Contrat de génération (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création du contrat de génération.
Discussion générale
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - (Applaudissements sur les bancs écologistes) Le contrat de génération est un outil innovant. Après les emplois d'avenir, nous poursuivons la bataille pour l'emploi.
Nous devons lutter contre la précarité qui touche les jeunes en promouvant les embauches en CDI. Nous y reviendrons dans les prochains mois, avec la validation législative de l'accord sur la sécurisation des parcours professionnels, pour que le CDI redevienne la règle.
Le contrat de génération a été proposé par François Hollande pendant la dernière campagne électorale. C'est une belle idée que de réunir les générations, d'assurer le transfert des compétences, de faire plus de place aux jeunes sans mettre dehors les plus âgés.
Notre pays se prive de compétences et de ressources : seul un jeune salarié sur deux est en CDI ; ils représentent 40 % des chômeurs, alors qu'ils ne sont que 22 % de la population active.
Ce n'est qu'après plusieurs années de stages, de contrats courts, de missions d'intérim, bref, de travail précaire qu'ils obtiennent un CDI.
Les salariés séniors sont moins touchés par le chômage que le reste de la population, mais lorsqu'ils perdent leur travail, il leur est très difficile d'en retrouver un.
Les salariés âgés au chômage se sentent rejetés par la société. Leur sentiment d'inutilité est dommageable. Dans une économie où la compétence est le premier atout, c'est un gâchis inacceptable. Les talents de tous doivent donc être utilisés.
Le contrat de génération propose un changement de regard. Au lieu d'opposer les générations, il faut les rassembler. Les salariés âgés ont un savoir-faire qui peut se perdre et les jeunes sont mieux au fait du dernier état des savoirs et des techniques. La transmission doit être organisée.
D'ici 2020, 5 millions d'actifs partiront à la retraite et 6 millions de jeunes entreront sur le marché du travail. Il faut anticiper ce renouvellement. Longtemps on a considéré que le départ des salariés âgés permettrait de faire place aux jeunes. Ce n'est pas le cas. Le contrat de génération répond au chômage aux deux bouts de la chaîne des âges ; il donne du sens au travail, en ne laissant pas perdre une vie de travail pour les séniors et en aidant les jeunes à apprendre et à acquérir l'expérience qui leur manque.
Le contrat de génération sera une source de motivation et de remotivation pour tous en montrant à chacun son utilité.
Le contrat de génération illustre la méthode gouvernementale de dialogue social. Lors de la conférence sociale de juillet les partenaires sociaux ont exprimé leur volonté de négocier les modalités de ce contrat. Début septembre, dans un document d'orientation, le Gouvernement a fixé le cadre des négociations interprofessionnelles qui ont abouti à l'accord du 19 octobre 2012, signé par tous les partenaires sociaux.
Le dispositif lui-même fait place à la négociation. L'enjeu de la question des âges est lui-même différent selon la taille de l'entreprise. Un diagnostic quantitatif et qualitatif devra être réalisé dans les entreprises de plus de 50 salariés.
Les métiers devront être identifiés, où une disproportion hommes/femmes pourrait inciter à plus de mixité. Le suivi des jeunes sera organisé pour favoriser la stabilité dans l'emploi et la transmission des connaissances.
L'article premier prévoit les modalités de mise en oeuvre du contrat de génération dans les entreprises. Dans les grandes entreprises de plus de 300 salariés, nul besoin d'incitation financière : elles engageront des négociations pour instaurer le contrat de génération. Les accords de contrat de génération se substitueront aux contrats séniors antérieurs. Nous ne créons pas une nouvelle négociation mais nous substituons l'une à l'autre.
Je salue les avancées de l'Assemblée nationale et de votre commission pour lutter contre les discriminations à l'embauche et pendant la carrière.
Les partenaires sociaux ont voulu privilégier les accords, le plan d'action n'intervenant qu'en dernier recours après échec d'une négociation de bonne foi attesté par un procès-verbal de désaccord. Votre commission a renforcé cette obligation en prévoyant la signature des représentants du personnel en l'absence de délégués syndicaux.
Tous ces accords et plans seront validés par mon ministère.
Une évaluation annuelle aura lieu et elle sera transmise aux représentants des salariés. En l'absence d'accord, l'entreprise sera soumise à des pénalités, non pour les mettre en difficulté, mais pour les inciter à s'engager en faveur des contrats de génération.
Les entreprises de moins de 300 salariés bénéficieront d'aides : 2 000 euros par an pour l'emploi d'un jeune et 2 000 euros pour le maintien d'un sénior. Les emplois créés devront être de qualité, en CDI essentiellement. Le débat à l'Assemblée nationale a posé le principe que le jeune recruté devait l'être à temps plein. Toutefois, il pourra l'être à temps partiel, mais pas en deçà de 80 % du temps plein. Les entreprises de 50 à 300 salariés devront signer un accord d'entreprise ou se conformer à un accord de branche. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l'accès à l'aide se fera sans négociation préalable.
L'entreprise pourra prétendre à l'aide si elle embauche un jeune de moins de 26 ans en CDI et/ou un sénior de plus de 57 ans. L'aide sera versée sous conditions : le salarié de 57 ans et plus ne pourra pas être licencié, sauf à perdre l'aide accordée. La transmission des entreprises sera facilitée : un jeune pourra prendre les rênes d'une entreprise vouée à disparaître.
L'article 5 a trait à l'entrée en vigueur du dispositif. Le contrat de génération pour les entreprises de moins de 50 salariés s'appliquera aux embauches effectuées dès le 1er janvier 2013 et les contrats déjà conclus pourront être modifiés, afin d'éviter que des salariés en poste ne soient remplacés par d'autres donnant droit à une aide.
L'article 5 bis a donné lieu à des questionnements.
M. Jean Desessard. - Il est intéressant.
M. Michel Sapin, ministre. - Les postes de contrôleurs pourront être transformés en postes d'inspecteurs du travail. 130 contrôleurs pourront en bénéficier dès cette année. Nous avons besoin d'agents mieux formés. Le plan de requalification marque une première étape pour arriver à un corps unique d'inspecteurs du travail. Je mène ce travail en concertation avec tous les acteurs concernés. Le dialogue social est intense tant au niveau régional que national.
Je souhaite remercier la commission des affaires sociales, son président et sa rapporteure qui s'est fortement investie. L'exercice était difficile. La démocratie sociale et la démocratie politique sont complémentaires. Je félicite l'opposition pour son attitude constructive jusqu'à présent. (Exclamations à droite)
Nous voulons changer les regards et les pratiques. Les partenaires sociaux s'y sont engagés unanimement. Ne décevons pas les jeunes qui attendent ce texte avec impatience. (Applaudissements à gauche)
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - En 2013, nous devons améliorer la qualité de la formation, préparer l'avenir de la France et des Français, en menant la bataille de l'emploi et en sécurisant les parcours professionnels.
Les jeunes qui sont le présent et le futur de notre pays sont les principales victimes de la précarité, quel que soit leur niveau de diplôme. La situation est tristement paradoxale : au début de la vie active, on a besoin de sécurité, de stabilité. Or les jeunes n'en bénéficient pas. Le CDI doit revenir au centre du jeu. Nous voulons redonner confiance à notre jeunesse et en notre jeunesse. Les séniors doivent également bénéficier de l'emploi. Certes, le CDI n'est pas l'alfa et l'oméga d'une insertion réussie, mais il est essentiel.
Le rôle intégrateur du CDI sera renforcé. Le Parlement est attaché au volet de la formation. Les députés ont renforcé l'engagement de l'entreprise d'accueil à mettre en place un suivi du jeune qui gagnera en compétence. Des amendements sénatoriaux renforcent encore ces dispositions, en l'étendant aux salariés âgés, étant entendu que le salarié âgé n'est pas forcément le sénior du binôme. Nous avons ouvert la possibilité pour un jeune en contrat d'apprentissage d'être recruté en contrat de génération.
Loin de se concurrencer, le contrat de génération et le contrat en alternance seront complémentaires. Le taux d'embauche directe augmentera, à l'issue des contrats en alternance. Former c'est bien, embaucher, c'est mieux.
M. Jean Desessard. - Bravo !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Le contrat de génération ne sera pas un nouveau contrat en alternance mais il lui emprunte le rôle du tutorat, rôle confié au référent, pas forcément le sénior maintenu dans l'emploi. Ce contrat tiendra donc une place de choix aux côtés des contrats d'avenir et de l'apprentissage. Une vaste concertation est en cours sur la collecte de la taxe d'apprentissage et qui intégrera les termes de l'accord du 11 janvier 2013.
Les présidents de conseil régional et les préfets ont reçu ces dernières semaines des documents cadres pour la mise en place des pactes régionaux pour réduire le nombre de jeunes sur le marché du travail sans qualification professionnelle.
Nous ne négligerons rien, aucune piste, vous le voyez. Nous voulons que les compétences se transmettent d'une génération à l'autre. Tel est l'enjeu du volet formation de ce projet de loi. La Haute Assemblée dégagera, je n'en doute pas, les mêmes qualités de consensus que l'Assemblée nationale.
Le groupe UMP s'est abstenu en commission pour s'exprimer en séance publique. Je ne doute pas de la richesse de nos discussions. Ce texte majeur marquera la fin d'une concurrence délétère sur le marché du travail entre jeunes et séniors. (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Demontès, rapporteure de la commission des affaires sociales . - Je reviens sur un constat hélas non contestable : le chômage atteint, avec 10 %, un niveau inégalé dans notre pays et touche 25 % des moins de 25 ans, avec des pointes à 40 % dans certains territoires. S'il est moindre, le taux des plus de 50 ans inscrit à Pôle emploi a néanmoins doublé depuis 2008. Nous les rencontrons tous, ces travailleurs qui perdent leur salaire et ont le sentiment terrible de ne servir à rien.
Telle est la segmentation du marché du travail français : il repose principalement sur les 25-55 ans, dont le taux d'emploi était de 81,4 % en 2011 contre 77,6 % en moyenne dans l'Union européenne. À l'opposé, les jeunes et les salariés âgés se trouvent bien souvent dans une situation précaire. CDD, intérim ou stages représentent 55 % de l'emploi des 15-24 ans contre 40 % dans l'Union européenne. Un jeune sur deux en temps partiel subit un sous-emploi qu'il n'a pas choisi. Le taux d'emploi des 15-24 ans plafonne à 30 %, soit quatre points de moins que la moyenne européenne et à 41,5 % pour les 55-64 ans, soit six points de moins. Autant dire que notre marché du travail est organisé autour d'une seule génération.
Le texte sur les emplois d'avenir, adopté à l'automne, aidera les jeunes sortis de la formation initiale sans diplôme à acquérir une première qualification. Le contrat de génération apporte une réponse aux problèmes structurels de notre marché du travail. Cette innovation majeure rompt avec le clivage entre les jeunes et les séniors et avec le postulat selon lequel la sortie anticipée des salariés les plus âgés favoriserait l'emploi des plus jeunes.
Lors de la grande conférence sociale de juillet dernier, Les partenaires sociaux ont souhaité se saisir du sujet ; il est donc logique que ce projet de loi soit la transposition fidèle de l'accord national signé à l'unanimité le 19 octobre dernier, dont il se borne à préciser certains éléments. C'est le résultat, le succès d'une méthode qui donne toutes ses chances à la négociation sociale.
Le coeur du dispositif consiste à accorder une aide forfaitaire de 4 000 euros par an aux entreprises de moins de 300 salariés qui embauchent en CDI un jeune de moins de 26 ans, ou un handicapé de moins de 30 ans, à condition de maintenir en emploi un salarié de plus de 57 ans, un handicapé de plus de 55 ans, ou une personne embauchée de plus de 55 ans. Le contrat de génération n'est pas un emploi aidé. Le jeune en CDI est un salarié comme les autres, qui bénéficie des mêmes droits. Le contrat de génération n'est pas non plus un contrat de formation en alternance.
Il prend des formes différentes selon la taille de l'entreprise. L'État ne signe pas de chèque en blanc. Lorsqu'un chef d'entreprise de moins de 50 salariés âgé de plus de 57 ans embauche un jeune de moins de 26 ans en vue de lui transmettre son entreprise, il peut bénéficier de cette aide. Nous savons combien les très petites entreprises et les artisans peinent à assurer leur succession.
Les entreprises de 50 à 300 salariés ne bénéficient de l'aide que si elles ont conclu un accord collectif d'entreprise « intergénérationnel » ou, à défaut, si un plan d'action a été arrêté par l'employeur. En cas d'absence d'accord collectif d'entreprise et de plan d'action, elles peuvent bénéficier de l'aide si elles sont couvertes par un accord de branche étendu. L'accord, quel qu'il soit, doit être précédé d'un diagnostic, qui n'était pas imposé par les accords de 2009 sur l'emploi des séniors.
Troisième cas de figure, les entreprises et Epic de plus de 300 salariés n'ont pas droit à l'aide de 4 000 euros mais elles doivent conclure un accord collectif d'entreprise ou élaborer un plan d'action. L'absence de ces documents, ou leur non-conformité aux dispositions légales, est sanctionnée par une pénalité, dont le montant ne peut dépasser le plus élevé de ces deux plafonds : 1 % de la masse salariale ou 10 % des réductions de cotisations patronales.
Le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale comporte six articles en plus de l'article premier, l'article premier bis sur l'outre-mer, l'article 2 sur la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), l'article 3 sur la suppression des accords séniors, l'article 4 sur l'habilitation du gouvernement à adapter la loi à Mayotte, l'article 5 sur les conditions d'entrée en vigueur du contrat de génération. L'article 5 bis ouvre une voie de recrutement d'inspecteurs du travail pour les contrôleurs ; l'article 6 demande un rapport annuel sur l'application du contrat de génération.
La commission des affaires sociales a préservé l'équilibre du projet de loi. Elle a souhaité renforcer le dialogue social de l'entreprise en restreignant l'usage d'un plan d'action unilatéral par l'entreprise. Dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégués syndicaux mais dotées d'institutions représentatives du personnel, l'employeur ne peut élaborer un plan d'action unilatéral qu'après avoir épuisé la voie de la négociation avec les représentants des salariés.
Les accords et plans doivent dorénavant attacher une attention particulière à la formation des référents, chargés de la transmission des savoirs et des compétences, et des salariés âgés, notamment ceux de plus de 45 ans faiblement qualifiés. Ils devront aussi évaluer la mise en oeuvre des accords séniors de 2009, dans le cadre du diagnostic prévu par la loi. À l'initiative de notre collègue Desessard, il nous a semblé nécessaire d'inscrire la négociation du contrat de génération dans le sillage des accords séniors.
Troisièmement, ces documents assureront la réalisation des objectifs de lutte contre les discriminations à l'embauche ainsi que durant le déroulement de carrière des salariés. Enfin, ils traiteront obligatoirement de l'amélioration des conditions de travail et de la prévention de la pénibilité.
L'Assemblée nationale avait imposé une négociation obligatoire sur le thème plus restreint des conditions d'emploi des salariés âgés, ce qui constituait déjà une avancée. Constatant que les accords séniors de 2009 avaient peu traité la question des conditions de travail, votre commission a souhaité maintenir cette obligation, et reprendre fidèlement les termes de l'accord du 19 octobre.
La commission a clarifié les conditions d'éligibilité à l'aide financière de l'État, qui sera interdite si l'entreprise a procédé lors des six derniers mois à un licenciement économique. L'aide ne pourra être accordée en cas de recours précédant une rupture conventionnelle à un licenciement pour motif autre que faute grave.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Dans un souci de cohérence du projet de loi, la commission des affaires sociales a supprimé l'article premier bis et intégré ses objectifs à l'article 6. Elle a souhaité qu'une réflexion soit engagée, trois ans après promulgation de la loi sur l'opportunité de modifier les bornes d'âge. Enfin, elle a supprimé l'aide à l'emploi des séniors créée par la loi des retraites de 2010, disposition dont les décrets d'application n'on jamais été publiés.
Il faut mobiliser toutes les énergies contre le chômage. Le contrat de génération va au-delà.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Il rassemble les formations. Je vous appelle toutes et tous à soutenir ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Je salue l'élégance de M. Desessard qui permet à Mme Debré de s'exprimer avant lui.
Mme Isabelle Debré . - Je le remercie de sa courtoisie, connue et reconnue dans cet hémicycle. (Applaudissements) Après cela, on a dit que le Sénat est machiste !
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Cela dépend quand...
Mme Isabelle Debré. - Je n'en ai jamais souffert.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Moi si.
Mme Isabelle Debré. - Engagement n°33 de François Hollande durant la campagne présidentielle, le contrat de génération était présenté comme un tutorat ayant pour objectif de transmettre les savoir-faire et d'intégrer les jeunes dans la vie professionnelle.
Pendant la campagne des primaires socialistes, Laurent Fabius voyait dans cette mesure une nouvelle niche fiscale.
M. Philippe Bas. - Il avait raison.
Mme Isabelle Debré. - Mme Aubry disait que cela serait coûteux et ne marcherait pas.
M. Philippe Bas. - Exactement.
Mme Isabelle Debré. - Ségolène Royal a également critiqué ce projet pour son coût.
M. Gérard Longuet. - Très bien !
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Les contrats de génération coûteront moins cher que les exonérations sociales.
Mme Isabelle Debré. - Probablement, pour des raisons électorales...
M. Jean Desessard. - Les élections sont passées.
Mme Isabelle Debré. - ... ce projet est néanmoins présenté, mais il dévie du tutorat initialement prévu. Il laisse à l'entreprise beaucoup plus de liberté. Il a fallu que l'Assemblée nationale précise le projet de loi initial.
Rien ne dit que le référent sera le sénior binôme du jeune.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Heureusement !
Mme Isabelle Debré. - Où est le lien entre les générations ? Rien ne lie les deux salariés. Ce contrat dit de génération n'en est pas un.
M. Gérard Longuet. - Eh oui !
Mme Isabelle Debré. - Et il est loin de pouvoir créer le nombre d'emplois annoncé : seulement 50 000 à 100 000 selon l'OFCE.
Le projet de loi exclut les moins de 55 ans. Pourquoi, monsieur le ministre ? Le taux de chômage des plus de 50 ans a augmenté de 16 % en un an ! Le Gouvernement fait fausse route.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - On verra.
M. Michel Sapin, ministre. - J'ai peur...
Mme Isabelle Debré. - Pour créer de l'emploi, il faut développer l'activité économique, dans un environnement réglementaire stable avec une baisse des charges salariales.
M. Roland Courteau. - Qu'avez-vous fait pendant toutes ces années ?
Mme Isabelle Debré. - Dans le contexte économique actuel si incertain, l'aide financière ne sera pas déterminante. L'emploi ne se décrète pas...
M. Ronan Kerdraon. - Elle le facilite !
Mme Isabelle Debré. - Le plan et l'accord de groupe ou de branche ou d'entreprise seront complexes. En cas de désaccord, la procédure le sera encore plus. Vous ajoutez de nouvelles contraintes, en rompant l'égalité entre les entreprises puisque vous exposez celles de plus de 300 salariés à des sanctions...
M. Michel Sapin, ministre. - Et avant ?
Mme Isabelle Debré. - ... financières dès le 30 septembre prochain.
M. Jean Desessard. - Eh oui !
Mme Isabelle Debré. - Il faut leur donner plus de temps. J'ai déposé un amendement en ce sens.
Il eût été plus logique de ne viser que les entreprises de plus de 300 salariés. Vous allez rajouter une nouvelle sanction, il est vrai que certains ministres montrent une belle défiance à leur endroit...
Le contrat de génération coûtera annuellement un milliard d'euros. Pourquoi ne pas communiquer sur ce financement ? Le Gouvernement ferait mieux de renforcer celui des contrats existants. Le budget dédié à l'apprentissage ne représentera que 838 millions d'euros. Il faut développer l'apprentissage, messieurs les ministres.
Mme Christiane Demontès, rapporteure. - Vous ne l'avez pas fait !
Mme Isabelle Debré. - Il eût fallu laisser aux partenaires sociaux et au Parlement tout le temps nécessaire. Les députés ont examiné le texte le jour même de sa présentation en Conseil des ministres et nous avons pris connaissance du rapport Demontès le lendemain de l'audition du ministre Repentin.
M. Ronan Kerdraon. - Nous avons d'autres exemples !
Mme Isabelle Debré. - Nous ne remettons nullement en cause la valeur du travail des partenaires sociaux.
M. Roland Courteau. - Quand même !
Mme Isabelle Debré. - Je salue ce dialogue social fructueux, rendu possible par un texte voté par l'ex-majorité. (Applaudissements sur les bancs UMP) Le groupe UMP ne votera pas ce texte. Comme son adoption est inévitable, nous déposerons des amendements, en tentant de revenir sur les complications supplémentaires introduites par l'Assemblée nationale.
Nous dénonçons un objectif d'affichage coûteux et inefficace. Il est temps de s'attaquer aux vrais problèmes, comme le précédent gouvernement avait commencé à le faire.
M. Alain Néri. - Houla ! Avec quel succès !
Mme Isabelle Debré. - Il s'agit plutôt de maîtriser les finances publiques que d'engager des expérimentations hasardeuses. (Applaudissements à droite)
présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président
M. Jean Desessard . - Je le répète, le taux d'emploi des jeunes et des séniors est plus faible en France que chez nos voisins européens. L'ensemble de l'activité des entreprises repose sur une part réduite de la population active. Quelle vision court-termiste ! Qu'advient-il du renouvellement des générations et de la transmission des compétences ? Est-ce la course généralisée au jeunisme qui infantilise les jeunes adultes en les cantonnant aux emplois précaires et qui socialise la sortie de l'emploi des plus âgés ?
Le contrat de génération invite à un changement d'attitude. Il encourage une réconciliation des générations au sein de l'entreprise, avec des recrutements sur des emplois stables.
Combien de salariés constatent qu'ils ne seront pas remplacés à leur retraite ? Nous souffrons de cette politique qui pousse dehors les salariés âgés trop exigeants, trop bien formés et trop chers. Les représentations sociales négatives à l'encontre des salariés âgés ont la vie dure. Je vous renvoie aux enquêtes menées auprès des recruteurs par le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, non aux discours officiels, mais à ceux qui ont été recueillis lors des entretiens. Toutes les entreprises constatent que dans les faits, l'embauche d'un sénior est l'exception. Une seule entreprise avait fixé un objectif chiffré en la matière.
Les séniors jouent pourtant un rôle essentiel, pour transmettre les savoir-faire et les savoir-être. Monsieur le ministre, lors de votre audition par le groupe écologiste, vous avez souligné l'exemple des anciens agents de la SNCF que l'on sollicite pour les réparations des ouvrages d'art.
Le contrat de génération est une occasion pour l'entreprise de penser son avenir, d'anticiper le renouvellement des générations et des métiers, dans une perspective de long terme. L'extension du dispositif aux chefs d'entreprises aidera les PME commerciales et artisanales à passer le relais.
Le contrat de génération se présente comme une perspective d'emploi stable. Oui, c'est une embauche en CDI, sur du temps plein !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Répétez-le ! (Sourires)
M. Jean Desessard. - Le contrat de génération donnera aux jeunes un statut, loin des contrats précaires d'aujourd'hui. À toute agence immobilière, il faut présenter un CDI pour louer. Comment alors se loger si l'on n'en a pas ?
Sans surprise, monsieur le ministre, le groupe écologiste à l'unanimité approuve la création du contrat de génération.
J'ai toutefois quelques petites questions. Créera-t-il des emplois de manière collective ? Résolvons-nous ainsi l'ensemble des plans d'emplois des séniors ? Il ne faudrait pas que cela tourne à la guerre des générations par un jeu de chaises musicales. Évitons aussi l'effet d'aubaine ; le réserver aux TPE et PME limite ce risque mais est-on pour autant à l'abri ? Enclenche-t-il une spirale positive générale de créations d'emplois ?
En commission, Mme la rapporteure a cité l'exemple finlandais qui a joué un rôle catalyseur. Nous en débattrons. Nous devons nous atteler à la place des jeunes dans l'entreprise et notamment à la problématique des stages. Ces invisibles des entreprises servent à limiter les embauches, conformément à la vision court-termiste qui règne dans les entreprises. Un encadrement plus strict des stages permettrait d'agir non contre la concurrence mondiale, mais contre la concurrence locale. Le contrat de génération ouvre une fenêtre d'opportunité qui doit être encadrée.
Embaucher un sénior, c'est positif, mais on part de très loin. Le décrochage à l'âge de 56/57 ans reste important, alors même que l'âge de départ à la retraite a été repoussé.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Eh oui !
M. Alain Néri. - Cela peut s'améliorer...
M. Jean Desessard. - Malgré ces risques, nous soutenons ce contrat de génération...
M. Alain Néri. - C'est le bon sens !
M. Jean Desessard. - ... qui s'inscrit dans une vision moderne de notre pays. À nous de transférer cette vision prometteuse pour atteindre notre objectif à tous : un emploi pour toutes et tous.
M. le président. - Nous reprendrons le débat sur ce texte à 22 h 30.