Système énergétique sobre, tarif eau et éoliennes (Nouvelle lecture - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.

Aux termes de l'article 43, alinéa 6 du Règlement, le Sénat statue en deuxième délibération sur l'article premier A et sur l'article 6.

Seconde délibération

M. le président.  - Amendement n°A-1, présenté par M. Raoul, au nom de la commission.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le premier alinéa de l'article L. 100-1 du code de l'énergie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - lutter contre la précarité énergétique ; ».

M. Daniel Raoul, rapporteur.  - La commission, réunie à la suspension, a souhaité l'adoption de cet amendement et du suivant.

M. le président.  - Amendement n°A-2, présenté par M. Raoul, au nom de la commission.

Alinéa 15

Après le mot :

énoncées

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

au chapitre II du titre III du livre II du code de l'énergie.

M. Daniel Raoul, rapporteur.  - Amendement de coordination avec l'adoption de l'amendement n°87.

Mme Delphine Batho, ministre.  - Avis favorable à l'amendement A-1, défavorable à l'amendement A-2, qui est de coordination avec la suppression du bonus-malus.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Une explication de texte s'impose. Pourquoi cet amendement A-1 ? Il rectifie un vote émis un peu rapidement par la majorité sénatoriale hier. L'article premier A faisait de la précarité énergétique un objectif prioritaire du Gouvernement. Avec autant de sincérité que de spontanéité, nous avons levé la main pour voter pour. (Sourires) Automatiquement, la majorité a pris le contre-pied et voté contre. Je rappelle que c'est moi qui aie relevé cette erreur. Sans quoi, le texte transmis à l'Assemblée nationale n'aurait pas fait mention de la précarité énergétique.

M. Daniel Raoul, rapporteur.  - Devons-nous implorer votre pardon à genoux ?

M. Ladislas Poniatowski.  - La corde au cou ! (Sourires)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Cet incident est à l'image de ce que furent nos débats : la majorité n'a eu de cesse de nous harceler, multipliant les provocations. Nous avons résisté, pour que le débat aille à son terme dans la sérénité, en regrettant ces égarements de la majorité. (Rires à gauche)

M. Daniel Raoul, rapporteur.  - Le rôle de vierge et de martyr vous sied mal, monsieur Lenoir, en ce jour de Saint-Valentin. Cette erreur de vote ne nous avait pas échappé. Il est vrai que nous avons eu un réflexe pavlovien, je le reconnais.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Faute avouée est à moitié pardonnée.

M. André Gattolin.  - Chacun peut se tromper. Voyez le lapsus que vous avait fait à l'instant, monsieur Lenoir : vous avez dit que « L'article premier A faisait de la précarité énergétique un objectif prioritaire du Gouvernement ». Vous vouliez dire, bien sûr, « de la lutte contre la précarité ».

L'amendement A-1 est adopté.

M. le président.  - Belle unanimité !

L'article premier A est rétabli.

L'amendement n°A-2 est adopté.

M. le président.  - Nouvelle unanimité.

Interventions sur l'ensemble

M. Daniel Raoul, rapporteur .  - Je salue le côté beau joueur de nos collègues UMP, leur élégance pour voter ces deux amendements.

Le texte a évolué. L'article premier et les articles premier bis, premier ter et premier quater ont disparu : le bonus-malus a été supprimé. Le vote du Sénat ne portera donc pas sur ce dispositif.

Aux autres articles, nous avons renforcé la péréquation, prévu des rapports, sécurisé la nomination des membres de la CRE, encadré l'effacement, l'expérimentation de la tarification sociale de l'eau, institué la règle des trois mâts pour l'éolien. Ces améliorations ne pourront être prises en compte par l'Assemblée nationale que si nous adoptons le texte ainsi rédigé. Nous avons travaillé dans une démarche de prudence.

M. Jean-Claude Requier .  - Je me félicite de ce débat : j'avais été frustré de n'avoir pu le faire en première lecture. Dans le Lot, on a peur de perdre nos sous-préfectures. La meilleure façon de les garder, c'est de faire travailler les sous-préfets, ai-je dit au préfet. Le même raisonnement vaut pour le Sénat !

Le bonus-malus est sans doute une bonne idée sur le papier mais comment pourrait-il être appliqué ? Nous verrons ce qu'en feront les députés.

Deux points positifs quand même : l'extension des tarifs sociaux de l'électricité, même si la CSPE pose problème, et l'expérimentation de la tarification progressive de l'eau.

Je salue notre rapporteur, assis sur une chaise bien inconfortable, à devoir défendre des positions qui n'étaient pas forcément les siennes...

Le groupe du RDSE votera à la quasi-unanimité cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

Mme Chantal Jouanno .  - Le Sénat a montré qu'il n'acceptait pas les injonctions, mon groupe s'en réjouit. Nous avons su trouver des consensus et faire évoluer le texte. Le calendrier initialement retenu était rocambolesque avec cette procédure accélérée incompréhensible. Au-delà, il est toujours problématique de poursuivre deux objectifs, l'un écologique, l'autre social, au travers d'un même texte. In fine, sans ses articles premier et 2, injustes facteurs d'inégalité, trop complexes, ce texte nous convient.

Je salue le travail du président Raoul, qui a recherché le consensus. Sur l'éolien, le Sénat a trouvé une position médiane, ce que j'apprécie même si ce n'est pas celle qui me sied le mieux. Le texte ayant été vidé de ses points négatifs, la grande majorité du groupe UC-UDI s'abstiendra. A titre personnel, je voterai pour.

M. André Gattolin .  - Le groupe écologiste salue cette première étape vers la transition énergétique. Avec 8 millions de personnes victimes de la précarité énergétique, il y avait une vraie urgence sociale. Un régime pérenne s'appliquera à l'effacement diffus, c'est une satisfaction. Nous regrettons, en revanche, la suppression du bonus-malus et la modification de l'article 15 qui revient sur la règle des cinq mâts. On en reparlera dans le cadre du grand débat sur la transition énergétique et le texte qui s'ensuivra.

Il faut supprimer les contraintes au développement des énergies renouvelables. Certains ont invoqué le droit des élus locaux à s'opposer à l'installation d'éoliennes. Ils ne disaient pas la même chose quand il s'agissait de centrales nucléaires ! L'éolien doit être développé ; il représente 11 000 emplois. L'intérêt national doit primer sur l'intérêt local. Les écologistes voteront cette proposition de loi.

Mme Mireille Schurch .  - Il y a quelques mois, l'adoption de la motion d'irrecevabilité coupait court au débat. Cette fois-ci, il a eu lieu avec cette nouvelle lecture, de laquelle le texte sort profondément modifié. Les critiques étaient unanimes sur l'effet rebond du bonus-malus. La suppression de ce dispositif, profondément injuste, trop complexe et qui portait en germe la déconstruction de notre modèle énergétique, est une bonne chose. L'élargissement des bénéficiaires des tarifs sociaux et l'extension de la trêve hivernale étaient très attendus.

Sur l'effacement, nos amendements étaient eurocompatibles. Nous voulions une maîtrise publique pour que l'État soit le garant de la sécurité des réseaux et de l'indépendance énergétique de la France. Nous y reviendrons lors du prochain projet de loi sur l'énergie.

Le développement de l'éolien exige qu'il soit compris et accepté par les citoyens et les élus locaux. Il faut raisonner en termes de puissance et non seulement de mâts.

Je félicite notre rapporteur d'avoir su conduire au consensus. Nous voterons ce texte, malgré nos réserves, pour donner une voix au Sénat. Elle sera, je l'espère, entendue par l'Assemblée nationale et le Gouvernement.

M. Ladislas Poniatowski .  - Ce texte sort considérablement modifié de nos travaux. Je n'ai pas changé d'avis : il ne comptait qu'un seul article véritablement urgent : l'article 3 sur l'extension des tarifs sociaux. Nous y tenions tellement que nous étions même prêts à voter la petite proposition de loi CRC sur ce point, si ce texte n'était pas venu en discussion.

L'article premier instituant le bonus-malus a été supprimé. On sait que l'Assemblée nationale le réintroduira. A nos yeux, il est inconstitutionnel et nous engagerons un recours.

Sur l'éolien, l'amendement du rapporteur nous convient. Je remercie M. Raoul pour son travail et pour le ton très correct que lui du moins aura adopté.

Le Gouvernement est contre les trois mâts et l'Assemblée nationale reviendra sans doute dessus. Nous nous prononcerons en CMP sur un autre texte que celui-ci. Nous voterons contre ce texte aujourd'hui et, a fortiori, en CMP. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Ce débat a été riche, passionnant, émaillé, grâce à M. Lenoir, de références littéraires -Rostand, Kafka- tandis que M. Poniatowski a été à deux doigts d'évoquer les rouges et le noir... chers à Stendhal. (Sourires) Je salue M. Raoul et M. Courteau, ainsi que Mme la ministre.

La lutte contre la précarité énergétique était un engagement de François Hollande. Il fallait inscrire l'action publique dans la perspective de la transition énergétique. Malheureusement, avec la suppression de l'article premier, le débat a été tronqué et laisse un goût d'inachevé. Il y avait pourtant matière à discussion, d'autant que nous pouvions donner notre propre version de ce mécanisme. L'intelligence collective de notre assemblée aurait pu trouver une autre solution, emporter les suffrages. Mais peut-être y avait-il quelque part une volonté de sanctionner le Sénat... Bref, on persiste dans l'acte manqué.

Ce premier pas vers la transition énergétique portait de nombreuses avancées. Je regrette que l'on n'aille pas plus loin mais nous voterons bien sûr le texte tel qu'il nous est présenté.

M. Jean-Claude Lenoir .  - Une opinion subtile et nuancée emporte toujours un soupçon d'hypocrisie. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Jean Paulhan.

Vous êtes satisfaits : vous allez pouvoir voter un texte vidé de son contenu, sachant que l'Assemblée nationale réintroduira l'article premier. « Ce n'est pas nous », pourrez-vous dire en vous lavant les mains. Si ce n'est pas vous, c'est donc vos frères, de l'Assemblée nationale. Comme Michel Audiard le fait dire à Lino Ventura dans Les tontons flingueurs, « si c'est pour une bonne oeuvre »...

Première conséquence de ce texte, on foule aux pieds le principe républicain d'égalité des tarifs, issu du Conseil national de la Résistance. Nous ne pouvons l'accepter. L'augmentation à venir des prix de l'électricité, qui devrait être de 30 % d'ici 2017, pèsera sur les 30 % qui ne bénéficieront pas du bonus. Pour eux, le prix sera donc multiplié par deux.

Il eût fallu faire front, organiser la fronde. Encore eût-il fallu que vous prissiez la pleine mesure de ce qui se cache derrière ce texte. Nous voterons contre avec résolution.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - C'est de la politique-fiction !

A la demande du groupe UMP, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 176
Contre 139

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)

M. Daniel Raoul, rapporteur.  - Je veux remercier tous ceux qui ont participé au débat. Merci pour les mots gentils, que je partage avec Roland Courteau. Monsieur Poniatowski, il n'y aura pas de CMP : il s'agit d'une nouvelle lecture. A l'Assemblée nationale de rependre ou non nos amendements.

M. Ladislas Poniatowski.  - C'est vrai.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Merci enfin à madame la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre .  - Merci. Le débat a été serein, approfondi. Je m'associe à l'hommage rendu à M. Courteau. Je remercie le groupe socialiste pour son soutien, ainsi que tous ceux qui ont participé à la discussion. Faisons un rêve : peut-être une troisième lecture aurait-elle permis d'adopter le bonus-malus ? (Sourires)

Je fais confiance à l'Assemblée nationale certes pour rétablir ce dispositif mais aussi pour prendre en compte les avancées que vous avez apportées. Merci à l'ensemble du Sénat. (Applaudissements à gauche)