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Table des matières
Désignation des candidats à une CMP
Questions prioritaires de constitutionnalité
Rémunération pour copie privée (Procédure accélérée)
Limite d'âge des magistrats judiciaires (Procédure accélérée)
Modification du Règlement du Sénat
SÉANCE
du lundi 19 décembre 2011
43e séance de la session ordinaire 2011-2012
présidence de M. Didier Guillaume,vice-président
Secrétaires : M. Jean Desessard, M. Alain Dufaut.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Échecs de CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d'une part, du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et, d'autre part, du projet de loi de finances rectificative pour 2011, ne sont pas parvenues à l'adoption d'un texte commun.
Désignation des candidats à une CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la nouvelle désignation des candidats qu'elle présente pour la commission mixte paritaire qui doit se réunir sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - Monsieur le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.
Il a été transmis à la commission des lois.
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 19 décembre 2011, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Il a par ailleurs communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 16 décembre 2011, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité.
Rémunération pour copie privée (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rémunération pour copie privée (RCP).
Discussion générale
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Depuis la loi Lang de juillet 1985, la copie privée contribue au financement de la création artistique française -pour 189 millions d'euros en 2010- un quart des sommes servant à aider la création, à diffuser le spectacle vivant et à former les artistes. Or la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu le 21 octobre 2010 un arrêt que le Conseil d'État a repris le 17 juin dernier. Cette évolution jurisprudentielle compromet le régime pour copie privée, essentiel pour la juste rémunération des auteurs, des distributeurs, pour l'audiovisuel et toute la création française.
L'examen du projet de loi a été très consensuel à l'Assemblée nationale. Je remercie le rapporteur de votre commission, dont le travail est approfondi... malgré l'urgence !
Il convient de sécuriser le mécanisme de la copie privée, car la décision du Conseil d'État aurait des effets graves, en privant de fondement juridique le prélèvement de 189 millions d'euros ; certains redevables pourraient en outre demander un remboursement estimé à 60 millions d'euros. La rémunération pour copie privée doit être maintenue au-delà du 22 décembre prochain, dans l'attente de la fixation de nouveaux barèmes par la commission de la copie privée. Le projet de loi procède en outre à une validation ciblée des rémunérations perçues antérieurement au 17 juin 2011.
Le projet de loi est conforme à notre Constitution comme au droit européen ; il répond à des motifs d'intérêt général. Le texte organise l'exemption des supports à usage professionnel selon deux modalités particulières, dont le passage d'une convention entre Copie France et les professionnels.
Le texte prend également en compte une décision rendue en 2008 par le Conseil d'État selon laquelle la rémunération pour copie privée n'a pas pour objet de compenser les pertes de revenus liées aux copies illicites d'oeuvres protégées -écartant donc de l'assiette de la copie privée les copies de source illicite effectuées à partir de fichiers piratés. S'agissant de l'information des consommateurs, le Gouvernement prévoira des modalités d'application simples et compréhensibles.
Ce texte est une réponse pragmatique et immédiatement applicable à la jurisprudence du Conseil d'État et de la CJUE.
Au-delà, une réflexion plus globale est engagée au sein de mon ministère sur les incidences des évolutions technologiques sur le mécanisme de copie privée -je pense notamment au cloud computing. Elle est notamment conduite au sein d'une commission spécialisée du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.
Parce qu'il y va de l'héritage de la loi fondatrice de 1985, je souhaite une adoption consensuelle de ce projet de loi. Ce sera le signe de notre engagement commun pour la défense de tous ceux qui inventent, composent et créent. (Applaudissements à droite)
M. André Gattolin, rapporteur de la commission de la culture. - Les droits d'auteur et les oeuvres de l'esprit sont protégés depuis Beaumarchais. La loi Lang a instauré une rémunération de la copie privée via un prélèvement sur la vente de certains supports d'enregistrement. La codification est intervenue en 1992. Les auteurs d'oeuvres protégées peuvent ainsi autoriser la reproduction de celles-ci pour un usage privé, dite exception pour copie privée ; en contrepartie, ils reçoivent une rémunération forfaitaire. Walter Benjamin, lorsqu'il écrivit son essai sur la reproductibilité en 1935, vivait dans un autre monde que le nôtre... Avec le développement du numérique et des nouvelles technologies, un défi nous est lancé, auquel notre cadre juridique doit répondre.
Notre pays est régulièrement rappelé à l'ordre par les autorités européennes ; la directive de 2001 s'impose à nous.
L'objet de ce texte est circonscrit. La RCP s'applique d'une façon parfois contestable ; plusieurs décisions de la Commission pour copie privée ont ainsi été annulées. Le Gouvernement a déclaré l'urgence pour éviter une interruption du dispositif le 22 décembre. Cette date résulte de l'arrêt rendu en juin 2011 par le Conseil d'État, lequel avait tiré les conséquences de l'arrêt Padawan, le 21 octobre 2010, de la CJUE.
Le texte vise à mieux encadrer les modalités de détermination de la rémunération pour copie privée et stabiliser provisoirement un régime mis en péril par la jurisprudence et l'évolution technique.
Je regrette le calendrier plus que contraint dans lequel nous avons été enfermé. Pourquoi avoir attendu le 26 octobre pour déposer le projet de loi à l'Assemblée nationale ? Nous avons disposé de seulement deux semaines pour préparer un texte qui aurait pu être amélioré, car les dispositions introduites par l'Assemblée nationale à l'article premier sortent du cadre initial. La commission a rejeté un amendement de suppression pour revenir au texte initial du Gouvernement, qui était bon : sa majorité a souhaité un vote conforme.
Une autre modification aurait été souhaitable, à l'article 3 : car s'il est bon d'informer les acquéreurs de supports, il aurait fallu un texte plus simple et plus clair. J'ai accepté de retirer mon amendement, car le ministre m'a donné des assurances sur la rédaction du décret ; je souhaite qu'il les réitère aujourd'hui.
Un marché « gris » pourrait se développer si les produits neufs vendus en France étaient renchéris par les nouvelles obligations. L'incidence de la RCP est plus forte en France qu'à l'étranger ; les consommateurs passent de plus en plus par des distributeurs établis hors de nos frontières. Pour une clé USB de 16 giga octets, la RCP représente 2 euros, soit 9 % à 13 % du prix de vente.
L'acceptabilité du dispositif par le public exige une gestion vertueuse et transparente des 189 millions d'euros, un montant accru de 50 % depuis 2002. Or les rapports de la commission de contrôle des sociétés de perception ont mis en évidence des pratiques plutôt opaques.
Quelles sont les perspectives d'avenir ? L'objet du projet de loi est circonscrit à un problème juridique précis. Mais la Commission européenne travaille à un nouveau cadre : M. Barnier a nommé M. Vitorino médiateur européen sur cette question. Il doit définir une convergence et tirer les conséquences, sur la directive de 2001, des décisions de la CJUE. Ces travaux devraient aboutir en 2013 : il est temps de nous saisir du sujet et de trouver un système plus fiable pour financer la création.
La nécessité d'adapter le régime aux nombreuses évolutions techniques est un vrai défi : hébergement sur des serveurs lointains et télévision connectée imposent d'aller au-delà d'un replâtrage. A fortiori, une rustine est insuffisante. Il y a urgence, certes, mais des améliorations, retardant de trois jours l'adoption définitive du texte, n'auraient pas endommagé le système. La commission a néanmoins souhaité un vote conforme. Pourvu que cette rustine ne colle pas au code de la propriété intellectuelle comme le sparadrap aux doigts du capitaine Haddock dans L'affaire Tournesol ! (Applaudissements)
Mme Marie-Annick Duchêne. - Le recours aux supports numériques a bouleversé un équilibre déjà fragile entre titulaires de droits et consommateurs. La loi de 1985 a été conçue à l'époque des supports analogiques ; et les montants aujourd'hui en jeu sont importants. Il devient de plus en plus difficile de concilier les intérêts des ayants droit, des industriels et des consommateurs.
La rémunération versée aux ayants droit est menacée à partir du 22 décembre, dans l'attente d'enquêtes complémentaires, conformément à l'arrêt du Conseil d'État. Le financement de la création l'est partiellement aussi. Le présent texte est donc bienvenu, qui comporte en outre des dispositions intéressantes, notamment l'information du consommateur. Il ne doit pas nous empêcher d'avoir une réflexion plus globale, de sorte que nous ne nous laissions pas distancer par le progrès technologique. Le ministre a qualifié le présent texte de rustine : nous lui faisons confiance pour présenter prochainement un projet de plus grande ambition. Nous voterons bien sûr ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Rustine ou patch, solution d'attente ? Toujours est-il que nous avons entendu l'appel du Gouvernement pour adopter ce texte, car nous avons toujours soutenu la création : Hadopi, télévision du futur, livre numérique...
La rémunération pour copie privée est fondée sur des barèmes fixés par une commission ad hoc -barèmes annulés par le Conseil d'État le 17 juin dernier à la suite de l'arrêt Padawan de la CJUE. Dans l'attente de nouveaux barèmes, le Gouvernement nous soumet ce texte, mais les parlementaires n'aiment guère être ainsi pris de court. Il aurait été utile de compléter et d'affiner ce texte, dont certaines dispositions connexes inquiètent les professionnels -je pense notamment à l'information des consommateurs ; mais sur ce point une simple notice suffira.
Nous n'avons pas déposé d'amendements car nous attendons un réel débat destiné à moderniser un système frappé aujourd'hui d'obsolescence. Le fonctionnement de la Commission de la copie privée pose tant de problèmes que certains, parmi ses membres, pratiquent la politique de la chaise vide et que les décisions de la Commission sont régulièrement contestées en justice.
Demain, les évolutions techniques pourraient faire voler en éclat ce régime conçu pour les radiocassettes et les magnétoscopes. Bientôt, nous stockerons de façon ordinaire nos films, livres et musiques « dans les nuages », sur des serveurs lointains. Le Conseil supérieur de la propriété littéraire a créé un groupe de travail sur ces mutations. Mais le système ne sera remis à plat qu'à l'échelle de l'Union ; un cadre européen est à l'étude. Il est indispensable de tendre vers une harmonisation des tarifs.
La RCP est une source non pas principale mais exceptionnelle pour les ayants droit. Mais c'est tout le droit d'auteur qui est menacé. Je ne suis pas favorable à la licence globale mais c'est au plan européen qu'il faut traiter le sujet. Il n'est pas normal que les géants qui vivent des contenus échappent à toute participation. Le sujet doit continuer à nous mobiliser. (Applaudissements sur les bancs UCR)
Mme Cécile Cukierman. - La RCP est une exception au droit d'auteur puisqu'elle entend compenser la copie privée d'oeuvres. Aujourd'hui, les supports d'enregistrement sont soumis à redevance. L'exception française a été validée par la directive européenne de 2001. Le projet de loi ne transforme pas fondamentalement le régime mais l'aménage pour prendre en compte l'arrêt Padawan rendu par la CJUE en 2010. Le Conseil d'État a annulé la décision n°11 de la Commission qui fixe les barèmes. Sa décision est sans effet rétroactif mais les actions en cours pourraient coûter 60 millions d'euros ! Il y a donc urgence, même si celle-ci aurait dû être mieux anticipée par le Gouvernement. Avec ce texte, les barèmes de la décision n°11 sont prorogés jusqu'à détermination du prochain barème. La prise en compte des usages professionnels fera l'objet de conventions.
Nous ne sommes pas opposés à ce projet de loi, qui maintient la rémunération des ayants droit. Un vide juridique la mettrait à bas. Le tribunal de Nanterre a condamné Copie France à rembourser 1 million d'euros à RueduCommerce ; d'autres décisions sont à craindre. Nous voterons ce texte.
La dématérialisation nous impose une réflexion de fond ; le Gouvernement maintient un système sans avenir, que le cloud computing rend obsolète en supprimant tout support physique privé.
Sans ce texte, la RCP serait affaiblie mais le Gouvernement a-t-il saisi l'ampleur du problème ? Avec plus de temps, les parlementaires auraient pu apporter de meilleures réponses ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Françoise Laborde. - Le versement de la RCP est indispensable, il y a donc urgence pour notre Haute assemblée à soutenir ce texte : la création en dépend.
Si la loi n'était pas adoptée, les contentieux se multiplieraient et toutes les décisions adoptées par la commission des barèmes seraient mises en cause. Le Conseil d'État a voulu éviter les conséquences excessives de sa décision, comme en témoigne le délai de six mois laissé pour un ajustement. Ce projet de loi arrive hélas un peu tard.
Il améliore la conformité de notre droit à la jurisprudence européenne. Les supports à usage professionnel ne seront plus soumis au régime de la copie privée ; était-il normal qu'ils le fussent depuis 1985 ?
L'exclusion des sources illicites est conforme à l'arrêt du Conseil d'État du 11 juillet 2008. L'amendement proposé par notre rapporteur, et finalement non retenu, supprimait la distinction, au motif que le consommateur ne peut être en mesure de savoir si la source est licite ou illicite.
Ce texte comporte quelques dispositions renforçant la transparence, notamment en direction des consommateurs. Mais il ne constitue au total qu'un pansement ; il faut revoir le dispositif dans sa totalité.
Celle-ci a commencé avec le groupe de travail créé par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.
Les critiques de la commission permanente sont justifiées. Le système est en outre contesté car comment identifier les utilisateurs privés ? Et comment connaître l'usage qu'ils font de la copie achetée ? Que devient l'assiette quand les données sont stockées sur un « nuage informatique », un serveur situé à l'étranger ? Les fabricants et importateurs français subissent une perception plus élevée que celle de leurs voisins.
En attendant, il fallait un régime transitoire, que les membres du RDSE voteront. Le Gouvernement s'est engagé à une réforme globale, nous lui faisons confiance.
M. David Assouline. - Le texte d'aujourd'hui obéit à l'obligation de prendre en compte la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, car il est juste de pérenniser la rémunération de la création. Les législateurs que nous sommes n'apprécient guère d'être sans cesse dans l'improvisation face à l'évolution technologique, et nous voici à examiner dans l'urgence un texte dont le vote conforme est rendu quasiment obligatoire par la décision du Conseil d'État de mettre un couperet le 22 décembre. Internet n'est pas un phénomène nouveau ; nous en discutons régulièrement ici. Chaque acteur rencontré apprécie le système actuel et la nécessité de préserver la rémunération juste des auteurs ; nul ne veut assécher le financement de la création. Le droit d'auteur doit prendre en compte les mutations des supports.
En 1957, la loi sur la propriété littéraire et artistique a créé une exception de copie privée -laquelle ne doit pas être confondue avec un droit pour l'utilisateur, ce que la Cour de cassation a rappelé le 27 novembre 2005. L'utilisateur peut reproduire partiellement ou totalement une oeuvre dès lors qu'il en fait un usage privé. La loi de 1957 s'adressait à un public restreint, que la diffusion des techniques d'enregistrement et de copie a considérablement élargi.
On doit aux socialistes la loi Lang de 1985, fondée sur le principe que toute utilisation d'une oeuvre mérite rémunération. Les supports vierges -comme les cassettes insérables dans un caméscope- ne sont pas concernés. La directive du 22 mai 2001 harmonisant le droit d'auteur avec la société de l'information montre que l'Europe a suivi une démarche prospective. Nous aurions pu prévoir la jurisprudence de la Cour de Luxembourg ! Cette directive a confirmé que le droit à copie privée n'était qu'une exception au droit d'auteur. Celui-ci constitue donc la règle tant européenne que nationale.
La Cour de Luxembourg a estimé que la redevance n'était légitime que sur des supports clairement destinés à la seule fin de copie privée, ce que ne sont pas les disques durs externes dont les usages sont hybrides, ni les clés USB. Le Conseil d'État en a tiré les conséquences dans son arrêt Canal+ : impossible de prélever la redevance pour des achats par des professionnels de matériel susceptible d'être utilisé à fin de copie privée. Cela impose de revoir le régime de la RCP.
Le projet de loi apporte une réponse tardive à l'arrêt du Conseil d'État. Je déplore que ne soit pas proposée la mutation dont le droit de propriété a besoin, car la jurisprudence a mis en évidence les failles de notre système.
Le rapporteur a montré que l'assiette de Copie France allait se réduire, et donc ses recettes. On ne saurait s'en satisfaire. Le texte n'est qu'une rustine, certes nécessaire, alors qu'il aurait fallu mettre le système à plat. J'appelle à un juste équilibre, face au nouveau défi que représente le « nuage informatique ».
Seules les copies licites font l'objet de la RCP. La télévision connectée sera-t-elle considérée comme une source licite ?
Les ajouts de l'Assemblée nationale font ressortir les lacunes du texte. L'article premier consacre le régime des sources licites. Présenté abusivement comme « anodin », l'amendement Tardy tend à mettre fin à une dérive considérant la RCP comme un droit à pirater. Résultat : le consommateur pourrait devoir prouver que la source est licite ou que l'accès est autorisé par le détendeur des droits ! On ne saurait accepter un tel renversement de la preuve. La licéité doit être présumée. Je souhaite que le ministre ferme les diverses interprétations possibles afin d'éviter des sanctions abusives du consommateur.
Ainsi nous pourrons voter un texte sans ambiguïté. Il vaut mieux, en effet, voter le projet de loi conforme pour ne pas altérer les ressources de Copie France. Nous attendons des réponses précises du Gouvernement, en attendant la remise à plat du système. Il ne faudrait pas que le Conseil constitutionnel mette à mal ce vote : légiférer trop vite fait parfois perdre du temps. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Gattolin, Mmes Blandin, Aïchi, Archimbaud, Benbassa et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Labbé et Placé.
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
M. Ronan Dantec. - L'amendement adopté par l'Assemblée nationale crée une dangereuse insécurité pour le consommateur.
M. André Gattolin, rapporteur. - Ayant proposé le même amendement en commission, je reste persuadé de son utilité. La commission souhaite entendre les précisions du ministre quant à l'interprétation des amendements Tardy. En tant que rapporteur, je m'en remets à la sagesse.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - L'article premier tire les conséquences de l'arrêt rendu par le Conseil d'État écartant les copies illicites. L'amendement adopté à l'Assemblée nationale ne doit pas susciter de malentendu : il assure une simple coordination laissant inchangé le périmètre de l'exception pour copie privée, et donc l'assiette initiale de la RCP.
Les copies illicites ne sont pas comprises dans l'assiette de la rémunération, il est donc clair qu'elles ne sont pas couvertes par l'exception pour copie privée. Nous ne créons pas un nouveau délit de contrefaçon. L'interrogation du rapporteur montre qu'une bonne information doit être délivrée aux consommateurs. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
M. David Assouline. - L'explication très précise du ministre me semble rassurante en ce moment de transition. Je regrette l'amendement Tardy mais l'enjeu du vote conforme et les précisions entendues me font souhaiter le retrait de l'amendement.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous comprenons la préoccupation du rapporteur, qui ne veut pas faire reposer sur le consommateur la responsabilité de vérifier le caractère licite ou non de la source. Pourtant, les alinéas en cause sont justifiés puisqu'ils précisent simplement la nécessité de respecter la loi.
Un vrai débat s'est déroulé au sein de la commission. Pour nous, mentionner dans le code les sources illicites ne fait pas peser la charge de la preuve sur le consommateur. Si l'amendement était maintenu, notre groupe s'abstiendrait.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Les membres du RDSE ne voteront pas l'amendement, car la précision apportée par M. Tardy est sans ambiguïté.
M. Ronan Dantec. - Je remercie le ministre pour sa réponse, mais faire oeuvre de pédagogie ne suffit pas.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. - Le rapporteur et moi-même voterons l'amendement à titre individuel.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté, de même que les articles 2, 3, 4 et 4 bis.
Article 5
M. Philippe Dominati. - Le Conseil d'État a censuré des décisions et imposé aux pouvoirs publics de prendre une nouvelle règle dans les six mois. Si le législateur vote ce projet de loi, il aura réduit le champ de la décision du Conseil d'État, à la demande de celui-ci ! Si le Conseil constitutionnel ne censure pas cet article, ce sera une bonne chose pour le Parlement -quoique surprenante. Mais, à mon sens, l'article est inconstitutionnel.
Bon prince comme le ministre, le rapporteur s'efforce d'être accommodant : l'article 5 a pour seule justification une observation faite par le président de la Commission de la copie privée...
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. P. Dominati.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
avant le 18 juin
par les mots :
après le 16 mai
M. Philippe Dominati. - Amendement de repli. J'ai compris que nous légiférions dans l'urgence, en attendant de reprendre le sujet sur le fond.
M. André Gattolin, rapporteur. - La commission est défavorable, puisqu'elle souhaite adopter le texte conforme. Que dit le ministre ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - La contingence et l'urgence ont amplement été invoquées, mais je vous répondrai sur le fond.
Plutôt que d'avoir à formuler un avis défavorable, je préférerais que leur auteur retire ces amendements, qui priveraient la disposition de son effet, alors que sa constitutionnalité a été confirmée par le Conseil d'État, lors de son examen du projet de loi. Cette validation ciblée respecte la chose jugée, puisqu'elle porte sur des rémunérations non couvertes par la décision du Conseil d'État.
En outre, elle répond à un impérieux motif d'intérêt général en empêchant les redevables qui ont formé recours avant le 10 juin 2011 de profiter d'un double effet d'aubaine : les sommes en cause étaient dues lorsqu'elles correspondaient à des passages de copie privée ; et elles ont déjà été répercutées sur les consommateurs. Les remboursements pourraient atteindre 58 millions sur les 464 perçus.
M. Philippe Dominati. - Je souhaite que cet article fasse jurisprudence puisqu?il accroît les pouvoirs du Parlement face au Conseil d'État ! Dans une décision de 2005, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur ne saurait priver de son effet la jurisprudence du Conseil d'État. Il exige en outre un intérêt général « suffisant ». En outre, l'effet d'aubaine a fonctionné dans l'autre sens, voyez les montants de RCP et leur augmentation. Le Conseil d'État connaissait les conséquences financières de sa décision !
Les amendements nos1 et 2 sont retirés.
L'article 5 est adopté.
L'article 6 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Yann Gaillard. - Il est rare de légiférer en ayant autant de doutes sur la légitimité de nos décisions. Nous assistons à un conflit entre le secteur de la production intellectuelle et celui de la production mécanique. Comme je suis plutôt pour la création intellectuelle que pour les machines, je voterai ce texte qui colmate les brèches.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - La décision consensuelle d'aujourd'hui, après le travail remarquable du rapporteur et de la commission, donne un bon exemple de convergence républicaine. Au demeurant, nous devons réfléchir à une remise à plat de la copie privée puisque, plus de vingt-cinq ans après la loi Lang, tout a changé. En défendant les créateurs face à l'échéance inquiétante du 22 décembre, nous faisons preuve de responsabilité.
Le projet de loi est adopté.
La séance, suspendue à 16 h 45, reprend à 16 h 50.
CMP (Nominations)
M. le président. - Le Gouvernement a décidé de provoquer la réunion d'une CMP afin de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine. Il va être procédé à la nomination de ses membres. La liste des candidats a été affichée. Je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire : titulaires, Mme Annie David, MM. Jean-Pierre Godefroy, Ronan Kerdraon, Jacky Le Menn, Mme Catherine Deroche, MM. Jean-Louis Lorrain ; suppléants : MM. Gilbert Barbier, Luc Carvounas, Mmes Caroline Cayeux, Colette Giudicelli, M. Marc Laménie, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger.
Limite d'âge des magistrats judiciaires (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la limite d'âge des magistrats judiciaires.
Discussion générale
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. - Le garde des sceaux est en déplacement en province : je vous prie de l'excuser.
Conformément au plan d'équilibre des finances publiques du 7 novembre 2011, ce projet de loi organique accélère le relèvement de la limite d'âge des magistrats judiciaires prévu dans la loi organique du 10 novembre 2010. Son texte initial ne comportait qu'un article, alignant le calendrier de relèvement de la limite d'âge par génération applicable aux magistrats sur celui prévu pour l'ensemble des fonctionnaires civils et militaires. Votre commission des lois a supprimé cet article, que le Gouvernement vous proposera de rétablir.
L'Assemblée nationale lui a ajouté des dispositions provenant du projet de loi organique relatif au statut des magistrats judiciaires. Votre commission a supprimé celle relative aux magistrats placés auprès de la cour d'appel. Je vous demanderai de le rétablir.
La deuxième disposition ajoutée assouplit la règle de priorité d'affectation à la Cour de Cassation, dont les conseillers et avocats généraux bénéficient, afin de réduire les blocages. Je vous proposerai un amendement à ce sujet.
La troisième disposition modifie le fonctionnement du comité médical propre aux magistrats. La quatrième ajoute une obligation de mobilité pour l'accès aux formations hors hiérarchie.
Je souhaite revenir sur les conditions d'octroi de la Légion d'honneur aux magistrats. Avec l'article rétabli par votre commission, aucun d'entre eux ne pourrait plus être décoré ! Voulez-vous faire preuve de défiance à leur endroit ? Le statut des magistrats assure leur indépendance ; ils ne peuvent solliciter une décoration. En outre, les règles de départ apportent toute garantie. Le Gouvernement souhaite supprimer l'article 3.
Les dispositions ajoutées par l'Assemblée nationale améliorent la gestion de la carrière des magistrats et augmentent son attractivité. Le Gouvernement souhaite l'adoption du projet de loi. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois. - Le Sénat est saisi d'un projet de loi organique qui fait suite aux annonces du 7 novembre dernier : il accélère le calendrier de relèvement de l'âge limite applicable aux magistrats judiciaires. L'objet initial concernait la seule réforme de l'âge limite, mais le Gouvernement a déposé tardivement des amendements relatifs au statut des magistrats, extraits du projet de loi organique sur le statut des magistrats déposé à l'Assemblée nationale, mais non inscrit à son ordre du jour.
En vertu de la garantie générationnelle, la réforme des retraites devait monter en charge par paliers, en avançant d'un mois par an la limite d'âge pour les générations nées après 1951.
Un amendement de M. Dosière a rétabli dans le texte l'interdiction de décorer les magistrats dans l'ordre de la Légion d'honneur.
Les dispositions ajoutées par amendements du Gouvernement concernent notamment les congés de longue durée ou la mobilité statutaire. La commission des lois a considéré que ces dernières dispositions posaient moins de problèmes que l'article premier.
Peut-on accepter une accélération du calendrier de la réforme des retraites, si l'on rejette celle-ci ?
La commission a supprimé l'article premier. Elle s'étonne que le Gouvernement ajoute, par amendements, des dispositions sans rapport avec l'objet du texte. Elles figurent dans un projet de loi déposé à l'Assemblée nationale, mais toujours pas inscrit à leur ordre du jour...
Aucune concertation n'a eu lieu avec les syndicats de magistrats.
La commission, pragmatique, propose cependant d'adopter l'essentiel de ces dispositions, mais l'article 2 vise à gérer la pénurie par des mesures injustifiées. La commission l'a donc supprimé.
Ne pas décorer des magistrats est cohérent avec l'indépendance de l'autorité judiciaire et la séparation des pouvoirs et ne stigmatise personne. (Applaudissements)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Un an à peine après avoir défini un calendrier réformant les retraites, le Gouvernement a voulu l'accélérer. Il est vrai que le plan de rigueur pénalise toutes les catégories de Français... Mais en l'occurrence, quel est le gain attendu ? L'inefficacité est patente. Une application immédiate permettrait d'économiser 460 000 euros, indique le Gouvernement dans l'étude d'impact, mais le maintien en fonction aura également un coût et bloquera les carrières des nouvelles générations, pourtant moins coûteuses pour les finances publiques.
Et les amendements du Gouvernement introduisent des dispositions sans rapport avec le texte mais à examiner en urgence ! Pourquoi ne pas nous soumettre le projet de loi organique en attente ?
Le Gouvernement prétend qu'une concertation a eu lieu, mais aucun réel débat ne peut porter sur ces quatre dispositions.
L'urgence est compréhensible concernant les dispositions médicales, puisque la souffrance au travail s'accroît, mais les mesures relatives aux magistrats placés n'ont aucune justification car la dérive statutaire doit être contenue.
Il y a là une atteinte au statut : vous prolongez un statut précaire, sans aucune garantie de promotion à l'issue de la période. Certains avancements seront même interdits. La question mériterait au moins un débat, d'autant que les organisations professionnelles dénoncent la multiplication de ces postes d'encadrement intermédiaires. La commission supprime à bon droit l'article 2. Les articles 4 et 6 sont des cavaliers et doivent être rejetés, dans l'attente du texte qui en traite. Il n'y a aucune raison d'en discuter ici ! (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Mézard. - Vous avez souvent mesuré notre attachement à l'indépendance, à l'accessibilité de la justice et à l'adéquation de ses moyens à ses missions. Nous voterons donc le texte dans la rédaction de la commission, sans rejoindre totalement les positions du rapporteur.
Nous confirmerons majoritairement notre opposition à l'article premier, comme nous nous étions opposés à la loi organique de 2010.
Le Conseil constitutionnel a certes validé le projet de loi de finances pour 2012 mais « l'équitable, tout en étant juste, n'est pas le juste selon la loi mais un correctif de la justice légale », disait Aristote.
Quelle surprise de découvrir ce projet de loi assorti de quatre amendements moins d'une semaine après son adoption en conseil des ministres. Les amendements proviennent d'un projet de loi organique déposé en juillet à l'Assemblée nationale et toujours en attente. A quoi rime ce saucissonnage sélectif ? D'autres urgences s'annoncent, comme la simplification du droit...
Cette mauvaise façon de légiférer ne résout pas les problèmes criants de la justice et de la magistrature où la logique de la RGPP fait des ravages : en 2011, 160 magistrats entreront en fonction, pour 230 départs à la retraite.
La profession vit un profond malaise, que MM. Détraigne et Sutour ont mis en évidence dès 2009. Le recul de l'âge de la retraite entravera l'accès aux grades supérieurs. Et l'examen furtif de quelques dispositions en dit long sur la volonté du Gouvernement de mener une réforme d'ampleur. Nous ne sommes pas opposés aux dispositions médicales ; mais le prolongement de la durée des fonctions des magistrats placés n'est pas raisonnable : il ne faut pas banaliser l'instabilité des carrières.
La décoration dans l'ordre de la Légion d'honneur est une marque sociale plus qu'une preuve d'utilité ou de compétence. Selon la formule de Jules Renard, le deuil des convictions se porte en rouge à la boutonnière. N'acceptons pas non plus les inégalités de traitement avec les magistrats de l'ordre administratif, les membres des autorités administratives indépendantes, etc.
Bref, les magistrats attendent autre chose que ces quelques dispositions.
M. Roger Karoutchi. - L'article 64 de la Constitution exige une loi organique pour toute modification statutaire des magistrats. Le principe de relèvement de l'âge de départ à la retraite a été inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale. Ce texte en tire les conséquences. Pour les magistrats nés après 1952, le relèvement de la limite d'âge interviendra donc plus tôt, à raison d'un mois supplémentaire par année à partir de 1952.
L'étude d'impact montre que l'effet sera limité, avec seulement quelques dizaines de départ en retraite. Un magistrat parvenu à la limite d'âge possède plusieurs possibilités de maintien en fonction. Cette mesure aura pour principale conséquence de réduire les dépenses des pensions des agents de l'État. Je salue les efforts du Gouvernement pour limiter l'endettement public. De 2012 à 2016, la mesure économisera 470 000 euros, c'est une bonne nouvelle.
Mais les propositions de la commission ne sont pas bienvenues.
En 1958, la limite d'âge était de 70 ans pour la majorité des magistrats ; elle fut abaissée en 1976 à 65 ans, avec quelques exceptions, avant que celles-ci ne soient limitées en 1984 au Premier président de la Cour de Cassation et au Procureur général à cette même cour.
Le groupe UMP propose de rétablir l'article premier.
L'article 3 sur les décorations publiques présente un fort risque d'inconstitutionnalité. M. Dosière, à l'Assemblée nationale, a pris l'exemple des parlementaires : mais ceux-ci n'exercent pas leurs fonctions à vie.
Mme Nathalie Goulet. - Hélas ! (Rires)
M. Roger Karoutchi. - Pourquoi se limiter du reste aux magistrats de l'ordre judiciaire ?
La loi de 1980 sur les magistrats placés est modifiée à l'article 2 : les intéressés occupent des emplois vacants.
En 2011, les magistrats placés représentaient 4 % des emplois. Le groupe UMP soutiendra le rétablissement de l'article. (Applaudissements à droite)
M. Patrick Ollier, ministre. - Merci !
M. Jean-Pierre Michel. - Nous avons voté contre le relèvement de l'âge de la retraite dans le PLFSS pour 2012 ; nous voterons contre l'article premier.
Les magistrats placés, souvent des auditeurs sortis de l'École nationale de la magistrature, sont à disposition des chefs de cour pour remplir un certain nombre de fonctions. Le Conseil d'État a encadré le régime, mais le texte du Gouvernement revient sur ce régime et finalement, des magistrats pourraient effectuer presque toute leur carrière en étant placés ! Nous sommes totalement hostiles à l'assouplissement de ce régime.
Quant aux décorations, sur une loi de Mme Lebranchu, nous avions déposé avec François Colcombet, ancien magistrat comme moi, un amendement similaire, voté à l'Assemblée nationale mais rejeté au Sénat. Les magistrats sont-ils des agents publics ? Certes, mais différents de tous les autres comme les magistrats administratifs, car indépendants par statut et sans lien avec le pouvoir exécutif depuis la réforme de 2008. Les magistrats du siège ne devraient pas pouvoir être décorés : certains magistrats, parvenus au faîte des fonctions, ont décliné toute décoration et ont terminé leur carrière la robe vierge. D'autres ont reçu cette récompense...
Il n'en va pas de même à mon sens pour les magistrats du parquet ; soumis à l'autorité hiérarchique du garde des sceaux, ils rendent du reste bien des services dans de grands tribunaux. Je n'insiste pas sur le cas récent de tel grand procureur dont les réquisitoires avaient sans doute été inspirés par la Chancellerie... Pas de décorations tant que les promotions ne seront pas soumises à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), en particulier : les liens avec l'exécutif doivent être coupés !
M. Patrick Ollier, ministre. - Ce projet de loi est une loi d'équité entre tous les agents publics, ceux couverts par la loi ordinaire et ceux pour lesquels nous devons passer par une loi organique.
Les organisations syndicales ont été consultées, contrairement à ce que le rapporteur affirme ; elles ont été informées du dépôt de ces amendements, qui n'ont pas été élaborées en catimini. Madame Borvo Cohen-Seat, la concertation a duré un an ! La commission permanente d'étude s'est réunie pour la dernière fois le 27 juillet 2011.
Les magistrats placés sont volontaires, je le rappelle. Certains souhaitent exercer ces fonctions. Le président Mézard a fait mine d'être surpris par les amendements du Gouvernement : il sait qu'il s'agit de quelques dispositions urgentes extraites du projet de loi organique déposé à l'Assemblée nationale. Comment faire autrement, vu l'embouteillage du calendrier parlementaire ? Il n'y a aucun saucissonnage, seulement une réponse au voeu des magistrats.
M. Mézard est presque favorable aux propositions du Gouvernement, sauf sur les magistrats placés, je l'ai senti. Merci à M. Karoutchi, qui soutient le Gouvernement. Il a compris notre logique. M. Michel est cohérent avec lui-même ; le Gouvernement aussi. Nous voulons améliorer la gestion du corps et des carrières. Il y avait urgence sur le comité médical national, l'Assemblée nationale a souscrit à nos propositions.
Les magistrats placés sont souvent excellents ; ils occupent ainsi des fonctions très diverses et effectuent de belles carrières.
Je n'apprécie pas la suspicion qui transpire des propos de M. Michel, choquants pour les magistrats. Lorsque j'étais à la Chancellerie, j'y ai côtoyé des magistrats très compétents, qui m'ont renforcé dans le respect que j'avais d'eux : à tout moment, ils défendaient leur indépendance. Si les parlementaires ne reçoivent pas de décorations, c'est qu'ils les demandent pour autrui !
Je suis très étonné par le distinguo proposé en matière de décorations publiques entre les magistrats du siège et ceux du parquet, un magistrat pouvant exercer les deux fonctions au cours de sa carrière ! Selon les fonctions -temporairement- exercées au cours de la carrière, devrait-il rendre, puis récupérer sa décoration ? (Rires et applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article 2 de la loi organique n°2010-1341 du 10 novembre 2010 relative à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire est ainsi rédigé :
« Art. 2. - Par dérogation à l'article 76 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, la limite d'âge des magistrats nés avant le 1er janvier 1955 est fixée :
« 1° Pour les magistrats nés avant le 1er juillet 1951, à soixante-cinq ans ;
« 2° Pour les magistrats nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951, à soixante-cinq ans et quatre mois ;
« 3° Pour les magistrats nés en 1952, à soixante-cinq ans et neuf mois ;
« 4° Pour les magistrats nés en 1953, à soixante-six ans et deux mois ;
« 5° Pour les magistrats nés en 1954, à soixante-six ans et sept mois. »
M. Patrick Ollier, ministre. - Cet amendement vise à rétablir l'article premier et l'excellent dispositif du Gouvernement.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - La commission dénonce l'absence de mesures prises après les réserves qu'elle avait exprimées en 2010 pour la retraite des magistrats et les polypensionnés. Si l'équité commande de traiter les magistrats comme les autres fonctionnaires, elle impose encore plus d'adopter une réforme des retraites plus juste. Défavorable.
M. Roger Karoutchi. - La réforme allait dans le bon sens : du reste, sera-t-elle vraiment remise en cause après les élections présidentielles ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Nous voyons quel est votre pronostic !
M. Roger Karoutchi. - Nous voterons cet amendement de raison, de justice et d'équité.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'article premier demeure supprimé.
Article 2
M. le président. - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article 3-1 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du neuvième alinéa est complétée par les mots : « , premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance » ;
2° Les deux premières phrases de l'avant-dernier alinéa sont ainsi rédigées :
« Ces magistrats ne peuvent en aucun cas exercer les fonctions prévues au présent article pendant une durée supérieure à six ans consécutifs et à douze ans sur l'ensemble de leur carrière. À l'issue de chacune de ces périodes, ils sont nommés respectivement en qualité de magistrat du siège ou du parquet du niveau hiérarchique auquel ils appartiennent dans celle des deux juridictions mentionnées au neuvième alinéa où, au plus tard quatre mois avant la fin, selon le cas, de leur sixième ou douzième année de fonctions, ils ont demandé à être affectés. »
M. Patrick Ollier, ministre. - Retour au texte de l'Assemblée nationale sur les magistrats placés.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - L'amendement rétablit la totalité de l'article 2 dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Il ne faut pas encourager ces emplois précaires. Défavorable.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Article 3
M. le président. - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Bas, Béchu, Buffet, Cointat, Courtois, Frassa, Garrec, Gélard, Hyest, Lecerf, Lefèvre, Pillet, Portelli, Reichardt, Saugey et Vial, Mlle Joissains et MM. Fleming et Karoutchi.
Supprimer cet article.
M. Roger Karoutchi. - Il convient de supprimer ce cavalier, introduit par ceux qui critiquent le Gouvernement d'en introduire, au profit d'un débat futur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Nous tenons à marquer l'indépendance de l'autorité judiciaire sans exprimer plus de défiance envers les magistrats qu'envers les parlementaires. Défavorable.
M. Patrick Ollier, ministre. - L'interdiction n'a aucun équivalent : cette mesure de défiance ne se justifie pas. L'indépendance des magistrats est garantie.
On ne saurait prétendre le contraire, sauf à être de parti pris.
Les décorations peuvent être attribuées à des magistrats ayant fait preuve de courage ou de sang-froid dans des circonstances extrêmes, telle qu'une prise d'otages ; j'ai un exemple en tête. L'interdiction de les décorer serait choquante.
À tout le moins, un débat devrait porter sur toutes les personnes exerçant une fonction de jugement. Vous auriez au moins pu consulter les organisations professionnelles, pour connaître leur ressenti...
M. François Trucy. - À suivre la logique de la commission sur la fiabilité des personnes décorées, il faudrait étendre la mesure aux militaires ! Ceux-ci forment le gros des troupes décorées, à juste titre, car ils servent fidèlement la République...
M. Jean-Pierre Michel. - La défiance envers les magistrats vient d'abord de ceux qui les traitent de petits pois, les insultent et mettent en cause au moindre incident leurs pratiques professionnelles -notamment le Président de la République qui est le garant de leur indépendance...
Je retire mon amendement, mais il reste que les magistrats ne sont pas des agents publics comme les autres, qu'ils ont un statut qui doit les rendre totalement indépendants du pouvoir exécutif. Mais on sait bien qu'il y a des décorations « automatiques »... La pratique actuelle est déplorable : à un certain stade de la carrière, si l'on n'a pas la rosette, on n'est rien !
Avec une lecture plus approfondie, nous aurions pu retenir une rédaction plus précise, en maintenant par exemple les décorations pour des actes exceptionnels ou de courage.
Deux des trois organisations syndicales de magistrats approuvent l'interdiction ; la troisième souhaite seulement une réflexion plus aboutie.
L'amendement n°2 est retiré.
M. Patrick Ollier, ministre. - Je m'inscris en faux contre la mise en cause inacceptable du président de la République par M. Michel. Nous ne sommes pas ici à un meeting politique !
M. Jacques Mézard. - Il est inutile d'ajouter à la méfiance qui a pu venir de l'exécutif celle de la majorité sénatoriale : on ne peut interdire aux seuls magistrats judiciaires de recevoir une décoration publique.
Une réflexion sur le sujet n'est pas à exclure, mais il n'est pas bon de prétendre que l'attribution d'une décoration porterait atteinte à l'indépendance des magistrats. Et cette affaire de décorations est-elle une préoccupation de nos concitoyens ?
Nous voterons l'amendement de suppression.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous nous abstiendrons sur l'amendement de suppression et sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. - Je peine à concevoir qu'un magistrat puisse être acheté par l'attribution de la Légion d'honneur. Les présentateurs de télévision qu'on décore n'ont pas fait grand-chose pour la Nation...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Chacun voit bien l'intention de M. Michel : marquer de manière symbolique l'indépendance de la magistrature, à laquelle nous sommes tous très attachés.
D'autre part, il serait mal venu d'adresser un mauvais signal aux procureurs, dont 147 viennent d'affirmer leur volonté d'indépendance ; j'ai eu l'honneur, aux côtés du président Bel, de recevoir le président de leur Conférence, qui nous a fait part de leur état d'esprit.
Nous ne mettons pas en doute l'indépendance de quiconque aurait été admis dans l'Ordre national du mérite ou l'Ordre national de la Légion d'honneur. Et nous pouvons convenir qu'une réflexion complémentaire est nécessaire, par exemple sur les autres ordres de juridiction.
Pour ces raisons, nous pourrions nous abstenir sur cet amendement de suppression.
M. Jean-Pierre Michel. - Je me rallie à cet avis, en appelant à une réflexion plus large sur les décorations aux fonctionnaires.
L'amendement n°6 rectifié est adopté.
L'article 3 est supprimé.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Notre débat aura été fécond !
L'article 4 est adopté, de même que les articles 5 et 6.
Intitulé du projet de loi
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. J.P. Michel.
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature
M. Jean-Pierre Michel. - Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Sénat se prononce non sur le texte du Gouvernement mais sur celui de la commission. J'espère qu'en modifiant l'intitulé du texte, nous inciterons le Conseil constitutionnel à revoir sa jurisprudence sur les cavaliers, qui est devenue bien erratique.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - C'est au Gouvernement qu'il revenait, par cohérence, de déposer un tel amendement...
M. Patrick Ollier, ministre. - L'objet du texte n'a pas été altéré par les amendements du Gouvernement : il s'agit bien à titre principal d'harmoniser les dispositions relatives à l'âge de départ à la retraite des magistrats judiciaires avec celles applicables aux autres fonctionnaires.
L'amendement n°1 est adopté.
L'intitulé du projet de loi organique est ainsi rédigé.
L'ensemble du projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 174 |
Contre | 164 |
Le Sénat a adopté.
La séance, suspendue à 18 h 25, reprend à 18 h 30.
Modification du Règlement du Sénat
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion d'une proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer le pluralisme et l'action du Sénat en matière de développement durable, présentée par M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat.
Discussion générale
M. Jean-Pierre Michel, en remplacement de M. Alain Anziani, rapporteur de la commission des lois. - Cette 37e révision de notre Règlement tend d'abord à réduire l'effectif exigé pour constituer un groupe, dans la ligne de la grande réforme engagée par le président Larcher à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. En juin 2009, notre assemblée a conforté les droits des groupes d'opposition ou minoritaires, avec un droit de tirage annuel pour la création d'une commission d'enquête ou d'une mission commune d'information et un jour par mois dans les semaines d'initiative parlementaire.
La proposition examinée aujourd'hui a été annoncée par le président Jean-Pierre Bel dans son premier discours de président le 11 octobre dernier. Il n'y a pas de nombre d'or pour constituer un groupe parlementaire. En Grande-Bretagne ou en Hollande, le critère est l'appartenance commune à un parti. La commission des lois a estimé que le choix du seuil devait être guidé par la reconnaissance au sein du Sénat des courants politiques nationaux. Cette préoccupation n'est pas nouvelle. Le seuil à l'Assemblée nationale est passé progressivement de 32 membres en 1959 à 20 en 1988 puis à 15 en 2009 ; initialement à 11, il est au Sénat à 15 depuis 1971, et interprété de façon trop restrictive aux yeux de certains. L'élection récente de dix sénateurs appartenant à la même formation politique, qui souhaitent constituer un groupe, a inspiré la résolution proposée par M. Bel.
J'en viens à la constitution d'une nouvelle commission : le nombre des commissions permanentes avait été limité à six dans le cadre du parlementarisme rationalisé voulu par le général de Gaulle, mais la réforme de 2008 a autorisé qu'il fût porté à huit.
Il vous est proposé de créer une commission du développement durable et de l'aménagement du territoire par scission de la commission de l'économie. On aurait pu diviser en deux la commission des affaires étrangères et de la défense, à l'instar de ce qu'a fait l'Assemblée nationale, mais nous avons préféré conserver l'unité du thème. On aurait pu concevoir d'autres solutions, mais mieux identifier l'aménagement du territoire et le développement durable correspond à un mouvement national et international -pensez à la conférence de Durban...
Le règlement ne liste pas les attributions des commissions ; le rapport écrit fait quelques suggestions. La commission des lois a donné un avis favorable à un amendement de M. Mézard, pour le RDSE, sur le même sujet.
Cette création d'une nouvelle commission est équilibrée et se fera à coût constant ; elle assure un champ de compétences cohérent à chacune des commissions permanentes, dans le respect de la volonté du président Bel de maîtriser les dépenses de fonctionnement du Sénat -cette année, notre budget diminue de 3 %.
La commission propose d'adopter la proposition de résolution, modifiée par l'amendement de M. Mézard. (Applaudissements à gauche)
Mme Nathalie Goulet. - Et le mien ?
M. François Zocchetto. - (Mme Nathalie Goulet applaudit) Quoi de plus louable que de vouloir accroître l'action du Sénat dans le domaine du développement durable ? De renforcer le pluralisme ? Si tel était l'objectif de la proposition de résolution, le groupe UCR la voterait massivement. Hélas, tel n'est pas le cas.
La réforme proposée par le président Larcher avait repris les conclusions d'un groupe de travail sur les conséquences de la révision constitutionnelle de 2008, dont les rapporteurs étaient M. Bernard Frimat, promu depuis, et M. Hyest. La réforme n'était pas parfaite, mais elle provenait d'une concertation approfondie. Rien de tel aujourd'hui : pas de groupe de travail et une concertation plus formelle qu'autre chose...
Chacun a compris qui serait le bénéficiaire de l'abaissement à dix de l'effectif permettant de constituer un groupe, puisqu'il figure dans l'exposé des motifs.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Cela a le mérite de la clarté !
M. François Zocchetto. - Les négociations ont démarré dès la fin des élections sénatoriales.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - C'est logique.
M. François Zocchetto. - Les Verts ont tout simplement conditionné leur soutien au candidat socialiste à la présidence du Sénat. La majorité a passé un accord politique.
M. Jacques Mézard. - Ce que vous n'avez jamais fait ! (Sourires)
M. François Zocchetto. - J'ai cru comprendre que les membres de la majorité sénatoriale n'étaient pas tous sur la même longueur d'onde... Au demeurant, ce qui nous gêne, c'est l'impossibilité d'une réforme à coût constant. La même objection vaudra pour la création d'une septième commission.
Mais l'essentiel n'est pas là. Jusqu'ici, nous nous sommes efforcés d'intégrer les préoccupations environnementales à l'ensemble des problématiques économiques et d'aménagement du territoire.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Pourquoi y a-t-il alors un ministre de l'écologie ?
M. François Zocchetto. - On nous propose un incroyable retour en arrière.
Nous ne sommes pas dans une opposition de principe mais nous pensons réellement que scinder en deux la commission de l'économie est une mauvaise idée. C'est pourquoi nous proposons de créer plutôt une délégation sénatoriale, ou commission sénatoriale réunissant des membres de toutes les commissions permanentes. Tout le monde ici est favorable au développement durable.
La commission de l'économie travaille-t-elle mal ? Je suis déçu par le soutien apporté par la majorité sénatoriale à une proposition dont l'exemple de l'Assemblée nationale montre qu'elle est inefficace et qu'elle ne répond pas aux attentes.
Notre groupe proposera aussi une réforme du vote par scrutin public, afin que chaque sénateur ne puisse avoir de délégation que d'un seul collègue.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. François Zocchetto. - L'opinion des sénateurs de tout bord sur ce sujet est édifiante. Quand elle était dans l'opposition, la gauche n'a cessé de le critiquer, ce qui n'a pas empêché la nouvelle majorité sénatoriale d'en faire un grand usage depuis trois mois pour masquer son absence en nombre en séance.
M. Jacques Mézard. - Vous ne l'avez jamais pratiqué ?
M. François Zocchetto. - Heureusement que le scrutin public était là pour adopter la taxe Tobin ou supprimer le conseiller territorial...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Il y a 10 000 exemples depuis 1958 !
M. François Zocchetto. - Mme Goulet proposera une modification à l'article 15 du Règlement, qui impose la présence aux réunions de commissions, pour exclure les cas où il y a concomitance avec la séance publique.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Dommage que les membres de votre groupe aient tous été absents lorsque la commission des lois s'est tenue cet après-midi à 16 heures !
M. François Zocchetto. - Nous étions en séance publique !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Vous êtes très intéressé par le livre virtuel !
M. François Zocchetto. - Si nos amendements n'étaient pas adoptés, nous ne pourrions voter la résolution. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le règlement des assemblées est un élément important de caractérisation du fonctionnement de nos institutions. On a pu ainsi interpréter différemment les conséquences de la révision constitutionnelle de 2008 ; le temps de parole peut être limité plus sévèrement à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Un règlement peut freiner les évolutions, non les contrecarrer. Ainsi, l'abaissement du Parlement depuis 1958 est patent ; à quoi s'ajoutent l'hyperprésidence de Nicolas Sarkozy, l'inflation législative ou la multiplication des déclarations d'urgence. N'est-il pas scandaleux que la représentation nationale ne soit pas consultée sur le tortueux traité européen tendant en fait à renforcer la dictature des marchés et la soumission aux agences de notation, pourtant rejetées par la grande majorité de nos concitoyens ? Aucun règlement ne peut combattre l'affaiblissement du Parlement si nous ne nous dotons pas d'une Constitution qui restaure la souveraineté du peuple.
Depuis 1958, nous refusons de façon catégorique les institutions de la Ve République, a fortiori depuis la révision de 1962. Les dégâts de la personnalisation, de la médiatisation, voire de la « pipolisation » de la vie politique ne sont plus à démontrer.
Je plaide, avec mon groupe et ma formation politique, pour une VIe République qui restaure le pouvoir citoyen et place le Parlement au centre de nos institutions : suppression du pouvoir de dissolution, restauration du pouvoir budgétaire avec la disparition de l'article 40, droit d'initiative législative au peuple, la généralisation de la proportionnelle, suppression du cumul des mandats exécutifs. Nous voulons passer d'une République oligarchique à une République citoyenne.
Le Sénat ne peut être à l'abri de changements importants ; même s'il a retrouvé une utilité politique et sociale, il doit être profondément réformé. Pendant longtemps, son mode de scrutin a empêché toute alternance ; il faudra discuter de sa modification. La nouvelle majorité du Sénat doit lancer ce débat.
Même si les effets de la dernière révision ont été atténués au Sénat, le parlementarisme rationalisé gagne du terrain ici aussi, avec la Lolf ou le nouveau plancher de trente sénateurs pour bénéficier d'un certain nombre de droits, au détriment de notre assemblée. Les données nouvelles de 2008 ont surtout touché notre pouvoir de contrôle. L'initiative législative reste dans les mains de l'exécutif. Je constate certes une différence sensible depuis le changement de majorité dans notre assemblée. Les nouveaux pouvoirs d'initiative, qui ne revêtaient que peu d'intérêt quand les deux assemblées avaient la même majorité, en ont pris bien davantage dans la configuration actuelle.
Cela ne renforce pas pour autant nos prérogatives parlementaires, à cause certes de la prééminence de l'Assemblée nationale -qui ne saurait être remise en cause : les députés sont élus au suffrage universel direct- et surtout du fait des mécanismes qui organisent la soumission du Parlement à l'exécutif. Nous ne voulons plus d'un parlement qui bavarde ; nous voulons un parlement qui propose, décide et anime le débat citoyen.
Cette proposition de résolution doit rester limitée. L'article premier améliore la représentation pluraliste de notre assemblée et permettra aux écologistes de constituer un groupe. Encore faut-il respecter les autres membres de la majorité, ce qui n'est pas le cas lorsque des candidats Verts sont investis dans des circonscriptions où le député sortant est membre du Front de gauche.
L'article 2 organise la création d'une septième commission. Cela ne fera qu'accentuer les difficultés des petits groupes qui ne peuvent avoir qu'un ou deux commissaires dans chaque commission. Toutefois, il nous paraît effectivement judicieux de placer le développement durable au coeur des préoccupations du Sénat. Notre groupe votera donc ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard César. - Quelle surprise !
M. Jacques Mézard. - Je partage bien des observations de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
S'il est une phrase à retenir dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution, c'est bien la citation du président Monnerville qualifiant notre assemblée « d'institution fondamentale d'une République démocratique ». Et nous savons tous quel combat cet illustre membre de notre groupe dut mener pour sauver le Sénat de la République. Je n'oublie pas non plus les critiques du Sénat venues d'importants responsables de la gauche dont certains eurent ensuite le plaisir de siéger sur nos bancs.
Notre groupe a constamment affirmé la nécessité d'un Parlement à deux chambres, le mode d'élection de la Chambre haute assurant un processus législatif raisonné, à l'écart des comportements électoralistes d'une Assemblée nationale soumise au pouvoir exécutif présidentiel. Si la stabilité gouvernementale est à mettre au crédit de la Ve République, elle s'est faite au détriment du Parlement.
Le pouvoir exécutif continue à se renforcer malgré la révision de 2008. Multiplier la production législative à l'excès avec des textes redondants, médiatiques et jamais appliqués, voilà un moyen efficace de marginaliser le Parlement. Le pouvoir exécutif y a excellé et la révision constitutionnelle de 2008 a en fait aggravé la situation.
Il nous est proposé de modifier notre Règlement sur deux points. Un parlement fort, ayant la capacité de contrôler l'exécutif, a besoin de moyens. Assez de discours populistes sur le sujet, mais je parle de moyens de travail, de matière grise, de technicité, pas de moyens pour financer des réserves parlementaires, des parlementaires absents ou certains voyages improductifs.
Je préside le groupe politique le plus ancien du Sénat, créé le 28 octobre 1891 à l'initiative d'Émile Combes et d'Arthur Ranc, trente ans avant l'officialisation des groupes sénatoriaux. Désormais officialisé par l'article 51-1 de la Constitution, le rôle des groupes est essentiel pour l'expression parlementaire des différentes sensibilités politiques. Il convient de le respecter, monsieur Sido. Cette expression demande aussi des moyens réglementaires, administratifs et financiers, d'autant plus s'ils regroupent un faible nombre de parlementaires.
À l'Assemblée nationale, il fallait trente députés pour créer un groupe en 1959 ; il en suffit de quinze aujourd'hui. L'existence d'un seuil à un certain niveau suscite parfois des fiançailles originales, comme entre radicaux, citoyens et verts. Quinze députés sur 577, dix pour 348 sénateurs : la comparaison montre que le chiffre proposé n'a rien de choquant. Nos assemblées ont fixé à onze le seuil en 1959, puis à quinze ensuite, d'où la disparition du groupe des Républicains indépendants en 1980. Le renforcement du pluralisme va-t-il de pair avec l'efficacité législative ? L'avenir le dira.
Il n'était en revanche guère opportun de donner comme seul argument dans l'exposé des motifs la reconnaissance des « formations écologistes » renforçant ainsi le lien entre groupe politique et affiliation à un parti politique en contradiction avec une longue tradition sénatoriale. Ce doit être le résultat d'un accord très médiatisé. J'entends en souriant certains représentants de courants politiques, qui ont beaucoup souhaité à l'Assemblée nationale voir abaisser les seuils, prendre ici une position contraire. Ils sont bien optimistes pour l'avenir. Je leur rappellerai le mot de Pierre Dac : « La prévision est un art difficile surtout quand il concerne l'avenir » (Sourires) Quant au goût soudain de l'UMP pour le groupe à dix, personne n'est dupe de la manoeuvre visant à amener en véhicule 4 x 4 M. Bové au milieu d'un champ d'OGM.
Quant à l'argument des dépenses, il surprend, venant de ceux que l'utilisation opaque de 10 millions de la réserve parlementaire n'a jamais dérangés. (Approbations à gauche) Mon groupe votera ce nouveau seuil pour donner toutes ses chances à la nouvelle majorité dans la mesure où elle saura respecter toutes ses composantes. Mon groupe n'a pas vocation à appartenir exclusivement à la nouvelle majorité sénatoriale. Aujourd'hui comme hier, il se définit avant tout comme « groupe minoritaire » au sens de l'article 51-1 de la Constitution. Ainsi continuera-t-il de s'exprimer dans sa spécificité, dans sa diversité reconnue et à laquelle nous tenons comme un principe fondamental. Ceux qui espèrent son affaiblissement en seront pour leurs frais, monsieur Sido.
M. Bruno Sido. - Je n'ai rien dit !
M. Jacques Mézard. - J'en viens à la création de la nouvelle commission. J'ai déposé un amendement pour en préciser le champ de compétences. (Applaudissements sur les bancs EELV) M. le président du Sénat m'a dit que la présidence de la commission devrait revenir au RDSE. Je n'ai pas honte, comme M. Zocchetto, des accords politiques. (Applaudissements à gauche) Chacun sait que l'Union centriste n'en a jamais passé ! (Rires)
L'Assemblée nationale, sous majorité UMP, a créé une commission du développement durable. A-t-elle failli sous ses présidences successives ? Au Sénat, une telle commission serait-elle inutile, même sous présidence RDSE, monsieur Sido ? Faire de cette commission une simple délégation ? Ce serait faire peu de cas du développement durable. Actuellement, la commission de l'économie comprend 78 membres, soit le double d'autres commissions. Trouvez donc d'autres arguments !
Notre groupe votera majoritairement l'article premier et plus majoritairement encore l'article 2, sous réserve de l'adoption de son amendement. (Applaudissements à gauche)
M. Roger Karoutchi. - J'ai entendu beaucoup de choses sur la révision de 2008 : je l'ai portée ici et à l'Assemblée nationale et j'ai tout fait par la faire voter. (On le confirme) La possibilité de passer le nombre de commissions permanentes de six à huit répondait plutôt à un voeu de l'Assemblée nationale, dont certaines commissions sont excessivement composites. La demande du Sénat était bien plus faible.
L'Assemblée nationale a immédiatement créé deux commissions supplémentaires après les révisions. Il faut dire que les députés sont bien plus nombreux que les sénateurs et qu'avec six commissions pour 577, ils étaient à plus de 90 en moyenne dans chacune. À huit commissions, chacune compte encore 70 députés en moyenne. Tel n'est pas le cas au Sénat.
Le groupe à dix ? M. Mézard a excellemment rappelé que le seuil des groupes avait évolué. Réduire le nombre de sénateurs requis pour constituer un groupe n'est pas choquant. Quand des forces politiques apparaissent, il est préférable qu'elles s'expriment au Parlement plutôt que dans la rue. Si j'ai connu du temps du président Séguin des groupes constitués de diverses tendances, j'estime que la clarté politique n'y a pas gagné.
Le groupe UMP est favorable à la création d'un groupe à dix. (Applaudissements sur les bancs EELV) Le président Mézard a raison de dire qu'il ne faut pas désigner nommément un groupe politique, mais je crois bon d'abaisser ce seuil qui permettra de renforcer la démocratie.
Sur la nouvelle commission, nous avons beaucoup discuté. Non que notre groupe y soit hostile par principe, après avoir voulu la révision constitutionnelle qui en ouvrait la possibilité.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il faut être logique.
M. Roger Karoutchi. - En 2008, j'avais demandé à la présidence du Sénat si elle envisageait de créer une ou deux nouvelles commissions. On m'avait répondu par la négative. L'Assemblée nationale a créé deux nouvelles commissions, dont celle du développement durable. En parlant avec les responsables de celle-ci, on constate qu'ils sont confrontés à de gros problèmes de frontière : le développement durable concerne des sujets transversaux, allant de l'environnement à l'économie, en passant par les thèmes sociaux. Certes, M. Mézard entend préciser le nom de cette commission, mais cela ne suffira pas à tout clarifier.
M. Bruno Sido. - Très bien vu !
M. Roger Karoutchi. - Si cette commission ne trouve pas sa place, ce serait dommage.
M. Gérard César. - Sauf pour le RDSE !
M. Roger Karoutchi. - À l'Assemblée nationale, le président de la commission du développement durable a dû demander nombre de réunions communes avec la commission de l'économie... dont celle du développement durable était issue ! C'est gênant.
Certes, pour nombre de nos concitoyens le développement durable est indispensable, mais il dépasse largement l'environnement. Je crains donc que nous fassions une légère erreur, si nous omettons de regarder ce qui se passe à l'Assemblée nationale et d'en tirer les conséquences. En revanche, je me félicite de la présidence de cette commission par une éminente personnalité du RDSE. (Sourires)
Donc, oui à un groupe à dix ; réticence face à la création d'une nouvelle commission. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur. - Beaucoup d'entre nous approuvent l'abaissement du seuil pour créer un groupe. Il s'agit de reconnaître le bien fondé du pluralisme. Mon groupe a entretenu des rapports extrêmement féconds avec nos collègues écologistes. Il est bon, cependant, que chacun puisse s'exprimer en son nom. Le respect de la cohérence suppose celui de la diversité.
Je veux saluer l'intervention très nuancée de M. Karoutchi.
M. Daniel Raoul. - Pour une fois ! (Sourires)
M. Jean-Pierre Sueur. - Ce sujet n'appelle pas de réponses simplistes. Des accords politiques sont nécessaires. J'ai entendu MM. Zocchetto et Karoutchi dire que l'environnement était un sujet transversal, certes, mais le social ne l'est-il pas aussi, tout comme le juridique ?
M. Jean Desessard. - Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur. - Si l'on suit ce raisonnement, il faudrait dire à Mme Kosciusko-Morizet que son ministère n'a pas lieu d'être. (Applaudissements sur les bancs EELV)
Beaucoup de parlements ont une commission du développement durable. Je partage la préoccupation de M. Mézard : son amendement n°15 propose une autre appellation pour cette commission, un peu longue certes, qui comprend le mot « équipement ». A l'occasion de la remise de la légion d'honneur à une inspectrice générale de l'équipement, j'ai choqué en prononçant le mot « équipement ». Il ne faudrait plus dire « équipement » mais « développement durable ». Je suis très sensible à la durabilité ; c'est une dimension majeure de la politique. J'y crois, j'y suis très attaché. Mais aussi attaché à une vision humaniste de l'environnement. La nature sans l'homme -et sans la femme- est inconcevable. L'oeuvre de l'être humain est essentielle. La conception humaniste de l'environnement n'est pas opposée au fait d'équiper mais de mal équiper, sans respect de ce qui est durable. Les précisions de M. Mézard permettront de clarifier les choses. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Vincent Placé. - Que dire après ces excellentes interventions ?
M. Bruno Sido. - Rien !
M. Jean-Vincent Placé. - Les orateurs ont dit tout l'intérêt de créer une commission de l'écologie. Pour nous, écologistes, cette question est essentielle. L'écologie, ce n'est pas seulement l'environnement. Les questions sociales, économiques et culturelles de recherche sont évidemment écologiques. Nous sommes les précurseurs des préoccupations de nos concitoyens. Nous avons porté cette vision non pas dans le cadre de petits accords, comme l'a dit M. Zocchetto, mais parce que c'est notre vision du monde.
La création de la nouvelle commission est essentielle. Nous nous sommes demandés s'il était préférable de peser au sein de la commission de l'économie ou s'il fallait porter le débat au sein d'une commission spécifique -que le président de la République avait d'ailleurs souhaité voir le Sénat créer. (On le reconnaît à droite) L'amendement de M. Mézard en précise bien les champs de compétence. Quand j'entends des parlementaires de droite se préoccuper d'écologie, je m'en réjouis. Je souhaite que cette nouvelle commission assure un véritable lobbying en faveur du développement durable. Ce sera une grande avancée.
J'en arrive au groupe à dix. Mme Borvo a rappelé ce qu'était la Ve République : l'hyperprésidentialisation. Or nous souhaitons pouvoir parler, nous faire entendre. M. Zocchetto pense que tout se passe dans les antichambres ; c'est sans doute son habitude. Je remercie MM. Gaudin et Karoutchi de s'être prononcés pour un groupe à dix. La création d'un groupe de la majorité vous choque, monsieur Zocchetto ? Aurais-je le mauvais goût de dire qu'à trente et un, on pourrait avoir la tentation de créer trois groupes, entre Morin, Bayrou, Borloo ? (Applaudissements à gauche)
Nous vivons donc un moment important au Sénat : plus d'écologie et plus de pluralisme. Je remercie le président Bel pour son action. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - Amendement n°3 rectifié ter, présenté par MM. Guerriau, Delahaye et Détraigne, Mme Goy-Chavent, MM. Roche, Zocchetto, Bockel, Jarlier, Lasserre et Beaumont et Mmes Lamure et Gourault.
Supprimer cet article.
M. Joël Guerriau. - Certes, il faut prendre en compte toutes les opinions, mais pourquoi dix plutôt que neuf ou de cinq ? (Exclamations sur les bancs EELV)
Une réforme du Règlement n'a d'intérêt que si elle améliore le fonctionnement de notre assemblée. Des coûts supplémentaires sont à attendre. Nos concitoyens ne comprendraient pas cette fantaisie. Nous ne pouvons accepter cet arrangement politique.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable. Dix pour plus de 348 sénateurs et quinze pour les 577 députés. Et dix, c'est le nombre de sénateurs écologistes qui ont été élus et qui voulaient constituer un groupe. M. Placé a dit ce que je n'ai pas osé dire : M. Zocchetto craint la création de trois groupes centristes. (Applaudissements sur les bancs EELV)
M. Vincent Delahaye. - M. Détraigne a dit qu'une modification du Règlement n'avait d'intérêt que si elle améliorait le fonctionnement de notre assemblée. Tel n'est pas le cas avec cette révision de circonstance. Nos compatriotes ne comprendraient pas qu'on veuille ainsi faire passer l'intérêt d'un parti au-dessus de l'intérêt général. Tambouille politicienne, petits aménagements entre amis, dira-t-on.
En 1958, il fallait onze élus pour un groupe. En 1971, ce chiffre a été porté à quinze pour éviter une trop grande dispersion. Je porterais volontiers le seuil à 5 % du nombre de sénateurs pour constituer un groupe, soit dix-huit sénateurs.
Pourquoi les écologistes se sentent-ils sous-représentés ? A qui la faute ? Ne peuvent-ils travailler avec les socialistes ? Ils ont eu tout le temps nécessaire pour s'implanter et se faire entendre. À Massy, à la fin des années 80, ils étaient largement représentés. Aujourd'hui, il n'y a plus qu'un conseiller municipal Vert. À qui la faute ? À moi, sans doute, mais aussi à la leur. Ce n'est pas de mon fait si les socialistes ne laissent aux Verts qu'une place minime lors des élections.
Nous n'avons pas à subir ici le résultat de vos négociations.
À l'heure où le rassemblement devrait être le mot d'ordre...
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Des centristes : Bayrou, Morin !
M. Vincent Delahaye. - ...nous devons ne pas suivre la tendance actuelle à l'éparpillement.
Contrairement à M. Placé, je respecte mon temps de parole : mes autres arguments viendront plus tard.
M. Jean Desessard. - M. Sueur a raison : nous avons bien travaillé avec le groupe socialiste, les votes parfois divergents n'ayant pas nui à nos rapports.
Monsieur Delahaye, pourquoi ne voulez-vous pas prendre en compte les courants de pensée issus des élections ? Notre assemblée doit être représentative !
Je remercie les groupes de gauche et celui de l'UMP, qui nous permettent d'avoir aujourd'hui une expression autonome sous un président de la République de droite aujourd'hui, de gauche demain.
L'amendement n°3 rectifié ter n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par MM. Delahaye et Guerriau.
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
deux
M. Vincent Delahaye. - Au nom de l'intérêt général, nous nous opposons à un signal purement négatif de division, au lieu du rassemblement nécessaire.
Prenez exemple sur le travail en commun des centristes. Attention à l'effet boomerang qui sera un éparpillement !
Enfin, comment cette décision sera-t-elle financée ? Les coûts de fonctionnement vont augmenter et l'on va diminuer l'investissement en rognant sur l'entretien du patrimoine,- ce que l'on incite les collectivités locales à ne pas faire. Réduire les travaux de 500 000 euros revient à supprimer vingt emplois. Et vous continuerez à tenir des discours sur la lutte contre le chômage et la défense de l'emploi. La crédibilité des politiques en souffrira.
Je ne peux voter une décision faisant prévaloir l'intérêt des partis sur l'intérêt général.
D'où ces trois amendements de division et de provocation.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par MM. Delahaye et Guerriau.
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
trois
M. Vincent Delahaye. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par MM. Delahaye et Guerriau.
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
quatre
M. Vincent Delahaye. - Il est également défendu.
L'amendement n°1 a été retiré.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable.
L'amendement n°9 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos10 et 11.
L'article premier est adopté.
Article 2
M. Daniel Dubois. - Lorsque la commission de l'économie a élu son bureau, j'ai rappelé que nous avions eu la sagesse de ne pas séparer le développement durable de l'économie. Des sujets comme le transport ou l'industrie notamment doivent être traités à la fois sous l'angle économique et écologique.
Mme Rossignol et M. Labbé ont souligné à cette occasion les risques inhérents à une scission pour la politique environnementale. De fait, l'énergie et les transports, au coeur du développement économique.
On peut donc prévoir des conflits de compétences entre commissions : je pense en particulier à l'aménagement numérique du territoire, aux questions d'urbanisme et d'infrastructures. L'aménagement du territoire et l'agriculture vont de pair dans le cadre de la PAC.
J'ai entendu Mme Lienemann dire que la scission ne serait pas catastrophique, qu'on pouvait imiter l'Assemblée nationale. Quel argument ! Il faudrait souligner les avantages de la décision !
L'exemple de l'Assemblée nationale montre que la scission est un échec. Notre collègue Lenoir nous a expliqué que les deux commissions se saisissent systématiquement sur le fond et pour avis et font des réunions en boucle.
Certes, la commission de l'économie est pléthorique, avec 78 membres, mais elle fonctionne bien et n'est nullement ingouvernable.
M. Placé a dit que les différentes sensibilités nourrissaient le débat sur des thèmes transversaux. J'en suis d'accord. C'est pourquoi il ne faut pas procéder à la scission. Le processus va s'alourdir et les petits groupes politiques auront du mal à faire face.
Plusieurs membres de la majorité sénatoriale semblent résignés à entériner un accord politique.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Daniel Dubois. - Il faudrait mieux créer une délégation sénatoriale pour conserver l'unité du développement durable et préserver une commission qui fonctionne à la perfection. (Applaudissements à droite)
M. Bruno Sido. - Il ne semble pas pertinent de créer une commission spécifique destinée au développement durable, selon l'exposé des motifs d'un amendement socialiste déposé en 2009 à l'Assemblée nationale.
Le développement durable touche à un très grand nombre de sujets, allant de l'eau à la gestion des déchets, en passant par l'agriculture et la gouvernance des entreprises.
De quelle commission permanente relèvera l'énergie ? Le développement durable est reconnu depuis 1992 ; il touche à tant de sujets ! M. Placé ne me contredira pas.
En outre, notre groupe s'oppose à la diminution de l'audience de la commission de l'économie. N'imitons pas l'Assemblée nationale et préservons la spécificité du Sénat. Les petits groupes auraient du mal à être présents dans toutes les commissions à la fois.
Pour prendre mieux en compte les aspects environnementaux, il faut les intégrer dans chaque politique. D'où notre idée d'une délégation sénatoriale dont les membres siégeraient dans les commissions permanentes.
Monsieur Sueur, vous avez mentionné l'existence d'un ministère de l'environnement mais ses compétences ont été élargies. M. Borloo nous a laissé comme testament de ne pas défaire au Parlement ce qui avait été fait au Gouvernement. Et j'ajoute que nous faisons preuve d'un grand sens de l'État en refusant de créer une commission où, selon toute vraisemblance, nous serions majoritaires...
M. Ronan Dantec. - Chaque nouvelle étape dans la reconnaissance de la problématique de l'environnement suscite les mêmes réactions, comme si accroître son espace allait réduire notre influence !
Nous sommes ici pour produire de la loi, ce qui exige du temps de travail. Même magnifiquement menée par M. Raoul, la commission de l'économie ne pourra pas produire tous les textes à venir. Les lois sur le Grenelle n'ont pas satisfait les espoirs qu'il avait suscités. Il reste beaucoup à faire !
Mais tout le monde avance masqué : la crainte est de voir l'écologie politique engager le débat. Quand M. Labbé, à la première réunion de commission, a demandé de l'eau du robinet distribuée à Paris, le brouhaha a démontré la puissance de certains groupes de pression.
Le président de la nouvelle commission devra organiser la transversalité des débats, qu'il s'agisse de la santé environnementale, qui aurait pu être traitée par la commission des affaires sociales, ou des accords internationaux, à celle des affaires étrangères, pour me limiter à ces exemples.
Nous avons besoin d'une commission spécifique. (Les sénateurs EELV applaudissent)
M. Gérard Cornu. - Tout à l'heure, nous avons raisonné sur les groupes en fonction des effectifs.
Avec cet article, il faut en faire de même pour les commissions : à l'Assemblée nationale, chacune des commissions compte en moyenne 72 membres. Avec cette réforme, nos commissions compteraient 49 commissaires !
Dans son rapport, M. Anziani propose en fait une coquille vide lorsqu'il énumère les compétences de la nouvelle commission, qui ne serait pas compétente pour les transports !
Les Verts espéraient être plus influents avec cette commission : ce ne sera qu'une coquille vide !
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Gérard César. - Le groupe UMP s'oppose catégoriquement à la scission de la commission de l'économie.
Les enjeux du développement durable sont importants ; il serait paradoxal de provoquer une séparation stricte.
En 2008, à la commission de l'économie, avec MM. Emorine et Daniel Raoul, nous avons voté à l'unanimité son maintien.
A quelle commission reviendront l'agriculture, la chasse, les transports ?
Tous les députés reconnaissent avoir commis une erreur majeure en décidant la scission.
J'en viens au coût, qui pourrait atteindre 300 000 euros, mais en 2012 seulement, en raison des élections. Il pourrait s'envoler les années suivantes.
Notre commission fonctionne très bien ! Supprimons l'article 2 ! (Applaudissements à droite)
M. le président. - Amendement identique n°13, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe de l'UCR.
M. Daniel Dubois. - Avec la crise, ce n'est pas le moment de séparer l'économie et l'écologie : nous devrions mieux travailler ensemble ; ne passons pas d'une culture du dialogue fructueux à celle de l'opposition.
La sagesse du Sénat devrait nous éviter cette erreur.
Le développement durable est la clé de l'économie de demain ! S'opposer les uns aux autres serait une erreur stratégique. Il est encore temps d'être raisonnable.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques nos4 et 13.
À la demande des groupes UCR et UMP, les amendements identiques nos4 et 13 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 161 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Les sénateurs EELV applaudissent)
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.
Rédiger ainsi cet article :
Avant l'article 23 bis du Règlement, il est inséré un article 23-1 ainsi rédigé :
« Art. 23-1. - 1. - Il est créé une délégation au développement durable et à l'aménagement du territoire chargée d'informer le Sénat sur le respect des normes de développement durable, édictées par la charte de l'environnement et par la loi ainsi que des engagements en faveur de l'aménagement du territoire français.
« Cette délégation veille, lors de la discussion de projets ou propositions de loi, à informer les commissions permanentes de son point de vue.
« 2. - La délégation au développement durable et à l'aménagement du territoire est composée de trente-six membres désignés par le Sénat de manière à assurer la représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes.
« Les membres de la délégation sont désignés après chaque renouvellement partiel.
« 3. - L'organisation des travaux et le fonctionnement de cette délégation sont définis par l'Instruction générale du Bureau.
M. Gérard Cornu. - Amendement de repli. La nouvelle commission sera une coquille vide incapable de défendre l'environnement, alors qu'une délégation transversale serait cohérente avec les caractéristiques du développement durable.
Dommage que vous soyez arc-boutés sur la création d'une commission, fût-ce pour accorder une présidence au RDSE !
Avec une délégation, le groupe bénéficierait également d'un secrétariat et d'une voiture. (Applaudissements à droite et au centre)
M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Mézard.
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° La commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, compétente en matière d'impact environnemental de la politique énergétique, qui comprend 39 membres ;
M. Jacques Mézard. - Les arguments que je viens d'entendre ne relèvent pas le niveau du débat.
M. Gérard Cornu. - C'est la vérité !
M. Jacques Mézard. - Non ! La réalité, c'est votre refus politique de créer cette commission du développement durable.
Le rapport de notre collègue Anziani est quelque peu maladroit, qui propose une répartition des compétences. Contrairement à celui de l'Assemblée nationale, notre Règlement ne le permet pas, laissant au président du Sénat le pouvoir d'arbitrer en cas de besoin.
Quant aux économies, nous avons vu quelle importance vous leur accordiez parfois lorsqu'il y avait véritablement lieu d'en faire. Notre groupe est petit mais nous sommes aujourd'hui aussi nombreux que les membres du groupe UMP. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La commission est favorable à l'amendement n°15. En revanche, elle demande le retrait de l'amendement n°5 car la création d'une délégation ne relève pas du Règlement.
A la demande du groupe UMP, l'amendement n°5 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 163 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Daniel Raoul. - Monsieur César, la commission n'a pas voté à l'unanimité, contrairement à ce que vous avez dit. La discussion a eu lieu et il y eut des opinions très diverses.
Monsieur Mézard, la commission du développement durable est à l'évidence compétente sur l'impact environnemental : peut-être la rédaction de votre amendement, que je voterai, devrait-elle être modifiée.
L'amendement n°15 est adopté.
M. Vincent Delahaye. - Je suis surpris que l'on vote sans concertation une modification du Règlement, qui plus est pour substituer des dépenses de fonctionnement à des dépenses d'investissement. On empêchera des personnes de travailler dans le monde du bâtiment ! Tout compte dans l'économie.
Le développement durable a trois dimensions : écologique, économique et sociale. On aurait pu créer une délégation, mais séparer le développement durable de l'économique et du social est un contresens absolu.
M. Joël Guerriau. - Scinder la commission de l'économie est contraire au développement durable. En Loire-Atlantique, les élus d'Europe-écologie se mobilisent contre Notre-Dame des Landes, un sujet que pourrait traiter la commission de l'économie.
J'ajoute que le fonctionnement de la nouvelle commission coûtera cher. Est-ce raisonnable en temps de crise ? La chasse relèvera de la nouvelle commission, contrairement à la pêche, qui est pourtant avant tout un sujet de développement durable.
Où est la cohérence entre la diminution des effectifs des groupes et l'augmentation du nombre de commissions ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Une très large concertation a précédé cette réforme du Règlement, incluant même MM. Zocchetto et Hyest. M. Delahaye l'ignorait peut-être...
L'article 2 est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet, Gourault et Férat.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 de l'article 15 du Règlement est complété par les mots : « sauf en cas de concomitance avec la tenue d'une séance publique ».
Mme Nathalie Goulet. - Il s'agit d'un amendement de bon sens, puisque commission et séance publique ont de plus en plus souvent lieu simultanément.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Nous avons débattu longuement ce matin de cette proposition de bon sens ; mais nous en souhaitons le retrait.
Dans notre Règlement, il est dit que les commissions se réunissent le mercredi matin et le mardi après les réunions de groupe et, si besoin est, à un autre moment. Certes, elles se réunissent parfois en même temps que la séance, mais c'est en général sur des sujets différents. J'espère que vous serez entendue par ceux qui font notre ordre du jour. Reste que la présence obligatoire en commission est un principe fondamental de notre Règlement.
Mme Nathalie Goulet. - Avec votre raisonnement, les membres de la commission de la défense ne devraient s'occuper que de défense et se priver d'intervenir sur d'autres sujets... Si la réflexion est amenée à se poursuivre, je retire mon amendement ; mais le sujet est sérieux.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Monsieur le président, faites part au président Bel de ce qui vient d'être dit.
M. le président. - Je prends acte.
Mme Nathalie Goulet. - Je retire l'amendement, mais le problème demeure. De toute façon, les sanctions ne sont pas appliquées...
M. le président. - C'est un vrai sujet de réflexion.
L'amendement n°8 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe de l'UCR.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé:
L'article 57 du Règlement du Sénat est ainsi rédigé :
« Art. 57. - 1. - Le vote des sénateurs est personnel.
« 2. - Toutefois, leur droit de vote lors des scrutins publics peut être délégué. Chaque délégataire ne peut être porteur que d'une seule délégation. Cette délégation de vote est rédigée conformément aux dispositions prévues à l'article 64.
« 3. - Les sénateurs auxquels a été délégué le vote de l'un de leurs collègues doivent présenter au secrétaire placé près de l'urne l'accusé de réception de la notification prévue à l'alinéa 2 de l'article 64. »
M. François Zocchetto. - Nous avons l'opportunité de moderniser notre Règlement sur un point fondamental, que nous connaissons tous : le vote par scrutin public. Nous savons tous comment ce système fonctionne ; nous savons aussi combien il est critiquable. Il surprend les visiteurs autant que les nouveaux sénateurs.
L'alinéa 2 de l'article 27 de la Constitution rappelle que le droit de vote des membres du Parlement est personnel ; l'alinéa 3, que, par exception, une loi organique peut autoriser une et une seule délégation. L'Assemblée nationale a longtemps eu une pratique analogue à la nôtre ; depuis 1993, les députés votent par scrutin public de façon groupée sur un ensemble de textes, avec une seule délégation.
L'amendement est très simple : nous souhaitons qu'un sénateur ne puisse détenir qu'une seule délégation de vote. Nous dénonçons ce système depuis longtemps ; et nous ne sommes pas les seuls. Je me souviens d'interventions de M. Sueur ; M. Desessard, dès 2008, avait écrit au président Larcher pour souhaiter que le Sénat adapte son règlement, et noté que le vote public était anticonstitutionnel.
M. Gérard Cornu. - C'est un homme de convictions !
M. François Zocchetto. - Quant au parti socialiste, il proclame sur son site qu'il faudrait interdire le vote de groupe au Sénat.
Le groupe UCR est donc confiant dans le sort qui sera réservé à cet amendement. Au risque de sembler paradoxal, je demande un scrutin public.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Le sujet est réel, mais pas aussi simple que M. Zocchetto vient de le présenter.
J'ai longtemps vu ce qu'il en était à l'Assemblée nationale, où les députés votent le mardi après-midi, sans savoir de quoi il s'agit, des textes à l'examen desquels ils n'ont pas assisté...
Il est vrai qu'ici, le président de groupe vote pour tous les membres de celui-ci. Ce système a en tout cas un avantage démocratique : il permet aux concitoyens de connaître le vote de chacun.
Nous avons examiné cette question au sein du groupe de travail Frimat-Hyest, mais il n'y a pas eu consensus. Il pourrait y en avoir un, sous conditions. Le problème est en effet moins le scrutin public à la fin d'un texte que celui demandé lorsque le groupe majoritaire est physiquement minoritaire en séance. C'est avant tout un problème de présence. Il faut que les groupes fassent en sorte -et le groupe socialiste a essayé de le faire ces temps-ci- d'être suffisamment présents.
J'ajoute qu'introduire dans notre hémicycle le vote électronique nécessiterait des travaux, ce qui coûterait cher, monsieur Delahaye. Le scrutin public a des avantages en fin de texte et des inconvénients en cours de débat. Il faut que les présidents de groupe se concertent, que la Conférence des présidents se saisisse de la question, qu'un groupe de travail en traite. Je rappelle enfin que la pratique du scrutin public a été validée par le Conseil constitutionnel.
M. François Zocchetto. - Merci pour ces explications. Mais notre réflexion est largement aboutie. Je maintiens mon amendement. Il n'est plus possible de travailler comme nous le faisons aujourd'hui, nos concitoyens ne le comprennent pas. Combien de fois avons-nous assisté à un quasi-consensus en séance publique, qui s'est écroulé au moment du scrutin public ?
M. Bruno Sido. - Il y a un problème d'articulation entre l'amendement de Mme Goulet et celui de M. Zocchetto. Si nous avions voté le premier, le second n'était plus nécessaire ; mais puisque le premier a été retiré, le second s'impose, puisque nous ne pourrons être à la fois en commission, où la présence est obligatoire, et en séance. Je suis donc opposé à cet amendement.
Mme Nathalie Goulet. - J'ai fait partie de la commission réunie par M. Larcher et nous avons largement évoqué ce sujet. M. Sido a raison, nous prenons le problème dans le mauvais sens. Ne confondons pas effets et causes. La présence en séance est première. Des erreurs de manipulation ont conduit l'an dernier à quelques déboires législatifs...
M. le rapporteur nous dit que grâce au scrutin public, nos concitoyens savent qui a voté quoi ; ils croient surtout que les parlementaires sont là alors qu'ils ne le sont pas... Je voterai l'amendement de M. Zocchetto.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - J'ai aussi participé à ce groupe de travail. En majorité, il était opposé à la suppression du scrutin public.
Ne prenons pas la cause pour l'effet. L'absentéisme n'a pas disparu à l'Assemblée nationale avec l'introduction du scrutin électronique et des limitations de délégation de vote. Beaucoup reste à faire en ce domaine ! Certains sont rarement en séance publique.
On sait que beaucoup de parlementaires tentent de calmer leurs électeurs mécontents de telle loi sur l'emploi ou la santé en disant qu'ils ne l'auraient pas votée... s'ils avaient été présents en séance... Avec le scrutin public, cette attitude n'est plus possible. La transparence y gagne ! (Applaudissements sur les bancs CRC et EELV)
M. Joël Guerriau. - J'approuve cet amendement. Nous avons décidé de créer une septième commission ; on nous a dit que la transversalité serait assurée dans l'hémicycle. Encore faut-il qu'il y ait suffisamment de sénateurs en séance ! Et on fait des groupes à dix sénateurs...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Comme l'a dit Mme Borvo, il y a dans le scrutin public quelque chose qui tient à l'origine de la Révolution française : les élus doivent rendre compte de l'exercice de leur mandat. Le scrutin public permet à chacun de savoir comment vote chacun des parlementaires. C'est un principe de responsabilité.
Le vrai problème, c'est la présence dans l'hémicycle. Nous pouvons nous faire plaisir en disant que nous allons faire comme les députés. Mais allez à l'Assemblée nationale ! Les votes sont rassemblés le même jour, les députés viennent, votent des textes qu'ils n'ont pas examinés et repartent... Idem au Parlement européen.
Nous devrions pouvoir trouver dans un délai raisonnable une solution qui ne soit pas artificielle ni un faux-semblant. Elle passe par un changement de comportement politique. Ce qui nous renvoie au débat sur le cumul des mandats...
M. Jean Desessard. - J'ai dénoncé l'utilisation abusive du scrutin public mais je fais confiance à notre rapporteur et au président pour rechercher une solution qui allie expression individuelle et expression collective. Un groupe de travail serait bienvenu. (Applaudissements sur les bancs EELV et socialistes)
M. François Zocchetto. - À aucun moment, je n'ai imaginé supprimer le scrutin public. Les parlementaires doivent en effet rendre des comptes. Mon amendement est simple : il rappelle que le vote est personnel et qu'en cas de scrutin public, une seule délégation est possible.
À la demande du groupe UCR, l'amendement n°12 est mis aux voix par scrutin public. (Marques d'amusement)
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 32 |
Contre | 308 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°6 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°7.
L'amendement n°14 est retiré.
Vote sur l'ensemble
M. Hervé Maurey. - Plusieurs d'entre nous étaient favorables à l'article premier, car le pluralisme impose que la famille des Verts ait un groupe. Je note de grandes différences entre ses membres, qui veulent par exemple supprimer les conseils généraux et passer aux 32 heures, et les socialistes... Il est logique qu'il y ait deux groupes différents. Les mariages contraints n'ont aucune justification.
En revanche, je suis absolument opposé à cette absurdité qu'est la scission de la commission de l'économie. Économie et développement durable vont ensemble, comme économie et aménagement du territoire -pensez au numérique. Je n'ai donc pas voté l'article 2.
Acceptant un article et refusant l'autre, je m'abstiendrai comme d'autres membres de mon groupe sur l'ensemble du texte.
La proposition de résolution est adoptée.
(Applaudissements sur les bancs EELV)
M. le président. - Cette résolution sera soumise avant sa mise en application au Conseil constitutionnel.
Renvoi pour avis
M. le président. - La proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, dont la commission des lois est saisie au fond est renvoyée pour avis, à leur demande, à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.
Prochaine séance demain, mardi 20 décembre 2011, à 9 h 30.
La séance est levée à 21 h 35.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mardi 20 décembre 2011
Séance publique
À 9 heures 30
1. Questions orales.
À 14 heures 30 et le soir
2. Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 4, 2011-2012).
Rapport de M. Christian Poncelet, fait au nom de la commission des affaires étrangères (n° 197, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 198, 2011-2012).
3. Projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques du 19 décembre 1938 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique (n° 466, 2010-2011).
Rapport de M. Michel Boutant, fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense (n° 46, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 47, 2011-2012).
4. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord monétaire entre la République française et l'Union européenne relatif au maintien de l'euro à Saint-Barthélemy, à la suite de son changement de statut au regard de l'Union européenne (n° 134, 2011-2012).
Rapport de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances (n° 188, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 189, 2011-2012).
5. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2012 (n° 203, 2011-2012).
Rapport de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances (n° 204, 2011-2012).
6. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs (n° 12, 2011-2012).
Rapport de M. Alain Fauconnier, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n° 175, 2011-2012).
Avis de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la commission des lois (n° 158, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 176, 2011-2012).