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Table des matières



Questions prioritaires de constitutionnalité

Renvois pour avis

Ressortissants de nationalités roumaine et bulgare (Proposition de résolution)

Mme Aline Archimbaud, auteure de la proposition de résolution

M. Pierre Hérisson

M. Jean-Yves Leconte

M. Michel Billout

M. Vincent Delahaye

M. Jacques Mézard

Mme Esther Benbassa

M. Pierre Charon

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Haute autorité de l'expertise scientifique

Discussion générale

Mme Marie-Christine Blandin, auteure de la proposition de loi

M. Ronan Dantec, rapporteur de la commission du développement durable

Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Mme Évelyne Didier

M. Jean-Pierre Plancade

Mme Chantal Jouanno

Mme Laurence Rossignol

M. Jean-Vincent Placé

Rappel au Règlement

M. Jean-Vincent Placé

Biens sectionaux

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Mme Cécile Cukierman

M. Pierre Jarlier

Mme Hélène Lipietz

M. Jean-Pierre Vial

M. Alain Richard

M. Alain Bertrand

Discussion des articles

Article premier (supprimé)

Article premier bis

Article 2

Article 2 quater

Article 4

Article 4 nonies

Article 4 decies

Article 4 duodecies

Article 5

Interventions sur l'ensemble

M. Jean Boyer

M. Stéphane Mazars

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur

Bioéthique

Discussion générale

Mme Françoise Laborde, auteure de la proposition de loi.

M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Mme Muguette Dini

M. Jean Desessard

M. Alain Milon

M. Bernard Cazeau

M. Guy Fischer

M. Bruno Retailleau

M. Michel Berson




SÉANCE

du lundi 15 octobre 2012

7e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Jacques Gillot.

La séance est ouverte à 14 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 12 octobre 2012, les décisions du Conseil sur deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur le IV de l'article L. 430-8 du code de commerce ainsi que le II de l'article L. 461-1, l'article L. 461-3 et le III de l'article L. 462-5 du même code ; les articles 1er -1, 29, 29-1 et 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom et les articles 2 et 8 de la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

Renvois pour avis

M. le président.  - La proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, dont la commission des affaires économiques est saisie au fond, est renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission du développement durable.

Le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, dont la commission des finances est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.

Ressortissants de nationalités roumaine et bulgare (Proposition de résolution)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution relative aux ressortissants de nationalités roumaine et bulgare, présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par Mme Aline Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

Mme Aline Archimbaud, auteure de la proposition de résolution .  - Lors de mon arrivée au Sénat, l'an dernier, j'ai souhaité engager un travail de fond sur les ressortissants de nationalités bulgare et roumaine, particulièrement les plus précaires, communément appelés Roms bien que tous n'appartiennent pas au peuple rom. J'ai vu de près, comme élue locale, les discriminations dont ils sont victimes, indignes de la République. Associations et ressortissants, tous ont répondu présents à mon appel ; nous avons donc organisé des déplacements et des auditions des responsables nationaux de ces citoyens ainsi que des associations caritatives et de protection des droits de l'homme. Tous ont insisté sur l'urgence sanitaire, les difficultés de scolarisation et bien d'autres auxquelles est confrontée cette population.

Permettez-moi un bref rappel historique : esclavage, stigmatisation, persécution ont été, pour les Tziganes, le lot commun. Entre le quart et la moitié du million de Tsiganes que comptait l'Europe furent exterminés sous l'occupation nazie, d'autres déportés dans les camps. Aujourd'hui encore, les Tsiganes sont vus comme des fainéants qui ne souhaitent ni travailler ni s'intégrer. Cette vision culturaliste est erronée, je peux en témoigner pour les avoir entendus. La crainte d'une arrivée massive conforte également la méfiance à l'égard de cette population. Or, depuis le début des années 2000, leur nombre reste stable et faible : 15 à 20 000 ressortissants.

En majorité de nationalités bulgare et roumaine, ils sont soumis aux mesures transitoires des traités d'adhésion signés en 2007, que les États membres peuvent prolonger jusqu'à la fin 2013. Résultat, ils sont traités comme des ressortissants de pays tiers : pour travailler, ils doivent être titulaires d'un titre de séjour et d'une autorisation de travail. Le 26 octobre 2009, la Halde a condamné cette situation, que vient encore aggraver la directive de 2004.

Depuis les dernières élections, le contexte a changé. Lors de la réunion du 29 août dernier, le ministre de l'intérieur a déclaré que le problème était clairement humanitaire. Il a annoncé la levée de nombreuses restrictions, dont la taxe due à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) par l'employeur. Je salue ces mesures. Allons jusqu'au bout et sortons de l'absurdité : l'aide au retour coûte 3 millions par an sans compter les frais de fonctionnement -qui sont loin d'être négligeables- et elle est totalement inefficace puisqu'ils peuvent revenir en France et que, s'ils avaient accès au marché du travail, ils paieraient des cotisations sociales.

Absurdité financière mais aussi économique : en dépit de la crise, de nombreux secteurs manquent cruellement de main-d'oeuvre. Le risque d'un appel d'air ? On ne l'a pas constaté quand l'Italie a levé les mesures transitoires fin 2011 et que l'Irlande, le mois dernier, a rejoint les 19 autres pays qui l'ont déjà fait. Le rapport de la Commission européenne du 18 novembre 2011 se prononce pour la liberté de circulation des travailleurs, dont l'impact n'est pas négatif dans les pays d'installation. Surtout, comment construire l'Europe si l'on maintient des citoyens de seconde zone ?

Aucune considération d'ordre « racial », génétique ou culturel ne justifie cet état de fait. Les Roms font preuve de solidarité, de courage, de fierté. Certains d'entre eux sont réputés comme musiciens ou artistes. Savez-vous que la jeune fille qui a reçu l'an dernier, au Sénat, la médaille d'or du meilleur apprenti est tsigane et qu'elle était scolarisée en France depuis cinq ans ?

La responsabilité est triple. Il y a d'abord celle des gouvernements roumain et bulgare qui doivent faire cesser les discriminations dont pâtissent chez eux les Tziganes, considérés comme minorité ethnique. Il convient, d'autre part, que les instances européennes s'assurent que les fonds destinés à l'intégration sont bien affectés à cette destination. Enfin, la France ne doit pas se défausser de l'exigence d'offrir des conditions d'accueil dignes.

Comme dans tout groupe humain, il y a une délinquance rom, qui doit être combattue. Moi aussi, je suis contre les bidonvilles et le travail illégal. Je constate pourtant que les mesures transitoires font obstacle à l'intégration des Bulgares et des Roumains. Je demande pour eux l'égalité des droits avec les autres ressortissants communautaires, ni plus ni moins.

Pour combattre les illégalismes, il faut légaliser. Ce sera une mesure structurelle d'apaisement ; après les récents événements à Marseille où des habitants s'en sont pris à des Roms, il y a urgence. Il n'y a pas besoin d'une nouvelle loi. Tous les élus, qu'ils soient de Bordeaux, de Mantes ou du Nord, soutiennent la levée immédiate des mesures transitoires : les dispositifs sanitaires et d'aide à l'hébergement, financés avec l'aide de l'État, sont fragilisés.

Cette question, instrumentalisée avant mai 2012 par populisme, doit être réglée. Vaclav Havel jugeait que « la façon dont sont traités les Tziganes représente le vrai test, non seulement pour une démocratie mais aussi pour une société civile ». Pour une société d'apaisement, respectueuse de l'égalité, réussissons le test. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Hérisson .  - Je m'exprimerai au nom de l'UMP et du Cahrom du Conseil de l'Europe, spécialisé sur la question des Roms. Certes, le problème est humanitaire mais il est aussi, en définitive, celui de l'accueil des Roms en Europe. Pour le traiter, il faut le dépassionner.

D'abord, une précision sémantique. Les citoyens de nationalités bulgare et roumaine sont considérés comme une communauté à part entière dans leur pays d'origine. Ce n'est pas le cas en France, république une et indivisible. Ils sont souvent confondus avec les gens du voyage, de nationalité française.

Installés dans des camps de fortune, ils soulèvent un problème sanitaire et social. Reconnaissons-le plutôt que de faire comme s'il y avait d'un côté les biens pensants et de l'autre les méchants. En France, il n'existe pas de discrimination ethnique.

Mme Archimbaud évoque les expulsions. Mais depuis l'arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité, le 6 mai dernier, les expulsions n'ont pas cessé : 1 500 personnes ont été éloignées, dont 550 en moins de deux mois dans l'agglomération lyonnaise. Il est vrai que 94 ont été régularisées sur place.

Est-il bien raisonnable de lever les mesures transitoires ? Non, elles se justifient et peuvent être maintenues jusqu'au 1er janvier 2014, voire au-delà. A cette date, ces ressortissants pourront s'inscrire sur les listes électorales. Évitons l'amalgame que fait votre majorité avec les ressortissants des pays tiers.

La délinquance, le vol à la tire, la prostitution ? Ces populations en sont à la fois victimes et acteurs. Profitons de cette période transitoire pour régler la situation. D'ailleurs, contrairement aux annonces de la gauche, on n'a trouvé aucune solution alternative lors des expulsions. Dans les conditions actuelles, nous n'avons pas les moyens d'une politique de générosité. J'espère une évolution de la loi Besson de 2000 sur les 400 000 gens du voyage Français -sujet dont on ne me contestera pas l'expertise.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous la reconnaissons.

M. Pierre Hérisson.  - Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. Développer les programmes d'insertion de ces populations en Roumanie et en Bulgarie est la priorité absolue. J'ai constaté, à Bucarest, qu'il y avait, pour le moins, des lacunes en la matière : les fonds européens ne sont pas utilisés à cette fin. Adopter ce texte serait contre-productif. Cela reviendrait à exonérer les pays d'origine puisque la France s'occuperait de tout. Cela décrédibiliserait l'Europe et le processus d'intégration. La solution ne peut qu'être européenne.

Alors, madame Archimbaud, aussi louables que soient vos intentions, vous comprendrez que le groupe UMP vote contre. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Yves Leconte .  - La semaine dernière, le prix Nobel de la paix a été décerné à l'Union européenne. Elle est parvenue, de fait, à construire un espace de paix et de sécurité, où les droits fondamentaux comme la liberté de circulation et d'installation sont réalité. Mais cette construction fragile et complexe ne va pas de soi, et d'autant moins en période de crise. Cela dit, il était nécessaire de ne pas laisser de côté une partie de l'Europe, après le grand élargissement de 2004. Ce volontarisme politique était nécessaire pour conjurer un retour en arrière démocratique, à preuve, a contrario, la situation en Ukraine.

Pourtant, parce que la Bulgarie et la Roumanie affichent un PIB équivalent à 25 % de la moyenne européenne, certains États membres ont craint un afflux massif de travailleurs, de là les mesures transitoires. D'après le rapport de la Commission européenne de novembre 2011, l'apport de ces migrants économiques -ils sont 2,9 millions installés dans 25 autres États membres- est dans l'ensemble positif pour les économies d'accueil. La plupart avaient émigré avant l'adhésion de 2007. Cette conclusion a incité le Parlement européen à adopter une proposition le 15 décembre 2011 sur la libre circulation des travailleurs. Faisons de même.

La proportion de travailleurs bulgares et roumains en France est équivalente à celle dans leur pays d'origine : 10 %. Élargir les possibilités de travail légal serait un moyen de réduire le recours au détachement de salariés, qui n'impose le paiement d'aucune cotisation sociale en France, ou le travail au noir. Sur le chantier de l'EPR de Flamanville, un tiers des travailleurs sont roumains ; ils sont payés 9 euros de l'heure, ne sont pas syndiqués et leurs cotisations sociales ne sont pas versées en France. En outre, aucune réciprocité n'est prévue pour les travailleurs français, en Bulgarie et en Roumanie, contrairement au choix fait par la Pologne. Qu'aurait dit la France à propos des expatriés de Renault travaillant sur le site des Dacia à Pitesti ?

Cette proposition de résolution marque clairement un refus de la politique de la précédente majorité. Depuis, elle a perdu un peu de son actualité. La circulaire fondatrice du 26 août 2012 pose le principe de l'intégration par l'emploi et l'éducation. La nomination d'un délégué interministériel, Alain Régnier, est une bonne nouvelle pour lever les difficultés sur le terrain. Est-il normal que notre communauté nationale porte seule cette stratégie d'inclusion ? Il faudra renégocier les fonds structurels européens, voire permettre aux collectivités locales d'en faire usage au profit des associations qui oeuvrent en faveur des Roms.

Reste à vérifier la mise en oeuvre de cette circulaire fondatrice. Peut-être un groupe sénatorial pourrait-il s'en charger. Nous avons avancé dans la mise en oeuvre des engagements du candidat François Hollande à Romeurope ; poursuivons ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, CRC et écologistes)

M. Michel Billout .  - Je ne prétends pas être un expert de la question mais je présenterai dans un mois un rapport à la Commission européenne, après six mois de travail. Les 20 000 Roms, au sens donné par les institutions européennes, souffrent de discriminations. La question est devenue politique. Pourtant, la dégradation économique de ces populations en Europe de l'Est depuis les années 1990 est connue. La misère en fait des victimes -plus que des acteurs, j'y insiste- des trafics. L'État français leur fait subir une discrimination supplémentaire : ils peuvent venir en France mais n'ont le droit d'y travailler que sous certaines conditions très restrictives.

On accueille plus volontiers les médecins et les entreprises sous-traitantes que les travailleurs non formés. Ce statut dérogatoire, de seconde zone, est choquant dans tous les cas.

La continuation des expulsions, parfois avant même une décision de justice à Évry, a semblé poursuivre la politique du précédent gouvernement. Cela dit, la réunion ministérielle du 22 août et la circulaire du 26 août vont dans le bon sens.

Cette proposition de résolution demande la levée immédiate des mesures transitoires, j'y souscris. Pourquoi attendre quinze mois ? Ces mesures n'ont servi à rien : les collectivités territoriales sont démunies pour accueillir ces migrants privés du droit de travailler.

La question ne doit pas faire l'objet d'un traitement « ethnique » : il ne s'agit que d'appliquer le droit commun à des citoyens européens, dans une logique européenne d'ensemble plus cohérente. L'Europe doit rendre ses interventions plus efficaces et ses aides mieux opérantes.

Cette proposition de résolution engage une dynamique positive contre les discriminations : nous la voterons. (Applaudissements à gauche)

M. Vincent Delahaye .  - Pour bien comprendre le problème, il faut en revenir au processus d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l'Union européenne: on a préféré l'élargissement à l'approfondissement. Il n'a pas été assorti de l'accompagnement suffisant. En 2007, Bulgares et Roumains sont devenus ressortissants communautaires. Quelles étaient la pertinence et l'urgence à intégrer ces deux pays qui pratiquent notoirement des discriminations envers certaines communautés ? Les difficultés étaient largement prévisibles.

La période transitoire, adoptée pour sept ans, limite les possibilités de recrutement des ressortissants roumains et bulgares. Si certaines des dispositions de cette proposition de résolution sont acceptables, comme les dispositions relatives à l'accès au travail et à la formation, elle opère, en revanche, certains amalgames. Ainsi de la question des expulsions, où vous sous-entendez que les moyens humains et matériels prévus en matière d'hébergement ne sont pas employés. Je suis maire de Massy et le conteste. Je note la subtilité sémantique de Mme Archimbaud. Elle parle de lieux de vie irréguliers pour les camps illicites. Le ministre de l'intérieur a procédé, à juste titre, à certaines expulsions. Sans doute son savoir-faire lui vient-il de son expérience d'élu local. Preuve que le cumul des mandats est souvent fructueux ! (On approuve vivement sur les bancs du RDSE)

Le secrétaire d'État aux affaires européennes Pierre Lellouche, en 2010, dénonçait le fait que la seule perspective offerte à certains citoyens de l'Europe soit l'immigration vers des pays riches. C'est exonérer de tout effort les pays d'origine.

Pour toutes les raisons exprimées, nous ne voterons pas cette proposition de résolution qui manque de cohérence, et qui ne met jamais, selon un mal bien français, l'accent sur les devoirs à respecter, ne rappelant que les droits.

M. Pierre Hérisson.  - Absolument !

M. Jacques Mézard .  - Je sais l'implication et la générosité de Mme Archimbaud. Nous ne nous sommes jamais inscrits dans la logique du discours de Grenoble, que nous avons fermement combattu, mais nous nous abstiendrons sur ce texte pour deux raisons fondamentales. La première, c'est que la circulaire d'août 2012 et l'arrêté publié -hasard ? -hier soir répondent à ses voeux. La politique du Gouvernement est donc conforme à nos souhaits : application de la loi de la République et traitement égal de toute personne en situation de détresse.

Quel est donc le but de cette proposition de résolution ? Ce qui s'est passé à Marseille, le 28 septembre, est grave. Gardons-nous de tout angélisme. Ces faits, intolérables, doivent être dénoncés et sanctionnés. Hélas, ils se reproduiront, car ces camps ou règnent précarité et violence sont insupportables pour les riverains.

On peut tenir un discours humaniste dans les restaurants parisiens où se côtoient politiques et journalistes, se poser en donneur de leçon, mais, sur le terrain, il en va autrement. Oui, il faut faciliter l'accès de ces ressortissants à l'emploi : l'arrêté d'hier y pourvoit.

L'Union européenne a mis à disposition des crédits importants pour l'intégration des Roms : cela oblige les pays d'origine. Rappelons que la Roumanie et la Bulgarie ne sont pas rentrées dans l'espace Schengen faute de lutter suffisamment contre la corruption et le crime organisé.

Le Gouvernement français a pris des mesures de bon sens : accompagnement en amont, pour la formation, l'emploi, le logement ; garanties de la continuité d'accès aux droits des personnes -obligation scolaire, accès aux soins, hébergement d'urgence, insertion, suppression de la taxe à l'Office d'immigration. Le ministre de l'intérieur a montré que la fermeté dans l'application des lois de la République allait de pair avec le respect des droits fondamentaux des personnes.

Pour toutes ces raisons, la majorité de notre groupe s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

Mme Esther Benbassa .  - Pourquoi les Roms nous font-ils si peur ? Au XVIIe siècle, le destin de la nation bohémienne bascule. Assimilés à des errants, des vagabonds, les Tsiganes sont pourchassés dans toute l'Europe après que les Égyptiennes ont fait les délices des châteaux par leurs danses et leurs chants ; ils sont chassés des villes et empêchés d'exercer toute activité itinérante légale. Il y a un siècle, le 4 mars 1907, un article du Matin n'hésitait pas à évoquer « le péril errant » propagateur d'épidémie et de criminalité. Les Tziganes y sont présentés comme des voleurs de poules et d'enfants, leurs femmes seraient d'une « lubricité éhontée ». On se souvient de la Carmen de Mérimée, qui inspira Bizet. On voulut ensuite leur imposer la sédentarisation, sans les tolérer davantage. C'est leur nomadisme qui fait peur. Cette vision persiste aujourd'hui, qui accule ces citoyens européens à survivre misérablement dans des campements de fortune. Or, selon le rapport qu'avait publié la Halde, les Roms aspirent à l'intégration. En cette matière, nous sommes loin du compte. Croyez-vous que ces hommes et ces femmes viennent chez nous sans raison et qu'ils sont heureux chez eux ? Non, ils préfèrent la misère ici à la persécution là-bas. Je n'oublierai jamais les grappes de miséreux en haillons, errant nuit et jour, que j'ai vus en Europe centrale. Je veux bien admettre qu'il y ait des abus et des désagréments pour les voisins de campements improvisés mais notre devoir est d'assurer à ceux qui sont ici un égal accès au droit, combiné à une politique, en amont, dans les pays d'origine. L'Europe est notre maison. Je le dis en tant qu'historienne, en tant que juive, en tant que citoyenne de ce pays : je croyais que grâce à la construction européenne, les mots de camps et de pogroms n'auraient plus cours. Alors que les Roms s'entassent dans des campements de fortunes et que des riverains organisent des sortes de battues, des milliers de visiteurs se pressent au Grand Palais pour admirer « La bohême, de Léonard de Vinci à Picasso » tant les bohémiens ont fait rêver les artistes et tout un chacun par leur liberté sans attaches. Mais on ne va pas hésiter à chasser sans pitié une pauvre famille de Roms dont la pauvreté et la saleté insultent à notre confort intellectuel. 200 000 Tsiganes ont été assassinés dans les camps de la mort ; faisons oeuvre de mémoire, manifestons notre empathie. Il est temps d'ouvrir le grand chantier de l'intégration, qui répond à notre belle tradition ancienne de l'accueil. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)

M. Pierre Charon .  - Ce texte pointe les difficultés que rencontrent les ressortissants bulgares et roumains en France. Cette misère nous est insupportable à tous : le coeur n'est l'apanage d'aucun parti. Mais je m'interroge. Les difficultés d'accès au marché du travail ? Mais c'est le lot commun des pays en phase d'intégration à l'Union européenne. Il faut aborder le sujet sans hypocrisie ni malhonnêteté. Le terme de rom serait stigmatisant. Mais il a sa définition à l'échelon du Conseil de l'Europe. Je suis d'accord avec Pierre Hérisson pour ne pas faire l'amalgame avec nos gens du voyage. Restons-en à l'article premier de notre constitution et ne poussons pas le souci de l'égalité jusqu'à un égalitarisme forcené.

Je suis élu d'une ville parmi les plus prestigieuses du monde et suis atterré de voir ce que Paris devient : un vrai parcours du combattant entre des pickpockets en bande organisée. (Exclamations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Ça suffit des discours réactionnaires.

M. Gérard Longuet.  - C'est la vérité. Venez dans les beaux quartiers.

M. Pierre Charon.  - Allez donc dire aux familles moyennes qui peinent à se loger que vous allez attribuer des logements sociaux à ces migrants ! (Nouvelles exclamations)

Mme Éliane Assassi.  - Continuez à diviser la population ! On voit le résultat !

M. Gérard Longuet.  - C'est un élu de Paris qui parle !

M. Pierre Charon.  - Même raisonnement pour l'emploi. Je suis effaré par la disparition de l'arrêté anti-mendicité, en même temps que l'on se déchaîne contre la reconduite à la frontière des personnes qui bafouent les droits de l'enfant, en lui volant son innocence : lisez le rapport de Mmes Garriaud-Maylam et Debré. Je déplore votre manque de réalisme et de pragmatisme. Le politique a pour devoir de sauvegarder la cohésion sociale.

L'impuissance et le laxisme des autorités par rapport aux campements illégaux insupportent nos concitoyens, qui ne veulent plus voir se développer des bidonvilles en bas de chez eux. C'est la société tout entière qui est en danger. La fracture menace la République. Ne détruisons pas ce qui reste de confiance chez nos concitoyens avec de telles déclarations de bonnes intentions.

L'Europe, c'est l'union d'États responsables, capables d'offrir un avenir à leur peuple : offrons à la Roumanie et à la Bulgarie les moyens de répondre à cette exigence.

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - J'ai entendu un débat posé et qui a, presque jusqu'au bout, évité les extrêmes. Sur la question du travail, de l'insertion, le consensus est possible, M. Delahaye l'a bien dit. Je regrette, par conséquent, l'attitude de certain.

Vous voudrez bien excuser le ministre du travail, en déplacement à Marseille.

Le vote d'une résolution est une voie d'affirmation du Parlement, distincte de la voie législative. C'est une bonne chose. Quand l'Europe, après la deuxième guerre mondiale et la fin de la guerre froide, a voulu renouer les fils de son histoire avec les pays de l'est européen, elle a mis des conditions, tant les écarts étaient grands entre pays européens. Après l'intégration de la Bulgarie et de la Roumanie, des mesures transitoires ont été prises, restreignant l'accès à l'emploi : nous l'élargissons aujourd'hui à 291 métiers, contre 150, par souci de justice et d'efficacité, n'en déplaise à M. Charon.

Le critère retenu est objectif. Il correspond à des secteurs en tension sur le marché de l'emploi. Dans un souci de justice et pour ne pas ajouter l'entrave à la restriction, nous supprimons la taxe due par l'employeur à l'OFII.

Parmi les autres pays de l'Union européenne, dix n'appliquaient pas les mesures transitoires, cinq en sont sortis. Les autres, dont la France fait partie, s'acheminent vers la sortie.

Pas d'amalgame. L'image du migrant affamé et dépenaillé n'est plus de mise pour la majorité d'entre eux. On ne peut pas se battre pour faire venir des médecins roumains, dans son territoire, en fin de semaine et, dès le lundi, demander l'expulsion des Roms. Outre que, comme le relève l'OCDE, 28 % des migrants ont un diplôme de l'enseignement supérieur, la « France qui se lève tôt », pour reprendre une expression fameuse, se compose en grande partie de travailleurs immigrés occupant des emplois peu prisés.

Sur cette question des Roms, je sais que vous attendez une réponse. Nous sommes un gouvernement qui marche sur ses deux jambes. Les camps illégaux ne sauraient être tolérés, c'est une question d'ordre public. Les expulsions continueront donc. Mais la République n'est pas, pour autant, hémiplégique. Elle croit au travail et à l'insertion comme à l'ordre et à la justice. Nous sommes les successeurs de Clémenceau, mais aussi ceux de Jaurès. L'un ne va pas sans l'autre. Un événement est passé inaperçu : l'accord entre les gouvernements français et roumain sur la question des mineurs isolés.

Ratifié sous l'ancienne législature, il a été annulé par le Conseil constitutionnel. Pourquoi ? Parce que la majorité d'alors avait décidé que pour les enfants roms, l'ordonnance de 1945, la justice des mineurs, ne valait pas ! Notre Gouvernement, quant à lui, respecte les lois de la République.

Sur l'accompagnement et la scolarisation, une mission interministérielle doit dresser un état des lieux, recenser les bonnes pratiques. Je vous ai exposé ce qu'est le fil rouge de notre action républicaine. Pour le reste, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

A la demande du groupe UMP, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l'adoption 157
Contre 173

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 16 h 25.

*

*          *

La séance reprend à 16 h 30.

Haute autorité de l'expertise scientifique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative à la création de la Haute autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement.

Discussion générale

Mme Marie-Christine Blandin, auteure de la proposition de loi .  - Après la discussion de la proposition de résolution de Mme Archimbaud, c'est avec grand plaisir que je vous présente cette première proposition de loi du groupe écologiste. Elle doit beaucoup au travail des associations -Sciences citoyennes, Réseau environnement-santé, Écologie sans frontières. Je tiens à les saluer. Je tiens également à remercier les rapporteurs.

Présidente de la commission de la culture, je n'oublie pas un sujet qui me tient à coeur : l'indépendance de l'expertise scientifique et la lutte contre les conflits d'intérêt, questions qui ont donné lieu à bien des rapports du Sénat : trouvons leur un débouché.

Après chaque scandale sanitaire, de l'amiante au Mediator, ils ont dénoncé l'anesthésie de l'action des pouvoirs publics sous l'effet de la pression des lobbies. Au Parlement de les réveiller. L'étude des scandales sanitaires révèle qu'ils sont la conséquence d'un système qu'il est urgent de réformer.

Faut-il rappeler l'histoire du bisphénol A ? Dès les années 1990, les premières alertes sont lancées, les industriels lancent des campagnes de calomnie contre les lanceurs d'alerte, dont le professeur Frederick Vom Saal. Il faudra attendre vingt ans pour que le Parlement se saisisse de ce dossier, en 2010, malgré 700 études concordantes sur la dangerosité de cette substance. Rappelons le texte sur les biberons proposé par le sénateur Yvon Collin et ses collègues du groupe RDSE en 2010, le rapport Barbier Perturbateurs, le temps de la précaution en 2011, puis le combat de Gérard Bapt et l'interdiction dans les contenants alimentaires en octobre 2012...

Pour avoir alerté sur les effets du glycol, le professeur Cicollela a été licencié. De même pour le professeur Jacques Poitier, licencié par Sanofi, pour Pierre Méneton, qui fut traîné en justice, pour la courageuse Denise Schneider, alertant sur la contamination de son village par l'usine Métal Blanc, qui dut batailler dix ans avant d'obtenir un jugement favorable de la Cour de cassation.

Nous ne pouvons pas nous résigner à ce que le seul moyen, pour les hommes et les femmes, d'obtenir justice soit de faire la une des médias.

Que dire de l'utilisation du pesticide Gaucho, dont l'étonnante étude de l'Afssaps avait conclu à l'absence de dangerosité. Un chercheur de l'Inra montrera les effets sur la mortalité des abeilles en présence de taux plus de 1 500 fois inférieur à ceux annoncés par les laboratoires Bayer. On lui ordonnera d'abandonner ses travaux...

Après de nombreuses études, le ministère de l'agriculture interdit son utilisation pour la culture du tournesol en 1999 ; en 2003, le groupe d'experts mis en place par le ministère conclut que « l'enrobage de semences de tournesol Gaucho conduit à un risque significatif pour les abeilles de différents âges ».

Le Régent est interdit de même en 2004, après le rapport d'expertise du toxicologue Jean-François Narbonne qui démontre les effets neuro, hépato et néphrotoxiques du fipronil...

Que dire du manque criant d'outil public quand on voit la situation créée par l'étude « secrète » de Gilles-Éric Séralini sur la toxicité du maïs modifié NK 603 et de l'herbicide Roundup ? Le consommateur médusé découvre que l'agence européenne de sécurité des aliments, dont la présidente a dû démissionner en raison de sa proximité avec BASF, Syngenta et Monsanto, émet des doutes...

Pressions mais aussi manque criant de moyens. Tout le monde est conscient de ces dérives ; le devoir du législateur est de renforcer le code de l'action publique. Le Sénat, par le biais de l'Opecst et de missions d'information, pose le même constat : des liens d'intérêt entre l'expert et la firme, des lanceurs d'alerte poursuivis. Ce sont, en fin de compte, les citoyens qui font les frais de ces dysfonctionnements : ils les paient de leur santé.

En 2005, le rapport de l'Opecst intitulé Risques chimiques au quotidien : quelle expertise pour notre santé ?, voté à l'unanimité, préconisait dans sa conclusion d'élaborer un projet de loi sur l'alerte et l'expertise. En 2011, le rapport de Mme Hermange et de M. Autain, rédigé à la suite du scandale du Mediator, proposait la mise en place d'une procédure protégeant les lanceurs d'alerte et concluait à la création d'une Haute autorité de la déontologie -le terme est intéressant mais trop large. Le Grenelle I lui préférait celui de Haute autorité de l'expertise. Il fut voté, sans suite. Lors de la conférence environnementale, dont vous avez pris l'initiative, madame la ministre, le Premier ministre s'est engagé à traduire ces annonces en actes.

Notre texte propose de mettre en application l'ensemble de ces préconisations sur les lanceurs d'alerte et en matière d'expertise.

Il est urgent de restaurer la confiance entre les experts et les citoyens, mise à mal lors de la grippe H1N1 ou du scandale de l'amiante. Dans ce dernier cas, on a lancé l'alerte depuis le début du XXe siècle ; là encore, la présence d'experts liés aux intérêts de l'amiante a différé les bonnes décisions.

En période de crise, je sais avec quelle parcimonie il faut dépenser les deniers publics. Je sais aussi le coût de ces scandales sanitaires et la nécessité de l'indépendance de l'expertise. C'est pour économiser des vies, mais aussi les milliards que nous coûtent les drames sanitaires, que je vous propose cette autorité indépendante.

Si le Gouvernement a une solution alternative, pourquoi pas ? De là l'article premier qui institue une Haute autorité de l'expertise scientifique qui vérifiera les principes directeurs de l'expertise et la prise en compte des alertes. Y seront représentés les associations et les syndicats pour une ouverture à la société civile.

Le texte définit également un statut protecteur du lanceur d'alerte qui, précisons-le, n'est pas une personne désignée au sein de l'entreprise mais une personne soucieuse d'attirer l'attention sur un risque, une anomalie, une pathologie induite. Parce que nous préférons la raison à l'émotion, les alertes à des fins calomnieuses seront sanctionnées.

Voulons-nous créer une agence de plus ? Non car la Haute autorité ne se substituera à aucune agence, ne redoublera pas leur travail. Comme la Cnil, elle a vocation à contrôler. N'avons-nous pas confiance en nos chercheurs, en nos agences ? Si mais, à chaque fois, certains chercheurs ont empêché la survenue de mesures appropriées pour limiter le risque. Les agences évoluent, tant mieux. Puisse cette proposition de loi pousser à leur réorganisation.

Les conséquences de ce texte sur les finances publiques ? Quand on sait les milliards qu'a coûtés le cortège des scandales sanitaires -2 milliards d'euros pour le Fiva, 1,2 milliard pour le Mediator, 1,8 milliard pour le désamiantage de Jussieu-, c'est une question qu'il n'est plus nécessaire de se poser ! Faut-il attendre un nouveau scandale ? Certes, non !

Je ne veux pas croire que ce texte, que l'on peut améliorer, puisse être repoussé pour des raisons politiques.

M. Roland Courteau.  - Très Bien !

Mme Marie-Christine Blandin, auteure de la proposition de loi.  - Nous sommes des lanceurs d'alerte législative : puissions-nous réussir et dédier ce texte à Irène Frachon ! (Applaudissements à gauche)

M. Ronan Dantec, rapporteur de la commission du développement durable .  - C'est bien, de fait, une vision partagée que nous recherchons ici. En dix ans, l'espérance de vie en bonne santé est revenue au niveau de celle de la fin des années 1990, d'après l'Insee. Ce n'est donc pas lubie que de s'attacher à la question sanitaire et environnementale qui fait l'objet de cette proposition de loi ; c'est une urgence, pour nos comptes sociaux aussi...

M. Roland Courteau.  - Oui.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Dans notre pays, il ne fait pas si bon alerter sur les dangers qui menacent la santé publique, comme l'illustre l'exemple de Pierre Meneton, chargé de recherche à l'Inserm, qui alerta sur la surconsommation de sel et dénonça le lobbying des producteurs de sel en France. Il fut accusé, à tort, de diffamation ! C'est pourtant une centaine de décès par jour qui peuvent être mis en lien avec l'excès de consommation de sel.

La Haute autorité de l'expertise scientifique, dont on a envisagé la création dès 2005 au Sénat, puis dans le « Grenelle I », est une idée qui n'est certes pas nouvelle mais « consensuelle », disait Mme Jouanno il y a quelques semaines lors de la conférence environnementale. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

Les agences elles-mêmes n'y sont pas hostiles ; elles en espèrent une amélioration de leur travail. Je propose de mieux articuler alertes et prise en compte de l'alerte et, surtout, de lever une ambiguïté : cette Haute autorité n'a pas vocation à devenir un « super expert » en refaisant le travail des agences.

Hélas, si tous mes amendements ont recueilli un avis favorable de la commission du développement durable, l'opposition a empêché qu'ils soient intégrés dans le texte qui vous est soumis...

M. Yves Bur, reprenant les travaux de M. Thierry Tuot, conseiller d'État, a dénoncé, à juste titre, l'empilement des agences et la multiplication des demandes d'inspections par les ministres. On peut fusionner des agences, certes, mais là n'est pas le sujet. Au reste, ce texte rejoint les objectifs de M. Bur sur trois points : mettre en cohérence les enquêtes internes et, donc, rationnaliser les moyens de l'État ; éviter les zones grises où l'alerte peut échapper à l'État ; garantir l'indépendance de l'expertise et, partant, la confiance que leur accordera la société.

L'opposition craint que ce texte n'ouvre les portes du débat public à l'irrationnel ? Mais la récente étude sur les OGM du professeur Gilles-Eric Séralini n'aurait pas donné lieu à une telle polémique si la Haute autorité avait existé. Cette étude controversée n'a pu voir le jour que du fait de l'inertie de l'État, qui n'a pas donné suite au travail de l'Anses. Bref, la Haute autorité dont nous proposons la création irait dans le sens de l'apaisement. Elle aiderait l'État à mieux justifier ses choix, y compris contre des projets dits « écologistes » !

L'article 2 vise une meilleure protection du lanceur d'alerte et la création d'une cellule d'alerte au sein des entreprises -Mme Archimbaud proposera d'étendre plutôt les compétences du CHSCT, ce qui est conforme aux attentes des partenaires sociaux.

Ce texte est une loi de modernisation démocratique. J'espère que nous y consacrerons le temps nécessaire, dégagés des postures politiciennes, pour répondre aux enjeux de santé publique ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes ; M. Jean-Pierre Plancade applaudit aussi)

Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales   - La commission des affaires sociales, bien que compétente sur l'expertise sanitaire, s'est saisie des seuls articles qui concernent l'entreprise. Depuis les lois Auroux de 1982, le CHSCT est un outil de prévention des risques professionnels indispensable. Hélas, ses compétences, bien qu'élargies, restent encore trop limitées. Face à un danger grave et imminent, ce sont le maire et le préfet qui prennent les mesures nécessaires. Plusieurs organismes travaillent à la prise en compte de la veille sanitaire, à laquelle se consacrent, entre autres, les agences régionales de santé (ARS) grâce à leur cellule de veille, d'alerte et de gestion sanitaire.

Pour les dommages environnementaux, la logique est différente : c'est celle du principe pollueur-payeur. A l'exploitant de payer.

Le régime des installations classées, après la loi Bachelot prise après la terrible explosion de l'usine AZF en 2003, est le seul à lier les deux systèmes de l'alerte au travail et de l'alerte sanitaire. C'est une nécessité dans des territoires comme la vallée de la chimie lyonnaise, chère à notre collègue Guy Fischer, ou bien d'autres dans notre pays, où sont concentrés, sur quelques kilomètres, des dizaines d'installations classées.

Hélas, hors de ces zones, les représentants du personnel n'ont guère de moyens d'agir. Déjà, l'article 53 de la loi Grenelle I de 2009 préconisait d'ajouter aux missions des institutions représentatives du personnel (IRP) une mission d'alerte sanitaire et environnementale. Cette initiative encourageante n'a pas abouti.

Notre souci a été d'articuler les dispositions de la proposition de loi de Mme Blandin avec le code du travail. Nous avons entendu les partenaires sociaux -des comptes rendus figurant en annexe du rapport pour avis- ainsi que les responsables de la revue Prescrire, particulièrement impliquée. Tous insistent sur l'impératif d'efficacité et la nécessité de supprimer les redondances : ils ne veulent pas d'une « super agence », Prescrire estimant pourtant que cela permettrait de lever des blocages dans certains cas. Le Medef a souligné la nécessité d'assurer une meilleure cohérence en matière de veille et d'alerte.

La création d'une nouvelle IRP n'est souhaitée ni pas les organisations d'employeurs ni par les syndicats. Ceux-ci préconisent de confier cette attribution au CHSCT et, par défaut, aux délégués du personnel. Leurs membres bénéficient déjà d'un statut protecteur, les comités pourraient utilement faire office de filtres, écartant les alertes infondées ou de mauvaise foi.

Cela implique, les organisations y ont beaucoup insisté, une formation des délégués du CHSCT et l'existence d'un droit de retrait. Cela suppose aussi de s'appuyer sur les réseaux existants, comme les GAST. La commission des affaires sociales propose donc de confier la compétence d'alerte au CHSCT, de renforcer ses moyens en matière d'enquête ainsi que sa consultation systématique sur tout projet aux conséquences sanitaires et environnementales. Nous voulons aussi mieux protéger ses délégués d'éventuelles représailles. Il faudra aussi garantir qu'un salarié d'une entreprise de moins de onze salariés puisse lancer une alerte via l'ARS ou le préfet.

Enfin, pour garantir l'information des institutions représentatives du personnel compétentes, il faut rétablir l'obligation de consultation introduite par la loi Grenelle et supprimée aussitôt par un cavalier.

Ces propositions sont pragmatiques et fondées sur un souci d'efficacité. Si de telles dispositions avaient été adoptées il y a dix ans, on aurait évité bien des drames. Souvenons-nous de Metaleurop : les plans sociaux cachent souvent des drames sanitaires. Puisse cette proposition de loi prévenir de telles situations. (Applaudissements à gauche)

M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable .  - Sujet noble et sérieux : je salue l'engagement de Mme Blandin, qui pose une bonne question à laquelle nous répondrons sans arrière-pensée politique.

Qui ne fut scandalisé par le drame de l'amiante, désastreux ? Qui ne souhaiterait voire réduire le délai entre l'alerte et les mesures appropriées ? Tout ce qui pourra être proposé en ce sens sera bienvenu.

Mais gardons-nous d'adopter trop vite des décisions dont on ne mesure pas l'impact. Il y a déjà un grand nombre de structures, dans lesquelles les experts font leur métier loyalement ; leurs travaux sont critiqués, décortiqués, évalués ; leur sérieux n'est pas en cause. Est-il opportun d'expertiser les experts ? Pourquoi cette nouvelle Haute autorité serait-elle plus exemplaire que les autres ? Il faut aussi prendre en compte la dimension européenne.

La question se pose, de fait, du lanceur d'alerte et de son statut. Oui, il faut soutenir ceux qui ont le courage de faire état de leurs interrogations. Souvenons-nous d'Irène Frachon, avant bien d'autres : ils ont subi un préjudice, et leur alerte a beaucoup peiné à être entendue.

La commission du développement durable veut profiter des semaines qui viennent pour approfondir l'analyse sur ce texte bienvenu. (Applaudissements sur les bancs RDSE et écologistes)

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - L'initiative parlementaire fait ici la preuve de son utilité. Face aux risques émergents, toute l'attention nécessaire a-t-elle été accordée aux alertes ? Les pouvoirs publics en ont-ils tiré toutes les conséquences ?

Les pouvoirs publics doivent pouvoir s'appuyer sur la science, c'est pourquoi j'ai tenu à mettre ce sujet à l'ordre du jour de la conférence environnementale. La qualité de l'air, de l'eau, des aliments est devenue une préoccupation quotidienne à laquelle nous devons répondre. Le président de la République a affirmé avec force la nécessité d'agir et le Gouvernement a pris des initiatives, sur les antennes-relais de téléphonie mobile ; sur la qualité de l'air, sachant que les particules fines sont responsables de 45 000 décès en France ; sur les perturbateurs endocriniens ; sur les dérogations à l'épandage. Le Sénat vient de voter l'interdiction du bisphénol A.

Il y va de la sécurité sanitaire mais aussi de la justice sociale car l'exposition aux pollutions est aussi une inégalité sociale supplémentaire. Nous ne sommes pas exposés de manière équivalente.

M. Jean Desessard.  - Très juste !

Mme Delphine Batho, ministre.  - Des études épidémiologiques montrent des corrélations entre l'exposition aux champs magnétiques de très basses fréquences et la leucémie chez l'enfant, bien que l'on n'ait pu mettre en évidence un mécanisme scientifique de causalité. Le principe de précaution doit s'appliquer.

Les pouvoirs publics ont, en matière de prévention, un rôle essentiel à jouer. D'où la nécessité d'une capacité d'expertise fiable. C'est pourquoi nous entendons proposer, au niveau de l'Union européenne, des mesures garantissant l'indépendance des études, y compris toxicologiques.

Ce texte est donc utile : il s'agit de garantir l'indépendance de l'expertise et de prendre en compte les lanceurs d'alerte. Le Gouvernement soutient cette démarche. Certaines dispositions font débat : le champ a été débroussaillé en commission. J'en remercie les rapporteurs. Des progrès ont été enregistrés ces dernières années. Les agents disposent d'une charge de déontologie et la loi de 2011 sur le médicament protège mieux les lanceurs d'alerte.

Je suis favorable à une instance chargée du suivi des garanties déontologiques. Elle ne se substituerait pas aux agences existantes mais les accompagnerait sur ces questions. Il ne s'agit pas de concentrer l'expertise scientifique en un lieu unique. L'ouverture à la société civile devrait être généralisée : ouvrir l'expertise à la société doit aider à prendre en compte les signaux faibles.

Nul ne doit jamais être inquiété pour avoir signalé un danger sanitaire. Mme Blandin a eu raison de rappeler les noms de ceux qui ont souffert pour avoir lancé une alerte. En matière de santé au travail, le dialogue social doit aider à trouver des solutions négociées. Pour la prise en compte des signaux faibles, il faut envisager la création d'un registre. Une mission de réflexion est en cours, dont le rapport est attendu pour la fin de 2012. Il faudra généraliser les bonnes pratiques mises en oeuvre dans certaines agences.

Conformément au cap fixé par le président de la République et le Premier ministre lors de la conférence environnementale, nous entendons, avec vous, faire progresser les garanties de l'expertise. Nous sommes à votre disposition pour faire aboutir vos initiatives en ce sens. (Applaudissements à gauche)

Mme Évelyne Didier .  - Protection des lanceurs d'alerte, assurance d'un suivi, traitement honnête des messages : tels sont les objectifs que poursuit ce texte. On se souvient du scandale du Mediator, quand le Gouvernement d'alors s'était de prime abord montré bien timide.

L'examen en commission avait permis d'améliorer le texte de cette proposition de loi ; je regrette que la commission l'ait finalement repoussé. Nous défendrons des amendements pour élargir la saisine, pour améliorer les moyens d'action de la Haute autorité.

L'ouverture croissante de la recherche aux financements privés fait prévaloir les considérations commerciales sur la préservation de la santé et de l'environnement. C'est pourquoi nous insistons pour que soit renforcée la recherche publique.

Pour la santé au travail, il est pertinent de confier plus de pouvoirs au CHSCT. Sur les lanceurs d'alerte, le texte va dans le bon sens. Il faudra être très vigilant sur la protection de ces salariés, souvent plus malmenés que les autres. Ils sont licenciés, mis au placard.

Une construction partagée, collective est le gage de toute avancée sociale. Nous soutiendrons les amendements déposées et, s'ils sont adoptés, l'ensemble du texte.

M. Jean-Pierre Plancade .  - Ce texte a le mérite d'ouvrir le débat mais le RDSE n'est pas totalement convaincu sur la forme. Nous ne sommes guère favorables à la création d'une autorité supplémentaire. Ne vaudrait-il pas mieux s'employer à assurer une meilleure gestion des organismes qui existent déjà ?

Oui, la question des lanceurs d'alerte doit être creusée. Je ne rappellerai pas la longue histoire de l'amiante, ni celle, plus récente, du Mediator. Mais tout de même, pour l'amiante, la première alerte est lancée en 1906, les assurances américaines refusent leurs services dès 1918 et l'interdiction n'intervient en France qu'en 1997. Il est clair que se pose le problème des conflits d'intérêts, de la responsabilité de l'État. La contre-expertise doit doubler l'expertise, la transparence doit prévaloir.

La cause que défend Mme Blandin est noble mais il faut continuer à travailler et y revenir.

Mme Chantal Jouanno .  - Ce texte pose la question de notre capacité à détecter les signaux faibles d'alerte. Redoutable gageure, comme on le voit avec le bisphénol A, les nanomatériaux ou les champs électromagnétiques. Le doute l'a souvent emporté sur la certitude. Ce n'est pas l'expertise qui est en cause mais la diligence des pouvoirs publics : voyez le délai qu'il a fallu pour interdire l'amiante. Il est rare que les expertises portent des conclusions tranchées : c'est alors aux pouvoirs publics qu'il revient de trancher.

Les innovations engendrent le meilleur comme le pire. En un siècle où tout progrès se diffuse aussitôt sur la surface du globe, il est essentiel de détecter les signaux faibles. Car les risques émergents remettent en cause nos protocoles. Voyez le débat sur les récents travaux du professeur Séralini sur l'OGM NK 603 : se pose clairement la question du protocole d'expertise.

La commission européenne devrait, à notre demande, faire des propositions sur les protocoles d'expertise.

Autre question, celle de l'indépendance des expertises : leur caractère pluraliste, contradictoire constitue leur meilleure garantie. L'expertise ne peut être exclusivement scientifique : un OGM peut présenter un risque avéré pour l'environnement tout en constituant une réponse à une urgence alimentaire.

Il n'y a pas de consensus sur le rôle que pourrait avoir une Haute autorité de médiation. On peut craindre une superposition de structures. Quid de la capacité d'une telle autorité à traiter les alertes ? Avec quel budget ? La confidentialité de l'alerte est un impératif : rendre publique une alerte ne garantit pas sa prise en compte. Nous avions, naguère, demandé un rapport à l'article 52 de la loi Grenelle I pour mener la réflexion plus avant ; je regrette qu'il n'ait pas été produit.

Préoccupé par le risque de dérive du droit d'alerte et le recours abusif au principe de précaution, mon groupe ne votera pas cette proposition de loi. Pour ma part, je partage l'objectif du texte tout en trouvant qu'il laisse trop de questions en suspens. Certes, nous avons besoin d'une instance garantissant l'indépendance de l'expertise, d'un statut de lanceur d'alerte mais qui ne laisse pas l'émotion l'emporter sur la raison, comme l'a bien dit Mme Blandin. (Applaudissements à droite)

Mme Laurence Rossignol .  - Merci à Mme Blandin pour sa détermination et son opiniâtreté à susciter ici un débat sur l'expertise scientifique, que l'on a trop souvent vu défaillante, arrogante. Au moins, l'expression est un oxymore car, si toute expertise est censée être scientifique et donc objective, tout débat est réputé confronter des subjectivités. La commission du développent durable -où j'aimerais bien voir siéger Mme Jouanno- a rejeté le texte de la commission : je le regrette.

Le problème n'est pas tant celui des agences que de la place de l'expertise scientifique. Avons-nous besoin d'une expertise indépendante ? Oui, le législateur, comme le Gouvernement, est, de plus en plus souvent sommé d'arbitrer sur des sujets toujours plus techniques. Nous nous tournons vers des experts, nous nous interrogeons souvent sur leur indépendance, découvrant qu'ils ne sont pas toujours sans lien avec l'industrie, ni sans préjugés idéologiques. Et nous voilà fort perplexes. La seule façon d'en sortir est d'organiser une expertise contradictoire et pluraliste. Les lanceurs d'alerte peuvent se tromper, objecte-t-on. Mais les experts aussi, CQFD. Transparence, pluralité, déontologie doivent être les maîtres mots. L'expertise des lanceurs doit pouvoir être recueillie. Peut-être faut-il, sur cette question, mener plus avant l'expertise ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean-Vincent Placé .  - La controverse sur l'étude du professeur Séralini a souligné l'importance de garantir la déontologie de l'expertise, comme de protéger les lanceurs d'alerte.

Ce débat est signe d'une vitalité démocratique du Parlement qui tranche avec le passé.

Mme Chantal Jouanno et M. Jean-Claude Gaudin.  - Vous n'étiez pas là.

M. Jean-Vincent Placé.  - Je salue le travail conjoint de nos deux commissions. La concertation a donné lieu à des échanges nourris avec la ministre, dans un esprit d'ouverture. Mme Jouanno a su se montrer, comme d'habitude, solide, sérieuse, argumentée, très écologiste à sa manière.

Fruit d'un travail de longue haleine de Mme Blandin, cette proposition de loi porte la marque de fabrique des écologistes et de leur sens des responsabilités. C'est l'occasion de donner suite à bien des rapports parlementaires. En matière de santé, la prévention ne doit pas être tenue pour un coût : elle représente au contraire une économie sur des dépenses futures.

Ce texte est éminemment écologique : protection, écoute pour mieux vivre dans une société durable. J'étais samedi à Laval, avec les manifestants qui s'inquiétaient des effets des lignes à haute tension. Il faut débattre, hors toute logique technocratique, dans l'indépendance. Nous vous faisons confiance, madame la ministre, pour aller, avec le président de la République et le Premier ministre, dans le sens de l'intérêt commun qui nous est cher. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

La discussion générale est close.

Le temps imparti au groupe écologiste étant épuisé, la discussion du texte est suspendue.

Rappel au Règlement

M. Jean-Vincent Placé .  - Le temps imparti pour les espaces réservés aux groupes est de quatre heures et nous souhaitons poursuivre la discussion avec le Gouvernement ; nous proposons donc de débattre ce sujet lors du prochain espace réservé à notre groupe.

M. le président.  - La conférence des présidents en décidera.

La séance est suspendue à 18 h 30.

*

*          *

La séance reprend à 18 h 35.

Biens sectionaux

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes.

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi .  - Vu de Paris, notre si belle capitale, la question des biens sectionaux est aussi incongrue que celle du désenclavement de nos départements. Et pourtant, il existe quelque 27 000 sections concentrées, pour l'essentiel, dans dix départements. Les conflits qu'elles suscitent provoquent le désarroi des maires.

Heureusement, il existe des parlementaires élus locaux capables de relayer leur problème, preuve supplémentaire de l'intérêt du cumul d'un mandat exécutif avec un mandat parlementaire. M. Jarlier, depuis des années, cherche à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes ; votre serviteur également. Le Gouvernement, du temps de M. Merleix, s'était engagé à faire avancer la réflexion ; j'ai voulu accélérer la cadence en faisant venir le sujet en séance publique.

Les biens sectionaux sont des survivances du droit de l'ancien régime, rattachées à l'ancestrale notion de feu. Procurer une assistance aux plus pauvres, tel était l'objectif de la Convention lorsqu'elle reconnut cette forme de propriété collective les 10 et 11 juin 1793. Depuis, on a observé un renversement : la finalité historique a disparu, les ayants droit contestent à tout bout de champ les décisions des maires tout au long de leur mandat. Le contentieux est nourri et répétitif.

Le nombre exact de sections n'est pas connu : environ 27 000, surtout dans le Massif central. Elles ne sont pas précisément délimitées quand elles ne sont pas rattachées à plusieurs communes ou départements. Le cadastre, outil fiscal, n'est d'aucune utilité en la matière. Pour autant, le nombre de sections tend à diminuer, de même que leurs revenus. Ce qui n'a pas empêché le sujet de devenir d'une complexité peu commune : seules 200 sections sur 27 000 ont une commission syndicale. L'articulation entre finances communales et finances sectionales est souvent inextricable. Certaines sections, plus riches que leurs communes, exigent que la commune finance leurs travaux d'entretien. En l'absence de commission syndicale, la commune -même lorsqu'elle gagne- doit payer les frais de justice. Cristallisant le morcellement des territoires, utilisées à des fins privés, les sections font entrave à l'aménagement du territoire.

Les tentatives de simplification du régime, en 2004 et en 2005, n'ont pas porté de fruits. La décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011 a clarifié le régime : les ayants droit bénéficient d'un simple droit de jouissance sur les fruits de la section, non d'un droit de propriété. La réflexion sur la suppression pure et simple des sections peut être engagée. Nous l'éviterons : coûteuse et complexe, elle nous exposerait à des contentieux.

De là cette proposition de loi qui respecte le cap fixé par le Conseil constitutionnel : rien ne s'oppose au transfert de biens entre personnes publiques pourvu que l'opération poursuive l'intérêt général. Nous avons assoupli notre position radicale pour aboutir à un compromis.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Compromis et radicalisme ne sont pas incompatibles !

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi.  - Certes !

La commission des lois a modernisé le régime en clarifiant le statut de la section. Cela simplifiera les difficultés liées à la levée des impôts. De même sera réglée la question des frais de justice que doit acquitter la commune quand la section ne possède pas de commission syndicale. Je salue également l'assouplissement de la procédure de transfert des biens sectionaux, ainsi que l'interdiction de la création de nouvelles sections. Cela facilitera la vie des maires qui ont autre chose à faire que de gérer des biens issus d'une tradition intéressante mais dépassée. (Applaudissements)

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois .  - Les biens sectionaux s'enracinent dans la tradition ancestrale des communaux, objets de bien des litiges entre seigneurs et villageois et dont les réformateurs des lumières, y voyant une forme dépassée de mise en valeur de la terre, demandaient le partage, terme qui figure significativement dans les décrets de la Convention des 10 et 11 juin 1793. Souvenez-vous du fameux discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes, de Rousseau : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n'est à personne ».

Les biens sectionaux sont une propriété collective, non indivise. Surtout, par un retournement de l'histoire, les ayants droit revendiquent la propriété de ces biens. De la chicane picrocholine à des redistributions, étendues des bénéfices, on voit se multiplier les situations abracadabrantes.

Les sections, surtout regroupées dans le Massif central, alimentent un contentieux à répétition : le seul tribunal de Clermont-Ferrand instruit quarante à cinquante dossiers par an.

Après l'échec des tentatives de rationalisation, le transfert des biens sectionaux, dont le Conseil constitutionnel a rappelé la conformité à notre législation, semble la seule issue, pour autant que soit dûment indemnisée la perte des bénéfices de l'usufruit -et non de la propriété. Le groupe du RDSE, et la commission des lois à sa suite, a entendu tirer toutes les conséquences de la décision des sages.

Nous avons intégré dans le texte les propositions de M. Jarlier et apporté des modifications plus substantielles. Avec l'accord de l'auteur du texte, nous avons supprimé l'article premier et l'inventaire exhaustif des sections -procédure complexe, dont les préfectures n'ont peut-être pas les moyens, qui aurait tout retardé.

Les articles premier bis nouveau et premier quater nouveau sont essentiels. « La section est une personne morale de droit public », a établi le Conseil constitutionnel. Nous unifions le régime de quatre acteurs : les ayants droit, les électeurs, les personnes éligibles à la commission syndicale et les habitants de la section. Revenant à l'esprit original de la section -non des biens indivis mais des biens nécessaires à la survie de la communauté-, nous avons lié la qualité de membre de la section au critère de la résidence, résurgence de la notion moyenâgeuse du feu, du foyer. Ce droit de jouissance n'est ni cessible ni transmissible, preuve qu'il n'est pas un droit de propriété.

Autre apport substantiel, l'article A 4 sexies qui autorise le conseil communal à prendre des décisions malgré le refus d'une section ou celui qui permet d'affecter les bénéfices supplémentaires de la section, une fois ses besoins satisfaits, à des travaux d'investissements. Le dispositif est très entouré, je vous rassure. Nous interdisons la création de nouvelles sections, M. Mézard l'a dit. A l'heure de l'intercommunalité, c'est rechercher des difficultés pour pas grand-chose.

Notre commission des lois a voulu pacifier les relations entre communes et sections en facilitant les transferts de biens sectionaux pour les communes qui le souhaitent -j' y insiste. (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Il est des moments où la phrase de Saint-Exupéry, « On n'hérite pas de ses parents, on emprunte à ses enfants », paraît paradoxale, comme dans le cas des biens sectionaux. Il s'agit là d'une survivance d'un autre temps. Dans son excellent rapport, M. Collombat nous a transportés de l'époque médiévale, où les seigneurs concédaient un bien à la communauté villageoise, à nos jours. Merci à M. Mézard d'avoir remis cent fois l'ouvrage sur le métier : son texte, presque parfait, résout des situations souvent inextricables concentrées dans le Massif central. Parce qu'elles font obstacle à l'aménagement du territoire, une intervention législative est bienvenue après le tournant décisif, avez-vous dit, de la décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011. Ce texte autorise la communalisation des biens sectionaux en contrepartie d'une indemnisation de la perte du droit de jouissance. Des dispositions de transfert à titre gratuit existent déjà en cas de désintérêt des ayants droit mais s'appliquent difficilement. Sous la précédente législature, Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, avait déjà déposé un texte pour assouplir les procédures et renforcer les pouvoirs de la commune. Les pouvoirs publics avaient créé un groupe de travail associant le ministère de l'intérieur, celui de l'agriculture, les préfectures des six départements concernés et l'ONF ; le rapport de M. Lemoine, publié en 2003, a également alimenté la réflexion de votre commission des lois.

La nouvelle définition de la section par le Conseil constitutionnel est source de clarification, de même que la suppression de la distinction, inopérante, entre électeur et ayants droit. Je salue ce texte équilibré qui encadre le transfert moyennant une procédure d'indemnisation.

Je forme le voeu que, loin des situations abracadabrantesques qu'a évoqué le rapporteur, ces biens sectionaux, devenues sections d'or, évoquent le beau, l'harmonie et la divine proportion ! (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman .  - Ce texte rationalise et simplifie le régime des biens sectionaux pour répondre aux demandes des maires. La commission des lois l'a amélioré, nous nous en réjouissons. Il convenait de recadrer un système qui s'est dégradé au fil du temps. De fait, nombres d'ayants droit avaient détourné le sens originel des biens sectionaux : de patrimoine collectif, ils en ont fait des propriétés privées. D'où l'opposition des sections aux communes, qui a suscité une jurisprudence complexe et touffue.

Nous voterons ce texte en regrettant la suppression de l'article premier. Un inventaire était indispensable aux élus ; encore une fois, nous faisons les frais du désengagement de l'État. De nombreux maires nous ont interpellés : nous proposerons le rétablissement partiel de cet article. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Pierre Jarlier .  - Enfin, le Sénat débat des biens sectionaux avec un texte très attendu par plus de 2 500 élus locaux concernés. L'initiative du RDSE est heureuse, elle rejoint la démarche que j'avais engagée avec des membres du groupe centriste sur ce droit ancestral, issu d'un régime suranné et particulièrement complexe, qui entrave l'aménagement et le développement de certains territoires. La convergence de nos travaux est révélatrice des sujets qui préoccupent les élus ruraux à l'heure où l'on parle des métropoles et de l'intercommunalité. Les biens sectionaux suscitent des tensions lorsqu'ils sont sources de bénéfices. La gestion d'un terrain nu et pentu est plus délicate et moins fructueuse que celle d'une forêt...

La décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011 clarifie enfin la situation ; la proposition de loi la reprend. Ce sujet dépasse largement les clivages partisans, nous soutiendrons donc nos amis radicaux.

Le rappel de l'interdiction de la distribution des bénéfices en espèces est bienvenu : il subsiste, malgré son interdiction expresse par la jurisprudence. Autre point, il fallait effectivement autoriser les communes à utiliser les bénéfices excédentaires dégagés par les sections, dont les besoins sont satisfaits, pour financer des travaux communaux. Le cas existe : telle section, dans une commune dont je tairai le nom, possède une parcelle où sont implantées des éoliennes. L'argent dort sur un compte quand la commune en a besoin pour investir.

La procédure de transfert, qui s'accompagne de garanties, correspond aux attentes des élus, souvent bloqués dans leurs projets d'aménagement.

S'agissant de la modalité d'attribution des terres agricoles, le rapporteur a bien voulu reprendre un mien amendement. Les biens sectionaux sont souvent en montagne, où les primes à l'hectare sont convoitées. D'où bien des imbroglios.

Je remercie notre commission d'avoir prêté une oreille attentive au sujet, pour produire un travail de qualité qui améliorera la protection de nos maires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes. Nous poursuivons la discussion générale.

Mme Hélène Lipietz .  - Il est émouvant de toucher aux survivants des siècles passés et de les préparer à affronter le XXIsiècle. Des siècles durant, la propriété seigneuriale fut un tout petit peu limitée pour accorder aux villageois un minimum vital. Quand d'autres modes de solidarité sont apparus, les usages se sont modifiés, au point que les habitants des sections voient aujourd'hui dans les biens sectionaux leur propriété privée. Au grand dam des maires, contraints de gérer des chicanes qui les poussent parfois à vouloir rendre leur tablier. Et l'on sait qu'être élu d'une petite commune est un sacerdoce.

Les richesses produites par la section ne peuvent être utilisées qu'à son profit, alors même que les biens appartiennent à la commune. Ce texte vise à moderniser ce régime, archaïque et mal défini, qui a trop longtemps perduré dans notre droit. Il le rend plus juridique et donc plus judicieux : reconnaissance de la nature publique de la section, définition claire de la qualité de membre de celle-ci, interdiction de création de nouvelles sections et possibilités de transfert élargies : nous signons, avec ce texte, la disparition de l'écrasante majorité des sections, qui ne sont plus que des coquilles vides, sans habitants ni ayants droit. Pour les écologistes, il est urgent de retisser les liens qui unissent une communauté humaine : solidarité et partage s'imposent en ces temps difficiles d'individualisme et d'égoïsme. Ainsi des jardins partagés, des équipements sportifs, des locaux collectifs des HLM, qui renforcent le sentiment de confiance dans la gestion des biens publics.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

Mme Hélène Lipietz.  - C'est la voie pour faire de chacun un citoyen responsable. J'espère que le troisième acte de la décentralisation ira dans ce sens. Ce texte nous met en appétit : il faut des règles simples pour inventer le vivre ensemble, autour d'un projet commun, sans que les uns en tirent plus de bénéfice que les autres : un beau rêve pour demain. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean-Pierre Vial .  - Ce texte répond à une situation contrastée, qui suscite tant l'émerveillement devant l'héritage des siècles passés que l'interrogation. Les biens sectionaux, mal connus, sont malheureusement source de complexité pour les communes et de bien des difficultés pour les maires. Les tentatives pour faire évoluer ce régime ont été nombreuses depuis la loi d'orientation agricole de 1999.

Je veux illustrer les contradictions de ce régime : Saint-Christophe-sur-Guiers ne dispose que d'une modeste forêt tandis qu'une forêt beaucoup plus importante bénéficie à deux sections. M. Mézard a dit la nécessité d'en revenir à l'esprit d'origine de ces sections. L'une de celles que j'ai citées, dont les revenus ne lui permettraient pas de réaliser les investissements nécessaires à l'entretien de la forêt, demande à la commune de réaliser des travaux d'aménagement hors de proportion avec le budget de celle-ci tandis que l'autre section dispose de revenus confortables qui pourraient y être affectés.

Ce texte remédie à ce type de situation, après la loi d'orientation agricole et la loi de 2004 qui facilitait déjà les transferts. A défaut de supprimer les sections de façon abrupte, pour reprendre les mots de M. Garrec, elle fera disparaître celles qui n'ont pas de raison d'être. Merci à M. Mézard de son initiative sur un dossier difficile, et à M. Collombat de son pragmatisme qui nous engage sur la bonne voie.

Le groupe UMP votera ce texte dans l'espoir qu'il aide à régler des conflits juridiques persistants. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Alain Richard .  - Après tant de ralliements, mettons fin au suspense : le groupe socialiste votera ce texte.

Il est, entre sections et communes, des divergences d'intérêts inévitables. La section fut consacrée par la loi de 1884, qui définit la commune républicaine. Ces dernières décennies, la tendance a été à la privatisation ; et l'existence de sections, sans stratégie de long terme, ne répond pas aux exigences de l'aménagement du territoire. Ce texte vise à favoriser la gestion, au nom des sections, par la commune, à faire obstacle à la captation des ressources par la section au détriment de la commune et à faciliter la reprise de propriété des biens sectionaux par la commune.

Il marque un progrès - partiel cependant, car les différences d'intérêt demeurent. Un arrêt récent du Conseil d'État impute d'ailleurs à la section la responsabilité d'une erreur que le conseil municipal aurait commise et qui aurait conduit à léser un tiers.

Les mesures visant à faciliter la reprise de gestion par le conseil municipal constituent un progrès et les seuils retenus pour le maintien d'une commission syndicale sont pertinents. Mais subsiste la question, déterminante, de la qualité d'ayant droit. S'il faut être résident, c'est qu'il peut y avoir des biens privés. La propriété revient à la commune mais de droit de jouissance, lui, a un caractère privatif - il est insuffisamment précis. C'est un grand progrès que de reconnaître la notion de membre, mais qui n'en simplifie pas pour autant la notion d'ayant droit. Il faudra s'en remettre à nos travaux préparatoires. Pour moi, la nouvelle notion de membre de la section remplace celle d'ayant droit.

Les municipalités pourront modifier le budget de la section, financer des dépenses communales sur ce budget, pour peu que les besoins de la section soient satisfaits - encore faudra-t-il apprécier cette condition ; les sections seront assujetties, à terme, à l'impôt foncier. Enfin, le transfert est facilité : c'est un règlement définitif des conflits d'intérêt, si la commune le souhaite et qu'une juste indemnisation est prévue.

Restera néanmoins pendante la question de l'extinction du droit d'usage. De façon coutumière, on considère que le transfert met fin à ce droit mais la loi, curieusement, ne le précise pas. Pudeur face au mécontentement que suscite le transfert ?

Il faut, enfin, que la vente soit possible. Elle est de la compétence de la section mais s'il y a transfert, c'est la commune qui s'en chargera seule.

Ce texte, bienvenu, favorisera la mobilisation de l'espace foncier dans des régions menacées par la déprise et l'affaiblissement du potentiel agricole. Merci à l'auteur de la proposition de loi d'avoir fait avancer la réflexion. (Applaudissements)

M. Alain Bertrand .  - Cette question est au coeur des préoccupations sinon des bureaux des ministères parisiens, du moins de milliers de maires ruraux. Les sections sont en effet devenues des instruments dévoyés pour la satisfaction d'intérêts financiers privés. Les quelque 27 000 sections de commune recensées en 1999 sont très diverses. En Lozère, 70 000 hectares pour des sectionaux qui peuvent aller, dans une commune, jusqu'à 800 ou 1 000 hectares. Alors que seules 200 commissions syndicales fonctionnent correctement, des contentieux privés, familiaux, des litiges anciens -pour ne pas dire des règlements de comptes- se multiplient. La situation est bien souvent inextricable. Car ce régime est dépassé. Le CGCT sur le sujet est un empilement désordonné de normes ; la notion de feu, à laquelle a dû se référer le rapporteur pour justifier ses amendements, n'est-elle pas elle-même vieillie ?

Les réformes passées n'ont pas permis d'atteindre l'objectif. L'initiative du président Mézard est bienvenue. Nous faisons confiance à la ministre qui connaît bien le sujet -elle est aveyronnaise- et avons l'espoir que ce texte aide à restructurer en profondeur le régime. Mais on sait que les choses se font peu à peu, en marchant, disait en substance Jean Jaurès...

Il faudra veiller à préserver l'équité, à assurer vraiment la simplification administrative : les sectionaux posent problème là pour la création d'une station d'épuration, ici pour des terrains à bâtir. On voit, dans mon département, des gens installer une ruche dans un pré et s'immatriculer à la MSA pour accéder aux biens sectionaux et se faire attribuer des hectares... Il faudra veiller à protéger les intérêts des vrais agriculteurs, ceux qui tirent l'essentiel de leur revenu de leur profession.

Cette loi, conforme à l'intérêt général, met fin à certains passe-droits incompatibles avec la République. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier (supprimé)

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Afin de faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes, un ou plusieurs maires des communes intéressées peuvent demander au représentant de l'État dans le département, d'établir après enquête publique, un inventaire des sections de communes et de leurs biens, droits et obligations. Cet inventaire est communiqué, pour la partie les concernant, aux maires des communes intéressées.

Mme Cécile Cukierman.  - Les maires qui en font la demande doivent pouvoir bénéficier de l'aide de l'État pour établir un inventaire. Pour les élus, cet article premier constituait l'une des avancées du texte.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - Nous en avons largement débattu et Mme Cukierman a la logique pour elle. Mais quelle est la partie de commune, les biens exclusifs ici visés, les droits distincts ? La difficulté commence quand on gratte... A quoi bon encombrer les préfectures quand on ne peut attendre de résultat ? Retrait, sinon rejet.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Je comprends votre logique mais on ne ferait qu'alourdir le dispositif. Retrait ?

Mme Cécile Cukierman.  - La logique étant avec moi, je maintiens l'amendement.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article premier demeure supprimé.

L'amendement n°7 est retiré.

Article premier bis

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Collombat, au nom de la commission.

Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

II. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2411-3, les mots : « la moitié des électeurs » sont remplacés par les mots : « la moitié des membres » ;

2° Au septième alinéa (5°) de l'article L. 2411-4, le mot : « électeurs » est remplacé par le mot : « membres » ;

3° L'article L. 2411_11 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « électeurs » est remplacé par le mot : « membres » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « ayants droit » sont remplacés par les mots : « membres de la section ».

L'amendement n°15, de coordination rédactionnelle, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Alain Richard.  - Une question de droit, en quelques mots. La nouvelle définition de membre de section induit une nouvelle définition de l'ayant droit : que seuls les résidents puissent l'être simplifie les contestations mais, lorsque les personnes perdent la qualité d'ayant droit à la suite d'un transfert, la commune indemnise. Or, du fait du changement de la définition légale, les ayants droit perdent cette qualité. Si nous ne précisons rien, les tribunaux pourraient estimer l'indemnisation légitime. Mais ne peut-on imaginer un système dans lequel la qualité d'ayant droit n'est perdue qu'à terme, au moment du transfert ? Sans quoi, on va fabriquer du contentieux et la responsabilité de l'État serait engagée.

Peut-être pourrions-nous trouver une solution à ce problème d'ici la lecture à l'Assemblée nationale. J'avais déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable à bon droit...

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - Je n'ai pas la même lecture. Bien sûr, je me suis posé la question mais il n'y a pas de nouvelle définition de l'ayant droit. C'est l'appartenance à la section qui fait l'ayant droit et non l'ayant droit qui fait la section. C'est la collectivité qui a des titres de jouissance, non l'ayant droit ; et la collectivité qui se rapproche le mieux de la collectivité originelle, ce sont les habitants. La solution que nous avons retenue, après mûre réflexion, est la plus proche et de la logique originelle et de la logique profonde de la notion de section.

M. Jean-Pierre Vial.  - Je suis le rapporteur : prévoir quelque chose dans la loi perturberait le système. On n'est pas ayant droit partout dans les mêmes conditions et on peut en perdre la qualité si l'on ne remplit plus les conditions. Définir la qualité d'ayant droit, ce serait figer les choses, dénaturer les liens avec la section. Dans le cas que j'ai évoqué tout à l'heure, on n'est pas ayant droit dans les mêmes conditions dans l'une et l'autre section.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

L'article premier ter est adopté.

L'article premier quater est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Lipietz.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce montant peut être révisé par décret.

Mme Hélène Lipietz.  - Le Conseil d'État doit pouvoir modifier le seuil financier pour une section afin de ne pas figer les choses sur l'année 2012.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - Favorable.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Favorable, sous réserve qu'il s'agisse bien d'un décret simple.

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

L'article 2 bis est adopté.

L'article 2 ter est adopté.

Article 2 quater

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Collombat, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

dans le respect

par les mots :

notamment dans le respect

L'amendement rédactionnel n°16, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2 quater, modifié, est adopté.

L'amendement n°2 est retiré.

L'article 2 quinquies est adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

L'amendement n°13 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 4, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

au projet de transfert ainsi qu'à ses modalités

M. Alain Richard.  - Il est nécessaire de préciser, en cas d'absence de délibération, à quel objet s'applique l'avis de la commission syndicale.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - La rédaction est suffisamment claire : on sait bien qu'il s'agit d'un projet de transfert et de ses modalités. Retrait ?

L'amendement n°11 est retiré.

L'amendement n°12 n'est pas défendu.

L'amendement n°10 est retiré.

L'amendement n°9 n'est pas défendu.

L'article 4 est adopté.

Les articles 4 bis, 4 ter, 4 quater, 4 quinquies, 4 sexies et 4 octies sont adoptés.

Article 4 nonies

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Collombat, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

I. - A compter de la publication de la présente loi, aucune section de commune ne peut être constituée.

II. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L'article L. 2112-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2112-7. - Les biens meubles et immeubles situés sur la portion de territoire faisant l'objet d'un rattachement à une autre commune ou ceux appartenant à une commune réunie à une autre commune deviennent la propriété de cette commune.

« S'ils se trouvent sur une portion de territoire érigée en commune distincte, ils deviennent la propriété de cette nouvelle commune. » ;

2° Les articles L. 2112-8 et L. 2112-9 sont abrogés ;

3° L'article L. 2242-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-2. - Lorsqu'un don ou un legs est fait à un hameau ou à un quartier qui ne constitue pas une section de commune, le conseil municipal statue sur l'acceptation de cette libéralité dans les conditions prévues à l'article L. 2242-1.

« En cas d'acceptation, la commune gère le bien dans l'intérêt des habitants bénéficiaires du don ou du legs. »

III. - Le I est applicable en Nouvelle-Calédonie.

IV. - La présente loi est applicable en Polynésie française.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - Cet amendement de coordination évite la création de sections de commune dans les cas de fusion de communes ou de legs.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Le Gouvernement n'a pas été à même de mesurer l'impact de cet amendement, dont il partage cependant la philosophie. Sagesse.

L'amendement n°14 est adopté.

L'article 4 nonies, modifié, est adopté.

Article 4 decies

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Lipietz.

Alinéa 5

Après le mot :

biens

insérer le mot :

agricoles

Mme Hélène Lipietz.  - Harmonisation rédactionnelle.

L'amendement n°3, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Lipietz.

Alinéa 6

Après le mot :

biens

insérer le mot :

agricoles

L'amendement n°4 d'harmonisation rédactionnelle, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4 decies, modifié, est adopté.

L'article 4 undecies est adopté.

Article 4 duodecies

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Lipietz.

Alinéa 3, première et seconde phrases

Remplacer le mot :

électeurs

par le mot :

membres

Mme Hélène Lipietz.  - Achevons de peigner la girafe ! Harmonisation rédactionnelle.

L'amendement n°5, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4 duodecies, modifié, est adopté.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Il s'agit de lever le gage.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur  - Une bonne nouvelle sur laquelle la commission n'a pu se prononcer : je ne peux qu'y être favorable à titre personnel...

L'amendement n°17 est adopté.

L'article 5 est supprimé.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean Boyer .  - Élu du Massif central, je me réjouis que l'ancienne sénatrice de l'Aveyron ait conservé sa classe et sa compétence. Je salue les deux Cantalous. Le premier s'appelle Pierre Jarlier : il nous avait déjà sensibilisés au problème par une proposition de loi. Preuve qu'il faut vivre les problèmes de près pour se forger une conviction. Le second est Jacques Mézard, que je félicite pour son heureuse initiative.

Pour avoir été trente six ans maire d'une commune où existaient des biens de section, productifs et improductifs, je sais qu'il suffit d'en parler pour que les ayants droit se réveillent... Mais pour aller vers l'avenir, pour aménager, il faut adopter ce texte. Dans nos territoires, les obstacles ne sont pas seulement climatiques, mais administratifs. Les hommes de bonne volonté doivent savoir respecter le passé dans la perspective de l'avenir. Nous voterons ce texte. (Applaudissements)

M. Stéphane Mazars .  - Les sections ont toute leur place dans nos paysages ruraux à partir du moment où elles ne sont pas sources d'obstacles pour nos territoires. Tout doit être mis en oeuvre pour faciliter la vie des maires. Avec la simplification de la communalisation, nous avons fait ce soir oeuvre utile. Aussi je ne peux qu'inviter le Sénat, étant élu de l'Aveyron, à voter ce texte déposé par mon groupe, en espérant son inscription prochaine à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements)

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur .  - Merci à M. Mézard de m'avoir initié aux arcanes des sections, peu présentes dans mon département. Notre travail collectif a visé à restaurer la logique originelle de cette longue tradition qui doit continuer à vivre. Voici l'esprit général dans lequel nous avons travaillé. A voir vos réactions, je crois que nous ne nous sommes pas trompés.

La proposition de loi est adoptée.

M. le président.  - A l'unanimité ! (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Je me réjouis du vote de ce texte dans une belle harmonie et une belle coproduction législative. Je ne vois qu'un défaut à cette loi qui règlera bien des problèmes sur le terrain ; il me faut le dire : demain, nos avocats n'auront plus de travail ! (Sourires)

La séance est suspendue à 22 h 35.

*

*          *

La séance reprend à 22 h 40.

Bioéthique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à modifier la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

Discussion générale

Mme Françoise Laborde, auteure de la proposition de loi. - En juin 2011, le Parlement avait débattu de la révision de la loi Bioéthique et avait discuté la question de savoir si la recherche sur les cellules souches pouvait être autorisée. Absolue en 1994, cette interdiction a été atténuée en 2004 : des autorisations pouvaient être accordées à titre dérogatoire et pour cinq ans à condition que ces recherches permettent des progrès thérapeutiques majeurs et ne puissent être poursuivies par une autre méthode d'efficacité comparable. En 2011, nous étions nombreux à souhaiter mettre fin à l'hypocrisie en remplaçant ce principe d'interdiction avec dérogations exceptionnelles par un régime d'autorisation encadrée.

Malheureusement, le Sénat avait capitulé en deuxième lecture.

Les tenants de l'interdiction voient dans le foetus un être humain en puissance. Selon cette logique, il aurait fallu maintenir une interdiction totale, sans dérogation. Si l'embryon est une personne humaine potentielle, la seule potentialité ne suffit pas à constituer cette personne. Le potentiel de vie, M. Barbier l'a bien noté dans son rapport, n'existe pas en soi ; il est fonction de la nature et du projet du couple pour lequel l'embryon est conçu en assistance médicale à la procréation. On nous opposait également l'alternative des cellules souches pluripotentes induites (IPS) découvertes par le professeur Yamanaka, à qui elles ont valu le prix Nobel de médecine décerné la semaine dernière. Et c'est ainsi que le législateur était alors sorti du dilemme moral.

La nouvelle rédaction de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique est trop restrictive : elle impose de démontrer qu'il n'existe pas d'autres méthodes pour aboutir au même résultat.

Au lieu de cautionner l'immobilisme politique, nous aurions dû écouter le Conseil d'État, l'Agence de biomédecine, la Conseil d'État et, plus récemment, l'Opecst. L'interdiction nous fragilise quand, partout ailleurs, la recherche prospère, porteuse de grands espoirs. La médecine régénératrice pourrait ainsi remplacer des cellules défaillantes et il n'est pas exclu qu'un jour ces cellules souches embryonnaires se substituent aux greffes d'organes. Les équipes de chercheurs attendent un signal ; trop de temps a été perdu depuis la décision absurde de 2011.

Le président de la République a fait des déclarations encourageantes. Nous proposons un régime d'autorisation strictement encadrée, étant entendu qu'à partir du moment où d'autres recherches offriraient des capacités similaires à celles des cellules souches embryonnaires, la recherche sur celles-ci serait interdite.

Ce texte n'attente en rien à la dignité humaine, il favorise la recherche médicale pour sauver des vies. (Applaudissements à gauche ainsi que sur certains bancs du centre et de la droite)

M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - La semaine dernière, le prix Nobel de la médecine a été décerné au professeur Yamanaka, qui a découvert les cellules souches induites d'abord chez l'animal, puis l'être humain. Cette découverte est porteuse d'espoir au point que, pour certains, elle rendrait caduque la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Si tel était le cas, mais ce n'est pas l'avis des scientifiques, la recherche sur l'embryon humain serait interdite. Tel est le principe que pose ce texte.

En 2004, à une très courte majorité, le Sénat a voté l'interdiction assortie de dérogations permanentes contre l'avis transpartisan de la commission des affaires sociales, dont le choix était le bon tant d'un point de vue éthique que juridique. Nous proposons d'y revenir dans un texte enrichi des travaux de l'Opecst.

Faut-il poser un interdit symbolique fort ? Le groupe de travail du Conseil d'État, présidé par M. Philippe Bas, avait conclu qu'il n'offrait pas les meilleures garanties.

Le potentiel de vie n'existe pas en soi, Mme Laborde l'a dit. De plus, il s'agit d'embryons surnuméraires voués à la destruction après cinq ans de conservation.

M. Jean Desessard.  - Exactement !

M. Gilbert Barbier, rapporteur  - La possibilité pour un couple de vouer un embryon surnuméraire à la recherche est aussi, me semble-t-il, un choix éthique, d'autant qu'à toutes les étapes, le couple peut revenir sur sa décision.

Certains collègues préfèrent envisager une destruction de cet embryon surnuméraire, tant ils craignent la tentation démiurgique de façonner et de modeler la vie. Ils semblent oublier que les recherches sur les cellules souches adultes ne font pas l'objet d'une autorisation de l'Agence de biomédecine.

Dans le régime que nous proposons, l'autorisation est soumise à quatre conditions cumulatives : le projet doit être scientifiquement pertinent : implanter un embryon ayant fait l'objet de recherche est interdit, tout comme l'est la création de chimères ; il doit être à finalité médicale, ce qui exclut la recherche à visée esthétique ; il ne doit pouvoir être conduit qu'avec des embryons humains ou des cellules souches embryonnaires humaines ; il doit présenter toutes les garanties éthiques.

En pratique, je l'ai dit, la recherche sur ce type de cellules reste donc subsidiaire. Si, demain, la recherche sur les cellules souches induites progresse, celle sur les cellules souches embryonnaires prendra fin. Le texte est donc conforme à la convention d'Oviedo.

La recherche sur ces cellules, durant les prochaines années, sera primordiale pour résoudre les questions de génétique et d'épigénétique.

Au reste, l'Agence de biomédecine délivre des avis motivés également par des considérations éthiques, qui sont susceptibles de réexamen à la demande du Gouvernement.

Même en droit, le régime de l'interdiction assorti de dérogations n'est pas équivalent à celui de l'autorisation encadrée. La cour administrative d'appel de Paris a annulé une autorisation délivrée il y a trois ans. Cinq dossiers sont en cours d'instruction, preuve de l'insécurité juridique actuelle. En fait, le régime actuel procède de la volonté de certains députés de rendre, en pratique, les recherches impossibles, à défaut d'obtenir leur interdiction pure et simple. De deux choses l'une : soit on décide l'interdiction, soit l'autorisation encadrée. Votre commission des affaires sociales a fait le choix de la clarté, puisse le Sénat en faire de même ! (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Nous devons traiter ce sujet important avec tout le sérieux et la probité qui s'imposent.

La fécondation in vitro, développée avec l'assistance médicale à la procréation, a conduit en 1978, en Grande Bretagne, à la naissance de Louise Brown, puis en 1982, en France, à la naissance d'Amandine. Cette évolution a conduit, en 1983, à la création du Comité consultatif national d'éthique. Deuxième innovation, la congélation de l'embryon, qui dissocie le moment de la fécondation de celui de la gestation. Le transfert ultérieur peut ne pas avoir lieu lorsque le projet parental a changé ou que l'embryon n'est pas sain. Ce sont ces embryons surnuméraires qui sont visés par la proposition de loi car ils recèlent un grand potentiel pour la recherche.

Pourquoi y a-t-il urgence à adopter un régime d'autorisation encadrée ? Le Gouvernement veut prendre le temps d'un débat approfondi.

M. Charles Revet.  - C'est de bon sens.

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - En l'état de la science, on ne connaît pas d'alternative aux cellules souches embryonnaires. Ces dernières années, l'Agence de biomédecine a accompli un formidable travail, auquel je rends hommage.

Bien des chercheurs ont cru parvenir à une solution de remplacement ; ainsi, en 2006 et en 2007 avec les IPS, les cellules induites, qui offrent la possibilité de produire n'importe quelle cellule à partir du prélèvement d'un tissu sur le patient. Belle promesse pour la médecine personnelle ! Néanmoins se pose la question de la prolifération cancéreuse, des IVS et du clonage. Voilà les raisons pour lesquelles les cellules souches embryonnaires restent le standard de la recherche.

Un point juridique maintenant : en 2004, l'interdiction a été maintenue, assortie de dérogations ; la loi de 2011 maintenait le statu quo, quand les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, la Chine, Singapour, le Japon, la Grande-Bretagne, la Suède faisaient un autre choix -à l'exception notable de l'Allemagne. Depuis 2004, l'Agence de biomédecine a repoussé seulement 4 projets sur 64. Ceux qui ont été menés à bien ont fait l'objet de publication dans des revues prestigieuses telle Nature.

Les recherches se poursuivent ; elles bénéficient aux malades -par exemple, les insuffisants cardiaques. Malheureusement, elles sont freinées. Désormais, la France n'est plus qu'au huitième rang européen et au quinzième rang mondial pour les publications. Va-t-on attendre de voir nos concurrents étaler leurs succès pour réagir ? Non, le président de la République estime que la France doit être le moteur de la construction d'une Europe de la recherche.

Après huit ans de recherches et 64 protocoles autorisés, l'interdiction est-elle justifiée ? Après mûre réflexion et concertation approfondie avec les associations de malade, les chercheurs et l'Agence de biomédecine, je suis persuadée que cette proposition de loi allie éthique et liberté de recherche. Vous avez légitimement insisté sur la finalité médicale. La recherche fondamentale est le préalable d'applications utiles au patient. Le respect des règles éthiques sera assuré par l'Agence de biomédecine ; le principe de gratuité est réaffirmé.

Bref, ce texte lève une hypocrite interdiction ; c'est un signal fort envoyé aux chercheurs, aux malades et à la société. Aucun chercheur ne peut garantir le résultat de ses recherches ; Serge Haroche, notre récent prix Nobel de physique, n'aurait jamais promis que ses recherches fondamentales sur les atomes de Rydberg pourraient mener à la production d'ordinateurs quantiques.

II était scientifiquement illusoire, et donc malhonnête, de laisser croire à des progrès thérapeutiques majeurs dès lors qu'un projet de recherche recevait une autorisation. La finalité médicale doit être mise en avant mais la garantie de progrès thérapeutiques majeurs reste difficile à définir. Nous n'avons pas le droit de susciter de faux espoirs chez des patients atteints de pathologies graves.

Cette proposition a le mérite de renforcer les décisions de l'Agence, d'améliorer la qualité juridique de cette législation, d'afficher une position claire, de replacer la recherche française dans le réseau international des chercheurs. Un vrai débat doit avoir lieu. Le sujet est suffisamment important et sensible pour que nous y consacrions un temps approprié.

M. Christian Cambon.  - Il est temps, en effet...

Mme Muguette Dini .  - Comme beaucoup de collègues, je déplore la discussion de ce texte un lundi soir à 22 h 45. (Marques d'approbation) Le sujet est grave et sérieux ; le groupe du RDSE a préféré prendre ce risque car il y a urgence.

En fait, en 2011, on a tenté de revenir à une interdiction absolue bien que 64 protocoles aient été autorisés.

Que change ce texte ? L'Agence de biomédecine ne délivrera pas plus facilement les autorisations. Toutefois, les délais seront plus rapides et les chercheurs français travailleront enfin dans les mêmes conditions que les autres.

MM. Jean-Pierre Plancade et Guy Fischer.  - Très bien !

Mme Muguette Dini.  - Pourquoi interdire ? La réponse est personnelle. Elle tient à la définition qu'on donne de l'embryon. L'embryon est un amas de cellules indifférenciées ayant au maximum cinq jours d'existence.

D'où viennent ces embryons ? Ils ne sont plus utilisés dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation En France, 160 000 embryons surnuméraires ne font pas l'objet d'un projet parental. Qui décidera de leur sort ? Les parents, au terme de cinq ans. Ce sont donc, de toute façon, des embryons destinés à la destruction qui serviront à la recherche. Sait-on comment les embryons non désirés sont détruits ? Ils sont décongelés sur une paillasse avant d'être jetés ! Une collègue, qui a recouru à l'AMP, l'a découvert avec horreur.

Je peux comprendre ceux qui considèrent que l'on ne peut toucher à la vie humaine mais alors, il faut revenir à l'interdiction totale, sinon, c'est l'hypocrisie. Je veux, pour moi, la clarté : un régime d'autorisation encadrée qui permettra à nos chercheurs de travailler à armes égales avec leurs collègues étrangers.

Certains membres de mon groupe voteront ce texte, les autres s'en expliqueront devant vous. (Applaudissements au centre)

M. Jean Desessard .  - Ce texte relance un débat sensible. Au Sénat, nous avons plusieurs fois voté pour autoriser, en l'encadrant, la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Mme Dini a rappelé ce qu'il en était. Il n'y a pas d'ambiguïté : on ne fabrique pas des embryons expérimentaux, on n'attente à aucune vie.

Cessons d'aller d'atermoiements en atermoiements, qui nous ont conduits au régime actuel, passablement ridicule. Les cellules souches adultes n'ont qu'un potentiel limité. La recherche fondamentale n'a pas de finalité économique et ses bénéfices éventuels sont insoupçonnés au départ.

François Jacob dit que l'on mesure l'importance des découvertes au degré de surprise qu'elles causent. Pour se garder de toute dérive mercantile, peut-être aurait-on pu s'en tenir à la recherche fondamentale...

Celle-ci permet de comprendre comment se transforment les cellules embryonnaires, comment surviennent les maladies, quels effets ont les médicaments. Or, la législation actuelle la cadenasse. Le principe de non-comparabilité rend l'autorisation quasi inopérante. Quant au financement, il est compliqué par l'insécurité qu'induit le régime : le programme obtiendra-t-il son autorisation, se demandent les financeurs. Et l'Agence de biomédecine a dû faire face à bien des procédures. Il y a là de quoi refroidir. Nous sommes dans un cercle vicieux. Seule l'autorisation encadrée permettra d'en sortir : les écologistes voteront ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Milon .  - Je suis heureux que ce sujet ô combien sensible revienne en débat, et j'interviens à titre personnel : je me réjouis que le RDSE ait repris les propositions que j'avais défendues en 2011.

M. Guy Fischer.  - Exact !

M. Alain Milon.  - En deuxième lecture le Sénat avait repris alors le texte de l'Assemblée nationale. C'était prendre à la légère le rôle du législateur...

M. Guy Fischer.  - Très bien !

M. Alain Milon.  - ...et régresser par rapport à 2003, en posant des conditions impossibles à remplir.

La pertinence scientifique, certes, est indispensable, je suis le premier à la réclamer. Mais il y a là un effet pervers, qui peut susciter d'importants retards. Une demande de dérogation a ainsi été rejetée parce que l'autisme n'était pas considéré comme une maladie liée aux gènes. Quelle absurdité !

L'intérêt médical majeur a heureusement remplacé l'intérêt thérapeutique mais a servi d'arme pour bloquer certaines recherches, par exemple sur la prolifération de cellules rétiniennes.

La non-comparabilité, ensuite, est l'arme ultime. Il est impossible de conduire des recherches préalables sur toutes les cellules alternatives.

L'Académie de médecine rappelait, dans son rapport de 2010, que l'interdiction ne pouvait être justifiée par la protection de l'embryon. Et il est faux de prétendre qu'un type spécifique de cellules souches comme les cellules souches induites suffirait à toute la recherche, les cellules souches embryonnaires humaines sont capables de se diviser à l'infini en laboratoire et de se spécialiser, ensuite.

En 2011, on justifiait l'interdiction de principe en évoquant les lois de bioéthique de 2004. Mais en 2011, c'est un principe général d'interdiction avec dérogation que nous avons institué. Les motifs de mon opposition n'ont pas changé : ces règles sont idéologiques et elles nous dessaisissent de notre mission pour en déléguer la lourde tâche à l'Agence de biomédecine. Il aurait fallu faire oeuvre de pédagogie en expliquant aux Français que les recherches visées ne peuvent être effectuées que jusqu'au cinquième jour de l'embryon. La loi de 2011 n'est qu'un rideau de fumée qui masque le défaut d'une position claire du Parlement.

L'autorisation encadrée ici proposée n'est pas une autorisation de principe mais une autorisation délivrée sous conditions strictes et cumulatives. Elle seule est susceptible d'accompagner la recherche. Craignant les régimes où la loi dicterait la vérité scientifique autant que ceux où la science dicterait le droit, je voterai des deux mains cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche, au centre et sur quelques bancs à droite)

M. Bernard Cazeau .  - Merci aux auteurs de cette proposition de loi et à M. Barbier pour son rapport.

En 2011, le consensus de première lecture, fruit d'une position courageuse, fut remis en cause en deuxième lecture et les ajouts de l'Assemblée nationale avaient rendu plus difficile encore la situation des chercheurs. Le texte vise à remplacer l'interdiction assortie de dérogations pour un régime d'autorisation encadrée.

Depuis la première initiative pour assouplir la loi, que nous devons au gouvernement Jospin, nous avons perdu onze ans.

Le texte de 2011 a ouvert la voie à bien des recours contre les décisions de l'Agence de biomédecine. Il faut mettre fin à l'insécurité juridique.

Les cellules souches embryonnaires sont essentielles à la recherche, elles sont les meilleurs outils de la médecine régénératrice. Si les perspectives qu'elles ouvrent restent encore terra incognita, elles soulèvent de grands espoirs.

Les succès récents des IPS ? Ils sont dus aux recherches sur les cellules souches embryonnaires. En outre, nous n'avons pas le recul nécessaire. Les laboratoires, partout dans le monde, ont au reste centré leurs recherches sur les cellules souches embryonnaires. Allons-nous donner à nos chercheurs les moyens de lutter à armes égales ou faudra-t-il nous en remettre à l'industrie américaine ou japonaise ? Nous rendons-nous encore une fois au lobby anti-science, à ceux qui se sont successivement opposés aux droits des femmes à l'avortement, à la procréation médicalement assistée, au test de dépistage génétique et, aujourd'hui, aux cellules souches ?

Au début des années 1990, la France était dans le trio de tête. Le poids des idéologies rétrogrades et la frilosité des pouvoirs publics ont abouti à une situation ubuesque : les conditions sont impossibles à remplir. Ce texte libèrera la recherche ; donnons aux chercheurs un espoir en adoptant ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer .  - Le hasard veut que l'examen de ce texte intervienne alors que le prix Nobel de médecine vient d'être décerné au professeur Yamanaka pour ses recherches sur les cellules adultes. Avec mon groupe, je m'étais opposé au maintien d'une interdiction assortie de dérogations pour la recherche sur les cellules souches. Notre rapporteur d'alors, M. Milon, avait porté un texte qui honorait la commission des affaires sociales : le principe d'une autorisation encadrée, validé par le Conseil d'État et l'Opecst.

Notre position n'a pas changé : oui à une recherche autorisée, mais encadrée. Ceci pour mettre fin à une situation absurde et inefficace. Tous les chercheurs nous l'ont dit : les demandes ne sont autorisées que si elles ne soulèvent aucune objection éthique. Avec les critères d'encadrement ici prévus, la suspicion n'aura plus lieu d'être. Demain, aucun scientifique ne pourra se comporter comme un apprenti sorcier. Sa recherche devra être pertinente, et à finalité médicale. Ces recherches apporteront des réponses à des patients qui n'ont aujourd'hui aucune solution.

Et si demain, la recherche doit être menée sur d'autres cellules, cette voie sera privilégiée.

L'embryon est une potentialité de vie, comme le rappelle Axel Khan. Mais les prémices de la vie, sa possibilité ne sont pas la vie. Pour venir à la vie, un embryon congelé doit faire l'objet d'un projet parental. Or, la recherche ne pourra viser que des embryons qui ne font pas l'objet d'un tel projet : aucun potentiel de vie en eux.

La loi, en réaffirmant le principe d'interdiction de fabrication d'embryons, empêche sa marchandisation. Comme l'a déclaré Lucine Sève, la façon de traiter l'embryon engage la façon de traiter l'humanité. Les conditions sont réunies pour une recherche profitable aux hommes, donc à l'humanité. Nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Retailleau .  - Moi non plus, je ne me déjugerai pas. Voilà un texte essentiel, au sens premier du terme. Sur ce sujet grave, la bougeotte législative est malvenue. Nous avons voté un texte il y a tout juste un an. Pourquoi remettre, nuitamment et à la sauvette, l'ouvrage sur le métier ? Ce n'est pas sérieux.

Combien de fois avons-nous déploré l'instabilité juridique ? Ce n'est pas bon pour l'esprit public. Portalis rappelait qu'il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante. Or, aux termes de la loi, toute réforme doit donner lieu, quand elle a une portée éthique, à un débat public, sous la forme d'états généraux. Pas d'états généraux, un moignon de débat : quelle est l'autorité de la loi si nous ne la respectons pas nous-mêmes ?

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau.  - On invoque beaucoup la communauté scientifique. Mais est-elle une en la matière ? Un certain nombre de professeurs émettent des avis différents. Et le Sénat n'est pas une chambre d'enregistrement de dispositions que tel ou tel groupement, fût-il expert, lui demanderait de voter. Un siècle nous sépare d'Auguste Comte mais, sans respect de conditions éthiques, il n'est pas de progrès humain. On nous objecte qu'il n'y a pas d'alternative à la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Or, le prix Nobel qui vient d'être décerné aux deux chercheurs qui ont découvert les IPS le dément.

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Bruno Retailleau.  - A la transgression anthropologique, préférons d'autres solutions. Celle du professeur Yamanaka, mais aussi celle des cellules issues du sang de cordon.

Passer d'un régime d'interdiction avec dérogations à un régime d'autorisation encadrée est une véritable inversion de la loi. Quand devient-on un être humain ? Il n'y a pas d'accord, entre nous, sur le moment où l'on franchit le seuil de la vie. C'est question, Mme Dini l'a rappelé, de conviction personnelle, en conscience. Et songeons aux textes internationaux, à la convention d'Oviedo, à la décision de la Cour de justice européenne du 18 octobre 2011 qui interdit la brevetabilité de techniques impliquant la destruction d'embryons.

En l'absence de certitude, abritons-nous derrière le doute. Celui-ci n'est pas au-dessous du savoir, disait Alain, mais au-dessus. Ne traitons pas l'embryon comme un simple matériau de laboratoire. Nous n'avons rien à perdre à maintenir la loi : le ministre l'a reconnu, la très grande majorité des demandes sont acceptées par l'Agence de biomédecine. Écartons la transgression anthropologique ! (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mézard.  - Oh la la !

M. Michel Berson .  - Il n'y a pas lieu de légiférer, disent certains, les recherches sur les cellules souches embryonnaires seraient sans utilité, au motif que le professeur Yamanaka aurait découvert une alternative : la reprogrammation de cellules souches spécialisées pour leur rendre la capacité de se différencier. Horizon prometteur, mais les scientifiques restent aujourd'hui dans le doute : les analyses comparatives n'ont pas permis de conclure au caractère identique de ces deux types de cellules.

A l'article 2151-5 du code de la santé public, qui vise une interdiction avec dérogation, ce texte entend substituer une autorisation encadrée. La différence peut paraître ténue ; elle est, en réalité, lourde de conséquences. Car c'est au juge administratif qu'il est revenu de trancher des recours contre des autorisations délivrées par l'Agence de biomédecine. Ce n'est pourtant pas au juge de dire ce qu'est la preuve scientifique, pas plus qu'au législateur qui est là pour prévenir les dérives. Ni l'un ni l'autre ne doit se substituer au chercheur. Le progrès de la science dépend de l'indépendance du chercheur, dont la personnalité créative doit être préservée, disait Einstein.

On ne peut chercher, et trouver, que si l'on est libre de chercher. Au législateur de fournir aux chercheurs le cadre légal qui suscite la confiance des citoyens ; au chercheur, ainsi libéré, de faire progresser la science. Ce n'est pas elle mais les usages qui doivent être réglementés. Personne ne conteste que les cellules souches embryonnaires humaines ne sont pas un simple amas organique. Pour autant, faut-il les doter d'un statut particulier, protéger leur intégrité et leur dignité comme on le doit à toute personne humaine ? Pour moi, tel n'est pas le cas pour les embryons ne faisant pas l'objet d'un projet parental, soit les embryons surnuméraires destinés à être détruits après cinq ans de congélation.

Bref, l'idée consensuelle que la recherche sur les cellules souches embryonnaires repose sur un projet sociétal, à visée médicale ou thérapeutique, qui se substitue à un projet parental, fonde l'adoption de ce texte ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 16 octobre 2012, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 16 octobre 2012

Séance publique

A 9 heures 30

1. Questions orales

A 14 heures 30 et le soir

2. Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République des Philippines tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu (Procédure accélérée) (n° 788, 2011-2012).

Rapport de Mme Michèle André, fait au nom de la commission des finances (n°29, 2012-2013).

Texte de la commission (n°30, 2012-2013)

3. Projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée) (n°6, 2012-2013).

Rapport de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission des lois (n°35, 2012-2013).

Texte de la commission (n°36, 2012-2013)