SÉANCE
du mercredi 3 avril 2013
80e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
Secrétaires : M. Hubert Falco, M. Jean-François Humbert.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Haute autorité de l'expertise scientifique (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte.
Discussion générale
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - Le moment est important : l'automne dernier, le Sénat a voté ce texte pour protéger les lanceurs d'alerte. Je salue le travail de Mme Blandin et M. Dantec, du groupe écologiste et de tous les sénateurs. Ce texte a été enrichi par le travail parlementaire, la nature de la commission nationale de déontologie a été affinée. Dorénavant, l'alerte est un droit, la protection juridique des lanceurs d'alerte est reconnue.
Les personnes victimes de discrimination pour avoir révélé un danger sanitaire ou environnemental pourront saisir le Défenseur des droits. La charge de la preuve sera inversée. Dans le même temps, les devoirs des lanceurs d'alerte sont rappelés, pour éviter les dénonciations calomnieuses. Les lanceurs d'alerte de mauvaise foi pourront être poursuivis pénalement.
En première lecture, le Sénat avait préféré créer une commission nationale plutôt qu'une Haute autorité administrative. Cette commission ne sera pas une nouvelle entité s'ajoutant à toutes celles qui existent, elle servira d'appui aux diverses instances existantes. Son indépendance par rapport aux ministères sera assurée par sa composition, incluant, à côté des experts, des représentants de l'État, des parlementaires, des membres du Conseil économique, social et environnemental, ainsi que par l'ouverture de sa saisine
Cette commission diffusera les bonnes pratiques, favorisera le dialogue entre les diverses acteurs, suivra le devenir des alertes. Elle mettra en place un dispositif de traçabilité. Les organismes indiqueront dans les registres d'alertes les suites qui leur auront été données, y compris en renvoyant vers des études en cours ou des initiatives déjà prises. Le pouvoir législatif disposera alors d'une vision globale.
Cette commission, sans administration propre, s'appuiera sur une instance déjà existante : le comité de la prévention et de la précaution, créé en 1996. Composé d'une vingtaine de scientifiques, il assure une mission de veille, d'alerte et d'expertise sur l'environnement. Cela constitue une première base pertinente, même si des aménagements réglementaires seront nécessaires. Mon administration sera mobilisée pour assurer le bon fonctionnement de la commission, qui pourra aussi s'appuyer sur les inspections générales.
Le droit d'alerte au sein des entreprises a évolué au cours de la navette. Le titre II a été complété par l'Assemblée nationale après l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 : le droit d'alerte sera reconnu à tout travailleur et à tout représentant du personnel de toute entreprise. En cas de risque grave, le CHSCT sera alerté et pourra saisir le représentant de l'État. Les missions des CHSCT n'ont pas été étendues à l'environnement et à la santé publique : une telle évolution aurait nécessité de plus grands moyens et une consultation des partenaires sociaux.
Cette proposition de loi est complète, de grande qualité ; elle permettra de restaurer la confiance de nos concitoyens. La France est en pointe sur les questions de santé publique, notamment sur celle des perturbateurs endocriniens. Vous avez d'ailleurs voté un texte sur le bisphénol A et nous préparons une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Le groupe de travail réunit des élus, dont la sénatrice Chantal Jouanno, les ministères, des agences publiques, des associations, des syndicats de salariés, des fédérations d'entreprises, des personnalités qualifiées.
Demain, je demanderai au commissaire Potocnik que l'Agence européenne des produits chimiques nous transmette la liste des substances dont le dossier d'enregistrement Reach mentionne l'utilisation dans les jouets et articles de puériculture. Nous soutenons fermement l'idée que la notion de seuil sans effet, ne peut pas être prise en compte à propos des perturbateurs endocriniens.
Nous avons une approche volontariste sur la scène européenne. Cette proposition de loi marque un progrès indéniable et je vous invite à la voter.
M. Ronan Dantec, rapporteur de la commission du développement durable . - Cette proposition de loi a été votée par l'Assemblée nationale le 31 janvier, après le vote du Sénat. En reprenant la concertation avec les divers acteurs, le ministère et Matignon, l'Assemblée nationale a utilement complété et enrichi ce texte que je vous propose d'adopter conforme. La quasi-totalité des articles encore en discussion le sont à cause de réécriture techniques ou de déplacements.
L'article premier A traite des lanceurs d'alerte. Dans le titre I, consacré à la commission nationale, les députés ont apporté quelques modifications de forme. L'article premier crée un cadre : le travail de la commission nationale devra préciser les choses. S'agissant de la composition de la commission, il est désormais prévu une obligation de parité -nous aurions pu y penser... L'Assemblée nationale a complété l'article 5 pour préciser les règles en matière de conflit d'intérêt. Ce travail se situe dans le prolongement du nôtre.
En première lecture, certains orateurs avaient dénoncé la création d'un « machin » supplémentaire. Mme la ministre vient d'annoncer que cette commission reposerait sur un comité existant ; les moyens seront donc constants.
Le titre II, qui traite de l'alerte au sein de l'entreprise, a été grandement modifié. J'avais proposé de remplacer les cellules d'alerte prévues dans la proposition de loi initiale par la saisine des CHSCT, les députés ont conservé ce principe mais allégé les conditions de saisine, pour tenir compte des négociations en cours sur les institutions représentatives du personnel.
L'Assemblée nationale a créé un chapitre spécifique au sein du code du travail pour traiter des alertes. Elle n'a pas élargi les prérogatives du CHSCT mais un droit d'alerte est accordé aux représentants du personnel. Les lanceurs d'alerte seront protégés. L'alerte conserve une dimension collective. En cas de litige avec l'employeur, le salarié pourra saisir le Défenseur des droits. Si l'entreprise ne réagit pas, le préfet sera saisi ; si ce dernier ne réagit pas non plus, la commission nationale pourra être saisie et s'adresser au ministère compétent.
Le titre III a été peu modifié : la protection des lanceurs d'alerte a été confirmée mais les abus seront sanctionnés pénalement. L'article 16 A qui traite des démarches RSE a été supprimé au motif qu'il s'agissait d'un cavalier. Le sujet sera traité ultérieurement. Globalement, la navette a enrichi le texte initial.
Il y a quelques jours, les juges ont mis en examen l'Agence du médicament sur le dossier du Mediator. Il est donc plus qu'utile de sécuriser le travail de ces agences et de rassurer nos concitoyens. D'ailleurs, les agences ne sont pas hostiles à la création de cette commission qui portera un regard extérieur et qui pourra les aider à mener à bien leur mission.
Même si le risque zéro n'existe pas, les signaux faibles seront repérés à un stade suffisamment précoce.
Avec ce texte, nous faisons oeuvre utile et modernisons l'expertise, qui passe par l'indépendance. Je vous propose de l'adopter conforme. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Jean Bizet . - Cette proposition de loi est indéniablement inspirée par de bons sentiments. Voilà pour les compliments.
M. Raymond Vall. - C'est court.
M. Jean Bizet. - Le Gouvernement a voulu faire plaisir au groupe écologiste, mais ce texte n'apporte que des réponses fragmentaires. Il n'existe pas d'indépendance de l'expertise en soi, ni de certitude de l'expertise derrière laquelle les politiques pourraient s'abriter. On l'a vu encore une fois quand le Haut conseil des biotechnologies a estimé que la toxicité de l'OGM NK603 n'était pas démontrée par l'étude du professeur Séralini. La meilleure garantie d'indépendance, c'est le recours à l'expertise pluraliste, contradictoire et transparente. A chacun son rôle : aux scientifiques de donner leur avis, aux politiques d'appliquer avec mesure le principe de précaution, qui ne doit pas être prétexte à l'inaction, sous peine que les recherches soient menées par d'autres et que les brevets nous échappent. Relisez les articles 8 et 9 de la Charte de l'environnement !
Nous n'avons pas besoin d'une structure de plus, alors que de nombreuses agences existent déjà : selon le rapport de l'IGF, on dénombre 1 244 agences de l'État ! En matière de santé, il en existe déjà dix, et près de quatorze dédiées aux problèmes environnementaux. La création de cette commission pose la question de son utilité. L'Assemblée nationale a fait des efforts de rationalisation, mais les entreprises devront supporter de nouvelles charges, de nouvelles tracasseries. On parle de choc de compétitivité et vous créez une nouvelle agence ; on parle de choc de simplification et vous présentez ce texte... A l'heure où nous devons parler convergence avec l'Allemagne, nous accroissons la complexité française.
La création d'une procédure d'alerte dans les entreprises de plus de onze salariés relève de la négociation entre partenaires sociaux, lesquels ne réclament rien en la matière. Que se passera-t-il dans les entreprises de dix à cinquante salariés où n'existent pas de CHSCT ?
Cette proposition de loi créera une nouvelle catégorie de salariés avec un statut particulier, les lanceurs d'alerte, ce qui pourra avoir des conséquences dramatiques pour certaines PME qui ne pourront lutter contre les fausses alertes. Élu de Normandie, je sais que les fausses alertes ont contribué au discrédit, voire à la disparition de certaines entreprises. Je pense au camembert au lait cru ou au concombre espagnol.
Nos entreprises ont besoin de plus de lisibilité sur les procédures d'alerte et d'une meilleure exploitation des données existantes. Nous souhaitons évaluer les actions des agences existantes et les regrouper. A-t-on meilleure conscience face à l'opinion publique quand on crée une nouvelle instance ? Les lois inutiles affaiblissent les nécessaires.
M. Dantec parle de « culture de l'alerte » ; moi, de culture de l'entreprise.
Mme Évelyne Didier. - On avait compris !
M. Jean Bizet. - Je ne voterai donc pas cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Nous n'avons pas la même culture...
Mme Laurence Rossignol . - Je salue le travail réalisée par Mme Blandin, mère biologique de cette proposition de loi, M. Dantec, son père adoptif, Mme Archimbaud, co-parent...
M. Jean Bizet. - Quelle famille ! (Sourires)
M. Gérard Longuet. - Seule la défaite est orpheline...
Mme Laurence Rossignol. - Les résistances à la transparence sont nombreuses mais celle-ci est un devoir démocratique. Nos concitoyens sont lucides face aux diverses agressions dont ils sont victimes : l'amiante, le Mediator, les pilules de troisième et quatrième générations soulèvent bien des questions... Les craintes sont légitimes, même quand elles sont infondées. En protégeant les lanceurs d'alerte, nous lutterons plus facilement contre les risques émergents. Nous devons prendre en compte les risques rationnels... et irrationnels.
L'expertise scientifique doit retrouver la confiance de nos concitoyens. Dans leur grande majorité, les Français estiment être mal informés sur la recherche. L'expertise a souvent été très arrogante, si bien que l'on balance entre la foi du charbonnier et l'obscurantisme. Certains dénoncent le principe de précaution au motif qu'il freinerait le progrès de la science. Pourtant, les premiers retours d'expérience démontrent son bien-fondé.
Les expertises des scientifiques ne sont pas toujours aussi indépendantes qu'elles devraient l'être. L'expertise doit donc être contradictoire, a fortiori quand tel ou tel expert entretient des liens avec des grands groupes. Un simple étudiant, expert en rien, a dévoilé le poids des lobbies dans la législation européenne.
Nos concitoyens ont un rôle essentiel à jouer en matière d'alerte. Ils peuvent se tromper ? Les experts aussi. Cette loi permettra de gagner du temps et peut-être de sauver des vies.
Nous partageons votre inquiétude, monsieur Bizet, sur les effets économiques désastreux des fausses rumeurs. Mais nous pensons que cette proposition de loi sera un bon instrument pour les combattre. Nous faisons le pari de l'intelligence collective. Avec ce texte, nous avons posé les jalons d'une belle évolution. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Évelyne Didier . - Nous réaffirmons la nécessité d'alertes transparentes. L'objectif affiché sera-t-il atteint ? L'ambition initiale a été amoindrie après le passage à l'Assemblée nationale. Les lanceurs d'alertes seront protégés, et c'est bien, mais l'instance initialement prévue ne sera pas créée et le rôle du CHSCT moindre que ce que nous avions voté en première lecture.
La responsabilité de la gestion d'alerte appartiendra à l'entreprise et au préfet, mais c'est déjà le cas ! Nous restons donc dubitatifs et nous regrettons que le CHSCT ne dispose pas de missions et de moyens nouveaux. La commission nationale de déontologie et d'alerte pourra gérer et suivre les alertes. Ce premier pas est louable mais nous attendons le suivant, qui doit concerner le financement de la recherche. Cette alerte citoyenne dans les domaines sanitaire et environnemental pourrait être étendue à d'autres domaines, pour améliorer les outils démocratiques d'aujourd'hui et de demain.
Nous voterons cette proposition de loi. Pour ma part, je crains plus l'activité des lobbies que celle des citoyens alertés par des signaux faibles. Cela dit, il faudra sans doute revenir sur ce texte pour l'enrichir. (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC)
Mme Chantal Jouanno . - Depuis la première lecture, le contexte a peu changé mais de plus en plus de voix s'élèvent en faveur de la protection des lanceurs d'alerte et l'harmonisation des procédures d'expertise. Je citerai le rapport du Sénat sur les pesticides et le dernier rapport de l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) sur la nécessité de détecter les signaux précoces. La loi consécutive au Grenelle de l'environnement prévoyait un rapport. On est passé d'une Haute autorité à une commission nationale. Notre devoir est de fixer un cadre éthique, sans considérer systématiquement le progrès comme un danger. Qu'il s'agisse du diabète, de l'obésité, du cancer, les perturbateurs endocriniens sont mis en cause. Mais difficile de croiser les données. J'espère que l'Assemblée nationale n'a pas vidé le texte de son ambition. Point faible de la proposition de loi : va-t-elle permettre de fixer ces lignes directrices de l'expertise ? Saurons-nous détecter ces signaux faibles ? En première lecture, le Gouvernement s'était engagé à préciser -en deuxième lecture- les mesures de rationalisation qui seraient prises... Troisième limite, l'Assemblée nationale a supprimé l'exigence de confidentialité des alertes. C'était pourtant un point fort du texte, pour éviter les conséquences économiques des fausses alertes.
Ce texte compte toutefois plus de points positifs que de points négatifs : croissement de données, suppression de la confusion des rôles du CHSCT, précisions utiles sur les règles de déontologie de l'expertise. Le groupe UDI-UC s'abstiendra avec bienveillance. Certains, dont MM. Capo-Canellas, Tandonnet et Mme Goulet, voteront pour. (Applaudissements au centre)
M. Jean-Pierre Plancade . - Je remercie Marie-Christine Blandin d'avoir été à l'origine de ce texte, qui nous revient aujourd'hui bien remanié par l'Assemblée nationale. Il correspond globalement aux attentes de notre groupe. Plus la science avance, plus les risques émergent, et plus il convient aux politiques de protéger nos concitoyens. Le groupe du RDSE avait ainsi déposé le premier une proposition de loi interdisant la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A.
L'alerte doit être protégée. Nous constatons l'effet néfaste de certains médicaments, comme les pilules contraceptives de troisième et quatrième générations, sans parler des scandales alimentaires. Il faut une remise en ordre d'un paysage confus pour que les alertes puissent être lancées et entendues à temps. L'État doit prendre ses responsabilités, mettre fin à une culture excessive du secret. La transparence n'entraînera pas la psychose collective.
Nous avons, nous aussi, la culture de l'entreprise, cher Jean Bizet, ce n'est pas favoriser la culture de la rumeur. Je connais des patrons qui sont à la tête d'entreprises citoyennes. J'ai entendu vos inquiétudes...
M. Jean Bizet. - Encore un petit effort !
M. Jean-Pierre Plancade. - Il faut diffuser l'information, sans céder à la culture du scandale, favorisée par la pseudo-expertise des médias.
Le traitement des alertes ne pouvait être confié à une énième entité, le pouvoir de l'État être délégué à un organisme composé d'experts. A chacun ses responsabilités. Nos experts sont des lanceurs d'alerte potentiels, ne l'oublions pas. La création de la commission nationale de déontologie doit se faire à moyens constants, comme le Gouvernement s'y était engagé.
La proposition de loi consacre en droit les lanceurs d'alerte, qui sont prêts à risquer leur carrière dans l'intérêt général. Le renversement de la charge de la preuve en leur faveur est une avancée.
Il faut toutefois préciser dans la loi que les victimes de discrimination pourront saisir le Défenseur des droits -c'est notre amendement.
Loin d'accroître la défiance envers les experts, le texte renforce leur indépendance. C'est l'action des pouvoirs publics et l'absence de conflits d'intérêt qui conditionne le succès de la commission nationale de déontologie.
Le groupe du RDSE réitèrera son vote de première lecture.
Mme Marie-Christine Blandin . - Chacun sait la nécessité d'une expertise indépendante. Négliger les lanceurs d'alerte peut avoir un coût sanitaire, financier, humain considérable. Sur tous les scandales sanitaires -amiante, Mediator, etc-, par ses rapports d'information et ses commissions d'enquête, le Sénat a été exemplaire et consensuel.
Nous avions déjà entendu en première lecture les arguments des personnes réticentes et amendé le texte. L'Assemblée nationale a fait de même, pour arriver à un texte équilibré et cohérent. Nous avons dû lever de nombreux obstacles : crainte de dépenses supplémentaires, d'usine à gaz, de confusion des rôles, de difficultés pour les entreprises. Chacun, je crois, a trouvé réponse à ses questions. Le texte concernait les domaines de compétence de plusieurs ministres ; le Gouvernement a répondu d'une seule voix, ce dont je le remercie.
Ce texte est l'aboutissement du bon fonctionnement de notre démocratie. Je me félicite que l'Assemblée nationale ait inscrit à l'article premier A la définition de l'alerte et des lanceurs d'alerte. Permettre la saisine de la CND par les ordres professionnels est une bonne idée à laquelle nous n'avions pas pensé. Le droit d'alerte en matière sanitaire et environnementale est distingué du droit d'alerte en entreprise. Voilà qui devrait rassurer M. Bizet.
M. Jean Bizet. - Il en faudra davantage !
Mme Marie-Christine Blandin. - La vigilance au plus près du terrain est salutaire pour les chercheurs : elle permet une expertise plus tôt. La défiance envers la science et la recherche du scandale médiatique ne sont pas le signe d'une démocratie apaisée. A l'émotion et à la passion, nous préférons la science et la raison.
La crise rend difficile l'action publique, faute de moyens. Cette modeste proposition -déradicalisée !- peut être gage de démocratie, de santé et d'environnement mieux protégés, de souffrances évitées et d'économies ! Je compte sur vous pour lui donner votre accord définitif. (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)
Mme Delphine Batho, ministre . - Deux précisions : le projet de rapport du Gouvernement, prévu par l'article 52 de la loi Grenelle I a été envoyé à tous les parlementaires après la discussion en première lecture. Ses conclusions vont dans le sens de la proposition de loi. Deuxième point : il ne sera pas créé d'instance nouvelle. La CNDA sera une refonte du comité de la prévention et de la précaution, à moyens constants, et son secrétariat sera assuré par les services de mon ministère.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier A est adopté, ainsi que les articles premier à 14 bis tandis que les articles 4, 7, 8, 10, 11, 13, 14, 14 ter, 16 a et 16 demeurent supprimés.
Article 17
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par MM. Plancade, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne faisant l'objet d'une mesure discriminatoire telle que définie par le premier alinéa peut saisir le Défenseur des droits dans les conditions prévues par la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits en application de son article 5.
M. Jean-Pierre Plancade. - Cet amendement avait été adopté en première lecture. Pouvez-vous nous confirmer que le Défenseur des droits pourra être saisi à tout moment ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. - La commission du développement durable est d'accord sur le fond, mais la loi organique du 29 mars 2011 prévoit déjà que le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne qui s'estime victime de discrimination directe ou indirecte. Inutile de le préciser à nouveau : retrait sinon rejet.
Mme Delphine Batho, ministre. - Votre amendement est satisfait. Ces personnes pourront saisir le Défenseur des droits : c'est l'article 5 de la loi organique du 29 mars 2011. En outre, une proposition de loi ne peut modifier une loi organique sans s'exposer à une censure du juge constitutionnel. Retrait ?
M. Jean-Pierre Plancade. - Je retire l'amendement.
L'amendement n°1 est retiré.
L'article 17 est adopté, ainsi que les articles 19 et 20.
L'article 23 demeure supprimé.
A la demande des groupes UMP et écologiste, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l'adoption | 174 |
Contre | 143 |
Le Sénat a adopté définitivement.
(Vifs applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)
M. Ronan Dantec, rapporteur. - C'est la première fois dans l'histoire du Parlement qu'une loi portée par un groupe écologiste est adoptée. Je voulais faire partager mon émotion ! Merci à l'administration du Sénat, à Mme Blandin pour sa ténacité, à tous les parlementaires qui ont travaillé à améliorer ce texte, au Sénat comme à l'Assemblée nationale.
Cette loi porte l'intérêt général : je me félicite que l'on ait dépassé les clivages politiques traditionnels. Merci à Mme la ministre, qui s'est engagée personnellement pour que ce texte soit adopté, ainsi que les autres ministres concernés, notamment M. Sapin et Mme Touraine et, bien sûr, le Premier ministre. J'espère que cette loi pourra être appliquée dans les meilleurs délais. (Applaudissements à gauche)
Mme Delphine Batho, ministre. - Je salue à mon tour cette première et je remercie tous les parlementaires qui ont participé à cette vraie avancée démocratique. Je suis très fière de l'adoption de ce texte. L'indépendance de l'expertise, la protection des lanceurs d'alerte mettront fin à la loi du silence et éviteront des drames sanitaires et environnementaux. Comptez sur le Gouvernement pour que les textes d'application soient publiés rapidement et que les moyens -constants- suivent. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)
La séance, suspendue à 16 h 10, reprend à 16 h 20.