Mineurs délinquants (Procédure accélérée - Nouvelle lecture) (Suite)
Discussion générale (Suite)
M. Jean-Pierre Michel. - Le groupe socialiste s'est demandé s'il allait de nouveau déposer une question préalable. C'est sans regret que nous le faisons cette fois, ce qui ne préjuge pas notre attitude sur d'autres textes. Le Parlement est là pour légiférer mais cette proposition de loi n'est que d'affichage et, qui plus est, de nature largement réglementaire. L'ordonnance de 1945 permettait déjà de placer des mineurs délinquants en Epide. Mais M. Ciotti voulait attacher son nom à un texte -qui n'a aucune utilité !
M. Alain Gournac. - Comme le vote des étrangers !
M. Jean-Pierre Michel. - D'où la question préalable -que vous avez aussi déposée à cette occasion.
Devant l'avalanche de tels textes, les magistrats n'arrivent plus à assurer l'application de la loi. Raison supplémentaire pour voter cette motion.
Reste l'article 6, le seul qui aurait pu nous inciter à examiner le texte. Il traduit de façon scandaleuse les décisions du Conseil constitutionnel. Mais j'ai l'espoir -même si les espoirs sont souvent déçus en politique- que nous remettrons sur le tapis l'ordonnance de 1945, qui mérite d'être réformée. Nous y reviendrons. Il n'y avait pas urgence à voter cet article 6.
Le Conseil constitutionnel a-t-il fait preuve d'indépendance en jugeant que la suppression de juridictions financières avait un lien avec la proposition de loi de simplification, mais que des petites simplifications de formalités que tout le monde souhaite n'en avaient pas. Son attitude est intolérable. (Protestations à droite)
M. Philippe Bas. - Respectez les institutions de la République ! (M. André Reichardt renchérit)
M. Patrice Gélard. - Le Conseil constitutionnel applique la Constitution.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Écoutez le doyen Gélard !
M. Jean-Pierre Michel. - Si le Conseil constitutionnel persiste dans cette attitude, il devra s'attendre à une réforme constitutionnelle. (Exclamations à droite) C'est la seule institution à statuer ultra petita.
M. Louis Nègre. - Donnez l'exemple : revenez au sujet qui nous occupe.
M. Jean-Pierre Michel. - Je le prends comme je l'entends ! (Sourires) Le sujet, c'est la charge de cavalerie des trois quarts des procureurs -évidemment pas celui de Paris ni celui de Nanterre dont on connaît l'indépendance d'esprit !- contre ces lois contradictoires votées incessamment sans étude d'impact, et pour demander des moyens et réclamer une réforme constitutionnelle qui leur assure des garanties statutaires. Monsieur le ministre, vous dû attacher votre nom à la rédaction d'un tel texte, plutôt qu'à la défense de celui-ci qui ne sert à rien. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. André Reichardt. - Ce n'est pas le sien !
Mme Catherine Tasca. - Quelle lassitude que de voir notre ordre du jour encombré par des textes de pur affichage.
M. Philippe Bas. - Et la scolarité obligatoire à 3 ans ?
M. André Reichardt. - Et le droit de vote des étrangers ?
Mme Catherine Tasca. - Il ne s'agit souvent que de répondre à l'émotion née d'un fait divers. « La France a peur » proclame M. Ciotti dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi qui ne vise pas la grande délinquance. « Militaire », ce dispositif ne l'est nullement mais on croit bon de rappeler le bon vieux temps où les jeunes délinquants étaient matés à coups de discipline !
Les dispositions de l'article 6 n'ont fait l'objet d'aucune concertation avec les professionnels. Le paragraphe 2 autorise la saisine rapide du tribunal correctionnel pour mineurs alors que le Conseil constitutionnel dénonce ce type de saisine.
La présidence du tribunal des enfants ? Un vrai casse-tête en termes d'organisation ! Si l'on comprend bien vos motivations politiques à faire voter le service citoyen pour mineurs, pourquoi compliquer ainsi la vie des magistrats ? D'autant qu'il n'y avait pas urgence ; Pourquoi ne pas avoir pris le temps de discuter avec les acteurs ? Des propositions alternatives existent.
Le sort des mineurs, notamment ceux qui sont en rupture avec la société, est un sujet délicat. L'instrumentalisation que vous en faites est insupportable. M. Guéant déclare qu'il faut réformer en profondeur l'ordonnance de 1945 : quel aveu d'échec !
Mme Michelle Meunier. - Très bien !
Mme Catherine Tasca. - Il y a urgence à tourner la page. (Applaudissements à gauche)
M. Louis Nègre. - (Applaudissements à droite) Cette proposition de loi de notre excellent collègue Ciotti est un texte fondateur...
Mme Christiane Demontès. - Pas de provocation !
M. Louis Nègre. - ... pour une réponse véritablement efficace à la délinquance des mineurs ! (Marques d'amusement à gauche) En tant qu'élus, nous n'avons pas à faire l'autruche devant l'urgence à répondre aux préoccupations quotidiennes des Français. Je veux dire ma totale incompréhension devant le refus de la rapporteure de débattre. Ainsi l'immobilisme aux dires de Mme Ségolène Royal elle-même, serait devenu la marque de fabrique du socialisme français. (Protestations à gauche) Cette attitude dénature le rôle, essentiel pour les libertés fondamentales, du Sénat. Considérez-vous qu'il constitue une « anomalie démocratique » ? Cela dit...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - ....Ouf !
M. Louis Nègre. - ... nous ne détricotons pas l'ordonnance de 1945... Nous tricotons de nouvelles mesures !
M. Jean-Pierre Michel. - Vous tricotez une cote de maille !
Mme Catherine Tasca. - Mal taillée !
M. Louis Nègre. - Cette proposition de loi comporte un important volet éducatif voulu par les magistrats. Pour nous, le sens de l'effort, la citoyenneté sont des valeurs...
Mme Catherine Tasca. - Que les adultes montrent l'exemple !
M. Louis Nègre. - Comme dans la fédération socialiste du Nord ou des Bouches-du-Rhône...
M. Alain Anziani. - Quelle caricature !
M. Louis Nègre. - Les arguments de Mme la rapporteure sont aussi virtuels qu'inopérants...
Mme Virginie Klès, rapporteure. - Ce sont les moyens qui sont virtuels !
M. Louis Nègre. - Ils sont prévus dans les ministères concernés. La loi est nécessaire pour créer des places en Epide pour les mineurs délinquants, madame la rapporteure. Quant aux moyens, ils seront au rendez-vous dès la proposition de loi votée : les arbitrages budgétaires seront opérés au sein de chaque ministère. Je voterai contre la question préalable car cette proposition de loi est utile. (Applaudissements à droite)