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Table des matières



Décès d'anciens sénateurs

Cessation d'un mandat de sénateur et remplacement d'un sénateur

CMP (Demandes de constitution)

Dépôt de documents

Dessaisissement de la commission des affaires sociales d'une proposition de loi

Modification à l'ordre du jour

Rappels au Règlement

Intercommunalité

Discussion générale

Renvoi en commission

Débat sur les prélèvements obligatoires

Question prioritaire de constitutionnalité

Renvoi pour avis

CMP (Candidatures)

Débat sur les prélèvements obligatoires

CMP (Nominations)




SÉANCE

du mercredi 2 novembre 2011

12e séance de la session ordinaire 2011-2012

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

Secrétaires : Mme Odette Herviaux, Mme Catherine Procaccia.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Décès d'anciens sénateurs

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) J'ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Roger Lagorsse, qui fut sénateur du Tarn de 1998 à 2004, Michel Giraud, qui fut sénateur du Val-de-Marne de 1977 à 1988, et Guy Robert, qui fut sénateur de la Vienne de 1977 à 1997.

Cessation d'un mandat de sénateur et remplacement d'un sénateur

M. le président.  - En application de l'article 23 de la Constitution et de l'article premier de l'ordonnance du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution, M. le président du Sénat a pris acte de la cessation le 1er novembre 2011, à minuit, du mandat de sénateur de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, qui avait été proclamé sénateur de la Meuse à la suite des opérations électorales du 25 septembre 2011.

Conformément à l'article 32 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître qu'en application du code électoral M. Claude Léonard est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de la Meuse, M. Gérard Longuet. Le mandat de notre collègue a débuté aujourd'hui, mercredi 2 novembre, à 0 heure. Au nom du Sénat, je lui souhaite un bon retour parmi nous.

CMP (Demandes de constitution)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les demandes de constitution de commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d'une part, du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, d'autre part, de la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Dépôt de documents

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) d'Arte France pour la période 2012-2016 ainsi que le rapport annuel sur la mise en oeuvre de la stratégie nationale de développement durable 2010-2013.

Le premier a été transmis à la commission de la culture ainsi qu'à la commission des finances, le second à la commission de l'économie. Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

Dessaisissement de la commission des affaires sociales d'une proposition de loi

M. le président.  - À la suite de la demande de la commission des affaires sociales, qui a souhaité, en raison de l'encombrement de son ordre du jour, se dessaisir de la proposition de loi visant à étendre l'obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité, présentée par Mme Françoise Laborde et les membres du groupe RDSE, cette proposition de loi est envoyée à la commission des lois.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - Par courrier en date du 2 novembre, M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP, a demandé l'inscription à l'ordre du jour du jeudi 8 décembre de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

En conséquence, l'ordre du jour du jeudi 8 décembre est complété et s'établit désormais comme suit :

Jeudi 8 décembre 2011

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe SOC-EELVr :

- Proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non-ressortissants de l'Union européenne résidant en France

De 15 heures à 19 heures :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif

À 19 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

- Proposition de loi visant à faire du logement une priorité nationale présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Rappels au Règlement

M. François Rebsamen.  - Cela fait dix jours que la forêt de La Réunion, patrimoine mondial de l'Unesco, brûle. Le Gouvernement a traîné pour envoyer des avions Bombardier Dash 8. En ce moment même, une partie du patrimoine de La Réunion part en fumée. Notre groupe, et sans doute le Sénat tout entier, exprime sa solidarité à l'égard de La Réunion. (Applaudissements)

Mme Nathalie Goulet.  - Ce week-end, un vote historique de l'Unesco est intervenu. Mon mari avait créé, d'abord à l'Assemblée nationale puis au Sénat, le groupe d'amitié France-Palestine parce qu'il était un artisan passionné de la diplomatie parlementaire.

De nombreux collègues expriment leur satisfaction pour le vote français. Nous souhaitons qu'Israël vive dans des frontières sûres et reconnues, mais les réactions de ce week-end font craindre le pire. Il faut accompagner le processus de reconnaissance de la Palestine comme membre à part entière de la communauté internationale.

Je réitère ma demande d'organisation d'un débat sur la diplomatie parlementaire et je demande au bureau du Sénat la création d'une mission commune de la commission des affaires culturelles et des affaires étrangères pouvant accompagner Israël et la Palestine dans cette nouvelle aventure comme partenaires à l'Unesco, en attendant un siège palestinien aux Nations Unies. (Applaudissements à gauche et sur divers bancs à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Cette nuit, Charlie Hebdo a été victime d'un attentat, alors que ce matin devait sortir un numéro spécial « Charia Hebdo ». C'est la démocratie qui est attaquée. Le débat politique ne peut se régler à coup de cocktails molotov.

Au nom de mon groupe, je veux apporter notre soutien aux journalistes et appeler à la mobilisation pour renforcer la démocratie. Plus que jamais la vigilance s'impose ! (Applaudissements à gauche et sur divers bancs à droite)

M. David Assouline.  - Comme élu du XXe arrondissement, j'ai été alerté cette nuit sur l'attentat perpétré contre les bureaux de Charlie Hebdo.

Nous ne devons pas prendre cet acte à la légère. Charlie Hebdo va pouvoir continuer à travailler en étant hébergé par Libération mais la liberté de la presse et la liberté d'expression ne doivent pas être ainsi menacées. Ce journal satirique n'est pas opposé à une quelconque religion ni aux croyants : il entend pouvoir critiquer tous les pouvoirs religieux.

Je m'associe à ce qui vient d'être dit. Tous mes collègues doivent se montrer vigilants face aux intimidations. Il faut que ce journal continuer à travailler comme il l'a toujours fait. (Applaudissements à gauche)

Intercommunalité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des EPCI, menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Il faut regarder la réalité en face. Nous sommes un certain nombre, et même un nombre certain, à avoir rencontré des élus locaux cet été. Or la réalité que vous connaissez tous, c'est que la réforme territoriale pose de réels problèmes.

M. Alain Gournac.  - Ne les compliquez pas !

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Nous vous proposons des solutions simples. En septembre, j'ai déposé une proposition de loi. Des communes avaient désigné des représentants pour siéger aux communautés de communes. Mais la réforme faisait que certains devaient renoncer à siéger. C'était difficile. En cas d'extension, de fusion de communautés, il faut donc garder les mandats en cours jusqu'aux prochaines élections.

M. Claude Domeizel.  - C'est simple !

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Et je ne vois pas ce que pourraient nous objecter nos collègues.

M. Bruno Sido.  - Vous verrez !

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Deuxième point : MM. Richard et Pélissard souhaitent que l'on puisse légiférer pour repousser le délai du 31 décembre 2011, qui pose problème. Mme Goulet a déposé une proposition de loi allant dans le même sens, Mme Létard aussi. M. le Premier ministre a dit qu'il y était favorable et M. Richert aussi. Mais la date étant inscrite dans la loi, il faut prolonger le délai afin de répondre aux attentes des élus locaux.

Sur le premier point, il ne semble pas y avoir d'opposition.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Non !

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Quant au second point, je rappelle que notre collègue président de l'Association des maires de France a déposé une proposition de loi en ce sens !

M. Alain Gournac.  - Interprétation !

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Troisième point : les syndicats intercommunaux. J'ai été étonné de voir que pendant trois ou quatre mois, les préfets répondaient aux injonctions de M. le ministre de l'intérieur, s'employant à expliquer qu'il fallait supprimer les syndicats.

Il se passe divers événements dans le monde et en France. L'urgence est-elle de supprimer des syndicats de cimetières, de rivières, d'écoles ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Faut-il fusionner les syndicats de rivières quand les communes ne le veulent pas ?

Dans chaque village, il y a une mairie et une école. C'est constitutif de l'esprit républicain. Quand trois ou quatre communes font un syndicat pour gérer l'école et qu'on leur demande de le supprimer, elles ne comprennent pas l'injonction.

Il y a un besoin de proximité. Si on leur enlève leurs compétences sociales, que restera-t-il aux communes ? Si une communauté gère des dizaines de classes, dès qu'il y aura un problème de cantine, d'horaire ou d'absence de personnel, il faudra se rendre au siège de l'EPCI. C'est pourquoi la commission des lois a adopté un amendement de Mme Gourault pour maintenir les syndicats scolaires à vocation sociale. Nous allons débattre, le 15 novembre, de la proposition de loi présentée par Mme Borvo, et que nous avons cosignée avec M. Rebsamen, M. Mézard et d'autres, pour proposer la suppression du conseiller territorial. (Applaudissements à gauche) Nous tenons à ce texte car le conseiller territorial crée la confusion et l'institutionnalisation du cumul des mandats.

M. Bel a préconisé l'organisation des états généraux des élus locaux pour réfléchir à une nouvelle étape de la décentralisation.

Pourquoi ne pas apporter des réponses précises aux attentes des élus locaux ?

Une philosophie guide les différents articles de ce texte : redonner du pouvoir aux élus. L'État a un rôle éminent à jouer mais il est juste que les élus locaux prennent un certain nombre de décisions locales. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Nous avons voté, à l'Assemblée nationale et -pour certains- au Sénat, les lois de 1981, 1982, 1984. Un idéal rentrait dans la réalité. Nous avons mis en oeuvre des libertés locales.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Des fromages !

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Notre projet, c'est de rendre le pouvoir aux élus locaux représentant les citoyens de notre pays. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois.  - Tout d'abord, nous avons besoin d'un état des lieux. Le directeur général des collectivités locales, que j'ai rencontré il y a peu, ne disposait pas d'un tableau synthétique. Nous n'avons qu'une information parcellaire sur l'achèvement de l'intercommunalité. Nous travaillons donc dans l'incertitude. Parfois, les élus locaux sont proches d'un accord, parfois non.

Le processus de constitution des communautés est en cours depuis dix-huit ans. Là où il n'est pas achevé, c'est que des difficultés objectives existent : ce qui n'a pu être encore réglé est bien le plus épineux.

La commission des lois a modifié le dispositif actuel d'abord à cause de la brièveté des actuels délais pour le rapprochement des points de vue sur les schémas départementaux de coopération intercommunale.

Mais même là où un accord est trouvé sur les schémas, au cours de 2012, le préfet pourrait proposer à l'approbation des communes d'autres dispositifs que ceux acceptés ! On ne peut accepter qu'un schéma soit ainsi approuvé, puis modifié.

Enfin, il n'est pas rationnel de se prononcer sur les périmètres des communautés et, dans le même temps, de procéder à la dissolution des syndicats. Il y a véritablement risque de confusion.

Un seul principe a guidé la commission des lois : modifier les compétences entre les représentants de l'État et la commission départementale où siègent les élus. Le périmètre des communautés doit être voté à la majorité des deux tiers des membres. Si tel n'est pas le cas, le dernier mot doit revenir au préfet qui préside la Commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) mais il ne convient pas que le seul préfet puisse décider -au demeurant, il préside la CDCI. Mais je sais que certains préfèrent s'en remettre entièrement au pilotage du préfet.

Pour tout le reste, les modifications que nous proposons sont purement pragmatiques et viennent de tous les bancs de la commission.

Nous avons prévu d'ajuster les dispositions relatives à l'achèvement de la carte communale, notamment en ce qui concerne les îles et les enclaves.

Les instances communautaires doivent être revues et élargies. Les mandats en cours seront ainsi maintenus et les solutions à l'amiable encouragées.

J'en viens aux syndicats.

Dans notre texte, seuls les syndicats dont les compétences sont reprises par la nouvelle communauté seront dissous.

Les administrations de l'État devront avoir une mission de conseil en matière financière et fiscale, surtout pour les plus petites communautés. Le statut de l'élu communautaire devra être défini.

Dans cet ensemble, il y a une disposition qui fait débat entre nous : la place et le rôle du préfet.

Le travail de la commission des lois a été approfondi. Il est certes perfectible mais les propositions que nous faisons ont leur cohérence et permettent de répondre aux attentes des élus locaux. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - (Applaudissements à droite) Cette proposition de loi n'a plus grand-chose à voir avec le texte initial pour lequel j'avais de la sympathie. Hélas, des modifications de fond ont été apportées.

Certes, le droit d'amendement est constitutionnel mais pourquoi s'être écarté de la sagesse de la proposition de loi initiale ? Cette procédure est-elle constitutionnelle ? La jurisprudence de l'article 45 dispose que tout amendement est recevable s'il a un lien même indirect avec le texte. Nous pouvons nous interroger sur des dispositions qui remanient complètement l'élaboration des schémas. Seule une interprétation très large, très libérale permettrait de justifier les modifications introduites par la commission des lois.

Certes, vous traitez de l'intercommunalité. Dans sa première version, la proposition de loi était intelligente : elle visait uniquement à prolonger jusqu'en 2014 le mandat des membres des bureaux des EPCI objet de fusion avant cette date.

La nouvelle intercommunalité rationalisée répondait aux attentes des collectivités et des élus locaux. Je l'ai dit à de multiples reprises, à Mme Gourault, à M. Malvy, ici même en répondant à des questions d'actualité, il faut que les membres des bureaux des EPCI existants fusionnant avant 2014 conservent leur mandat jusqu'à cette date. Cependant, le texte de la commission des lois ne traite plus de cette seule question mais il remplace le dispositif de l'intercommunalité par un autre.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Beaucoup mieux !

M. Philippe Richert, ministre. - Seuls les termes demeurent. Ainsi, les relations et les pouvoirs sont totalement modifiés. Tout se passe comme si la commission des lois voulait remettre en cause en quatre heures ce que nous avons mis des jours à voter il y a un an.

Le projet de schéma serait défini par la CDCI. Cette procédure avait été rejetée en février 2010. À l'époque, lorsque nous en discutions, il ne s'agissait pas de donner aux préfets le pouvoir de faire mais d'élaborer un projet de schéma. (Exclamations à gauche) Il ne s'agissait pas de reprendre les prérogatives des élus mais de présenter un projet aux élus. Une des principales difficultés rencontrées dans l'élaboration des schémas locaux repose sur les désaccords entre élus. Donner aux CDCI le pouvoir d'élaborer le schéma, c'est consacrer ces désaccords et donc redonner au préfet la compétence finale pour élaborer le schéma définitif.

Il faut que les élus disposent d'un projet de schéma car l'accord entre élus est difficile à trouver. Vous repoussez ainsi aux calendes grecques l'examen du schéma. (Applaudissements à droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est inexact !

M. Philippe Richert, ministre.  - Vous proposez que le 1er mars 2013 soit la date butoir pour le schéma.

M. Alain Richard, rapporteur.  - 2012 !

M. Philippe Richert, ministre.  - Non, 2013 !

Le calendrier exigeant résulte de l'accord obtenu avec l'Association des maires de France. Celle-ci souhaitait que la carte soit achevée suffisamment tôt avant 2014 pour permettre la mise en oeuvre du schéma départemental et pour que la situation des personnels soit réglée dans les meilleures conditions.

Avec les délais que vous proposez, les élections de 2014 ne seront pas sereines.

Le groupe socialiste avait, en 2010, déposé un amendement en deuxième lecture qui avançait du 1er juin au 1er mars 2013 la date de l'achèvement de la carte intercommunale. M. Daudigny et Mme Payet défendaient cet amendement, qui était réclamé, disaient-ils, par de nombreuses collectivités.

M. Alain Richard, rapporteur.  - Le projet propose un schéma adopté avant le 31 mars 2013. Nous sommes d'accord sur la date.

M. Philippe Richert, ministre.  - Si le schéma doit être adopté à cette date, tout ce que je viens de dire est exact ! Vous êtes pour l'application à partir de mars 2013 et non pas juin. Il y a un décalage sur lequel nous reviendrons.

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Ce sera fâcheux pour vous, monsieur le ministre.

M. Philippe Richert, ministre.  - Nous verrons. (Exclamations à gauche)

À Rennes, lors du congrès de l'Assemblée des collectivités de France (ADCF), une très large majorité d'élus représentant les intercommunalités nous ont dit qu'ils souhaitaient que la date butoir du 31 décembre 2011 puisse être maintenue. (Exclamations à gauche) Le président de l'ADCF était du nombre. Personne ne comprendrait que nous remettions en cause le travail accompli par les élus.

Les CDCI se sont mises en place début 2011 dans des conditions sereines ; il faut en féliciter les élus. Les projets de schémas ont été présentés aux commissions par les préfets et ont été modifiés pour tenir le plus grand compte des avis des élus ; communes, EPCI et syndicats ont eu trois mois pour exprimer leur avis. Les CDCI vont à présent décider ce que sera le schéma dans chaque département.

Dans certains territoires, je reconnais que l'exercice est compliqué, notamment parce que le délai est court, en raison aussi de la réforme de la taxe professionnelle, faute du recul nécessaire pour apprécier les nouvelles ressources. (On renchérit à gauche) Ce qui a conduit certains à imaginer que les préfets voulaient imposer coûte que coûte leur projet. Et il y a eu le calendrier électoral chargé de 2011 et l'exploitation par certains candidats des inquiétudes des élus... (Applaudissements sur les bancs UMP ; exclamations indignées à gauche)

Des parlementaires m'ont fait part des difficultés rencontrées sur le terrain. Nous avons répété aux préfets qu'il fallait pousser le dialogue au maximum. Mais il est malhonnête de reprocher aux préfets tantôt rigidité et tantôt volontarisme, là où il y a avant tout désaccord des élus.

Nombreux sont ceux qui ont oublié leur position d'hier. Aujourd'hui, il faudrait tout arrêter, tout remettre à plat, alors que la réforme s'imposait, comme l'a rappelé le 30 septembre le Premier ministre, pour que communes et intercommunalités puissent exercer leurs nombreuses compétences.

Monsieur le président de la commission, vous vous disiez, le 3 février 2010, favorable à l'achèvement de la carte intercommunale, le préfet tranchant éventuellement, mais dans le respect du projet de loi de schéma élaboré par les élus.

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Absolument !

M. Philippe Richert, ministre.  - Il faut mener l'entreprise à son terme. S'il faut rattacher toutes les communes à une intercommunalité, il n'est pas choquant que les préfets assument leur mission ; dans certains cas, leur décision sera par nature autoritaire, mais parfaitement fondée dès lors qu'elle respectera le schéma.

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Oui ! In fine !

M. Philippe Richert, ministre.  - Ce n'est pas ce que vous proposez.

Je veux remettre en perspective la réforme de l'intercommunalité, qui s'inscrit dans le mouvement de décentralisation initié depuis quarante ans.

M. Jean-Pierre Michel.  - Vous parlez pour ne rien dire !

M. Philippe Richert, ministre.  - La coopération intercommunale est un fait ancien ; elle s'est développée depuis la loi de 1966, celle du 13 juillet 1983...

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Et déjà dans la Haute Antiquité...

M. Philippe Richert, ministre.  - ...les lois de 1992, 1995, 1999, 2002. La décentralisation n'est ni de gauche, ni de droite ; elle est notre patrimoine commun.

M. Roland Courteau.  - À quoi jouez-vous ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Personne n'entend revenir dessus.

M. Jean-Pierre Michel. - C'est affligeant !

Nous voulons une décentralisation débarrassée des complexités qui découragent les bonnes volontés et entravent l'accès des citoyens à la démocratie locale.

M. Hyest remarquait que nous avions consacré 126 heures de débat à la question en 2010. Peut-on tout détruire en quatre heures ? Ce n'est pas notre méthode, nous qui a avons privilégié le consensus. Pour rassurer les élus, M. Fillon a précisé une nouvelle fois le cadre d'élaboration du schéma dans les prochaines semaines : parvenir à un consensus par le dialogue, donner davantage de temps là où c'est nécessaire ; des instructions en ce sens ont été données aux préfets. La date pour arrêter le schéma reste le 31 décembre 2011 ; la loi prévoit la possibilité d'y déroger si le contexte le nécessite...

M. Alain Richard, rapporteur.  - Et c'est l'obscurité.

M. Philippe Richert, ministre.  - La situation n'est pas figée. Or vous supprimez toute souplesse ; vous supprimez toute possibilité d'adaptation pour les élus et pour les préfets. Le 31 décembre 2011 n'est pas un couperet ! Le schéma doit être une coproduction. La révision de la carte intercommunale ne doit pas être une course au gigantisme. Les priorités sont l'intégration des communes isolées, l'interprétation souple du seuil de 5 000 habitants pour les communautés de communes, l'accord des élus -les EPCI doivent correspondre à des bassins de vie.

J'en viens à l'article 10 de la proposition de loi, concernant les syndicats. Nous ne voulons pas les supprimer -je songe au domaine scolaire ou aux services de l'eau. L'avenir n'est pas de conserver indéfiniment une école dans chaque commune ! Un RPI, ce n'est pas rétrograde ! Ce qui compte, c'est la qualité du service rendu. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Pourtant, s'il n'est pas possible d'aboutir au 31 décembre, continuons à discuter. Mais tous ceux qui sont prêts n'ont pas à attendre pour avancer ! Pensez à la majorité, à tous ceux qui sont prêts. (Marques d'approbation sur les bancs UMP)

M. Alain Richard, rapporteur.  - Nous n'obligeons personne à attendre !

M. Philippe Richert, ministre.  - Je veux créer une cellule...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Psychologique ?

M. Philippe Richert, ministre.  - ...pour prendre en compte les difficultés. Car la modernisation de l'outil intercommunal mérite que nous nous écoutions tous.

Certains disent que la réforme s'occupe plus de périmètre que de compétences. Mais les analyses montrent que nulle part la reprise des compétences n'a été négligée dans les débats ; et nous avons un an et demi devant nous pour parfaire les projets.

La loi de 2010 n'est pas l'alpha et l'oméga, mais dénigrer systématiquement des dispositions qui reprennent les propositions de l'AMF et des élus n'est pas raisonnable. Un grand élu de gauche jugeait ici qu'hormis le conseiller territorial, nous étions d'accord. Pourquoi, aujourd'hui, tout bousculer ? Sur les pôles métropolitains, le maire de Lyon m'a remercié ! Je me réjouis que le sillon lorrain ou l'agglomération niçoise veuillent mettre en place de tels pôles !

Vous nous mettez dans la situation du tout ou rien mais le Gouvernement ne peut mépriser ainsi tout le travail accompli sur le terrain. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Hyest.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Toute réforme inquiète, tout changement mécontente. Si peu de temps après la réforme de 2010, qui nous a tant mobilisés, ce débat est surréaliste.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Hyperréaliste !

M. Jean-Jacques Hyest.  - La réforme était indispensable ; elle s'inscrit dans un continuum dont l'objectif est la modernisation de notre paysage institutionnel local. L'AMF, l'ADCF, le rapport Krattinger-Belot, tous ont dit qu'il fallait aller de l'avant.

La rationalisation de l'intercommunalité donnera aux EPCI la possibilité d'exercer pleinement leurs compétences. Et on ne peut donner raison aux communes qui ne veulent faire partie d'aucune intercommunalité. (On en convient volontiers à gauche)

On boucle le schéma fin 2011 et le processus aboutit en juin 2013, afin de ne pas reporter après 2014 l'application du schéma. Si on fait ce que vous proposez, il ne se passera plus rien d'ici les élections municipales.

Sur l'intercommunalité, certains ont défendu leurs intérêts particuliers que c'en était gênant -et sur divers bancs.

Nous demanderons le renvoi de la proposition de loi en commission : le temps était court, une semaine, pour refaire le travail accompli dans un relatif consensus. Chacun veut quelque chose en plus -voyez les amendements ! Un journal satirique de ce matin doit nous rendre attentifs à ne pas dériver en la matière...

Nous sommes de toute façon contre la révision systématique des textes adoptés récemment.

M. Richard ne propose pas une refonte du dispositif, comme il le dit, mais une destruction de la procédure que le Sénat avait adoptée après une intense concertation. Demandez à M. Collomb ! Les nouveaux sénateurs voudraient-ils faire table rase du travail réalisé par leurs prédécesseurs ? Souplesse par rapport au 31 décembre, soit -le Premier ministre a souhaité donner plus de temps à la concertation. Le ministère va réaliser un état des lieux département par département et le schéma ne sera arrêté que s'il y a une large majorité en faveur de la nouvelle carte.

M. Alain Richard, rapporteur.  - On se rapproche !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Nous respecterons au maximum le 31 décembre, mais il n'y aura pas utilisation des pouvoirs exceptionnels des préfets sans accord préalable du Gouvernement. Et puis, j'en ai assez que l'on s'attaque aux préfets !

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Les préfets appliquent les instructions du ministre. Ils sont très loyaux à son égard...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Ils appliquent la loi ! Ils préparent et proposent le schéma, ce qu'une commission de 40 personnes parvient rarement à faire, sauf si elle est influencée par telle ou telle féodalité -il en existe dans nos départements. Il faut une autorité neutre ; quel intérêt personnel aurait le préfet à ce que le processus n'aboutisse pas ? Là où l'intercommunalité correspond à des intérêts de personnes, à la volonté de ne pas partager la richesse, des rivalités politiques, cela ne va pas.

Les RPI ? Je n'ai jamais imaginé les inclure dans une intercommunalité ; je suis partisan de ne pas abaisser le seuil des intercommunalités (Mme Nicole Bricq renchérit) qui s'occupent, ne l'oublions pas, d'aménagement du territoire ou de développement économique. La police spéciale « déchets ménagers » mérite sans doute qu'on y revienne, mais c'est un point mineur. La clause de revoyure est sans doute utile. Bref, des aménagements sont possibles mais si vous prétendez tout bousculer, nous ne pourrons vous suivre. (Applaudissements sur les bancs UMP) Votre entreprise est bien éloignée du discours du nouveau président du Sénat lors de sa prise de fonction ! (On le conteste à gauche) Nous sommes néanmoins prêts à discuter sur les points qui peuvent nous rassembler ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Jacqueline Gourault.  - La réforme de 2010, qui avait reçu un accueil assez favorable au Parlement, a suscité sur le terrain bien des angoisses et des interrogations.

Lors de la dernière campagne sénatoriale, j'en ai eu bien des échos. Mais j'étais optimiste, parce qu'était prévu l'examen de la fameuse loi n°61. Je regrette infiniment que le Gouvernement ait renoncé à la déposer devant le Parlement. Elle nous aurait donné l'occasion de procéder aux ajustements indispensables, de rassurer les élus, notamment sur le seuil de 500 habitants aux élections municipales, d'intégrer certains points de la proposition de loi Saugey sur le statut de l'élu. Et surtout, vous auriez eu la main... Le Parlement s'est donc lui-même pris en main : proposition de loi Sueur au Sénat, proposition de loi Pélissard à l'Assemblée nationale. Dans cette affaire, le Gouvernement a commis une erreur stratégique. (Mme Nathalie Goulet approuve)

Mon groupe s'opposera au renvoi en commission car il est partisan du débat, toujours et d'où que viennent les textes. La proposition de loi Sueur a été profondément modifiée en commission ; les dispositions pragmatiques relatives aux syndicats sont bienvenues. Reste le problème du financement. Nous y reviendrons.

Le calendrier et la perte du pouvoir d'amendement de la CDCI dès le 1er janvier 2012...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Tout à fait !

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Jacqueline Gourault.  - Le préfet aura, au premier trimestre 2013, des pouvoirs exceptionnels.

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

Mme Jacqueline Gourault.  - J'ai pris acte de la lettre du Premier ministre ; mais une lettre est une lettre et une loi, une loi ! Voyez les propositions de loi Goulet, Férat, Lecerf, Létard : le sujet est d'importance. L'enjeu est de ne freiner personne mais de donner du temps à ceux qui en ont besoin. Ceux qui veulent fusionner, comme c'est le cas chez moi, au 1er janvier 2012, avec une communauté rurale le peuvent, le droit commun reste en vigueur. À Blois, nous l'avons déjà fait deux fois !

Je ne sais quel sera l'avenir de cette proposition de loi mais elle a le mérite, comme celle de M. Pélissard, de répondre aux questions que se posent les élus de terrain. Que le Gouvernement organise rapidement une discussion commune de ces deux textes.

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - C'est le bon sens !

Mme Jacqueline Gourault.  - L'objectif de la loi de 2010 est partagé par de nombreux élus mais ils veulent des garanties quant au respect de leurs décisions ! (Applaudissements au centre et sur les bancs socialistes)

M. Christian Favier.  - Cette proposition de loi est hautement symbolique ; nous voulons y voir une volonté d'abrogation de la mauvaise loi de 2010, une loi contraire à la décentralisation, une loi de mise au pas des élus qui prépare la disparition des communes et des départements. Nous avons mené une campagne sénatoriale sans ambiguïté et cette question a largement provoqué le basculement à gauche, même si certains à droite n'ont toujours pas compris le message... Message que le président Bel, le 11 octobre dernier, a assuré avoir entendu. La présente proposition de loi est une première étape utile avant, entre autres, l'abrogation du conseiller territorial. Le président Bel a en effet indiqué, le 11 octobre, que la réforme de 2010 devait être abrogée et entièrement repensée. De simples ajustements ne sauraient suffire.

Cette proposition de loi arrête le rouleau compresseur de la mise en place à la hussarde des SDCI. Il y a effectivement à légiférer car le terme se rapproche dangereusement. Le Premier ministre lui-même reconnaît qu'il importe aujourd'hui de donner du temps au temps ! Mais une circulaire pas plus que des propos ministériels ne suffisent à bloquer la machine. Dans de nombreux départements, on rejette massivement les schémas élaborés par les préfets. Où en est-on, monsieur le ministre, département par département ?

Nous souhaitons aussi un état complet, département par département, des consultations qui se sont déroulées.

Cette proposition de loi est symbolique pour nous. Nous voulons l'abrogation de la loi du 16 décembre 2010. Une nouvelle réforme de la décentralisation est nécessaire. Les états généraux seront réunis : nous serons très vigilants. D'ici là, nous voterons cette proposition de loi qui ouvre un chemin, règle des questions importantes, remet en cause le pouvoir exorbitant des préfets. Un vrai projet des territoires est nécessaire.

Nous sommes opposés à un achèvement autoritaire de l'intercommunalité : celle-ci doit toujours être librement consentie et intégrée à un projet de territoire. La carte des schémas ne doit pas avoir pour effet de supprimer tous les syndicats.

La nouvelle majorité sénatoriale va mettre ses actes en cohérence avec ses paroles ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard.  - Si la loi du 16 décembre 2010 soulevait l'enthousiasme, cela se saurait ! Si elle n'avait pas besoin d'améliorations, cela se saurait !

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Eh oui !

M. Jacques Mézard.  - Comment ne pas se réjouir que le Sénat reprenne son rôle prioritaire en matière de collectivités territoriales ? Notre assemblée a été mal considérée au cours de ce débat, souvenez-vous en ! Il y a eu l'épisode sur le mode de scrutin, le passage en force en CMP, les conditions du vote final dans cet hémicycle... Nous souhaitons une rationalisation qui améliore la lisibilité de la loi de 2010, conjuguée avec le remplacement de la taxe professionnelle par une usine à gaz dans laquelle l'État perd ses tuyaux (sourires) ainsi qu'avec la création d'un être hybride, le conseiller territorial, dont nous souhaitons qu'il trépasse avant de vivre.

Le projet de loi 61 doit être examiné : qu'attendez-vous, monsieur le ministre ? Pouvez-vous éclairer le Sénat sur le découpage cantonal ?

La loi Chevènement fut un succès, facilitée par la DGF. Comme elle était bien faite, elle a fait comprendre les avantages de l'intercommunalité et suscité un consensus. Une large majorité s'était retrouvée sur la rationalisation du bloc communal et l'achèvement de la carte de l'intercommunalité. Ceux qui opposent commune et EPCI s'égarent. Le renforcement du bloc communal passe par là.

Pour faire du développement local, il est impératif que les intercommunalités disposent d'une taille critique. Pourtant, il arrive que des extensions soient bloquées par des conflits de personnes, des querelles de clocher, une méconnaissance des résultats à attendre. L'alchimie entre périphérie et bourg-centre est délicate. Il faut beaucoup de concertation, de dialogue. La méthode actuelle est détestable car elle est contradictoire selon les départements et les préfets ont trop de pouvoir. Le Gouvernement s'en est rendu compte à l'occasion des élections sénatoriales récentes. C'est pourquoi M. le ministre a déclaré que le dépassement de la date butoir du 31 décembre 2011 serait possible.

Cette proposition de loi est donc indispensable : elle apporte la souplesse nécessaire pour mener à bien cette réforme. Je suis plus réservé quant au seuil minimum de 5 000 habitants. La spécificité peut tout permettre...

Mon groupe votera majoritairement ce texte attendu par les élus locaux. (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Yves Krattinger.  - Ce qui devait arriver arriva : le pouvoir recentralisateur n'a pas suffisamment écouté les élus locaux quand ceux-ci ont exprimé leurs réserves sur la méthode retenue pour achever les schémas départementaux.

Le Gouvernement força l'adoption, ici même, de règles qui donnent des pouvoirs excessifs aux préfets ; tout cela dans des délais trop courts. Seule une jacquerie à la CDCI pouvait imposer au préfet de modifier sa copie. Il n'y a pas eu de révolution mais une grogne de plus en plus grande ; elle s'est exprimée lors des sénatoriales. (Applaudissements socialistes)

Même une assez bonne carte préfectorale peut ne pas convaincre. Il fallait partir des missions de chaque niveau de collectivités et de groupements, puis se pencher sur les compétences, et enfin sur les moyens humains et financiers. Le Gouvernement, en commençant par la réforme de la taxe professionnelle, a pris le chemin inverse : tout le monde s'est interrogé sur ses objectifs et il a suscité un doute généralisé. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La méthode retenue ne pouvait nous agréer. Comment rebondir et remettre sur les rails le train qui fait aujourd'hui du sur place ? Nous avons, ici même, réussi à nous parler et à rapprocher nos points de vue. Je me suis rendu dans trente départements à l'initiative des élus de gauche et de droite. Chacun voulait être respecté, marcher dans le sens du progrès mais sans stigmatisation. Il faut plus d'intercommunalité, mais libre et acceptée. Les élus veulent être mieux informés, disposer d'expertises sur tous les sujets, notamment financiers et fiscaux. Il fallait donc modifier le mode de décision de la CDCI. L'intercommunalité doit se baser sur la confiance.

Cette proposition de loi vient à propos pour éteindre les feux, atténuer les craintes. Il s'agit de desserrer l'étau jacobin, de prendre le temps pour débattre, pour analyser, pour décider. Une responsabilité locale est nécessaire. Il ne suffisait pas de quelques mois supplémentaires pour imposer les vues du préfet.

L'occasion est bonne pour le Sénat de reprendre toute sa place et de dégager les nombreuses pistes tracées par la mission sénatoriale. Nous devons promouvoir la marche en avant de l'intercommunalité, en entendant ce que tous les élus territoriaux nous disent. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le président du Sénat a engagé fort opportunément les états généraux des territoires : notre assemblée doit adopter un texte qui débloque la situation sans tout mettre par terre. Cette proposition de loi permettra de rétablir la confiance. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Claude Bérit-Débat.  - Je remercie MM. Sueur et Richard pour cette initiative. Ils ont entendu les élus locaux qui ne sont pas satisfaits de la loi de 2010. Ce texte tient compte des problèmes. Il légalise les discours du Premier ministre et du ministre, sans changer le calendrier retenu par la loi de 2010. On donne la main aux élus locaux des CDCI. En cas d'extension ou de fusion, des dispositifs existants pourront être conservés jusqu'aux prochaines municipales. Cette proposition de loi revient sur les problèmes de gouvernance avec le nombre des conseillers communautaires.

Je m'étonne des propos de M. le ministre et de M. Hyest, opposés à cette proposition de loi qui serait du tout ou rien. Ce n'est pas le cas ! Nous ne remettons pas en cause une loi votée par le Sénat il y a un an, nous l'améliorons. À Rennes, l'ADCF a demandé de ne pas remettre en cause la loi sur l'intercommunalité mais de l'améliorer. C'est ce que nous faisons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Josette Durrieu.  - Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut achever l'intercommunalité. Nous sommes également d'accord sur les délais.

Le mérite de cette loi est d'avoir touché toutes les communes, jusque dans l'infiniment petit. L'idéal de la décentralisation est devenu une réalité et les élus locaux ont senti souffler un vent contraire à cet esprit. La décentralisation, c'est l'intercommunalité mais aussi la concertation et la responsabilité des élus.

L'intercommunalité a fait ses preuves et a sanctuarisé l'existence des 36 000 communes. Perdureront-elles avec la loi de 2010 ?

Qu'est-ce qu'un bassin de vie ? Sa définition ne saurait être purement géographique.

Dans mon département, il y a 10 % des communes les plus petites de France. Les petites intercommunalités connaissent des tâches spécifiques, comme le déneigement et le débroussaillage. Si on les rattache avec une soixantaine d'autres communes à des intercommunalités plus grandes, qui se préoccupera de ces tâches ?

Le législateur a oublié aussi qu'entre les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques, il y a des enclaves : des communes béarnaises en Bigorre. (On s'impatiente à droite)

M. le président.  - Veuillez conclure !

Mme Josette Durrieu.  - Je ne conclus pas, je m'arrête. Le Sénat s'honorerait d'engager le débat sur cette question lors des états généraux. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Frédérique Espagnac.  - Le Sénat s'honore à s'emparer de ce sujet une nouvelle fois. Merci à M. Sueur pour sa proposition de loi, merci à M. Richard pour ses amendements. La réforme de 2010 a suscité la méfiance : pas de concertation ni de dialogue, très peu de respect. Dans mon département, cette réforme n'est pas acceptée.

En finir avec le millefeuille territorial ? On y a vu l'acte I de la recentralisation, une inacceptable mise sous tutelle des collectivités. La décentralisation, c'est la démocratie. Voilà ce qu'a signifié le vote du 25 septembre.

Cette proposition de loi ne remet pas en cause la loi de 2010 mais il fallait parer au plus urgent en permettant à la CDCI de reprendre la main. Ce texte doit être adopté rapidement. Souvenons-nous de ce que disait Pierre Mauroy : la décentralisation est le meilleur moyen de renforcer la démocratie. Faisons confiance à l'intelligence territoriale ! (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le pouvoir central remettrait en cause la décentralisation ? L'acte I de la recentralisation ? Pas du tout ! Je crois à la décentralisation. C'est un état d'esprit, celui d'accepter les différences. C'est un outil de démocratisation de notre pays.

La loi de 2010 ne s'attaque pas aux collectivités : n'a-t-elle pas été défendue par le président Hyest, qu'on ne peut soupçonner d'être centralisateur ? Moi non plus, d'ailleurs...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Il n'y a pas que vous au Gouvernement !

M. Philippe Richert, ministre.  - Manque de temps ? Il y a eu le groupe Balladur, puis la mission du Sénat...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Son travail a été piétiné !

M. Philippe Richert, ministre.  - ...la commission de l'Assemblée nationale. De nombreuses propositions ont été faites et intégrées. Enfin, il y a eu le débat parlementaire, long et argumenté. Les élus locaux ont été surpris de voir des textes qui ressemblaient si peu aux projets initiaux. C'est qu'il y avait eu le débat parlementaire.

En modifiant ce texte, nous avons commis des erreurs, si bien que des précisions étaient nécessaires, madame Gourault, je vous l'accorde, notamment sur la composition des exécutifs jusqu'en 2014, sur le seuil de 500 habitants, sur la situation de quelques îles, sur les départements où le schéma territorial ne sera pas adopté avant le 31 décembre 2011.

Mais dans ce cas, le préfet ne déciderait pas seul du schéma départemental. Les CDCI seront informées.

A-t-on besoin de la loi du 16 décembre 2010 ? Oui ! Il fallait réorganiser les collectivités pour plus d'efficacité, de transparence. M. Krattinger a dit que les élus parlaient à tous. Nous les entendons, nous les écoutons. La gauche n'est pas la seule à le faire ! Il a également dit qu'il ne fallait pas mettre la loi par terre. J'en suis bien d'accord.

Le principe de base, c'est que les schémas sont arrêtés au 31 décembre 2011. Il y a ensuite un an et demi durant lequel il sera possible de discuter des compétences, de dialoguer avec le personnel.

La proposition de loi reporte jusqu'en juin 2013, au lieu de décembre 2011, la date à laquelle le schéma devra être arrêté.

Mme Nathalie Goulet.  - Mais non !

M. Alain Richard, rapporteur.  - On va vous expliquer !

M. Philippe Richert, ministre.  - Tant que vous n'avez pas organisé l'ensemble, on risque, en mars 2013, d'être confrontés à des délais trop courts avant les élections.

M. Hyest a rappelé l'ampleur du travail accompli. M. Favier veut tout remettre en cause, nous ne pouvons l'accepter.

Monsieur Mézard, le découpage électoral n'interviendra pas avant l'élection présidentielle. Les réticences face aux bourgs-centres ? C'est pour cette raison que nous avons prévu un délai de dix-huit mois. Le préfet n'arrêtera pas le schéma sans l'avis de la CDCI.

M. Krattinger critique le pouvoir des préfets. Mais le travail doit être de co-construction entre le préfet et la commission départementale. Les débats des CDCI viennent de commencer, je ne puis donc en dire plus sur l'état des discussions.

Madame Durrieu, nous voulons une approche différente pour chaque territoire. Enfin, madame Espagnac, loin de nous l'idée d'une recentralisation. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - J'ai écouté avec attention M. le ministre. Vous oscillez entre prendre ce texte pour ce qu'il est, un ensemble de mesures simples et pratiques, et prétendre qu'il aurait pour effet de détricoter la loi de 2010. Le débat de fond sur le conseiller territorial n'est pas d'actualité aujourd'hui mais il aura lieu. Nous sommes concrets et réalistes ; nous voyons que, dans l'état actuel des choses, il faut prendre des décisions sur la question des prolongations des mandats en cours ; là-dessus, je n'entends aucune objection.

Sur la date, le texte adopté par la commission est limpide. Aux termes de l'article 7, le projet de schéma est établi avant le 31 mars 2012. La proposition finale est adoptée avant le 31 octobre 2012. J'ai bien dit 2012, pas 2013. L'article 5 prévoit que le schéma est mis en oeuvre par le préfet. Pour ce qui est de la date finale, celle que prévoit l'article 7 est antérieure à celle du texte initial. Vos craintes sont donc dissipées, monsieur le ministre.

Est-il gênant que le changement de date soit inscrit dans la loi ou non ? De nombreux parlementaires -M. Lecerf, Mme Goulet, Mme Létard, M. Pélissard...- considèrent qu'il faudrait que cela figure dans la loi. Personne ne dit que ce serait maléfique. Je conclus donc qu'il y a un accord sur ce point.

Je n'ai pas entendu d'objection contre le maintien des syndicats en vigueur ni même contre la création de nouveaux. Si j'exclus l'habillage politique, je constate qu'ou bien il y a accord sur les trois mesures simples que nous proposons, ou bien il n'y a pas d'arguments contre. J'espère donc un vote favorable. (Applaudissements à gauche)

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°16, présentée par M. Gélard et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité.

M. Patrice Gélard.  - Je veux féliciter le président de la commission des lois. (Sourires) Cette proposition de loi est un modèle de ce qu'il faut faire : un article, cinq lignes, une clarté absolue et un accord unanime. (On ironise à droite) Un mot, quand même, prêtait à discussion, la « menace ». Ce devait être une faute de style, de la part d'un styliste reconnu.

À l'arrivée, hélas, douze articles, dont le plus court fait quatre lignes et le plus long quatre-vingt-neuf ! Et que d'alinéas ! C'est le modèle de ce qu'il ne faut pas faire : multiplier les amendements, faire des articles bavards, qui traitent de plusieurs sujets.

Je rends toutefois hommage au remarquable travail de M. Richard. (Nouveaux sourires) Il a eu l'intelligence de constituer un train qui paraît assez satisfaisant, en ayant l'astuce d'y intégrer les propositions de M. Pélissard, qui font l'unanimité, y compris dans nos rangs. Certains de notre groupe en ont été gênés. Mais si le wagon Pélissard passe bien, ce n'est pas le cas des autres.

On est confronté à plusieurs problèmes. Il n'est plus question du thème original : on veut que les lois votées ici se ressentent du 25 septembre, et l'on détricote un chandail pour en faire un autre...

Les critiques faites à la réforme du Gouvernement valent ici : précipitation, absence d'étude d'impact, etc. Le texte proposé obligerait à refaire tout le travail accompli !

À côté des wagons de M. Richard se sont glissés quelques wagons de marchandises, par exemple sur les pouvoirs de police des maires...

M. Alain Richard, rapporteur.  - C'est déjà la loi !

M. Patrice Gélard.  - Qu'un président de syndicat puisse exercer des pouvoirs de police ? Pourquoi pas un concessionnaire du service public ?

À cela s'ajoutent les dispositions sur les vice-présidents, etc. Les revendications rejetées l'an dernier à l'unanimité seraient à présent légitimes ?

On ne peut pas en dix jours refaire une réforme d'une telle ampleur !

Il y a de bonnes choses dans ce texte, mais il faut y retravailler, ôter les scories, éviter de détruire ce qui a été fait il y a quelques mois. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Michel.  - Cette motion est une manoeuvre de retardement. (Protestations à droite)

Les manoeuvres dilatoires nous font perdre du temps ! Si l'UMP refuse ce texte, pourquoi ses nombreux amendements dont certains adoptés en commission ?

Ce texte répond aux préoccupations des élus, que nous avons tous entendues durant l'été. En deux longues séances de commission, nous avons abordé toutes les questions, et M. le rapporteur a accepté des amendements issus de tous les groupes. (On ironise à droite) M. Richard a lui-même procédé à de nombreuses auditions.

En outre, cette proposition de loi doit absolument être promulguée avant la fin de l'année sinon elle ne servirait à rien. Que chacun, ici puis à l'Assemblée nationale, prenne ses responsabilités vis-à-vis des élus locaux !

À la suite de la publication du rapport de la commission, j'ai reçu de nombreux appels de félicitations de la part d'élus locaux, y compris de membres de l'UMP. (Marques d'agacement à droite) Mon groupe votera contre cette motion dilatoire.

M. Alain Richard, rapporteur.  - Il y a, dans ce texte, douze améliorations consensuelles du droit existant, dont la moitié émane de l'opposition. Monsieur Gélard, les pouvoirs de police sont déjà délégués par la loi de mai 2011 !

J'en appelle à la bonne foi : le droit actuel prévoit une coupure. Avant le 31 décembre 2011, le schéma doit être adopté mais ensuite, il peut être remis en question par le représentant de l'État jusqu'en juin 2013 sans que les élus puissent s'exprimer. Nul ne met en cause la probité du corps préfectoral, qui honore l'État.

M. Alain Gournac.  - Ce n'est pas ce qu'on avait cru entendre.

M. Alain Richard, rapporteur.  - Sa grandeur tient au fait qu'en toutes circonstances, il applique les directives du Gouvernement, qu'il soit de droite ou de gauche. Dans les cas difficiles, les seuls qui demeurent, la CDCI, présidée par le préfet dont le rôle d'initiative est préservé, doit avoir son mot à dire. Les nouvelles communautés seront donc constituées avec la date butoir actuelle, sans que le schéma adopté par la CDCI puisse être invalidé. Il reviendra à la CDCI de vérifier qu'il existe un consensus, faute de quoi un nouveau délai sera ouvert, jusqu'à fin 2012, ce qui nous conduit avant le terme prévu par la loi.

Nous n'avons pas l'intention maligne de défaire ce que le législateur a fait. Nous préférons le dialogue, sans préséance, entre préfets et CDCI. Nous ne manquons pas de considération, ni pour le texte voté antérieurement, ni pour l'initiative parlementaire, qui est une grande conquête de la démocratie ! (Applaudissements à gauche)

Je suis tout à fait prêt à entendre que ce texte comporte des imperfections. Elles pourraient aisément être résolues pendant la navette ; si le ministre le confirmait ce serait un geste d'ouverture. (Mêmes mouvements)

M. Philippe Richert, ministre.  - Il y a tant d'articles nouveaux qu'il est difficile d'en mesurer les conséquences : preuve qu'il faut renvoyer ce texte en commission.

Sur la réforme des collectivités, le Sénat a débattu plus de cent heures ! Il faut prendre le temps de la discussion.

Mon approche n'est pas dogmatique. Dans les départements où on a trouvé un accord, pourquoi refuser le texte adopté ? Combien de situations litigieuses ? Le débat vient de commencer et on trouvera toujours une ou deux voix discordantes mais s'il y a un large consensus, pourquoi ne pas s'en tenir au texte actuel ?

Avis favorable à la motion.

À la demande du groupe UMP, la motion n°16 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 140
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDS ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Il faut donc poursuivre ce débat, qui suscite l'intérêt si je me fie à l'affluence. L'UMP elle-même a déposé de nombreux amendements, M. Hyest en particulier, qui serait déçu de ne pouvoir les défendre. Comme le temps nous manque, je propose l'inscription de l'examen de la fin de ce texte à l'ordre du jour de demain, le soir et éventuellement la nuit. (Applaudissements à gauche, protestations à droite)

M. Éric Doligé.  - Passage en force !

M. François-Noël Buffet.  - Si ce texte n'avait pas été alourdi de tant de wagons (sourires), nous aurions achevé son examen ce soir. Lors de la conférence des présidents, M. Bel a insisté sur l'importance du débat qui suit, à 18 h 30.

Afin de nous concerter sur la proposition du président Sueur, je demande une suspension de séance.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je suis bien évidemment à la disposition du Sénat mais quant à moi, je serai demain soir à l'Assemblée nationale pour l'examen du budget des collectivités.

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.  - Mais le Gouvernement est multiple !

La séance, suspendue à 18 h 5, reprend à 18 h 20.

M. François Zocchetto.  - On nous propose une modification substantielle de l'ordre du jour. C'était prévisible : ceux qui ont assisté à la dernière conférence des présidents le confirmeront, et il n'est pas normal que nous ayons à débattre de cette question ce soir. La conférence des présidents, très majoritairement, n'a pas voulu modifier l'ordre du jour.

C'est du groupe socialiste que sont venus les onze articles supplémentaires ! (M. le rapporteur le conteste)

Demain est prévu l'examen d'autres propositions de loi. La nôtre doit faire l'objet d'environ 80 amendements. Il ne peut y avoir deux poids, deux mesures !

Ce débat est passionnant et je suis, moi aussi, impatient d'apporter quelques modifications au droit en vigueur. En application de l'article 29 du Règlement, je propose que la conférence des présidents se réunisse pour se prononcer globalement et de manière équilibrée sur l'ordre du jour de la semaine.

Mme Catherine Troendle.  - La proposition de M. Sueur n'est pas convenable : lors de la conférence des présidents, le compte rendu en fait foi, M. le président Bel a explicitement repoussé l'éventualité d'outrepasser 18 h 30, et M. Sueur a voulu achever l'examen dans le temps imparti.

Il est irrespectueux à l'égard des parlementaires de proposer ex abrupto, une modification de l'ordre du jour. Je propose donc, en vertu de l'article 29 du Règlement, que la conférence des présidents se réunisse.

M. le président.  - Puisque deux groupes le demandent, la conférence des présidents se réunira à 18 h 45. Mais il y a des précédents récents : l'examen d'une proposition de loi UMP s'est effectué totalement en dehors des niches et six textes ont été examinés par après. Le président du Sénat vient de me faire savoir qu'il convoque la conférence des présidents dans un quart d'heure.

M. François-Noël Buffet.  - Les socialistes reprennent des pratiques qu'ils dénonçaient naguère... Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ! (Exclamations à gauche)

M. le président.  - Comme je l'ai dit, à la demande des groupes UCR et UMP, la conférence des présidents va se réunir.

La séance est suspendue à 18 h 30.

*

*          *

La séance reprend à 19 h 30.

M. le président.  - Je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents qui s'est tenue ce jour.

Semaine sénatoriale d'initiative

Mercredi 2 novembre 2011

À 19 heures et le soir :

- Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution

Jeudi 3 novembre 2011

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'identité

De 15 heures à 19 heures :

Ordre du jour réservé au groupe UCR :

- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l'État

À 19 heures, le soir et, éventuellement, la nuit :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

- Texte de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans

- Suite de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité

- Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l'État.

Éventuellement, vendredi 4 novembre 2011

À 9 heures 30 et 14 heures 30

- Suite de l'ordre du jour de la veille.

Le reste de l'ordre du jour est inchangé.

À la demande du groupe socialiste, les conclusions de la conférence des présidents sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages exprimés 159
Pour l'adoption 176
Contre 140

Le Sénat a adopté.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Mme Catherine Troendle.  - Nous prenons acte de ce passage en force. (Exclamations à gauche) Nos arguments n'ont pas été entendus. M. Richert ne sera pas là mais y aura-t-il un autre ministre ? Et quelle sera la présence effective dans l'hémicycle ?

M. Bel parlait d'un fonctionnement démocratique du Sénat... (Applaudissements à droite)

Mme Odette Herviaux.  - Respecter le vote de la majorité, en quoi n'est-ce pas démocratique ?

M. François Zocchetto.  - Je regrette cette modification de l'ordre du jour. Il ne faut pas que cela se reproduise. Le problème vient de ce que cette proposition de loi est passée d'un article à douze. Dans ces conditions, il faut faire preuve de compréhension par rapport aux emplois du temps des uns et des autres. Nos propositions d'aménagement de l'ordre du jour n'ont pas été entendues ; je le regrette. Ne prenons pas cette habitude.

Il y a un vrai problème avec les niches des groupes : si les propositions de loi présentées sont brèves, on peut s'en sortir, mais pas si elles comptent des dizaines d'articles. (Applaudissements au centre et à droite)

M. François Rebsamen.  - Le débat en conférence des présidents a été riche ; s'il a duré si longtemps, c'est que M. le ministre a tenu à répondre longuement à chacun.

Nemo auditur propriam turpitudinem allegans : la moitié des articles additionnels viennent de la minorité du Sénat.

En semaine d'initiative, il est normal que le Sénat se saisisse lui-même de son ordre du jour. Il n'y a donc aucun manquement à la démocratie. Enfin, le fait majoritaire est démocratique. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Rien ne heurte la démocratie. Évitons les mots trop forts. Une suggestion de bon sens : les niches peuvent perturber notre emploi du temps car elles sont difficiles à calibrer. On pourrait les faire commencer après le dîner et les poursuivre jusqu'à plus soif.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Et on arrête la pendule ! (Sourires)

M. François Fortassin.  - Il y a de fortes chances qu'à partir de 1 heure du matin, les orateurs seront moins prolixes. (Sourires ; applaudissements à gauche)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Des propositions ont été faites ; une discussion a eu lieu ; nous avons voté et modifié l'ordre du jour. Nous sommes dans une semaine d'initiative parlementaire ; il est bon d'aller jusqu'au bout des textes inscrits à l'ordre du jour.

J'informe les membres de la commission des affaires sociales que nous allons nous réunir dès la suspension de la séance pour procéder au vote formel sur le PLFSS, qui vient de nous arriver de l'Assemblée nationale.

Débat sur les prélèvements obligatoires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Je me demande si nous avons le temps nécessaire pour entendre le Gouvernement, sachant qu'il serait dommage de nous interrompre après le discours de Mme la ministre. Ne serait-il pas préférable de ne commencer qu'après le dîner ?

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.  - Je préférerais, pour la qualité de notre dialogue.

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 2 novembre 2011, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité. Le texte en est disponible au bureau de la distribution.

Renvoi pour avis

M. le président.  - Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

La séance est suspendue à 19 h 45.

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présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

La séance est reprise à 21 h 45.

CMP (Candidatures)

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission des lois a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants. Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.

Débat sur les prélèvements obligatoires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.  - Ce débat, souhaité par le Sénat, a été conçu comme un rendez-vous stratégique avant l'examen des PLFSS et PLF.

Notre politique fiscale est fondée sur la constance, la justice et l'efficacité. Nous portons sur cette politique un tout autre regard que Mme la rapporteure générale.

Votre rapport montre que la crise explique intégralement l'augmentation des déficits depuis 2007, ou plutôt « les facteurs ne dépendant pas de la volonté du Gouvernement ». On comprend aussi à sa lecture que la politique du Gouvernement a permis que le déficit n'augmente pas de 3,8 points, mais de 1,8 point.

Grâce à l'action du Gouvernement, l'amélioration structurelle du déficit se monte à 2,1 points du PIB.

Puissent vos collègues vous croire et ne plus dénoncer 75 milliards de cadeaux fiscaux. La mauvaise foi a ses limites.

Une réalité s'impose à nous : la dette, prix de la crise et de trente ans de facilités et de vie à crédit. Le Gouvernement a donc voulu conduire la France sur le chemin du désendettement : 4,5 % de déficit en 2012, 3 % en 2013, l'équilibre en 2016. Le seul moyen d'y parvenir, c'est de faire des économies. Il faut cesser de dire que le problème réside dans des prélèvements obligatoires insuffisants ! Notre pays connaît l'un des taux de prélèvements les plus importants.

M. François Marc.  - Et les cadeaux ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Nous continuerons donc dans la voie de la réduction des dépenses, y compris sociales : c'est la seule.

Hélas, Madame Bricq, je vous sens très seule. (Exclamations à gauche)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Pas du tout !

M. Daniel Raoul.  - Passons au vote !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Les primaires socialistes se sont gagnées à coup de milliards de promesses ! Vous dites vous-même que le taux de prélèvements n'a que peu de signification politique. Le choix se fera entre une hausse générale des impôts, et des prélèvements ciblés.

La Révision générale des prélèvements obligatoires (RGPO) vise à réformer notre fiscalité autour de trois principes : équité, compétitivité, efficacité.

M. Daniel Raoul.  - Vous êtes mal partis !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - L'équité est fondamentale, surtout en période de crise. Il est juste de demander plus aux ménages les plus aisés et aux grosses entreprises. (On ironise à gauche) Ce que nous avons fait. Le plafonnement global des niches, la réduction des avantages ont redonné à l'impôt sur le revenu sa progressivité. Sous Lionel Jospin, un ménage gagnant 1 million d'euros pouvait ne pas payer d'impôt sur le revenu. C'est fini ! (Vives exclamations à gauche)

M. Daniel Raoul.  - Quel aplomb !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Il paie aujourd'hui au moins 300 000 euros d'impôts. (On le conteste à gauche) Nous avons pris 25 mesures pour alourdir l'imposition des plus riches. Nous avons concentré l'ISF sur les plus aisés.

En 2011 et 2012, ce sont donc 2 milliards d'euros de plus demandés aux plus aisés. Le bouclier fiscal était une première réponse imparfaite et nous avons réformé l'ISF pour en faire un impôt intelligent. Vous le reconnaissez, cette réforme est financée en régime de croisière.

La justice, c'est aussi la redistribution. Avec le RSA, nous avons augmenté les revenus des Français qui retrouvent le chemin de l'emploi. (Mêmes mouvements) Un couple au Smic, avec deux enfants, touche le RSA, ce qui représente 256 euros de plus par mois, soit 15 % de pouvoir d'achat en plus.

La justice vaut aussi pour les entreprises : suppression du bénéfice mondial consolidé (BMC), réforme de l'impôt sur les sociétés (IS), allégement des prélèvements pesant sur les PME. C'est un fait !

Nous avons aussi renforcé notre compétitivité. En France, le coût du travail était trop élevé, l'investissement insuffisant. Les 35 heures ont été une erreur. (Exclamations à gauche)

M. Daniel Raoul.  - Vous êtes au pouvoir depuis dix ans !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - M. Schroeder disait : « Les 35 heures en France, c'est une bonne nouvelle pour l'Allemagne ». Cette réforme a contraint l'État à des milliards d'euros d'allégements de charges pour éviter qu'elle ne pèse sur les plus faibles.

Pour rendre du pouvoir d'achat, nous avons voulu que les salariés gagnent plus en travaillant plus. (On crie à l'échec à gauche) La défiscalisation des heures supplémentaires, issue de la loi Tepa, fait gagner en moyenne 450 euros par an aux salariés. Vous préférez taxer le travail quand nous l'encourageons.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Et les 2,7 millions de chômeurs ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Votre rapport oublie que Mme Aubry demandait, en 2000, la baisse de la TVA sur la restauration, pour « moderniser le secteur »...

Lionel Jospin avait supprimé le taux variable d'impôt sur les sociétés en fonction de l'investissement, inefficace. Il aurait été judicieux de voter avec nous la suppression de la taxe professionnelle, qui pesait sur l'investissement !

M. Claude Bérit-Débat.  - Et les conséquences pour les collectivités locales ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Vous vous êtes aussi opposés à la refonte du crédit impôt recherche (CIR).

M. Daniel Raoul.  - C'est scandaleux !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Nous avons fixé un calendrier précis pour harmoniser la fiscalité sur les entreprises en France et en Allemagne.

La compétitivité passe aussi par l'innovation. Or les entreprises sont aujourd'hui 60 % de plus à bénéficier du CIR. Pas un mot dans votre rapport sur ce dispositif qui dope notre compétitivité.

Notre troisième principe est l'efficacité, pour le développement durable d'abord : éco-prêt à taux zéro, crédit d'impôt développement durable. Nous allons concentrer les incitations sur les travaux les plus efficaces : la fiscalité verte est nouvelle et progresse en fonction de l'expérience. Je doute que quiconque revienne dessus.

Efficacité sanitaire aussi : taxe sur les sodas, pour lutter contre l'obésité, etc.

M. Claude Bérit-Débat.  - Alibi !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - La fiscalité comportementale est appelée à se développer. Je suis impatiente de voir ce qu'il en sera avec vous dans trois ou quatre ans !

M. Alain Richard.  - À vous écouter, on comprend que la gauche sera au pouvoir en mai 2012. Merci !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je dis, au contraire, que nous avons choisi la voie de l'avenir. Ne prenez pas vos désirs pour des réalités.

Notre politique fiscale est un reflet de nos valeurs et de nos convictions économiques. La France ne doit pas s'isoler en Europe en augmentant tous ses impôts : cessez de rêver à un « grand soir fiscal ». Encore une fois, le désendettement passe avant tout par la baisse des dépenses. Je souhaiterais que la Haute assemblée nous rejoigne sur ce point ! (Applaudissements à droite, M. Philippe Marini, président de la commission des finances, applaudit aussi)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Les auteurs de la Lolf voulaient garantir une approche consolidée des finances publiques. Nous pourrions, dans ces conditions, nous passer d'un débat d'orientation mais, à la veille des échéances électorales, il est normal de faire le point sur la politique conduite depuis cinq ans. Contrairement à 2007, le Gouvernement n'a produit aucun rapport. Il est vrai que sa politique manque de cohérence !

C'est pourquoi j'ai intitulé mon rapport Un quinquennat d'incohérences et d'injustices.

Pour ce qui est de la fiscalité du patrimoine, vous l'avez tantôt allégée, tantôt alourdie, sauf pour les plus fortunés qui s'en sortent toujours ! La réforme de la taxe professionnelle a été financée par l'emprunt. Après un allégement de 5 milliards, on annonce aujourd'hui une surtaxe de l'impôt sur les sociétés... Quant au crédit impôt recherche, l'Allemagne n'en connaît pas mais elle est beaucoup plus compétitive !

Je vous renvoie à mon rapport sur la fiscalité écologique. Je relèverai seulement les erreurs du Gouvernement sur les heures supplémentaires et la fiscalité immobilière, sans parler de la calamiteuse taxe carbone.

Pendant trop longtemps, le Gouvernement a ignoré la gravité de la crise de 2008 et refusé de relever les prélèvements mais, en 2013, notre pays battra ses records. Et c'est nous que l'on veut faire passer pour des adeptes des hausses d'impôt ! Le Gouvernement les augmente à reculons, sans aucune cohérence. Cela pèse en particulier sur les investissements des collectivités.

Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut réduire les dérogations, mais le Gouvernement s'attaque prioritairement aux niches les plus efficaces ! Pourquoi ne pas avoir suivi les préconisations du rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) ?

Le discours du Gouvernement fait perdre toute crédibilité à la parole publique. Toutes les niches ont une incidence économique. Et contrairement à ce qu'il prétend, le Gouvernement ne s'attaque pas qu'aux niches : seulement 40 % des mesures prises les concernent.

La politique menée depuis cinq ans est un précipité de ce qu'il ne faut pas faire. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Ce débat sur les prélèvements obligatoires est le seul qui nous offre une vision consolidée du PLFSS et du PLF. Notre rapporteure générale est dans son rôle. La critique est facile, mais nous serons attentifs à vos propositions et tout aussi exigeant.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Impatient !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Le quinquennat ne constitue pas une seule et même période mais se divise en trois temps : avant la crise, pendant la crise, durant ce que nous espérons être la sortie de crise.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Nous n'y sommes pas !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - J'ai trouvé certains passages de votre rapport stimulants, par exemple sur la fiscalité relative à l'investissement immobilier. Peut-être, en votre for intérieur, êtes-vous une libérale, attachée à ce que la fiscalité ne crée pas trop de distorsions dans la logique du marché...

La taxe professionnelle ? Reconnaissons que cette réforme constitue encore aujourd'hui un sujet de perplexité.

La polémique sur la taxe sur les prélèvements obligatoires est stérile. Nous devrions atteindre 45 % en 2013, contre 44 % en 2007. Mais en 2008-2009, nous étions parvenus à un taux historiquement bas, presque 42 % et ceci, du fait de l'effondrement des recettes fiscales. Cet indicateur est ambigu et son sens dépend du cycle économique.

La nouvelle majorité sénatoriale reproche au Gouvernement d'avoir maintenu un niveau élevé de prélèvements obligatoires...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Contrairement à sa promesse !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - ...tout en plaidant pour leur augmentation significative.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Pas de la même manière !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Pour préserver notre compétitivité, le Gouvernement évite sagement un relèvement général des impôts et préfère prélever un supplément temporaire sur les foyers et entreprises qui ont la plus forte capacité contributive.

Mme la rapporteure générale se réfère à la commission Guillaume, qui a évalué l'efficacité des niches. Je me réjouis de ce coup de chapeau à mon ancien corps mais cette commission administrative ne prend pas en compte l'impact politique des mesures. En outre, cette démarche ne peut aboutir qu'à des mesures ciblées, qui sont autant de pièges : je pense à la TVA sur les parcs à thème. En période de crise, de telles mesures se heurtent encore plus à des intérêts catégoriels, alors qu'il est encore plus urgent d'agir. D'où la nécessité d'une méthode arithmétique et simple, acceptable politiquement, le « rabot large » sur une assiette étendue.

On peut ainsi augmenter les recettes de plusieurs milliards d'euros. Certains secteurs pourraient fort bien, sans modifier sensiblement le comportement des agents économiques, subir une TVA à 7 % au lieu de 5,5 % : travaux dans le bâtiment, hôtellerie, restauration.

L'essentiel est d'inspirer confiance. Il faut donc réduire les dépenses, pas seulement fiscales. Le Gouvernement en a eu le courage.

L'augmentation moyenne annuelle a été ramenée de 2,4 % à 0,6 %. C'est ainsi que l'on ramènera à 3 % le déficit en 2013.

Si l'on souhaite tailler dans le vif et diminuer les charges, sans doute faut-il procéder comme avec les dépenses fiscales : au rabot large, il faut ajouter la toise budgétaire la plus uniforme possible.

J'espère que ce débat nous guidera ! (Applaudissements à droite)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Ce débat s'inscrit dans un contexte bien différent de l'an dernier. La crise nous contraint d'éviter la langue de bois et d'être responsables. La réalité est sombre. Le Gouvernement a laissé filer les déficits et refusé de prendre les mesures nécessaires. Les prélèvements sociaux ne suffisent plus, depuis longtemps, à couvrir les dépenses : le ratio est passé de 96 % en 2008 à 92 % aujourd'hui... D'après la Cour des comptes, le déficit est structurel pour plus des deux tiers et tient à l'insuffisance des recettes. Même avec une forte croissance et des dépenses maîtrisées, le déficit restera de 10 milliards annuels !

Seules des mesures nouvelles pourront permettre de réduire les déficits. Le Gouvernement semble avoir changé d'optique sur l'augmentation des prélèvements obligatoires ; mais malgré les mesures qu'il a prises, on est encore très loin de l'équilibre. Le Gouvernement aurait-il abandonné tout objectif de retour à l'équilibre des comptes sociaux ? C'est une véritable exception française, comme l'a noté la Cour des comptes en 2009. En Allemagne, il est interdit aux caisses d'être en déséquilibre. Il est impensable de financer à crédit des dépenses courantes et moralement inadmissible d'imposer à nos enfants et petits-enfants de payer nos dépenses de santé en plus des leurs. Les comparaisons internationales doivent être utilisées avec prudence mais la Cour estime que nous sommes les seuls à avoir de tels déficits sociaux.

Notre système de protection fiscale est donc menacé par l'ampleur inédite des déficits. Nous n'avons cessé de reporter nos difficultés sur les générations à venir. Comment financer un haut niveau de protection sociale tout en tenant compte des contraintes de la compétitivité ? La maîtrise des dépenses est essentielle dès lors qu'elle est juste et efficace.

Aucun observateur n'exclut, en matière de protection sociale, une hausse des prélèvements, ne serait-ce que pour faire face au vieillissement de la population. La Cour des comptes, par la voix de Philippe Séguin puis de Didier Migaud, ne cesse de rappeler cette nécessité.

Nous vous proposerons des mesures concrètes la semaine prochaine à l'occasion du PLFSS : révision des mesures coûteuses et sans fondement, au premier rang desquelles les exonérations sociales sur les heures supplémentaires -qui coûtent 3,5 milliards (applaudissements sur les bancs socialistes), amplification de la chasse aux niches sociales et mobilisation de nouvelles ressources -par exemple en ciblant mieux les allégements généraux de charges sociales.

La dette sociale atteindra 141 milliards à la fin de l'année : elle résulte pour l'essentiel des déficits des dix dernières années. Le Gouvernement en est responsable. Quinze milliards de prélèvements sont affectés à la Cades ; est-ce raisonnable de se priver de ces ressources pour corriger des défaillances passées ? Si nous avions augmenté la CRDS au lieu de ponctionner les différentes branches, nous disposerions de 9 milliards supplémentaires.

Dans le contexte actuel, notre commission veut délivrer deux messages : nous ne pouvons plus continuer dans la voie tracée depuis dix ans en transférant la dette aux générations futures ; le retour à l'équilibre est nécessaire. Il faut donc mobiliser toutes les marges de manoeuvre disponibles pour obtenir les recettes nécessaires à une couverture des besoins maîtrisée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Le rapporteur général de notre commission vient de dresser un tableau alarmant de la sécurité sociale, qui connaît les plus grandes difficultés ; notre système de protection sociale est menacé. C'est le résultat de la politique menée depuis des années, du refus du Gouvernement de trouver des recettes supplémentaires, de son inertie devant les préconisations des experts, dont ceux de la Cour des comptes. M. Séguin nous avait alertés ; M. Migaud ne dit pas autre chose. Des solutions existent. Il faut dénoncer le tabou des niches fiscales et sociales, comme le faisait M. Fischer.

Pourquoi est-il si difficile de s'attaquer aux niches ? Le Gouvernement a fait le choix de la maîtrise de la dépense mais sa politique contraint nos concitoyens à subir injustices et sacrifices. Il a fait des choix injustes en s'attaquant aux plus modestes.

L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dit que la contribution commune doit être équitablement répartie entre les citoyens à raison de leurs facultés. Vous avez oublié ce principe essentiel. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, les différences de niveau de vie n'ont cessé de croître depuis 2004. Les revenus du patrimoine augmentent rapidement : pourquoi ne pas les taxer ? Pourquoi le Gouvernement se prive-t-il d'une telle marge de manoeuvre ?

Le taux d'effort moyen des ménages n'a pas augmenté de façon identique pour toutes les catégories sociales ; les efforts ne sont pas répartis équitablement.

Ce débat nous a permis de faire le constat qu'il est urgent de changer de politique des prélèvements obligatoires. Notre commission fait des propositions audacieuses et constructives pour mettre un terme à l'incroyable accumulation des déficits et répartir équitablement les efforts entre nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Votre tâche est ardue car avec une croissance atone, il vous faut trouver 10 milliards de plus ; il serait d'ailleurs prudent de considérer une hypothèse plus basse encore... La tâche devient schizophrène lorsqu'on doit harmoniser, au plan européen, la fiscalité à la baisse tandis que le déficit rend son augmentation inévitable... Comment demander plus à l'impôt et moins au contribuable ? Les classes moyennes sont surtaxées. Pourquoi ne pas créer une cinquième tranche de l'impôt sur le revenu pour les plus riches, taxer les stock-options, les retraites « chapeau » et autres parachutes dorés comme les revenus ? (Mme Nathalie Goulet approuve)

Les niches fiscales représentent une dépense fiscale importante sur laquelle il serait possible de prélever 10 %. Prenez en compte le rapport Guillaume ! L'alternative est de moduler certaines niches, mais gare au blocage, ou de pratiquer un coup de rabot uniforme. Soyons pragmatiques. « Nul ne saurait gouverner sans laconisme » disait Saint-Just : il avait parfois raison.

M. François Patriat.  - Toujours !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Les prélèvements obligatoires sont responsables de notre faible compétitivité ; l'impôt sur la production est de deux points plus élevé en France que la moyenne de l'Union. Nous sommes de moins en moins compétitifs par rapport à l'Allemagne. Il faut cesser de surtaxer nos PME, indispensables à la croissance et à l'emploi. Le taux d'IS sur les PME doit se rapprocher de celui de l'Allemagne. En revanche, les entreprises du CAC 40, en partie délocalisées, devraient payer davantage. Pourquoi ne pas augmenter la TVA, tout en allégeant les charges, afin d'améliorer notre compétitivité ? Taxer la consommation plutôt que la production : ce serait au final neutre pour le pouvoir d'achat.

La dégradation de notre note nous pénaliserait. Les convulsions qui ont frappé l'euro sont dues à l'absence de politique fiscale et économique dans l'Euroland. L'harmonisation permettrait de faire de l'Europe la première puissance mondiale économique et, à terme, politique. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marie-France Beaufils.  - La présidentielle devrait être l'occasion de débattre des prélèvements obligatoires. Certains gardent les yeux rivés sur le taux des prélèvements obligatoires. Quand on dépassait 40 %, on disait que le pays était entré dans un « socialisme rampant » ; nous en sommes à 45 % mais personne ne qualifierait la politique du Gouvernement de socialiste ! La part des prélèvements obligatoires dans le produit intérieur a évité à la France de connaître la même récession que d'autres pays -je pense à l'Espagne. La sécurité sociale, l'assurance chômage, l'effet redistributif de l'impôt et la rigidité de notre code du travail ont atténué le choc de la crise.

Ces différents amortisseurs n'ont toutefois pas empêché le chômage de croître ni l'économie de décélérer. La reprise de 2010 n'aura pas duré.

Le rapport de Mme Bricq nous apporte un éclairage critique sur la politique menée depuis 2007. La contribution des grands groupes et des ménages les plus aisés s'est réduite durant ces cinq ans. C'était sans doute le mandat que les invités du Fouquet's avaient donné à M. Sarkozy...

La taxe professionnelle avait une certaine dynamique. La contribution économique territoriale (CET), qui l'a remplacée, montre ses limites ; elle annule les effets de toute politique d'aménagement économique local : accueillir une entreprise n'a plus aucun intérêt fiscalement. Et l'autonomie fiscale des collectivités a été mise à mal. En revanche, 11 milliards ont été perdus par les collectivités et remplacés par des dotations qui figent leurs ressources. Les allègements fiscaux ont-ils eu un effet sur l'emploi ? J'en doute fort.

Quant au front de l'impôt sur les sociétés, il a été bien tenu ! Niche Copé, réforme du CIR... rien n'a échappé à l'attention du Gouvernement. Il aura fallu attendre 2010 pour le voir revenir sur le BMC... Le produit de l'IS n'a pas augmenté ; comment les entreprises françaises vont-elles accueillir le principe d'une assiette commune avec l'Allemagne ?

En 2010, on a enregistré 32,9 milliards de recettes et vous attendez 40 milliards de recettes cette année ; mais la moyenne était de 50 milliards avant 2007. Il y a donc des contribuables satisfaits de la politique de M. Sarkozy. La majorité a contribué depuis cinq ans à créer un paradis fiscal : notre IS rapporté au PIB est inférieur à celui de l'Irlande !

La même démonstration vaut pour les ménages. Le Gouvernement parle d'augmenter la TVA, impôt qui pèse d'abord sur les plus modestes. Pendant ce temps, les plus fortunés ont bénéficié d'avantages fiscaux -droits de succession, avantages liés aux donations... Et que dire de l'ISF, qui a été réduit de moitié en juillet dernier, sans la moindre justification économique ou sociale ? Pourquoi ne pas annuler cette réforme, puisque des milliards manquent ? Le Gouvernement a décidé d'alléger l'impôt des plus riches et de faire payer tous les autres.

Il convient de faire exactement le contraire de ce qui a été fait depuis 2007. La sécurité sociale doit avoir les moyens de répondre aux besoins, les collectivités locales doivent pouvoir investir et l'État servir l'intérêt général. Ce qui passe par une augmentation des prélèvements et surtout une meilleure répartition de la charge fiscale. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin.  - Ce débat intervient dans un contexte économique tourmenté, voire inquiétant. Je crains que le PLF ne parvienne pas à inverser les tendances depuis 2007. La politique du Gouvernement, excellemment analysée par Mme Bricq, s'est montrée socialement injuste et économiquement inefficace. Il y a des indicateurs objectifs. Le taux de prélèvements obligatoires devait être réduit à 43,4% du PIB, mais nous en serons à 45 % l'an prochain, malgré vos annonces.

Certes, la crise est passée par là. Les promesses faites en des temps plus cléments ne peuvent pas être tenues. Mais beaucoup de vos choix ont aggravé les choses. La Cour des comptes ne s'y est pas trompée. La loi Tepa est dans tous les esprits même si vous avez tenté d'en amoindrir l'impact -elle privera encore l'État de 9 milliards de recettes en 2012. Tenu par des promesses de campagne, votre Gouvernement n'a pas eu le courage de revenir sur ce dispositif coûteux et socialement injuste.

Les niches fiscales ? Injustes ! Pourquoi ne pas tenir compte du rapport Guillaume ? Oui, des solutions existent mais vous persistez à ne pas les voir. Votre politique fiscale est incohérente. Il aurait fallu une réforme courageuse et ambitieuse, qui conduise au retour à l'équilibre et à la justice.

La situation économique est grave et la sortie de crise n'est pas pour demain. Il ne faut cependant pas repousser le grand chantier fiscal souhaité par nombre d'entre nous : ce serait d'ailleurs un signal positif à l'adresse des agences de notation.

Les radicaux de gauche plaident depuis longtemps pour une réforme de notre système fiscal fondée sur la justice et la compétitivité ; pour une fusion de l'impôt sur le revenu, de la CSG et d'une partie des cotisations sociales dans un impôt unique et progressif, qui touche aussi le capital ; pour la création de plusieurs tranches de l'impôt sur les sociétés et l'intégration du bénéfice mondial consolidé. Et pourquoi ne pas asseoir les charges sociales des entreprises, non plus sur la masse salariale mais sur la valeur ajoutée nette ? L'emploi serait ainsi sauvegardé.

Nos concitoyens sont conscients de l'effort à accomplir mais ils veulent une réforme efficace et, surtout, juste. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique de Legge.  - Mme le rapporteur, sortant du cadre strict de l'article 52 de la Lolf, a fait une analyse sur l'ensemble de la législature. Je ne conteste pas ses chiffres mais je conteste leur interprétation. Vous affirmez que les prélèvements obligatoires ont augmenté ; je n'ai pas compris si vous le regrettiez ou si vous estimiez qu'il fallait les alourdir davantage... Nous, nous voulons les limiter, parce qu'il y va du pouvoir d'achat de nos concitoyens et de la compétitivité de nos entreprises -éléments qui conditionnent la reprise. Entre 2007 et 2011, la crise est passée et il a fallu trouver le juste équilibre.

Vous voulez augmenter les impôts. Nous estimons qu'il faut agir sur les dépenses publiques. L'Allemagne a eu le courage de réformer son système de retraites, alors que vous voulez revenir à 60 ans. Pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l'État hors charge de la dette et pensions vont baisser en 2012. Pour la première fois depuis 1997, l'Ondam a été tenu en 2010, grâce à des réformes de fond que vous avez combattues, comme celle de l'hôpital.

La réforme des retraites, sur laquelle vous voulez revenir, nous fera économiser 5,6 milliards dès 2012, 25 milliards en 2018. Tous les pays d'Europe agissent sur la dépense ; ce n'est pas populaire mais c'est responsable. C'est pourquoi je salue le volontarisme du Gouvernement. La politique serait grandie si, face à une crise aussi grave, nous tenions tous un discours de vérité.

Je regrette que votre rapport ne trace pas de perspectives. Quelle part assignez-vous dans le redressement des finances publiques à l'augmentation des prélèvements ? À la baisse des dépenses ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - 50-50 !

M. Dominique de Legge.  - Dans d'autres pays, majorité et opposition marchent main dans la main ; je ne suis pas sûr que vous ayez servi la France en refusant le débat sur la règle d'or.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Appliquez-la !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Si au moins vous respectiez les lois de programmation...

M. Dominique de Legge.  - Revenir sur la réforme de la taxe professionnelle n'est pas une bonne chose. Elle a bénéficié à la grande majorité des entreprises de taille intermédiaire. En 2000, M. Jospin estimait que si l'on voulait lutter contre le chômage, il ne fallait pas taxer les emplois ; il a supprimé la part salaires de la taxe professionnelle. Il a eu raison. C'est pourquoi nous avons parachevé sa réforme en supprimant la part investissement. Certes, son coût a été plus élevé que prévu mais le manque à gagner pour les collectivités a été intégralement compensé. (Exclamations à gauche)

Il est paradoxal de demander l'harmonisation des fiscalités européennes et de contester toutes les mesures qui vont dans ce sens ! Revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires ? Parlez-en avec les milliers de travailleurs modestes qui ont bénéficié de ce dispositif ! La fiscalité verte : fallait-il laisser subsister un tel effet d'aubaine dans le secteur photovoltaïque ?

Pour 2012, le Gouvernement respecte ses engagements. Aussi je forme le voeu que face à la crise, nous puissions faire preuve de mesure et d'humilité. S'il y avait une recette miracle, cela se saurait ! Le débat qui s'ouvre aura le mérite de redéfinir les priorités. C'est tout l'honneur du débat politique. (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, applaudit)

Mme Michèle André.  - Constat sévère pour le candidat Sarkozy qui avait annoncé qu'il diminuerait de quatre points le taux des prélèvements obligatoires. En cinq ans, les prélèvements auront augmenté de plus de 100 milliards.

La politique gouvernementale reste marquée par l'iniquité et l'absence de volonté réformatrice.

En 2012, la croissance sera inférieure à 1,75 %. Le Gouvernement devra prendre de nouvelles mesures. Les bases du projet de loi de finances sont d'ores et déjà disqualifiées.

Sous le gouvernement Jospin, le taux des prélèvements obligatoires avait baissé, contrairement à cette législature. Selon la Cour des comptes, les deux tiers des déficits publics sont imputables aux choix du Gouvernement contre un tiers à la crise. La malheureuse loi Tepa est passée par là qui s'est révélée inefficace dans tous ses aspects, pour un coût de 10 milliards encore en 2012. N'oublions pas le taux réduit de TVA appliqué à la restauration ou la réforme précipitée et coûteuse de la taxe professionnelle. Quant aux mesures fiscales en faveur de l'immobilier, Borloo et autres Scellier, elles ont eu des effets pervers ; nous aurions préféré le développement du logement social.

Ces dernières années, ce sont les plus favorisés qui ont bénéficié des mesures fiscales du Gouvernement, tandis que les plus pauvres ont dû payer davantage. En pleine crise, le Gouvernement a allégé l'ISF de 1,8 milliard. Il n'a actionné que le levier dépenses au risque d'une dégradation, avérée aujourd'hui, des services publics.

Nous devons rétablir l'équité et la justice, des prélèvements clairs et compris par tous. L'impôt sur le revenu doit reposer sur une assiette large, peser sur les revenus du capital comme sur ceux du travail, intégrer la CSG, être plus progressif. Les niches fiscales devront être réduites, ou supprimées. Enfin, l'IS doit être entièrement repensé puisqu'il frappe davantage les petites entreprises que les grands groupes ; il doit aussi être harmonisé au niveau de l'Union européenne.

Je n'oublie pas la réforme de la fiscalité locale. La solidarité territoriale devra s'exprimer par une péréquation verticale et horizontale qui permette l'accès aux services publics à tous les Français sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. René-Paul Savary.  - Je remercie le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mais son intervention m'a semblé partiale. Le déficit est principalement structurel, certes, mais aussi conjoncturel : la dynamique de croissance a été cassée par la crise qui a détruit 330 000 emplois en France, d'où moins de cotisations et plus d'indemnités chômage à payer. Trop longtemps on a laissé le déficit filé ; la France vit au-dessus de ses moyens. Les améliorations consommatrices de personnel ont désormais un coût insupportable.

La droite a hérité d'un système chroniquement déficitaire. La course vers toujours plus d'impôt, c'est le renoncement au juste équilibre, aux règles de simple gestion.

Le Gouvernement a-t-il failli ? Je ne le crois pas. La tarification à l'activité à l'hôpital par exemple est une excellente chose. Le retard accumulé dans la gestion des ressources publiques fait que l'on a du mal à faire admettre la simple gestion pluriannuelle à l'horizon 2025.

Nous aurions pu revenir sur les 35 heures, mais il y avait déjà beaucoup à faire, sur les retraites, par exemple. Sur les conditions d'allocation de la CMU, il y aurait matière à débat, comme plus généralement sur notre modèle social.

Nous tenons nos engagements sur la réduction des déficits : 45 milliards d'efforts en deux ans, c'est sans précédent, mais encore insuffisant.

L'inquiétude, légitime, n'est ni de droite, ni de gauche. (M. Philippe Marini le confirme) À force de vivre à crédit, les États ne sont même plus des clients privilégiés pour les banques. Il faut des solutions nouvelles et j'en évoquerai quelques-unes dans le secteur médical : télémédecine, téléassistance pour les personnes dépendantes, alternatives à l'hospitalisation, prévention accrue, normes adaptées à la taille des collectivités et établissements, etc. Sans remettre en cause notre modèle social, il faut l'adapter, ce que n'a pas assez développé le rapporteur. (Applaudissements à droite)

M. Jean Arthuis.  - Les prélèvements obligatoires sont au coeur d'enjeux vitaux, pour nos finances publiques et notre compétitivité. Hélas, la croissance est en berne, le chômage s'accroît, les injustices se creusent.

S'agissant de la compétitivité, n'est-il pas temps de rompre avec les tabous ? L'option de la consommation est une impasse. Il faut donner le primat à la production et à l'emploi.

Pourquoi donc différer le débat sur la TVA « sociale », « antidélocalisations » ou même « réindustrialisation » ?

Est-il vrai que le Gouvernement s'apprête à créer un taux intermédiaire de TVA -je le soutiendrai- mais en affectant le produit à la réduction des déficits plutôt que des cotisations sociales ?

Toute hausse de TVA doit aboutir à une baisse des cotisations à l'euro près : vous vous y êtes dite personnellement favorable, madame la ministre. 2007 avait fait naître un espoir, je crains qu'il ne soit déçu.

Il faut aussi comprimer les dépenses, budgétaires comme fiscales.

Il faudra revenir sur la CRDS. Il y a un an, j'ai déposé un amendement qui l'augmentait de 0,25 %, car la Cades va tout droit à la faillite. Je redéposerai un amendement similaire cette année.

À propos de la justice fiscale, plutôt qu'une contribution exceptionnelle complexe, au rendement modeste, je préfère une ou deux tranches supplémentaires de l'impôt sur le revenu. L'imposition sur les plus-values doit se rapprocher du barème général. (Applaudissements sur les bancs UCR)

M. François Patriat.  - Ce débat devrait être placé sous le signe du courage et de la lucidité : deux vertus qui ont manqué au Gouvernement ces dernières années.

Avec une hypothèse de croissance inférieure à 1 %, quelles sont nos marges ? Le Gouvernement lui-même a aggravé la dépense publique. L'évolution du taux des prélèvements obligatoires reflète ses choix. Les dépenses d'investissements et les dépenses structurelles qui financent les services publics stagnent. Les prélèvements obligatoires vont atteindre un niveau historique : vous rêviez que la gauche le fasse, c'est la droite qui le fait. Vous n'avez pas eu la volonté politique de proposer une réforme fiscale juste pour dégager les marges nécessaires. Nous demanderons des efforts aux Français après avoir mené une réforme générale de la fiscalité en la rendant juste par l'égalité de traitement du travail et du capital.

La crise a bon dos ! Votre politique a été parfaitement incohérente, à contre-cycle, conséquence de votre entêtement dogmatique. Les agences de notation ne s'y sont pas trompées, non plus que sur l'insincérité budgétaire chronique.

Vous n'aurez pas été le Gouvernement du pouvoir d'achat et l'augmentation de la TVA le fera encore baisser. Vous n'avez aidé les entreprises ni à investir ni à améliorer leur compétitivité.

Le déficit de notre commerce extérieur doit atteindre 75 milliards d'euros. Pour sauver les apparences, vous avez multiplié les mesures parcellaires, incompréhensibles, injustes. La taxation des hauts revenus ne rapportera que 400 milliards, après la réforme de l'ISF !

Le compte n'y est pas. La crise vous fait abandonner certaines certitudes mais vous n'avez pas compris la nécessité de préserver les recettes publiques. Nous proposerons aux Français une autre fiscalité, plus juste, qui sera le socle du changement. (Applaudissements à gauche et sur le banc de la commission)

M. François Fortassin.  - Compte tenu de l'heure, j'oublierai mes notes et me contenterai de quelques réflexions de Français moyen. Le pacte de confiance est rompu et les gesticulations verbales de nos ministres n'y changeront rien. Les Français ont le sentiment que l'équité a disparu. Depuis quinze ans, l'éventail des revenus n'a cessé de s'élargir. Mme la ministre ne semble pas l'avoir compris.

L'opinion ne comprend plus cette gestion technocratique. Avec la réforme de l'ISF, le Gouvernement s'est tiré une balle dans le pied ! Il est tombé dans les gadgets : parcs à thème, boissons sucrées... Mais les subventions aux collectivités sont mesurées chichement, d'où la réduction des investissements et la baisse de la croissance.

Quant aux services publics, c'est dans les zones les plus démunies qu'ils sont les plus nécessaires : songez aux déserts médicaux !

La règle d'or enfin... À quelques encablures de l'élection présidentielle, cela sentait l'arnaque ! Plutôt qu'une hypothétique règle d'or pour assurer un budget équilibré, il faut une volonté politique.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Et oui !

M. François Fortassin.  - L'immense majorité du groupe du RDSE ne votera pas le projet de budget du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - N'anticipez pas : vous aurez peut-être une révélation ! (Sourires)

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Ce débat a montré nos différences de philosophie sur les causes du déficit : je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes qui montre que le déficit est dû pour un tiers à la crise, pour les deux tiers à trente ans de laxisme budgétaire. Ne soyez pas simplistes en accusant Nicolas Sarkozy : vous ne serez pas crédibles. La dette n'est pas une spécificité française !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - La dette sociale, si.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Mme Bricq considère que la hausse des dépenses est inévitable et qu'il faut donc augmenter les impôts. Nous préférons la « toise » budgétaire. Vous semblez nostalgiques de l'époque où l'Ondam, voté à 3 %, était réalisé à 5,5 %, contre la volonté du législateur ! En respectant l'Ondam, le Gouvernement évitera un déficit de 11 milliards d'euros, sans baisser une seule prestation sociale. L'AAH et le minimum vieillesse ont augmenté de 25 % et nous avons créé le RSA.

Le courage et la lucidité ? Vous parlez à la ministre qui a fait la réforme de l'université, que vous n'avez pas votée et que vous ne remettrez pas en cause. Le courage et la lucidité ne sont pas du côté d'un parti qui, entre 1997 et 2002, a renoncé à réformer les retraites pour ne pas fâcher son électorat ! J'admets tout mais pas ça !

Quant à l'exemple allemand, ce sont les subventions versées par l'État fédéral qui permettent l'équilibre des caisses.

Sur la règle d'or, votre position est incompréhensible.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Votre règle ne règle rien !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - La voter rassurerait les acteurs économiques et nos partenaires. Ce n'est pas à Nicolas Sarkozy que vous la refusez mais à tous les Français. Vous en porterez la responsabilité.

M. François Marc.  - Qui a creusé le déficit ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Madame David, citez le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires en entier : il reconnaît que notre système fiscalo-social est devenu plus progressif entre 1990 et 2009.

Et depuis cette dernière date nous avons rapproché l'imposition des revenus du travail et du patrimoine. (On le conteste vivement à gauche) C'est pour taxer les deux que nous avons choisi une contribution de solidarité plutôt qu'une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu.

Oui, madame la rapporteure générale, le Gouvernement estime qu'il faut modifier la structure des charges fiscales en fonction de la conjoncture économique. C'est aussi l'équité qui nous guide : une politique équitable ne détruit pas la croissance ni l'emploi par un choc fiscal.

La politique de compétitivité est nécessaire, Madame Beaufils. M. Arthuis a ouvert un débat sur le transfert du financement de la protection sociale pour faire baisser le coût du travail. L'Allemagne a conduit cette politique depuis dix ans.

À une hausse générale de la fiscalité, nous préférons des prélèvements ciblés, plus justes et plus efficaces.

Enfin, le désendettement de la France passe avant tout par la maîtrise des dépenses : c'est là notre divergence fondamentale. (Applaudissements à droite)

CMP (Nominations)

M. le président.  - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants. La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du Règlement. Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire : titulaires, M. Jean-Pierre Sueur, Mmes Virginie Klès, Catherine Tasca, Éliane Assassi, MM. Jean-Jacques Hyest, François Pillet, François Zocchetto ; suppléants, MM. Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Christophe Béchu, Mme Esther Benbassa, MM. Gaëtan Gorce, Jacques Mézard, André Reichardt.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 3 novembre 2011, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Jean-Luc Dealberto,

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 3 novembre 2011

Séance publique

De 9 heures 30 à 13 heures

1. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'identité (n°744, 2010-2011).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n°39, 2011-2012).

Texte de la commission (n°40, 2011-2012).

De 15 heures à 19 heures

2. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l'État (n°740, 2010-2011).

Rapport de Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture (n°37, 2011-2012).

À 19 heures et le soir

3. Texte de la commission de la culture sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans (n°447, 2010-2011).

Rapport de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la commission de la culture (n°62, 2011-2012).

Texte de la commission (n°63, 2011-2012).

4. Suite de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité (n°793, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois (n°67, 2011-2012).

Texte de la commission (n°68, 2011-2012).

5. Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l'État (n°745 rectifié, 2010-2011).

Rapport de M. Christian Favier, fait au nom de la commission des lois (n°71, 2011-2012).

Texte de la commission (n°72, 2011-2012)