Simplification des normes
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales. Le décompte des quatre heures commence maintenant, à 15 h 15.
Discussion générale
M. Éric Doligé, auteur de la proposition de loi . - Baisser les dépenses publiques est une exigence. Dès les années 1990, le Canada, la Suède, la Finlande, le Danemark n'ont pas hésité à tailler dans leurs dépenses administratives et à réduire la voilure, comme savent le faire les entreprises pour préserver leur compétitivité. Lorsque le président Sarkozy a déclaré un moratoire sur les normes applicables aux collectivités territoriales et nommé un commissaire, j'ai compris que nous nous engagions sur la bonne voie pour desserrer les contraintes et alléger les coûts qui pèsent sur nos collectivités. Toutes les associations d'élus locaux aspirent à la simplification, qui passe, d'abord, par l'évaluation préalable des nouveaux projets de textes. La Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) devrait être sollicitée chaque fois. Il faut ainsi réduire l'instabilité juridique, réagir à l'absence de décrets d'application, adopter les normes à la taille des collectivités.
La simplification est urgente face à l'engrenage normatif qui entrave l'action des collectivités locales. C'est une obligation de résultat plutôt que de moyens qu'il faut promouvoir. Mon rapport, remis en juin 2011, a précédé le dépôt de cette proposition de loi. M. Gérard Larcher, alors président du Sénat, a saisi le Conseil d'État sur ce texte, que le président Bel a remis à l'ordre du jour : le revoici, après le renvoi en commission de février. Les états généraux de la démocratie territoriale ont montré que les normes sont au centre des préoccupations des élus. Comme son prédécesseur, le président de la République a plaidé pour leur simplification. Telle est aussi la conviction du président du Sénat. Le point nodal est celui de l'adaptabilité : c'est l'objet de l'article premier de ce texte. J'ai pris en compte les remarques du Conseil d'État mais ma proposition n'a pas l'heur de plaire à la majorité du Sénat : il faudra faire preuve de patience. J'ai redéposé un amendement. Le Conseil d'État estime que des adaptations tenant compte des capacités financières des collectivités territoriales sont possibles. Il est clair que, pour les normes environnementales et pour l'accessibilité, les délais seront impossibles à tenir.
Les articles relatifs à la CCEN et à la Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres) ont fait l'objet d'amendements intéressants, mais il ne faudra pas oublier la représentation des élus.
L'article 18, relatif aux CCAS, pose problème. La commission des lois a suggéré de fixer un seuil d'obligation : la solution est intéressante.
Le président de la République a précisé ce lundi que tous les ministères ont été saisis et doivent proposer des simplifications de normes.
L'article 27 a trait à l'archéologie préventive mais il a été supprimé au motif que la ministre de la culture prépare un texte en la matière ; je crains le pire car, à chaque nouveau texte, les coûts augmentent et les entreprises se délocalisent dans des pays plus accueillants... N'y a-t-il pas d'autres priorités ?
J'ai tenu aussi à traiter des centres dédiés au dépistage des maladies sexuellement transmissibles (MST) et à l'information sur celles-ci. J'avais prévu de retirer l'article 33, mais le Conseil national du Sida est favorable à la fusion, ce qui m'a convaincu de le réintroduire.
Nous devons avancer sur ce dossier. Jean-Pierre Bel a demandé, le 10 octobre, que nous préparions une proposition de loi sur la simplification des normes : elle est déjà prête ! 65 amendements ont été déposés sur ce texte, mais une douzaine d'amendements m'apparaissent des cavaliers puisqu'ils traitent de l'hébergement des personnes âgées. J'espère qu'ils n'ont pas pour objet réel d'empêcher l'adoption de ce texte dès aujourd'hui... (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Jacqueline Gourault, rapporteure de la commission des lois . - Je ne reviens pas sur la procédure : M. Doligé a été clair. Bien sûr, il faut simplifier les normes : les élus n'en peuvent plus et les budgets des collectivités territoriales souffrent de l'inflation normative.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation avait identifié, en 2011, les secteurs les plus touchés par la production des normes, sujet qui a d'ailleurs été une des préoccupations majeures des états généraux des collectivités territoriales voulus par Jean-Pierre Bel. Cette proposition de loi est un premier pas positif et la commission des lois y est favorable. Elle a cependant écarté plusieurs mesures qui n'allaient pas dans le sens de la simplification, qui n'avaient aucun lien avec le texte ou qui n'étaient pas juridiquement sûres.
Elle a d'abord supprimé l'article premier, qui affirmait le principe de la proportionnalité des normes. Elle n'est pas opposée au principe mais la mise en musique de celui-ci n'est pas aisée ; le Conseil constitutionnel a jugé qu'un tel principe ne pouvait être énoncé de manière générale et universelle. En d'autres termes, la proportionnalité des normes doit être traitée au cas par cas. C'est au pouvoir prescripteur, par exemple au Parlement, de prévoir une modulation des règles dans le respect du principe d'égalité.
Pour renforcer le contrôle des normes, la commission des lois a étendu les compétences de la CCEN au stock et non plus seulement au flux des normes ; elle a adopté le principe d'un rapport annuel qui sera l'occasion de faire un bilan des normes existantes, obsolètes ou inapplicables, dans un secteur particulier.
Ce rapport serait remis -et non transmis- au Parlement et au Premier ministre, à l'instar de celui présenté chaque année par le Premier président de la Cour des comptes.
La commission des lois n'a pas, en revanche, étendu la compétence de la CCEN aux règlements des fédérations sportives, aujourd'hui soumises au contrôle de la Cerfres. Elle a légalisé l'existence de celle-ci, a attribué en son sein la moitié des sièges aux représentants des collectivités territoriales et allongé le délai dans lequel elle doit rendre ses avis.
La commission des lois a supprimé les articles 3 et 4 prévoyant la création de formations restreintes au sein du comité des finances locales par souci de ne pas encombrer le paysage institutionnel local.
Elle approuve les mesures simplifiant l'organisation et la gestion des collectivités. Elle a maintenu l'exclusivité du support papier pour le recueil des actes administratifs et prévu qu'en cas d'option pour la dématérialisation, la commune devra procéder à un affichage en mairie. Elle a prévu également un dispositif allégé pour les documents des syndicats mixtes relatifs aux délégations de service public.
Le compte de gestion sera envoyé, par voie dématérialisée, à la demande non pas du préfet mais de l'exécutif territorial. La commission a maintenu à douze jours le délai de transmission des rapports aux membres des assemblées délibérantes et institué un délai homologue de cinq jours pour les dossiers à l'ordre du jour de la commission permanente des conseils généraux et régionaux. Elle a harmonisé le régime d'adoption du règlement intérieur. Elle a supprimé l'article 32 qui ouvrait aux communes la faculté de procéder à certains concours de recrutement, en privilégiant la mutualisation par l'intermédiaire des centres de gestion.
Nous avons précisé la rédaction de l'article relatif aux CCAS, dont beaucoup sont des coquilles vides dans les petites communes. Nous avons supprimé divers articles qui ne nous paraissaient juridiquement pas assez solides, notamment en matière d'urbanisme. Nous avons fait de même pour la fusion des deux structures de dépistage des MST : nous ne sommes pas opposés à la fusion mais la confidentialité des données doit être préservée.
Avec ce texte, nous faisons un premier pas dans la bonne direction. Encore faut-il que la CCEN et la Cerfres aient les moyens de leur mission.
M. Jean-Claude Lenoir. - Il faut les leur donner !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteure. - Ces deux instances doivent voir leurs moyens abondés. (Applaudissements à droite)
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Voilà plus d'un an que le Sénat examine cette proposition de loi, parce que faire simple est compliqué... Et parfois, en voulant faire simple, on ajoute de la complexité à la complexité.
Le rapport Belot de février 2011 parlait de la « maladie » de la norme et celui de M. Doligé identifiait 268 propositions essentielles de simplification. Comme beaucoup, j'ai été sensible au résultat du récent sondage qui témoignait du désir des élus locaux de voir les normes simplifiées en matière d'urbanisme et de marchés publics. L'objectif de la proposition de loi fait consensus.
Je crains pourtant que le travail fourni ne soit pas toujours à la hauteur des enjeux. La commission des affaires économiques s'est saisie des articles 19 à 26, relatifs à l'urbanisme. Il convient de supprimer l'article 20, qui instaure des secteurs de projet dans lesquels les règles d'urbanisme peuvent être suspendues ; l'article 21 qui relève du domaine règlementaire ; l'article 23 qui modifie les règles de caducité des clauses du cahier des charges d'un lotissement ; l'article 24 qui ouvre la possibilité de signer des promesses de vente ou de location avant la délivrance du permis d'aménager ; et l'article 26 relatif aux aires de stationnement, qui est d'évidence un cavalier. La commission approuve en outre les articles 10, 22 et 25.
La simplification des normes est un grand sujet. En tant que maire, je constate tous les jours combien il est difficile de mener à bien des projets. Nous devons nous atteler à la tâche, mais de façon plus approfondie, en nous appuyant sur les résultats de l'enquête des états généraux. M. Doligé a le mérite d'aborder ces questions, mais il faut encore travailler pour éviter d'aller à l'encontre de l'objectif de simplification.
Nous avons entendu les chefs d'entreprises et les responsables de développement dire qu'il fallait simplifier pour être plus compétitifs. Mais prenons le temps de la réflexion pour mener ce projet à bon port. Pour une société plus dynamique et plus fluide, un travail de simplification est absolument nécessaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - Notre commission s'est saisie des articles premier, 2 et 27.
En février dernier, le Sénat a judicieusement décidé de renvoyer cette proposition de loi en commission pour approfondir le travail. Dans son texte, M. Doligé a trois objectifs : réduire les coûts, accélérer les procédures et renforcer la concertation dans le processus de production des normes. Ces préoccupations sont celles de tous les élus. Dès le 4 septembre, le président du Sénat a identifié deux batailles à mener : simplifier les normes existantes et enrayer la machine à produire de nouvelles normes. Le président de la République a affirmé de son côté, le 5 octobre, que « la confiance est dans l'allégement des normes ».
L'inflation normative vient en particulier des normes dont sont assorties les compétences transférées. En 2007, M. Lambert estimait déjà dans un rapport que l'inflation des normes était une entorse au principe de libre administration des collectivités locales. Il faut associer celles-ci plus étroitement à la production des normes. Il ne s'agit pas de déréglementer à tout va mais d'améliorer l'existant. L'équilibre est difficile à trouver, prenons le temps de mener à bien cette politique publique de simplification.
Votre commission a décidé de ne pas réformer aujourd'hui l'archéologie préventive afin de ne pas anticiper sur le travail qui a été entrepris et qui doit déboucher sur des dispositions particulières au sein de la loi relative au patrimoine, attendue en 2013. Donnons-nous le temps de la concertation, faute de quoi nous risquons de créer de nouvelles contraintes, de nouveaux dysfonctionnements, une nouvelle instabilité juridique. Comme l'a écrit Cicéron, « nous sommes esclaves des lois pour pouvoir être libres ».
L'article 27, dont l'examen a été délégué à la commission de la culture, doit être supprimé. Selon le texte de notre collègue Eric Doligé, la convention doit être signée dans un délai de deux mois à compter de sa réception par la personne projetant d'exécuter les travaux. A défaut, le représentant de l'État dans le département, saisi par une des parties, peut fixer la date de début de réalisation des diagnostics ; si le défaut de signature est lié à un désaccord sur certaines dispositions, celles-ci sont déterminées par le préfet de département. En l'absence de décision de ce dernier dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, la prescription est réputée caduque.
Il n'est pas question pour nous d'éluder les questions soulevées en juillet 2011 dans leur rapport par MM. Dauge et Bordier, et il faut certainement fluidifier la chaîne de l'archéologie préventive, mais pas au détriment de la cohérence et de la sécurité juridique. De plus, un Livre blanc sur l'archéologie préventive doit être rédigé d'ici mi-2013 : attendons sa publication pour agir. D'autant qu'une réforme du financement de l'archéologie préventive et de la gouvernance de l'Inrap est en cours.
Sur le fond, le dispositif proposé pose plusieurs difficultés : le rôle d'arbitre confié au préfet du département, l'absence de garanties sur la libération du terrain, l'uniformisation des délais. Si l'aménageur débute les travaux et trouve des vestiges, la loi de 1941 s'appliquera. La commission est également défavorable à l'amendement extérieur modifiant la rédaction de l'article 27, qu'elle souhaite supprimer.
J'en arrive au principe de proportionnalité des normes, objet de l'article premier : la commission des lois l'a supprimé à bon droit. Le président de la République a estimé que si « l'uniformité ne garantit pas l'égalité », le principe d'adaptation ne peut être général, sauf à affaiblir le principe d'égalité des citoyens devant la loi. On ne peut prendre le risque de voir les lois appliquées à la carte par les préfets.
L'article 2 soumet les normes sportives à l'avis de la CCEN, sachant que leur modification peut être lourde de conséquences sur les finances des collectivités territoriales. En 2011, le rapport de M. Doligé montrait que la Cerfres était rarement saisi. Dans la mesure où ce sont les communes qui, in fine, doivent mettre les équipements aux normes, leur représentation au sein de la Cerfres méritait d'être renforcée : tel est l'objet de l'article 2 bis, auquel la commission de la culture est favorable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable . - Votre commission est saisie pour avis des dispositions relatives à l'environnement. Ce texte est majeur pour nos collectivités.
M. Charles Revet. - C'est vrai !
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Les collectivités locales ploient sous le poids des normes : le sujet n'est pas nouveau mais il s'aggrave d'année en année. Je salue la qualité du travail de M. Doligé. (Applaudissements à droite) Des associations d'élus avaient été associées à ses travaux ; c'est dire que sa proposition de loi a été à tort rejetée par le Sénat en février. La majorité semble consentir enfin à son adoption -mais à quelles conditions ?
Le Premier ministre a admis qu'on ne pouvait plus accepter la situation actuelle. Il a souhaité que les collectivités territoriales puissent adapter les normes, comme le proposait l'article premier... supprimé par la commission des lois.
Le caractère uniforme de la loi et des normes crée des difficultés totalement injustifiées aux petites communes. Le président du Sénat a demandé à la commission des lois et à la délégation aux collectivités territoriales de faire de nouvelles propositions de simplification. La majorité aurait pu saisir l'occasion de donner du temps au débat, pour aboutir ; ce ne sera pas le cas.
L'article 28 reporte de six à neuf mois le délai de présentation du rapport annuel sur les délais sur les prix et la qualité des services de distribution d'eau et d'assainissement, et prévoit une obligation de transmission à l'Onema. Votre commission propose de rendre facultative cette transmission pour les communes de moins de 3 500 habitants. L'article 29 crée un service public industriel et commercial pour la gestion des eaux pluviales, mais il n'est pas prévu pour le financer de ressources autres que l'affectation de la taxe annuelle « eaux pluviales », facultative et de rendement faible. Votre commission propose la suppression de cet article, qu'approuve M. Doligé.
L'article 30 unifie la planification de la gestion des déchets : la commission souhaite le modifier pour prévoir la présence de représentants des groupements de communes et des associations de consommateurs au sein de la commission consultative de suivi et supprimer la dérogation prévue pour la Corse à la limite de 60 % de la quantité des déchets produits fixée pour le dimensionnement des installations d'incinération et d'enfouissement des déchets ultimes. Enfin, l'article 31 permet aux communes de plus de 50 000 habitants, qui sont tenues d'élaborer un plan climat-énergie territorial, de confier cette mission à une intercommunalité dont elles sont membres ; la commission propose de reporter au 31 décembre 2013 la date-butoir pour adopter les plans climat-énergie territoriaux.
Je suis maintenant invité à donner mon avis personnel sur cinq amendements déposés au titre IV. La mise en oeuvre du service public d'assainissement non collectif (Spanc) devrait être effective d'ici décembre, ce qui ne sera pas le cas. Au rythme actuel, il faudrait cent trente ans pour toutes les installations autonomes soient mises aux normes. Il convient donc d'en reporter l'échéance, comme le proposent deux amendements.
Je suis en revanche défavorable à un amendement qui autorise les communes à moduler le tarif de l'eau sur l'année, comme à la suppression de l'article 30 qu'approuve la commission des lois.
J'espère que ce texte sera adopté par le Sénat. Nous devons rendre la loi plus réaliste, mieux adaptée aux besoins et aux capacités des collectivités locales.
Je regrette que l'on limite ce débat à quatre heures, au mépris de la démocratie territoriale tant vantée lors des états généraux des collectivités locales. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois . - Une société sans norme, c'est l'anarchie. Une société sans règles, c'est une société inconstituée. Pourquoi le Parlement existe-t-il sinon pour faire des lois ?
M. Charles Revet. - Mais pas pour tout et n'importe quoi !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. A quoi sert la politique, sinon à définir les règles du vivre ensemble sans lesquelles ni la justice ni l'égalité ne sont garanties ? Gardons-nous de nier ici ce qui fait l'essence de notre tâche. Et des contradictions : tel qui ce matin dénonce l'abondance des normes se bat pied à pied l'après-midi sur ses amendements pour en ajouter.
En 1529, Geoffroy Tory codifiait, dans Champ fleury, la ponctuation. Les puristes s'indignèrent alors. Trois siècles plus tard, lorsqu'il fut question de la supprimer, d'autres puristes s'élevèrent contre une telle réforme au nom du génie de la langue française. Il en va de même aujourd'hui sur les normes.
On a inscrit dans la Constitution le principe de précaution,-je ne l'ai pas voté. Mais la société sans risque n'existe pas et rien ne sert de multiplier les précautions à l'infini. Le travail d'Éric Doligé est donc justifié.
M. Charles Revet. - Il a beaucoup et bien travaillé !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Il est bon que nos rapporteurs aient planché sur son texte. Les états généraux ont fait entendre le même désir de rationalisation de ces normes. Le président Bel a dit et redit qu'il souhaitait que l'on se rassemble sur ce sujet. Je souhaite de tout coeur que nous aboutissions, comme sur le statut des élus, ou plus exactement sur les dispositions nécessaires pour que plus de Français accèdent aux fonctions électives. Les états généraux ont mis au jour bien des situations délicates, telle celle des maires de petites communes qui n'osent se faire voter une indemnité.
Mais attention : ne tombons pas dans le syndrome des lois Warsmann, sans quoi on n'en sortira pas et nos groupes ont été sages de ne pas multiplier les amendements.
La question centrale est celle de l'adaptabilité des normes. Mais, en matière de sécurité, de santé, on est en droit d'attendre que les règles s'appliquent dans l'égalité sur tout le territoire. Comment imaginer des lois à géométrie variable ? Le code de la route n'est pas différent selon que l'on circule dans une agglomération ou dans un village. Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas simplifier et tout ce qui ira dans ce sens sera bienvenu.
L'esprit d'initiative ne s'accompagne pas de contraintes excessives mais la puissance publique est là pour réguler : il faut concilier, dans un sprint républicain, ces deux exigences. (Applaudissements à gauche)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Cette proposition de loi, déposée en août 2011, faisait suite à votre mission, monsieur Doligé, qui s'était conclue par 268 mesures de simplification et d'accélération des procédures, après le rapport Belot dénonçant la maladie de la norme.
Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, rappelait devant le groupe de travail commun Assemblée nationale-Sénat, que le CGCT avait été modifié pas moins de quarante fois en 2009, autant qu'en 2007 et en 2005. Tant de modifications législatives en moins de dix ans ! Les collectivités locales en ont fait les frais, qui ont été considérées comme des variables d'ajustement. On peut comprendre que des voix se soient élevées pour dire leur exaspération. Les états généraux ont été leur caisse de résonance : assez de normes illisibles, complexes, coûteuses.
Le Gouvernement sera à vos côtés. Il faut trouver les moyens de limiter les effets pervers des normes. Les élus locaux ne ménagent pas leur peine, non plus que le Sénat, chargé de les représenter.
Dans cette proposition de loi, il ne reste guère de propositions qui figurent dans le rapport Doligé. C'est que tout ne relève pas de la loi et le pouvoir réglementaire aura sa part à prendre. Mais il est aussi des raisons politiques plus profondes : il faut éviter toute suspicion de dérégulation.
Sous la Ve République et avec la construction européenne, les autorités légitimes, nombreuses produisent des normes qui s'additionnent. D'où une judiciarisation, qui a elle-même pour effet de produire de la norme.
Dans un État de droit, la norme protège : organisation des services, exigence de sécurité, protection des personnes vulnérables, les prescripteurs ont toujours eu le souci de l'intérêt général. Il est difficile de revenir en arrière sans craindre d'affaiblir un arsenal juridique qui apporte quand même quelques garanties. La norme ne fait pas que protéger : elle a permis des sauts technologiques dans l'industrie, en obligeant les acteurs à trouver de nouveaux procédés de fabrication.
Nous en avons discuté avec M. Lambert : la question est de savoir pourquoi la machine s'est emballée.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Absolument !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Pourquoi la loi de 2005 sur l'accessibilité de la loi a-t-elle pris tant de retard ? Pourquoi les acteurs n'ont-ils pas réussi à s'adapter aux nouvelles contraintes du Grenelle ? Trop de normes pointilleuses, trop peu de place laissée à la créativité, manque de confiance dans le sens de l'intérêt général des élus ? Peut-être. Le Parlement a examiné récemment pas moins de quatre lois de simplification du droit, dites Warsmann : un monceau d'articles, et pléthore de décrets d'application manquants. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, approuve)
On sait ce qu'il en fut de l'article de la loi du 12 mai 2009 destiné à simplifier des dispositions prétendument tombées en désuétude du code pénal, comme le pouvoir du juge de dissoudre une personne morale condamnée pour escroquerie : négligence ? Le juge n'a pu demander une semaine après la dissolution de l'Église de scientologie.
Comment concilier la demande d'intervention publique et le respect des libertés fondamentales, la demande d'adaptation aux situations locales et la simplicité du droit ? Peut-on admettre, dans un pays où les habitants sont mobiles, la diversité des règles, qui porterait atteinte à l'égalité ? Certes, la diversité des droits est déjà réalité, du fait de la décentralisation. Tel est le cas pour les transports, les aides à la personne, par exemple. Cette diversité est source d'émulation et de progrès.
Mais il ne faut se saisir de cette question de l'adaptation que dans la plus grande sérénité. C'est pourquoi le Gouvernement a saisi le Conseil d'État. Le Premier ministre veut une réforme d'ensemble de l'action publique : la simplification des normes fait partie de ce chantier d'ensemble. Le Haut conseil des territoires, nouvellement créé, est là pour se saisir de tout projet qui ferait peser de nouvelles normes sur les collectivités locales. Et le président de la République a proposé que toute création de normes ait pour corollaire la suppression d'une norme existante. Le président du Sénat, de son côté, a confié à la commission des lois et à la délégation aux collectivités mission de faire des propositions pour donner corps à cette feuille de route.
C'est une chance pour nous que la Chambre haute consacre son énergie à ce chantier de grande ampleur. L'inflation des normes est source de dépenses -estimées à 2 milliards. Quand on sait ce qu'est la situation des pays et des collectivités locales, il serait bienvenu de pouvoir économiser 2 milliards.
Mais prenons le temps ; en l'absence de l'avis du Conseil d'Etat, le Gouvernement n'est pas prêt à s'engager dans le sens proposé à l'article premier. Gardons-nous d'ouvrir la boîte de Pandore, au risque de nous exposer à un contentieux onéreux. Prenons le temps d'examiner, dans les détails, les propositions émises pour simplifier les normes qui pèsent sur les collectivités. Prendre le temps, c'est aussi aider ceux à qui revient la charge de conduire l'action publique, avec l'objectif constant d'améliorer la qualité de service.
Nous croyons avec vous que l'État du XXIe siècle doit offrir un nouveau visage. Mais il ne doit pas pour autant y perdre sa raison d'être, au service d'une société solidaire et de progrès. L'action publique est indispensable à la cohésion de notre société et à sa créativité : elle ne doit, en revanche, pas l'entraver. (Applaudissements à gauche)
Mme Cécile Cukierman . - Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour dénoncer l'inflation législative : près de 400 000 normes s'imposent à nos collectivités, qui aggravent les coûts et allongent les délais. L'objectif de cette proposition de loi est d'y porter remède, nous ne pouvons qu'y souscrire. Mais nous n'approuvons pas toutes les solutions proposées. Ainsi de l'article 18, relatif aux CCAS. La commission des lois a choisi de fixer le seuil de 1 500 habitants à l'obligation d'en créer un.
Mais l'aggravation de la précarité rend dangereuse la faculté ainsi ouverte de se passer d'un CCAS. Des solutions alternatives existent, comme le propose leur union nationale...
M. Éric Doligé, auteur de la proposition de loi. - Normal, c'est leur fonds de commerce !
Mme Cécile Cukierman. - ...avec les schémas territoriaux d'action sociale, bientôt expérimentés, et je n'accepte pas que l'on parle de fonds de commerce à propos de la misère des gens.
Plusieurs amendements visent à réintroduire pour partie l'article premier relatif à la proportionnalité des normes. Ainsi sur les dérogations possibles à la loi de 2005, pour les établissements recevant du public. Mais cela ne contribuera qu'à aggraver les inégalités. Et le vrai problème est bien plutôt celui des moyens financiers. Le désengagement de l'État, les dernières années, pèse bien plus lourd que les exigences normatives. Et le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux n'a pas aidé les collectivités territoriales, en particulier les plus petites, qui ne disposent pas de leurs propres services d'ingénierie et ne peuvent plus bénéficier de ceux de l'État.
Depuis le renvoi en commission de ce texte, la commission des lois n'a pu se réunir qu'une seule fois. Il faut remettre l'ouvrage sur le métier.
Mme Catherine Troendle. - Huit mois se sont écoulés !
Mme Cécile Cukierman. - Le président Bel a demandé à la commission des lois et à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales de réfléchir à un texte sur le fait normatif.
M. Jean-Jacques Hyest. - Mais pourquoi ? Il y a cette proposition de loi !
Mme Cécile Cukierman. - En attendant les conclusions de ces travaux nous vous proposons donc de voter notre motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs CRC et sur quelques bancs socialistes)
M. François Fortassin . - Je souscris à l'objectif de simplification des normes, qui étouffent les collectivités territoriales et empoisonnent la vie des élus. La productivité réglementaire les frappe de plein fouet. Plusieurs centaines de milliers de normes : le chiffre témoigne de l'absurdité du système.
Les états généraux des collectivités locales ont montré que si les élus désirent moins de normes, c'est pour mieux administrer leurs communes. L'État doit être le garant d'un droit sobre, lisible, prévisible et durable. Il faut mettre un terme au galimatias judico-administratif qui envahit des courriers qui, pour être compris, exigent au moins une agrégation et un doctorat en droit !
Le mieux est l'ennemi du bien : être trop pointilleux est néfaste. Et que dire des problèmes d'application de tous ces textes. On a le sentiment que moins l'État a d'argent, plus il est tracassier !
Le travail de M. Doligé est assez louable.
M. Jean Bizet. - Assez ? Vous n'êtes pas très en forme, aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - M. Fortassin parle clair, sans galimatias. Cette parole des Hautes-Pyrénées, elle est belle ! (On s'amuse)
M. François Fortassin. - Les membres du RDSE ont toujours été favorables à la simplification, mais sur des problématiques identifiées, pour éviter les textes fourre-tout. C'est pourquoi la très grande majorité d'entre eux s'abstiendront sur le renvoi en commission. Les collectivités territoriales sont le bien commun de la République, elles méritent d'être écoutées par le Parlement et le Gouvernement. Je fais mienne, madame la ministre, votre feuille de route. Je dirai, pour conclure, que je me demande souvent pourquoi on fait compliqué quand on peut faire simple. Je souscris à la maxime de Jaurès : aller vers l'idéal et comprendre le réel, mais j'ai le sentiment qu'il faut parfois commencer par comprendre le réel. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
Mme Hélène Lipietz . - Le moment est-il bien choisi ? L'inflation législative est onéreuse et suscite l'instabilité juridique. Or, la sécurité juridique est une valeur démocratique. Elle est due aux citoyens, aux entreprises, aux associations, aux collectivités locales.
Nous sommes tous conscients de la nécessité de simplifier. C'est ainsi que nous avons consensuellement voté la proposition de loi relative aux biens sectionaux des communes, la semaine passée, et j'espère qu'elle facilitera la tâche de nombreuses communes.
Le dialogue, sur le sujet de la simplification, se poursuit entre ministères et collectivités. Évitons donc de trancher prématurément des questions qui s'en trouveraient ainsi figées. La précipitation est mauvaise conseillère.
Va-t-on voter trois lois différentes en l'espace de quelques mois, alors même que nous dénonçons la maladie de la norme ? Car simplifier la norme, c'est encore produire de la norme. Il y faut donc une réflexion approfondie. Ainsi sur l'archéologie préventive : n'anticipons pas sur le texte à venir.
Le principe d'adaptabilité des normes est intéressant mais pourrait passer par l'expérimentation. Pertinentes aussi sont les prérogatives reconnues à la Commission consultative d'évaluation des normes, de même que la dématérialisation des normes, visée à l'article 5, mais on pourrait aller plus loin encore.
Les sénateurs écologistes seront vigilants dans les mois à venir : tous les citoyens doivent pouvoir participer à l'élaboration de la loi. Pour ces raisons, nous voterons contre ce texte et son renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Jean Louis Masson . - Cette proposition de loi répond à des problèmes de la vie au quotidien. Il serait dommage de ne pas aller au bout de cette discussion. Chacun devra prendre ses responsabilités.
Je m'en tiendrai à quelques exemples. La loi sur l'eau doit être assouplie pour faciliter le curage des fossés existants. Le pouvoir de la police de l'eau est exorbitant : elle a poursuivi une commune de mon département dont le fossé figurait déjà au cadastre de 1811 ! Quand un drainage ou un fossé a toujours existé, pourquoi le remettre en cause ?
Nous souhaitons tous faciliter l'accessibilité des personnes handicapées. De là à l'imposer pour des équipements publics peu utilisés dont l'aménagement serait coûteux ! Dans mon département concordataire, une commune de 80 habitants possède une chapelle à laquelle on ne peut accéder que par un grand escalier. Bien que cette chapelle ne soit utilisée que deux fois par an, la commune devrait dépenser cinq fois son budget annuel d'investissement pour rendre cette chapelle accessible, ou bien la fermer.
J'avais déposé un amendement qui n'a pas été retenu pour cause d'article 40 mais j'y insiste : il n'est pas normal que des numéros surtaxés leurs soient imposés par Pôle emploi ou un autre service public. D'autant que l'interlocuteur compétent est généralement absent.
Mme Catherine Troendle . - La confiance, c'est le droit d'expérimentation. La République est une mais n'est pas uniforme. Il existe un droit d'expérimentation, trop rarement utilisé. La confiance, ce peut être d'envisager un aménagement des normes en fonction des territoires, et il ne s'agit pas seulement de l'outre-mer. La confiance, c'est enfin l'allégement des normes qui pèsent sur les collectivités territoriales, alourdissant le coût et allongeant les délais. Ainsi s'exprimait le président de la République lors des états généraux des collectivités locales. Le président du Sénat parlait aussi de normes adaptées aux collectivités en fonction de leur taille.
Le président de la République, le président du Sénat et le Premier ministre souhaitent donc adapter la réglementation aux contingences locales. Mais ces propos ne sont-ils pas du pur affichage ? Le groupe socialiste veut supprimer l'article premier de cette proposition de loi, qui prône l'adaptabilité des normes aux collectivités. Nos concitoyens, les collectivités territoriales que nous représentons attendent du législateur qu'il lutte contre l'inflation des normes trop coûteuses.
Il n'est pas question de méconnaître l'article 21 de la Constitution mais, depuis cinq mois, je ne peux croire que le Gouvernement n'ait pas sollicité le Conseil d'État sur le sujet.
L'irresponsabilité de la majorité sénatoriale ne doit pas entraver l'initiative des collectivités territoriales. (Exclamations à gauche) C'est pourquoi nous avons déposé un amendement pour rétablir en partie l'article premier. Je serais déçue que le sectarisme du groupe socialiste (exclamations à gauche) rende impossible l'adoption de cet amendement. (Applaudissements à droite)
M. le président. - Je donne la parole à M. Michel.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Un « sectaire » « irresponsable » va s'exprimer ! (Sourires à gauche)
M. Jean-Pierre Michel . - Les propos de Mme Troendle ont dû dépasser sa pensée.
Cette proposition de loi a été inscrite par le groupe UMP à l'ordre du jour. Mme Gourault en a travaillé le texte, a procédé à des auditions. Après le dépôt du rapport Doligé le 4 août 2011, date ô combien symbolique, cette proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour à la rentrée 2011, puis retirée et inscrite en février 2012, avant l'élection présidentielle. Une motion de renvoi en commission fut alors adoptée au Sénat, motion que le ministre d'alors a qualifiée d'enterrement de première classe. Fort heureusement, il a été battu aux élections dans la circonscription de l'étranger où il s'était présenté. Eh non, ce n'était pas un enterrement puisque nous en reparlons aujourd'hui.
Quand vous avez récrit le Règlement du Sénat après la réforme constitutionnelle de 2008, vous ne vous êtes guère préoccupés des droits de l'opposition. Vous saviez bien alors que quatre heures ne pouvaient suffire pour l'examen d'une proposition de loi comportant un certain nombre d'articles.
M. Éric Doligé, auteur de la proposition de loi. - Nous avons dépassé ce délai pour la suppression du conseiller territorial.
M. Jean-Pierre Michel. - Si l'on veut que les parlementaires puissent faire aboutir leurs initiatives, il faut revoir le Règlement du Sénat.
Depuis février, il y a eu le rapport Belot, et puis la majorité a changé et le nouveau président de la République a annoncé pour janvier 2013 un projet de loi de décentralisation qui s'appuie sur les travaux des états généraux des collectivités territoriales.
Moins de normes, c'est une préoccupation qui rassemble élus de droite et de gauche. Le président du Sénat s'en est fait l'écho et a présenté diverses propositions. Il proposera au Bureau un document qui reprendra les idées forces qui se sont dégagées des états généraux. Le président de la commission des lois et Mme Gourault y travaillent déjà.
L'article premier a été fort heureusement supprimé par la commission des lois. Le Conseil d'État était très réservé sur cet article en octobre 2011.
M. Éric Doligé, auteur de la proposition de loi. - C'est faux !
M. Jean-Pierre Michel. - L'article premier souffre de trois motifs d'inconstitutionnalité. C'est d'abord qu'il méconnaît l'article 21 de la Constitution, selon lequel il revient au Premier ministre de conduire la politique de la nation et pas à un préfet. Le Conseil constitutionnel, dont on a beaucoup parlé lors du cinéma de tout à l'heure, s'est montré très sourcilleux sur ce point ; souvenez-vous de sa décision du 28 juillet 2011.
Deuxième motif d'inconstitutionnalité, cet article méconnaît le principe d'égalité, entre le Loiret, la Haute-Saône, la Bretagne chère à Mme Lebranchu, ou Pétaouchnok. (Sourires) Sans compter qu'ouvrir la faculté de faire varier les règles dans les petites communes rurales donnerait aux usagers une vision désastreuse du service public. Les élus locaux sont là pour appliquer les lois, même si cela pose des problèmes financiers.
Enfin, ce texte souffre d'un défaut de clarté et d'intelligibilité, lesquelles ont aussi valeur constitutionnelle.
L'article premier étant écarté, nous avons discuté sereinement de la proposition de loi et nous avons adopté divers amendements venus des bancs les plus divers.
Si nous sommes opposés à une déréglementation sauvage, nous ne sommes pas sourds aux attentes des élus locaux. Les sénateurs entendent très bien ce qui se passe dans les collectivités locales, sans avoir besoin de cumuler les mandats, ce à quoi je suis hostile.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Jean-Pierre Michel. - Les élus locaux vivent leur mandat comme un engagement au service de leurs concitoyens ; ils sont pris dans une schizophrénie quand ils se voient dans l'incapacité de faire appliquer des normes qui s'imposent.
Nous devons agir sur le stock des normes et élargir les compétences de la CCEN, avec des moyens à la hauteur pour que ses rapporteurs et contre-rapporteurs puissent solliciter l'avis d'experts.
Ma conclusion est celle du président de la République : rétablir des relations de confiance entre les collectivités territoriales et l'État.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Il ne suffit pas de le dire. Il faut le faire !
M. Jean-Pierre Michel. - Vous avez détruit la confiance pendant cinq ans ! Nous devons tenir compte de la diversité des territoires, a dit le président de la République. Le Gouvernement et le Parlement doivent en discuter rapidement. C'est ce que nous faisons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Hervé Maurey . - Le poids croissant des normes est de plus en plus insupportables pour nos collectivités. D'autant qu'un grand nombre d'entre elles sont absurdes. Elles sont sources de coûts supplémentaires, alors que les dotations sont gelées.
Le président Sarkozy avait confié, en 2011, à M. Doligé une mission qui a donné lieu à un rapport où il émettait 268 propositions. Cette proposition de loi y fait suite. Je félicite Mme Gourault pour son travail mais le texte de la commission des lois est beaucoup moins ambitieux que celui de M. Doligé.
Ce texte aurait dû être complété, que ce soit en matière de police de l'eau ou pour avancer sur la question de l'accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées. Au lieu de quoi, il a été amputé de l'article premier...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Quel dommage !
M. Hervé Maurey. - ...qui constituait une réelle innovation. Les situations ne sont pas les mêmes dans une commune de 150 habitants et dans une de 150 000.
M. Roland Courteau. - C'est vrai.
M. Hervé Maurey. - Ce texte a aussi été amputé des articles relatifs à l'urbanisme et à l'archéologie préventive, si bien que ne demeurent plus que des sujets subalternes. Qui plus est, nous n'aurons pas le temps de le voter, ni de discuter certains amendements très importants. Il nous reste une heure pour examiner une motion et 26 articles. Mon groupe serait prêt à retirer ses amendements pour accélérer l'examen de dispositions, d'ailleurs voulues par le président de la République.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Tout groupe peut demander la réinscription du texte à l'ordre du jour.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - C'est du mépris pour l'opposition !
M. Hervé Maurey. - L'objectif est clair : il faut se débarrasser d'un texte qui a pour défaut principal de venir de l'opposition.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Cette accusation est absurde.
M. Hervé Maurey. - L'annonce par le président de la République d'un texte sur le même sujet sonne comme un aveu : l'intérêt politicien prend le pas sur l'intérêt des Français.
Désireux de répondre aux attentes des élus, nous voterons ce texte qui va dans la bonne direction, tout en déplorant que le pas accompli soit aussi petit. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Antoine Lefèvre . - Bis repetita placent. En quelques mois, nous voici réunis une nouvelle fois pour parler de l'inflation des normes. Il faut croire que d'aucuns appliquent la maxime « Je réglemente donc je suis » ! Les états généraux en ont témoigné, les communes sont les premières victimes de l'inflation normative, et d'abord les plus petites d'entre elles qui, dépourvues de service juridique, renoncent parfois à des projets faute de pouvoir mener les études préalables. Les révisions des normes obligent les collectivités locales à des efforts d'adaptation perpétuels. Les études d'impact grèvent les budgets communaux et empêchent tout investissement.
L'an dernier, j'ai dû faire établir un bilan des performances énergétiques d'un immeuble pourtant destiné à être détruit. La loi sur l'eau de 1992 a imposé la création de Spanc dont on voit mal comment ils pourraient imposer leurs normes dans des communes bâties sur la roche mère ou dont les maisons sont entourées de terrains trop petits.
Les compétences de la CCEN seront renforcées, je m'en réjouis. La majorité sénatoriale n'a pas voulu de ce texte en février. La semaine passée, la commission des lois a rejeté l'article premier, en contradiction avec ce que le président de la République déclare souhaiter. Il n'est que temps que le Parlement adopte le principe d'adaptabilité des normes. Cette loi ne peut être reportée une nouvelle fois. Il y a urgence et l'exaspération des élus est à son comble. Le Sénat assure la représentativité des collectivités territoriales. Il n'est que temps de les entendre. J'appelle nos collègues de la majorité à déroger à la discipline de vote. (Applaudissements à droite)
M. Gérard Larcher . - Je voudrais vous rappeler le Règlement issu de la réforme de 2008. Quand M. Doligé a déposé sa proposition de loi en août 2011, j'ai utilisé le droit, nouveau, de saisir le Conseil d'État pour disposer de son éclairage. Le Conseil d'État a rendu son avis au président du Sénat, pas à M. Doligé. Le président de la commission des lois a demandé la transmission de cet avis et l'a obtenue.
Il serait bon que le Parlement manifeste son unité sur cette question, sans s'abandonner à des procédures dilatoires. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois . - M. Maurey semble découvrir qu'il faut plus de quatre heures pour examiner un tel sujet. Nous le savions tous ! La conférence des présidents a décidé d'appliquer strictement les horaires. Chacun des six groupes de notre assemblée a le choix d'inscrire le texte qu'il souhaite. Quand le groupe UMP a choisi cette proposition de loi, il savait parfaitement que quatre heures ne suffiraient pas sur un tel texte. Rien n'empêche cependant le débat de se poursuivre à la faveur de prochains créneaux réservés aux groupes.
D'un texte bref on peut espérer qu'il soit discuté et voté en quatre heures, pas s'il compte plus de trente articles. Il n'y a pas d'obstruction, contrairement à ce que j'ai entendu : nul n'a déposé des centaines d'amendements. Les représentants de l'UMP, du groupe socialiste, des centristes ont présenté leurs amendements et les votes, en commission, ont été transversaux.
Ce débat pourra se poursuivre et n'empêchera nullement de tirer les conclusions des états généraux. Ce qu'il faut, c'est faire avancer les choses. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Il y a quelques jours déjà, j'ai entendu évoquer les difficultés des élus locaux face à la « logorrhée », à « l'incontinence » normative. Sur le constat, il y a donc unanimité au Parlement.
Mme Troendle a repris les propos du président de la République : vous voyez donc qu'il veut aller vite pour défendre « l'intelligence des territoires ». Comme le dit la racine latine du mot, l'intelligence, c'est ce qui relie, pas ce qui nous différencie. Cette proposition de loi souhaite simplifier les normes. Nous devons y travailler ensemble.
Les normes doivent être adaptées en fonction des spécificités des territoires, dites-vous. Notre République est une, « indivisible », et le principe d'égalité doit être respecté. Le pouvoir du Premier ministre doit être préservé et non pas délégué aux préfets. Simplification, lisibilité, pragmatisme. Tels sont vos mots, nous les reprenons à notre compte, pourvu que ce soit dans les principes constitutionnels, tels que les a rappelés M. Michel. La phrase de Cicéron a été citée opportunément : « Nous sommes esclaves des lois pour être libres ».
Mme la rapporteure estime que certaines dispositions ne peuvent être maintenues, notamment celles relatives aux commissions consultatives. Il faut travailler sur le stock autant que sur le flux, avez-vous dit. Nous avons rencontré ce matin M. Lambert.
Mme Nathalie Goulet. - L'excellent M. Lambert !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Il a rappelé les chiffres ahurissants : 400 000 normes pour un coût estimé à 2 milliards.
M. Bourquin a souligné, à juste titre, les difficultés en matière d'urbanisme. M. Lozach estime qu'il faut réduire les coûts, les délais, les normes. Ce travail mérite d'être approfondi, dans le respect de la libre administration des collectivités locales. Les élus doivent être consultés, pense-t-il. Ce fut le cas à l'occasion des états généraux des collectivités locales. M. Pointereau a souligné les difficultés en matière de droit de l'eau et des déchets. J'approuve ses propos.
Mon expérience de maire m'a appris que le coût de l'assainissement non collectif est insupportable. Il faut mieux tenir compte de l'avis des élus locaux.
Mme Cukierman a soutenu l'objectif de cette proposition de loi, tout en insistant sur la nécessaire protection des plus fragiles. Oui, il faut le faire, sans contraindre par des dispositifs inapplicables. Elle a à juste titre plaidé pour un équilibre, en soulignant les difficultés financières qui pèsent sur les collectivités les plus petites.
M. Fortassin a évoqué l'absurdité de certaines normes mais appelé aussi au respect de la Constitution ; il a enfin cité Jaurès : aller vers l'idéal pour comprendre le réel.
Mme Lipietz a appelé à la cohérence, souligné le rôle des citoyens et milité pour l'expérimentation. M. Masson a cité deux exemples sur des sujets auxquels tous les élus locaux sont confrontés au quotidien.
Mme Troendle a emprunté tant au Président de la République qu'à celui du Sénat et repris les mots d'intelligence des territoires.
Mme Catherine Troendle. - Et d'adaptation.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Je vous en ai donné ma définition. En tout cas ces mots doivent nous rassembler et nous permettre d'avancer vers le consensus.
M. Michel a suggéré une révision du Règlement intérieur ; vous devrez peut-être y songer mais cette question est de votre seul ressort. Il a fait appel au bon sens et demandé qu'on évite toute réglementation sauvage ; il a bien souligné combien comptaient, pour les collectivités locales, les problèmes financiers et combien elles étaient demandeuses d'accompagnement.
M. Maurey a jugé que le texte devait être complété et évoqué un problème que je connais bien -j'ai moi-même dû procéder à deux études pour jeter une passerelle au-dessus de ma rivière- ainsi que la question de l'accessibilité aux handicapés : je sais que la date de 2015 sera difficile à tenir mais nous devons respecter ces personnes fragilisées.
J'ai bien entendu, monsieur Lefèvre, votre « je pense donc je suis ».
M. Antoine Lefèvre. - Non ! Je réglemente, donc je suis ! (Sourires)
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Vous avez insisté à juste titre sur les difficultés des petites communes.
Vous avez évoqué, monsieur le président de la commission des lois, le paradoxe du principe de précaution, qui nous pousse à refuser tout risque. Oui, c'est de liberté, d'initiative, d'esprit d'entreprise dont nous avons besoin pour administrer : un mot qui, si l'on en revient à son étymologie latine, signifie s'occuper des plus petits.
Que voit-on à l'abbaye de Conques, dans mon département de l'Aveyron ? Charlemagne conduit par la main de la terre au ciel, c'est-à-dire sur le chemin de la sagesse, tandis que Saint-Louis suit celui de la justice. Il faudra emprunter l'un et l'autre : merci à M. Doligé de nous y engager. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - De tels propos font bien avancer les choses !
La discussion générale est close.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°74, présentée par M. Favier et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales.
M. Christian Favier . - Nous avons, en février, soutenu notre commission des lois dans sa demande de renvoi en commission. Outre que manquaient bien des précisions rédactionnelles, certaines mesures manquaient d'un vrai travail préalable de concertation.
Huit mois se sont écoulés depuis, mais notre commission des lois ne s'est réunie qu'une fois pour examiner à nouveau ce texte. Mme Gourault soulignait, en février, les risques que certaines dispositions dans le texte pourraient faire courir. Les risques sont toujours là. On peut s'étonner, à ce sujet, que seuls certains d'entre nous aient eu accès à l'avis du Conseil d'État. Il ne saurait y avoir plusieurs catégories de législateurs, soulignait M. Alain Richard en commission. Les explications données par M. Gérard Larcher ne sont guère convaincantes. Nous demandons solennellement le renvoi du texte afin que chacun puisse prendre connaissance de cet avis.
Le texte qui nous est présenté reste hétéroclite, malgré la suppression de certains articles. Bien souvent, il s'agit de nouvelles règles dont les vertus simplificatrices restent à prouver. Le texte de M. Doligé tire sa substance du rapport qu'il avait rendu au président de la République, dont l'objectif de réduction des coûts, plus que les contraintes et tracasseries supportées par les élus, était l'objectif premier.
L'article premier ouvrait la voie à une remise en cause de la notion même de normes, puisque certaines auraient pu n'être pas appliquées. Source de complexité procédurale s'il en est ! Si cet article avait été adopté, mieux eut valu être handicapé en ville qu'à la campagne, habiter au centre d'une métropole qu'en sa périphérie. Et que dire de la faculté de se passer de CCAS ! Un recul grave des services publics de proximité, une fois de plus.
La plupart des amendements, enfin, mériteraient que l'on s'y penche sérieusement, autrement qu'avec l'oeil du comptable mais au regard de leur impact sur le quotidien des gens.
Notre demande de renvoi n'a pas pour objectif d'enterrer le texte. Une loi de décentralisation est annoncée pour le premier trimestre 2013, qui permettra d'examiner toutes ces dispositions dans un ensemble plus large et plus cohérent. J'ajoute qu'à la suite des états généraux de la démocratie territoriale, le président Bel a demandé à la commission des lois et à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de se pencher sur un texte de simplification. Joignons la présente proposition de loi à ce travail à venir.
Le rapport Doligé comme le rapport Belot offraient une vision élargie, des propositions de portée générale prenant en compte tant le stock que le flux de normes. Les élus souffrent autant de l'inflation des normes que de l'absence de conseil. Pour la plupart, les normes sont des règles de sécurité, de qualité, d'égalité -des éléments du pacte républicain qu'il serait dangereux de disloquer.
Ne créons pas de nouvelles ségrégations spatiales ou sociales sous couvert de simplification, alors que le Gouvernement a créé un ministère à l'égalité des territoires. Un important travail reste à mener pour veiller que les tracasseries administratives n'entravent pas l'action des collectivités locales. Nous avons besoin de temps pour un travail approfondi. Pour toutes ces raisons, nous appelons à un renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Éric Doligé, auteur de la proposition de loi . - Il nous reste vingt minutes et nous n'en sommes qu'à la motion de renvoi. Il suffirait d'ailleurs que trois motions soient déposées sur une proposition de loi pour qu'on ne puisse jamais l'adopter en quatre heures... Modifier le Règlement ? Mais quand on veut dépasser, on le peut : rappelez-vous ce qui s'est passé pour la suppression du conseiller territorial.
L'avis du Conseil d'État ? Mais c'est au président du Sénat qu'il a été remis. Il y a eu changement de présidence et le Conseil d'État souhaitait une nouvelle demande. Le président de la commission des lois a demandé au président Bel que ce rapport lui soit transmis ; j'en ai été destinataire, pourrait-on dire, par politesse mais ce n'était pas à moi d'en faire la distribution.
M. Favier propose de renvoyer une nouvelle fois le texte en commission. Aucune raison que cela s'arrête. (M. Charles Revet approuve) J'aimerais d'ailleurs que l'on s'assure que des renvois à répétition sont possibles... Et faut-il penser qu'en huit mois, la commission n'a pu faire son travail ? Je ne suis pas certain qu'elle ait envie de remettre le travail sur le métier... Il fallait réécrire l'article premier, si sa rédaction ne lui convenait pas, alors que l'adaptabilité a été évoquée par le président de la République comme par celui du Sénat.
Les amendements ont été élaborés avec grand sérieux, la direction générale des collectivités territoriales a beaucoup travaillé sur ce texte : des analyses fouillées existent déjà.
Les CCAS ? Mais dans les communes qui ne comptent que quelques centaines d'habitants, c'est une lourde charge ! J'ai reçu des témoignages d'élus de gauche comme de droite, tout le monde le dit. Les problèmes sont connus.
Bon courage pour la suite, mesdames les ministres !
Alors que les dotations aux collectivités territoriales vont diminuer, ne serait-il pas judicieux de voter un texte qui doit produire une économie de 2 milliards ?
Les états généraux ? Je vous mets au défi de sortir un texte à partir des propositions qui y ont été émises : les interventions visaient pour l'essentiel à dénoncer l'inflation des normes et à demander au législateur d'agir. C'est ce que je vous invitais à faire. On aurait pu faire de ce texte un support à d'autres initiatives, faire preuve d'imagination. Tel n'a pas été le cas.
Vous comprendrez que nous ne tenions pas à un renvoi en commission. La commission des lois a travaillé et fait des propositions intéressantes ; j'en remercie son président et sa rapporteure. Et je souhaite bonne chance à Mmes les ministres. Je peux vous citer d'avance tous les lobbies qui vont se lever devant elles. Chaque fois que vous touchez à une norme, un groupe vient vous dire qu'y renoncer, c'est mettre en péril telle ou telle activité. Vous verrez ce qu'il en est des professions de contrôleurs...
Je suis ravi que le Gouvernement prenne ce problème à bras-le-corps. En tout cas, nous continuerons à y travailler. (Applaudissements à droite)
Mme Jacqueline Gourault, rapporteure . - La commission n'a pu se prononcer sur cette motion, déposée après sa réunion de ce matin. Je m'exprimerai donc à titre personnel pour dire que j'y suis opposée. Nous avons travaillé neuf mois durant, j'ai conduit de nombreuses auditions qui étaient ouvertes aux membres de la commission -même si je n'en ai vu aucun.
L'avis du Conseil d'État sur l'article premier ? Il a été très clair : c'est au législateur d'apprécier, loi par loi, l'opportunité de prévoir des dérogations et de les encadrer. On ne saurait édicter un principe général de proportionnalité. C'est pourquoi nous avons rejeté cet article.
Nous ne supprimons pas les CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants, nous donnons le choix à ces communes d'en créer un ou non. Dans la moitié de ces communes, ce sont des coquilles vides. Et l'action sociale peut passer directement par le budget du conseil municipal. Il n'y a eu, sur cette question, qu'un amendement, exigeant que la compétence, en l'absence de CCAS, revienne automatiquement à l'intercommunalité : ç'aurait été intervenir dans le partage des compétences, qui plus est pour une compétence non obligatoire ; nous l'avons rejeté.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre la motion et j'invite mes collègues à me suivre. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs socialistes)
Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat. Je rejoins les propos de Mme la rapporteure sur la Cour de cassation ; il faut comprendre les difficultés des petites communes et dialoguer sur le sujet avec les conseils généraux. Mme Gourault a raison de dire que l'on ne peut imposer un partage des compétences. La question est bonne, mais la réponse n'est pas appropriée.
Oui, monsieur Doligé, il est des normes qui posent de graves difficultés à certaines collectivités locales, comme l'adaptation des locaux aux personnes handicapées, mais on ne saurait s'exempter de telles exigences pour ce seul motif. Ce qu'il faut, c'est aider les collectivités, les accompagner. Votre travail sera précieux.
L'évaluation des normes ? Soyons aussi attentif au flux. Il fera l'objet d'une communication au conseil des ministres ; nous demanderons à chaque ministère de ne produire une nouvelle norme qu'à la condition qu'il en supprime une autre. (Applaudissements à gauche)
La motion n°74 n'est pas adoptée.