Laïcité (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à étendre l'obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité, présentée par Mme Françoise Laborde et les membres du groupe du RDSE.
Discussion des articles (Suite)
Article 2
Mme Françoise Laborde, auteure de la proposition de loi. - Je ne reviendrai pas sur la manière dont les débats ont été suspendus le 7 décembre dernier, tout en espérant que ce délai ne portera pas préjudice à l'adoption de ma proposition de loi. J'espère vous convaincre de voter cet article comme le premier. Je remercie M. Richard, rapporteur, d'avoir su remanier ce texte afin d'inscrire le principe de neutralité dans les structures chargées de la petite enfance, ce qui est en soi un progrès. Ce texte m'avait été inspiré, je le rappelle, par l'affaire Baby Loup.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Je souhaite moi aussi que l'obligation qui incombe aux fonctionnaires soit étendue aux personnes en charge de la petite enfance dans les structures privées. Il faut trouver le délicat équilibre entre laïcité et liberté de croyance.
Je déplore que l'on ait clos de cette manière nos débats le 7 décembre dernier : il aurait été tellement plus simple de procéder alors au vote !
L'article 2 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - A l'unanimité !
Mme Isabelle Pasquet. - Nous nous somme abstenus.
Article 3
Mme Françoise Laborde, auteure de la proposition de loi. - J'aurais pu préciser qu'il s'agissait, dans cet article, de neutralité religieuse et politique ; cela m'aurait peut-être épargné les mauvais procès en islamophobie. Notre collègue Guerriau a témoigné que ce texte avait une valeur informative et ne visait à stigmatiser personne en s'appuyant sur la mobilisation suscitée, dans sa commune, par le prosélytisme d'une assistante maternelle témoin de Jéhovah. Non, je ne cherche pas à instrumentaliser la laïcité comme la candidate du Front national. Non, je ne suis pas partie en croisade au nom d'une nouvelle religion laïque.
Mon mandat parlementaire me donne la responsabilité d'élaborer la loi. Je le fais conformément aux valeurs laïques des radicaux de gauche. Je crois que nous avons tout à gagner à réinvestir le champ de la laïcité. Il ne doit pas être laissé en jachère : il ne va pas se ressemer comme une herbe folle, il faut le cultiver.
En favorisant une plus grande transparence et un respect mutuel, ce texte, je le crois, renforcera l'esprit de tolérance.
Mme Isabelle Pasquet. - Le groupe CRC votera contre cet article qui complique les choses. Il implique un fort degré d'ingérence dans la vie privée des assistants maternels, qui ne se justifie pas. D'autant que la conviction religieuse, comme l'engagement politique, varie au cours d'une vie.
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois. - Ce texte institue une règle d'information ; il ne crée aucune sorte de limitation. Il serait peu satisfaisant que, dans un État de droit, des parents confient leur enfant à une personne qui le placerait dans un environnement religieux dont ils ne sauraient rien. La seule obligation est celle de la transparence. Le code du travail admet que certains contrats prohibent les signes d'appartenance religieuse. Ici, nous ne faisons qu'exiger que les assistants déclarent s'ils pratiquent leur religion au cours des heures de garde. Il ne s'agit pas de la vie privée.
Ce texte ferait obstacle à l'emploi de femmes voilées ? Au contraire ! Si l'assistante maternelle est voilée, les parents seront tout de suite informés de ses croyances. Il n'y a donc aucun problème. Si des parents ne souhaitent pas que leur enfant soit élevé dans une certaine atmosphère religieuse, ils ont le droit d'être informés. Je vous renvoie à l'exemple des Témoins de Jéhovah : leur appartenance religieuse ne se voit pas immédiatement.
Ce texte est un petit progrès non violent ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Chacun doit être libre d'exposer son point de vue sur ce genre de texte délicat. M. Vandierendonck ne votera pas cet article, il m'a demandé d'en informer le Sénat. Je le fais bien volontiers.
Pour ma part, je voterai l'article 3, comme la majorité de la commission. D'abord par solidarité avec Mme Laborde, qui a subi des menaces tout à fait inacceptables. Ensuite parce que ce texte est de liberté, liberté de conscience pour les assistants maternels, liberté de confier son enfant à la personne de son choix pour les parents. Je tenais à y insister après M. Richard pour éviter tout procès d'intention : la transparence va contre la manipulation !
L'article 3 est adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Esther Benbassa. - J'ai dit le 7 décembre mon opposition à ce texte, dans laquelle nos débats sur l'article 3 me confirment. Étendre aux assistantes maternelles l'obligation de neutralité constitue une violation du droit à la vie privée consacré par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. L'État a le droit et le devoir de veiller au respect de la neutralité religieuse dans l'espace public, dans le respect des convictions religieuses de chacun : c'est l'esprit de la loi de 1905. Une représentation de la Mecque ? Une reproduction d'une annonciation de Fra Angelico ou d'un Judith et Holopherne ? La manière de préparer le repas ? Tout pourrait faire l'objet de surinterprétations et d'abus...
Enfin, je rappelle l'article L. 1132-1 du code du travail qui interdit toute discrimination fondée sur la religion.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera contre ce texte.
Mme Isabelle Pasquet. - Le groupe CRC, dubitatif quant à l'article 2, craint que l'article 3 ne pose plus de difficultés qu'il n'en résout. Nous nous abstiendrons.
M. Pierre-Yves Collombat. - Une activité éducative financée par des fonds publics est-elle d'ordre privé ? Je ne le crois pas. Comme tout le groupe du RDSE, je voterai la proposition de loi.
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
Prochaine séance demain, mercredi 18 janvier, à 14 h 30.
La séance est levée à 22 h 30.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 18 janvier 2012
Séance publique
DE 14 HEURES 30 A 18 HEURES 30
1. Proposition de résolution relative au séjour des étudiants étrangers diplômés, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution (n°95, 2011-2012).
2. Proposition de loi relative au suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires français en Polynésie française (n°105, 2010-2011).
Rapport de M. Roland Courteau, fait au nom de la commission de l'économie (n°244, 2011-2012).
Texte de la commission (n°245, 2011-2012).
A 18 heures 30, réception de M. le Président Jean-Pierre Bel et du Bureau du Sénat à l'occasion de la nouvelle année