mineur à subir des mutilations sexuelles et l'interruption de grossesse forcée.
Voici un texte de progrès pour la justice : le groupe écologiste le votera sans réserve. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Évelyne Didier . - Ce projet de loi met en oeuvre le programme de Stockholm, visant à créer un espace européen en matière de lutte contre la criminalité organisée.
L'article premier transpose la directive de 2011 relative à la lutte contre la traite, sur laquelle nous avons un mois de retard. La traite, c'est une violation des droits de l'homme parmi les plus graves : la transposition ne doit pas jouer en défaveur des victimes et les éléments constitutifs de l'infraction ne doivent pas compliquer l'incrimination. Sur le but poursuivi, un des éléments permettant l'incrimination, le texte apporte des avancées, en introduisant de nouveaux éléments ; sur les moyens, deuxième élément caractérisant l'incrimination, nous sommes plus réservés : le texte fait des circonstances aggravantes des éléments constitutifs de l'infraction, ce qui risque de rendre les choses plus difficiles. Cela dit, l'Assemblée nationale a adopté un amendement judicieux pour une échelle des peines cohérente.
En revanche, le droit français va au-delà de nos engagements internationaux en étendant aux majeurs ce que le protocole de Palerme réserve aux mineurs. L'exploitation est une atteinte grave : nous proposons de conserver notre définition interne, plus protectrice que la définition européenne ; rien ne nous l'interdit.
Notre commission des lois a supprimé le délit d'offense au chef de l'État : n'y voyez pas du « fayotage », nous vous proposerons de rétablir ce que l'Assemblée nationale a voté. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)
M. Hugues Portelli . - Nous sommes totalement d'accord avec notre commission des lois et saluons l'excellent travail de son rapporteur. Ce travail avait d'ailleurs été amorcé sous la précédente législature, ce qui témoigne de la continuité de l'État.
Nous sommes entrés dans l'ère d'un droit pénal international et sortis de l'ancienne conception régalienne de ce droit.
Sur les droits de l'homme, il y a un consensus international, que l'on retrouve dans les textes internationaux. Ces droits fondamentaux surplombent le droit régalien. Et l'internationalisation de la criminalité organisée exige des normes internationales. Les atteintes aux droits des personnes ne sauraient rester impunies.
Nous devons faire preuve d'une grande loyauté dans l'intégration des normes internationales mais aussi d'une grande clarté car le droit pénal est à chaque fois le fait d'une tradition nationale. Il faut donc trouver des éléments communs à ces normes. Voyez les questions relatives au rôle du parquet, à la procédure accusatoire, au rôle de l'avocat : nos traditions juridiques diffèrent considérablement et il y a un important travail à faire pour mettre en oeuvre, au niveau européen, des procédures concrètes.
La commission des lois a supprimé l'article 17 bis, relatif au délit d'offense au chef de l'État. Il appartient pourtant à la tradition républicaine et n'a été introduit que pour protéger un président républicain, à l'occasion de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, et ne fleure ni la monarchie ni les préceptes à la Mac Mahon.
Bref, il faudra bien qu'un jour entrent en vigueur les dispositions relatives au statut pénal du chef de l'État issues de la révision constitutionnelle de 2007. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Michel . - Lors d'un colloque à l'université de Franche-Comté, sur l'avenir de l'Europe, je me suis étonné qu'aucune mention ne soit faite du Conseil de l'Europe, non plus que de la Cour européenne des droits de l'homme. Si l'Europe se réalise un jour, ce ne sera ni par la finance ni par la monnaie unique ni par les politiques d'austérité antisociales décidées à Bruxelles par nos chefs d'État mais bien par les progrès du droit, les droits de l'homme et la démocratie. C'est dans ce cadre que nous sommes aujourd'hui. La peine de mort est abolie dans les 47 pays qui composent le Conseil de l'Europe, quand elle persiste en Chine et aux États-Unis. L'Union européenne va signer la Convention européenne des droits de l'homme. Et nous avons l'amorce d'une juridiction pénale internationale avec la clause de compétence extraterritoriale, dont a fait récemment usage un juge espagnol pour incriminer un général irakien soupçonné de faits de tortures sur des réfugiés iraniens.
Nous progressons et il est nécessaire d'aller vers une harmonisation de nos procédures pénales. Ce texte est un premier pas.
Trois points ont provoqué des discussions au sein de notre commission. En matière de traite des êtres humains, tout d'abord, la possibilité pour les associations de se constituer partie civile. Sans elles, les individus ont bien de la peine à faire valoir leurs droits.
En deuxième lieu, nous n'avons pas suivi l'Assemblée nationale sur l'article 2 bis. Pour le Conseil de l'Europe, dire qu'il faut criminaliser un acte ne signifie pas en faire un crime au sens de notre droit. Ce serait alourdir la procédure. Nous suivons donc les propositions du rapporteur, de même sur les prérogatives du membre français d'Eurojust. Les magistrats qui font partie de cet aréopage ne font pas partie, faut-il le rappeler, de notre parquet. Dès lors, il était bon de limiter les prérogatives qui leur sont reconnues : Eurojust ne doit pas pouvoir ouvrir des informations ou adresser des injonctions au parquet.
En troisième lieu s'est posée la question de l'incrimination d'offense au chef de l'État. Pour moi, ce n'est pas la personne qui est visée mais la fonction, qui constitue le socle de tout notre système institutionnel -ainsi le veut la logique des partis et l'élection au suffrage universel, du régime semi-présidentiel de la Ve République. Que devrait être le statut juridique du chef de l'État, telle est bien la question. Une proposition de loi sénatoriale de MM. Badinter et Patriat, un projet de loi déposé à l'Assemblée nationale ont été abandonnés.
M. Jean-Pierre Sueur. - Eh oui, chaque assemblées a voté un texte, et rien.
M. Jean-Pierre Michel. - Nous lançons donc ici un appel au Gouvernement pour que soit réglée la question du statut du chef de l'État.
Nous voterons le texte tel qu'enrichi par notre commission des lois. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre . - Merci à Mme Blondin et à la délégation aux droits des femmes pour le travail rigoureux qui a été menée. Elle appelle de ses voeux une meilleure coopération, c'est à quoi nous travaillons avec la mission interministérielle sur le droit des femmes. Nous travaillons également sur les recommandations du Greta. Le comité interministériel a décidé d'améliorer la formation de tous les professionnels, en la rendant systématique : le projet de loi cadre relatif aux droits des femmes, qui sera discuté en septembre, intégrera des dispositions à cette fin. Un travail de sensibilisation et de prévention sur les mariages forcés sera également mené. Aux termes de la loi de 2010, une interdiction de sortie de territoire est déjà possible pour les jeunes filles menacées de mariage forcé (M. Roland Courteau le confirme) ainsi que pour l'adulte concerné... Le cas des jeunes filles retenues à l'étranger pose un problème d'extraterritorialité : nous y travaillons. (Applaudissements)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . - Je retrouve bien aujourd'hui la qualité des débats du Sénat. Nous travaillons à l'application des articles 85 et 86 du traité de Lisbonne. Nous avons avancé avec l'Allemagne puisque nous avons conjointement signé un projet de texte, même si les choses sont plus simples pour le parquet fiscal que pour le parquet pénal. Les députés ont peut-être un peu anticipé.
L'ordre que nous avons retenu ? Vous savez que le texte était déjà avancé lorsque nous l'avons repris, et nous n'avons pas voulu en bouleverser toute l'économie.
Merci à Mme Benbassa de ses satisfécits.
Oui, monsieur Mazars, ce texte préfigure ce que doit être la coopération pénale, même s'il est vrai qu'il faudra encore certains ajustements.
Madame Blondin, la ministre des droits des femmes vous a apporté des réponses, y compris sur la question pénale. J'ai reçu, il y a deux jours, le responsable de la convention de Palerme ; nous faisons en sorte d'avancer sur tous ces points.
Un projet de décret est en cours d'élaboration, en coopération avec l'Intérieur, sur le statut des repentis. Le problème est celui du coût de leur prise en charge, les négociations avec Bercy n'ont pas encore abouti, un arbitrage sera bientôt rendu. C'est surtout la situation en Corse qui est visée.
M. Portelli a raison : nous nous battons au sein de l'Europe pour l'effectivité des droits. La dissonance entre droit continental et droit anglo-saxon rend les transpositions acrobatiques ; l'exercice est pourtant réussi, dans le respect de la précision du texte initial et de notre tradition juridique. On ne peut se contenter de proclamer de nouveaux droits ; c'est bien pourquoi nous avons milité pour l'édiction d'un instrument législatif européen sur l'aide juridictionnelle. Sans cela, on créera des inégalités, ce qui serait absurde.
Monsieur Michel, je reviendrai sur le statut du chef de l'État lors de la discussion des articles. Donner aux associations la possibilité de se porter partie civile est une avancée réelle.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
I. - Alinéa 3
Supprimer les mots :
dans l'une des circonstances suivantes
II.- Alinéas 4 à 7, 10 et 11
Supprimer ces alinéas.
III. - Alinéas 13 à 22
Remplacer ces alinéas par onze alinéas ainsi rédigés :
2° L'article 225-4-2 est ainsi rédigé :
« Art. 225-4-2. - L'infraction prévue à l'article 225-4-1 est punie de dix ans d'emprisonnement et de 1 500 000 euros d'amende lorsqu'elle est commise :
« 1° A l'égard d'un mineur ;
« 2° A l'égard d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
« 3° A l'égard de plusieurs personnes ;
« 4° A l'égard d'une personne qui se trouvait hors du territoire de la République ou lors de son arrivée sur le territoire de la République ;
« 5° Lorsque la personne a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ;
« 6° Dans des circonstances qui exposent directement la personne à l'égard de laquelle l'infraction est commise à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
« 7° Avec l'emploi de menaces, de contraintes, de violences ou de manoeuvres dolosives visant l'intéressé, sa famille ou une personne étant en relation habituelle avec lui ;
« 8° Par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la personne victime de l'infraction prévue à l'article 225-4-1 ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
« 9° Par une personne appelée à participer, par ses fonctions, à la lutte contre la traite ou au maintien de l'ordre public. »
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je reprends une préconisation de la délégation aux droits des femmes.
Le projet de loi fait des moyens employés par l'auteur de la traite un élément constitutif de l'infraction, ce qui aura des conséquences sur la charge de la preuve incombant aux victimes. L'action et le but poursuivi doivent suffire à caractériser l'infraction. Sinon, on peut craindre que cela ne soit interprété comme un éloignement de la tradition abolitionniste française.
Définissons la traite comme « le fait -par tous moyens- de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir » dans le but de la mettre « à sa disposition ou à la disposition d'un tiers, même non identifié, pour permettre la commission contre la victime des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, de soumission à du travail ou des services forcés ou à de l'esclavage, de prélèvement de l'un de ses organes, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre la victime à commettre tout crime ou délit ».
Avec cette définition, les moyens employés n'auront pas à être prouvés par la victime, si ce n'est pour caractériser des circonstances aggravantes.
Il est également proposé de supprimer, à l'article 225-4-1 du code pénal, la référence à une rémunération ou tout autre avantage, ou à leur promesse. Ces éléments, qui ne sont pas des circonstances aggravantes par nature, peuvent aussi être difficiles à prouver.
M. Alain Richard, rapporteur. - L'avis n'est pas favorable. D'abord parce que cette définition ne correspond pas à l'accord que nous transposons. Ensuite, le droit pénal, pour être conforme au principe de légalité des délits et des peines, porté par la déclaration des droits de l'homme, doit être strict et cohérent ; or les mineurs et majeurs, censés jouir de l'autonomie de leur volonté, ne sont pas dans la même situation. Souvenez-vous de nos débats sur le harcèlement : le Conseil constitutionnel censurera toute disposition tautologique...
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Même avis. La convention de 1960 n'est nullement remise en cause. Il n'y a pas à redouter un éloignement de notre tradition abolitionniste. En revanche, nous sommes tenus par le principe de légalité des délits et des peines, plus qu'auparavant depuis la création des QPC. En outre, la définition doit être précisée pour être partagée avec les États européens et rendre exécutoires les mandats d'arrêts européens.
Mme Évelyne Didier. - Une personne adulte est présumée disposer d'autonomie. Pourtant, ce n'est pas le cas pour des personnes victimes de violences ou sous la coupe de sectes. A terme, voyons comment faire évoluer notre législation pour en tenir compte.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Richard, au nom de la commission.
Alinéa 8
1° Après le mot :
afin
insérer les mots :
soit de la réduire en esclavage,
2° En conséquence, supprimer les mots :
ou à de l'esclavage
M. Alain Richard, rapporteur. - J'ai dit les raisons qui nous poussent à ne pas retenir l'infraction spécifique d'esclavage dans le code. En revanche, nous avons besoin de cet amendement rédactionnel.
L'amendement n°3, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. Alain Richard, rapporteur. - Un mot à Mme le garde des seaux : la protection des victimes va au-delà de la question des repentis. Des jeunes femmes, souvent des enfants, sont placées dans des situations d'extrême dépendance, forcées à la mendicité ou à la prostitution et font l'objet de violences indicibles. De récents événements montrent à quel point ceux qui sont à la tête de ces réseaux sont dépourvus de tout scrupule. Nous voulons attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de protéger les victimes contre la loi du silence et la loi de la terreur.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Nous partageons votre préoccupation. Dans la loi, figurent des dispositions d'aide aux victimes qui ne suffisent pas. Je reprends ce dossier.
L'article premier, modifié, est adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Richard, au nom de la commission.
Alinéas 2 et 3
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
1° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« S'il existe un doute sur la capacité de la personne suspectée ou poursuivie à comprendre la langue française, l'autorité qui procède à son audition ou devant laquelle cette personne comparait vérifie que la personne parle et comprend cette langue.
« Si cette personne ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, ainsi qu'à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code. A titre exceptionnel, une traduction orale ou un résumé oral de ces pièces peut être effectué. La personne suspectée ou poursuivie ne peut renoncer à la traduction de ces pièces essentielles qu'expressément, après avoir été informée des conséquences de sa décision. » ;
M. Alain Richard, rapporteur. - Cet amendement complète l'article préliminaire du code de procédure pénale afin d'y intégrer quatre exigences posées par la directive : la mise en place d'un mécanisme permettant de vérifier que la personne parle le français ; le droit à un interprète lors des entretiens de la personne suspectée ou poursuivie avec son avocat ; la possibilité d'une traduction orale des pièces essentielles, à titre exceptionnel -c'est très important pour éviter les retards dans l'action pénale-, et enfin, le fait que la personne ne peut renoncer à la traduction des pièces essentielles qu'expressément, après avoir été informée des conséquences de cette décision.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Favorable ; cela renforcera les garanties.
L'amendement n°4 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
L'article 4 est adopté, de même que les articles 4 bis, 5, 6 et 7.
ARTICLE 8
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Richard, au nom de la commission.
Alinéas 6 à 9
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 695-8-2. - I. - Le membre national est informé par le procureur général, le procureur de la République ou le juge d'instruction des investigations ou procédures en cours ainsi que des condamnations relatives à des affaires susceptibles d'entrer dans le champ de compétence d'Eurojust, lorsqu'elles ont donné lieu ou sont de nature à donner lieu à la transmission à au moins deux États membres de demandes ou de décisions en matière de coopération judiciaire en application, notamment, d'instruments fondés sur le principe de reconnaissance mutuelle et lorsque l'une des conditions suivantes est remplie :
« a) Elles portent sur une infraction punissable, dans l'un au moins des États membres concernés, d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté égale ou supérieure à cinq ans et l'infraction entre dans l'une des catégories suivantes :
M. Alain Richard, rapporteur. - Nous réécrivons les dispositions concernant le représentant national d'Eurojust. La décision du 16 décembre 2008 renforçant Eurojust prévoit, en effet, son information obligatoire sur tout dossier impliquant plusieurs États membres : soit lorsque l'infraction est punissable, dans l'un au moins des États membres concernés, d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté égale ou supérieure à cinq ans et qu'elle entre dans une liste d'infractions très graves ; soit lorsqu'une organisation criminelle est impliquée ; soit lorsque le dossier a une incidence transfrontalière grave.
Or, dans le projet de loi tel que transmis par l'Assemblée nationale, la condition selon laquelle l'infraction est punissable d'une peine égale ou supérieure à cinq ans est cumulative, au lieu d'être alternative.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Correction bienvenue !
L'amendement n°5, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 8, modifié, est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Richard, au nom de la commission.
Alinéa 106
Après les mots :
territoire français
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, aux fins de recueillir ses observations écrites ou orales. Ces observations sont jointes au dossier. Le cas échéant, il recueille le consentement de la personne condamnée.
M. Alain Richard, rapporteur. - Amendement en partie rédactionnel, qui préserve au mieux les droits de la défense.
L'amendement n°6, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 9, modifié, est adopté.
ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Richard, au nom de la commission.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
Ces dispositions
par les mots :
Les mêmes peines
L'amendement rédactionnel n°7, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
L'article 11 est adopté, de même que les articles 11,12, 13, 14 et 15.
ARTICLE 16
M. Roland Courteau . - Le Sénat a su prendre des initiatives pour lutter contre les violences faites aux femmes et les violences domestiques, avec la loi du 21 avril 2006, la loi du 6 août 2012 et la loi du 9 juillet 2010.
Si nous avions largement anticipé la convention d'Istanbul, un vide demeurait sur les mariages forcés -je regrette que nous ne l'ayons pas comblé auparavant. Merci à Mme Vallaud-Belkacem d'avoir rappelé que la loi de 2010 autorisait à prendre une ordonnance de protection dans ce cas.
Avec la sanction de l'incitation à la mutilation génitale et de l'interruption de grossesse forcée, nous aurons un dispositif complet. Bravo à nos ministres pour leur action vigoureuse et efficace en ce domaine ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'article 16 est adopté, de même que l'article 17.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
A. - Après l'article 17 :
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est abrogé.
II. - Au premier alinéa de l'article 1er de la loi du 11 juin 1887, la référence : « 26, » est supprimée.
B. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
CHAPITRE XI bis
Dispositions abrogeant le délit d'offense au chef de l'État afin d'adapter la législation française à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 14 mars 2013
Mme Évelyne Didier. - Cet amendement abroge le délit d'offense au chef de l'État afin de tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 14 mars 2013, qui concernait ce monsieur qui avait brandi une pancarte dont je me permets de rappeler le contenu « Casse-toi, pauvre con ». Le chef d'État visé était alors M. Nicolas Sarkozy... La sanction était complètement disproportionnée.
M. Alain Richard, rapporteur. - Débat très médiatique, ainsi que le reflètent ici certaines interventions...
Dans son arrêt contre France, la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas jugé contraire à la convention le délit d'offense au chef de l'État ; son jugement porte sur un cas d'espèce : elle estime cette sanction pénale disproportionnée. Pour les amateurs, la lecture de l'arrêt sur cet épisode fameux de la vie politique française vaudrait assurément publication à une heure de grande écoute.
Si le chef de l'État doit pouvoir se protéger des injures personnelles comme tout autre citoyen, il doit aussi, au titre de sa position institutionnelle dans un régime républicain, bénéficier d'une protection renforcée, analogue à celle de tout détenteur de la force publique, des magistrats, des parlementaires. L'immunité parlementaire, ce n'est rien d'autre que cela.
Ne modifions pas la disposition concernant le président de la République sans considérer l'ensemble de la problématique.
M. René Garrec. - Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Si l'on supprime toute protection pour le chef de l'État, sa position sera inférieure à celle de n'importe quelle personne détentrice de l'autorité publique ou d'un mandat public. Traitons plutôt ce sujet quand nous examinerons le statut du chef de l'État ; nous bâtirons ainsi des lois non pour un quinquennat mais pour la République dans sa continuité. Alors que nous facilitons l'accès à la justice avec les questions prioritaires de constitutionnalité, on ne peut retirer au président de la République la protection particulière dont il bénéficie.
Mme Évelyne Didier. - J'ai trop d'estime pour M. Richard pour m'autoriser à dire de telle de ses interventions qu'elle serait motivée par la volonté d'attirer l'attention des médias.
S'il y a eu disproportion dans la peine infligée à l'homme à la pancarte, c'est que le texte de la loi la rendait possible. Le chef de l'État doit être respectable et faire preuve de dignité en toute circonstance.
Cela dit, je reçois vos explications.
L'amendement n°8 est retiré.
L'article 17 bis demeure supprimé.
L'article 18 est adopté, de même que les articles 19, 20, 21, 22 et 23.
ARTICLE 24
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Richard, au nom de la commission.
Rédiger ainsi cet article :
La présente loi est applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
M. Alain Richard, rapporteur. - Obligation de forme : Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie doivent être mentionnés explicitement.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Il me paraît plus prudent de mentionner cette précision.
L'amendement n°8 est adopté et l'article 24 est ainsi rédigé.
Le projet de loi, modifié, est adopté.
La séance est suspendue à 17 h 40.
présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président
La séance reprend à 21 heures.