Mariage des personnes de même sexe (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Nous poursuivons la discussion de l'article premier bis.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE PREMIER BIS (Suite)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Mes chers collègues, je vous en prie, ne faisons pas fi des droits de l'enfant, au nom du droit à l'enfant. Un enfant n'est pas un bien de consommation. C'est une chance, hélas, qui n'est pas donnée à tout le monde, mais surtout une immense responsabilité...
M. David Assouline. - Nous le savons.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - L'adoption se produit, à 80 %, à l'étranger en raison de la diminution, en soi heureuse, du nombre d'enfants adoptables en France. Les abandons diminuent et la prise en charge sociale s'améliore dans les pays en développement. Parallèlement, le nombre de demandes ne cesse de croître. D'où la politique de quotas mise en place en Thaïlande, au Cambodge, au Burkina Faso, entre autres.
La plupart des pays autorisant l'adoption ne reconnaissent pas l'homoparentalité. Une soixantaine de pays pénalisent l'homosexualité, la plupart manifestent effectivement leur refus de confier des enfants à des couples de même sexe : c'est le cas de la Colombie, du Mali, de la Chine, ou encore du Vietnam, qui exigent une déclaration sur l'honneur du caractère hétérosexuel du couple adoptant. Avec ce texte, nous risquons des mesures de rétorsion de la part des pays d'origine, qui toucheront tous les couples. Ce n'est pas moi qui le dis mais le Conseil supérieur de l'adoption.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - La promesse électorale faite aux couples homosexuels de leur droit à l'enfant est irresponsable. Restent donc la GPA et la PMA...
M. Serge Dassault . - (Exclamations à gauche) Je ne m'oppose pas au mariage de personnes de même sexe. En revanche, je suis opposé à l'adoption. Un enfant a besoin de l'amour de sa mère et de l'autorité de son père... L'enfant adopté par un couple homosexuel sera un éternel orphelin. On ne peut avoir qu'une mère, que deviendra l'enfant élevé par deux femmes ?
Les enfants, pour se développer normalement, ont besoin d'une famille réelle, équilibrée, responsable.
Que racontera-t-on plus tard à ces enfants dont la vie aura été un enfer ? Je vous invite à ne pas adopter cette adoption contre nature qui débouchera sur des drames. (Applaudissements sur quelques bancs à droite)
M. Patrice Gélard . - Je remercie le rapporteur pour sa réflexion sur l'adoption. Il a mis le doigt sur toute une série de difficultés d'application. Certes, il a fait sauter le verrou de l'article 360, comme je l'avais proposé par un amendement puis par une proposition de loi. Mon texte n'a jamais été examiné, je le déplore, car il autorisait l'accueil d'enfants qui conservaient leur famille initiale.
M. Jean-Pierre Leleux. - Très bien !
M. Patrice Gélard. - Je tiens à attirer l'attention sur la multiplicité des difficultés qui se présenteront. Comment favoriser l'adoption plénière pour un couple homosexuel ? Il n'y aura pas d'enfants adoptables à l'étranger par des couples homosexuels. Il y aura des adoptions plénières après coup, par l'autre parent. Il y aura aussi des impossibilités, à moins que l'un des parents soit déchu de l'autorité parentale.
Il pourrait y avoir, si l'on suit M. Michel, une seconde adoption, ensuite, en cas de divorce. J'ai proposé un amendement de suppression, car il faut revoir l'intégralité de notre législation sur l'adoption et l'autorité parentale. (Applaudissements à droite)
Mme Catherine Troendle . - L'Agence française de l'adoption est très claire : le nombre d'enfants étrangers adoptables est en constante diminution. Les pays en développement ont désormais les moyens de réduire les abandons pour cause économique et d'améliorer la prise en charge des enfants. Nos ressortissants se tournent de plus en plus vers l'étranger. Les pays les plus riches en enfants adoptables adoptent des quotas : Burkina Faso, Thaïlande, Cambodge.
Certains pays demandent une attestation sur l'honneur du caractère hétérosexuel de l'adoptant comme le Vietnam, la Colombie et le Burkina Faso qui représentent plus de 60 % des enfants adoptés chaque année. Que leur direz-vous, madame la ministre ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. - Je leur dirai bien des choses.
Mme Catherine Troendle. - Résultat, la PMA devra être étendue aux couples de même sexe. Certains amendements déposés en témoignent. Vous êtes des marchands d'illusion !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Ces déclarations ne vous ressemblent pas !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Il y a 2 000 enfants adoptables en France pour 24 000 foyers agréés. En six ans, il n'y a eu aucune adoption internationale par des couples homosexuels en Belgique. De nombreux pays refuseront que leurs enfants soient adoptés par de tels couples.
M. Bruno Sido. - Absolument !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Ce sont les enfants qui en subiront le préjudice.
Mme Françoise Férat. - Tout à fait ! (Mme Esther Benbassa proteste)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - L'enfant aura le sentiment psychique de n'avoir ni père ni mère.
Une mère donne la vie... Cela n'a aucun sens d'avoir deux pères ou deux mères. Cela n'a jamais existé !
M. Bruno Sido. - Très bien ! (Protestations à gauche)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Mettez-vous à la place de l'enfant abandonné ! On lui annonce qu'il est adopté par deux hommes et deux femmes. C'est en regardant son père et sa mère qu'il se construira. Les enfants sont des adultes en devenir, ils ne sont pas un remède au mal de reconnaissance des couples de même sexe. (Protestations sur les bancs écologistes) Pensez à l'intérêt supérieur de l'enfant ! L'union civile aurait pu répondre à ces problèmes.
Mme Esther Benbassa. - Elle n'a pas été votée.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Il y va de l'éthique. Mais passons au registre de la loi, car c'est là que gisent les difficultés.
M. le président. - Veuillez conclure !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Vous créez une fracture de plus : une fracture sociétale. Cessez de divisez ! Rassemblez les Français ! (Applaudissements à droite)
M. Alain Gournac . - Cet article aborde la question cruciale de l'adoption plénière et de la filiation. Tout individu, quelle que soit son orientation sexuelle, a une égale capacité à procréer. Où est le principe d'égalité en la matière ? Avec l'adoption plénière, on accorde aux couples homosexuels le beurre et l'argent du beurre et le gruyère avec ! (Sourires à droite) Ils sont incohérents puisqu'ils veulent avoir l'enfant à la fois ensemble et séparément et s'unir devant le maire pour se séparer dans l'enfant, alors que les couples formés d'un homme et d'une femme donnent corps à leur union dans l'enfant. (Murmures de protestation à gauche) Votre texte en fait fi. Quand l'enfant de Victor Hugo paraît, il n'apparaît pas invraisemblable... Faut-il être obsédé par le droit à l'enfant pour ne pas voir que votre projet de loi, madame la ministre, foule aux pieds les représentations traditionnelles qui assurent l'équilibre de notre société. Le mariage, dixit Bertrand Delanöe, c'est classique ! Il ne croyait pas si bien dire car classis en latin, c'est le bateau (on apprécie à droite) et pour bien naviguer, il faut que tout soit en ordre à bord.
M. Bruno Retailleau. - oVive le Vendée Globe ! (Sourires)
M. Alain Gournac. - Le Premier ministre prétend tenir la barre. Pendant ce temps, vous mettez la pagaille à bord avec ce texte qui ruine la filiation. M. le président de la commission des lois a beau jeu de dire que les mots évoluent. Essayez un peu de faire évoluer le mot « procréation ». Vous le mettez sous le boisseau, alors qu'il est au coeur de notre débat. L'adoption plénière que vous préparez met à bas la filiation. Je voterai contre cet article. (Applaudissements à droite)
M. Dominique de Legge . - Vous avez compris qu'une majorité de Français n'exprimait aucun enthousiasme - c'est un euphémisme - à voir chamboulée la filiation. Vous vouliez supprimer les mots père et mère du code civil, puis, face à l'opposition de nos compatriotes, vous avez inventé cet article bancal. Revenons à ce fameux engagement n°31 du candidat François Hollande : « j'ouvrirai le droit au mariage et à l'adoption aux couples homosexuels ». Pour nous, le mariage n'est pas un droit mais une institution. Comment créer un droit à l'adoption sans créer un droit à l'enfant ? Par définition, l'adoption ne permet pas d'accéder au droit à l'enfant. Ce droit ne verra jamais le jour. C'est pourquoi se profilent, derrière ce texte, la PMA et la GPA. Le droit à l'adoption est un mensonge. Quand le chef de l'État en parle, cela devient un mensonge d'État. (Applaudissements à droite ; protestations à gauche.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Un de plus !
M. Charles Revet . - Cet article est presque aussi important que l'article premier. Monsieur le rapporteur, monsieur le président, vous avez procédé à des auditions nombreuses et intéressantes. Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit : « S'agissant de l'adoption, il serait nécessaire de remettre à plat ce dispositif qui ne répond plus aujourd'hui à ce que nous vivons ». Et d'ajouter qu'il eût fallu le faire avant l'examen de ce texte. Mme la garde des sceaux nous a dit : « Il y a eu débat ». Certes, nous avons pu poser des questions, mais l'adoption est un enjeu tellement important qu'il nécessite des échanges. On nous a promis un débat sur la famille sous quelques mois. Je suggère que nous reportions à cette occasion l'examen de ces dispositions.
J'ai posé et reposé cette question : si le texte est adopté et publié au Journal officiel et qu'une famille recourt à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), pouvez-vous affirmer que la France ne risque pas de se voir imposer la PMA et la GPA ? Répondez-y ! (Applaudissements à droite)
Mme Élisabeth Lamure . - La loi a une vocation universelle. Si ce texte est adopté, il existera un mariage hétérosexuel, qui garantira à l'enfant une double filiation, et un mariage homosexuel, qui ouvrira une filiation purement virtuelle.
L'adoption par un célibataire ne crée pas de filiation incohérente. L'enfant adopté par deux personnes de même sexe ne peut en aucun cas se penser comme issu de leur union. Vous allez inscrire ces enfants dans une généalogie unisexe. Pourquoi priver les enfants adoptés d'une mère ou d'un père ? Les orphelins n'ont ni l'un ni l'autre en raison des aléas de la vie. Ce nouveau mariage entraîne trop de conséquences graves pour les enfants. À terme, il ouvre le risque de la PMA et la GPA pour tous. Au lieu de bidouiller le droit de la filiation, vous auriez mieux fait d'accepter l'union civile. (Applaudissements à droite)
M. Bruno Retailleau . - Avec cet article, nous touchons un point central de ce texte, qui concerne l'enfant. Madame la garde des sceaux, vous n'avez pas souhaité vous en tenir au seul mariage, mais vous n'en tirez pas toutes les conséquences. Vous voulez inventer une filiation nouvelle. Pourquoi ne pas réformer globalement la filiation ? Vous n'avez pas voulu le faire. (Protestations sur les bancs socialistes) Votre texte encourt une critique juridique, fondée sur la compétence négative du législateur. L'article 34 de la Constitution lui enjoint d'aller jusqu'au bout de ses responsabilités. Or nous allons nous en remettre au pouvoir réglementaire, aux ordonnances, et au juge qui devra démêler les incohérences dans ce texte. Votre réforme à la découpe du droit de l'adoption et de la famille est inacceptable. Vos choix ne sont pas les nôtres, assumez-les !
L'intérêt supérieur de l'enfant est l'alpha et l'oméga de nos engagements internationaux et de notre droit interne. Or l'étude d'impact fait l'impasse sur l'adoption. Le Conseil d'État le souligne dans son avis, page 2.
Vous créez un double traumatisme pour l'enfant : la méconnaissance de ses origines, la privation de père ou de mère une seconde fois, car il sera adopté par deux hommes ou deux femmes.
M. Éric Doligé. - Bien sûr !
M. le président. - Veuillez conclure !
M. Bruno Retailleau. - Pour tout enfant adopté il y a une blessure à réparer. Madame la ministre de la famille, vous avez l'air de considérer que ce n'est pas grave et je connais votre conception de la famille ...
M. le président. - C'est fini !
M. Ladislas Poniatowski. - On le fait taire parce qu'il est bon !
M. Jackie Pierre . - Cet article donne droit aux couples homosexuels à la reconnaissance de tous les attributs de la parentalité. Le mariage actuel ne peut se comprendre que par rapport à la présomption de paternité.
Les Français doivent savoir que l'adoption ne répondra pas à la demande. L'Agence française de l'adoption est très nette : elle pointe la diminution du nombre d'enfants français adoptables, mais aussi des adoptions internationales. La plupart des pays rejettent l'adoption par des couples de même sexe. La PMA, déjà ouverte à certaines femmes, devra être étendue aux couples de femmes. Par souci d'égalité, la GPA devra aussi être accordée aux couples d'hommes : vous ouvrez la porte à un droit à l'enfant qui bouleverse le droit de la famille. Ce texte n'est pas là pour satisfaire le droit à la consommation d'enfants... (Vives protestations sur les bancs écologistes)
Le principe d'égalité peut-il tout justifier ?
M. le président. - Concluez !
M. Jackie Pierre. - L'enfant n'est plus un sujet, mais un objet. (La voix de l'orateur est couverte par les exclamations sur les bancs socialistes)
M. Alain Houpert . - J'insiste sur l'affectif et l'émotionnel qui doivent nous guider ici. En 1998, Élisabeth Guigou s'était engagée à ne pas ouvrir la boîte de Pandore...
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée, et Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Cela a déjà été dit.
M. Alain Houpert. - « Le pacs ne change rien au droit actuel de la famille » avait-elle proclamé à l'époque...
Notre collègue Tasca s'était empressée d'approuver ces propos. Cette parole est aujourd'hui reniée ; demain, vous ouvrirez la PMA et la GPA aux couples homosexuels.
Si nous sommes favorables à l'union civile, l'enfant ne saurait être un droit et l'égalité ne signifie pas égalitarisme. À situation différente, traitement distinct. Certes, un couple homosexuel peut donner de l'amour à un enfant. Certains affirment qu'il vaut mieux grandir dans un couple homosexuel stable qu'auprès d'un père violent. Cette argumentation est trop facile.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Je ne le crois pas.
M. Alain Houpert. - L'enfant a besoin de s'identifier à un pôle masculin et féminin. Je parle en médecin. (Exclamations à gauche)
Mme Éliane Assassi. - Quel argument !
M. Alain Houpert. - Le respect de l'enfant, c'est le respect des droits de l'enfant, et d'abord celui de se construire en référence à la dualité des sexes parentaux.
Mme Esther Benbassa. - Et les familles monoparentales ?
M. Alain Gournac. - Et la parité ?
M. Jean-Pierre Raffarin. - Vive la parité pour tous ! (Rires)
M. le président. - M. Houpert a dépassé son temps de parole.
M. Jean-Claude Lenoir . - J'entends déjà le Gouvernement prétendre que nos interventions seraient itératives...
M. René Vandierendonck. - Mais non ! (Rires à gauche)
M. Jean-Claude Lenoir. - Nous avons longuement débattu de l'article premier sur le mariage, nous aurions pu nous arrêter là et faire une pause pour réfléchir au grand absent de ce débat : l'enfant !
Loin de nous l'idée de porter un jugement sur l'enfant élevé dans les couples homosexuels, la question n'est pas là. L'essentiel est de savoir si l'on parle d'adoption simple ou plénière. Plutôt que ce texte artisanal, mieux vaudrait attendre, comme l'a proposé le doyen Gélard. Pourquoi le refusez-vous ? Pour la même raison qui a amené Mme Vallaud-Belkacem à parler de PMA et de GPA le 28 janvier. Personne ne l'ayant démentie, vous lui donnez raison.
Puisque l'on se bouscule au bal des hypocrites...
Mme Esther Benbassa. - Le bal des vampires !
M. Jean-Claude Lenoir. - ... on vous verra bientôt danser le tango : deux pas en avant, un pas en arrière. Vous mentez aux parlementaires et à l'opinion publique. Nous sommes là pour dénoncer cette manoeuvre. (Applaudissements à droite)
Mme Colette Mélot . - Quand un couple de deux hommes ou deux femmes adoptera un enfant, il devra, n'est-ce pas, se mettre d'accord sur la transmission du nom. En cas de conflit, l'enfant aura le nom de ses deux parents, dans un ordre fixé par les textes. Cette règle s'appliquera aux couples hétérosexuels quand la règle était autrefois de donner le nom du père, non par machisme mais en raison de la présomption de paternité. Mariage, présomption de paternité, nom de famille, tout se tient. Les Français refusent ce bouleversement qui touche aussi le mariage hétérosexuel.
Vous qui parlez tant d'égalité, que faites-vous de l'inégalité que vous créez entre les enfants adoptés par un couple hétérosexuel et ceux adoptés par un couple homosexuel ? À nos interrogations, vous opposez le silence. Soit vous n'avez pas de réponse, soit vous dissimulez. Dans les deux cas, c'est bien malheureux. (Applaudissements à droite)
M. Bruno Sido . - Je veux souligner l'excellence de la proposition de MM. Gélard et Hyest : l'union civile. Vous vous êtes, passez-moi l'expression, bunkerisés, si bien que, avec cet article premier bis, vous êtes au pied du mur. On aurait pu écouter le Comité national d'éthique, créer un groupe de réflexion ad hoc... Vous n'avez pas bougé, il ne s'est rien passé, pas de débat ! J'en veux un peu à M. Rebsamen d'avoir transformé la majorité en toile cirée sur laquelle tous nos propos glissent. (Protestations à gauche)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Ils n'en ont rien à cirer, ça c'est sûr !
M. Bruno Sido. - Parlons de l'essentiel : les enfants. Ceux-ci cherchent l'uniforme de la normalité. Vous les mettrez en difficulté. Faute de pouvoir adopter, les couples homosexuels recourront à la PMA et à la GPA. Margaret Thatcher (exclamations sur les bancs CRC) aurait dit : « il n'y a pas d'alternative » (On s'exclame derechef) Au lieu de répondre, Mme la garde des sceaux nous a parlé de gruyère qui picote. À ce propos, l'emmental comme le gruyère sont d'origine helvétique...
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois. - Galimatias ! Dites des choses sensées !
M. le président. - Votre temps de parole est écoulé.
M. Bruno Sido. - Je reprendrai la parole !
M. Jean-Pierre Leleux . - Vous créez un droit à l'enfant aux dépens du droit de l'enfant. Je comprends le désir, parfois physique, d'avoir un enfant. Faut-il faire primer ce désir de l'adulte sur le droit de l'enfant ? Eh bien, non. J'entends vos objections : les difficultés des enfants dans les familles monoparentales. Pourquoi les généraliser ? Aidons-les plutôt ! Je salue la force de conviction de mes collègues face au mur de silence, voire de mépris...
Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Surtout de consternation.
M. Jean-Pierre Leleux. - ... de la majorité. Des gens de gauche pensent comme nous.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Évidemment !
M. Jean-Pierre Leleux. - Une philosophe que vous appréciez beaucoup et qui inspire la pensée de gauche a dit : « Je pense qu'énormément de gens de gauche sont extrêmement sceptiques aujourd'hui et je crois que le Gouvernement s'est fourvoyé en unissant d'entrée de jeu le mariage et l'adoption ». C'est Sylviane Agacinski.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Avec nous, Sylviane ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)
M. Jean-Pierre Leleux. - Brisons le ciment idéologique pour nous retrouver ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Gérard Bailly . - Vous nous renvoyez à un futur texte sur l'adoption. Pourtant, le mariage entraîne d'inévitables conséquences sur la filiation. Je ne veux pas d'un droit à l'enfant, quand bien même cela est souhaité par des couples homosexuels ou hétérosexuels. Le droit à l'enfant, cela est clair, nie le droit de l'enfant. Si vous approuvez cette idée fondamentale, écrivez donc dans la loi qu'il n'y a pas et qu'il n'y aura pas de droit à l'enfant. C'est à l'opposition seule que l'on doit d'avoir posé cette question du droit de l'enfant.
L'enfant a le droit sacré d'avoir un père et une mère. Ce texte, contrairement à ce que vous dites, crée des situations nouvelles : l'enfant aura deux pères ou deux mères. La situation existe aujourd'hui, mais de cette exception, vous voulez faire la règle. Le pédopsychiatre Pierre Levy-Soussan a dit ce qu'il en pensait.
Le principe d'égalité vous aveugle, il nous conduira inéluctablement à la PMA et à la GPA. En tant que président de conseil général, en charge de l'adoption, je ne comprends pas votre position. Pourquoi ce mur qui se forme dans l'hémicycle ? (Applaudissements à droite)
M. le président. - C'était votre conclusion.
M. Gérard Roche . - Vous pensiez que ce débat irait decrescendo, en fait il va crescendo : le mariage, puis l'adoption et, enfin, la PMA et la GPA. Le débat n'est pas entre la droite et la gauche, il est entre ceux qui approuvent PMA et GPA et les autres. Nous discutons en conscience. Soyons dans la tolérance et l'écoute, parlons avec le coeur.
Le pédopsychiatre Pierre Levy-Soussan m'a convaincu : l'enfant adopté souffre d'une asymétrie affective qu'il doit réparer auprès de son père et de sa mère adoptifs. Président de conseil général, je sais qu'il y a 25 000 demandes et seulement 5 000 enfants adoptés en France chaque année. Comment y répondre si l'on ouvre en plus l'adoption aux couples homosexuels, Les couples qui souhaitent adopter doivent déjà attendre cinq à six ans... N'importe comment, il faudra en venir à la PMA et à la GPA ; ce débat est inévitable. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Pierre Bordier . - La circulaire du 25 janvier 2013 de Mme la garde des sceaux...
Mme Esther Benbassa. - Cela n'a rien à voir !
M. Pierre Bordier. - ... nous renseigne sur vos intentions, que vous ne voulez pas afficher clairement. Profitez de l'occasion pour sortir de l'ambiguïté. Dans le livre Le mariage pour tous : la controverse juridique, il est écrit que le mariage sans la filiation serait un sous-mariage. (Exclamations à gauche) Le lien entre mariage, filiation et insémination artificielle est évident dans le texte du projet de loi. À terme, ce sera la GPA qui est d'ailleurs anticipée par la circulaire de la garde des sceaux de janvier 2013. Chers collègues, la discipline de vote rencontre sa dans la règle de conscience. (Applaudissements à droite)
M. Christophe Béchu . - Pour reprendre une formule que j'aime : « Les enfants ont des droits mais n'en sont pas ». Je veux vous lire un texte...
M. Jean-Pierre Caffet. - La Bible ?
M. Christophe Béchu. - ... un texte écrit il y a quelques mois seulement par un juge pour enfants célèbre, M. Jean-Pierre Rosenczveig. « Ce n'est pas être homophobe que de dire que le sujet est mal traité et à la va-vite. Il y a bien longtemps que je n'avais pas vu cela, légiférer pour les adultes. D'ailleurs, il n'y a pas de ministère de l'enfance dans le gouvernement Ayrault, elle est rattachée au sport ! »
Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Il n'y en avait pas avant non plus !
M. Christophe Béchu. - Je poursuis : « Les couples homosexuels seront payés en monnaie de singe car il n'y aura pas d'enfants à adopter. En fait, ce texte porte sur l'adoption de l'enfant du conjoint. » Ce juge parle encore de « débat d'adultes » qui créerait des enfants vus sous le seul angle du désir. « Créer un statut du tiers qui élève les enfants du conjoint », paraît-il « donnerait meilleure satisfaction à tous les Français ». Ces propos ne sont ni d'un sénateur UMP, ni d'un catholique intégriste, mais d'un homme de gauche ! (Applaudissements à droite)
M. Hugues Portelli . - Ce texte est fondateur d'un nouveau socle idéologique pour la gauche, je comprends donc votre discipline de fer.
Mme Cécile Cukierman. - Il n'y a pas de « discipline de fer ».
M. Hugues Portelli. - Vous voulez donner une nouvelle base idéologique, une nouvelle structure culturelle, à la gauche. Le socialisme ouvrier, c'est fini...
M. Marc Daunis. - Et le maître de forges, c'est fini ? (Mme Cécile Cukierman renchérit)
M. Hugues Portelli. - ...d'où cette attitude qui heurte les classes moyennes, en qui vous voulez voir votre électorat.
Mme Cécile Cukierman. - C'est beau l'idéologie ! Qui nous parle sans cesse des « classes moyennes », sinon vous ?
M. Hugues Portelli. - Notre atout, ce sont vos divisions internes et les classes moyennes étrangères des villes que vous courtisez et à qui vous promettez le droit de vote.
Mme Cécile Cukierman. - Ils habitent aussi à la campagne.
M. Hugues Portelli. - Ils viennent nous voir, votre discours les heurte. Cette décadence des moeurs les révulse. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Cécile Cukierman. - Sociologie de comptoir !
M. Hugues Portelli. - Votre conception de l'adoption ne marchera pas.
M. Marc Daunis. - On verra bien.
M. Hugues Portelli. - Et c'est fait à dessein car, ce que vous voulez, c'est la PMA et la GPA. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Philippe Darniche . - Le débat n'est pas clos, nous continuerons à dénoncer le mensonge d'État. « Égalité, égalité encore, égalité toujours », vous n'avez que ce mot à la bouche.
M. Marc Daunis. - C'est un beau mot.
M. Jean-Pierre Caffet. - Il ne vous plaît pas ?
M. Philippe Darniche. - Au nom de cette sacrosainte égalité, vous voulez la gestion pour autrui...
M. Jean-Pierre Caffet. - On dit la « gestation pour autrui » ! Il ne sait même pas de quoi il parle !
M. Philippe Darniche. - En Inde, il existe déjà un trafic de mères porteuses. Durant une audition, une personnalité a justement noté que l'adoption ne servait plus à rien si on légalisait la GPA. Vous voulez de cette pratique ? Moi, non. La circulaire de la garde des sceaux constitue un encouragement à contourner la loi.
Cet article est inacceptable, nous continuerons à nous battre en conscience. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille . - Je me réjouis de ce débat grâce auquel nous revisitons l'ensemble du droit de la famille : l'adoption, la filiation, le statut du tiers... (Brouhaha à droite)
Vous prétendez que nous ne répondons pas à vos questions, quand nous le faisons, vous refusez d'entendre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Charles Revet. - Nous vous écoutons.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - M. Gélard a parlé fort justement de ces enfants en errance de famille d'accueil en famille d'accueil. Mais avant de faire une grande loi sur la famille, il fallait établir l'égalité des droits et des devoirs entre toutes les familles. Soit, vous préférez l'équité, nous l'égalité.
Je suis pour un ministère de l'enfant, comme le propose M. Rosenczveig, Cela mettrait fin à cette approche tronçonnée de l'enfant : écolier, collégien, lycéen, délinquant, malade.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Chiche ! Profitons du prochain remaniement.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Vous nous accusez de mensonge tout en refusant de voir la réalité de ces dizaines de milliers d'enfants qui vivent dans des familles homoparentales. Leur parent social, appelons-le comme cela, doit être reconnu. C'est cela que ces familles attendent, pour apporter une sécurité juridique à l'enfant. Au reste, et c'est une contradiction, vous défendez le statut du tiers.
Cessez de prendre les homosexuels pour des sots... (Vives exclamations à droite)
M. Philippe Bas. - On n'a jamais dit cela !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - ...qui voudraient faire croire que leur enfant serait né de deux pères ou de deux mères. Ils ne prétendent pas mettre un enfant au monde.
M. André Reichardt. - D'où la PMA et la GPA !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Le nombre d'enfants adoptables au niveau national est plutôt stable : 698 enfants en 2006 et 761 en 2001. L'Espagne est le troisième pays d'accueil d'enfants adoptés. Arrêtez donc de faire croire qu'on a observé des mesures de rétorsion des pays d'origine à l'égard de la Belgique, des Pays-Bas ou de l'Espagne qui reconnaissent le mariage homosexuel. C'est faux ! Arrêtez donc de faire croire aux couples hétérosexuels qu'ils n'auront plus d'enfants à adopter ! Les services de l'adoption du ministère des affaires étrangères n'ont pas trouvé un seul pays qui ait pris pareilles mesures de rétorsion à l'encontre des couples homosexuels adoptants.
Quant à l'intérêt supérieur de l'enfant...
Mme Françoise Férat. - Parlons-en !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - ... il se résume pour vous à avoir un père et une mère.
M. Charles Revet. - Mais oui ! (On renchérit à droite)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Ignorez-vous que l'adoption est possible pour les célibataires ? Les familles monoparentales et leurs enfants apprécieront ! (Vives protestations à droite) Vous supposez qu'il suffit d'être un géniteur ou une génitrice pour devenir d'emblée un père ou une mère... C'est beaucoup plus compliqué que cela ! (Exclamations à droite ; applaudissements à gauche) L'éducation, l'affection, l'intérêt supérieur de l'enfant n'ont rien à voir avec la sexualité des parents ! (Mêmes mouvements)
Aujourd'hui, les femmes l'ont suffisamment réclamé, des pères sont en train de materner. (Exclamations à droite)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Quelle confusion idéologique !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Vous parlez sans cesse d'altérité ; mais l'altérité ne se conçoit-elle que parce que l'enfant a une image féminine et masculine.
M. Henri de Raincourt. - Ça aide !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Peut-être... (M. Jean-Pierre Raffarin lève les bras au ciel)
M. Bruno Sido. - Et vous êtes ministre de la famille !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - De toutes les familles ! (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)
PMA, GPA : c'est votre leitmotiv. Parlons de GPA (« Ah ! » à droite) Je ne vous fais pas l'insulte de ne pas avoir compris les propos d'une clarté absolue du président de la République lors de son intervention télévisée. (Vives exclamations à droite) Il a dit que le sujet ne serait pas ouvert pendant son quinquennat. Rappelez-vous que les premiers cas de GPA ont été soulevés par des couples hétérosexuels. (Protestations à droite) Ne mettez pas sur le dos des homosexuels ces préoccupations. (Protestations à droite)
M. Jean-Pierre Raffarin. - C'est votre texte !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - « Vous bidouillez », avez-vous dit. (« Oui ! » à droite). « Vous bricolez ». (« Oui ! » à droite) « Marchands d'illusion ». (« Oui ! » à droite) « Irresponsables et hypocrites ». (« Oui ! » à droite)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Vous êtes dans votre rôle d'opposants.
M. David Assouline. - On n'est pas au cirque !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Nous, nous avons le cuir tanné. Mais avez-vous pensé aux homosexuels et aux enfants qui vivent dans les familles homoparentales, ces enfants dites-vous, « troublés par l'inconnu de leur naissance ». (« Oui ! » à droite) « L'enfant n'est pas un remède des couples ». (« Oui ! » à droite) Nous faisons de l'enfant un objet, un bien de consommation ? (« Oui ! » à droite) Mais c'est vous qui montrez ces enfants du doigt ! (Protestations à droite) Des carences affectives ? Mais qu'en savez-vous ? (Exclamations à droite ; applaudissements à gauche) Et je ne parle pas de vos insinuations sur la « normalité » !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Qu'apportez-vous au débat ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Au pire c'est un manque de respect, au mieux une méconnaissance de la force des projets parentaux de ces familles ! (Exclamations à droite) Je vous invite à plus d'humilité et de modestie ! (Vifs applaudissements à gauche ; huées prolongées à droite ;)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Cette ambiance... (« Ah ! » à droite)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Ne nous servez pas encore des ces citations !
M. David Assouline. - Du respect !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - ... un peu potache me rajeunit... Mais le sujet est grave. Il arrive à certains d'entre vous de tenir des propos tristement regrettables, qui ne contribuent pas au pacte républicain... (Mouvements divers à droite) Ne croyez pas diviser le Gouvernement en chahutant Mme la ministre déléguée puis en m'accueillant avec davantage de cordialité ! (Exclamations à droite) Ce projet de loi est un engagement du président de la République que nous portons avec dignité. (Applaudissements à gauche)
L'altérité ne s'enferme pas dans le couple ! L'altérité, c'est l'autre, quel qu'il soit ! L'autre dans ce qu'il est, dans sa singularité, son intégrité humaine : cette altérité-là n'est pas fragilisée par l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, au contraire, elle est élargie.
Monsieur Revet, vous vous plaignez de ne pas avoir eu de réponse à vos questions... Je ne suis pas dépaysée, j'ai connu cet exercice à l'Assemblée nationale ! J'ai répondu dix, quinze, vingt fois aux mêmes arguments ! Ce qui n'a pas empêché vos collègues de ressortir les mêmes fiches et de reposer les mêmes questions ! (Ironie à droite) Des milliers d'amendements de suppression y avaient été déposés...
M. Alain Gournac. - Pas nous !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Soit ! S'ils avaient été adoptés, il ne serait rien resté du code civil... Nous avons veillé à son intégrité.
Sur la PMA et la GPA, nous vous avons répondu. Le périmètre de ce texte est clair.
M. Jean-Claude Lenoir. - Et l'union civile ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Faites-en votre deuil ! L'article premier a été adopté ! Monsieur Lenoir, le code civil est ainsi fait que le mariage emporte l'adoption.
M. Charles Revet. - Répondez à ma question sur un éventuel recours à la CEDH !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Je vais le faire. Ce qui ne vous empêchera sans doute pas d'y revenir... (Marques d'amusement à gauche). La CEDH pourrait être fondée à décider contre la France, si l'on vous suit, pour discrimination entre couples homosexuels et couples hétérosexuels...
M. Charles Revet. - Il y a bien un risque !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Mais ce sont vos propositions qui encourent sa censure ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Nous ne sommes pas le premier pays européen à ouvrir le mariage aux couples de même sexe : l'Espagne, les Pays-Bas, le Portugal l'ont fait. La CEDH a-t-elle imposé la PMA et la GPA ? Non ! Ce serait déjà arrivé !
M. Charles Revet. - ça peut encore arriver !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Ce n'est pas arrivé ! Pour une raison simple : la décision de la CEDH de 2010 dit que la question relève des législations et autorités nationales.
Le tribunal constitutionnel espagnol, saisi en 2005, a décidé en 2012, que le mariage homosexuel était conforme à la Constitution espagnole. Vous pensez bien que les opposants qui l'ont saisi auraient saisi à son tour la CEDH s'ils avaient estimé que leur plainte pouvait prospérer. Sept ans plus tard, ils ne l'ont pas fait ! Parce que le droit comme la jurisprudence démontrent que la CEDH ne dispose d'aucun fondement juridique pour imposer la PMA.
La ministre de la famille vous a répondu 70 fois, comme on dit aux enfants de collège, (exclamations à droite) que la question de la PMA sera traitée ultérieurement. Nous n'avons pas tenu compte de l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) ? Mais que viendrait faire le CCNE dans le l'état des personnes ? Le Gouvernement ne l'a pas saisi, il ne s'est pas autosaisi. Mais il l'a fait pour l'AMP, qui relève de la santé publique. Ce n'est pas un sujet lié au mariage, il concerne aujourd'hui les couples hétérosexuels, mariés ou non. Les pays qui ont ouvert le mariage et la PMA l'ont fait dans deux lois différentes. Et les pays qui ont ouvert le mariage n'ont pas tous ouvert la PMA. Le Premier ministre s'est exprimé clairement : la PMA sera traitée dans un texte sur la famille. Le Gouvernement a choisi d'attendre les conclusions du CCNE sur le sujet.
M. Jean-Pierre Caffet. - Il a eu raison.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - M. Bordier évoque ma circulaire sur les enfants nés de GPA à l'étranger. L'information a pu vous échapper mais je m'en suis expliquée onze fois à l'Assemblée nationale... Plus nous répondons, plus la question revient... La circulaire s'adresse aux parquets généraux, parquets et greffiers. Elle demande que ces derniers ne s'opposent pas à la délivrance du certificat de nationalité pour les enfants dont ils pourraient douter qu'ils sont nés par GPA. Des enfants voient leur nationalité établie par filiation après être nés à l'étranger de couples français. Nos consulats transmettent alors leur état civil pour transcription dans le registre national. Il arrive qu'il y ait doute dans les consulats, qui alors alertent, n'est-ce pas monsieur le garde des sceaux Michel Mercier... Le consulat transmet le dossier au service de Nantes lequel saisit le parquet. De 2008 à 2011, nous avons eu 44 cas ; en 2012, onze.
Le procureur de la République a, dans la plupart des cas, confirmé le doute, je ne dis pas la certitude : l'enfant est probablement issu d'une GPA. Mais sa nationalité est établie. Que se passe-t-il devant les tribunaux ? Il y a toujours doute... J'ai pris cette comparaison à l'Assemblée nationale : c'est comme si quelqu'un qui a réussi le baccalauréat se voyait refuser son diplôme... (Applaudissements sur les bancs socialistes) S'il y a tricherie, c'est une autre procédure... Voici ce que dit ma circulaire : la nationalité française étant établie, aucun fondement juridique n'autorise à ne pas délivrer le certificat de nationalité française. Ces dernières années, les gouvernements successifs n'ont pas agi autrement - sauf qu'ils n'ont pas osé publier de circulaire...
M. Michel Mercier. - Bravo l'indépendance de la justice !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Monsieur le garde des sceaux Mercier, ce n'est pas à vous que je rappellerai que plus la justice sera indépendante, mieux cela vaudra ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Quant à l'inscription sur le registre d'état civil, la circulaire n'en traite pas, puisqu'elle ne s'adresse pas aux fonctionnaires qui en sont chargés. Si la justice doute, il n'y a pas transcription. Mais nous ne pouvons nous désintéresser de la situation des enfants, des enfants de chair, contrariants, désobéissants ou câlins... Nous avons le souci de leur avenir.
M. Bruno Sido. - Soit !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - La nationalité française ouvre tous les effets de droit liés à la filiation : inscription à l'école, perception des allocations familiales, droits successoraux. Mais s'ils ne sont pas enregistrés à l'état civil, à chaque fois qu'ils doivent produire une pièce d'identité, il faut à chaque fois revenir au consulat. C'est une difficulté et une complication. Un groupe de travail se penche sur la question... Comment faire en sorte qu'ils entrent dans l'état civil français à leur majorité, puisqu'ils sont Français ? J'espère voir éteints ici les faux procès faits à cette circulaire. (Bravos et applaudissements nourris à gauche où Mmes et MM. les sénateurs socialistes se lèvent ; marques d'ironie à droite)
M. Charles Revet. - Poursuivez !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Merci pour ce geste que je reçois avec chaleur et gratitude. Il est important que nous avancions pour que les sénateurs travaillent sur d'autres questions, économiques et sociales...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Et les sénatrices. (Exclamations à droite)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Ne me cherchez pas querelle inutilement !
M. Jean-Pierre Caffet. - Vous réclamez qu'on vous appelle madame le sénateur, alors ne nous donnez pas de leçons !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Ça suffit la théorie du genre, il y a des femmes dans cet hémicycle !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Si je dis ma gratitude, c'est que je sais le temps et l'énergie que vous avez consacrés à ce projet de loi...
Voix à droite. - Nous aussi !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Je sais les sacrifices auxquels vous avez consentis...
Voix au centre. - On va pleurer !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - ...en cédant votre temps de parole à l'opposition...
M. Jean-Claude Lenoir. - Ils n'avaient pas le droit de parler !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Je vous remercie pour votre soutien. (Mouvements divers)
Monsieur Retailleau, vous avez évoqué la compétence négative du législateur... Le texte ne touche pas aux articles du code civil relatifs au contenu de l'état civil. Le législateur est chargé des règles, non pas du format ou de la présentation des documents. Questions réglées par la circulaire générale, modifiée sous votre responsabilité en octobre 2011. Il n'y a donc aucun conflit de compétence négative. Le législateur n'empiète nullement sur le pouvoir réglementaire, comme il est arrivé qu'il le piétine dans le passé - je l'ai même pratiqué lorsque j'étais parlementaire... (Sourires) Oui, parfois le législateur déborde de son périmètre. Quant aux ordonnances, elles tiennent au choix fait par la commission des lois d'une disposition générale adossée à une habilitation du Gouvernement à procéder aux coordinations nécessaires dans notre législation.
Madame Des Esgaulx, je n'ai pas de citation, j'en suis navrée... Si le fais d'ordinaire, c'est par un plaisir que je concède égoïste. Si les citations font généralement plaisir à ceux qui les écoutent, je n'en tire aucun mérite parce que jais appel à de grands auteurs. Je vous en livrerai d'autres lors de ma prochaine intervention... (Applaudissements à gauche ; M. Gérard Cornu invite ses collègues de gauche à se lever)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Vous êtes meilleure en étant vous-même !
Mise au point au sujet d'un vote
M. Jean-François Husson . - Lors du scrutin n°148 sur l'article premier, une erreur a été commise : je m'oppose à l'article premier et au texte. Je souhaite qu'il m'en soit donné acte. (Applaudissements sur quelques bancs à droite)
M. le président. - Il vous en est donné acte.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE PREMIER BIS (Suite)
M. le président. - Amendement n°174 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois et J.L. Dupont, Mme Férat, MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet et Guerriau, Mme Létard et M. de Montesquiou.
Supprimer cet article.
Mme Françoise Férat. - L'article premier bis serait une simple précision pour éviter les interprétations divergentes de la loi ; il ajoute un quatrième cas d'adoption par le conjoint. En réalité, il fait de l'adoption intrafamiliale le moyen privilégié d'établir un lien de filiation entre l'enfant et le couple de même sexe. Nous y sommes opposés. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)
M. le président. - Amendement identique n°210 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton.
M. Alain Milon. - Nos motivations sont différentes. L'adoption plénière entraîne la suppression complète des origines, contrairement à l'adoption simple - que nous préconisons en l'espèce.
La GPA n'existe pas en France, mais la PMA est faite tous les jours pour des couples infertiles. Chers collègues, ne dites pas que vous être contre la PMA, mais à la rigueur contre la PMA de convenance... (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable. L'article dispose qu'un enfant ne peut avoir que deux parents adoptifs. Cette précision est déterminante. Monsieur Milon, nous parlerons ensuite de l'adoption simple.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Défavorable. Les modifications introduites par la commission des lois éliminent le risque de pluriparentalité.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Ce projet de loi va créer de nouvelles inégalités entre les enfants. Mieux vaut régler ces situations dans une future loi sur la famille et l'adoption.
M. René-Paul Savary. - Les présidents de conseils généraux, et celui de la Marne en particulier, peuvent témoigner de leur action en faveur de l'enfance, qu'ils mènent avec humanité et respect pour les difficultés des familles déstructurées. À cette aune, les leçons que prétend donner Mme la ministre sont parfois difficiles à entendre...
Selon l'article 346 du code civil « Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce ne sont deux époux ». L'adoption demande une solidité particulière, la souffrance des enfants est parfois inévitable. L'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe va faire croire qu'il existe un droit à l'enfant. L'enfant est un don, non un dû.
Dans la Marne, entre 2008 et 2012, il y a eu en moyenne par an 48,6 demandes d'agrément dont 37,2 par des couples, quatre par des personnes seules vivant en couple et 7,4 par des personnes célibataires, pour seulement 17,8 enfants adoptés, dont sept pupilles de l'État : bref, trois fois plus de demandes d'agrément que d'adoptions ; ce qui, les agréments tombant au bout de cinq ans, fait beaucoup de parents déçus. D'autant que certains pays ont prévu de rompre leurs accords avec la France si ce projet de loi est adopté.
Je peux concevoir l'adoption simple de l'enfant par le conjoint, mais je ne souhaite pas aller plus loin. Ce serait détruire la filiation.
Mme Isabelle Debré. - Cet article est très différent du précédent, qui visait la vie en couple, choisie par des adultes. L'adoption est imposée par des adultes à des enfants. C'est tout autre chose. Il est vrai qu'un célibataire peut adopter, je vous en donne acte madame la garde des sceaux. Lorsqu'il se met en couple avec une personne de même sexe, l'adoption n'est pas possible.
Pour moi, il est impensable qu'un enfant puisse dire « J'ai deux papas » ou « J'ai deux mamans »... (Exclamations sur les bancs socialistes)
M. Marc Daunis. - C'est reparti !
Mme Isabelle Debré. - En revanche, qu'un enfant dise : « Je vis avec mon papa et le compagnon de mon papa » ou « avec ma maman et sa compagne » ne me choque pas le moins du monde. Je n'ai jamais mis en cause la capacité des homosexuels à élever des enfants. Mais parlons des droits de l'enfant, des devoirs de l'adulte.
S'il est impensable que le conjoint de l'adoptant n'assume pas ses responsabilités, l'adoption simple est suffisante.
Attendons la loi sur la famille. L'adoption plénière n'est pas possible. Où serait l'égalité entre enfants accueillis dans un couple hétérosexuel et dans un couple homosexuel ? Où seront les repères pour les seconds ? Les enfants ont besoin de savoir qu'ils ont été conçus par un homme et une femme. (Applaudissements à droite)
M. Philippe Bas. - Je partage l'interprétation juridique de Mme la garde des sceaux. Il n'est en effet pas possible d'ouvrir le mariage et de renoncer à l'adoption. Mais je suis en désaccord avec l'un comme avec l'autre... Chacun sa cohérence... En revanche, je ne partage pas sa perception des risques que la CEDH nous force à aller plus loin en matière d'AMP si nous entrons dans le régime du mariage. Avec ce système, nous tentons une expérience sur la notion même de parenté, que nous faisons évoluer au-delà des liens du sang.
Raison pour laquelle la parenté ne sera pas différente dans le code civil après l'adoption de ce texte. En revanche, il y aura présomption de paternité pour les couples hétérosexuels, quand il faudra une décision de justice pour les couples homosexuels. La CEDH y verra inévitablement une rupture d'égalité.
Sans compter que ce texte encourage le recours à la PMA à l'étranger puisque la parenté sera reconnue par adoption. Madame la garde des sceaux, assumez-le !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Mais non !
M. Philippe Bas. - Nous ne pouvons pas non plus souscrire à vos observations quant au report du débat sur la famille.
En quelque sorte, vous introduisez des cavaliers dans ce texte en légiférant sur l'adoption en général par anticipation. C'est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Yves Pozzo di Borgo. - Je ne suis pas souvent intervenu dans ce débat. Je veux dire comme le maire de Paris ma tristesse et ma colère devant l'agression brutale de deux hommes dans la nuit du dimanche à Paris parce qu'ils se tenaient la main. (« Très bien ! » au centre)
Mesdames les ministres, vous êtes les héritières de la génération 68, - bien que vous soyez plus jeunes - influencée par un marxisme mal digéré, à droite comme à gauche d'ailleurs. L'idée de la dialectique historique irrigue ce texte.
Pour vous, l'histoire va toujours dans le sens du progrès. L'histoire des régimes communistes le dément. Il peut y avoir régression.
Ce texte crée une machine infernale pour les couples homosexuels adoptants. Vous ferez passer quelques dossiers sur le haut de la pile, par souci de coup médiatique. Les autres se heurteront à un mur de lamentations administratif. Ils devront se tourner vers l'adoption internationale. Seul problème, les pays d'origine refusent de confier leurs enfants à des couples homosexuels. Voyez la Russie. Vous sèmerez donc la colère, l'incompréhension et l'exaspération.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Et alors il ne restera pour solution que la PMA ou la GPA. Nous entrerons dans le meilleur des mondes.
M. Bruno Retailleau. - Madame la garde des sceaux, sur la compétence négative, je visais d'autres situations : l'article 310 mais aussi la possession d'état. Jusqu'à présent les couples de même sexe ne pouvaient se marier et un principe d'ordre public s'opposait à la double filiation : c'en sera fini.
Je n'ai pas la même lecture des grands arrêts de la CEDH, celui de 2011 qui vise la France et celui du 19 février 2013 qui concerne l'Autriche : à situation identique, traitement identique. Le principe de non-discrimination prévaudra. De toute façon, vous n'empêcherez pas la CEDH de statuer, puisque la PMA existe.
Après avoir entendu Mme Bertinotti, je comprends mieux sa vision relativiste et pourquoi ce gouvernement s'attaque à ce qui constitue le socle de notre politique familiale depuis 1945, en mettant fin à l'universalité des allocations familiales. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Les temps changent !
M. Michel Mercier. - Mme la garde des sceaux est habile. Les enfants issus de la GPA n'ont pas à en supporter les conséquences, je lui en donne crédit. L'intérêt supérieur de l'enfant, que vous évoquez dans ce cas d'espèce, vaut aussi pour l'adoption. Vous avez été diabolique...
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - D'habitude, on me dit plutôt que je ressemble à un ange.
M. Michel Mercier. - Je n'en ai jamais vu... Vous avez été diabolique en omettant de rappeler les effets juridiques de l'adoption plénière. Celle-ci gomme la filiation. Que deviendront les grands-parents de l'enfant ? On ne nous en dit rien.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Nous nous en tenons au droit constant.
M. Michel Mercier. - Peut-être, mais cet enfant est né de parents biologiques.
Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Ils l'ont abandonné.
M. Michel Mercier. - L'intérêt supérieur de l'enfant doit primer, on ne peut pas lui donner une homofiliation ; je rejoins M. Milon. Non à l'adoption plénière pour les couples de même sexe.
M. André Reichardt. - A-t-on le droit de priver un enfant de sa mère et de son père sauf en cas de manquements graves ? Et n'oubliez pas que les services sociaux s'efforcent toujours de maintenir un lien avec la famille.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Rien à voir !
M. André Reichardt. - À propos de la CEDH, vous avez omis de rappeler qu'elle a condamné l'Autriche le 19 février 2013 pour avoir refusé l'adoption d'un enfant par la compagne de la mère au nom de l'égalité alors que le père s'y opposait et payait une pension alimentaire.
M. Alain Gournac. - Voilà !
M. André Reichardt. - Poser ces questions, c'est déjà y répondre. Parce que cette occasion est la dernière d'influencer le vote, je veux citer l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant « L'enfant a le droit de connaître son père et sa mère et d'être élevé par eux ». (« Très bien ! » à droite)
M. le président. - À la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos174 rectifié ter et 210 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. Alain Gournac. - Godillots ! (On renchérit à droite ; protestations à gauche)
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 164 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean-Claude Lenoir. - Rappel au Règlement ! Pour les personnes qui suivent nos travaux, notamment sur internet, afin qu'elles comprennent l'objet de ce scrutin public (exclamations à gauche), je tenais à expliquer qu'il a été demandé parce que la gauche étant minoritaire dans l'hémicycle, elle a dû faire voter les absents parce que les sénateurs de l'UMP et de l'UDI-UC étaient plus nombreux.
M. le président. - Amendement n°81 rectifié quinquies, présenté par MM. Gélard, G. Bailly, Beaumont, Bécot et Billard, Mmes Bruguière et Cayeux, MM. César, Chauveau, Cléach, Couderc et de Legge, Mme Debré, MM. del Picchia et Delattre, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé et du Luart, Mme Duchêne, MM. Dulait, Duvernois, Ferrand, J.P. Fournier, Gilles, Grosdidier et Houpert, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lecerf, Lefèvre, Legendre, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Magras, Mme Mélot, MM. Milon, Paul, Pillet, Pintat, Pinton, Poniatowski, de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin et Mmes Sittler et Troendle.
Rédiger ainsi cet article :
Le titre VIII du livre Ier du code civil est abrogé.
M. Patrice Gélard. - Voici un amendement qui est une arme atomique. (Exclamations ironiques à gauche) Malgré les efforts du rapporteur, de nombreuses questions demeurent irrésolues : certains enfants seront adoptables seulement en adoption simple, d'autres en adoption plénière et d'autres encore ne le seront pas du tout. Pour éviter cette inégalité, une seule solution : mettre en stand by le titre VIII du livre premier du code civil ! (Vifs applaudissements sur les bancs UMP)
M. le président. - Amendement n°208 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 345-1 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 345-1. - L'adoption plénière de l'enfant de l'un des conjoints ou de l'un des partenaires peut être demandée par son conjoint ou son partenaire s'il est de sexe différent. Elle est permise :
« 1° Lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint ou de ce partenaire, ou lorsqu'il a été adopté plénièrement par ce seul conjoint ou partenaire et n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce dernier ;
« 2° Lorsque l'autre parent que le conjoint ou partenaire s'est vu retirer totalement l'autorité parentale ;
« 3° Lorsque l'autre parent que le conjoint ou partenaire est décédé et n'a pas laissé d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l'enfant. »
M. Alain Milon. - Amendement de repli. La CEDH peut nous condamner sur la parentalité, M. Retailleau a raison. S'il y a plusieurs formes de parentalité, il n'y a qu'une filiation. L'enfant peut avoir plusieurs beaux-parents au gré des unions et des désunions mais une origine stable. Ouvrir l'adoption plénière aux couples homosexuels est donc, pardon de le dire comme cela, hypocrite. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. le président. - Amendement n°238, présenté par Mmes Benbassa, Ango Ela et Bouchoux, M. Desessard, Mme Aïchi, M. Labbé et Mme Lipietz.
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
L'article 345-1 du code civil est ainsi modifié : 1° Le premier alinéa est complété par les mots : « quel que soit le mode de conception de l'enfant » ; 2° Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
Mme Esther Benbassa. - La Cour de cassation a refusé, dans un arrêt du 9 décembre 2003, l'adoption de l'enfant du conjoint au motif que l'enfant avait été conçu par gestation pour autrui à l'étranger. De là cet amendement qui ne légalise en rien la GPA : il fait primer l'intérêt supérieur de l'enfant, que vous mettez tant en scène, au-delà de tout considération morale. L'adoption doit être prononcée quel que soit le mode de conception de l'enfant.
M. le président. - Amendement n°211 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard.
Alinéa 2
Après le mot :
conjoint
insérer les mots :
de sexe différent
M. Alain Milon. - Le droit de la filiation interdit une double filiation maternelle ou paternelle.
M. le président. - Amendement n°120 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, Savary, B. Fournier, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le dernier alinéa de l'article 345 du code civil est ainsi rédigé :
« S'il a plus de treize ans, l'adopté doit consentir personnellement à son adoption plénière, après avoir bénéficié d'un entretien avec un psychologue. Le consentement ne peut être recueilli selon les formes prévues au premier alinéa de l'article 348-3 moins de quinze jours après cet entretien. Le consentement peut être rétracté à tout moment jusqu'au prononcé de l'adoption. »
Amendement n°121 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Savary et Mayet.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 345-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'adoption n'est pas permise lorsque l'enfant a été conçu dans le cadre d'une gestation pour le compte d'autrui ou d'une technique de procréation médicale assistée interdite par la législation française. »
M. Bruno Retailleau. - Je veux rendre hommage au rapporteur : il a contenu les dommages que nous faisait courir le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Madame la garde des sceaux, vous ne pouvez qu'être favorable à mon amendement n°120 rectifié bis. Le consentement de l'enfant est exigé en cas d'adoption au-delà de 13 ans. Pour lui donner du poids, il faut prévoir un entretien avec un psychologue. L'amendement n°121 rectifié bis empêche toute ouverture de la PMA aux couples homosexuels et la légalisation de la GPA.
Mme Esther Benbassa. - Nous ne demandons pas la GPA !
M. Bruno Retailleau. - Je respecte les convictions fermes, davantage, sans doute, que les opinions tièdes... Que vous le vouliez ou non, ce texte autorise à contourner l'interdiction de la GPA et crée une PMA de convenance. Disons non à ces pratiques pour aujourd'hui comme pour demain ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. le président. - Amendement identique n°164 rectifié, présenté par MM. Bécot, César, Cornu, Bordier, Houel, P. Leroy et Pointereau.
M. Michel Bécot. - Cet amendement d'appel pose un problème sans apporter de solution immédiate, puisque la PMA de convenance et la GPA à l'étranger sont déjà utilisées par les couples homosexuels. Mis devant le fait accompli, le législateur doit-il leur donner raison ? Leur légalisation est inévitable au nom de l'égalité. En fait, l'adoption n'aura été qu'une étape vers ce but. Ne bouleversons pas tout le droit de famille pour répondre aux dérives de quelques-uns ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. le président. - Amendement identique n°166 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
M. Jean-Pierre Leleux. - Voici un amendement de mesure. Grâce à lui, nous pourrons mesurer votre sincérité. « Moi président », a dit M. Hollande... (Sourires)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Oh là là !
M. Jean-Pierre Leleux. - ... on ne légalisera pas la GPA ! Soit ! Prouvez donc votre sincérité !
M. le président. - Amendement identique n°202, présenté par MM. Revet et Darniche.
M. Charles Revet. - Ce texte suscite bien des interrogations, de là cet amendement pour obtenir des garanties. Nous sommes très inquiets.
M. le président. - Amendement identique n°251, présenté par M. Gournac.
M. Alain Gournac. - Madame la garde des sceaux, je vous ai écoutée avec intérêt. Selon vous, ce texte ne concerne que le mariage et l'adoption. Je vais donc dans votre sens (sourires à gauche), je vous aide à éviter la PMA et la GPA dont vous ne voulez pas, en l'écrivant noir sur blanc dans la loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. le président. - Amendement n°231 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet et Couderc.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 345-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'adoption n'est pas permise lorsque l'enfant a été conçu dans le cadre d'une gestation pour le compte d'autrui ou d'une technique de procréation médicale assistée ne respectant pas les conditions posées par la législation française. »
M. Philippe Darniche. - Nous attendons une réponse simple.
La loi interdit la gestation pour autrui et circonscrit l'accès aux techniques d'assistance médicale à la procréation aux couples dont l'infertilité est d'origine médicale.
Une entorse à ces principes aurait des conséquences en cascade, contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant et à la dignité humaine. La GPA porte atteinte à la dignité des femmes et au principe fondamental d'indisponibilité du corps humain.
Autoriser l'adoption d'enfants conçus à l'étranger dans le cadre de pratiques interdites en France reviendrait in fine à légitimer et légaliser ces pratiques.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Sur le fond, on peut être d'accord avec le doyen Gélard : il faut une réforme de l'adoption. Plutôt que l'arme atomique, il emploie le bazooka en supprimant tout le dispositif législatif de l'adoption. Cela signifierait que, d'ici peu, plus personne ne pourrait adopter d'enfant. Rejet de l'amendement n°81 rectifié quinquies.
Monsieur Milon, vous réitérez votre opposition à l'adoption pour les couples de même sexe et vous évoquez le partenaire du conjoint, qui n'est pas une catégorie juridique. S'agit-il d'un célibataire, ou d'un pacsé ? Votre amendement porte sur deux sujets très distincts : défavorable.
Avec l'amendement n°238, Mme Benbassa prend en compte les réalités existantes : des enfants sont nés de la PMA et de la GPA. Mme la garde des sceaux a d'ailleurs prévu une circulaire pour les seconds. Retrait ? Je comprends votre préoccupation mais je ne peux pas lui donner un avis favorable, bien qu'il ait reçu un avis favorable à la suite de va-et-vient curieux en commission.
M. Gérard Larcher. - Il y en a aussi en séance !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Rejet de l'amendement n°211 rectifié bis. L'amendement n°120 rectifié bis de M. Retailleau porte sur le consentement de l'enfant en cas de l'adoption après 13 ans. Ne faites-vous pas confiance aux juges ? Dans une vie antérieure, j'ai été substitut du procureur au tribunal de Créteil. Les dossiers qui arrivent du conseil général sont généralement fournis. S'ils ne le sont pas, le juge peut demander des enquêtes complémentaires. L'entretien avec un psychologue n'est pas toujours nécessaire, au juge de l'adoption d'en décider. Donc, avis défavorable.
Les amendements identiques n°s121 rectifié bis, 164 rectifié, 166 rectifié, 202 et 251 interdiraient l'adoption au sein du couple. L'arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2011 l'a totalement proscrite pour les enfants issus de la GPA ; la PMA fera l'objet d'un autre texte. Le rapporteur, qui est à votre entière disposition, vous demande de faciliter la suite de nos travaux. (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - La suppression de la totalité du titre VIII du code civil, oui, monsieur Gélard, c'est la bombe atomique : vous éliminez le cadre juridique de l'adoption alors même que des procédures sont en cours ! Personne n'y souscrirait. Je répète ici que le projet de loi sur la famille reverra en profondeur notre régime de l'adoption. Retrait.
Monsieur Retailleau, l'inscription dans la loi du consentement de l'enfant de 13 ans assisté d'un psychologue relève de décisions pratiques de magistrats. C'est déjà possible en l'état actuel du droit. Le magistrat peut même aller plus loin. Votre inquiétude est déjà satisfaite par le droit et la pratique. Défavorable.
Qu'en ira-t-il de l'adoption d'enfants nés de GPA ? Il peut exister une présomption ou une certitude, rarissime certes, puisque la GPA est contraire à l'ordre public français. Le président de la République a exclu sans la moindre ambiguïté sa légalisation durant son mandat, au nom de l'indisponibilité du corps humain. De la PMA on reparlera dans un prochain texte, après l'avis du Comité consultatif national d'éthique mais, sur la GPA, il n'y a pas la moindre ambiguïté, pas la moindre ouverture. Pour les cas, extrêmement rares, de certitudes, un jugement de 2003 fait jurisprudence : il a refusé l'adoption au nom de l'article 16-7 du code civil. En cas de présomption, nul doute que le magistrat se prononcerait dans l'intérêt de l'enfant.
Je demande donc le retrait de l'amendement n°238.
Avis défavorable aux autres amendements visant à interdire la GPA : ils sont inutiles puisqu'elle est d'ores et déjà interdite.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Explication de vote ! (On s'impatiente à gauche) Une question traverse tous les groupes. Vous avez dit hier que le livret de famille serait un document unique. Vous avez affirmé à l'Assemblée nationale que les termes de père et mère ne disparaîtraient pas. Va-t-on vers trois livrets de famille ? Les maires seront très attentifs à vos éclaircissements.
M. Patrice Gélard. - Deux remarques. La première, c'est que le code civil russe interdit les adoptions monoparentales. La deuxième, c'est que plupart des enfants qui vivent dans des familles homoparentales ont un père et une mère. Dans l'intérêt des familles en cours d'adoption, je retire mon amendement.
L'amendement n°81 rectifié quinquies est retiré.
L'amendement n°208 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°238 est retiré.
L'amendement n°211 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que le n°120 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Leleux. - Je n'ai pas bien compris votre réponse sur la GPA. Nous avons bien noté qu'elle était interdite et nos amendements n'en demandent pas l'interdiction. Nous voulons inscrire dans la loi qu'il ne sera pas possible d'adopter un enfant conçu par GPA.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - J'ai répondu en me référant au jugement de 2003.
M. Dominique de Legge. - Le rapporteur nous dit : la jurisprudence de la Cour de cassation règle le problème, il n'y a pas lieu de légiférer. Mettons-nous à l'abri de toute évolution de cette jurisprudence. (« Eh oui ! » à droite) Toutes les lois de la République sont par définition républicaines et vous vouliez qualifier hier le mariage de « républicain ». Aidez le président de la République à respecter son engagement. (Bravos à droite)
M. Alain Milon. - Le juge qui prononce l'adoption n'a pas à vérifier comment l'enfant a été conçu. S'il y a PMA à l'étranger, la mère est celle qui accouche. Si le père biologique recourt à la GPA à l'étranger, rien ne s'oppose à l'adoption de l'enfant par le mari du père.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Nous sommes là pour un choix de société très important. Depuis 200 ans, tous les responsables politiques ont admis que l'enfant avait besoin d'un père et d ?une mère.
M. François Rebsamen. - Et cela recommence...
M. Jean-Pierre Caffet. - C'est nul.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Changeons de posture. (Exclamations ironiques à gauche) Nous connaissons tous des adultes adoptés qui recherchent leur origine. Un enfant a besoin d'avoir un papa et une maman. La vie en décide parfois autrement, j'en sais quelque chose, mais l'enfant en a besoin pour se construire. Que le conjoint du même sexe soit utilisé en deuxième parent place une ligne de fracture sur le manque de papa ou de maman.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Papa. Maman.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Le mariage est une institution, non pas la reconnaissance du lien affectif entre deux personnes. (Murmures à gauche)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - On l'a entendu des dizaines de fois.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Dans Le Monde du 9 novembre 2012, un éminent spécialiste de la Pitié Salpêtrière mettait en garde contre les dangers de ce texte. (Exclamations à gauche) Nous ne voterons pas cet article.
M. Bruno Sido. - Merci, madame la garde des sceaux, pour vos explications sur votre circulaire. Votre argument principal est que l'enfant est là. Ce n'est pas la même chose que d'organiser la GPA. Notre amendement traite aussi des enfants qui sont là.
Mme Jacqueline Gourault. - Eh oui !
M. Bruno Sido. - Si l'enfant n'est pas adoptable, il sera confié aux services d'aide à l'enfance du département, et deviendra adoptable. Le mieux est de retirer les amendements identiques n°s121 rectifié bis et suivants.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - C'est honnête.
M. Robert del Picchia. - Tout le monde est honnête ici.
M. Bruno Retailleau. - Monsieur le rapporteur, vous êtes un ancien magistrat. M. Milon a indiqué que le juge qui prononce l'adoption du conjoint n'a pas à vérifier comment l'enfant a été conçu. Voilà qui est important ! Le mécanisme que vous créez aboutira donc à une forme de régularisation. Merci, madame la garde des sceaux, de nous préciser ce point de droit.
Les amendements identiques nos121 rectifié bis,164 rectifié, 166 rectifié, 202, 251 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°231 rectifié n'est pas adopté.
M. Christian Favier. - Selon certains, ce texte met en cause les lois de la nature... Et d'invoquer des risques d'inconstitutionnalité. Depuis 1966, l'adoption plénière est autorisée pour des personnes seules, et elle coupe les liens avec la filiation d'origine. Le débat de fond porte donc sur l'accès aux origines. Il faudra une volonté politique forte pour mener à bien une réforme ; nous faisons confiance aux ministères concernés et voterons cet article premier bis.
Mme Esther Sittler. - Que devient le père biologique ? Faut-il supprimer la présomption de paternité au nom de l'égalité pour tous ? Nul ne pourra être désigné parent contre son gré, y compris le père biologique. C'est une mise en cause du fondement du mariage. La PMA et la GPA (Exclamations socialistes)...
M. David Assouline. - Et pourquoi pas le GPS et le PMU ? Vous confondez tout !
M. Jean-Pierre Caffet. - Vous ne savez pas de quoi vous parlez !
Mme Esther Sittler. - ... sont les non-dits de ce texte. Vous introduisez une discrimination entre les enfants. Vous bouleversez la famille. Nous nous acheminons vers une PMA de confort. Quelles conséquences en cas de séparation ? Vous créez une double filiation, biologique et sociale... Que devient le projet parental ? Je ne voterai ni cet article, ni l'ensemble du projet de loi. (Applaudissements à droite)
L'article premier bis est adopté.
ARTICLE PREMIER TER
M. le président. - Amendement n°175 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. J.L. Dupont, Maurey, Merceron, Tandonnet, Guerriau et de Montesquiou.
Supprimer cet article.
M. Jean-Léonce Dupont. - L'adoption simple offre une approche juridique pertinente pour régler certaines situations car elle ne rompt pas la filiation. Mais les conditions ne sont pas réunies pour aborder, dans le cadre de ce texte, l'ensemble des problèmes posés par l'adoption. L'union civile apportait des réponses juridiques adaptées. Nous regrettons qu'elle n'ait pas été retenue.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je m'étonne de cet amendement. Je vous croyais contre l'adoption plénière. Défavorable.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Même avis. Cet article est un vrai progrès, y compris pour les familles hétérosexuelles.
M. Patrice Gélard. - Nous voterons cet amendement. L'adoption simple méritait un autre sort que celui qui lui est réservé par notre code civil, par la faute de Bercy qui y a vu une vache à lait fiscale. Que la garde des sceaux fasse pression sur son homologue de Bercy, afin que l'adoption simple remplisse les missions qui devraient être les siennes, notamment pour les couples homosexuels.
L'amendement n°175 rectifié ter n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°216 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton.
Rédiger ainsi cet article :
Après le premier alinéa de l'article 360 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'adoption simple peut être demandée par le conjoint de même sexe que le père ou la mère de l'adopté. »
M. Alain Milon. - Contrairement à l'adoption plénière, l'adoption simple autorise une filiation additionnelle. Il est donc possible que le conjoint de même sexe adopte en la forme simple l'enfant de son époux ou de son épouse, et ce quel que soit l'âge de l'adopté.
L'amendement n°239 est retiré.
M. le président. - Amendement n°213 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'adoption simple de l'enfant précédemment adopté en la forme simple ou plénière par une personne seule peut être demandée par le conjoint ou le partenaire de l'adoptant. »
M. Alain Milon. - Amendement de coordination, qui correspond partiellement à l'article premier ter du texte de la commission des lois.
M. le président. - Amendement n°90 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.
Alinéa 2
Supprimer les mots :
une seconde fois,
Amendement n°62 rectifié quinquies, présenté par M. Gélard et Mme Duchêne.
Alinéa 2
Après les mots :
le conjoint de cette dernière
insérer les mots :
ou la personne ayant conclu un pacte civil de solidarité ou vivant en concubinage
M. Patrice Gélard. - Par l'amendement n°90 rectifié bis, je raye une mention inutile. L'amendement n°62 rectifié quinquies va un peu plus loin.
M. le président. - Amendement n°143 rectifié, présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Guerriau, Bockel, Dubois et Maurey.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
après avis de l'enfant doué de discernement, et dont cette caractéristique a été validée après une analyse pédopsychiatrique et sous contrôle du juge aux affaires familiales
M. Jean-Léonce Dupont. - Le bruit de la rue ne vous atteint pas plus que les résultats des sondages. L'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. Les enfants de moins de 13 ans doivent également pouvoir donner leur avis sur le projet d'adoption.
M. le président. - Amendement n°148 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, la révocation de la première adoption en la forme simple entraîne de plein droit la révocation de la seconde, sauf si le mineur de plus de treize ans s'y oppose ou si le juge estime qu'il est de l'intérêt de l'enfant de ne pas prononcer cette révocation.
M. Jean-Claude Requier. - L'article premier ter ouvre le droit pour le conjoint d'adopter en la forme simple l'enfant précédemment adopté en la forme simple ou plénière par son conjoint. L'adoption simple étant révocable dans les conditions prévues aux articles 370 et suivants du code civil, il existe un risque de parentalités plurielles : l'ancien conjoint et le nouveau étant tous deux adoptants. L'amendement prévoit donc la révocation de plein droit de l'adoption simple à l'égard du second conjoint si la première adoption en la forme simple est révoquée.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n°216 rectifié de M. Milon est satisfait. Retrait. L'amendement n°213 rectifié devrait tomber puisque l'amendement n°208 n'a pas été adopté. L'amendement n°90 rectifié bis veut supprimer une précision dont j'ai soutenu en commission qu'elle n'était pas inutile, pour éviter les pluri-adoptions. La commission a néanmoins donné un avis favorable. Je réitère mon opposition personnelle. À titre personnel, je suis totalement favorable à l'amendement n°62 rectifié quinquies. La commission ne m'a pas suivi, considérant que ce n'était pas dans le périmètre du texte. L'amendement n°143 rectifié est encore plus superflu que l'amendement de M. Retailleau rejeté précédemment. L'intérêt de l'enfant est déjà protégé par le code civil. Retrait. Même demande pour l'amendement n°148 rectifié. Le risque évoqué n'est pas avéré.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Même avis.
Je comprends ce qui vous gêne, monsieur Gélard, dans la mention « une seconde fois ». L'idée étant que, à la différence de « deuxième », « second » exclut un troisième, cette formulation est destinée à rendre impossible une troisième fois. Ce n'est peut-être pas la formulation idéale, mais elle est utile.
L'amendement n°148 rectifié de M. Mézard est intéressant, mais le Gouvernement en propose également le retrait.
M. Bruno Retailleau. - Madame la garde des sceaux, je réitère ma question : est-il exact que le juge de l'adoption n'ait pas à vérifier le mode de conception de l'enfant ? Répondez oui ou non, mais répondez.
M. Philippe Bas. - Je peux contribuer à formuler une réponse. Il me semble qu'en effet, le juge n'a pas à vérifier comment le lien de filiation s'est constitué, ce qui ne l'empêche pas de le savoir. Il doit interdire l'adoption s'il soupçonne que l'enfant a été conçu à l'étranger par une mère porteuse, comme on l'appelle, et que deux adultes ont, si j'ose dire, passé commande de cet enfant à l'étranger.
Si l'enfant qui survient dans un foyer constitué de deux femmes est issu de l'une d'elles par PMA, quel que soit le lieu où celle-ci a été pratiquée, il ne semble pas que le juge soit tenu de vérifier cette origine, non plus que de s'opposer à l'adoption. J'espère que Mme la garde des sceaux pourra nous faire une réponse différente, tout en craignant qu'elle ne le puisse et que ce texte ait pour effet d'autoriser l'établissement d'une filiation à l'égard de l'épouse de la mère.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Nous pouvons débattre dans le débat mais je me suis donné pour règle de ne répondre qu'aux questions directement liées à l'amendement dont on discute. Comme je ne veux pas non plus que vous répétiez que je refuserais de répondre à vos questions, je vais le faire cette fois.
Oui, M. Milon a raison : le juge n'a pas à enquêter sur les conditions de conception de l'enfant. Imaginez ce que cela représenterait comme travail, s'il devait le faire pour toutes les adoptions. Le juge n'intervient qu'au bout de la procédure. Vous êtes nombreux à présider des conseils généraux, qui délivrent les agréments. Je n'ai jamais entendu dire que des agréments seraient accordés facilement. (Marques d'approbation à droite)
MM. Henri de Raincourt et Bruno Sido. - C'est vrai ! C'est sérieux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Le juge dispose d'éléments grâce auxquels, sur la base de l'intérêt de l'enfant, il autorise ou non l'adoption. L'un des parents peut saisir l'institution judiciaire, ce qui s'est passé dans le cas de l'arrêt de la Cour de cassation que j'ai cité tout à l'heure.
Sur la GPA, l'ordre public s'impose. S'il y a doute, l'adoption ne sera pas autorisée.
L'amendement n°216 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s213 rectifié et 90 rectifié bis
M. Patrice Gélard. - L'amendement n°62 rectifié quinquies n'est pas utile.
L'amendement n°62 rectifié quinquies est retiré.
L'amendement n°143 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°148 rectifié est retiré.
M. Gérard Longuet. - (Sur les bancs socialistes : « Il vient d'arriver ! ») Je voterai contre cet article. Votre réponse à M. Bas n'est pas claire. (M. le rapporteur proteste)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Vous n'avez pas entendu mes explications précédentes.
M. Gérard Longuet. - Le juge n'aura pas d'éléments approfondis du conseil général en cas de GPA à l'étranger. La question implicite de M. Bas est justifiée. Des juges, faute d'examen sur l'origine de l'enfant adopté, légitimeront des enfants qui auront été le produit d'une procédure délictuelle.
M. Bruno Retailleau. - Je suis président de conseil général. Les conseils généraux ne délivreront pas d'agrément lorsqu'il s'agira d'adoption au sein d'un même couple composé de deux femmes ou de deux hommes. Contrairement à ce que vous avez dit, nous n'interviendrons pas dans la procédure. D'où ma question sur le juge.
L'article premier ter est adopté.
ARTICLE PREMIER QUATER (Supprimé)
M. le président. - Je rappelle que l'article premier quater a été supprimé par la commission des lois.
Amendement n°131, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le premier alinéa de l'article 365 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint ou le partenaire d'un pacte civil de solidarité du père ou de la mère de l'adopté.
« Dans ce cas, l'autorité parentale appartient concurremment à l'adoptant et à son conjoint ou partenaire d'un pacte civil de solidarité, lesquels l'exercent en commun. »
Amendement n°130, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le premier alinéa de l'article 365 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou concubin depuis cinq ans au moins, du père ou de la mère de l'adopté.
« Dans ce cas, l'autorité parentale appartient concurremment à l'adoptant et à son conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité ou concubin depuis cinq ans au moins, lesquels l'exercent en commun. »
Mme Esther Benbassa. - Ces deux amendements ont le même objet, l'un étant de repli.
En l'état actuel, le mariage seul permet d'adopter l'enfant du conjoint. Nous rétablissons l'article supprimé par notre commission pour l'ouvrir aux pacsés et aux concubins.
L'amendement n°209 rectifié n'est pas défendu.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Défavorable. Le pacs n'est pas dans le champ du présent texte.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Même avis. Votre question est légitime mais n'entre pas dans le périmètre du texte. Retrait.
Les amendements n°s131 et 130 sont retirés.
L'article premier quater demeure supprimé.
M. Jean-Claude Lenoir. - Rappel au Règlement. Monsieur le président, comment comptez-vous organiser la suite de nos travaux ? Il serait temps de suspendre pour dîner, sachant que la séance doit être ouverte demain matin à 9 h 30...
M. le président. - Nous n'irons pas au-delà de 20 h 30. (Exclamations à droite)
Mme Isabelle Debré. - La commission des affaires sociales doit se réunir demain matin pour examiner le texte sur la sécurisation de l'emploi. Je ne peux pas me dédoubler. J'ai l'impression qu'on veut nous écarter de ce débat ! (Exclamations sur les bancs socialistes et CRC)
Mme Cécile Cukierman. - On aurait dû travailler la nuit dernière !
M. le président. - Demain, la séance s'ouvrira à 9 h 30. La question que vous soulevez relève de la commission des affaires sociales.
ARTICLE PREMIER QUINQUIES
M. le président. - Amendement n°30 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.
Supprimer cet article.
M. Patrice Gélard. - M. le rapporteur a tenté de régler un vrai problème que j'avais soulevé il y a quinze ans lors de l'adoption du pacs : les droits des anciens conjoints, des beaux-parents, des tiers... Mais sa rédaction ne me convient pas. D'où l'amendement de suppression n°30 rectifié bis, puis l'amendement n°29 rectifié ter qui réécrit l'article.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Rejet. La rédaction de la commission des lois, qui reprend en partie celle de l'Assemblée nationale sur amendement de M. Binet, répond bien à la question posée. Le parent social est des tiers mentionnés par l'article.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Question intéressante que celle du tiers, nous en reparlerons lors du projet de loi sur la famille. Avis défavorable.
L'amendement n°30 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°29 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.
Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. - L'article 371-4 est ainsi rédigé :
« Art. 371-4. - L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, le tiers, parent ou non, qui a partagé sa vie quotidienne et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à ce droit. Si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non.»
M. Patrice Gélard. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°183 rectifié quater, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, M. Guerriau, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas et de Montesquiou.
Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. - Après l'article 371-4 du code civil, il est inséré un article 371-4-... ainsi rédigé :
« Art. 371-4-... - L'enfant peut entretenir des relations personnelles avec le tiers, parent ou non qui a partagé sa vie quotidienne et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à ce droit. »
M. Jean-Léonce Dupont. - Cette proposition fait suite aux réflexions qui avaient été présentées en 2009 dans le cadre de la préparation d'un avant-projet de loi sur l'autorité parentale et le droit des tiers, ainsi que des pistes ouvertes par le rapport annuel du Défenseur des enfants de 2006. Il s'agit du maintien des liens affectifs entre l'enfant et les tiers.
M. le président. - Amendement n°277, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission des lois.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
lorsqu'il
par les mots :
lorsque ce tiers
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Rédactionnel.
M. le président. - Amendement n°91 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, à son entretien ou à son installation,
M. Patrice Gélard. - Ces mots sont superfétatoires.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La commission a émis un avis favorable mais j'y suis défavorable à titre personnel. On ne peut triturer ainsi, par des amendements successifs, un dispositif qui se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation pour maintenir les liens affectifs entre l'enfant et les tiers. Le sujet sera abordé dans le futur texte sur la famille.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Rejet. Le statut des tiers dans toute sa diversité sera traité dans le texte sur la famille. Je précise que l'amendement n°91 rectifié bis est satisfait par l'article 311-1 du code civil. Favorable à l'amendement n°277 du rapporteur.
L'amendement n°29 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°183 rectifié quater.
L'amendement n°277 est adopté.
L'amendement n°91 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°214 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°275, présenté par Mme Benbassa.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le deuxième alinéa de l'article 353 du même code est ainsi rédigé :
« Le tribunal vérifie en outre si l'adoption n'est pas de nature à compromettre la vie familiale, notamment dans le cas où l'adoptant a des descendants, ou encore, lorsque, en application de l'article 371-4, le juge aux affaires familiales a prévu le maintien des liens de l'enfant avec un tiers. »
Mme Esther Benbassa. - Cet amendement invite le tribunal à prendre en compte, pour apprécier l'intérêt de l'enfant dans le cadre de la procédure d'adoption, les liens existants entre l'enfant et l'autre parent, c'est-à-dire le parent social. Il est temps d'attribuer à ce dernier le rôle qui lui est dû. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Rejet sinon retrait. Cet amendement oblige le juge aux affaires familiales (JAF) à vérifier que l'adoption ne compromet pas le lien avec un tiers. Nous avons déjà répondu à cette préoccupation. En outre, l'amendement pourrait porter atteinte à l'intérêt de l'enfant, en contraignant le juge à concilier l'intérêt du tiers et l'intérêt de l'enfant. Dans tous les cas, c'est celui-ci qui doit prévaloir.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - M. le rapporteur a raison, mais l'amendement a sa justification. Je propose à Mme Benbassa de le retirer au profit d'un travail avec la ministre de la famille.
Mme Esther Benbassa. - Je m'inclinerai à condition que le Gouvernement s'engage à créer un véritable statut du parent social dans le futur projet de loi.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Nous reparlerons du statut du tiers dans toute sa diversité lors de l'examen du projet de loi sur la famille.
L'amendement n°275 est retiré.
L'article premier quinquies, modifié, est adopté.
Mme Catherine Troendle. - Monsieur le président, nous abordons un nouveau chapitre sur le nom de famille. Pourquoi ne pas suspendre la séance maintenant, à l'heure habituelle ? (Exclamations à gauche) J'en appelle à votre arbitrage.
M. le président. - Peu d'articles sont en discussion, nous pouvons avancer dans des délais corrects.
ARTICLE 2 A
M. le président. - Amendement n°68 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.
Supprimer cet article.
M. Patrice Gélard. - Une fois de plus, vous violez toutes les règles du droit du travail. (Vives exclamations à gauche) J'ai l'impression que l'objectif est de pouvoir voir le match retransmis ce soir à la télévision ! (Même mouvement)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Ce n'est pas très glorieux !
M. Patrice Gélard. - L'amendement n°68 rectifié bis supprime l'article 2 A sur l'usage du nom de famille de l'époux. Sa présence dans le code civil est inutile.
M. le président. - Amendement n°92 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Chacun des époux
par les mots :
Le mari ou la femme
M. Patrice Gélard. - Nous préférons les mots mari et femme à celui d'époux.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Défavorable à l'amendement n°68 rectifié bis. L'amendement n°92 rectifié bis est tombé politiquement, sinon juridiquement, puisque l'article premier a été adopté. Rejet.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Les débats sur le nom ne sont pas clos. Il ne suffit pas de se référer à des habitudes ou à des traditions. La société, l'égalité entre les hommes et les femmes évoluent. Il y a les engagements internationaux de la France et l'interpellation des Nations unies sur la préséance du nom patronymique du père. Avis défavorable à l'amendement n°68 rectifié bis.
Même avis à l'amendement n°92 rectifié bis. D'abord parce que l'article premier a été adopté, ensuite parce que le mot « époux » vient du latin sposare, qui signifie « promettre solennellement ». Il y a plus de dignité et d'allure que dans les mots mari et femme. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Hyest. - La femme mariée garde son nom, le nom de l'époux n'est qu'un nom d'usage ; il faut parfois rappeler des notions simples. Le nom de famille de l'enfant, c'est autre chose. Souvenez-vous du texte rapporté ici par M. de Richemont, dont l'Assemblée nationale a fait quelque chose de ridicule...
Le débat est important : le nom détermine l'être dans toutes les civilisations. Nommer quelqu'un, c'est lui donner existence. Tous nos concitoyens le savent, le nom est symbolique. Avec l'ordre alphabétique, on peut craindre la disparition de certains noms, à commencer par ceux qui commencent par la lettre « z » comme celui de notre collègue Zocchetto...
Dans la plupart des cas, on choisit le nom du père. La question est sérieuse, je sais que Mme la garde des sceaux en est consciente. Ne la traitons pas à la légère.
Je regrette moi aussi qu'on ait abordé ce chapitre à cette heure...
M. René-Paul Savary. - Véritablement, cet article bouleverse les règles de transmission du nom de famille : l'enfant, en l'absence de dispositions particulières, prendra le nom de ses deux parents accolés dans l'ordre alphabétique. De quoi donner du fil à retordre aux généalogistes et à tous ceux qui devront établir des actes d'état civil. La filiation est fondée sur les liens maternel et paternel. L'état civil est sexué ; avec ce texte il ne l'est plus. Or le nom est la traduction administrative du lien de filiation. Ces dispositions sont contraires au principe d'intelligibilité de la loi ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Bruno Sido. - L'article 225 du code civil porte sur un tout autre sujet. Pouvez-vous m'expliquer ce que vient faire ici l'article 225-1 ?
Mme Isabelle Debré. - Mme Bertinotti a refusé le référendum au motif que ce texte était sociétal, et non social. Or j'entends parler depuis tout à l'heure de parent social. Cela mérite explication !
M. André Trillard. - On nie une fois de plus l'altérité sexuelle avec cet article qui met fin à la présomption de nom paternel, excusez du peu ! Alors que le texte ne devait changer en rien la situation des couples hétérosexuels ! La commission des lois a concédé du bout des lèvres que le sujet était sensible ; les Français, il est vrai, sont attachés à l'usage du nom paternel.
Ce texte aura une conséquence absurde, l'extinction inéluctable de la diversité des patronymes. Le mien comme le vôtre, madame la garde des sceaux, seront mal lotis... En touchant aux patronymes, à leur diversité et à leur transmission, vous touchez à l'intime ; et il y aura des difficultés administratives, des cafouillages et des erreurs. Obnubilés que vous êtes par un égalitarisme aveugle, vous ne voyez même pas les dommages collatéraux que produira votre loi.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - M. le président Bel et moi seront mieux lotis que M. Trillard mais cet affaire d'ordre alphabétique est absurde. Des cousins ne porteront pas le même nom, les grandes familles verront leur solidarité niée.
Mme Laurence Rossignol. - Il n'y a pas que des hommes dans les familles !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Je continue à demander un débat national. À cause des oublis et des erreurs, inévitables, vous allez multiplier les contentieux.
M. Bruno Retailleau. - J'apporterai de l'eau au moulin du MM. Gélard et Hyest. Les conseils généraux ont la responsabilité des archives départementales par la première loi de décentralisation.
M. Jean-Louis Carrère. - Et alors ?
M. Bruno Retailleau. - De nombreux Français, et pas seulement les mormons, ont la passion de la généalogie, comme si la quête des origines était un remède à la mondialisation... La dilution de certains noms, la mise d'autres en désuétude rendront les recherches généalogiques plus compliquées. Il eût au moins fallu consulter les Archives de France....
M. Charles Revet. - D'un article à l'autre on chamboule tout, on change les pratiques, les noms, on bascule dans une autre civilisation. Les oiseaux rares qui voudront vivre de manière classique, comme on le fait depuis des siècles, pourront-ils continuer à le faire ? Ou la loi s'imposera-t-elle à eux ?
L'amendement n°68 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°92 rectifié bis.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'article 2 A.
M. Bruno Sido. - J'ai posé une question, je n'ai pas eu de réponse !
Mme Isabelle Debré. - Moi non plus à la mienne !
M. Charles Revet. - Moi non plus !
L'article 2 A est adopté.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - « Parent social » est une simple appellation pour désigner une personne qui se reconnaît dans la fonction de parentalité au même titre qu'un parent biologique. Cela ne présume pas du caractère social de ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Je suis peu intervenu...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Dommage !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Il est parfois sage d'écouter. Et le sage tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler...
Monsieur Revet, comme tous les êtres vivants, les choses, les mots changent, de même que les patronymes qui sont apparus tardivement et proviennent parfois de noms communs, comme les noms de métiers ou de lieux. Tout change. De là mon combat contre le fixisme, l'immobilisme. Changeons et, si possible, allons de l'avant ! (Applaudissements à gauche)
Mme Isabelle Debré. - Le changement, c'est maintenant !
M. René Garrec. - C'est une manie de tout vouloir changer ! Mon nom n'est pas français, il est breton (M. Ronan Kerdraon applaudit) et n'a pas été modifié depuis 2 000 ans, sinon qu'il a perdu en France son orthographe celte. On le retrouve en Cornouailles où je me retirerai peut-être pour être certain qu'on n'y touchera pas...
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°171 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois et J.L. Dupont, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou.
Supprimer cet article.
M. Jean-Léonce Dupont. - Le droit d'adoption des couples, en l'état actuel du droit, est strictement réservé aux couples mariés. La possibilité d'adopter pour les couples de personnes de même sexe découle automatiquement de l'ouverture du mariage à ces couples. Ainsi, sous couvert de dispositions relatives au nom de famille, cet article consacre en réalité l'établissement d'une filiation adoptive issue de deux hommes ou de deux femmes.
Nous sommes opposés à l'ouverture de l'adoption aux couples homosexuels fondée sur une impossibilité biologique. Nous devons veiller à l'intérêt de l'enfant. Le fait que des enfants s'épanouissent au sein de couples de personnes de même sexe ne justifie pas cette extension.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'article 225 du code civil est le dernier du chapitre consacré au mariage ; l'article 225-1 que nous créons vient juste après.
Le texte qui nous venait de l'Assemblée nationale était révolutionnaire : dans tous les cas, filiation biologique incluse, les deux noms étaient accolés par ordre alphabétique. Nous avons réécrit l'article de sorte qu'on revient à la règle traditionnelle du nom du père - ce sera la grande majorité des cas -sauf en cas de désaccord exprimé entre les deux parents...
M. Charles Revet. - Il fallait le dire ! J'ai ma réponse !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Monsieur Revet, faites confiance, non à la philologie ou à la philosophie, mais à votre rapporteur !
Un conflit peut par exemple se produire lorsqu'une séparation intervient avant la naissance. J'ai visité des maternités à Paris. Les parents, paraît-il, se disputent jusque devant l'officier d'état civil sur le choix du prénom. Amélie ? Non, Noémie. Et cela finit par Clémence... (Sourires) Dans l'affaire on oublie le patronyme. On donne alors le nom du père. Donner le nom de la mère peut être utile dans certaines villes de garnison... (Exclamations sur divers bancs)
M. Gérard Longuet. - Les artilleurs de Metz !
M. Jean-Pierre Michel. - ... où cela fait bien de faire un enfant à une jeune femme, de le reconnaître puis de disparaître. Dans ce cas comme dans d'autres, le nom de la mère est une protection. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit ; M. René Garrec applaudit aussi)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - J'ai entendu les protestations, qui sont partiellement fondées. Je sais aussi que l'égalité entre les hommes et les femmes progresse et que la France a été interpelée par les Nations unies sur la préséance du nom de la mère...
M. François-Noël Buffet. - Votre langue a fourché !
Voix à droite. - Le naturel revient au galop ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Du père, bien sûr... Ce n'est pas de l'inné, mais de l'acquis...
M. Jean-Pierre Raffarin. - C'est peut-être une grâce...
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Vous me comblez, monsieur le Premier ministre... (Sourires)
Le mariage ne modifie pas le nom des époux. En général, à cette occasion, la femme prend le nom de son mari. Mais elle peut garder le sien.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - En effet !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - En effet, et la pratique de certaines nous l'a rappelé. Le code civil ne traite nulle part du nom des époux sauf en cas de séparation de corps et de divorce. Et tenez-vous bien : l'épouse peut garder le nom de son mari et le mari, le nom de l'épouse ! (À droite, on manifeste du geste que l'on n'y voit pas d'objection) Cet article dissipe donc un silence du code civil.
Un mot à M. Sido : comme le code civil ne traitait pas de la question du nom, pour en traiter, on a fait comme d'habitude, on est allé à la fin du chapitre... Ce qui explique que l'article 225-1 n'ait rien à voir avec l'article 225 qui le précède.
Avis défavorable à l'amendement de suppression. (Applaudissements à gauche)
L'amendement n°171 rectifié ter n'est pas adopté.
La séance est suspendue à 20 h 30.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
La séance reprend à 22 h 35.