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Table des matières
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Engagement de procédure accélérée
Consultation de l'Assemblée de Corse
Question prioritaire de constitutionnalité
Financement du Forum alternatif mondial de l'eau
Crédits du Fonds Barnier pour le déplacement d'une école
Préservation de l'habitat à l'année dans les communes littorales
Équipements sportifs en Seine-Saint-Denis
Inscription de la rigotte de Condrieu au registre des AOP
Libéralisation des droits de plantation
Organisation de la justice à Ussel
Fusion de lycées en Haute-Saône
Organismes extraparlementaires (Nominations)
Commission permanente (Candidature)
Gaz de schiste (Question orale avec débat)
Commission permanente (Nomination)
SÉANCE
du mardi 7 février 2012
60e séance de la session ordinaire 2011-2012
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
Secrétaires : Mme Odette Herviaux, Mme Catherine Procaccia.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Paul Caron, qui fut sénateur de Seine-Maritime de 1973 à 1977 puis de 1986 à 1995.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de trois organismes extraparlementaires. La commission des lois a fait connaître qu'elle propose les candidatures de M. Michel Delebarre, pour siéger en qualité de membre titulaire au sein du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; M. Yves Détraigne, pour siéger en qualité de membre titulaire au sein de la Commission consultative des archives audiovisuelles de la justice, et de Mme Corinne Bouchoux, pour siéger en qualité de membre titulaire au sein du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire. Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Engagement de procédure accélérée
M. le président. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen de la proposition de loi visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale et de la proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres, déposées sur le Bureau de l'Assemblée nationale.
Consultation de l'Assemblée de Corse
M. le président. - En application de l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, M. le président du Sénat a saisi, le 31 janvier 2012, le président de l'Assemblée de Corse en vue de la consultation de son assemblée sur la proposition de loi, présentée par M. Éric Doligé, de simplification des normes applicables aux collectivités locales.
Question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, les 2 et 3 février 2012, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité. Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.
Reconduite de l'AER
M. Jean-Luc Fichet. - Les dispositifs d'allocations parfois abscons fluctuent souvent au gré des majorités et de leurs réformes. Et pourtant, derrière ces dispositifs, il y a des hommes et des femmes ballottés par ces changements. Ainsi, des femmes, victimes d'un plan social à Brest dans l'entreprise Lejaby, m'ont alerté sur les difficultés de la transformation de l'allocation équivalent retraite (AER) en allocation transitoire de solidarité (ATS), modification qui laisse de côté les seniors sous prétexte de lutter contre le chômage des seniors.
Malgré les demandes répétées du Sénat, le Gouvernement fait la sourde oreille. La question est pourtant simple : comment assurer à ces seniors une vie décente jusqu'à la retraite ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - L'AER a été définitivement supprimée le 1er janvier 2011 car le Gouvernement entend très clairement encourager l'emploi des seniors. Toute une série de mesures en témoigne : depuis fin 2007, le taux d'emploi des 55-59 ans a crû pour atteindre 63,4 % au deuxième trimestre 2011 contre une moyenne européenne de 61 %.
Le Gouvernement, à titre dérogatoire, a mis en place l'ATS pour les personnes de plus de 55 ans au chômage. Cet effort exceptionnel, engagé en novembre dernier, s'éteindra le 31 décembre 2014. Il bénéficie à 12 000 personnes pour un coût de 40 millions d'euros.
M. Jean-Luc Fichet. - Cela ne règle pas la situation des ouvrières de Lejaby. Elles n'ont pas démérité ; pourquoi les laisser dans la précarité ? Quant à l'emploi des seniors il ne s'améliore pas dans mon département.
Financement du Forum alternatif mondial de l'eau
Mme Laurence Cohen. - Le Forum mondial de l'eau, organisme privé, lieu d'affaires privilégié des multinationales de l'eau, bénéficie de toute l'attention des pouvoirs publics : un budget public de plus de 30 millions, la nomination du président du Comité national de l'eau (CNE) comme commissaire de l'événement. Par comparaison, les aides apportées au Forum alternatif de l'eau semblent bien faibles.
Il faut pourtant sortir l'eau, bien commun de l'humanité, de la marchandisation. Mes collègues ont déposé une proposition de loi en ce sens. Que compte faire le Gouvernement pour corriger le tir pour les deux forums de mars à Marseille ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - Mme la ministre de l'écologie, vous le savez, est attachée au droit universel de l'eau, désormais reconnu par une résolution de l'ONU. Preuve que les précédents forums mondiaux de l'eau sont bien un lieu d'échanges entre les acteurs publics, privés et associatifs, un facteur de progrès. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement déplore l'organisation d'un Forum alternatif. Cela dit, il oeuvrera pour établir des passerelles entre les deux forums et porter la voix de chacun des acteurs, au sein du Forum mondial. L'idée est de tout faire pour que ce forum soit celui des solutions et des engagements !
Mme Laurence Cohen. - J'ai cru, un instant, que nous étions d'accord... mais je rêvais. Pourtant, il faut faire un pas supplémentaire, en prévoyant un financement pour le Forum alternatif. Tous ses acteurs y seront sensibles. Les politiques, vous le savez, sont jugés sur leurs actes et non sur leurs paroles. Pour l'heure, le compte n'y est pas.
Crédits du Fonds Barnier pour le déplacement d'une école
Mme Françoise Cartron. - Onze ans après la tempête de 1999, la commune de Saint-Louis-de-Montferrand a essuyé la tempête Xynthia. Les écoles, à proximité des digues, sont les premiers bâtiments touchés en cas d'inondation. Les élus, mobilisés, ont décidé leur déplacement en zone sécurisée mais la commune n'a pas les moyens financiers suffisants. De manière incompréhensible, on leur a refusé les crédits du fonds Barnier. Pourtant, le rachat des terrains aux particuliers en zone rouge, lui, a été possible. Que fera le Gouvernement pour assurer la sécurité de ces 200 enfants ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - Le Gouvernement partage évidemment votre préoccupation de protéger les vies humaines, surtout celles des enfants. Cela dit, examinons le droit existant. L'article L-561-3 du code de l'environnement est clair : il revient au préfet d'apprécier la situation de danger de ces deux écoles et le coût d'acquisition à l'amiable comparé à celui de la mise en oeuvre de protections. Si l'acquisition amiable ne se justifie pas, il faudra se tourner vers le fonds Barnier pour réaliser les travaux de protection, la commune étant couverte par le PPRI de la presqu'île d'Ambès.
Mme Françoise Cartron. - J'entrevois une ouverture puisque la commune remplit les deux conditions que vous avez énoncées : il faut se tourner vers le préfet de la Gironde, une région que vous semblez particulièrement apprécier si j'en crois vos nombreux déplacements. (M. Benoist Apparu, ministre, sourit) Les élus ont envisagé toutes les solutions, comme la construction d'une salle en hauteur pour mettre les enfants à l'abri : le préfet l'a refusée, parce que nous sommes en zone rouge ! Je vais donc lui écrire !
Préservation de l'habitat à l'année dans les communes littorales
M. Jean-Luc Fichet, en remplacement de M. Joël Guerriau. - Je remplace mon collègue, retenu par des difficultés dans les transports.
Le maintien d'un habitat à l'année est primordial pour l'animation des communes littorales.
La cherté des terrains empêche l'installation de jeunes couples, la plupart des surfaces étant rachetées pour construire des résidences secondaires. Rapidement les résidences principales sont revendues ou transformées en résidences secondaires. Le locatif social est une solution partielle. Ne peut-on pas prévoir un zonage dans le PLU pour l'habitat à l'année ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - La problématique est complexe : comment éviter que les habitants de communes littorales ne subissent les contrecoups de la pression immobilière ? Je crois, moi, à l'incitation fiscale, non à l'outil urbanistique. Un zonage dans le PLU serait difficile à mettre en oeuvre : une résidence principale, au cours de la vie d'un bien, peut se transformer en résidence secondaire. En revanche, les communes ont tout loisir de moduler la fiscalité pour favoriser l'habitat à l'année.
M. Jean-Luc Fichet. - Je transmettrai votre réponse, dont je vous remercie, à M. Guerriau.
PPRT sur les sites Seveso
M. Michel Savin. - Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) définissent des zones d'expropriation et de délaissement autour des sites classés Seveso. Or dans mon département, mieux vaudrait, pour protéger l'emploi, délocaliser l'entreprise à l'origine du risque, qui emploie deux salariés, que les sociétés alentour qui en emploient 150. Ne faut-il pas modifier la loi pour l'autoriser ?
En outre, des crédits d'impôt sont prévus pour travaux rendus nécessaires dans ces zones chez les particuliers. Les entreprises ne pourraient-elles pas en bénéficier ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - Mme la ministre de l'écologie vous indique que la loi prévoit déjà l'option que vous souhaitez, dans le cadre de l'élaboration des plans de prévention des risques technologiques, et ne s'oppose pas à ce que les collectivités financent les travaux des entreprises.
M. Michel Savin. - Deux salariés dans l'entreprise Seveso pour 150 en face ? Dans le contexte actuel de crise, il est dommage de ne pas éviter des délocalisations d'entreprises qui craignent pour leur survie.
Bataille du rail en Dordogne
Mme Bernadette Bourzai, en remplacement de M. Claude Bérit-Débat. - Je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue, empêché par des raisons techniques. Avec les associations et les élus locaux, il mène depuis plusieurs années la bataille du rail en Dordogne.
Alors que le projet de cadencement de la SNCF désavantageait les usagers périgourdins, grâce à cette mobilisation, quelques victoires ont été remportées, par exemple sur la liaison Périgueux Limoges. Cela dit, la bataille est sans fin : qu'en est-il de l'avenir des ateliers de Chamiers après la décision de la fusion du technicentre de Périgueux avec celui de Saintes ?
Comme vous le voyez, la bataille du rail se poursuit mais les élus ne s'avouent pas vaincus.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - La SNCF a décidé de pérenniser l'activité des centres de Périgueux et de Saintes, en cessant de confier la rénovation des matériels roulants à des sous-traitants. Elle a aussi défini sa stratégie de conquête de nouveaux marchés en Europe, ce qui passe par une réduction du coût des sites de Périgueux et de Saintes, un impératif en ces temps difficiles. L'atelier de Chamiers, spécialisé dans la fabrication et la rénovation des appareils de voie, devrait connaître un regain d'activité grâce au plan de performance Etat-RFF, à la politique du rail des régions et au développement des lignes à grande vitesse.
Mme Bernadette Bourzai. - Les observations de mon collègue s'appliquent à Brive et à Limoges, dans mon département.
Paru Vendu
M. René-Paul Savary. - Aujourd'hui, 3 000 salariés de la Comareg sont sur le carreau. Pourtant, ce sont eux qui permettaient au groupe Hersant d'engranger des bénéfices. Un contrat de sécurisation est prévu pour ces salariés, dont la plupart sont concentrés dans mon département. Aura-t-on les moyens d'assurer leur formation en vue d'une reconversion ? Qu'en est-il des 5,5 millions que le groupe Hersant s'est engagé à verser au titre d'indemnités supra-légales et pour le financement de la cellule de reclassement ? Enfin, y a-t-il des repreneurs ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. - Comme vous, le Gouvernement est attaché à préserver l'emploi. Les négociations avec le repreneur potentiel, le groupe belge Rossel, se poursuivront jusqu'en mars. Quant à la situation des salariés, le groupe Hersant devra respecter ses engagements tant vis-à-vis de l'État que des personnels. Nous y veillerons.
M. René-Paul Savary. - Merci de ces précisions. L'affaire prend un tour particulier dans la région rémoise, qui subit de nombreuses destructions d'emplois, depuis la fermeture de la Base 112. Nous avons besoin de rigueur dans le suivi !
Aides au secteur culturel
Mme Maryvonne Blondin. - Dans une prétendue démarche de simplification, la Commission européenne a réformé le paquet « Monti Kroes » le 20 décembre 2011, en adoptant le paquet « Almunia ». La culture relève-t-elle d'une mission de service public ? Si nous ne parvenons pas à le montrer, les aides au secteur culturel seront déclarées incompatibles avec la législation européenne, surtout s'agissant des subventions au spectacle vivant. Que compte faire le Gouvernement à Bruxelles pour défendre l'exception culturelle française ? Comment entend-il transposer ces règles en droit interne ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. - La simplification, vous avez raison, est un combat permanent. La réforme du paquet « Monti-Kroes » a fait l'objet d'un examen attentif du ministre de la culture. Rien ne justifie que la dérogation prévue pour la culture ne perdure pas. Le Gouvernement a donc demandé une exemption spécifique pour ce secteur.
M. Mitterrand a conduit, avec son homologue allemand, une action en ce sens auprès de la Commission. Nous resterons vigilants jusqu'à l'adoption définitive de la réforme. Enfin, nous préparons un guide pratique pour les acteurs publics et privés de la culture. C'est bien le moins pour ce secteur qui contribue tant au rayonnement de la France dans le monde !
Mme Maryvonne Blondin. - Merci pour ce guide pratique qui sera certainement d'une grande aide. Je veux défendre, vous l'avez compris, le service public de la culture, cette émotion que suscite l'artiste qui échappe à toutes les classifications comptables.
SDCI des Yvelines
M. Philippe Esnol. - Je veux dénoncer le mépris de la démocratie de proximité auquel donne lieu l'élaboration du Schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) dans les Yvelines. Droite et gauche veulent se mettre d'accord, mais le préfet le refuse. Les élus de gauche voulaient prolonger de six mois la procédure lors de la séance du 8 décembre 2011, mais le représentant de l'État prenant ouvertement parti, a refusé de mettre aux voix ce voeu.
Comment expliquer que l'État refuse le projet voulu, pour les 100 000 habitants de la Confluence Seine-Oise, par les maires de Conflans-Sainte-Honorine, Achères et Poissy et accepte une intercommunalité sans projets pour les 20 000 habitants de Maisons-Lafitte et Le Mesnil-le-Roi ? L'Etat prend en compte les réalités locales dans le cadre de l'opération d'intérêt national Seine Aval, du port d'Achères et du Grand Paris. Pourquoi les réalités locales sont-elles ici ignorées, pour des raisons purement politiciennes ?
Entendez-vous rappeler au préfet son devoir de respecter les élus locaux ? Allez-vous renoncer à l'intercommunalité forcée au bénéfice de l'intercommunalité choisie ? La démocratie locale doit l'emporter. L'intercommunalité doit la renforcer. Des mariages forcés ne pourraient déboucher que sur des divorces ....avant même le mariage !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. - Veuillez excuser M. Richert, empêché. Je ne polémiquerai pas et me contenterai de rappeler les faits. La recherche de consensus l'a emporté, contrairement à ce que vous avez dit.
Les Yvelines souffraient d'un retard important en termes d'intercommunalité. Durant 2011, un important travail de concertation a eu lieu, pour préparer le SDCI, qui tenait compte des réalités locales. Lors de la procédure de consultation, le projet de schéma a bénéficié d'une majorité confortable. La Commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) a adopté le 8 décembre 2011 un avis favorable à l'unanimité des 28 suffrages exprimés.
Un incident de séance a eu lieu car le préfet n'a pas mis aux voix une demande de prolongation de six mois de la concertation. Cette motion était identique à celle présentée dix jours plus tôt et qui avait été repoussée. Un nouveau vote n'était pas nécessaire et son annexion au procès-verbal suffisait. La commission avait rejeté le principe même du report.
Le SDCI a été adopté à une large majorité, après que la concertation s'est déroulée normalement. Il y a bien eu recherche de cohérence avec les autres projets régionaux. Ce schéma répond donc a l'optimisation de l'action publique.
Le dialogue engagé en 2011 se poursuivra cette année, comme l'a dit M. le Premier ministre.
M. Philippe Esnol. - Il y a un décalage entre ce que vous dites et ce qui s'est passé sur le terrain. Nos trois communes, qui comptent 100 000 habitants, présentaient un vrai projet cohérent, reconnu par le président du conseil général et le sous-préfet de l'époque. On veut nous imposer des regroupements. Le mariage ne se fera jamais, nous irons au tribunal administratif et au Conseil d'État et nous gagnerons ! (M. Jean Besson applaudit)
Tapisserie d'Aubusson
M. Jean-Jacques Lozach. - Le régime fiscal applicable à la tapisserie d'Aubusson se montait à 5,5 % jusqu'à présent, tant pour les tapisseries modernes que pour les interprétations de tapisseries anciennes réalisées par les lissiers et cartonniers. La hausse de la TVA va pénaliser ce secteur remarquable, reconnu par l'Unesco, alors que le ministre de la culture s'était engagé à le protéger.
Pouvez-vous nous dire ce que compte faire le Gouvernement pour réduire l'impact de cette mesure sur les lissiers ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. - Nous portons attention aux métiers d'art et aux savoir-faire. Beaucoup a été fait depuis quelques années pour protéger des produits alimentaires par des labels, du brie de Meaux au pruneau d'Agen. Globalisation rime souvent avec uniformisation ; pour donner du sens, les consommateurs recherchent l'authenticité, dont la France est le pays par excellence. C'est tout particulièrement vrai pour la tapisserie d'art. En Creuse, j'ai rencontré ces artisans.
Pourtant, nos finances publiques doivent retrouver l'équilibre. Le courage est nécessaire. Le président de la République ne manque pas de cette qualité guère répandue dans le monde politique. Le Gouvernement a donc augmenté le taux de TVA réduit. Tous les secteurs ont été traités de la même façon. Certains secteurs auraient pu passer au taux normal, ce que nous n'avons pas voulu. Les professionnels en sont conscients. M. Mitterrand est très attentif à la situation des lissiers du bassin aubussonnais. Diverses commandes publiques leur ont été adressées, comme celle d'une tapisserie de Gérard Garouste. J'aurai l'occasion de leur rappeler notre soutien lors d'une rencontre prévue le 14 mars prochain. Une cité internationale de la tapisserie et de l'art tissé devrait voir prochainement le jour, et des formations seront mises en oeuvre. L'État est donc pleinement conscient de l'importance de ce secteur. Mon ministère finance chaque année l'Institut national des métiers d'art. Ces métiers sont une chance pour la France. Nous tentons aussi de rapprocher le savoir-faire des artisans et l'avenir que préparent les designers.
M. Jean-Jacques Lozach. - J'ai bien noté l'esprit de votre démarche ; le relèvement du taux de TVA n'en reste pas moins un handicap, quoi que vous en disiez. Ce savoir-faire doit être maintenu, encouragé. La tapisserie d'Aubusson a connu un déclin dramatique à la fin du siècle dernier ; seulement 50 artisans lissiers subsistent alors qu'ils étaient 1 000 en 1900. Grâce au classement au patrimoine immatériel de l'Unesco, la tapisserie d'Aubusson devrait connaître une nouvelle naissance.
Équipements sportifs en Seine-Saint-Denis
Mme Éliane Assassi. - Malgré la jeunesse de sa population, la Seine-Saint-Denis est le dernier département en nombre de licences et d'associations sportives, et un des plus mal lotis en termes de taux d'équipements sportifs, malgré le plan de rattrapage décidé par le Gouvernement -dont l'enveloppe est hélas passée de 20 millions à 15. Le département avait décidé de participer à ce renouvellement des équipements sportifs. Le désengagement de l'État aura des conséquences catastrophiques.
Mon département a besoin d'équipements sportifs dignes de ce nom. Le sport est un atout déterminant dans notre société. Il est donc nécessaire que l'État participe financièrement à ces équipements afin que les retards soient comblés. Nous attendons une table ronde.
M. David Douillet, ministre des sports. - Il est vrai que la Seine-Saint-Denis est caractérisée par un sous-équipement sportif mais s'il est dans cet état-là, c'est à cause du conseil général, présidé par la gauche. Les gymnases qui dépendent du département n'ont jamais été entretenus. Le conseil général n'a pas de politique sportive et vous voulez que l'État le remplace ! C'est d'ailleurs ce qu'il fait : 75 chantiers sont lancés dans 34 communes, 32 courts de tennis ont été couverts. Soixante-dix millions seront consacrés à ce plan, dont 15 par l'État et 9 par le CNDS. Trente-quatre des 35 communes candidates ont vu au moins un de leurs projets financé. L'exécution de ce plan est prévue en quatre ans.
Au-delà, les communes peuvent continuer de demander des aides au CNDS. D'ailleurs, nombre d'entre elles s'engagent enfin dans des projets d'équipements sportifs ; j'y vois un effet d'entraînement du plan. Nous devons aussi mieux intégrer les équipements sportifs dans notre politique d'urbanisme ; je pense là au Grand Paris.
Pour corriger les inégalités, j'ai demandé à mes services d'élaborer un schéma de cohérence territoriale. Une cellule de conseils aux élus sera mise en place afin que l'on puisse dire dès le printemps ce qui doit être fait et pourquoi. Certains équipements sont « froids » : sous-utilisés. L'État ne peut pas tout financer mais je veillerai à ce que les tables rondes se tiennent rapidement, car il y a urgence.
Mme Éliane Assassi. - La Seine-Saint-Denis ne demande pas l'aumône. Je ne suis que le porte-parole de la population dans ce département. Ne renversez pas la responsabilité sur le conseil général, ce n'est vraiment pas de circonstance. Je ne sais pas ce que vous connaissez de la Seine-Saint-Denis ; j'y suis née. Les choix politiques requis par la pratique sportive ont été largement assumés par les présidences successives du conseil général. Vos propos politiciens ne sont pas opportuns.
M. le ministre de la ville a reconnu le déficit de la Seine-Saint-Denis en matière d'équipements sportifs. Je crains que vous ne proposiez que du saupoudrage. Qu'on l'appelle « cellule » ou « table ronde », l'important est que l'on réunisse les acteurs concernés et que vos paroles se traduisent en actes. Je lance un cri d'alarme. (Applaudissements à gauche)
Cynips du châtaignier
Mme Anne-Marie Escoffier. - Je veux vous parler de mon canton qui dispose d'un conservatoire régional du châtaignier. Des insectes jusqu'alors inconnus dans nos régions provoquent des dégâts sur les châtaigniers, notamment le cynips, originaire de Chine. Les rameaux poussent moins et la production diminue. À ce jour, il n'existe pas de méthode fiable contre le cynips. Il convient pourtant d'agir très vite si l'on ne veut pas que nos châtaigniers connaissent le même sort que les platanes du canal du Midi.
Le châtaignier est cet arbre admirable. Sa résistance à l'humidité l'a fait utiliser pour les coques de navire et sa robustesse en a fait le matériau privilégié des charpentes, dont celle de Notre-Dame-de-Paris. Arbre nourricier, on l'appelle arbre à pain pour l'utilisation de ses fruits en farine ou encore arbre à saucisses quand il nourrit les troupeaux de porc.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre contre le cynips ? (Applaudissements)
M. David Douillet, ministre des sports. - Ce parasite réduit la croissance des arbres. La perte de fructification peut atteindre 50 à 60 %. Apparu dans nos contrées en 2007, ce parasite a d'abord touché les Alpes-Maritimes et la Corse. Depuis, il s'est répandu. Le 22 novembre 2010, un arrêt a été publié pour surveiller les plantations. En cas de foyer, un périmètre est défini dans lequel est interdit tout mouvement. Des variétés tolérantes ont été plantées et l'on introduit un insecte parasitoïde, le torimus sinensis que les Japonais utilisent depuis plusieurs années avec de bons résultats Un programme d'introduction a été mené en 2010 dans les Alpes-Maritimes. Puis l'Inra a sélectionné huit sites dans quatre départements pour y lâcher ce ravageur. Si l'expérience est probante, cette introduction sera généralisée.
Mme Anne-Marie Escoffier. - Merci pour cette réponse. Le Gouvernement entend mettre en place un plan de financement. Je me désole de constater que l'Aveyron n'est pas concerné. J'en suis malheureuse. Notre conservatoire régional est très orienté vers toutes ces recherches.
Inscription de la rigotte de Condrieu au registre des AOP
M. Bernard Fournier. - L'attitude de la Commission européenne est incompréhensible. Dans le massif du Pilat, la rigotte de Condrieu est une tradition ancestrale. Le 13 janvier 2009, elle a été reconnue AOC, ce qui signifie qu'est démontré le lien entre la qualité de ce produit et son terroir de production.
L'AOP est la transcription européenne de nos AOC. La Commission européenne doit enregistrer ces produits, ce qu'elle n'a toujours pas fait pour la rigotte de Condrieu, alors que l'administration française a donné son feu vert. Pourquoi mettre ainsi en cause le travail accompli par ces producteurs locaux ? Que compte faire le Gouvernement ?
M. David Douillet, ministre des sports. - Pour bénéficier de l'AOP, le lieu géographique doit être reconnu. Les autorités nationales doivent demander à la Commission européenne de statuer. C'est chose faite depuis 2009. Les services du ministère de l'agriculture travaillent depuis avec l'administration européenne pour répondre à ses demandes. M. Le Maire fera tout pour que cette démarche d'enregistrement aboutisse.
M. Bernard Fournier. - La détermination du Gouvernement rassurera les producteurs.
Libéralisation des droits de plantation
M. Jean Besson. - La libéralisation des droits de plantation doit intervenir dès 2016. Les producteurs viticoles craignent des conséquences néfastes, une surproduction et un effondrement des prix. Malgré l'opposition des pays producteurs et du Parlement européen, la Commission européenne campe sur ses positions.
La viticulture reste un secteur économique et culturel essentiel. Que compte faire le Gouvernement auprès des instances européennes, afin de respecter les intérêts de la filière viticole ?
M. David Douillet, ministre des sports. - Dès son arrivée, M. Le Maire a alerté la Commission européenne sur les graves conséquences qu'aurait une dérégulation. Une augmentation de 31 % des surfaces cultivées pourrait en résulter, d'où une déstabilisation comptable du marché. En matière agricole, cette logique de libéralisation totale mène à la faillite. La France s'y oppose farouchement avec neuf autres États, qui viennent d'être rejoints par quatre autres, ce qui nous rapproche de la majorité qualifiée requise en la matière.
Le 20 octobre et le 23 janvier 2012, Bruno Le Maire a réitéré sa position en conseil des ministres de l'agriculture. Le commissaire en charge de l'agriculture a accepté la création d'un groupe de travail de haut niveau. C'est une avancée que nous saluons. Le président de la République et le Gouvernement sont totalement déterminés à protéger la viticulture française.
M. Jean Besson. - La vigilance s'impose. La Commission européenne va réunir un groupe de travail sur l'avenir de la viticulture ? Cela va dans le bon sens. Nous restons mobilisés pour la défense de la filière viticole. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Organisation de la justice à Ussel
Mme Bernadette Bourzai. - Lors de la récente réforme de la carte judiciaire, il a été décidé de fermer le tribunal d'instance d'Ussel le 1er janvier 2010. Résultat, nous devons effectuer 90 kilomètres pour aller à Tulle ou 130 vers Brive. En mai 2011, nous avons été informés que le point d'accès au droit qui subsistait à Ussel serait transformé en maison de la justice et du droit. La commune, désignée d'office, devra financer 20 % des travaux ainsi que les charges de fonctionnement, dont les frais de personnel qui s'élèvent à pas moins de 70 000 euros par an. Que fera le Gouvernement pour compenser à la collectivité ce double transfert de charges ?
M. David Douillet, ministre des sports. - Comme vous le savez, de par la loi du 18 décembre 1998, le décret du 29 octobre 2001, et l'article 131-4 du code de l'organisation judiciaire, l'aménagement des maisons de la justice est de la responsabilité des collectivités territoriales. Néanmoins, une dotation de 14 000 euros est versée par l'État. La visioconférence, solution innovante, permettra aux justiciables de trouver réponse à leurs questions au tribunal de grande instance sans se déplacer. Cela dit, Ussel devra donner son accord.
Mme Bernadette Bourzai. - Ussel n'a jamais demandé une maison de la justice et du droit ! Nous avions un tribunal d'instance qui fonctionnait bien et répondait à un besoin manifeste. Vous décidez unilatéralement de le supprimer et vous nous demandez de financer à la place une maison de la justice et du droit. Le transfert de charge est manifeste, s'agissant d'une compétence régalienne. La Corrèze a la seule préfecture de France qui ne possède plus de tribunal de grande instance ! Résultat, 130 km jusqu'à Brive et une baisse considérable du recours à la justice, encore aggravée par les 35 euros désormais exigés par dépôt de plainte. Était-ce là le but de la réforme de Mme Dati ?
Fusion de lycées en Haute-Saône
M. Jean-Pierre Michel. - Mon département, qui a déjà pâti de la trop fameuse RGPP, se voit imposer des projets de fusion de lycées. Cette politique de rationalisation aveugle touche toujours les mêmes : les banlieues et les zones rurales. Nous en refusons le nouvel avatar : la fusion. J'invite donc le Gouvernement à revenir à une idée simple : le projet doit toujours précéder l'organisation.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - M. Chatel, retenu ce matin, n'a pas une vision comptable de l'école, contrairement à ce que vous croyez. Pour lui, l'école du XXIe siècle repose sur trois idées fortes : personnalisation des parcours, autonomie des établissements et revalorisation du métier d'enseignant. Cette politique exige une mise en réseau des lycées, qui n'équivaut absolument pas à une fusion. Dans votre département, le rapprochement des lycées de Lure et de Luxeuil-les-Bains favorisera une offre éducative plus riche. Votre conseil régional a d'ailleurs mutualisé les lycées de Lure pour la cantine. Le Gouvernement travaille, vous le voyez, en bonne intelligence avec les acteurs locaux.
M. Jean-Pierre Michel. - Les communautés éducatives rejettent ce projet de mise en réseau. Les conseils d'administration refusent de se réunir sur ce sujet car ils craignent un abandon des filières techniques.
Délégation étrangère
M. le président. - J'ai le plaisir de saluer, dans la tribune d'honneur du Sénat, une délégation de la Chambre basse du parlement irlandais, conduite par son président, M. Seàn Barrett. Cette délégation est en France pour une visite d'étude auprès de nos deux Assemblées sur les questions européennes et le financement de l'économie ; elle se rendra également à Bordeaux.
Accueillie par Mme Françoise Laborde, présidente du groupe interparlementaire France-Irlande, la délégation a été reçue ce matin par le président du Sénat et a prévu une réunion de travail avec le président de la commission des affaires européennes, dans le cadre de la présidence irlandaise de l'OSCE pour l'année 2012.
Le Sénat français entretient des relations d'amitié de longue date avec le Parlement irlandais, nourries d'échanges sur des sujets aussi divers que les énergies vertes, l'agriculture, les politiques en faveur de la recherche et de l'innovation et le financement des PME.
Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter en votre nom à tous, à nos homologues irlandais une cordiale bienvenue, ainsi qu'un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements)
Questions orales (Suite)
Avenir des IUT
M. Francis Grignon. - La loi du 10 août 2007 confère l'autonomie aux universités, dont les IUT sont des composantes. Les directeurs de ces établissements voulaient que les contrats d'objectifs et de moyens liant l'État à leurs tutelles leur fassent une place. Ce n'est pas le cas, si bien que ces contrats sont signés sans un regard pour les moyens des IUT. D'où la réforme demandée autour de trois axes : redéfinition des missions des IUT, création d'une structure fédérant les IUT au niveau régional, mise en place d'une structure publique nationale.
Dans une autre vie, j'ai apprécié la qualité des étudiants formés en IUT. Voilà pourquoi je porte la demande des directeurs d'IUT.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. - M. Wauquiez, retenu, est comme vous, conscient de l'importance des IUT dans notre paysage universitaire. L'autonomie, posée dans la loi du 10 août 2007, interdit de flécher un budget. Cela dit, le ministre a demandé aux recteurs de vérifier les conditions d'application des circulaires du 20 mars 2009 et du 19 octobre 2010. Quand des irrégularités ont été repérées, elles ont été corrigées. Enfin, le Gouvernement travaille à faire de la commission nationale consultative des IUT un véritable lieu d'échanges.
M. Francis Grignon. - Si le Gouvernement se saisit du dossier, c'est bien qu'il y a un problème. Espérons que ma question aidera à le résoudre.
Enseignement du chinois
M. Richard Yung. - La Chine est désormais le premier pays d'expatriation des Français avec plus de 30 000 de nos compatriotes en Chine, nombre en augmentation de 10 % par an. L'augmentation du nombre d'élèves en mandarin n'est pas liée à la population chinoise en France : presque 90 % des élèves ont pour langue maternelle le français. Quand seulement 38 % des enseignants de mandarin dans le secondaire sont titulaires, on ne comprend pas la suspension des concours de l'agrégation et du Capes externe pour 2011-2012. C'est d'autant moins compréhensible que fin novembre a été lancée l'année de la langue chinoise en France et que les Chinois développent l'enseignement du français.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. - M. Wauquiez, retenu, rappelle que l'ouverture des concours est fonction des besoins. Or l'analyse, cette année, fait apparaître, avec une baisse du nombre d'élèves constatée pour la première fois l'an dernier, que nos moyens sont satisfaisants. L'offre de onze postes au Capes interne suffira, d'autant que nombre de contractuels seront titularisés.
M. Richard Yung. - Onze postes pour 240 non titulaires ! Cela représente moins de 5 %. Cette situation ne s'explique que par la volonté du Gouvernement de faire contribuer l'enseignement du chinois à la politique de maîtrise de la dépense publique. Songez que, bientôt, un million de touristes chinois visiteront chaque année la France. Il faut former des gens pour les accueillir.
Organismes extraparlementaires (Nominations)
M. le président. - La commission des lois a proposé des candidatures pour trois organismes extraparlementaires. La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Michel Delebarre, membre titulaire au sein du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; M. Yves Détraigne, membre titulaire au sein de la Commission consultative des archives audiovisuelles de la justice et Mme Corinne Bouchoux, membre titulaire au sein du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.
La séance est suspendue à midi.
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présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
La séance reprend à 14 h 35.
Dépôts de rapports
M. le président. - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article 29 de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, le rapport sur la création d'un Observatoire national des violences faites aux femmes ; en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi du 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte.
Le premier a été transmis à la commission des lois et à la commission des affaires sociales, le second à la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois et, pour information, à la commission des lois.
Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
Commission permanente (Candidature)
M. le président. - J'informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, à la place laissée vacante par M. Alain Bertrand, dont le mandat de sénateur a cessé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Débat de politique étrangère
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je me réjouis de ce débat. Notre commission a souhaité entendre régulièrement le Gouvernement sur les priorités de sa politique étrangère et de défense, les deux outils indissociables de notre action extérieure. Vous avez, monsieur le ministre d'État, donné immédiatement suite à notre demande : soyez-en remercié.
L'année qui s'achève a été celle des bouleversements, des surprises aussi pour notre diplomatie. C'est la question de l'anticipation -et des moyens qui lui sont alloués- qui est ici posée. Notre cécité préoccupante, sur laquelle je n'insisterai pas, ne doit pas masquer une réflexion sur la mise en oeuvre, pour la première fois en 2011, du concept central de la « responsabilité de protéger » par la résolution 1973 de l'ONU sur la Libye, sous l'impulsion de notre diplomatie et de vous-même. Ce concept est de nature à structurer notre action internationale. Atteinte à la souveraineté des États, avatar d'un droit d'ingérence manipulé à leur profit par les anciennes puissances coloniales ? Certes non ! L'actualité éclaire le grand moment de rééquilibrage vers les pays émergents dont M. Védrine avait dessiné les contours. Hélas, les pays émergents, qui accèdent à la puissance, continuent à privilégier une lecture tiers-mondialiste des relations internationales. L'opposition de la Russie et de la Chine est d'une autre nature...
Le monde n'est plus centré sur l'Occident ou sur l'Europe. Perte d'influence ? Vous nous direz, monsieur le ministre d'État, comment la France peut répondre à ces bouleversements ; comment les pays émergents peuvent prendre la place qui est la leur. L'élargissement du Conseil de sécurité est un cas d'école... Vous nous direz aussi comment engager les puissances ré-émergentes que sont la Russie et la Chine, comment promouvoir le multi-libéralisme, faire des choix collectifs qui portent à la fois nos valeurs et nos intérêts, oeuvrer pour faire passer le système international d'une juxtaposition de souverainetés à l'exercice conjoint d'un intérêt mondial. La responsabilité de protéger est difficile à définir. Comment travailler à l'inclusion des organisations régionales dans la résolution des conflits ? Ainsi en est-il de la Ligue arabe en Syrie, ou de l'Union africaine.
L'emploi de la force n'est que l'aboutissement ultime de la responsabilité de protéger. N'y a-t-il pas là défaut d'anticipation, alors que le coût de l'action est bien supérieur à celui de la prévention ? Ce qui ne doit pas faire oublier qu'attendre, c'est prendre le risque du bain de sang.
Toute l'action de l'ONU participe de la responsabilité de protéger. Notre investissement dans le multilatéral, notre politique d'aide au développement nous permettent d'anticiper les crises. C'est plus efficace et moins coûteux. Dans la Corne de l'Afrique, ce n'est plus la terre qui nourrit mais la guerre, ai-je lu récemment. Un constat alarmant !
En Syrie l'action de notre diplomatie est exemplaire. Votre engagement personnel au Conseil de sécurité, monsieur le ministre d'État, témoigne de la défense de nos valeurs. Le président de la République avait donné à notre diplomatie, en début de mandat, deux objectifs : l'Europe et la défense des droits de l'homme ; il avait même créé un secrétariat d'État aux droits de l'homme. Cela s'est soldé par un échec, même si le principe reste d'actualité. C'est l'atteinte aux droits fondamentaux qui a justifié notre intervention en Libye. Contrairement à ce qu'ont dit certains pays, l'application de la responsabilité de protéger n'a pas été le cheval de Troie du droit d'ingérence.
J'en viens au printemps arabe, à leur onde de choc et à leurs répliques. Nous souhaitons tous la stabilisation du pourtour méditerranéen. Mais il ne faudrait pas que le processus démocratique se brisât sur l'effondrement économique. L'absence de liberté politique a longtemps été justifiée par la liberté économique -le « enrichissez-vous » de Guizot... Mais les régimes en place étaient prédateurs. Le partenariat de Deauville est salutaire, mais l'impression est qu'il tarde à produire ses effets. Il faut éviter l'effondrement économique et permettre aux générations montantes d'avoir accès à l'emploi et à la formation.
L'Union pour la Méditerranée doit être refondée, d'après le président de la République, mais elle se heurte au même obstacle que le processus de Lisbonne, c'est-à-dire au conflit israélo-palestinien, qui s'aggrave. Ne faut-il pas changer de méthode ? Que fait-on pour amener le gouvernement israélien à la table des négociations ? Faut-il attendre les élections américaines ? Que faire face à l'opinion arabe si le soutien à la politique de colonisation de l'État hébreu en sort renforcé ? Où est l'Europe ? Nulle part car elle est divisée ; elle ne peut se contenter du rôle de banquier...
Pour les pays du printemps arabe, nous nous sommes collectivement trompés en pensant que les régimes autoritaires en place étaient un rempart contre l'islamisme radical, en renonçant à défendre nos valeurs. Heureusement, tel n'a pas été le cas en Libye et en Syrie. Je vous en sais gré, monsieur le ministre d'État.
Les élections se sont déroulées dans de bonnes conditions, les populations ont voté contre l'ordre ancien et pour des partis persécutés qui incarnaient la rigueur et l'absence de corruption. Nous respectons cette volonté. En contrepartie, nous attendons de ces gouvernements qu'ils respectent les règles de la démocratie, le pluralisme et les droits des minorités. Nous devons -c'est aussi notre intérêt- accompagner ces sociétés vers la modernité politique et une croissance redistributrice des richesses. C'est le meilleur gage de paix. Évitons toutefois l'arrogance constatée en Irak ou en Afghanistan.
J'en viens à notre politique vis-à-vis de l'Asie et du Pacifique. En 2011, nous avons conduit une mission au Japon et nous irons en Australie cette année. Nous devons prendre nos responsabilités dans cette partie du monde. La France est une puissance du Pacifique, elle y dispose d'une immense zone économique exclusive. Nous ne pouvons nous désintéresser de sécurité maritime et de la lutte contre la piraterie. Quel bilan tirez-vous de notre action ? Notre intervention en Afghanistan ne peut, je crois, contribuer à la sécurité en Asie ; mais il nous faut réfléchir à une évolution de notre dispositif militaire. La préservation de nos intérêts économiques suppose en particulier une marine efficace assurant notamment une fonction de garde-côte.
Je veux vous exprimer notre soutien pour votre action, parce que vous portez la voix de la France, et aussi notre étonnement de vous voir faire autant avec si peu... Certes, le Quai est efficace, avec des moyens réduits, et son personnel est au-dessus de tout éloge. De la même manière que le professeur Stiglitz et Amartya Sen travaillent à une autre mesure de la richesse que le PIB, il faut, pour Bercy, considérer que votre budget n'est pas qu'une dépense, qu'il peut rapporter beaucoup en termes d'image et même de gains concrets pour nos entreprises et les particuliers.
Poursuivez dans le bon sens, monsieur le ministre d'État, cela nous change. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Christian Cambon. - (Applaudissements sur les bancs UMP) Une politique étrangère : pour quoi faire ? Pour garantir un monde plus sûr à nos concitoyens, un monde plus ouvert à nos intérêts et à notre vision de l'avenir. C'est plus facile à dire qu'à faire alors que le monde bouge. La France doit continuer à tenir son rôle et ne pas subir les évolutions du monde. Or notre pays, comme tout l'Occident, subit un déclassement sans précédent ; nous avons perdu le monopole de la richesse et de la puissance.
Bien sûr, la France conserve de nombreux atouts. Notre influence est bien supérieure à ce que pèse notre PIB. Saurons-nous nous adapter à un XXIe siècle qui s'annonce imprévisible ? Chaque jour nous apporte son lot de changements. Il y a un an, le printemps arabe balayait 30 ans d'immobilisme ; notre regard a changé depuis... Nous avons besoin de définir nos priorités diplomatiques, de fixer un cap. C'est votre mission, monsieur le ministre d'État.
Nous vous remercions d'avoir accepté ce débat de politique étrangère. Le mérite en revient à notre président, Jean-Louis Carrère, qui, depuis le changement de majorité au Sénat, a su créer un climat de travail propice à l'expression de l'engagement de chacun ; qu'il en soit publiquement remercié.
Je tiens à vous rendre un hommage particulier, monsieur le ministre d'État. Alors que comme bien d'autres, vous auriez pu vous réfugier dans le commentaire ou les petites phrases, vous avez accepté à la demande du président de la République de vous engager à nouveau à la tête de ce ministère. Vous avez donné à cette haute responsabilité ministérielle le poids et la hauteur de vue qui convenaient. Vous vous êtes investi des trois domaines principaux, la gouvernance mondiale, l'avenir de l'Europe, les mutations du monde arabe.
La multiplication des crises qui secouent le monde depuis les années 1990 montre que l'ordre international qui prévalait depuis la fin de la deuxième Guerre mondiale ne permet plus de régler les déséquilibres mondiaux. Il est temps que la communauté internationale choisisse une gouvernance plus efficace et mieux coordonnée ; en d'autres termes, le monde doit tirer les leçons de la mondialisation. Tel était l'objectif de la présidence française du G 20. Avec le président de la République, vous avez mis votre énergie à conduire les dirigeants du G 20 à adopter nos points de vue, notamment l'implication nécessaire des puissances émergentes et l'aide au développement des pays les plus pauvres. Pour la première fois, une réserve de sécurité alimentaire a été mise en place et le principe d'une taxe sur les transactions financières accepté. Comment faire pour que les cinq milliards d'habitants des pays émergents continuent à s'enrichir et que le milliard d'habitants des pays pauvres sortent de la pauvreté, sans que nos propres modèles ni les équilibres écologiques en soient bouleversés ?
Vos propos très forts au Conseil de sécurité, monsieur le ministre d'État, pour mettre fin à l'effroyable bain de sang en Syrie sont dans tous les esprits. L'échec de la résolution montre qu'un accord, même a minima, n'est pas aisé à trouver, même lorsque l'on est confronté à l'horreur. Quels rôles jouent la Russie et la Chine, qui ne pourront protéger indéfiniment le régime sanguinaire de Bachar El-Assad ? Comment accompagner les peuples qui luttent pour leur liberté ? En Birmanie, votre voyage a porté ses fruits ; et quelle belle image que la remise à Mme Aung San Suu Kyi des insignes de commandeur de la légion d'honneur !
Tous ces efforts seraient vains si la France était seule. Elle a besoin d'une Europe forte et solidaire. Ceux qui croient à l'isolatotionnisme n'ont rien compris : la démondialisation ne viendra pas. Encore faut-il que l'Europe soit au rendez-vous. L'Union européenne a évité un effondrement de son système bancaire. Le président de la République a su nouer un partenariat intelligent avec l'Allemagne, qui a su depuis des années mettre en oeuvre les réformes nécessaires et en tirer une autorité politique indiscutable.
M. Robert Hue. - On se croirait en meeting politique !
M. Christian Cambon. - Reste que l'Europe ne va pas bien. Une intégration plus étroite des économies est nécessaire. Dans les domaines diplomatique et de la défense, la situation est particulièrement paradoxale ; l'Europe s'illustre davantage à fixer la hauteur des cages à poules qu'à la définition d'une stratégie de défense commune. Elle s'est dotée d'un service d'action extérieure ; il paraît même qu'existe un haut représentant... Kissinger, en 1970, disait : l'Europe, quel numéro de téléphone ? Elle en a un désormais, mais elle n'a toujours pas de politique étrangère. Il faudra mutualiser nos politiques étrangères ou renoncer à en avoir.
Renforçons l'efficacité de l'Europe. Ne croyez-vous pas que nous allons vers une Europe à géométrie variable ? Lorsque le président de la République a lancé l'Union pour la Méditerranée, que n'a-t-on entendu ! Pourtant, la concertation, et pourquoi pas l'entente, sont nécessaires. Bien sûr, les choses ne vont pas assez vite. Le conflit israélo-palestinien pèse sur les débats. Pourtant, nous pouvons être fiers d'avoir réussi à éviter le carnage promis aux habitants de Benghazi. Vous avez su peser sur les décisions internationales afin de protéger la population libyenne.
Quelles que soient nos interrogations sur les élections en Egypte ou en Tunisie, nous devons continuer à aider les populations, avec réalisme et vigilance.
Au Maroc, le roi a su mettre en oeuvre les réformes démocratiques nécessaires. Depuis le printemps arabe, tout le continent africain est entré en résonnance. L'Afrique ne sera pas longtemps cantonnée dans le seul domaine du développement. En Côte-d'Ivoire, la France a su imposer la démocratie. Elle devra en faire de même au Sénégal où un vieux lion s'accroche au pouvoir.
La France va vivre un moment de démocratie d'extrême importance. Espérons que la politique étrangère fasse l'objet d'un véritable débat national.
La France a su jouer son rôle en Europe et dans le monde. Le prochain quinquennat ne sera pas plus calme que celui qui s'achève. Mais avec vous et le président de la République, nous savons que la France tiendra le cap. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Leila Aïchi. - Malgré nos divergences, je salue votre position sur la sur le génocide arménien ; l'histoire ne doit pas être instrumentalisée à des fins politiciennes. Républicaine, je crois plus à la confrontation des idées qu'au choc des civilisations.
Le bilan du quinquennat en matière d'affaires étrangères est insatisfaisant. L'Inde a annoncé son intention d'acheter 126 Rafale ; comme par enchantement, les Émirats arabes unis envisagent d'en acquérir 60. L'année 2011 aura été marquée par le triste record de notre balance commerciale. Mais l'Inde a seulement annoncé une phase finale de discussion ; il en est de même aux États arabes unis. Rappelons-nous du précédent brésilien et de la volonté du président de la République, en 2007, d'en vendre à la Libye... Combien d'appareils construits en France ? Quels transferts de technologie ? L'exigence démocratique impose plus de clarté. Mais nous sommes dans le flou le plus complet. Vous devriez avoir à coeur de dépasser les déclarations de marketing politique. La politique étrangère ne se mesure pas au nombre d'appareils militaires vendus...
La promotion du droit humanitaire et du multilatéralisme devrait être au centre de nos préoccupations.
Notre groupe s'inquiète de la situation au Sénégal, avec son cortège journalier de violences. La liberté d'expression est attaquée. Un président au pouvoir depuis douze ans manipule la constitution et trois candidats à la présidentielle sont empêchés de se présenter. Quelle est votre priorité face au drame qui se dessine ? Le Gouvernement ne devrait-il pas user de toute son influence et soutenir les forces démocratiques ? Cela nous changerait de la Tunisie et du tristement célèbre discours de Dakar.
La situation en Syrie est dramatique : 5 000 morts en moins d'un an selon l'ONU. Samedi 4 février, plus de 260 civils ont été tués à Homs. La présence de Bachar El-Assad le 14 juillet 2008 sur les Champs-Élysées nous fait rétrospectivement rougir. Quelle est la cohérence de notre politique en Afghanistan ? Les soldats ne savent pas pourquoi ils s'y font tuer.
Au total, cette présidence manque désespérément d'une vision géopolitique. Aucune publicité pour la conférence de l'ONU dite « Rio+20 »... La France s'y prépare-t-elle, et comment ? Y défendra-t-elle la promotion de l'économie verte ? ?uvrera-t-elle pour l'éradication de la pauvreté ?
Combien de temps encore paierons-nous les cuistreries diplomatiques de Nicolas Sarkozy, qui nuisent à l'image de la France ? (Exclamations à droite)
M. Christian Cambon. - Un peu de tenue !
M. Yves Pozzo di Borgo. - C'est Mme Joly qui a la réponse !
Mme Leila Aïchi. - Le changement s'impose. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Yves Pozzo di Borgo. - L'Europe est condamnée à exister. Elle doit parler d'une voix unique afin d'être écoutée et respectée. L'Europe de la défense est nécessaire, au même titre que l'Europe économique. On en est loin. Le Livre blanc de 2008 prévoyait plus de 300 milliards de dépenses à l'horizon 2020 ; mais la crise financière est là...
Un autre monde se met en place au sud de la Méditerranée avec la fin des régimes autoritaires. Au Maroc, la situation évolue favorablement, je peux en témoigner. Nous avons tout intérêt à entretenir des contacts avec l'islam politique, Ennhada, les Frères musulmans, l'AKP. Dans tout le monde arabe, les Chrétiens sont rejetés et massacrés. Les pays du Golfe vont connaître un affrontement entre l'islamisme larvé et l'autoritarisme sourd. On le voit au Koweït où les femmes ne sont déjà plus représentées au Parlement. Avec 20 % de Chrétiens, la Syrie était le seul pays arabe où Noël était fêté ; la crise actuelle remet tout en cause. Bachar El-Assad, indéfendable tyran, ne s'est pas comporté en chef d'État en attaquant son propre peuple. Mais on l'a vu en Lybie, il ne suffit pas de s'attaquer à un dictateur pour imposer la démocratie. Assad doit partir, mais par qui sera-t-il remplacé ? Il faut se poser la question. La position russe est-elle aussi tranchée qu'on le dit, sachant la situation qu'elle connaît dans le Caucase ? Nous avons une histoire commune avec la Russie, qui est notre allié naturel. Certes, il faut déplorer les manipulations électorales. Pour autant, ce pays connaît la démocratie depuis vingt ans et alignera cinq candidats à la prochaine présidentielle.
Nous avons besoin d'une Europe plus intégrée et d'une diplomatie plus efficace. La France a un rôle historique à jouer dans ce processus, face à la mondialisation qui façonne le monde actuel. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Robert Hue. - À quelques semaines de la suspension de nos travaux, il est regrettable que notre débat de politique étrangère arrive ainsi in extremis. Car la politique extérieure de la France manque de principes et de lignes directrices claires, malgré votre talent, monsieur le ministre d'État ; cela est sans doute dû à l'alignement atlantiste voulu par le président de la République. En Afghanistan, notre politique manque de clarté ; le Parlement n'a aucun contrôle sur nos objectifs ni sur notre stratégie. Il aura fallu la mort de quatre soldats de plus pour que le président de la République évoque l'hypothèse d'un retrait anticipé de nos troupes -que seule la gauche jusque-là réclamait. Mais sa position est imprécise et ambigüe. Cette déclaration a néanmoins eu le mérite de provoquer une discussion avec les États-Unis. Il faut revoir la stratégie de l'Otan élaborée à Lisbonne en 2009. Le Gouvernement est-il prêt à engager ce débat avant le prochain sommet de Chicago ? Il faut exiger des États-Unis qu'ils clarifient leurs objectifs. Nous sommes dans une impasse. Remettons tout à plat, en réintégrant l'ONU dans la résolution de ce conflit. La France, membre permanent du Conseil de sécurité, doit prendre l'initiative d'une conférence régionale qui devrait définir les conditions d'une paix négociée et durable ; il faudrait y associer l'Iran et le Pakistan, bien sûr, mais aussi l'Inde, la Chine, la Russie, la Turquie -et les différentes composantes du peuple afghan.
Pour être efficace, la conférence devra être parrainée par les États-Unis et l'Europe.
L'actualité immédiate, c'est aussi la Syrie. Vous avez déployé tous vos efforts, monsieur le ministre, pour faire adopter une résolution condamnant le régime de Bachar al-Assad. La Chine et la Russie, par leur opposition, portent une lourde responsabilité dans la poursuite de la répression. Cela dit, ces deux puissances se souviennent que la résolution en Libye a été détournée de son but : nous étions passés de la protection de la population au renversement d'un régime. Que comptez-vous faire pour reprendre ce dossier après l'échec des négociations de samedi ?
Enfin, je considère personnellement, car ce n'est pas la position de tout mon groupe, que l'adoption de la loi sur le génocide arménien, pour des raisons purement politiciennes, fait obstacle à une résolution négociée de la crise avec l'Iran par la Turquie.
M. Jean-Michel Baylet. - C'est vrai !
M. Didier Boulaud. - Très bien !
M. Robert Hue. - Il faut accompagner l'évolution démocratique du Maghreb après le Printemps arabe.
Enfin, un mot du nouveau traité « d'union budgétaire » : c'est une capitulation devant les exigences des marchés. Le moment venu, nous appellerons à voter contre ! (Applaudissements sur les bancs CRC et plusieurs bancs à gauche)
M. Jean-Michel Baylet. - Le président syrien a choisi de ne pas écouter sa population. Pire, il a choisi la voie du crime contre l'humanité comme l'a dit le Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Les massacres de Homs en sont une illustration tragique. La France, vous avez eu raison de le dire monsieur le ministre, ne doit pas baisser les bras après l'échec des négociations en raison des vetos russe et chinois. Il faut poursuivre les efforts et accentuer les pressions sur le régime syrien. Pus particulièrement, il faut appuyer le plan de la Ligue arabe. Les amendements de la Russie, qui visaient à désarmer les opposants qualifiés de bandes armées, étaient inacceptables. Cela étant, cette puissance a peut-être été échaudée par l'interprétation extensive de la résolution 1973 relative à la Libye qui a conduit à renverser Kadhafi.
Il y a urgence. La guerre civile gagne toute la Syrie tandis que l'Iran, en violation des règles internationales, continue d'y vendre des armes.
L'invitation en France de M. Bachar El-Assad, le 14 juillet 2008, comme celle de M. Mouammar Kadhafi, apparaissent comme de graves fautes politiques.
Puisse la Syrie bâtir bientôt un projet de liberté, de justice et de fraternité ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Josette Durrieu. - Le nucléaire en Iran est un sujet grave, préoccupant. Aussi, monsieur le ministre, partageons-nous votre détermination à opposer la fermeté au régime du président Ahmadinejad. Celui-ci a le sentiment d'un encerclement, à juste titre. Il considère la dissuasion nucléaire comme une arme efficace. Parce qu'il faut être précis, rappelons que c'est le Shah qui avait lancé son développement. Au fait, quels sont les programmes illégaux en Iran ? Pourquoi fermer les yeux sur Israël et le Pakistan qui n'ont pas signé l'accord de non-prolifération ? Cette politique du « deux poids deux mesures » nuit à notre crédibilité.
M. Didier Boulaud. - Très bien !
Mme Josette Durrieu. - Le nucléaire civil est autorisé. Le président Obama était parfaitement au courant de l'accord avec l'Iran proposé le 17 mai 2010 à l'ONU par la Turquie et le Brésil aux fins d'enrichissement de 1 200 kilos d'uranium iranien enrichi à 3,5 %, et il était d'accord, mais Mme Clinton n'y croyait pas, d'où la résolution votée le lendemain. Revers et humiliation pour les uns et les autres. Quelle est la réalité de la menace ? Y a-t-il un programme nucléaire militaire ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. - Oui !
Mme Josette Durrieu. - N'exagérons pas la menace. Ne créons pas une spirale anxiogène qui légitime, voire nourrit une exaspération incontrôlable. On mesure les conséquences de frappes militaires, de la guerre dans la région. Quel est le fond de vos propositions, monsieur le ministre ?
Les sanctions économiques, nous le savons, produisent des résultats inégaux. C'est d'abord la population qui en pâtit. Le meilleur exemple en est la Syrie, sous embargo depuis 1978.
Les négociations sont-elles encore possibles ?
Quoi qu'il en soit, le peuple iranien est bientôt appelé aux urnes pour voter...
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. - Librement ?
Mme Josette Durrieu. - ... et prendre sa revanche sur les élections confisquées de 2009... J'espère, comme tous ici, qu'il élira un autre gouvernement.
M. Robert del Picchia. - Les deux millions de Français à l'étranger sont particulièrement attentifs à la politique étrangère de la France. Le fondateur de la Ve République la définissait comme l'expression normale de la Nation sur la scène internationale. Indépendance nationale, souveraineté des États, liberté des peuples en étaient les principes
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Et refus de l'Otan !
M. Alain Juppé, ministre d'État. - C'était dans un autre contexte...
M. Robert del Picchia. - L'actualité est au dossier syrien. Quand l'ONU est paralysée, elle délègue aux acteurs régionaux. Comment faire avancer ce dossier ?
Aujourd'hui, c'est grâce à l'Europe que la France conserve son indépendance. Le couple franco-allemand a réussi à mettre à distance la finance, puisqu'il faut bien l'appeler par son nom. Le nouveau traité à 25 est à mettre à son crédit. Une Europe forte s'impose.
La mondialisation oblige notre pays à trouver un nouvel équilibre entre le Conseil de sécurité de l'ONU, l'Europe et les pays émergents. L'accord de coopération militaire avec la Grande-Bretagne ou l'Union pour la Méditerranée sont des exemples des coopérations renforcées dont nous avons tant besoin. Le général de Gaulle avait imaginé l'Europe des nations contre la guerre. L'Union pour la Méditerranée doit être aujourd'hui considérée de la même façon ! (Applaudissements à droite)
M. Aymeri de Montesquiou. - Notre intervention en Afghanistan s'expliquait d'abord par notre solidarité avec l'Amérique touchée en plein coeur. Après onze ans de présence, nos troupes sont considérées par la population comme une force d'occupation, après les Anglais et les Russes. C'est un échec. J'ai souligné, à longueur de débats, que nous avions aussi pour mission d'électrifier les villages et d'y bâtir des écoles. Et maintenant, que faire ? Un retrait serait une victoire pour l'islam fondamentaliste. Pour bien comprendre l'Afghanistan, le commandant Massoud me le disait, il faut tenir compte du monde indo-persan et de la Russie, de la volonté de l'Iran de ne pas avoir une citadelle salafiste à ses frontières et de la politique de défiance de l'Inde envers le Pakistan. Pour apaiser ces inquiétudes, il faut renforcer les coopérations. L'Ouzbékistan, mis sous embargo il y a six ans, a des contrats avec des entreprises françaises en souffrance. Parlez-en lors de la prochaine réunion avec les responsables ouzbeks.
Nous étions allés en Afghanistan pour défendre les droits de l'homme ; nous allons en partir et les femmes afghanes retrouveront l'esclavage, les petites filles craindront d'être vitriolées en allant à l'école et l'on n'entendra plus de musique dans les montagnes.
M. Didier Boulaud. - Nous fêtons un anniversaire : le 27 février 2011, c'en était fini de la diplomatie du bling-bling et du blabla. Notre politique extérieure n'est pas exempte de reproches puisque le premier donneur d'ordres n'a pas changé. Certains prétendus philosophes, diplomates d'un soir, ont brouillé le travail de nos diplomates et on les entend moins aujourd'hui sur la Syrie que sur la Lybie. Mais depuis votre retour aux affaires, monsieur le ministre, cela va mieux. Cela dit, vous aussi avez changé. Auparavant, vous parliez de marché de dupes à propos du retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan...
M. Alain Juppé, ministre d'État. - C'est une interrogation !
M. Didier Boulaud. - ... vous vous interrogiez sur le bouclier antimissile américain et vous dénonciez le bourbier afghan. Je vous donne pourtant quitus de cette première année. Je vous poserai donc quelques questions.
La prévision est un art difficile, surtout quand il s'agit de l'avenir, disait Pierre Dac. (Sourires) Nous n'avons pas vu venir le printemps arabe. Ferons-nous mieux dans le Sahel et en Afghanistan ? La révolte touareg fait suite au non-respect des accords d'Alger de 2006. Difficile d'y revenir quand le Mali est en période électorale et que la Libye est en proie au désordre. Il faut séparer le bon grain de l'ivraie : la rébellion touareg ne se réduit pas au problème terroriste. Le tout militaire ne suffit pas.
Quant au retrait d'Afghanistan, il ne doit pas être précipité pour stabiliser le pays et protéger nos forces. Vous avez, monsieur le ministre, défini des priorités pour notre politique afghane. Qu'en est-il des négociations avec les Talibans ? La France y participe-t-elle ? Il n'y aura pas de solution afghane sans l'Inde et le Pakistan. Ces deux États sont-ils partie prenante de la discussion ? Quel est le calendrier du retrait que présentera le gouvernement français lors du sommet de Chicago en mars ? Je n'imagine pas que la France ne se soit pas entendue avec l'Allemagne... (Exclamations amusées à gauche) Nous devons des réponses à nos soldats dont je salue le courage et le professionnalisme.
J'approuve les propos de Mme Durrieu sur l'Iran. Quelle sera la position du Gouvernement si l'irrémédiable se produit avant le 6 mai ?
Enfin, les Balkans : la Constitution issue des accords de Dayton est, disait notre ancien collègue Badinter, un mouton à cinq pattes. Le risque de partition de la Bosnie par scission de la Republika Srpska. Ne faut-il pas entamer les négociations d'entrée de la Macédoine dans l'Union européenne, candidate reconnue depuis 2005 ? A-t-on tant attendu parce que son voisin hellène craint les risques d'irrédentisme de son petit voisin ? Enfin les rapports entre la Serbie et le Kosovo resteront-ils encore longtemps l'otage des échéances électorales en Serbie, avec des incidents frontaliers à la clé ?(Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Depuis la chute de Mouammar Kadhafi, la situation est passablement chaotique en Lybie : arrestations arbitraires, tortures, traitements racistes des travailleurs africains, développement des féodalités locales avec distribution d'armes dans la bande sahélienne, restauration de la polygamie et, enfin, adoption de la charia comme source principale du droit. Monsieur le ministre, était-ce là le résultat recherché ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. - Vouliez-vous garder Kadhafi ?
M. Jean-Pierre Chevènement. - L'intervention en Libye est un moyen, non une fin, disiez-vous à la tribune du Sénat. L'ONU devra prendre le relais. Il eût été sage d'en rester là. Hélas, vous avez fait une interprétation extensive de la résolution 1973 : le principe de la responsabilité de protéger s'est transformé en un Regime change, contraire au principe de non -ngérence de l'ONU, reconnu par votre prédécesseur M. Kouchner lui-même.... Résultat, Russie et Chine refusent désormais la résolution condamnant la Syrie...
La France est à l'avant-garde des condamnations de l'Iran. La Chine occupera bientôt la place, laissée vide par les Occidentaux dans le monde persan. Et la désoccidentalisation du monde de se poursuivre.
Quant à la Turquie, était-il utile de se la mettre à dos par une loi sur le génocide arménien ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. - Je n'en suis pas responsable !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Cet interventionnisme expéditif est plus proche de la vision des faucons américains que de la politique étrangère de la France, que vous disiez vôtre et qui l'est peut-être encore, en dépit des apparences. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
Mme Catherine Tasca. - Comme M. Cambon, mais avec moins de confiance, j'évoquerai la politique africaine de la France. Un continent jeune et en pleine expansion démographique dont la croissance de 5 % ne repose plus uniquement sur l'exploitation des matières premières. En revanche, la démocratie y progresse peu.
L'Élysée pose un regard paternaliste sur ce continent si divers. Comment le changer ? Une phrase du discours de Dakar pourrait bien nous revenir en boomerang : « Jamais l'homme africain ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin ». La politique africaine de la France ne sort pas de la répétition. Ultra-présidentialisation, conseillers occultes, tout cela continue, malgré les déclarations de M. Sarkozy en début de mandat. Deux exemples l'illustrent : le Sénégal et la Côte-d'Ivoire.
M. Alain Juppé, ministre d'État. - Mauvais exemples !
Mme Catherine Tasca. - La France, qui a tant manqué de discernement lors des révolutions arabes, paraît une nouvelle fois en décalage s'agissant des troubles qui secouent le Sénégal depuis la validation de la nouvelle candidature d'Abdoulaye Wade. Heureusement, monsieur le ministre, vous avez critiqué la situation à Dakar...
M. Alain Juppé, ministre d'État. - ... au nom du Gouvernement !
Mme Catherine Tasca. - La France ne doit pas continuer à privilégier ses relations avec des régimes usés et sourds à la demande de démocratie. Elle n'arrive pas à porter un regard neuf sur ses anciennes colonies.
Autre théâtre des complaisances françaises en Afrique, la Côte-d'Ivoire. Si la France a contribué à régler une situation proche de la guerre civile, elle devrait en profiter pour rénover en profondeur ses relations avec ce pays. Au lieu de quoi, la visite d'État du président Ouattara, l'octroi rapide d'un prêt exceptionnel de l'Agence française de développement et la signature d'un accord de défense comme premier acte de la nouvelle relation franco-ivoirienne illustrent la poursuite de pratiques anciennes.
M. Alain Juppé, ministre d'État. - Faux !
Mme Catherine Tasca. - Qu'en est-il de la politique de Lionel Jospin, qui voulait réduire la présence militaire de la France dans ses anciennes colonies et transférer cette responsabilité à l'Union européenne et à l'Onu ?
Nous nous inquiétons aussi de notre politique de développement. Les moyens affectés se réduisent et nous sommes loin des 0,7 % promis. La politique de co-développement n'est pensée que sous l'angle de la lutte contre l'immigration. La récente offensive de M. Guéant pour renvoyer au plus vite les étudiants étrangers va contre les intérêts de nos universités, de nos entreprises, des pays d'origine.
Quel partenariat comptez-vous offrir aux sociétés africaines que notre histoire commune et, pour certains, notre langue partagée autorisent à attendre mieux de la France ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. - Je salue l'initiative de M. Carrère. Merci de me donner l'occasion de faire un point sur nos grandes priorités. Le monde est entré depuis des mois dans une phase de mutation accélérée. Notre première priorité demeure le sauvetage de la zone euro et la consolidation de l'Union européenne. Nous sommes passés près du naufrage. Celui-ci a été évité grâce à la volonté, au courage, à l'entente avec les Allemands. Nous ne sommes pas encore tirés d'affaire mais nous sommes sur la bonne voie. La crise est peut-être la chance d'aller plus loin dans l'intégration. Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons peser sur le monde.
Le 30 janvier, le Conseil européen a marqué un grand pas en avant qui s'est conclu par deux traités intergouvernementaux. D'abord celui sur le mécanisme de stabilité, qui sera soumis à ratification parlementaire avant la fin de ce mois. Il pose les bases d'un fonds européen doté de 500 milliards. Les décisions ne se prendront plus à l'unanimité mais à une majorité qualifiée de 85 %. Nous avons donc réussi à convaincre l'Allemagne.
Ensuite, le traité à 25 sur la gouvernance. Il a été négocié en deux mois et permet une véritable intégration économique, avec un véritable gouvernement économique de la zone euro, qui facilitera les prises de décision ; des règles de responsabilité budgétaire, avec la règle d'or et des sanctions ; une vraie politique de soutien à la croissance. Ce traité respecte la souveraineté budgétaire et le principe de subsidiarité. Il renforce aussi le contrôle démocratique, avec une conférence des présidents des commissions des finances des parlements nationaux et européens. Il n'y a eu de diktat de personne mais des compromis.
Certes, la situation de la Grèce n'est pas stabilisée. Tout devra être fait pour stimuler la croissance.
Il ne faudrait pas tout remettre en cause. Malgré la difficulté de la tâche, les opinions publiques européennes se sont rendu compte que seule l'Union européenne pouvait renforcer notre stabilité.
Pendant des années, au nom de la stabilité et de la lutte contre l'islamisme djihadiste, nous avons soutenu des gouvernements qui ne respectaient pas les droits de l'homme. Le printemps arabe a balayé ces politiques. Nous avons tous été surpris par l'ampleur du phénomène. En septembre 2010, le président Obama recevait encore le président Moubarak avec tous les honneurs. Le printemps nous a renvoyés à notre propre histoire : le chemin vers la démocratie est long et exigeant, à chacun d'y avancer à son propre rythme. Au nom de quoi refuserions-nous à ces peuples le droit d'exprimer leurs choix ?
Avec l'Union pour la Méditerranée et le partenariat de Deauville, près de 60 à 80 milliards vont être mobilisés pour les pays du monde arabe dont 4 milliards ont déjà été décaissés. La montée de l'islamisme radical est réelle, mais nous faisons le pari de la confiance. Nous nous engageons aux côtés des peuples qui se sont battus contre la tyrannie. Je ne regrette rien de ce que nous avons fait en Libye. Nous avons respecté l'esprit de la lettre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité. C'est faire une mauvaise querelle que de prétendre le contraire. La peinture que M. Chevènement, que j'écoute toujours avec respect, a faite de la situation en Libye est une caricature. Fallait-il laisser M. Kadhafi réprimer sa population ? Il a refusé tous les compromis que nous lui avons proposés sans relâche. J'ai récemment été en Libye : certes, il y a des troubles, des fractures, mais les autorités libyennes veulent respecter la feuille de route qu'elles se sont fixée. Le chef du gouvernement se réclame d'un islam modéré. La charia ? Elle est à l'oeuvre dans énormément de pays arabes avec lesquels nous avons des relations suivies.
S'agissant de la Syrie, on ne peut renvoyer dos à dos le gouvernement en place et ceux que les Russes qualifient de terroristes ! D'un côté, il y a un régime qui se livre à une répression sauvage qui a tué 6 000 personnes dont 400 enfants, qui pratique la torture, qui enferme dans des oubliettes 15 000 prisonniers politiques. De l'autre, une population qui se bat à main nue avec des milices qui s'organisent et s'arment, il est vrai, pour protéger les populations. J'ai voulu convaincre, à New York, qu'il fallait mettre un terme au silence scandaleux du Conseil de sécurité. J'entretiens des contacts réguliers avec l'opposition pacifique et je salue les travaux du CNS. Nous avons tout fait pour obtenir une résolution et nous étions parvenus à un texte de compromis excluant toute option militaire. Ce n'était qu'une condamnation morale et un soutien à la Ligue arabe. Même à cela la Chine et la Russie ont opposé leur veto -contre les treize autres membres du Conseil de sécurité, dont l'Afrique du sud. Elles ont pris ce faisant une lourde responsabilité devant l'histoire. Nous ne baissons pas les bras, nous ne relâchons pas la pression sur le président syrien. Les jours de son régime sont comptés.
Au Proche-Orient, il n'y a pas d'alternative à la logique du deux États. Nous soutenons les efforts du quartette, même si nous sommes sceptiques. Nous avons demandé à Israël de libérer les prisonniers palestiniens. L'intensification de la colonisation ne saurait faciliter la recherche d'une solution globale.
Non, madame Durrieu, on ne peut parler de deux poids deux mesures à propos de l'Iran. Ce pays a signé le traité de non-prolifération ; il n'y était pas contraint : l'Inde et Israël ne l'ont pas signé. En ne respectant pas le traité signé, l'Iran viole la légalité internationale, et c'est pour menacer d'extermination un autre État de la région !
Je n'ai aucun doute sur la volonté de l'Iran de se doter de l'arme atomique. Ce pays doit s'asseoir à la table des négociations, ce qu'il continue de refuser. Pour éviter une option militaire dont les conséquences seraient irréparables, nous avons choisi d'aller beaucoup plus loin dans les sanctions. Le président de la République a proposé à nos partenaires européens d'adopter ces mesures. Les envoyés américains ont voté ces sanctions et les Européens se sont mis d'accord. Certes, les sanctions sont douloureuses pour le peuple iranien, mais elles sont nécessaires. Enfin, ce régime est répressif. Quid des élections dans ces circonstances ?
J'en viens à l'Afghanistan. C'est avec émotion que nous avons appris la mort de quatre de nos soldats qui n'étaient pas en opération militaire. Le président de la République et le Gouvernement ont tiré les conséquences de cet assassinat perpétré sous uniforme afghan par un taliban infiltré. Nous avons obtenu du président Karzaï un engagement précis sur les conditions de recrutement des soldats. Notre retrait a déjà commencé et d'ici la fin de l'année, 1 000 soldats supplémentaires seront rentrés. L'ensemble de la région de la Kapisa sera aux mains des forces afghanes. Ce retrait est en parfaite cohérence avec nos annonces précédentes. L'Alliance atlantique a également été mobilisée pour se pencher sur les mesures de sécurité. Notre stratégie de transition repose sur la reconstruction du pays, avec des routes, des écoles, des infrastructures. Nous poursuivons notre action de formation des forces afghanes. Nous recherchons une solution politique avec les forces afghanes, notamment avec les talibans. La France a suggéré une dynamique régionale pour un système de sécurité collective. L'idée a été reprise à la conférence d'Istanbul du 25 novembre et inscrite à l'ordre du jour international. Nous voulons offrir aux Afghans un avenir et éviter le retour des menaces. Cette mission assignée à nos soldats est conforme aussi à nos intérêts et partir avec précipitation serait déshonorant pour l'armée française.
M. Carrère m'a interrogé sur l'Asie. Il s'agit d'une zone de tensions, avec quatre pays nucléaires qui ont des conflits frontaliers. L'Asie est le moteur de la croissance mondiale et elle joue un rôle politique mondial croissant. Elle est incontournable sur tous les dossiers internationaux. La France a conclu des partenariats stratégiques.
Loin par la géographie, l'Australie est par beaucoup d'aspects proche de nous. Je m'y suis rendu récemment ; c'était notre première visite depuis celle de Claude Cheysson. Quand j'étais Premier ministre, les Australiens voulaient nous exclure de la zone ; l'état d'esprit a bien changé : ils y souhaitent désormais notre présence. Nous faisons de même avec l'Indonésie.
Sur le plan politique, nous encourageons la démocratisation en Chine et en Birmanie où j'ai vécu des moments très forts. Le régime venait de libérer 650 prisonniers politiques. Mme Aung San Suu Kyi m'a dit être convaincue de la bonne volonté du nouveau régime.
J'en termine avec l'Afrique. J'ai été déçu de l'intervention de Mme Tasca qui en est encore au XXe siècle.
Mme Catherine Tasca. - Pourquoi pas au XIXe ? Lisez ce qui est dit de M. Balkany dans Le Parisien aujourd'hui !
M. Alain Juppé, ministre d'État. - L'Afrique sera le continent du XXIe siècle. C'est est un partenaire avec lequel nous entretenons des relations décomplexées. En Côte-d'Ivoire, notre politique n'a aucun rapport avec celle menée auparavant. L'accord que nous avons signé avec ce pays est public, ne comporte aucune clause secrète et porte sur la formation des forces de maintien de l'ordre. Je comprends la nostalgie de certains à l'égard du président Gbagbo mais nous faisons confiance au président Ouattara, qui travaille à la réconciliation nationale. (Applaudissements à droite)
Au Sénégal, nous n'avons pas de candidat ! Nous voulons que le peuple s'exprime et le renouvellement des générations doit avoir lieu. Je ne suis pas sûr que mon discours ait été apprécié comme un soutien sans nuance au président Wade et, par ma bouche, c'était le gouvernement français qui parlait.
L'horizon de notre politique africaine s'étend à tous le continent, à preuve la visite du président Zulma et mes voyages en Ethiopie, au Nigeria.
Au Mali, la rébellion touareg a remporté d'importants succès militaires. La question doit être traitée au fond, ce qui impose de respecter les accords de Bamako.
J'aurais pu parler aussi des Balkans ; je me contenterai de dire notre souhait que la Serbie ait bientôt le statut de candidat à l'Union européenne.
On a beaucoup glosé sur la tribune que j'ai signée avec M. Védrine. Je me suis efforcé de modifier la trajectoire. Si le Quai fait si bien avec si peu, c'est que notre outil diplomatique et très compétitif, très professionnel, de grande qualité. Nos diplomates ne se contentent pas de prendre le thé à 5 heures, ils sont très engagés. J'ai été heureux d'entendre dire que la voix de la France était attendue et entendue. (Applaudissements à droite)
La séance suspendue à 17 h 10, reprend à 17 h 15.
Application des lois
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport annuel du contrôle de l'application des lois.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. - Pour la première fois, nous allons avoir un débat à l'instigation de la nouvelle commission pour le contrôle de l'application des lois. La loi cimente notre société, son application doit être sans faille. Depuis son élaboration jusqu'aux quartiers de nos villes et de nos campagnes où elle s'applique, la loi doit être sûre, vérifiable, exigeante, effective. Faute de quoi, le lien qui unit nos concitoyens est affecté. Nous devons donc veiller à l'application des textes que nous votons. Ainsi, nous restaurerons la confiance des Français devant leur politique et leur volonté de vivre ensemble.
Dans son Traité du gouvernement civil, John Locke écrivait que, s'il n'est pas toujours nécessaire de faire des lois, il est toujours nécessaire de respecter celles qui ont été faites.
Des questions simples doivent nous guider : la loi est-elle appliquée ? Sinon, pourquoi ? Les moyens sont-ils suffisants ? Peut-on améliorer les dispositifs ? Pour 2010-2011, sur 33 lois, huit ont reçu l'intégralité des textes d'application, tandis que quatre attendent la totalité de leurs décrets. Sur l'actuelle législature, 59 % des lois promulguées sont totalement appliquées et 3 % pas du tout.
Il avait été convenu l'année dernière, monsieur le ministre, que la période considérée s'arrêterait au 31 décembre. Mais votre communication en conseil des ministres porte sur le 31 janvier. Je comprends votre volonté de rattraper les retards mais une bonne lisibilité impose que l'on se cale sur les dates de référence. Ces tableaux de bord devraient être transmis au Sénat spontanément et en temps réel. Pouvez-vous vous y engager ? Le processus de suivi que vous maîtrisez, monsieur le ministre, doit nous être transmis. Il y va de l'effectivité de notre contrôle. Il serait bon que l'objectif des six mois de promulgation que vous avez posé pour évaluer la rapidité d'application des lois corresponde aux dates parlementaires, du 30 septembre au 30 mars, plutôt que de s'arrêter en juin.
Cela étant, votre rapport constate une amélioration significative dans l'application des lois. Votre action a pesé de façon positive. Le Parlement participe également de ce bon résultat. Pourtant, je ne vois pas de motif à verser dans le triomphalisme car nous sommes encore loin du compte. L'objectif est de 100 %. Or, nous en sommes à 64 %.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Le président de la République s'était fixé beaucoup d'objectifs inatteignables !
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. - Il faudrait que tous les décrets soient publiés dans les six mois suivant la promulgation. Or le taux est de 42 %. Le rattrapage sur les lois anciennes stagne. Les rapports demandés par les lois sont souvent en retard, voire oubliés. Ne nous interrogeons pas sur le bien-fondé des rapports.
Mme Isabelle Debré. - Vous en demandez tout le temps !
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. - S'ils sont votés, ils sont une obligation légale.
Enfin, des élus de tout bord témoignent souvent que des décrets d'applications posent des difficultés, voire sont contraires à l'objet de la loi. Il est même arrivé, cas extrême, que le Parlement doive légiférer à nouveau pour adapter la loi à des circulaires impossibles à reprendre...
Contrairement à une idée reçue, le problème ne tient pas tant à une inflation législative qu'à la multiplication des dispositions législatives au sein de chaque texte : nous sommes passés de 22 articles en moyenne par texte en 1990 à 41 en 2009. Cette évolution est dangereuse ? Je ne partage pas entièrement ce point de vue : le Parlement n'a pas à acter des projets de loi tout « cuits » ; à lui de participer à leur élaboration.
Notre commission sénatoriale ne saurait être une agence comptable ni une police des décrets. Son ambition est autre. Dans les trois domaines de l'article 24 de la Constitution, elle a un programme précis. Elle entreprendra cette année un travail qualitatif sur quelques grandes lois dont je vous ferai le rapport l'an prochain. (Applaudissements à gauche)
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. - Merci au président Assouline et à la nouvelle commission sénatoriale de me donner l'occasion de faire le bilan de l'application des lois promulguées depuis 2007. Dès 1971, le Sénat prenait l'initiative de publier un rapport de suivi de l'application de la loi...
M. Jean-Jacques Hyest. - En effet !
M. Patrick Ollier, ministre. - Je salue la création de votre nouvelle commission. Issu du Parlement, j'ai trop souvent déploré le retard pris dans les décrets d'application. Dès 2005, j?ai mis en place à l'Assemblée nationale un mécanisme de contrôle, assorti d'un rapport, dans le texte relatif aux territoires ruraux. Ce dispositif a été pérennisé en 2009, avec l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale. L'an dernier, lors d'un débat à l'initiative du groupe RDSE, j'avais souhaité que nous harmonisions les critères de suivi de l'application des lois ; nous y sommes parvenus, ce dont je me félicite.
J'ai créé le 10 mars 2011 un comité de suivi de l'application des lois, qui se réunit désormais tous les mois avec l'appui du secrétariat général du Gouvernement et stimule la publication des décrets. Les fonctionnaires en charge de cette mission dans les ministères se sentent soutenus et reconnus. Il m'arrive d'ailleurs de distribuer aux ministres des fiches en conseil des ministres sur l'application des lois qui les concernent.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Vous devriez donner des cartons jaunes ou rouges...
M. Patrick Ollier, ministre. - Mon budget ne permet pas la quadrichromie...
J'ai engagé un dialogue avec le Conseil d'État et je suis convenu avec M. Sauvé d'une liste de textes prioritaires. Oui, monsieur Assouline, le Gouvernement a une action volontariste : il fait tous les efforts pour respecter le délai de six mois après la publication de la loi pour la parution des décrets, conformément à la circulaire du Premier ministre de 2008 ; ce délai est qualifié de raisonnable par la jurisprudence administrative.
Nous sommes d'accord sur les chiffres au 31 décembre 2011 : à cette date, le taux d'application est de 84 %, contre 65 % au lancement du comité de suivi -qui a depuis poursuivi ses travaux : au 31 janvier, le taux atteint 87,2 %.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. - Attention de ne pas dépasser les 100 %, ce ne serait plus crédible.
M. Patrick Ollier, ministre. - C'est mieux que les 60 % sous le gouvernement Jospin...
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. - Comme par hasard...
M. Patrick Ollier, ministre. - ... ou les 70 % de la douzième législature... Nous serons à plus de 90 % au 15 mars ; ce résultat est inédit.
Le Gouvernement devrait-il proposer au Parlement des lois plus légères ? La loi Grenelle II comportait 104 articles ; 257 à la sortie du Parlement ! Cela complique le travail de rédaction des décrets. Idem pour la loi de modernisation agricole : 24 articles au départ, 96 à la sortie ! La responsabilité est partagée entre le Gouvernement et le Parlement...
Au 31 janvier 2012, il reste 310 mesures sur 2 425 à prendre pour appliquer les lois publiées depuis six mois. Je tiens, monsieur Assouline, à votre disposition la liste des 40 décrets à paraître prochainement. Jamais un gouvernement n'avait obtenu d'aussi bons résultats !
La responsabilité du Gouvernement est de dresser un bilan quantitatif ; celle du Parlement, d'évaluer l'application de la loi.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. - Bien sûr !
M. Patrick Ollier, ministre. - Quelles sont les voies de progrès ? J'espère que le prochain gouvernement, quel qu'il soit, préservera le comité de suivi et fera mieux aussi bien que celui-ci, peut-être mieux... Donc, bon courage ! Je sais toute la difficulté, parfois, de passer à 100 % ; tout tient dans la formulation, qui est parfois difficile en interministériel. L'amélioration passe par un dialogue renforcé entre le Parlement et le Gouvernement, qui a modernisé ses méthodes avec les études d'impact et le rapport d'application six mois après la publication de la loi. Présenter des décrets, dès le débat sur les textes de loi, une solution dont j'avais discuté avec M. Hyest, est une fausse bonne idée : le Parlement remanie profondément les textes.
Quand il y a une volonté, il y a un chemin. Poursuivons nos efforts ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Le Sénat, depuis 40 ans, se soucie de l'application des lois. Mais la création d'une commission spécifique est inédite, comme l'est le débat d'aujourd'hui.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a une particularité : elle examine, pour l'essentiel, des accords internationaux ; 31 ont été adoptés en séance pour l'année parlementaire 2010-2011. En outre, elle a examiné quatre projets de loi intéressant les questions de défense. Pour la moitié d'entre eux, le résultat est excellent -lois relatives à la lutte contre la piraterie et au commerce de matériel de guerre ; pour l'autre, il est médiocre -les textes relatifs à la reconversion des militaires et à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive ne sont pas appliqués. Pour celui-ci, un seul décret était nécessaire, qui n'a toujours pas été publié ; aucun calendrier ne nous a été communiqué pour celui-là.
La publication des décrets n'est, certes, pas une science exacte ; c'est surtout le manque d'information que nous regrettons, sur les procédures, les difficultés rencontrées, les retards. Je souhaite ces données soient transmises à notre nouvelle commission ; la ténacité du président Assouline fera le reste.
De là à rêver d'une commission des sages qui conseillerait sur la pertinence de légiférer sur certains sujets... Mais les parlementaires perdraient de leur pouvoir... Nos concitoyens ont parfois le sentiment que nous légiférons trop au fait divers... (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - La nouvelle commission est issue d'une longue tradition sénatoriale, qui fait honneur à notre assemblée. Je me réjouis de sa création et en salue le président.
Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez s'est fixé un objectif ambitieux : un taux d'application de 100 % d'ici fin 2012 pour les lois votées avant le 13 juillet 2011. Les délais sont parfois longs, très longs, trop longs. Je vous renvoie à la loi d'orientation sur le développement en outre-mer ou à la loi sur la régulation bancaire et financière. La situation s'améliore grandement grâce au volontarisme du Gouvernement, je m'en réjouis. Cela dit, permettez-moi de souligner quelques zones d'ombre.
Nous attendons toujours le décret sur le vol de métaux, visé à l'article 51 de la loi du 29 juillet 2011. C'est un sujet de première urgence. Le dispositif devait entrer en vigueur au 1er janvier, il sera retardé d'un an. Ce retard inquiète les professionnels, qui ignorent toujours quel sera le contenu de leur obligation déclarative ou même la définition des métaux concernés. Pour moi, l'or doit en faire partie ; mais il y aurait des avis divergents au sein des services. Permettez-moi de m'en étonner. Ce flou ne saurait perdurer.
Un dernier mot sur les rapports demandés par le Parlement, qui sont souvent une forme de compromis entre les impatiences des parlementaires et les réticences du Gouvernement. Je n'en suis pas friand. Mais je déplore par exemple l'absence du rapport sur le système Rubik, prévu par le collectif du 19 septembre dernier, relatif à l'opportunité de créer une taxe forfaitaire sur les revenus de placements financiers en Suisse des résidents français n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration. Ce rapport devait nous être remis avant le 31 décembre. J'ai eu la surprise d'en parcourir hier les grandes lignes dans un excellent quotidien. Est-ce normal ? Un tel rapport serait utile à Mme la rapporteure générale comme à moi-même.
Manque de même le rapport sur la fusion progressive de l'impôt sur le revenu et de la CSG ainsi que sur l'instauration du prélèvement à la source. Nous attendons enfin celui, de première importance en cette période de crise, sur l'Agence de financement des collectivités locales ; il nous est annoncé pour le 15 février.
Pour conclure, j'ai cherché un texte méritant un contrôle ciblé. En accord avec Mme la rapporteure générale, j'ai choisi la loi du 1er juillet 2010 sur la réforme du crédit à la consommation. Malgré son caractère technique, il emporte des conséquences très concrètes pour nos concitoyens. La commission des finances assure la nouvelle commission de son soutien dans l'accomplissement de son indispensable mission de veille et d'analyse. (Applaudissements à droite)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Heureuse initiative que ce débat ! L'exercice est fondamental pour savoir si les lois adoptées s'appliquent vraiment -ce qui devrait aller de soi. Au cours de l'année 2010-2011, la commission des affaires sociales a été saisie au fond de sept textes sur les 48 examinés, dont des sujets lourds tels que la réforme des retraites ou la bioéthique ; il faudrait également citer les cinq projets de loi de notre ressort débattus durant la session extraordinaire, qui seront comptabilisés dans les statistiques de l'année suivante.
Les résultats sont meilleurs cette année. Cela dit, ils sont faussés : la date butoir, habituellement fixée au 30 septembre, a été repoussée de trois mois. J'attire votre attention sur la loi sur la bioéthique, qui reste inapplicable faute de décrets, je le déplore pour nos chercheurs.
Les textes sociaux nécessitent d'ordinaire un grand nombre de décrets ; je pose la question : est-il légitime de laisser une aussi grande latitude à l'exécutif ? Les textes d'application de la loi sur les retraites s'écartent parfois de l'intention du législateur. J'appelle de mes voeux, moi aussi, monsieur le ministre, une « coproduction » des décrets. Il reste des marges de progression...
S'agissant des lois plus anciennes, il manque toujours, depuis deux ans, trois décrets à la loi sur les assistants maternels, très attendus par les personnes concernées. Les lois de financement de la sécurité sociale de 2007, 2008 et 2009 ne sont pas totalement applicables. Si le Gouvernement a porté l'effort sur des textes emblématiques comme la loi HPST, il a délaissé la loi sur le droit des malades du 4 mars 2002 dont le taux d'application stagne à 47 % ; ou encore la loi de modernisation sociale de janvier 2002, dont 62 mesures sont en attente. Dans ces conditions, ne faut-il pas revoir la loi ?
Sans insister sur la nécessité de transmettre au Parlement les rapports demandés au Gouvernement -22 seulement des 101 demandés ont été remis depuis 2007- nécessité que d'autres ont soulignée, je dirai que notre commission a choisi la loi Handicap pour un contrôle plus approfondi. Adoptée depuis sept ans, elle ne remplit pas tous ses objectifs. Ma commission collaborera en bonne entente avec la nouvelle commission par la voix de ses rapporteures, Mmes Campion et Debré ! (Applaudissements)
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. - Peu de lois examinées au fond, la plupart d'origine parlementaire, et un meilleur taux d'application pour les textes récents, voilà le constat que fait la commission de la culture.
Ont été promulguées au cours de la session la loi relative aux activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur, la loi relative au prix du livre numérique et celle relative à l'organisation de l'Euro 2016. Des textes importants comme la loi relative à la régulation du système de distribution de la presse et ou celle visant à renforcer l'éthique du sport ne sont pas prises en compte dans les statistiques ; non plus que celles en instance à l'Assemblée nationale. Aucun texte n'a été envoyé par le Gouvernement à la commission de la culture au cours de la dernière session, les textes politiquement sensibles -universités, audiovisuel ou Hadopi- ayant été présentés au début du quinquennat.
Seize textes d'application sont parus depuis le 1er octobre 2010 dans les secteurs de compétence de la commission, qui ont rendu applicables toutes les lois promulguées depuis le début de la XIIIe législature. Si les lois de 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat et de 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire ont rapidement été suivies de textes d'application, il a fallu attendre le 11 avril 2011 pour voir publié le décret Hadopi encourageant une offre légale de téléchargement. À titre d'exemples, le décret relatif au comité de suivi de la loi du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques est paru ; de même celui relatif à la commission scientifique nationale des collections, qui a permis les premières restitutions par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande.
Mais les lois initiées par les précédents gouvernements ne sont plus prioritaires. Ainsi de la loi du 13 juillet 1995 de programmation du « nouveau contrat pour l'école » : le décret censé déterminer les conditions d'application des « contrats d'association à l'école » manque toujours.
Autre exemple. La loi du 6 mars 2000 sur les mauvais traitements aux enfants ; il est consternant que le décret d'application organisant les visites médicales et les séances d'information n'ait toujours pas été publié. De même pour la loi de programmation pour l'avenir de l'école défendue en 2005 par M. Fillon attend encore trois décrets sur quinze. La loi portant création d'établissements publics et culturels n'est toujours pas applicable par les directeurs de ces écoles. La loi de 2007 relative à la télévision du futur n'est pas intégralement applicable. Le Gouvernement a déposé un projet de loi pour modifier cette loi, afin de tenir compte de la réglementation européenne. Le Sénat est tenu à l'écart de ce débat. Quid alors des six nouvelles chaînes ?
Enfin, la loi sur l'audiovisuel de 2009 n'est pas complètement applicable. Je me félicite donc que la nouvelle commission de M. Assouline ait décidé de se saisir de ce sujet. Enfin, certaines lois se heurtent à des difficultés rencontrées sur le terrain : il en va ainsi de celle organisant le service minimum d'accueil dans les écoles. Certaines communes n'en ont pas les moyens, d'autres refusent de l'appliquer. D'où des propositions de loi l'abrogeant.
Que de rapports non remis ! Le Gouvernement fait peu de cas des demandes d'information du Parlement ! Enfin, pour le contrôle, il faut que le Gouvernement réunisse les comités de suivi. (Applaudissements sur les bancs socialistes et EELVr)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - Notre commission a contribué à nourrir ce rapport et se réjouit de ce débat qui prolonge celui que nous avons eu en commission en janvier. Six nouvelles lois ont été promulguées en 2011 et de nombreux décrets ont été publiés. Nous nous en félicitons et nous vous remercions, monsieur le ministre, pour la création du Comité de suivi. Le rattrapage est réel et il faut le saluer. Sans remonter à la loi de modernisation de l'économie, nous avons examiné la loi Grenelle II et la LMA, que la navette parlementaire a considérablement enrichies. Il a fallu un à deux ans pour que les décrets soient publiés.
Le taux d'application a donc progressé. Au 31 décembre, il s'établit à 64 % pour notre commission. Il reste donc des marges de progression. Le stock des lois inapplicables a bien diminué, pour ce qui nous concerne. Une loi n'est toujours pas applicable, alors que trois l'an dernier ne l'étaient pas.
La loi Grenelle II représente la moitié des décrets publiés, mais elle n'est applicable qu'à 45 %.
Je salue la communication régulière d'échéanciers par vos services. Deux lois sont devenues totalement applicables, celles du 15 juin 2011relative aux collectivités d'Ile-de-France, et du 9 mars 2010 sur les détecteurs de fumées. Ces améliorations sont malheureusement ternies par le fait que certaines lois ne sont pas appliquées.
Sur les six lois suivies par la commission, trois sont des propositions de loi. Il serait fâcheux que ces dernières soient moins bien traitées par les administrations. Ainsi, sur les quatre articles de la loi du 23 juin 2011 relatifs à l'habitat informel outre-mer, aucun n'est applicable. Nous n'avons pas non plus reçu son rapport d'application, qui aurait permis d'avoir un échéancier prévisionnel de mise en oeuvre.
Nous souhaitons que vos services soient pleinement mobilisés pour éviter un décalage entre projet de loi et proposition de loi.
Des lois anciennes ne sont toujours pas applicables. Outre le problème de flux, il y a un problème de stock.
M. Patrick Ollier, ministre. - Je le reconnais.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - Les rapports sont rarement publiés. Sur les douze rapports prévus dans le Grenelle II, un seul est sorti !
Si les parlementaires doivent être raisonnables dans leur demande de rapports -j'y veille au sein de ma commission- le Gouvernement doit publier ceux qui lui sont demandés. Il faudrait également limiter le recours au décret dans la loi, cela réglerait le problème en amont.
Pourquoi ne pas inviter le Gouvernement à communiquer les projets de décrets aux commissions : ainsi, nous constaterions si les administrations respectent la loi que nous avons votée. Je pense, en particulier, au droit de l'urbanisme qui fait l'objet de déclarations au gré des changements de la pression atmosphérique.
Ne faudrait-il pas prévoir des clauses couperet, sorte de lois biodégradables...
Le suivi de l'application des lois est essentiel. Je souhaite bon courage au président Assouline. (Applaudissements sur les bancs socialistes et EELVr)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Vous avez affiché un objectif ambitieux, monsieur le ministre : 100 %. Vous avez raison.
Pour la commission des lois, l'objectif est loin d'avoir été atteint, puisque notre taux s'élève à 46 %. Ce n'est pas satisfaisant d'autant plus que notre commission a le plus faible taux. Les choses doivent s'améliorer.
La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 n'est toujours pas mise en application. On compte seize questions écrites posées par les sénateurs pour demander quand cette loi, si importante pour la vie et la réinsertion des détenus, sera enfin appliquée. Nos deux commissions travailleront ensemble sur l'application de cette loi.
Certains aspects de la loi de réforme des collectivités territoriales nous heurtent, si bien que je pourrais me satisfaire qu'elle ne soit pas mise en application. Mais le Gouvernement avait dit qu'il fallait que cette loi soit votée dans le plus bref délai.
M. Jean-Louis Carrère. - Et elle le fut !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission. - Un seul texte d'application a été publié. Un certain nombre de décrets prévus pour juin 2011 ne l'ont pas été. Peut-être le secrétariat général du Gouvernement voyant les dégâts sur les futures élections sénatoriales a-t-il renoncé. (Sourires) Mais enfin, la proposition de loi que le Sénat a votée récemment pour améliorer ce texte et qui a été reprise par M. Pélissard, semble en bonne voie d'être adoptée. Peut-être ne faut-il pas publier les décrets prévus qui seront caducs.
J'en viens à la loi sur les violences faites aux femmes. Trois rapports étaient prévus, aucun de publié. L'ordonnance de protection prise par le juge aux affaires familiales pour protéger les femmes victimes de violences est appliquée de manière extrêmement hétérogène sur le territoire national. Certains départements s'en sont emparés, d'autres pas : c'est un autre problème d'application de la loi.
J'en viens à la législation funéraire. Un article qui ne nécessitait aucun décret n'a jamais été appliqué, alors qu'il s'agissait de défendre les souscripteurs d'assurances décès : les assureurs n'étaient pas très motivés. Le ministre des finances nous a expliqué qu'il y avait un problème avec la législation européenne. Nous avons donc beaucoup travaillé et nous avons adopté un amendement dans la loi de protection des consommateurs. Mais que va-t-elle devenir ? Serait-il possible de retenir au moins cette disposition, votée à l'unanimité au Sénat ?
Au total on voit que le rôle de la nouvelle commission est fort utile. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Gérard Roche. - À défaut d'endiguer l'inflation des lois, il faut qu'elles soient appliquées. Le Premier ministre avait incité ses ministres à y veiller et un comité de suivi a été créé.
Le rapport pour l'année 2010-2011 est éloquent. L'adage « nul n'est censé ignorer la loi » a-t-il encore un sens ? Nos concitoyens qui critiquent la réglementation n'ont-ils pas raison ? Nous devrions nous interroger sur la qualité des lois plutôt que d'insister sur les chiffres.
Le rapport s'en tient cette année à une approche quantitative. La portée de certains décrets est pourtant plus importante que celle d'autres : ceux de la LMA n'équivalent pas ceux de la loi sur les détecteurs de fumée.
La commission saura hiérarchiser les priorités, à l'avenir. L'étude qualitative n'est pas l'apanage de la commission de suivi d'application de la loi. Chaque commission permanente doit s'en préoccuper, et surtout chaque sénateur lorsqu'il rentre dans son territoire.
Il est intéressant que le rapport mette l'accent sur le faible nombre de dépôts de rapports demandés par les lois. Depuis dix ans, nous attendons un rapport sur l'effet des insecticides sur les abeilles, un exemple si j'ose dire piquant! Mesure-t-on l'efficacité de ces rapports demandés par la loi ? Il s'agit souvent d'un lot de consolation, mais nous devrions en revenir à une vision plus pure de la loi, qui prescrit ou qui interdit, d'autant que notre administration sénatoriale est très compétente et peut nous éclairer. Est-il pertinent de demander des rapports comme l'a indiqué, en mai, M. Raoul ? (Applaudissements au centre)
Mme Anne-Marie Escoffier. - Le RDSE est heureux de ce débat. Mon groupe avait pris l'initiative il y a un an d'un débat sur le sujet. Nous avions déposé une proposition de loi donnant aux députés et sénateurs le pouvoir d'agir devant le Conseil d'État pour demander l'application de la loi. Hélas, elle n'a pas été adoptée. Peut-être le serait-elle aujourd'hui. Je reconnais, monsieur le ministre, votre rôle actif d'aiguillon, avec la création du Comité de suivi. On sait bien que parfois, le Gouvernement manifeste sa mauvaise humeur devant un texte voté contre sa volonté et que certaines dispositions sont difficiles à mettre en oeuvre. Les services administratifs placés auprès des ministres peuvent travailler très en amont. Ils ont dû être très sensibles à la circulaire du Premier ministre du 7 juillet 2011, relative à la qualité du droit. Cette circulaire détaille le pilotage des activités normatives, rappelle la discipline à suivre dans l'élaboration des projets de réglementation. Tout est dit et parfaitement dit.
Je ne reviendrai pas sur les analyses quantitatives qui ont été faites. Ces dernières démontrent votre détermination à faire appliquer la loi. Néanmoins, les délais de publication ne vont pas dans le sens des préconisations du Premier ministre. Je m'étonne que le taux d'application des lois votées en urgence soit moins bon que celui des lois de droit commun. Je m'étonne du faible taux de publication des rapports. Pourtant, la circulaire du Premier ministre est très claire sur le sujet, qui rappelle les vertus d'une programmation précoce. Selon Solon, non pas le philosophe mais le système d'organisation en ligne des opérations normatives, chaque administration est tenue de faire un planning du suivi de ses travaux pour indiquer le calendrier utile, l'état de la procédure, la date de publication du texte. La démarche est intéressante car il est possible d'identifier les points de blocage. On passerait alors à un quantitatif éclairé, utile au Gouvernement comme au Parlement... (Applaudissements sur les bancs RDSE et socialistes)
Mme Corinne Bouchoux. - Tout le monde est content ce soir : le Gouvernement de ses résultats et le Sénat de sa nouvelle commission et de son président. Je veux en finir avec l'autosatisfaction. Les chiffres sont bons, depuis un an mais il y avait du retard à rattraper. L'exemple de la loi pénitentiaire le montre bien : elle n'est pas encore appliquée et on veut nous faire adopter une loi de programmation pour cinq ans.
Nous nous inquiétons aussi du respect de l'esprit de certaines lois.
L'affichage politique l'a souvent emporté sur l'efficacité de la loi. Ainsi en est-il de l'immigration. Les immigrés sont toujours présentés comme un problème, jamais dans leur rôle positif pour notre pays. Pensez à la phrase de M. Guéant qui a mis mal à l'aise jusqu'à ses amis.
M. Éric Doligé. - Mais non !
Mme Corinne Bouchoux. - Les lois sur la récidive et la procédure pénale ne sont pas appliquées, ni les propositions de M. Lecerf en faveur des détenus. Les lois Warsmann sont un véritable serpent de mer et leur taux d'application est très faible.
Réfléchissons à la qualité des lois, plutôt qu'à leur nombre. Pour notre commission, 46 % sont appliquées pas forcément les plus favorables aux citoyens.
Quid des textes relatifs aux collectivités locales ? M. Sueur en a parlé tout à l'heure. Enfin, l'environnement nous tient à coeur, même si, pour certain, « ça commence à bien faire ». Pour le Grenelle, nous n'en sommes qu'à 45 % d'application et un seul rapport a été publié sur les douze prévus. Pour la commission nationale d'évaluation concernant l'exploitation des gaz de schistes nous attendons toujours le texte d'application. Les sénateurs et sénatrices écologistes souhaitent que la procédure accélérée reste exceptionnelle, pour préserver le temps de la réflexion et que nous remettions à plat la question de l'article 40. La qualité, en conclusion, doit l'emporter sur la quantité. (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)
M. Claude Dilain. - À mon tour, je salue la création de cette nouvelle commission. M. Assouline s'est investi avec énergie. Notre première audition a été édifiante : le secrétaire général du Gouvernement nous a dit que c'était la première fois qu'il était entendu par les sénateurs.
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est faux !
M. Claude Dilain. - Alors que de nombreux Français se méfient des politiques et des parlementaires, nous avons l'ardente obligation de nous assurer du bon fonctionnement de notre travail législatif.
Votre rapport montre des chiffres encourageants, mais nous devons évaluer les effets des lois votées pour avoir une approche qualitative. Ainsi qu'en est-il de l'application de la loi Dalo, loi ambitieuse s'il en est ? Les décrets ont été publiés, mais la loi n'est toujours pas appliquée faute de logements sociaux et parce que les commissions locales ont des comportements très différents. En outre, lorsque l'on fait des propositions inadaptées aux demandeurs, le taux de refus est forcément important.
Le classement des lois ministère par ministère fait apparaître, à mon grand regret, que celui de la ville est le plus mauvais élève. Pourquoi ? J'espère que notre nouvelle commission jouera tout son rôle de suivi dans ce domaine essentiel. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Isabelle Pasquet. - Le taux d'application des lois progresse cette année. Mais il faut relativiser les chiffres, puisqu'une nouvelle période de référence a été retenue.
À quelques mois d'une nouvelle législature, malgré la frénésie législative du président de la République, le Gouvernement a un an de retard dans l'application des lois. Le problème est donc loin d'être réglé. Enfin, pour la publication des rapports, le résultat est affligeant.
M. Assouline estime à juste titre qu'il ne faut pas en rester à une appréciation quantitative. La loi sur le handicap n'est pas encore totalement applicable, que la proposition de loi Doligé reviendrait sur certaines de ses obligations.
M. Éric Doligé. - La proposition de loi a été modifiée !
Mme Isabelle Pasquet. - L'application est une question de moyens financiers et de volonté politique. Je ne reviens pas sur la loi Dalo mais la loi pénitentiaire n'est pas davantage applicable : la création de 1 000 postes de conseillers de probation n'est pas budgétée. Que dire aux bénéficiaires des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité qui attendent un décret promis il y a quatre mois ?
Pour améliorer l'effectivité de la loi, il faut des études d'impact complètes. La réforme des collectivités territoriales était promesse d'économies mais le coût pour les régions n'était pas évalué.
Il y a une exigence de lisibilité et de stabilité de la loi. La Conférence des procureurs de la République s'en est émue le 8 décembre dernier. En matière pénale, nous avons connu une avalanche de textes, préjudiciable à la qualité du droit et à l'égalité des justiciables devant la loi. L'ordonnance de 1945 sur les mineurs est régulièrement modifiée. Et nous refusons la mise en cause de principes fondamentaux comme l'individualisation des peines avec les peines planchers.
Quant aux lois dites de simplification du droit, nous estimons qu'elles complexifient la loi et concernent souvent le fond, comme l'article 40 de la dernière, qui prive le salarié de la protection de son contrat en matière de temps de travail.
Nous sommes opposés aux procédures accélérées : le Parlement ne peut correctement travailler. (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)
M. Jean-Jacques Hyest. - Le contrôle de l'application des lois, cela a été rappelé, n'est pas une nouveauté au Sénat. Les commissions permanentes s'essayaient à cet exercice dans un rapport dont le seul mérite était de s'arrêter au 1er octobre. Espérons que nous accorderons nos calendriers !
M. Patrick Ollier, ministre. - Je vous redonnerai les chiffres au 31 avril !
M. Jean-Jacques Hyest. - Vous ferez fort ! (Sourires)
M. Patrick Ollier, ministre. - Au 30 avril, vous m'aviez compris !
M. Jean-Jacques Hyest. - Tout le monde se félicite du meilleur taux d'application des lois, qu'elles aient fait l'objet ou non d'une procédure accélérée. Les chiffres de Mme Escoffier montrent que la différence n'est pas pertinente ;
Mme Anne-Marie Escoffier. - C'est ce que j'ai voulu dire ;
M. Jean-Jacques Hyest. - J'avais compris le contraire.
S'agissant de la commission des lois, certains services ont visiblement peiné à comprendre que le Parlement légifère en matière funéraire. Je pourrais aussi citer l'exemple de la loi sur le transfert des parcs d'équipement. Tout ce qui ressortit au code pénal et au code de procédure pénale est d'application directe, purement législatif.
Certains ont rappelé l'article 24 de la Constitution, selon lequel le Parlement évalue les politiques publiques ; je citerai aussi l'article 48. Le Sénat avait tenu à préciser que la semaine de contrôle devait aussi être d'évaluation. Le Gouvernement et le Parlement ont mis entre parenthèses les articles 34 et 37 sur le périmètre de la loi et son intelligibilité. On nous fait des lois de programmation, des lois déclaratives et mémorielles, des textes bavards, inintelligibles et, à ce titre, censurés par le Conseil constitutionnel. Nous avons donc des marges de progression. La révision de 2008 a rendu obligatoires les études d'impact pour les projets de loi. Peut-être, un jour, seront-elles un motif de saisine du Conseil constitutionnel, d'autant qu'elles ne sont plus adéquates, une fois que le texte a été complètement modifié.
Tout en soulignant les efforts du Gouvernement et le travail du Sénat, l'important reste l'évaluation des lois au fil du temps. La loi pénitentiaire est munie de ses décrets d'application mais elle ne s'appliquera vraiment que si l'on en donne les moyens à la justice. Protection de l'identité, législation sur les sondages, modification du code civil sur les prescriptions, législation pénitentiaire, notre commission, comme les autres commissions permanentes, fait régulièrement l'évaluation des lois.
S'il est parfois paradoxal que l'on demande l'application de lois que l'on a combattues, réjouissons-nous que le Parlement s'entende sur le principe : moins de lois, mieux contrôlées ! (Applaudissement)
M. René Vandierendonck. - À mon tour d'insister sur la nécessaire qualité de la loi, son intelligibilité. Après M. Hyest, je prendrai des exemples tirés du droit de l'urbanisme : la loi Grenelle II, qui n'est pas encore totalement appliquée, est déjà abrogée partiellement par la loi Warsmann. Alors qu'elle donne pour la première fois un pouvoir prescriptif aux Scot, les CDAC ne comportent aucun représentant de ceux-ci. Quelle contradiction ! Et l'on va s'étonner après cela que les trois quarts des constructions de centres commerciaux aient été faits dans une redoutable quiétude !
Les récentes annonces présidentielles sur les 30 % de « constructibilité » juridique supplémentaires ont renforcé la spéculation sur le foncier, un comble ! Que n'a-t-on entendu sur la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement ! Eh bien, des dispositions sur les quartiers anciens ne sont toujours pas prises. La reconquête des friches industrielles et des sites et sols pollués ? On est encore dans la phase d'élaboration des décrets qui doivent clarifier dans les PLU les conditions d'information et de dépollution de ces sites, décrets indispensables au renouvellement urbain dans ma région, qui concentre la moitié de ces sites. (Applaudissements à gauche)
M. Louis Nègre. - La création de cette commission est une bonne chose qui s'inscrit dans une tradition sénatoriale vieille de quatre décennies. Après la réforme constitutionnelle de 2008 voulue par le président Sarkozy, le nouveau Sénat de gauche poursuit la politique de rééquilibrage des pouvoirs. Monsieur le ministre, je salue votre engagement tenace : nous vous devons le comité de suivi. Vous êtes, au reste, un récidiviste : parlementaire, vous étiez déjà vigilant sur l'application de la loi. La démarche est donc incontestable, le consensus prévaut.
On peut discuter des virgules, mais reconnaissons que le taux d'application est bien meilleur : au 31 janvier de cette année, le taux d'application est de 87 %. En 2002, sous le gouvernement Jospin, on en était à 62 %. L'évolution est donc manifeste. Ce gouvernement est de transparence. De mes yeux, j'ai vu le ministre transmettre ses fiches au président Assouline. (Sourires amusés à gauche) Ce gouvernement n'a rien à cacher et aucun n'a jamais fait autant !
Peut-on faire mieux ? Certes, on peut développer l'évaluation qualitative, le contrôle de l'application sur le terrain. On peut aussi renforcer les études d'impact pour réduire la loi en amont. En revanche, les propos de M. Assouline, évoquant des « rapports fantomatiques », sont excessifs.
Que 2012 soit, comme vous le souhaitez, l'année d'une coopération renforcée entre le Gouvernement et le Parlement.
Mme Laurence Rossignol. - Je veux, moi aussi, saluer l'initiative de cette nouvelle commission voulue par la majorité du Sénat et le président Bel. Elle marque la volonté du Parlement d'exercer pleinement ses prérogatives de contrôle.
L'évaluation quantitative ne suffit pas. Sur les lois Grenelle I et II, le compte n'y est pas, mes collègues l'ont dit. C'est qu'il y a 1 001 manières de paralyser l'application des lois.
La plus courante est de ralentir le processus de rédaction des décrets ; il est d'ailleurs contradictoire de dénoncer le matin le « trop grand nombre » de fonctionnaires et de demander le soir un plus grand nombre de décrets. Autre technique, la résistance passive, agrémentée de la réponse dilatoire : « le décret est en cours de rédaction ». Une troisième méthode consiste à reporter d'année en année la date d'application. Ainsi en a-t-il été pour l'écotaxe sur les poids lourds, qui devait entrer en vigueur en 2011 puis en 2012 ; on en est à 2013. Les relations entre Parlement et Gouvernement ne sont pas de type contractuel : la date de promulgation est une composante de la loi. Parfois, encore, l'esprit du législateur est ouvertement trahi par les décrets. C'est ainsi qu'on a doublé les surfaces d'affichage publicitaire que le Parlement voulait réduire.
Trop d'articles introduits par les parlementaires ? Ils n'ont pas le monopole de la logorrhée législative : pourquoi sept lois sur la récidive en dix ans ?
Il en va de la santé de la démocratie comme de celle des individus : il faut de la prévention et des contrôles, mais aussi une hygiène de vie. La loi devrait assurément comporter davantage de dispositions d'application immédiate. Elle doit en tout cas n'être pas un outil de communication, mais de régulation ; (Applaudissements à gauche)
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. - Probablement, le contrôle de l'application des lois était dans les gènes du Sénat depuis 40 ans. Probablement, les gouvernements successifs, y compris celui de M. Jospin, ont cherché à améliorer l'application des lois. Cela étant, la Ve République donnant des pouvoirs exorbitants à l'exécutif, le Parlement se sentait limité dans son pouvoir de contrôle. C'en est désormais fini, grâce à la nouvelle gouvernance voulue par le président Bel.
Il serait paradoxal de demander l'application des lois que l'on combat ? Le président Grant disait qu'il ne connaissait pas de meilleure manière de faire annuler une mauvaise loi que de la mettre scrupuleusement en application. Après cette boutade, je soulignerai surtout que nous avons choisi de travailler sur des lois que nous soutenons : la loi Handicap, dont, faute de moyens matériels, les obligations ne sont pas respectées dans la vie réelle, le Grenelle II, la loi pénitentiaire. Prenons la loi sur l'audiovisuel, qui nous a tant occupés : si nous avions disposé de meilleures études d'impact, le résultat aurait été meilleur.
Cessons l'affichage : sept lois sur la récidive en dix ans, six sur l'immigration. On relégifère alors même que les décrets d'application de la loi précédente n'ont pas été publiés !
Néanmoins, je ne veux pas polémiquer : le taux d'application, les chiffres le montrent, s'améliorent. L'effort doit être poursuivi. Par volonté de transparence, M. le ministre a tenu à me donner des informations supplémentaires ; J'apprends ainsi que pas moins de treize étapes jalonnent le parcours d'un décret. Et on s'étonne qu'il faille plus de six mois ? Peut-être faudra-t-il songer à une simplification... Poursuivons le travail engagé...
M. Patrick Ollier, ministre. - Quel que soit le futur gouvernement !
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. - C'est bon pour notre démocratie et pour le Parlement !
M. Patrick Ollier, ministre. - Je constate avec plaisir que M. Assouline a fait état de documents de travail que je lui ai transmis. Fort bien ! Le décret n'est pas seulement un texte émanant d'une administration -au reste admirable, je tiens à le souligner- il a vocation à s'appliquer durablement. (Le ministre montre aussi les fiches qu'il donne aux ministres)
Monsieur Carrère, la loi relative à l'importation de matériel de guerre s'appliquera en 2014 comme prévu. Quant au décret sur la piraterie, c'est fait, il a été transmis au Conseil d'État.
Monsieur Marini, je n'ai jamais prétendu atteindre un taux de 100 %. Je veux tendre au 100 %. Nuance ! Le décret sur le trafic de métaux paraîtra dans les semaines à venir. Quant au rapport sur l'Agence de financement des collectivités territoriales, les délais seront tenus. Mais que de rapports !
Madame David, les décrets de la loi de bioéthique interviendront en mars 2012, le Gouvernement l'a toujours dit. Quant au décret sur les assistants maternels, il a été transmis au Conseil d'État le 26 décembre 2011. Il sera publié dans quelques semaines. Je ne vous réponds pas sur tous retards plus anciens, j'ai considéré en priorité la législature du Gouvernement auquel j'appartiens. Mais nous avons veillé à l'application de la loi sur le dossier médical personnel ou sur le handicap.
Madame Blandin, j'ai échangé avec le ministre de la culture sur les canaux compensatoires de TNT. La Commission européenne nous a adressé en septembre un avis motivé sur les difficultés juridiques que présentait ce texte. Il nous faudra revenir devant le Parlement -quand le calendrier le permettra. En attendant, le CSA peut lancer les appels à candidature pour les canaux disponibles.
Monsieur Raoul, la loi sur les quartiers d'habitat en outre-mer ne comportait aucun renvoi à des décrets, j'en suis responsable en tant qu'ancien président de commission. Le décret de la loi du 23 juillet 2011 a été transmis au Conseil d'État. Le Parlement s'honorerait à réduire le nombre de rapports demandés. Ce n'est pas une technique que doit utiliser le Gouvernement pour parer aux questions des parlementaires.
M. Jean-Jacques Hyest. - Non plus que de recourir à l'article 40 !
M. Patrick Ollier, ministre. - Pour la loi Grenelle II, le nombre d'articles est passé au Parlement de 104 à 257 ; comment s'étonner que cela ait des conséquences sur les décrets ?
Monsieur Sueur, notre objectif est de tendre à une application totale de la loi. Un décret a été pris le 30 septembre 2010 sur les violences faites aux femmes. Quant à la loi funéraire, elle fixe elle-même l'entrée en vigueur de certaines de ses dispositions à 2013.
Monsieur Roche, le Parlement est coresponsable de l'inflation législative qui allonge la publication des décrets. Madame Escoffier, merci de votre esprit constructif. D'ailleurs, si nous n'avions pas créé notre comité de suivi, auquel vous avez rendu hommage, M. Assouline aurait-il pensé à sa commission ? L'important est d'améliorer la qualité du droit pour nos concitoyens, que nous soyons de droite ou de gauche ; merci d'avoir cité la circulaire du 7 juillet 2011.
Mme Bouchoux a été sévère. Elle a porté un diagnostic partiel. Non, le bilan que je vous présente ne résulte pas d'une politique du chiffre mais de la volonté du Gouvernement et du Parlement depuis 2008. Sur la loi relative au gaz de schiste, le Conseil d'État a été saisi le 10 janvier sur la création de la commission prévue. Fin février, début mars, vous devriez avoir satisfaction.
Monsieur Dilain le classement par ministère montre qu'ils se situent tous plutôt en haut de la fourchette ; le ministère de la ville, avec la loi sur le Grand Paris renvoie à des travaux de long terme.
Je veux dire à Mme Pasquet que le taux d'application est calculé au 31 décembre. Mais permettez au Gouvernement de continuer à travailler encore trois mois, et plus encore j'espère, afin de contenter M. Assouline. (Sourires) Fin avril nous serons à plus de 90 %.
Nous parlons de pourcentage, madame Pasquet. Les chiffres sont importants, mais il est évident que certaines lois sont moins bien appliquées que d'autres. M. Hyest m'a interrogé sur les parcs d'équipements : les décrets paraîtront avant la présidentielle. M. Vandierendonck a été critique ; je lui ai répondu en répondant aux présidents de commission. Merci à M. Nègre d'avoir soutenu le Gouvernement. Je crois dans l'exigence de transparence. Les résultats sont là. Mme Rossignol a été injuste dans ses appréciations, autant à l'encontre des fonctionnaires que des ministres.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. - Allons !
M. Patrick Ollier, ministre. - Cela me fait de la peine, car ce n'est pas mérité.
M. Assouline a été critique mais constructif. Je souhaite que nous travaillions dans la plus grande transparence.
Pour le Grenelle II, 126 mesures ont été prises sur 183 : le taux est de 70 %.
Parmi les décrets importants figurent ceux relatifs à la publicité des enquêtes publiques et aux études d'impact.
Dans les prochains jours, 26 mesures supplémentaires seront prises, dont celles relatives aux trames vertes et bleues. On arrive donc à un chiffre de 152 mesures soit 83 % et avec neuf autres mesures en voie d'achèvement, celui de 161 mesures soit 88 %.
Sur les onze rapports, six sont périodiques, à échéance juillet 2013, deux ont été publiés et un est en voie de finalisation.
Enfin, la loi pénitentiaire de 2009. Elle est quasiment appliquée : sur 22 mesures, 21 ont été prises !
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale. - Cette loi ne s'applique pas !
M. Patrick Ollier, ministre. - Les mesures ont été prises, à vous de procéder à son évaluation ! La mesure restante, qui concerne le règlement intérieur type, nécessite une concertation avec les personnels et les syndicats. Ce n'est pas chose facile. Il doit être publié avant la fin de la législature.
J'espère vous avoir apporté le maximum de réponses.
Je souhaite la plus grande transparence. Je propose à M. Assouline d'organiser une réunion de travail pour poursuivre notre débat. Nous pourrions ainsi nous rencontrer régulièrement deux ou trois fois l'an. Dès lundi, je commencerai à vous transmettre les documents du secrétariat général du Gouvernement et du Conseil d'État.
Ancien parlementaire, j'ai autant que vous l'ambition de voir le travail législatif bien fait et bien appliqué.
Je vous remercie de ce débat. (Applaudissements)
La séance est suspendue à 20 h 40.
*
* *
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
La séance reprend à 22 h 40.
Gaz de schiste (Question orale avec débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la réponse du Gouvernement à la question orale avec débat n° 11 de Mme Nicole Bricq à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur le devenir des permis exclusifs de recherche d'hydrocarbures conventionnels et non conventionnels après le vote de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011.
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Cette question est toujours d'actualité, au cas où certains l'auraient oublié. La loi Jacob de juillet 2011 n'a rien réglé. Aucune suite n'a été donnée au rapport remis au Gouvernement et les partisans de l'expérimentation du gaz de schiste reprennent l'offensive.
La loi de juillet 2011 était censée calmer la colère des élus et des citoyens, indignés par la délivrance de permis sans aucune concertation ; et offrir un cadre juridique solide. Depuis, grâce à la mobilisation des populations, trois permis exclusifs ont été annulés, mais le doute perdure : 61 permis demeurent. L'un des trois permis concédés au groupe Total ne mentionnait pas le recours à la technique interdite de la fracturation hydraulique. Et les explications de la ministre ne sont pas convaincantes, tandis que le groupe Total, qui vient de déposer un recours contentieux devant le Tribunal administratif de Paris, affirme ne procéder qu'à des carottages verticaux et respecter la loi. Le Gouvernement justifie le maintien des autres permis au motif que les bénéficiaires ont pris l'engagement formel de ne pas recourir à la fracturation hydraulique. Mais comment faire le tri entre les groupes auxquels faire confiance et les autres ? Récemment, six parcelles ont été achetées par la société Vermilion, dans l'Essonne et le Bassin parisien : pourquoi un tel investissement, alors que la loi est censée empêcher la fracturation hydraulique et qu'il n'est pas de technique alternative ?
Les discours du Gouvernement ont bien varié. Lors de la discussion de la loi Jacob, il affirmait qu'il était impossible de distinguer entre exploitation conventionnelle et non conventionnelle, et voilà trois mois après qu'il dit le contraire. Les techniques auraient-elles évolué ? Pour nous, la question n'est pas de savoir quelle technique interdire -en interdire une, c'est accepter potentiellement les autres- mais décider ou non d'exploiter les gaz de schiste.
Pour nous, c'est l'interdiction totale qu'il faut viser. Et le code minier doit distinguer entre exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Rien ne doit être fait sans cela. La commission prévue par la loi Jacob, lorsqu'elle sera mise en place, permettra des expérimentations testant la fracturation hydraulique, dont les risques sont connus, ou toute autre technique : ce sera ouvrir la voie à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures de roche mère. L'impatience de l'Ufip à voir cette commission installée ne peut que nous alerter. Comment seront distinguées exploration et exploitation ? Nous ne le savons pas.
Et le Gouvernement ne cesse de tergiverser. La France a toujours été favorable à la directive européenne sur les sables bitumineux, « forme de pétrole la plus néfaste pour le climat », mais elle vient de se déclarer contre une mesure de leur impact sur l'effet de serre. Revirement inquiétant...
Aux États-Unis, où le gaz de schiste est largement exploité, on sait les dégâts causés à l'environnement. Les enjeux financiers sont importants. En Europe, la tentation est réelle ; la Pologne entend devenir le « Qatar de l'Europe centrale » tandis que la Bulgarie vient d'interdire l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. En France, le débat n'est pas clos.
Quoi qu'il en soit, la population n'est pas associée. La loi Jacob ne garantit pas la transparence. Le Gouvernement s'était engagé à faire voter par le Parlement un projet de loi de ratification de l'ordonnance de codification de la partie législative du code minier, afin de prévoir une consultation publique avant délivrance des permis ou prolongation des concessions. Las, ce projet, déposé en avril 2011 à l'Assemblée nationale, n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour. Le Gouvernement n'entend pas favoriser l'exercice démocratique, à l'encontre de ce que préconise le rapport qui lui a été remis : la création de commissions départementales des mines et celle d'un Haut conseil associant État, collectivités territoriales, syndicats, ONG et entreprises.
Les partisans de l'exploitation reprennent l'offensive. Le club Energie et développement vient d'organiser un colloque, où s'est tenue une table ronde intitulée « L'interdiction française, comment en sortir ? ». On ne peut être plus clair. Quant au PDG du groupe Total, n'a-t-il pas déclaré que le code de conduite de son groupe ne lui interdisait pas de recourir à la fracturation hydraulique et que la ministre de l'écologie n'avait pas le monopole de l'interprétation de la loi ? Autant de preuves de l'insécurité dans laquelle nous demeurons. L'Ufip, encore elle, lors d'une conférence de presse, a enfoncé le clou, appelant à un débat public « constructif et rationnel » -sous-entendu, il ne l'a pas été jusqu'ici- libéré des considérations idéologiques. Mais les maires qui se mobilisent ne sont-ils pas de tous les horizons politiques ? (M. Claude Bérit-Débat le confirme)
La ligne rouge est franchie. Le secteur pétrolier n'a pas renoncé à une stratégie mêlant bataille judiciaire et attente de jours meilleurs, preuve de la faiblesse de la loi Jacob. A quoi s'ajoute l'attentisme de la Commission européenne.
Tout justifie que le Sénat connaisse la position du Gouvernement sur les permis non abrogés et sur les raisons qui l'ont conduit à ne pas déposer, devant le Parlement, un projet de réforme du code minier. Nous attendons impatiemment vos réponses. (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Dubois. - La loi de juillet 2011 interdit l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels par la technique de la fracturation hydraulique et abroge les permis exclusifs ayant recours à cette technique. Quand, monsieur le ministre, la commission créée par la loi à l'initiative de notre groupe sera-t-elle mise en place ?
La technique de fracture hydraulique demeure régulière pour les hydrocarbures conventionnels et la géothermie : ce n'est donc pas la technique qui pose problème, mais l'exploitation même de nouvelles sources d'énergie. Je comprends mal ce débat. Cela ne choque-t-il personne que la facture de nos importations d'hydrocarbures atteigne 65 milliards d'euros ? La France dispose-t-elle, oui ou non, d'un important potentiel d'hydrocarbures non conventionnels ? Pour le rapport Gonnot-Martin, ce sont 100 ans de consommation de gaz qui sont devant nous. (Mme Nicole Bricq proteste) S'agissant des huiles, les réserves du basin parisien seraient moitié moins importantes que le champ pétrolifère de la mer du nord. Pour leur exploitation, des forages doivent être autorisés sous contrôle public, afin d'en maîtriser l'impact sur l'environnement.
M. Michel Teston. - Il n'y a pas de technique sans impact sur l'environnement.
M. Daniel Dubois. - Alors, soyons cohérents. Interdisons tout forage par fracturation hydraulique, y compris pour les gisements conventionnels. La pollution sur les nappes phréatiques ? L'exemple américain, sans cesse brandi pour attiser l'inquiétude de nos concitoyens, doit être conjuré : l'encadrement est bien plus souple aux États-Unis et l'essentiel des fuites est dû à des malfaçons. Cessons donc d'opposer économie et environnement. Pas un euro ne sera investi sur les techniques possibles si l'on n'améliore pas l'exploration, destinée à connaître précisément les gisements. Défendons donc une position ouverte à la recherche, dans le respect du développement durable.
Je regrette que la majorité sénatoriale nous incite à renoncer purement et simplement à cette source d'énergie. Je préfère, pour ma part, cette solution à celle qui consiste à importer du gaz russe ou encore du gaz de schiste polonais, où je doute que les règles d'exploitation soient aussi strictes qu'elles l'auraient été chez nous. N'ayons pas d'oeillères et restons ouverts au rapport de la commission à venir. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Michel Teston. - Le groupe socialiste a voté contre la loi de juillet 2011, frappée d'ambigüités majeures. Ainsi, la déclaration par le titulaire de l'utilisation ou non de la technique de la fracturation hydraulique, principal critère de décision pour abroger les permis exclusifs, laisse trop de place à l'interprétation. Le recours de Total contre l'abrogation de son permis de Montélimar l'atteste. D'où le dépôt par notre groupe d'une nouvelle proposition de loi visant l'interdiction de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Il s'agit de modifier le code minier, conformément aux préconisations du rapport d'étape -puisque le rapport final, prévu pour juillet 2011, n'est toujours pas déposé. Il faut introduire une claire distinction entre hydrocarbures de roche mère et conventionnels. Les seconds se raréfiant, les compagnies voient dans l'exploitation des premiers une source de profits pour l'avenir. Dans la confusion, on risque de voir conduites des explorations en sous-main, comme cela s'est sans doute produit en Seine-et-Marne. Quant aux demandes de permis, elles jouent de l'imprécision sur le type d'hydrocarbures recherché et les techniques utilisées.
L'information des populations et leur association en amont, en même temps que des études d'impact, doivent être rendues obligatoires par la loi.
Le Gouvernement n'a pas respecté ses engagements -voir le projet de loi de ratification de l'ordonnance portant modification de la partie législative du code minier. Voilà qui prive le Parlement de débat. On est loin des bonnes intentions du Grenelle. (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes et RDSE)
Mme Évelyne Didier. - Le président de la République, à Pamiers, lors de ses voeux au monde rural, déclarait que la protection de l'environnement était une « question de mesure », écho à « l'environnement, ça commence à bien faire » du salon de l'agriculture 2010.
La question des gaz de schiste est une bonne illustration de cette méthode. Après avoir promis l'abrogation de tous les permis, le Gouvernement a fait voter la loi du 13 juillet 2011. Neuf mois plus tard, seuls trois permis sur 64 ont été abrogés. Mme la ministre a justifié l'abrogation de celui accordé à Total par le fait que l'entreprise a annoncé vouloir continuer ses recherches par une technique dont on ne sait si elle est opérationnelle. En tout état de cause, aucune technique, s'il en était une autre que la fracturation hydraulique, n'est respectueuse de l'environnement : mieux eût valu abroger tous les permis. Aujourd'hui la détermination des industriels reste entière. Et les lobbies redoublent d'ardeur -voir la table ronde évoquée par Mme Bricq.
Des permis seraient en cours d'instruction. Est-ce le cas ? En l'état, sans modification du code minier, aucune consultation du public n'est obligatoire. Je demande solennellement des explications au Gouvernement.
Le Gouvernement espère-t-il donc gagner du temps ? La loi permet la poursuite de l'exploration aux fins de recherche, comme pour ménager l'avenir. Sur le site du ministère, on explique benoîtement que les pouvoirs publics ont accordé des permis de recherche pour réduire notre dépendance et notre facture énergétiques. Et le président de la République a assuré la Pologne, qui se lance dans une exploitation de grande ampleur, de son soutien au niveau européen.
On encourage ainsi les grands groupes pétroliers. Total continue d'avancer, s'associe dans l'Ohio avec un gazier américain pour 2,3 milliards de dollars. Alors que la fin annoncée du pétrole devrait être anticipée, les pétroliers s'obstinent à exploiter des gisements de plus en plus profonds, de plus en plus coûteux, dans une logique de profitabilité maximum qui ne prend nullement en compte les exigences du développement durable. Tels sont les effets pervers du modèle libéral.
La transition écologique nous invite à reprendre le contrôle, à faire porter nos efforts sur la recherche dans les énergies renouvelables. Le Gouvernement doit revoir sa copie, comme l'a fait la Bulgarie, abroger tous les permis, réformer le code minier. Nous attendons, monsieur le ministre, des éclaircissements sur ses intentions. (Applaudissements à gauche)
M. Robert Tropeano. - Je l'ai dit en juillet 2011, je le dis aujourd'hui : la détermination de nos concitoyens reste sans faille.
Le président de la République a annoncé l'abrogation de trois permis seulement. Lors de l'examen du projet de loi, la ministre de l'écologie assurait que l'interdiction de la fracturation hydraulique aboutissait au même résultat que l'annulation des permis, mais était moins coûteuse pour les finances de l'État. En d'autres termes, il s'agissait d'éviter de payer des indemnités.
Mais nos concitoyens restent très mobilisés. Le recours du groupe Total contre l'annulation de son permis a réveillé la vigilance. Entre Montélimar et Montpellier, 4 327 kilomètres carrés étaient concernés.
Les pétroliers contre-attaquent : voir la table ronde du colloque organisé à la Maison de la chimie, en présence de la ministre : « L'interdiction sur le gaz de schiste, comment en sortir ? ». On ne peut être plus explicite. Nous attendons du Gouvernement qu'il confirme sa détermination. Je regrette qu'il ait voulu, en 2011, limiter l'interdiction à la fracturation hydraulique : c'était laisser des espoirs aux industriels, qui montent aujourd'hui à la charge. Nous attendons des réponses claires. Alors que l'ouverture de travaux de recherche est soumise à simple déclaration, il est urgent de réformer notre arsenal législatif. Sachez que nous resterons vigilants. (Applaudissements à gauche)
Mme Chantal Jouanno. - Le débat de 2011 nous a conduits à adopter une législation inédite dans le monde en un temps record. Reconnaissons les avancées de ce texte.
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Il ne sert à rien !
Mme Chantal Jouanno. - Jean-Louis Borloo a reconnu l'erreur qui fut la nôtre en accordant, en 2008, ces permis. Je ne reviens pas sur le débat sémantique, pour m'attacher au fond. M. le ministre répondra, en effet, aux questions.
M. Daniel Raoul. - J'en doute !
Mme Chantal Jouanno. - Dans le cadre du Grenelle I, nous avons clairement fait le choix d'un mix énergétique, mais il est vrai que le texte est moins clair sur la part des hydrocarbures. Avez-vous, monsieur le ministre, des données objectives sur le coût d'exploitation des ressources non conventionnelles ? Le Grenelle avait écarté l'hypothèse, tant paraissait élevé leur coût environnemental et incertain leur potentiel.
La commission prévue par la loi sera-t-elle compétente pour se prononcer sur toutes les recherches d'hydrocarbures conventionnels et non conventionnels ? C'est un vrai débat. Voyez l'exploration en mer, au large de la Guyane. Ce sont des données objectives que j'attends de vous, pour nous éclairer. (Applaudissements à droite ; M. Daniel Raoul applaudit aussi)
Mme Marie-Christine Blandin. - Six mois après la loi Jacob, adoptée à la suite d'une mobilisation sans précédent dans toute la France, il apparaît qu'elle n'était qu'un trompe-l'oeil : seule la fracturation hydraulique fut visée, alors que nous proposions, avec le groupe socialiste, l'interdiction pure et simple de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures de roche mère.
Où en sommes-nous ? Les permis de Nantes, Villeneuve-de-Berg et Montélimar ont été annulés, mais 61 autres demeurent. Et l'on reste englué dans le débat démocratique. Les mots changent, mais les champs de ruines que laissent derrière eux les forages non conventionnels demeurent identiques. D'autres techniques sont utilisées aux États-Unis, qui peuvent rapidement traverser l'Atlantique. Ainsi, la technique de fracturation pneumatique dont il est aujourd'hui avéré qu'elle reste éminemment toxique. Interdire une méthode d'extraction n'était donc pas de nature à régler définitivement le problème. La pulvérisation de la roche libère dans tous les cas des substances toxiques.
L'objectif des industriels est de faire sortir le maximum de gaz, au prix d'intrusions très profondes dans la roche mère, expression que M. Teston a bien fait de mettre en exergue. Comment des réserves si profondément enfouies pourraient-elles être exploitées sans fracturation ? Qu'est devenu le principe de précaution ? Quant au recours de Total, il peut créer un précédent. Soyons assurés que chaque annulation donnera lieu à un recours.
Les écologistes s'étaient prononcés pour une interdiction pure et simple de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures de roche mère. Pour des raisons plus ou moins avouables, vous avez cédé devant les lobbies qui, selon une méthode éprouvée, accusent les opposants de gêner la recherche et font du chantage à la pénurie. Nous ne connaissons que trop l'argument, il est utilisé pour le nucléaire.
Nous sortons d'un débat sur l'application des lois. Tous les décrets n'ont pas été pris pour la loi du 13 juillet.
Nous, écologistes, ne transigerons pas et réaffirmons la pertinence de la transition énergétique que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements à gauche)
M. Claude Bérit-Débat. - En juin dernier, le Parlement adoptait en urgence une loi qui n'était en réalité qu'un modeste paravent. Le Gouvernement avait temporisé.
Sans revenir sur les dangers de la fracturation hydraulique, j'insisterai sur ceux de votre politique de faux-semblants. C'est bien parce que la loi est restée au milieu du gué que Total dépose un recours contre l'abrogation du permis de Montélimar. Pourquoi trois permis seulement supprimés sur 64 ? L'État cherche à gagner du temps alors qu'il aurait dû se montrer catégorique. Les élus et la population doivent continuer à se mobiliser.
C'est le cas en Dordogne où l'instruction sur deux permis a été suspendue. Nous, nous demandons leur suppression pure et simple. Le collectif « non au gaz de schiste » a organisé des manifestations très suivies à Sarlat et à Cahors contre le permis de Cahors. La mobilisation citoyenne, que relaient les élus, se poursuivra jusqu'à ce que nous obtenions gain de cause.
Il n'est plus temps de tergiverser : il faut interdire définitivement l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste sous quelque forme que ce soit ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Houel. - Ce débat m'offre l'occasion d'une mise au point. En Seine-et-Marne, la proposition de loi Jacob, dont j'étais le rapporteur, était très attendue. C'est une première mondiale...
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Dites-le à Total !
M. Michel Houel. - ...dont il ne faut pas nier la portée. Peut-être n'en voulez-vous pas parce qu'elle émane de l'UMP ?
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Parce qu'elle est inefficace.
M. Michel Houel. - Que les inquiétudes aient été fortes, on le comprend. Avant toute exploration, il convient de s'enquérir de l'impact environnemental d'un éventuel forage. Cela dit, je vois fleurir des panneaux « non au gaz de schiste » dans mon département alors qu'il n'y en a pas en Île-de-France.
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Et l'huile de schiste ?
M. Michel Houel. - Si nous sommes d'accord, pourquoi remettre en cause la loi que nous avons votée en juin dernier ? Parce que la loi omet de définir la technique de la fracturation hydraulique et qu'elle n'interdit pas le recours à d'autres techniques, comme la fracturation pneumatique ou celle avec injection de propane gélifié ? La notion de fracturation hydraulique est très claire pour les professionnels et parfaitement définie en deux mots. Votre proposition de loi n'est d'ailleurs pas cohérente avec son exposé des motifs puisqu'elle ne conteste pas l'expression ni ne la redéfinit. La fracturation hydraulique est la seule technique opérationnelle ; en tout état de cause, l'administration ne permettrait pas l'utilisation de techniques nouvelles qui n'auraient pas fait leurs preuves, que ce soit pour l'exploration ou pour l'exploitation. Les permis litigieux ont été abrogés.
Le Gouvernement a réalisé des efforts considérables pour les énergies décarbonées et renouvelables (On ironise à gauche) et la modernisation du code minier. La loi du 13 juillet est efficace. Nous faisons confiance au Gouvernement pour bien l'appliquer.
Juste une petite remarque pour conclure. Le 19 janvier dernier, les États-Unis ont affiché le prix du gaz le plus bas depuis dix ans, trois fois inférieur au prix européen. Et ce, grâce à l'exploitation des gaz de schiste. Cela donne à réfléchir... (Applaudissements à droite)
Mme Laurence Rossignol. - Un jour peut-être, aura-t-on le temps d'écrire un ouvrage qui s'intitulerait De la duplicité dans la conduite des politiques publiques. Duplicité dans l'accord d'une soixantaine de permis par M. Borloo tandis qu'il occupait le devant de la scène avec le Grenelle.
Duplicité de la majorité qui prône les énergies décarbonées pour mieux justifier son choix nucléaire, et n'hésite pas à laisser la porte ouverte à l'exploitation des gaz de schiste, qui produit trois fois plus de gaz à effet de serre que celle du pétrole conventionnel. Duplicité du Gouvernement qui affirmait abroger tous les permis et en laisse une soixantaine.
Devant la mobilisation des citoyens et des élus locaux, le Premier ministre déclare que les autorisations ont été données dans des conditions pas satisfaisantes et, la main sur le coeur, dit qu'il faut tout remettre à plat et qu'il soutiendra toute proposition de loi en ce sens. Alors qu'il s'était engagé à soulever une montagne, le Gouvernement a accouché d'une petite souris : trois permis abrogés sur 64, aucune structure de concertation, pas de projet de loi présenté au Parlement sur la réforme du code minier, aucun soutien du Gouvernement aux propositions de loi sur l'interdiction de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste. Tout porte à croire, de fait, qu'il cherche à temporiser : on autorise l'exploration et on attend.
Dernier acte de la duplicité gouvernementale : il semble que la France ait retiré son soutien à une initiative du Parlement européen et qu'elle en vienne à demander que soit retardée l'application de la directive de 2009. Il est vrai que les dirigeants de Total passent beaucoup de temps chez M. Besson, un bon relais pour ce genre de choses.
Ma question sera simple : quelle est exactement la position de la France au niveau européen ? A-t-elle rejoint le groupe des pays qui veulent exploiter le gaz de schiste ? (Applaudissements à gauche)
M. Alain Milon. - En juin dernier, un texte sur l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste avait donné lieu à de riches discussions. Le parti socialiste, après avoir repoussé la proposition de loi Jacob, avait aussitôt déposé un texte quasiment identique...
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Pas du tout !
M. Alain Milon. - Moi aussi, j'ai été saisi de nombreuses demandes d'éclaircissements. Avec la création d'une structure de concertation, l'interdiction de la fracture hydraulique, la remise d'un rapport annuel, la loi du 13 juillet 2011 a apaisé les inquiétudes, qui étaient légitimes. Pour l'heure, elle suffit. Nous ne pouvions pas autoriser n'importe qui à faire n'importe quoi. La situation n'impose pas un nouveau texte. Enfin, le Gouvernement, n'en déplaise à certains, consacre d'importants efforts au développement des énergies renouvelables. Il peut compter sur le soutien du groupe UMP. (Applaudissements à droite) Il n'est pas question que le gaz de schiste soit matière à un recul environnemental !
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - On verra.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - Mme Kosciusko-Morizet, retenue, n'a pu assister à ce débat sur les gaz de schiste, qui lui tient tant à coeur. Le parti socialiste a refusé de voter la loi Jacob, au motif qu'elle ne serait qu'un prétexte pour aider les sociétés extractrices à attendre des jours meilleurs. Ce n'est pas l'avis, semble-t-il, des détenteurs des permis de Nantes, Villeneuve-de-Berg et Montélimar.
Trois permis abrogés seulement ? Ce sont les permis qui autorisaient non la recherche d'hydrocarbures en général, qu'ils soient ou non conventionnels, mais la recherche d'hydrocarbures dans la roche mère par fracturation hydraulique, seule visée par le texte de 2011.
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - C'est bien le problème !
M. Thierry Mariani, ministre. - Il n'y a aucune alternative à la fracturation hydraulique, interdite par la loi. La loi du 13 juillet 2011 serait contraire à l'exigence de transparence posée dans la charte de l'environnement ? Et, pourquoi pas aussi, tant que vous y êtes, à la Constitution ! Nathalie Kosciusko-Morizet a commandé un rapport...
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Elle n'en a rien fait !
M. Thierry Mariani, ministre. - ... qui alimentera la réforme du code minier.
M. Claude Bérit-Débat. - Quand ?
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Nous l'attendons avec impatience.
M. Thierry Mariani, ministre. - Comment expliquer le retard pris ? Le projet de loi a été déposé en avril à l'Assemblée nationale.
Les arguments, qui ne tiennent pas, visent en fait un seul but : justifier le dépôt de votre proposition de loi sur le gaz de schiste, la troisième au Sénat et la septième au Parlement. Mais ce texte est mal rédigé. Une abrogation a posteriori, cela n'existe pas. Il faudrait une annulation, ce qui supposerait que l'on reconnaisse une faute de l'administration...
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Elle a fauté !
M. Thierry Mariani, ministre. - ... ce qui ouvrirait la porte à de ruineuses procédures en dommages et intérêts.
Je remercie M. Dubois, M. Houel, Mme Jouanno et M. Milon de leur soutien.
À M. Dubois, je réponds que le projet de décret sur la structure de concertation, en cours d'examen au Conseil d'État, sera signé en février ou en mars. L'interdiction de la fracturation hydraulique est totale sur le territoire français, relisez la loi pour vous en convaincre. Madame Didier, oui, nous aurons besoin longtemps des hydrocarbures pour les transports. Monsieur Tropeano, vous avez cité, avec d'autres, un colloque, mais l'expression est libre dans une démocratie !
Madame Jouanno, la Commission nationale de suivi s'intéressera à tous les hydrocarbures. Madame Rossignol, la France n'est pas opposée au projet de directive sur la qualité des hydrocarbures. Ce texte a d'ailleurs été adopté sous présidence française, nous avons seulement demandé des éclaircissements.
Enfin, madame Bricq, les 61 permis restants, qui ont fait l'objet de recours par des associations, feront l'objet de toute notre attention quand les industriels passeront aux travaux pratiques.
Oui, nous sommes devant un choix de société. C'est nous qui avons voté la charte de l'environnement, quand la gauche s'abstenait.
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Je l'ai votée !
M. Thierry Mariani, ministre. - Il y a toujours des exceptions !
Bref, votre proposition de loi est mal rédigée et inutile, restons-en à la loi Jacob qui est une première mondiale.
Commission permanente (Nomination)
M. le président. - Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La Présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Anne-Marie Escoffier membre de la commission de l'économie, à la place laissée vacante par M. Alain Bertrand, dont le mandat de sénateur a cessé.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 8 février 2012, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit vingt.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 8 février 2012
Séance publique
À 14 HEURES 30
Question orale avec débat n° 9 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés sur le droit à la protection de la vie privée
Question orale avec débat n° 10 de Mme Nicole Bonnefoy à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur la lutte contre la prolifération du frelon asiatique
À 18 HEURES 30
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
À 21 HEURES 30
Débat sur la biodiversité