Repos dominical
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical.
Discussion générale
Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi. - En 2009, le Sénat a adopté à seulement trois voix de majorité la proposition de loi du député M. Mallié affirmant le principe du repos dominical, pour y déroger dans nombre de communes. Ces deux objectifs sont antinomiques : pour satisfaire le second, qui profite directement aux employeurs, il faut réduire les droits des salariés. C'est pourquoi la gauche et une partie des sénateurs de la majorité avaient voté contre.
Je remercie la commission d'avoir enrichi la proposition de loi et préservé ses caractéristiques.
Comme l'écrit bien l'historien Robert Beck, dans son Histoire du dimanche : de 1700 à nos jours, « à partir de la loi de 1906, le congé du dimanche n'a plus rien de religieux. Une loi pour la sanctification du dimanche avait effectivement été promulguée en 1814, mais elle était tombée en désuétude. » On ne peut donc pas voir dans le repos dominical un héritage d'une époque où la France était la fille aînée de l'église, il s'agissait, un an après la séparation des Églises et de l'État, d'accorder un même jour chômé à tous les travailleurs, gage d'une société qui avance au même rythme pour tout le monde. C'était reconnaître que le fait de disposer d'un jour commun de repos est profitable pour la société dans son ensemble : il est bon que l'on puisse avoir des activités hors du domaine marchand, un temps pour soi, pour ses proches, pour l'altérité.
Notre proposition de loi revient sur les excès de la loi Mallié, sans prétendre interdire tout travail le dimanche ; il est évidemment indispensable dans certains services publics, les hôpitaux, les transports, ainsi que dans certains secteurs industriels -où l'extinction des machines est impossible. Le besoin d'ouvrir des magasins de meubles ou d'équipements sportifs est moins évident.
M. Lefebvre s'en est pris à notre proposition de loi en rapportant le refus d'un boucher des Abbesses. Nul ne conteste à ce commerce alimentaire le droit d'ouvrir le dimanche matin.
Dans sa circonscription, le ministre ferait mieux de s'en prendre aux supermarchés qui restent ouverts en toute illégalité jusqu'au dimanche soir. Et M. Sarkozy vantait une « République irréprochable » ! Les touristes ? Les Chinois, les Américains, les Proche-Orientaux décident-ils de venir ou non en France en fonction de l'ouverture du boucher des Abbesses le dimanche après-midi ?
Les salariés travaillant le dimanche ne sont pas tous traités à égalité, selon qu'ils travaillent dans un périmètre d'usage de consommation exceptionnel (Puce) ou ailleurs. Or, tous méritent une contrepartie financière. L'Organisation internationale du travail l'a recommandé dans son rapport de 2011. À Plan-de-Campagne, vaste zone commerciale proche de Marseille, la majoration du travail dominical est de 25 %, soit le taux applicable aux heures supplémentaires, inférieur aux engagements du Gouvernement ; et les salariés n'ont guère de choix, vu le lien de subordination.
Le volontariat est un mythe. La direction du magasin Ed-Dia d'Albertville tirait au sort les prétendus volontaires pour travailler le dimanche ! Ce, pour cinq euros ! Il a fallu 104 dimanches de grève pour que les employés obtiennent le droit de ne pas travailler le dimanche. Cette lutte trouve un reflet dans notre proposition de loi. L'accord entre salarié et employeur doit être écrit et le contrat de travail ne saurait prévoir de travail dominical systématique.
Un sondage fait apparaître que 67 % des Français -des actifs, en fait- seraient favorables au travail dominical. Mais ils ne sont que 17 % à être disposés à travailler tous les dimanches et 50 % à le faire occasionnellement. Certes, 67 % des Français trouvent agréable que les magasins soient ouverts le dimanche, mais ils sont 85 % à refuser de travailler ce jour-là. Le renoncement au repos dominical est souvent un choix contraint pour des salariés sous-payés. Que faire quand, comme nombre de femmes dans la grande distribution, on gagne 160 euros par semaine ?
Nous proposons d'interdire toute dérogation nouvelle pour les Puce et de figer leurs périmètres. Tel centre commercial a été déclaré Puce après avoir été ouvert illégalement durant des mois, au prétexte que des habitudes de consommation s'étaient instaurées. Les Puce d'opportunité doivent être sanctionnés.
L'Organisation internationale du travail (OIT) a rappelé que l'amendement de la convention sur le repos hebdomadaire n'autorise que des dérogations limitées. Le rapport précise que l'impact des dérogations sur la vie familiale et sociale n'est pas suffisamment pris en compte.
La proposition de loi va dans le bon sens : pas de remise en cause des Puce existants, mais limitation des dérogations pour l'avenir et meilleure protection des droits des salariés. Loin d'être politique, ce texte est équilibré. Les partenaires sociaux et les salariés l'attendent. (Applaudissements à gauche)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, rapporteure de la commission des affaires sociales. - Depuis 1906, la loi garantit le repos dominical, pour préserver la santé et la vie de famille des travailleurs. Les missions de service public et certaines activités industrielles ont toujours exigé le travail du dimanche mais la loi Mallié a rompu l'équilibre entre les intérêts des entreprises, de la consommation et la protection des travailleurs.
Les dérogations de 2009 vont au-delà des besoins et s'accompagnent d'une inégalité choquante. L'OIT s'en est émue et nous invite à renforcer les garanties offertes aux travailleurs. Ceux qui travaillent le dimanche doivent recevoir une meilleure contrepartie. J'ai appelé les organisations professionnelles à me faire connaître leur position. Cinq m'ont répondu, trois organisations de salariés -la CGT, la CFDT et la CFTC- et deux patronales -la CGPME et l'UPA. Les syndicats de salariés soutiennent globalement ce texte ; les employeurs sont nuancés, entre défense du petit commerce et souci que les contreparties accordées aux salariés ne mettent pas en danger leur équilibre financier.
Cette proposition de loi tend à limiter les dérogations en ciblant les établissements de détente et loisirs en zone touristique, uniquement pendant la saison touristique. La commission a récrit la disposition sur les Puce, pour lever toute ambiguïté : pas de nouveau Puce après la promulgation ! Sur la suggestion de M. Kerdraon, le cas des commerces alimentaires de détail a été pris en compte. Pour éviter que des grandes enseignes, qui vendent aussi des produits non alimentaires, n'ouvrent aussi le dimanche et ne leur fassent concurrence, nous avons réservé la disposition aux magasins de moins de 500 m², sauf dans les zones touristiques.
Quant aux contreparties, nous réaffirmons le principe du volontariat et de l'accord écrit. Nous exigeons un accord de branche ou interprofessionnel, sur les contreparties, repos compensateur et primes. Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur doit être accordé au salarié le jour de cette fête légale. Nous reviendrons là-dessus car une organisation syndicale a attiré notre attention sur certains effets négatifs de cette disposition.
La question du repos dominical est politique, nous confronterons nos idées sur l'organisation sociale. La pratique religieuse a reculé, mais Mme Pasquet a souligné que la loi de 1906 n'était pas liée à la religion. Le dimanche est simplement le seul jour de repos commun à tous dans les familles.
Je vous engage à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. - Depuis un mois et demi, je travaille avec une nouvelle majorité sénatoriale : les rapports sont toujours cordiaux, mais vos textes sont d'une dureté sans pareille envers les Français. (Applaudissements à droite) Jusqu'alors ce n'étaient que des discours...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Des « éléments de langage » !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Les masques tombent. Lundi soir, 9 millions de salariés ont compris que si vous étiez au gouvernement, ils perdraient leurs avantages fiscaux et sociaux liés aux heures supplémentaires (Applaudissements à droite ; exclamations indignées à gauche) et verraient leur pouvoir d'achat amputé. Ils ne volent le travail de personne.
Mme Éliane Assassi. - PSA !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Si cette proposition de loi voyait le jour, 250 000 emplois seraient menacés, dans les zones touristiques. Voilà la réalité ! (Mêmes mouvements) Vos idées confinent au dogmatisme. Votre texte est un recul et une menace pour l'emploi et les salariés. (Applaudissements sur la plupart des bancs UMP) Les Français savent lire. Ils voient bien que votre texte est inutile, car la loi de 2009 garantit le repos dominical. Il est dangereux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Pour qui ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Seraient pénalisés ceux qui augmentent leur revenu en travaillant le dimanche, parce qu'ils le veulent.
Il aurait fallu aller plus loin encore que la loi de 2009, car certains magasins ne peuvent ouvrir, certains salariés ne peuvent travailler, parce qu'ils sont situés dix mètres au-delà du périmètre communal.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - N'importe quoi !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Votre texte referme toutes les possibilités. Heureusement, votre main a tremblé : vous n'avez pas eu le courage politique de supprimer les Puce. Votre vision économique est dépassée... (Applaudissements sur les bancs UMP ; exclamations sur les bancs CRC)
Mais plus on est proche du terrain, plus on est pragmatique : même certains élus de gauche approuvent la loi Mallié. Vous cédez à une démagogie que je pensais révolue.
Le repos dominical est garanti. Mais dans certaines entreprises, 80 % des salariés sont favorables au travail du dimanche...
Mme Annie David, rapporteure. - Pourquoi ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Vous les brimez. Je connais la réalité à Plan-de-Campagne ou ailleurs. Les consommateurs, les touristes, sont prêts à dépenser aussi le dimanche. Quelque 6,5 millions de Français travaillent le dimanche, que vous le vouliez ou non. Nous avons donc voulu autoriser le travail dominical, lorsque c'est nécessaire, pas de la même manière en Picardie et à Marseille.
Vous voulez tout casser, tout fermer. La législation était devenue incompréhensible, et obsolète. Les magasins ouvraient dans l'illégalité, parce que tout le monde en avait besoin. Je songe aux opticiens, qui ne peuvent ouvrir, contrairement aux vendeurs de lunettes de soleil.
Mme Éliane Assassi. - Les Chinois viennent à Paris acheter leurs lunettes de vue ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - La distinction, dans les zones touristiques, entre les établissements qui pouvaient ouvrir et les autres, a été supprimée. Nous avons aussi clarifié la situation juridique dans les zones commerciales. Et les accords de secteur ont fixé un encadrement et des garanties. Faciliter le développement des entreprises, favoriser la consommation et protéger les salariés, nous y sommes parvenus, au prix d'un long travail de concertation. Avez-vous mené une concertation ?
Mme Éliane Assassi. - Mme David l'a dit !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Avez-vous discuté avec les travailleurs, dont vous réduisez le pouvoir d'achat ? On se croirait revenu à l'époque de Mme Aubry avec les 35 heures imposées en force, sans discussion ni concertation ! (Vives exclamations sur les bancs socialistes ; applaudissements sur la plupart des bancs UMP)
Les abords de la cathédrale de Chartres et les promenades de front de mer à Nice ou à Cannes, qui osera dire que ce ne sont pas des zones touristiques ? Douze nouveaux Puce ont été délimités à da demande de maires socialistes, deux à la demande de maires communistes ! (On se réjouit à droite)
Des contreparties ont été accordées aux salariés.
Mme Annie David, rapporteure. - Non !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Qu'allez-vous dire au maire communiste de Gennevilliers ? Je sais que Roland Muzeau est parti pour l'Assemblée nationale... Que direz-vous au maire socialiste de Roubaix, votre collègue ? Au maire de Fleury-Mérogis ? Aux entrepreneurs, aux commerçants ? Nous voulons donner du travail, vous l'interdisez par idéologie. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Vous causez du tort aux salariés : dix-sept mauvaises manières leur ont été portées avec autant de taxes nouvelles dans le PLFSS. Et le texte adopté par la commission illustre votre embarras car vous maintenez les Puce existants. Vous n'êtes pas sûrs qu'aucun de vos amis n'en demandera pas un nouveau demain ! C'est un retour en arrière, au détriment des salariés et de la compétitivité.
Lorsqu'une entreprise se porte mal, les salariés ne peuvent se porter bien. Mais ce texte montre ce que serait une politique de gauche : une simple réaction à ce que nous avons fait : du réalisme, de la souplesse, des garanties. La loi du 10 août 2009 est un point d'équilibre. Le rejet de ce texte serait une garantie pour un quart de millions de salariés ! (Applaudissements sur les bancs UMP ; exclamations à gauche)
M. Ronan Kerdraon. - Après ce discours de campagne électorale, revenons à la réalité du texte.
Depuis plus d'un siècle, le dimanche est devenu le temps du lien social, consacré à la famille, à des pratiques sportives, culturelles, cultuelles ; 84 % de nos concitoyens y sont attachés. Le Conseil économique et social avait rendu en 2007 un rapport refusant de supprimer le principe du repos dominical. Les grandes fédérations de commerçants sont également attachées à ce repos.
Certaines dérogations sont inévitables, nous le savons bien. Ce texte met fin à l'hypocrisie qui prévaut depuis 2009. Les salariés sont volontaires malgré eux, sous la contrainte de mutation ou de licenciement. Je souscris à l'article 2, qui exige un accord écrit.
L'avancée est nette aussi sur les contreparties. Les directions des grandes enseignes y réfléchiront à deux fois avant d'ouvrir leurs portes le dimanche. Les supermarchés ne sont pas des commerces de détail alimentaires.
Les élus sont impuissants face aux effets négatifs de l'ouverture dominicale. À chiffre d'affaires égal, les grandes surfaces emploient trois fois moins de personnes. D'où le critère de la superficie commerciale introduit par la commission.
Le groupe socialiste votera un texte bénéfique pour les salariés ! (Applaudissements à gauche)
Mme Anne-Marie Escoffier. - Lorsque nous avons discuté la proposition de loi Mallié, MM. Fortassin et Mézard avaient dénoncé l'illusion présentant le travail dominical comme une solution à la crise, que nous pressentions dure et longue. Ils ont douté du volontariat et dénoncé l'insuffisance des contreparties.
La loi de 2009 a ses forces et ses faiblesses. Elle s'est adaptée à l'évolution des moeurs : le repos dominical fait place au repos hebdomadaire. Certaines familles profitent de leur temps libre pour faire leurs achats ensemble le dimanche ou simplement vont flâner dans des grandes surfaces. Nombre de salariés n'ont pas d'autre solution, faute de temps en semaine. Nul ne se plaint d'acheter son journal chez son marchand de journaux le dimanche matin. Les enseignes de bricolage, de jardinage et d'ameublement sont aussi des commerces traditionnellement ouverts le dimanche.
Il ne s'agit pas de compromettre la compétitivité de nos entreprises, mais de protéger les salariés. Or, sur ce plan, la loi de 2009 a fait un premier pas d'équilibre... mais plutôt d'équilibrisme.
La présente proposition de loi modifie le dispositif, en s'inspirant du rapport de l'OIT, qui a mis la France en garde, notamment contre l'absence de volontariat dans les Puce. On ne peut que se satisfaire de voir le volontariat garanti, ce qui restaure l'égalité entre salariés. Tout aussi importante est l'exigence d'un accord collectif préalable.
Enfin, le salarié refusant de travailler le dimanche sera protégé !
J'adhère à ces garanties, mais je mets en garde contre une éventuelle rigidité du dispositif.
Les employeurs n'auront-ils pas intérêt à privilégier la compensation dans le temps ? Comment distinguer les activités limitées dans le temps ? Comment ne pas être attentif aux intérêts des petits commerces, qui font la force des zones rurales et des zones urbaines ?
Le groupe RDSE se partagera entre vote négatif, abstention et vote positif. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
Mme Isabelle Debré. - Je suis stupéfaite en voyant les bancs de gauche si clairsemés : celle-ci ne semble pas intéressée par ses propres propositions. Les Français jugeront !
La loi de 2009 a été adoptée après des débats approfondis, pour garantir l'effectivité du repos dominical, tout en adaptant le dispositif de 1906.
Parlementaires et partenaires sociaux avaient discuté pendant des mois de ce texte, validé par le Conseil constitutionnel à l'exception des dispositions applicables à Paris.
Nous sommes tous attachés au repos dominical...
M. Jean-Louis Carrère. - Certains plus que d'autres !
Mme Isabelle Debré. - ...assorti autrefois de nombres dérogations. Aujourd'hui, plus de 6 millions de Français travaillent le dimanche. Ne le refusez pas par dogmatisme.
En 2009, l'opposition...
M. Jean-Louis Carrère. - ...devenue majorité !
Mme Isabelle Debré. - ...a présenté ce texte pour ce qu'il n'était pas, une généralisation du travail du dimanche, comme si nous voulions mettre la France entière au travail le dimanche.
Mme Annie David, rapporteure. - Non ! 250 000 personnes.
Mme Isabelle Debré. - Les faits nous ont donné raison. Le comité de suivi, dont Mme David fait partie, le reconnaît.
Avant la loi de 2009, la situation était incompréhensible dans les communes touristiques. Le Conseil constitutionnel a déclaré la loi conforme au Préambule de la Constitution de 1946, garantissant le droit à la vie de famille et au repos. De même, il a validé les différences de traitement entre Puce et zones et communes touristiques.
Depuis 2009, seules huit communes ont été classées d'intérêt touristique, deux autres ont été classées zones touristiques d'influence exceptionnelle.
Comment pouvez-vous nier la réalité de la négociation collective, à laquelle la loi de 2009 a renvoyé pour les contreparties dans les zones touristiques ? Plusieurs accords comportent des majorations salariales. Toutes les grandes entreprises ont pris leurs responsabilités. Nous n'avons pas créé de zone de non-droit !
J'en viens aux Puce. Certaines zones commerciales ouvrent le dimanche depuis des décennies sur le fondement d'arrêts préfectoraux, qui ont été annulés par les tribunaux. Faut-il rappeler les manifestations des salariés de Plan-de-Campagne, qui voulaient travailler le dimanche ?
Dans les grandes agglomérations, les habitants, en raison de leurs temps de transports quotidiens, ne peuvent faire ce que l'on appelle les achats réfléchis que le week-end.
M. Jean-Louis Carrère. - Pas s'ils travaillent le dimanche !
Mme Isabelle Debré. - Les achats en famille, qui ne sont pas faits le dimanche, ne sont pas reportés en semaine. Il y a un manque à gagner pour le commerce.
Le Conseil économique et social a étudié l'évolution des styles de vie. Dans une société de liberté, les salariés voulant travailler plus doivent pouvoir le faire.
M. Jean-Louis Carrère. - Sans gagner plus !
Mme Isabelle Debré. - Près de la frontière belge, à Lille, il faut prendre en compte le travail dominical en Belgique.
Les préfets n'autorisent les Puce que si des contreparties sont garanties aux salariés par un accord collectif ou un référendum d'entreprise assurant au moins un repos compensateur et une rémunération double. Le volontariat est consacré, et le salarié peut revenir sur son choix.
Le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur pouvait adapter le principe du repos dominical ; il a rappelé que la loi n'aurait aucune incidence sur les procédures juridictionnelles en cours.
La version initiale de l'article 5 tendait à supprimer les Puce existants, mais vous y avez renoncé pour ne pas créer d'insécurité juridique ni faire perdre leur emploi aux salariés. Renonçant à votre dogmatisme initial vous voulez empêcher la création de nouveaux Puce.
Seulement 32 Puce ont été créés, dont douze à la demande de maires socialistes et deux appartenant au parti des auteurs de la proposition de loi.
Mme Annie David, rapporteure. - « Communistes » : vous pouvez le dire. Cela ne vous écorchera pas la gorge !
Mme Isabelle Debré. - Ainsi le maire de Gennevilliers, membre éminent du parti communiste. (On se réjouit à droite) Pourtant, les contreparties sont importantes.
Mme Annie David, rapporteure. - C'est ce que je conteste.
Mme Isabelle Debré. - Même répétée cent fois, une erreur ne devient pas réalité.
Mme Annie David, rapporteure. - Je suis d'accord.
Mme Isabelle Debré. - Le groupe UMP votera contre cette proposition de loi rétrograde. (Applaudissements prolongés au centre et à droite)
M. Hervé Maurey. - Deux ans après la loi Mallié, nous débattons d'un texte illustrant la volonté de défaire ce que nous avons fait.
J'ai voté sans état d'âme la loi du 10 août 2009. J'avais alors proposé de clarifier la situation des zones touristiques : la France est la première destination touristique au monde ; pourquoi peut-on faire ses achats à Rome ou Londres, mais pas à Paris ? À l'époque, je m'étais étonné de la différence de régime applicable aux lunettes de vue et aux lunettes de soleil.
La loi de 2009 n'a pas été le grand soir du travail dominical ; seuls 32 Puce ont été créés, dont plus d'un tiers à la demande d'élus de gauche.
Mais je regrette que les contreparties n'aient pas été harmonisées. Le Gouvernement s'était engagé en 2009 à joindre un bilan des contreparties dans le rapport de la commission nationale de la négociation collective. Nous ne l'avons pas eu ; je réitère donc ma demande.
Cependant, la double rémunération proposée aujourd'hui compromettrait la survie de nombreuses PME et élimine le dialogue social.
Le plus important, c'est le volontariat. C'était le groupe Nouveau Centre qui, à l'Assemblée nationale, avait en 2009 exigé un accord écrit. Vous estimiez à l'époque la chose impossible à appliquer et vous voulez désormais étendre le dispositif...
J'ai interrogé le Gouvernement, par question écrite du 18 novembre 2010, sur la signature des salariés qui n'évite pas forcément les pressions, mais je n'ai pas reçu de réponse.
Mais je ne voterai certes pas la proposition de loi, qui méconnaît les réalités économiques actuelles, encore plus prégnantes qu'il y a deux ans.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Très juste.
M. Hervé Maurey. - Outre son caractère dogmatique, le discours communiste est incohérent, puisqu'il renonce à supprimer les Puce existants... pour ne pas compromettre l'emploi.
Pourquoi ne proposez-vous plus le référendum demandé il y a deux ans ? Et pourquoi ce qui méritait hier un débat national ne justifie plus aujourd'hui qu'une demi-niche parlementaire ? Vous vous souciez moins des salariés que d'affichage politicien !
Mme Annie David, rapporteure. - Propos méprisable !
M. Hervé Maurey. - Le groupe UCR le déplore. Il ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Laurence Cohen. - Pour la première fois depuis le basculement du Sénat, le groupe CRC peut défendre des textes qui garantissent des fondamentaux de justice sociale. Vous opposez à notre dogmatisme votre pragmatisme : nous partons de la réalité, pour l'améliorer ; et nous sommes la nouvelle majorité.
La loi Mallié, que le groupe CRC-SPG avait combattue pour préserver la vie familiale, a remis en cause une conquête sociale. En 2009, le Cese avait estimé que les dérogations au repos dominical ne devaient pas être multipliées.
Or, les Puce ont donné lieu à des abus, avec des ouvertures tardives de nombreuses supérettes, parfois hors des zones touristiques. Je pense aux quatre salariés de Créteil licenciés pour « insubordination ».
Mme Annie David, rapporteure. - C'est la réalité !
Mme Laurence Cohen. - Et je salue la magnifique lutte victorieuse qu'ont menée les salariées d'ED, à Albertville, pendant deux ans. Travailler le dimanche n'est pas un choix... mais trop souvent le seul moyen de gagner quelques euros supplémentaires. D'ailleurs, tous ne perçoivent pas de majoration.
Où est le choix face à une menace de licenciement ?
M. Pierre Hérisson. - Ce n'est pas vrai.
Mme Annie David, rapporteure. - Si, c'est la réalité !
Mme Laurence Cohen. - La politique libérale a développé la précarité et les horaires atypiques dans une France des bas salaires, car seuls quelques-uns s'enrichissent. La plupart des employés sont des femmes, qui subissent une double peine.
Souvent le travail des femmes constitue un laboratoire pour la mise au point de mesures qui sont ensuite généralisées.
Ce texte ne tend pas à empêcher tout travail le dimanche, et nous savons bien que les modes de vie ont évolué mais faire ses courses le dimanche, est-ce un progrès social ?
Deux points sont fondamentaux dans la proposition de loi d'aujourd'hui : le volontariat réel et la double rémunération, accompagnée d'un repos compensateur. Le travail est un droit, le repos dominical aussi !
Les élus communistes sont fiers de cette proposition de loi. Et je précise que sur le terrain ils respectent la loi et font respecter les règles du travail dominical, contrairement à certains élus UMP. (Vives protestations sur les bancs UMP, auxquelles répondent des applaudissements nourris sur les bancs socialistes et CRC)
M. Ronan Dantec. - Les élus d'Europe Écologie Les Verts voteront avec détermination cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Acquis de haute lutte il y a plus d'un siècle, le repos dominical a été mis en cause. « Travailler plus pour gagner plus » est un slogan obsolète, mais nombre de salariés s'en souviennent comme d'une tromperie politique.
Autre scandale de notre société : le nettoyage des locaux des salariés au travail garanti à l'aube ou tard le soir par des salariés encore plus précaires. Ainsi va notre société !
Le Cese a recommandé de ne pas généraliser l'ouverture des commerces.
En 1906, il y a eu une grève générale pour réclamer la journée de huit heures, avant que le Sénat ne vote sous la pression de la rue la loi sur le repos hebdomadaire, en particulier pour les employés de commerce à Paris.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Je n'étais pas née !
Mme Annie David, rapporteure. - L'Histoire commence-t-elle avec vous ?
M. Ronan Dantec. - Le secrétaire des coiffeurs de la CGT évoquait le repos hebdomadaire comme la principale conquête après dix-huit mois de grève pour la journée de huit heures.
Les propriétaires de grands magasins l'ont combattue, invoquant la nécessité pour les travailleurs de faire leurs courses le dimanche : évidemment, avec une journée de travail de dix heures !
Finalement, les salariés n'ont obtenu la journée de huit heures qu'en 1919, la semaine de 40 heures en 1936. Il y a toujours eu un lien entre travail du dimanche et réduction du temps de travail. C'est pourquoi le Gouvernement Fillon s'attaque au repos dominical, parce que la droite veut s'attaquer aux 35 heures et à la durée hebdomadaire du travail.
Les écologistes soutiendront ce texte, pour défendre les acquis sociaux. (Applaudissements à gauche)
Mme Chantal Jouanno. - (Applaudissements) Parlons-nous de la même loi de 2009 ? Nulle part je n'y lis une remise en cause de la loi de 1906.
Dites plutôt que vous voulez détricoter tout ce que le Gouvernement a fait ! En Allemagne, la décision a été transférée aux Länder ; en Suède, le dimanche est un jour travaillé comme les autres. Nous n'irons pas jusque-là.
Le Conseil constitutionnel a reconnu que la loi de 2009 opérait une adaptation nécessaire.
Le préfet de Paris a proposé des ouvertures dominicales boulevard Haussmann par exemple. L'ouverture le dimanche des Galeries Lafayette créerait 2 000 emplois, notamment pour les étudiants.
Mme Annie David, rapporteure. - Quelle ambition pour nos étudiants !
Mme Chantal Jouanno. - La France, dans sa situation, peut-elle se passer des achats touristiques le dimanche ? Nous parlons de la société telle qu'elle est ; vous de celle que vous voudriez.
Vous suspectez systématiquement les entreprises et vous voulez toujours en passer par la loi ; nous, nous voulons en passer par les négociations et le référendum des salariés ! (Applaudissements à droite)
Mme Patricia Schillinger. - Je remercie nos collègues CRC pour leur initiative, car le travail dominical menace la sphère familiale, spirituelle et associative. Il n'est pas la solution pour relancer la consommation et ne crée aucun emploi dans les grandes surfaces, qui menacent les commerces de proximité.
Le volontariat est un leurre.
La loi Mallié a provoqué des distorsions de concurrence, elle repose sur le principe « travailler plus pour gagner autant ». (Vives protestations à droite)
Pas d'emplois supplémentaires, plus de précarité ! à quoi s'ajoute la discrimination entre salariés, selon le lieu de leur travail.
Les salariés qui travaillent le dimanche ne bénéficient toujours pas du doublement du salaire horaire et du repos compensateur.
En avril, l'OIT a infligé un carton rouge à la France au sujet du travail dominical, en particulier à cause de l'extension des dérogations
Plusieurs magasins Franprix sont assignés devant la justice pour ouverture abusive.
En septembre, ED a été condamné à indemniser des salariés abusivement licenciés.
Le texte d'aujourd'hui est essentiel pour assurer la réalité du volontariat, ainsi que les contreparties.
En Alsace, le droit local impose le respect du repos dominical. (Applaudissements à gauche)
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. - Monsieur le ministre, vous avez fait fort !
Au lieu d'un petit coup de maillet, vous avez asséné un grand coup de massue : à vous entendre, nous aurons bientôt supprimé plus d'emplois qu'il n'en existe, alors que nous ne sommes pas au pouvoir.
Vous nous incitez à aller sur le terrain, mais nous en sommes issus, tout comme vous. Nous connaissons le marché du travail.
M. Pierre Hérisson. - Nous aussi.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. - Je ne le conteste pas : nous sommes des élus de terrain.
Vous avez cité le travail des hospitaliers. Mais savez-vous comment les personnes concernées -essentiellement des femmes vivent cette situation ?
Parce qu'elles travaillent le dimanche, faut-il que tous en fassent autant ?
Il faut bien sûr mieux rémunérer le travail du dimanche.
Mais on n'achète pas tout ! Ce ne sont pas les seules rémunérations qu'il faut prendre en compte. Il existe une dysharmonie forte dans les rapports entre salariés et employeurs. Et on accepte beaucoup pour mettre un peu de beurre dans les épinards...
Nous essayons d'améliorer la loi de 2009, vous caricaturez les propositions de loi du groupe communiste. Mais nous sommes toujours à l'avant-garde de la défense des travailleurs et des salariés ! Vous aurez l'occasion, lors de la prochaine campagne électorale, d'expliquer ce que vous voulez faire pour eux, comme nous l'avons fait auprès des élus locaux lors de la campagne sénatoriale. C'est ainsi que nous sommes devenus majoritaires au Sénat ! C'est ainsi que nous aurons la majorité en mai ! (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)
M. Xavier Bertrand, ministre. - Vous parlez de lien social. Mais le « lien social » le plus fort, c'est un travail, un revenu, un pouvoir d'achat garantis, une protection que vous cassez ! (Protestations à gauche) Les Français savent que leur emploi est peut-être menacé par la crise, mais voir qu'il l'est par une proposition de loi communiste, c'est intolérable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce sont vos propos qui sont scandaleux !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Nous ne pouvons pas vous laisser faire ! C'est nous qui avons inscrit le volontariat dans la loi. Et vous dites « non » par principe, sans voir que votre texte va pénaliser les salariés ! Matin, midi et soir, vous faites de l'antisarkozysme, voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
Ce texte n'a rien d'utile pour les salariés. C'est la loi Mallié qui leur est utile, comme elle l'est aux entreprises et au développement économique.
Je précise à Mme Escoffier que le bricolage est exclu.
Mme Annie David, rapporteure. - Non, plus depuis la loi Mallié ! Pas dans les Puce et les zones touristiques !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Lorsque l'on veut légiférer, au moins faut-il savoir de quoi on parle. Votre texte est un recul, vous-mêmes l'avez compris. Votre embarras est patent. Un écran de fumée a été déployé en 2009 par l'opposition de l'époque, Mme Debré l'a montré. Et la confusion demeure sur les communes touristiques : parce que vous n'avez pas les idées claires, vous en avez derrière la tête. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les bancs UMP) pour vous, le défaut majeur de la loi de 2009, c'est d'avoir été votée par la majorité UMP et les centristes.
M. Maurey demande un bilan de la négociation collective. Il a été établi, je vous le transmettrai. Il montre que les enseignes comme Décathlon, Boulanger ou Kiabi cumulent volontariat et augmentation significative, voire doublement des salaires.
Madame Cohen, nous n'avons pas la même conception de la justice sociale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En effet ! Vous, c'est l'injustice sociale !
M. Xavier Bertrand, ministre. - L'accès à l'emploi et la protection sont des mots que vous utilisez volontiers, mais pour les mettre en application, c'est une autre histoire ! Si la justice a pu condamner ED, c'est grâce à la loi de 2009. Au nom de quelle règle, du reste, dirait-on quel service est socialement utile et quel autre ne l'est pas ? Allez-vous interdire aux gens d'acheter leur pain le dimanche comme ils le font jusqu'à présent ? Vous êtes profondément conservateurs ! (Protestations à gauche ; applaudissements à droite)
Mme Annie David, rapporteure. - Laissez-moi vous répondre, je ne puis vous laisser dire de telles contrevérités !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Quant aux 35 heures, les ouvriers et employés en sont les principales victimes, qui ont vu leur salaire bloqué pendant de longues années ! (Applaudissements à droite)
Mme Annie David, rapporteure. - Mensonges !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Que sont devenus avec les 35 heures le pouvoir d'achat, la valeur travail ? (Exclamations à gauche) C'est la réalité ! Vous n'avez pas entendu les messages de 2002 et de 2007 ! Vous n'avez jamais rien fait pour les ouvriers et les employés ! (Vives protestations à gauche ; applaudissements à droite)
Mme Annie David, rapporteure. - Vous êtes au Parlement, pas dans un meeting UMP !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Mme Jouanno a fait une suggestion : demander leur avis aux salariés ; chiche ! Combien de maires socialistes ou communistes ont demandé des Puce ? (Huées à gauche)
Mme la présidente. - Monsieur le ministre, Mme la rapporteure souhaiterait vous interrompre. (Vives protestations à droite)
M. Xavier Bertrand, ministre. - Je n'ai jamais interrompu un orateur ; je termine...
Un échec économique et social, madame Schillinger ? C'est la proposition de loi qui en signerait un ! Une même règle pour tous ne vaut pas -sinon la négociation collective ne servirait à rien. Vous employez la même méthode que pour les 35 heures...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Boniments !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Un travail habituel ou occasionnel sacrifie-t-il la vie de famille ? Quelque 6,5 millions de personnes travaillent le dimanche. Bien des personnes souhaitent travailler le dimanche, par exemple quand l'autre parent a la garde des enfants ce jour-là. La loi doit leur permettre de choisir. (Applaudissements à droite) Et toujours cette vieille lune du partage du travail...
La majorité sénatoriale est ici à l'avant-garde du programme de la gauche. (Exclamations à gauche) Mais quand on entre dans le concret, les choses sont plus difficiles que pendant les débats de la primaire ! Êtes-vous à ce point irréalistes ou cyniques ? Un quart de million de Français sont menacés dans leur emploi ! Nos compatriotes ne veulent pas du formidable recul social que vous voulez leur imposer ! (Applaudissements à droite ; vives protestations à gauche)
Mme Annie David, rapporteure. - Je m'étonne que les sénateurs UMP ne se lèvent pas pour applaudir davantage (les intéressés se lèvent et applaudissent), car on se croirait à un meeting UMP de campagne présidentielle. (Applaudissements à gauche)
Je pensais que nous discutions une proposition de loi dans le cadre de la niche parlementaire.
Mme Catherine Troendle. - C'est ce que nous faisons !
Mme Annie David, rapporteure. - Je ne comprends pas la longueur des propos du ministre -plus d'une heure au total depuis le début... (Vives protestations sur les bancs UMP)
Chers collègues, vous êtes décidément furieux d'avoir perdu la majorité dans notre assemblée ! (Applaudissements à gauche) Votre agitation tend juste à empêcher le débat. Je n'entrerai pas dans votre jeu et répondrai à vos arguments, si aisément démontables, amendement par amendement.
La France a 65 millions d'habitants. Pourquoi 250 000 Français ne pourraient accéder au repos dont nous bénéficions ? Le pouvoir d'achat diminue, si vous achetez un canapé le dimanche, vous ne retournerez pas en acheter un second en semaine. Vos arguments sont ridicules ! (Exclamations à droite) Avec les Puce et la loi Mallié, vous voulez promouvoir la consommation le dimanche, pour généraliser ensuite le travail dominical quand les habitudes seront prises. (Exclamations sur les bancs UMP)
La discussion générale est close.
(Sur les bancs de droite, on scande « Rappel au Règlement »)
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°2, présentée par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical (n° 90, 2011-2012)
Mme Catherine Procaccia. - (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous avons demandé des rappels au Règlement.
Mme la présidente. - C'est moi qui préside !
Mme Catherine Procaccia. - Avant de défendre la motion, je veux faire un rappel au Règlement, pour que nous puissions ensuite débattre plus sereinement.
Interrompre le ministre n'est pas dans nos usages, vous pouviez attendre, madame David, qu'il ait fini. Et vous faites tant de bruit pendant qu'il parle que vous empêchez vos collègues de l'entendre. (Protestations à gauche)
Mme Annie David, rapporteure. - Étiez-vous silencieux pendant que je parlais ?
Mme Catherine Procaccia. - Le législateur a pris acte en 2009 des évolutions sociales et économiques. Vous remettez aujourd'hui le droit au libre choix de travailler le dimanche et contestez même les décisions du Conseil constitutionnel, qui a validé la loi de 2009. On fait le dimanche des achats importants, et souvent en famille, que l'on n'a pas le temps de faire en semaine. Une loi vieille de plus d'un siècle peut avoir besoin d'être rafraichie ! La vraie question n'est pas celle du repos dominical, mais celle de la liberté : liberté du commerce, du consommateur, du salarié.
M. Jean-Jacques Mirassou. - La liberté du poulailler !
Mme Catherine Procaccia. - À Moscou, tout est ouvert sept jours sur sept et souvent 24 heures sur 24 !
Mme Annie David, rapporteure. - La Russie de Poutine serait donc communiste ?
Mme Catherine Procaccia. - Laissez le choix aux gens ! (Applaudissements à droite)
L'article 2 relatif aux garanties récrit les dispositions du code du travail, qui institue déjà la majoration salariale et le repos compensateur. Tout comme les autres garanties introduites dans votre proposition de loi, l'obligation d'un accord écrit des salariés n'apporte rien au droit actuel.
Le volontariat est la base du travail dominical, le salarié étant prioritaire pour un poste ne comportant pas de travail dominical. La loi a été mise en oeuvre dans le cadre d'accords de branche ou d'entreprise -les partenaires sociaux et le Cese ont été écoutés.
Le travail dominical n'a nullement été généralisé ; son extension est limitée et encadrée ; les droits individuels des salariés n'ont jamais été sacrifiés. Il serait grave de revenir dessus pour les communes touristiques ou thermales. Les zones concernées sont définies par référence au code du travail.
Le Conseil constitutionnel a estimé que les dérogations introduites prenaient en compte l'évolution des modes de vie, sans méconnaître le Préambule de 1946. Il a validé les Puce et reconnu la précision de la rédaction, qui évite toute équivoque au détriment des salariés. Quant à l'extension à tous les commerces dans les communes et zones touristiques, il a jugé que le législateur avait fait usage de son pouvoir d'appréciation ; si le maire le demande, le préfet peut autoriser tous les commerces à ouvrir le dimanche, selon des critères économiques précis et avec des contreparties. Le Cese a mis l'accent sur les nouveaux comportements de consommation dans les grandes agglomérations.
Le « protocole Larcher » de 2009 organise une concertation avec les partenaires sociaux avant toute proposition de loi à caractère social. Mme David s'en est exonérée...
Mme Annie David, rapporteure. - Lisez le rapport !
Mme Catherine Procaccia. - ...parce que l'adoption de cette proposition de loi aurait des effets désastreux pour notre pays, parce que le Conseil constitutionnel a estimé que la loi de 2009 ne portait aucune atteinte au principe d'égalité ni aux droits des salariés, parce que la consultation des partenaires sociaux a été négligée, je demande au Sénat d'adopter cette motion. (Applaudissements à droite)
Mme Annie David, rapporteure. - Nous revenons sur une loi récente ? La loi Fourcade n'est-elle pas revenue en 2011 sur la loi HPST de 2009 ? Et je ne parle pas des collectifs...
Notre proposition de loi prend en considération les problèmes liés à l'application de la loi Mallié, qui n'est pas un texte d'équilibre -à preuve, la division au sein de la majorité UMP à l'époque, sur ce texte adopté à quelques voix de majorité.
M. Alain Gournac. - Il a été voté !
Mme Annie David, rapporteure. - L'ensemble des organisations de salariés sont contre, la CGPME et l'UPA sont très réservées : où est le point d'équilibre, sinon dans notre texte ?
Avec la loi Mallié, les magasins de bricolage peuvent ouvrir comme les autres dans les zones touristiques, sans volontariat ni majoration salariale ni repos compensateur. Elle organise une discrimination entre salariés des zones touristiques et ceux des Puce. Quant au volontariat, il se heurte en pratique au lien de subordination entre salariés et employeurs.
Madame Jouanno, je déplorerais que des étudiants travaillent le dimanche, alors que leurs amis plus aisés n'y sont pas contraints... (Applaudissements à gauche ; exclamations sur les bancs UMP)
La droite était unanime contre les emplois-jeunes, mais quel maire de droite n'y a pas eu recours ? Cessez de nous jeter à la figure les Puce demandés par des élus de gauche !
Le rapport du comité de suivi est disponible (l'oratrice le brandit) je vous conseille à tous de le consulter ; on y lit que le nombre d'emplois concernés est largement surestimé...
Madame Procaccia, il n'est pas correct de dire que je n'ai pas consulté les organisations syndicales : lisez mon rapport ! Dès lors que les organisations ne souhaitent pas de nouvelles négociations, dois-je les imposer ? M. Mallié, lui, n'avait lancé aucune concertation ; il s'était seulement rendu à Plan-de-Campagne, dans sa circonscription ! (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Bertrand, ministre. - Personne ne peut être ici le porte-parole des organisations syndicales, mais si la CGT et la CFTC sont sans surprise contre le travail du dimanche, ce que vous dites de la réponse de la CGPME ne correspond pas à la réalité. Page 61 de votre rapport, on peut lire qu'elle ne souhaite aucune modification et demande au contraire que les conditions du travail dominical restent négociées au sein de chaque entreprise...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Tiens, tiens !
Mme Annie David, rapporteure. - Vous n'avez pas tout lu !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Aller sur le terrain évite de commettre des erreurs... À Plan-de-Campagne, j'ai vu des responsables syndicaux qui tiennent un autre discours que vous. Votre texte marquerait un formidable retour en arrière. Dans une entreprise du Val-d'Oise, où je me suis rendu avec une élue ancienne secrétaire d'État de M. Jospin, on dit la même chose ; cette entreprise a été sauvée par la loi Mallié. Si tous ces commerces se développent, c'est bien qu'on en a besoin.
Votre contribution au rapport du comité de suivi, madame David, montre qu'en réalité vous voulez revenir à l'interdiction pure et simple du travail dominical.
Mme Annie David, rapporteure. - Oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Et quand vous dites qu'il y a plus de femmes que d'hommes au travail le dimanche, c'est faux.
On ne légifère pas avec des slogans. Je suis favorable à la motion n°2.
Mme Muguette Dini. - Les termes de la proposition de loi me posent problème. Quoi qu'on pense, le repos dominical est associé à la messe du dimanche. (« Non ! » à gauche) Et on y va de moins en moins...
M. Alain Gournac. - Sauf les communistes.
Mme Annie David, rapporteure. - La liberté de culte ne nous gêne pas !
Mme Muguette Dini. - Le repos hebdomadaire est une notion plus adaptée à notre temps. Le travail du dimanche peut être intéressant pour l'organisation de la vie familiale, pour les parents divorcés dont le conjoint garde les enfants. Et il y a d'autres exemples.
À vous entendre, il y aurait les pauvres salariés et les méchants clients qui consomment le dimanche. Mais ce sont les mêmes ! Enfin, promenades en famille, loisirs culturels, jeux éducatifs : vous décrivez un dimanche idyllique, alors que tant d'enfants passent cette journée devant un écran, car les parents fatigués ou démunis ne peuvent assumer leur rôle.
Vous voulez tout réglementer ! Laissez les gens respirer ! (Applaudissements à droite) La loi de 2009 est une bonne loi. Je voterai la motion. (Applaudissements à droite)
M. Ronan Kerdraon. - Quel changement depuis septembre ! Vous ne cessez de caricaturer nos initiatives (rires sur les bancs UMP), avec la suffisance de qui a certitudes et rancoeur. Vous assénez des chiffres extravagants pour affoler l'opinion !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Ce n'est pas nécessaire !
M. Ronan Kerdraon. - Il y a des petits relents d'avant 1981... (Marques d'approbation sur les bancs socialistes) Vous avez caricaturé avec démagogie notre PLFSS, vous accumulez les contrevérités. Vous vous transformez en Fouquier-Tinville : plus l'échéance approche, plus vous avez peur. Derrière chaque salarié un fraudeur, que dis-je, un voleur ! Sachez que votre attitude méprisante ne fait que renforcer notre volonté de proposer une alternative à votre politique de régression sociale.
Nous rejetons la motion. (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Kammermann. - La question a été abordée il y a tout juste deux ans...
Mme Annie David, rapporteure. - La loi HPST aussi.
Mme Christiane Kammermann. - Une nouvelle proposition de loi est présentée avec son lot de réactions et son flot de passions. Il n'y a eu pourtant encore aucun bilan ! À entendre certains syndicats, il faudrait tout remettre à plat des critères et des compensations pour déroger au repos dominical, qui doit, lui, rester un repère social pour vivre décemment en société.
En 2011, les modes de vie ne sont pas ceux de 1906, non plus que le travail ou la vie de famille -bien que je déplore l'augmentation des divorces. Nombre de Français souhaitent faire leurs courses le dimanche ; certains étudiants peuvent acquérir dans ces emplois un début d'autonomie financière et une première expérience professionnelle. Que certains invoquent la structure familiale me réjouit, mais certains Français préfèrent travailler le dimanche.
Dommage que cette proposition de loi tende à faire prévaloir une vision de la société, au lieu de laisser la liberté aux Français.
Mme Annie David, rapporteure. - Ils ne l'ont pas.
Mme Christiane Kammermann. - Travailler ou non le dimanche relèverait de la lutte des classes contre l'horrible capitalisme, certains patrons terrorisant leurs salariés. (Rires à gauche) Hors de France, le travail dominical ne contredit pas les valeurs sociales, familiales ou religieuses. La loi de 2009 tendait à régulariser certaines pratiques en protégeant les salariés ; sans compromettre le principe même du temps dominical. Gardons-nous de la caricature !
La loi de 2009 devait régulariser certaines pratiques qui avaient pris une longueur d'avance sur la légalité. Le législateur doit aussi tenir compte des modifications des rythmes et habitudes de vie. Après avoir travaillé même le dimanche, les deux assemblées parlementaires ont voté la loi Mallié.
Je voterai la question préalable contre cette proposition de loi purement politicienne. Nous ferions mieux de travailler tous ensemble sur d'autres sujets urgents. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Xavier Bertrand, ministre. - (On s'exclame « Encore ! » sur les bancs CRC)
Monsieur Kerdraon, il est possible de s'exprimer sans s'injurier. « Arrogance », « suffisance », « mépris », dites-vous. De quel côté sont l'arrogance et la suffisance quand un candidat socialiste se prévaut comme le prochain président de la République ?
M. Jean-Jacques Mirassou. - Hors sujet !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Les Français n'aiment pas qu'on leur dise « Circulez, il n'y a rien à voir. Les élections sont faites ! ». (Vives protestations à gauche) Vous avez parlé de 1981. Que n'avez vous pas promis alors ! Mais cela n'a pas duré deux ans. La réalité d'aujourd'hui, c'est que cela ne durerait pas huit jours. Vos propositions sont un véritable danger pour les Français !
Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi. - Je savais que le travail dominical passionnait, mais je ne pensais pas qu'il susciterait la haine. (Exclamations sur les bancs UMP)
M. le ministre a tenté de discréditer notre proposition de loi en citant une rédaction initiale. Il est étrange que vous méconnaissiez le travail parlementaire : le rôle de la commission est bien, en l'affaire, de perfectionner la rédaction initiale.
Vous tentez de faire croire que nous irions contre les salariés.
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est le cas.
Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi. - Dites-nous alors combien d'emplois ont été créés par la loi Mallié. Combien parmi eux de précaires ?
Vous avez dit que les contreparties étaient importantes, mais le surcoût de rémunération, chez Dia à Albertville par exemple, est de cinq euros.
Mme Éliane Assassi. - À peine de quoi payer le sandwich.
Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi. - C'est cela votre « contrepartie importante » ? À Plan de campagne, la majoration est limitée à 25 %.
M. Bruno Gilles. - C'est faux !
Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi. - Regardez l'accord qui a été signé !
M. Bruno Gilles. - Je l'ai là, regardez ! (Le geste est joint à la parole, un document est brandi avec insistance)
Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi. - Ce qui compte pour vous, ce n'est pas l'égalité des salariés, c'est l'égalité des commerçants.
Nous réduisons le pouvoir d'achat ? L'argument est audacieux, venant de ceux qui portent sans cesse atteinte au pouvoir d'achat via les franchises médicales, les taxes sur les mutuelles, les nouvelles journées de carence, la hausse de la TVA.
Si nous proposions la suppression des Puce existants, vous nous accuseriez de dogmatisme. Voulez-vous que les jeunes de notre pays subissent le travail précaire ?
Nous voterons contre la motion.
M. Xavier Bertrand, ministre. - À Albertville, il y a un accord. La majoration atteint 30 %, mais le travail est habituellement limité à une demi-journée.
Mme Annie David, rapporteure. - Êtes-vous allé à Albertville ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - J'ai rencontré l'inspecteur du travail.
Mme Annie David, rapporteure. - Pas les salariés ! Vous avez refusé de les voir !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Avec votre loi, les salariés perdront 35 euros, pas 5.
Le rapport de M. Méhaignerie évalue entre 9 000 à 10 000 le nombre de salariés concernés par les Puce créés, dont 1 000 à Plan-de-Campagne qui, sans la loi Mallié, aurait disparu ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. François Fortassin. - Que de turbulences ! Certains découvrent les délices de l'opposition, d'autres les contraintes de la majorité. Pourrai-je rétablir la sérénité ? (Sourires)
Notre groupe votera presque à l'unanimité contre la motion : le travail de la commission a été fait, le débat doit se poursuivre, serein.
Défendre la liberté de travailler le dimanche, c'est défendre le renard libre dans le poulailler libre. (Applaudissements à gauche)
Monsieur Gilles, je peux brandir des documents compromettants ! (Rires) Certains salariés du dimanche ne sont pas mieux payés qu'en semaine. (Applaudissements à gauche) Gardons un peu de mesure, nous sommes tous responsables ; l'État ne réussit pas à imposer les gardes dans certains déserts médicaux, mais il protège sans problème les vendeurs de casseroles. (Applaudissements à gauche)
Ne mettons pas tout dans l'idéologie, il y a des arguments valables des deux côtés. Pour ma part, je suis toujours du côté des travailleurs, qui sont trop souvent maltraités.
À la demande de la commission, la motion n°2 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l'adoption | 166 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements à gauche)
M. François Trucy. - J'espère que M. Guérini a bien voté !
La séance, suspendue à 17 h 55, reprend à 18 heures.
Rappel au Règlement
Mme Isabelle Debré. - Je ne sais pourquoi, madame la présidente, vous m'avez refusé tout à l'heure la parole pour un rappel au Règlement, qui est pourtant de droit.
Mme la présidente. - C'est simplement que je ne vous avais pas entendue.
Mme Isabelle Debré. - Mon rappel au Règlement est fondé sur l'article 40 : je voulais m'élever contre le manque de respect envers le ministre.
Jamais il n'y a eu pareille ambiance au Sénat en 2009. Il avait alors fallu deux jours de débat, animé certes mais dans le respect des personnes. Malgré les 80 explications de vote faites par des orateurs de gauche, la majorité de l'époque ne s'est jamais comportée comme fait la majorité actuelle. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Renvoi en commission
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par Mme Debré et les membres du groupe UMP.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical (n° 90, 2011-2012).
Mme Isabelle Debré. - Le renvoi en commission s'impose en raison de la précipitation dans laquelle ce texte est présenté. Le protocole Larcher exige une concertation préalable avec les partenaires sociaux, avant discussion parlementaire de tout texte social. L'auteur de la proposition de loi doit les contacter, au moins par écrit, mais l'inscription à notre ordre du jour a précédé l'arrivée du courrier aux partenaires sociaux ! J'ai la preuve de ce que j'affirme.
Je déplore que le président du Sénat cautionne une telle méthode, au prétexte que nous sommes « dans une forme de transition ». Transition vers quoi ? Vers moins de concertation et de démocratie ? Mme la rapporteure a certes envoyé les courriers mais ne s'inquiète pas de ne pas avoir reçu toutes les réponses ; elle n'a pas eu le temps d'auditionner les partenaires sociaux. C'est pour le moins inattendu. Mais enfin, si la commission a manqué de temps, il faut reporter à plus tard le débat en séance publique.
M. Rémy Pointereau. - Un dimanche ! (Sourires sur les bancs UMP)
Mme Isabelle Debré. - Mme David a jugé que devait suffire la très large concertation réalisée en 2009. Il est vrai que j'avais procédé à de nombreuses auditions, mais la question est désormais de tirer une leçon de ce qui se passe sur le terrain. A-t-on généralisé le travail dominical ? J'ajoute que nous comptons beaucoup de nouveaux sénateurs, qui souhaitent disposer de tous les éléments pour se prononcer.
Le travail de la commission ne se limite pas à celui de son rapporteur. Le rapport est adopté par la commission. Mais il fallait avancer au plus vite, dans la perspective de la présidentielle. Moyennant quoi le texte initial est parsemé d'erreurs et d'invraisemblances.
Mme Annie David, rapporteure. - Seuls ceux qui ne font rien ne se trompent jamais.
Mme Isabelle Debré. - Ceux qui vont trop vite se trompent beaucoup ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
En se référant au code du tourisme et non au code du travail, c'est 3 500 communes qui étaient concernées, au lieu de 575 ! La version initiale tendait à supprimer tous les Puce existants. Heureusement, Mme David a proposé d'y renoncer pour ne pas compromettre l'emploi des salariés travaillant le dimanche.
Incontestablement, la loi du 10 août 2009 a posé un socle de garanties qui a conforté la situation des salariés concernés. Lorsqu'elle a été discutée, l'opposition a obtenu la création d'un comité de suivi, avec trois parlementaires de la majorité et trois de l'opposition. Ce comité devait dresser un bilan de la mise en oeuvre de la loi. Pourquoi vous empresser de légiférer, avant même la publication de ce rapport ? Parce que vous repoussez en bloc le travail du dimanche.
Grâce au président Méhaignerie, le rapport du comité nous a été distribué ce matin. Je vous en présenterai les principaux éléments. Aucune multiplication des classements en commune touristique n'a été enregistrée, avec 22 demandes, dont trois refusées pour des communes de Seine-et-Marne proche du parc Disney -preuve que l'examen des dossiers est rigoureux. En pratique, plusieurs accords d'entreprise sur le travail dominical ont harmonisé les contreparties, quels que soient le lieu de travail et le régime dérogatoire.
Seulement 31 Puce ont été créés, le premier à Plan-de-Campagne. (On marque, à gauche, que l'on ne s'en étonne guère) Tout l'éventail politique est représenté par les communes demanderesses. Les arrêtés de classement montrent que les préfets vérifient l'ensemble des critères définis par la loi : l'usage de consommation dominicale, l'importance de la clientèle du dimanche, la situation et les moyens d'accès des zones commerciales, la délimitation du périmètre. En majorité, les accords collectifs comportent le doublement de la rémunération.
S'agissant des décisions unilatérales de l'employeur, 399 demandes de dérogations ont été recensées au 1er juin 2011. L'employeur est tenu d'octroyer un salaire double et un repos compensateur équivalent à la durée du travail dominical.
Les salariés ne souhaitant plus travailler le dimanche pourront le faire, sous réserve d'un préavis. Ainsi en va-t-il dans les accords conclus par les sociétés Kiabi Europe et Décathlon. L'accord de la société Cultura prévoit que, dans les établissements ouvrant tous les dimanches, le document permettant au salarié de faire savoir s'il est volontaire devra comporter un paragraphe précisant la possibilité de modifier le choix opéré ainsi que la démarche à suivre.
Mme Annie David, rapporteure. - Votre temps est dépassé.
Mme Isabelle Debré. - Il est toujours possible d'améliorer localement les droits des salariés ! On peut faire confiance aux partenaires sociaux pour assurer la réalité du volontariat. Le rapport du comité de suivi est éloquent : l'application de la loi est équitable. (Applaudissements à droite)
Mme Annie David, rapporteure. - Mme Debré a montré qu'en améliorant la proposition de loi, notre commission a bien travaillé. Le renvoi est donc inutile. (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Bertrand, ministre. - La suppression des Puce porterait aussi sur douze communes socialistes et deux communes communistes. Il a fallu la correction exprimée par la commission pour l'éviter.
Mme Annie David, rapporteure. - Elle a donc bien travaillé.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Sans la suppression de la référence au code du tourisme, presque toute la France aurait été concernée par le travail dominical.
Pour les salariés de Plan-de-Campagne, il y a une vraie différence, entre la perte de l'emploi, avec vous, et son maintien, grâce à la loi Mallié.
Le comité de suivi félicite le Gouvernement pour la rapidité avec laquelle il a publié les textes d'application. Le premier Puce a été créé dès novembre 2009.
Mme Annie David, rapporteure. - Pour Plan-de-Campagne, bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Vous préféreriez la mise au chômage de ses 1 000 salariés ? Remarquez que je ne parle pas des consommateurs mais des salariés, qui empochent ainsi un salaire complémentaire.
Le comité constate qu'il n'y a pas eu explosion de la demande : seulement huit nouvelles communes ont fait valoir leur intérêt touristique. La lecture des arrêtés de classement montre que l'instruction des demandes a été rigoureuse. Le comité appelle les partenaires sociaux à négocier de bonne grâce et il constate la réalité de la protection dont bénéficient les salariés.
C'est un comité parlementaire qui dit cela, pas le Gouvernement !
Si recul il y a, il sera imputable à votre texte. C'est pourquoi je soutiens le renvoi en commission.
À la demande de la commission, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l'adoption | 165 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements à gauche)
Rappels au Règlement
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je veux faire un rappel au Règlement.
M. Philippe Dallier. - Sur quel fondement ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'article 36. Je regrette la hargne de nos collègues de droite, qui ont multiplié les attaques ad hominem, l'agitation et l'agressivité, comme si nous étions dans un meeting de l'UMP. Tout cela pour défendre une politique de chômage, de bas salaires et d'emplois précaires !
M. Michel Delebarre. - Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La procédure a été respectée, le délai de deux semaines pour la consultation des partenaires comme les autres.
Intéressez-vous plutôt au fond !
M. Hervé Maurey. - Rappel au Règlement sur le même fondement. Que va devenir le texte sur les ouvrages d'art ? Il y a un problème d'organisation du travail depuis le changement de majorité... (Applaudissements sur les bancs UMP ; protestations à gauche)
Après quatre heures de débat sur la proposition de loi relative au travail du dimanche au lieu des deux prévues, nous n'avons pas encore commencé la discussion des articles.
Quelle mauvaise gestion du travail depuis septembre ! Souvenez-vous des péripéties autour de la proposition de loi Sueur. Je suis préoccupé par ces méthodes. Si c'est cela la nouvelle gouvernance !
Le travail en commission a été bâclé.
Mme Annie David, rapporteure. - Non : elle a perfectionné le texte !
M. Hervé Maurey. - Une partie de mon groupe était prête à adopter le texte sur les ouvrages d'art, en dépit du travail déjà bâclé en commission. Aujourd'hui le temps est écoulé... Quand allons-nous y revenir ?
Mme la présidente. - Je vous propose de renvoyer à la Conférence des présidents qui va se réunir à 19 heures le soin de trouver une solution.
M. Philippe Dallier. - Rappel au Règlement sur l'utilisation des rappels au Règlement. Madame Borvo Cohen-Seat, vous êtes très forte pour exposer votre point de vue à l'occasion de prétendus rappels au Règlement. Épargnez-nous le et nous gagnerons du temps.
M. François Rebsamen. - Il est paradoxal d'accepter l'ordre du jour en Conférence des présidents, pour le contester en séance publique.
Nous sommes ici pour échanger et pour débattre. Lorsque nous étions dans l'opposition, nos propositions de loi n'attiraient personne sur vos bancs ; seul un scrutin public final compensait cette désertion de l'hémicycle.
Faisons vivre la démocratie, dans le respect. Nous avons entendu le ministre défendre longuement ses arguments, les auteurs de la proposition aussi : quoi de plus normal ?
Pendant l'examen du PLFSS l'an dernier, le changement de Gouvernement a complètement désorganisé notre travail...
Mme Annie David, rapporteure. - Je demande à M. Maurey de modérer ses propos. Je n'accepte pas qu'il prétende que nous avons bâclé notre travail. Nous avons examiné chaque amendement. Les membres de l'UMP n'ont pas voulu y prendre part. C'est leur choix. Avoir amélioré le texte initial est à l'honneur de notre commission. Retirez vos propos ! Le travail a été mené correctement. Il est inadmissible de prétendre le contraire.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Souffrez que nous pensions différemment !
Mme Isabelle Debré. - Non, le travail n'a pas été accompli correctement. Aucune audition n'a eu lieu.
Mme Annie David, rapporteure. - Pour la loi Mallié non plus !
Vos propos sont mensongers et méprisants pour les collègues de la commission.
Mme Isabelle Debré. - Le travail en commission n'a pas été fait correctement : aucune audition, pour un problème de société aussi important. Comme on nous avait annoncé que l'avis serait défavorable à nos amendements de suppression, nous ne voyions donc pas l'intérêt de débattre.
J'ai été une rapporteure heureuse de la loi de 2009, discutée devant un hémicycle presque comble, dans le respect et sans invectives comme aujourd'hui... (Applaudissements à droite)
M. Xavier Bertrand, ministre. - M. Rebsamen l'a dit : on a pris le temps aujourd'hui, comme sur le PLFSS, dont l'examen s'est achevé à 3 heures du matin.
Je ne dirais rien de l'organisation du travail en commission mais il a permis que la facture ne soit encore plus salée pour les salariés : 250 000 au lieu de 260 000 seront concernés.
Mme la présidente Borvo a parlé de hargne, d'agressivité, mais si ce texte est adopté en l'état, vous devrez affronter la colère des salariés.
Vous avez voté dans le PLFSS la suppression des exonérations de charges sur les heures supplémentaires : 9 millions de salariés sont visés.
Dans les zones touristiques, chaque salarié concerné verra son revenu amputé d'au moins 250 euros par votre texte, qui opère un scandaleux recul.
C'est pourquoi j'espère qu'il ne sera pas adopté. (Applaudissements à droite)
M. François Rebsamen. - Rappel au Règlement, puisque le ministre m'a cité !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Ce n'est pas un fait personnel...
M. François Rebsamen. - Deux conceptions différentes s'affrontent ici... et cela n'ira pas en s'arrangeant dans les mois à venir.
Pour nous, l'article premier de la loi Tepa est une erreur économique, majeure en ce temps de crise, car il empêche de lutter contre le chômage.
Nous allons continuer à déposer des propositions de loi pour aller vers la justice fiscale et sociale. Nous le ferons respectueusement mais fermement. Mais peut-être devons-nous mieux maîtriser nos interventions, dans leur durée.
M. Xavier Bertrand, ministre. - La justice sociale et la justice fiscale sont mises à mal par la nouvelle majorité sénatoriale ! Monsieur Rebsamen, vous êtes pragmatique, dit-on, dans votre ville, pourquoi ne l'êtes-vous pas ici ? On ne recrutera jamais une personne pour quelques heures de travail supplémentaire. Le travail n'est pas un gâteau qui se partage comme le pensaient les tenants des 35 heures qui ont failli tuer l'économie française.
Ce ne sont pas des millionnaires qui font des heures supplémentaires, mais des ouvriers et des employés qui ne prennent le travail de personne, alors que les 35 heures leur ont déjà interdit de gagner plus.
Votre esprit de revanche est déplaisant. Vous n'êtes cependant pas encore aux affaires, car les Français commencent à ouvrir les yeux ! (Applaudissements à droite)
M. Didier Guillaume. - Merci, madame la présidente de la commission. On peut, au Sénat, déposer des textes et en débattre.
Mme Isabelle Debré. - Dans le respect !
M. Didier Guillaume. - Il n'est pas le monopole d'un camp !
Nous n'avons pas d'esprit de revanche. Si une nouvelle majorité arrive aux affaires, ce ne sera pas pour détricoter vos lois, mais pour retisser du lien social et remettre de la justice. (Protestations à droite) Nous n'avons pas fait les mêmes choix politiques. Avec cette proposition de loi, nous pensons à tous les salariés obligés de travailler le dimanche sans gagner plus.
Nous ne voulons pas interdire le travail du dimanche, mais empêcher qu'il ne devienne la règle.
Nous devrons saisir la Conférence des présidents de la façon dont se déroulent les débats dans les espaces réservés, car ils décrédibilisent la Haute assemblée -et ce n'est pas l'ombre depuis septembre, contre la lumière avant ! Ne nous faites pas des procès d'intention. Nous avons des responsabilités partagées, chacun est libre de présenter des propositions de loi ! (Applaudissements à gauche)