Conventions fiscales avec Aruba et Oman (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume des Pays-Bas pour ce qui est d'Aruba relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale, et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions.
Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Discussion générale commune
M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement . - La lutte contre la fraude fiscale est une priorité du Gouvernement. Je sais que vous êtes très impliqués sur ces questions. Je me réjouis de l'adoption hier en commission à l'Assemblée nationale d'un amendement à la loi bancaire qui fait progresser la transparence.
Depuis mars 2009, la France a signé 142 accords de coopération fiscale, ce qui fait d'elle l'un des pays les plus entreprenants dans l'action internationale pour la transparence fiscale.
Il en va ainsi pour Aruba, au large du Venezuela, et pour Oman. Ces accords prévoient la levée du secret bancaire. Ils sont conformes aux modèles de conventions élaborées par l'OCDE. Certes, les standards internationaux peuvent être améliorés, mais c'est un premier pas.
Aruba s'est conformée aux standards internationaux de transparence fiscale, ce qui justifie sa sortie de la liste grise. Si le sultanat d'Oman n'a pas été évalué par le Forum, il n'a pas non plus été identifié comme présentant un risque particulier. Les accords devront être appliqués. Ils s'inscrivent dans le cadre d'un objectif global en faveur de la transparence fiscale. Au-delà des listes noire et grise établies par l'OCDE, la liste française des États non coopératifs constitue un levier supplémentaire. La France est en mesure de soumettre ceux-ci à des sanctions fiscales lourdes qui auraient des conséquences pour les entreprises.
L'application de ces accords sera suivie avec la plus grande attention par le Gouvernement et les services de l'État.
Mme Michèle André, rapporteure de la commission des finances . - L'accord entre la France et les Pays-Bas et l'accord franco-omanais renforcent la transparence fiscale en mettant en place un objectif d'échange de renseignements fiscaux conforme aux standards internationaux. L'économie d'Aruba, 100 000 habitants, repose essentiellement sur le tourisme et le pétrole. Nos échanges sont déficitaires. Aucune entreprise française n'y est installée.
L'accord-cadre élaboré en 2002 par l'OCDE est un instrument traditionnel. Aruba figurait sur la liste grise. La France a proposé à ce type de territoires de signer un accord. Des garanties supplémentaires de transparence ont été apportées. Aruba a été retirée de la liste grise dès septembre 2009. Les faiblesses identifiées par le Forum mondial ne remettent pas en cause sa capacité normative, dont tient compte votre coopération. Certaines dispositions de l'accord vont au-delà du modèle OCDE.
Une convention fiscale avait déjà été conclue avec Oman en 1989. Il s'agit ici de ratifier un avenant. L'économie du Sultanat repose sur l'exploitation des hydrocarbures. L'exploitation française y est modeste, le Sultanat n'est pas membre du Forum mondial. Cette absence d'évaluation devra nous conduire à être particulièrement attentifs à la mise en oeuvre de cet accord. Il convient de renforcer la transparence fiscale entre nos deux pays. La rédaction de la clause d'échange de renseignements est plus stricte que celle du modèle de l'OCDE.
La modification du régime de taxation introduite par l'avenant ne réduit en rien la transparence fiscale entre nos deux pays. Oman ne dispose pas d'un centre financier d'envergure. Même si l'impôt sur le revenu des particuliers n'y existe pas et si le taux de l'impôt sur les sociétés est de 12 %, Oman n'a pas été identifié comme un territoire à risque par le Forum mondial. Il conviendra néanmoins d'être attentif à l'application de cet avenant.
La commission vous propose d'adopter ces deux textes.
M. Michel Billout . - Ce n'est pas la première fois que nous nous intéressons à ce type de conventions fiscales ou d'avenants. Depuis que notre groupe a pris l'initiative d'une commission d'enquête sur l'évasion et la fraude fiscales, le Sénat est particulièrement vigilant. La fraude fiscale est source de difficultés financières majeures pour les États et de souffrances pour les populations. Évaluée à 40 milliards par le Conseil des prélèvements obligatoires et à 50 milliards par les organisations syndicales de Bercy, elle prive la France du respect de la fameuse norme de 3 % du PIB.
Aruba est une île de 100 000 habitants, vous l'avez rappelé, partie des Antilles néerlandaises, avec lesquelles nos relations commerciales sont limitées. C'est une entité démocratique, inspirée du modèle hollandais. Le droit fiscal néerlandais est bienveillant à l'égard des entreprises et singulièrement des holdings.
Le Sultanat d'Oman est une monarchie absolue, située dans le stratégique détroit d'Ormuz, dirigée depuis plus de 40 ans par le sultan Qabous, dont la famille règne depuis le temps de Louis XV. Les membres des deux assemblées sont désignés par le sultan ou élus avec son accord. On ne peut donc pas dire qu'Oman serait un État démocratique à proprement parler.
On suppose que la présente convention fiscale pourra s'appliquer, quand bien même le sultanat ignore l'impôt sur le revenu et les droits de mutation et minore le taux de l'impôt sur les sociétés. Il nous vend des hydrocarbures et nous lui vendons notamment des Airbus. Oman prépare l'après-pétrole avec ses fonds souverains, qui disposent de 24 milliards d'euros d'actifs, soit presque autant que notre fonds stratégique d'investissement.
La crise de 2008 a secoué le monde. Nombre d'organisations non gouvernementales s'interrogent sur la multiplication des conventions passées. Le groupe CRC souhaite l'organisation d'un débat sur les effets réels de notre politique de coopération et de transparence fiscale. Il pourrait être préparé en se fondant sur les documents fournis par Bercy.
M. Yvon Collin . - Depuis le G20 de Londres, qui a fait de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité, les conventions fiscales se sont multipliées mais la lutte contre la fraude et l'évasion en sont-elles renforcées ? Beaucoup reste à faire. Un rapport récent évalue à 40 millions d'euros les pertes imputables à la seule fraude fiscale. Il est difficile d'établir les chiffres avec certitude, mais l'ordre de grandeur impressionne.
Les travaux de notre commission des finances et de la commission d'enquête du Sénat ont mis en relief ce qu'étaient certains montages destinés à échapper à la contribution publique. Si nous nous montrons incapables d'adapter notre système fiscal, nous ne mettrons jamais fin à l'optimisation. Je me réjouis que ces deux accords aillent plus loin que les standards de l'OCDE. Aruba est sortie de la liste grise et a conclu depuis des accords avec de nombreux pays. Cet accord, symbolique, ne pose pas de problèmes majeurs, mais on peut s'interroger sur son utilité.
Le sultanat d'Oman n'est pas membre du Forum mondial et est toujours susceptible d'être porté sur la liste des États non coopératifs. Reste que l'on ne peut désapprouver le renforcement de la transparence. Le groupe RDSE votera donc ces textes.
Mme Kalliopi Ango Ela . - La lutte contre les paradis fiscaux n'est devenue un sujet de préoccupation de premier plan qu'en 2009, à la suite de la crise. Ce n'est pas anodin. Élue des Français de l'étranger, je déplore que l'inconduite de certaines personnalités porte préjudice aux expatriés, dont les choix de vie n'ont rien à voir avec des considérations fiscales. Si certains petits États posent problème, c'est qu'ils sont la proie des multinationales et de particuliers parmi les plus fortunés. Les banques ont une responsabilité particulière et l'on peut se féliciter qu'hier, la commission des finances de l'Assemblée nationale ait adopté un amendement qui fait progresser la transparence. Et je ne doute pas que les députés, en séance, aillent plus loin encore, en imposant aux banques d'indiquer les montants des transactions qu'elles réalisent pays par pays. Les conventions bilatérales peuvent être un outil utile, dès lors que l'on s'assure que leur application est effective, et qu'il ne s'agit pas seulement d'accorder un blanc-seing au développement des relations commerciales.
Aruba semble témoigner d'une certaine bonne volonté. Rien ne s'oppose à la ratification de sa convention. Il n'en va pas de même pour Oman : la convention qui nous lie ne comprend aucune clause d'échange d'informations mais peut-on signer un nouvel accord avec un État qui n'est toujours pas membre du Forum mondial ? La ratification de cette convention aura pour conséquence, ne l'oublions pas, de sortir Oman de la liste des paradis fiscaux.
En dépit de ces réserves, le groupe écologiste votera ce texte, tout en appelant à la plus grande vigilance. Les parlementaires pourront, pour ce faire, s'appuyer sur le rapport annuel annexé à la loi de finances. Lequel fait par exemple apparaître que le Luxembourg et la Suisse ne répondent qu'à la moitié des clauses de coopération passées et la Belgique pas du tout. Comment tolérer qu'une part importante de l'évasion fiscale que nous subissons se fasse avec des pays limitrophes, membres pour la plupart de l'Union européenne ?
M. Pascal Canfin, ministre délégué . - Beaucoup reste à faire pour lutter contre les paradis fiscaux, je vous l'accorde. La négociation avec Oman a eu lieu en 2012. La France n'a pas demandé l'inscription au Forum mondial, mais elle pourrait, si un risque particulier était identifié, l'inscrire sur la liste des États non coopératifs.
Il faut encore améliorer, au niveau de l'OCDE, les conventions, en tirant le bilan de l'expérience. Vous avez relevé que les États non coopératifs n'ont pas tous des noms exotiques : la lutte contre la fraude passe aussi par la coopération européenne. C'est pourquoi nous sommes en pointe dans la renégociation de la directive sur l'épargne.
Intervention sur l'ensemble
M. René Beaumont . - La convention avec Oman s'inscrit dans une longue lignée d'accords destinés à éviter les doubles impositions et la fraude. Nous devons au président Sarkozy d'avoir engagé avec détermination la lutte contre la fraude fiscale.
Le groupe UMP ne peut qu'approuver le renforcement de la transparence entre la France et Oman. La convention avec Aruba va aussi dans le sens d'une plus grande transparence. Les progrès de cette île hollandaise sont incontestables. La convention ne peut que contribuer à les favoriser.
Le groupe UMP votera ces deux textes.
L'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume des Pays-Bas pour ce qui est d'Aruba relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale est adopté.
L'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions est adopté.
Prochaine séance lundi 11 février 2013, à 16 heures.
La séance est levée à 19 h 25.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du lundi 11 février 2013
Séance publique
A 16 HEURES ET LE SOIR
- Projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports (Procédure accélérée) (n° 260, 2012-2013)
Rapport de M. Roland Ries, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, compétente en matière d'impact environnemental de la politique énergétique (n° 338, 2012-2013)
Résultats des travaux de la commission (no 339, 2012-2013)
Avis de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, fait au nom de la commission des finances (n° 334, 2012-2013)