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Table des matières
Débat sur la réforme portuaire
Question prioritaire de constitutionnalité
Débat sur la couverture numérique
Saisine du Conseil constitutionnel
SÉANCE
du mercredi 12 octobre 2011
5e séance de la session ordinaire 2011-2012
présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt de documents
M. le président. - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificatives pour 2010, l'avenant à la convention entre l'État et l'Agence nationale de la recherche relative au programme d'investissements d'avenir, action « Initiatives d'excellence en formations innovantes » ; et, en application de l'article 46 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, le rapport sur l'opportunité d'asseoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères sur la taxe d'habitation.
Le premier a été transmis à la commission des finances, à la commission de la culture, ainsi qu'à la commission de l'économie ; le second à la commission des finances et à la commission de l'économie. Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
Débat sur la réforme portuaire
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur la réforme portuaire.
M. Charles Revet, au nom de la commission de l'économie. - Notre commission a unanimement adopté, en juillet, le rapport du groupe de travail sur le bilan de la réforme portuaire, que j'avais l'honneur de présider. Je rends hommage à notre ancien président de commission, M. Emorine, pour avoir créé ce groupe de travail et à M. Raoul, notre nouveau président, qui partage la même ambition pour le développement de nos ports.
Nos objectifs étaient de réfléchir aux causes objectives du déclin de nos ports et d'y trouver des remèdes. Déclin, en effet : avec 430 millions de tonnes, le tonnage de Rotterdam équivaut presque au double de nos sept grands ports maritimes (GPM) ; premier port français, Marseille occupe la cinquième place européenne pour l'ensemble du tonnage et la treizième pour les conteneurs ; principal port du pays pour les conteneurs, Le Havre n'atteint que la huitième place européenne, avec un trafic équivalent au cinquième de celui passant par Rotterdam. Or ce déclin, au regard des nombreux atouts de notre pays, n'est pas inéluctable.
Nous avons effectué de nombreux déplacements, en France et à l'étranger. Ne cherchant pas à identifier de bouc émissaire, nous avons réfléchi sur les structures pour décortiquer les causes du déclin et proposer des remèdes.
Ciblée, pragmatique et moderne, la réforme de 2008 visait essentiellement à unifier la chaîne de commandement de la manutention -vente de l'outillage et transfert des personnels- et à moderniser la gouvernance des ports.
Quel est son bilan ? Le Gouvernement a rapidement pris les décrets d'application, ce qui n'est pas si courant. La difficulté a surtout tenu au transfert des personnels.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - C'est vrai !
M. Charles Revet, au nom de la commission de l'économie. - L'accord-cadre d'octobre 2008 devait être décliné port par port, mais la signature définitive de la convention collective unifiée n'est intervenue qu'en avril 2011. Les négociations, tendues, n'ont pas été facilitées par simultanéité de la réforme des retraites. Aujourd'hui, 900 des 1 000 personnes concernées ont effectivement été transférées aux entreprises privées, les autres bénéficiant d'un dispositif de cessation anticipée d'activité. En réalité, la loi n'est effective que depuis juin dernier...
Mais nous ne pouvons pas en rester là. Les causes du déclin restent malheureusement d'actualité. Notre groupe de travail en a identifié quatre : la faiblesse de l'État stratège et son désengagement financier, le manque de fiabilité des ports, le manque d'implication des territoires et l'existence d'une concurrence faussée -ce dernier aspect est peu connu, bien que des condamnations aient déjà eu lieu et que la Commission européenne ait lancé une enquête sur une possible entente illégale entre grands armateurs européens dans sept pays de l'Union européenne.
Que faire ? Il faut que les autorités portuaires adoptent une gouvernance entrepreneuriale, sous le contrôle des pouvoirs locaux plutôt que nationaux. L'heure est ensuite aux investissements massifs. Je m'en tiendrai à un chiffre : à Rotterdam, on investit 3 milliards d'euros pour gagner 20 km² sur la mer. Il faut enfin que nos ports offrent des services complets et intégrés, du transbordement à la desserte vers l'arrière-pays.
Deux maîtres mots doivent nous guider : proximité et autonomie. Nous suggérons l'élaboration d'une stratégie nationale, inspirée de ce qui se fait à l'étranger, et une décentralisation au cas par cas des GPM -la nouvelle entité portuaire ayant pleine compétence sur la stratégie de développement, la maîtrise d'ouvrage, le financement, l'État conservant la police des ports et la coordination et assurant la compensation financière indispensable. Il faut également créer un conseil de coordination portuaire élargi aux ports d'intérêt national et aux ports fluviaux. Pour favoriser l'investissement des collectivités territoriales, nous souhaitons la création de sociétés de développement local -aujourd'hui, les collectivités territoriales participent à fonds perdus ; elles seront intéressées aux bénéfices. La stratégie nationale serait coordonnée avec le Schéma national des infrastructures de transport.
Il faut ensuite donner à l'État un rôle de coordinateur et de facilitateur ; si les zones sensibles doivent être préservées, des espaces appropriés pour le développement économique doivent être trouvés ; les lourdeurs administratives sont un handicap majeur dans la compétition internationale. L'heure n'est plus aux colloques mais à l'action !
Nous souhaitons également que le recours aux procédures dérogatoires soit encouragé pour réaliser les projets des ports, de RFF et de VNF -voir la procédure des projets d'intérêt général qui a été retenue pour le Grand Paris. Il est en outre nécessaire, monsieur le ministre, de modifier rapidement la réglementation des affaires maritimes pour permettre la desserte de Port 2000 par des barges fluviales. La création de zones franches douanières doit en outre être encouragée -il n'en existe qu'une à Bordeaux. Si nous multiplions le nombre de conteneurs par deux, nous créerions au moins 30 000 emplois par an. Pensons-y !
Je reviens à l'articulation avec le fluvial et le fer, car la bataille de la mer se gagne à terre. Ne répétons pas l'erreur de Port 2000 : quand M. Perben a inauguré la première tranche, aucune barge et aucun train ne pouvait y accéder, malgré la modestie des investissements nécessaires. Nous plaidons également pour une réforme radicale de la gestion des sillons ferroviaires, pour la création d'opérateurs ferroviaires de proximité dans chaque port et pour la mise en place rapide des corridors de fret ferroviaires européens. Le renouveau du transport fluvial implique d'autoriser la navigation en permanence sur le réseau magistral et d'imposer un tarif unique pour les manutentionnaires portuaires ; cette mutualisation des prix rencontre un grand succès dans le nord de l'Europe. Il importe aussi d'encourager le développement des ports secondaires.
Enfin, nous préconisons la création dans chaque port d'une équipe de promotion commerciale tournée vers l'international. Je ne peux que regretter le retard pris par le Gouvernement pour élaborer le rapport sur les nouvelles installations portuaires en vallée de Seine. S'agissant de la concurrence, nous pourrions utilement nous inspirer de l'expérience de HHLA à Hambourg.
Monsieur le ministre, la réforme de 2008 était bonne mais elle a montré ses limites. Les autres grands ports investissent et se préparent déjà au rebond économique. Faisons de même, d'autant que nous avons tous les atouts ! C'est dans cet esprit que le groupe de travail a rédigé son rapport. (Applaudissements à droite)
M. Robert Navarro. - Je salue l'état d'esprit dans lequel a travaillé notre groupe de travail. Nous étions d'abord animés par le souci de la France car, derrière le problème des ports, se cache l'interrogation suivante : être ou ne pas être une puissance du monde ! Telle est la question.
À 85 % au moins, le commerce mondial est maritime. L'Europe est une de ses principales destinations. Comment les gouvernements successifs ont-ils pu négliger un tel gisement de croissance et d'emplois ? Aujourd'hui, la moitié des conteneurs à destination de la France ont transité par des ports étrangers ; la moitié des conteneurs qui arrivent en Ile-de-France viennent d'Anvers par la route. Une absurdité économique et écologique ! La première raison de cette situation est la faiblesse de l'État stratège, son manque d'engagement et de vision stratégique.
M. René Garrec. - Certainement pas la première !
M. Robert Navarro. - Le manque d'ancrage territorial en est une autre. Depuis des années, nous attendons une nouvelle gouvernance des ports et davantage d'autonomie. Aucun projet ne peut voir le jour sans l'aval de l'État. Est-ce normal ?
Notre groupe de travail a formulé quinze propositions volontaristes, certaines réglementaires ou législatives, d'autres d'ordre financier -nous plaidons pour des investissements à la hauteur des enjeux. J'insiste sur la décentralisation des GMP. La France reste ce qu'elle est historiquement, un pays trop centralisé ! Pour développer les ports, Paris a échoué. Héritiers de décennies d'abandon, nous n'échapperons pas à la question des financements. Les collectivités territoriales doivent être intéressées à leurs investissements. L'État n'a pas respecté ses engagements et sa contribution dans le cadre du Snit est dérisoire ; il doit aussi régler ses dettes.
Un port est un outil d'aménagement. Il doit donc être ouvert sur son arrière-pays et les entreprises. Il n'y a pas de fatalité au déclin. Je fais le rêve, accessible, que Marseille, grâce à nos travaux, devienne dans dix ans le premier port méditerranéen de conteneurs, et que Le Havre concurrence Anvers ! (Applaudissements à gauche)
Mme Isabelle Pasquet. - En 2008, le groupe CRC s'était opposé à la réforme proposée car le bilan de la loi de 1992 n'avait pas été fait et que le diagnostic n'était pas le bon. On apportait de mauvaises réponses à de bonnes questions. Depuis, de nombreux rapports nous ont donné raison en mettant en avant, pour les uns, la responsabilité des mouvements sociaux, pour les autres, le manque d'investissement de l'État.
À l'occasion de la question orale posée par M. Revet en mai 2010, M. Foucaud a déjà souligné l'insuffisance des montants consacrés aux ports dans le Snit -en comparaison des trois milliards investis à Rotterdam et du milliard consacré à Port 2000. En outre, avec un Snit seulement financé à 30 % par l'État, on peut s'interroger ! Il avait aussi pointé le retard pris dans les infrastructures intermodales. La bataille avec les autres grands ports européens se joue aussi sur terre -faute de systèmes intégrés, nous sommes en train de la perdre. À Marseille, il existe une seule ligne de desserte vers un arrière-pays lui-même peu dynamique. Nous sommes encore loin des objectifs du Grenelle. Hélas, le Gouvernement a cassé le fret ferroviaire et la SNCF ferme des gares de triage -celle de Miramas n'a été sauvée que grâce à la ténacité des salariés.
Plus de cohérence, moins de mise en concurrence des territoires et une politique attractive sont indispensables à nos ports. Ce sera plus raisonnable que d'imputer aux mouvements sociaux l'échec de la réforme de 2008. Restent des problèmes de productivité, l'absence de perspectives commerciales et de projets de développement. Aujourd'hui, le climat semble apaisé. Qu'en est-il, monsieur le ministre, de l'extension de la nouvelle convention collective ? (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Merceron. - À mon tour, je salue la qualité des travaux du groupe de travail. Plus de 80 % des échanges empruntent la voie maritime dans le monde ; la France est passée du rang de cinquième puissance mondiale au trentième. Anvers est devenu le premier port de conteneurs à destination de la France ! Nos voisins européens, eux, ont compris qu'il fallait investir dans les ports.
Mais il n'y a pas de fatalité au déclin, disait avec optimisme M. Revet. Lors de nos visites, nos interlocuteurs m'ont rendu l'espoir. Pour créer de véritables hubs internationaux, il faut concentrer nos efforts sur les hinterlands et les dessertes. Ainsi pourrons-nous irriguer la France et, au-delà, l'Europe : Marseille deviendrait le port de Lyon ; Le Havre celui de Paris. Tout cela ne sera possible qu'avec le développement du multimodal grâce à des projets d'avenir comme le canal Seine-Nord Europe.
Cela nécessite de lourds investissements des collectivités territoriales et une nouvelle stratégie commerciale. Hélas, le volontarisme affiché par de nombreux acteurs est contrecarré par une centralisation excessive : l'État suradministre, mais ne tient pas ses promesses de financement. Il faut donner de l'air aux initiatives et faire confiance à ceux qui veulent développer nos ports.
L'uniformisation de la manutention a suscité des tensions -la concomitance avec la réforme des retraites n'y est pas pour rien... Pour autant, le dialogue social devra reprendre : volet économique et volet social vont de pair !
Je souhaite que nous passions désormais à l'action avec une proposition de loi aussi consensuelle que les travaux de notre groupe de travail ! (Applaudissements au centre)
M. Christian Bourquin. - Beaucoup ont évoqué le déclin de nos ports à cette tribune, malgré tous les atouts de notre pays. Nous sommes concurrencés par Anvers, Rotterdam et Hambourg au nord ; Valence, Algésiras ou Tanger au sud. Comment expliquer cette situation ? La réforme de 2008 comportait une mesure dangereuse : l'uniformisation de la gestion de la manutention et la cession des outillages. Le mouvement social et les blocus, dont nous avons tous souvenir, étaient d'autant plus justifiés que cette mesure risquait -et risque toujours- de fragiliser des catégories de personnels déjà vulnérables. (On le conteste à droite)
De fait, il s'agit de vendre des biens publics à des entreprises privées.
M. Thierry Mariani, ministre. - Lisez le rapport de la Cour des comptes !
M. Christian Bourquin. - Bien que l'accord-cadre prévoie la reprise du personnel, rien n'empêche d'embaucher du personnel étranger bon marché. Fallait-il briser une logique historique ayant fait preuve de son efficacité ?
M. Thierry Mariani, ministre. - Surtout pendant les grèves !
M. Christian Bourquin. - La réforme de la manutention a provoqué un sentiment d'injustice parmi un personnel mal payé ! (Exclamations à droite)
Aujourd'hui encore, les ports décentralisés sont les grands oubliés de la réforme. Pire, les conventions collectives des dockers et des personnels portuaires ont été fusionnées, avec de lourdes conséquences pour les ports décentralisés, dont le coût de personnel a augmenté de 10 % à 15 %. C'est dommage car nombre de collectivités s'impliquent dans leur gestion. Ainsi, la région Languedoc-Roussillon, que j'ai l'honneur de présider, investit massivement : 300 millions pour Sète et 100 millions pour Port-la-Nouvelle, notamment. À ce propos, RFF veut conserver à Sète les sillons d'une voie ferrée envahie par l'herbe quand la région, elle, a les moyens de la remettre en marche. À Sète, en partenariat avec les acteurs locaux, nous construisons un nouveau terminal.
Nous sommes convaincus du fait que les transports alternatifs bénéficieront à toute la façade méditerranéenne. Cela suppose un minimum de compétence régionale, aujourd'hui inexistante : seuls sont compétents le département et la commune.
Le code des ports maritimes ne permet pas aux ports décentralisés de conclure des conventions de terminal. Ainsi, l'État semble décidé à ne pas appliquer la réforme de 2008 aux ports décentralisés, malgré leurs besoins en matière de gouvernance. Si l'évolution ne se fait pas, ils disparaîtront !
De 1989 à 2006, l'activité des ports européens s'est accrue de 60 %, mais seulement de 25 % en France. On peut se poser de graves questions voyant que le trafic de conteneurs a doublé en France pendant cette période alors que le tonnage des ports français a été divisé par deux.
Les propositions du groupe de travail sont réalistes ; le Gouvernement en aura-t-il les moyens financiers ? J'en doute... (Applaudissements sur les bancs RDSE et socialistes)
M. André Trillard. - Je félicite M. Revet pour l'excellence et la pertinence de son analyse. Nous voyons ainsi combien il reste à faire.
Notre groupe attache une grande importance aux ports maritimes.
La réforme de 2008 tendait à renforcer nos sept grands ports face à la concurrence internationale. Aujourd'hui, l'ensemble de nos grands ports fait moins que celui de Rotterdam, bien que notre pays possède le deuxième espace maritime mondial après les États-Unis. M. Revet, grand spécialiste de la question, note avec justesse que nos ports souffrent d'une absence de culture commerciale, raison pour laquelle de nombreux armateurs préfèrent passer par la Belgique et les Pays-Bas.
Parmi les objectifs de 2008, le transfert du personnel de manutention était le plus délicat. Son achèvement remonte à juin dernier. Ne jugeons donc pas trop vite une réforme en marche.
M. Thierry Mariani, ministre. - Merci.
M. André Trillard. - Parmi les raisons d'espérer, je citerai la capacité d'innovation et la réactivité de tous les partenaires des comités portuaires.
Ainsi, a été lancée entre Saint-Nazaire et Gijón la première autoroute de la mer pour le transport de poids lourds sur la façade atlantique : le nombre de camions concerné ne cesse d'augmenter. Des voyageurs de tourisme profitent aussi de cette liaison et de façon imprévue beaucoup de pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle, heureux de prendre le TGV à Nantes.
Le principal syndicat portuaire de Loire-Atlantique, tout en continuant à combattre la réforme, a admis que les salariés s'y retrouvaient financièrement.
Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance pour passer de la réforme à la relance. La balle est dans votre camp ! (Applaudissements à droite)
Mme Odette Herviaux. - Le rapport sénatorial montre que l'ambition maritime de la France est possible et nécessaire. Je ne formulerai qu'un bémol, portant sur le bilan de la réforme.
Historiquement, c'est toujours en se tournant vers l'extérieur que la France s'est développée. Or, bénéficiant d'un espace d'accès privilégié en Europe, la France paraît aujourd'hui incapable de formuler une proposition concurrentielle, car ses ambitions en faveur du grand large sont chroniquement sous-dimensionnées.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle avait refusé de donner Brest en bail emphytéotique aux Américains. Nous nous en étions félicités, mais n'avons-nous pas perdu ainsi une opportunité historique ?
M. Ladislas Poniatowski. - Intéressant !
Mme Odette Herviaux. - Aujourd'hui, la moitié des conteneurs à destination de la France transite par l'étranger. La réforme de 2008 n'a pas -encore ?- permis aux ports de stabiliser leur position.
Pourtant, le troisième armateur est français ! Nous devons valoriser nos atouts pour assurer l'importation et l'exportation des produits.
L'État fut le patient unificateur de nos ports, conformément à une tradition centralisatrice appartenant au passé. Aujourd'hui, les salariés ont compris que leur avenir dépendait de la bonne santé des ports. Je suis convaincue que le conflit social a été mis en avant pour masquer une politique de renoncement.
L'Etat doit assumer ses responsabilités. Trop souvent, les ministères peinent à travailler ensemble, transformant la polyphonie en cacophonie. La RGPP s'oppose à une politique ambitieuse sur le long terme. J'ajouterai le démantèlement de la DGCCRP et la réforme des douanes, autant de signaux négatifs.
Les investissements de l'État ont été trop limités : la Cour des comptes l'a souligné dès 2006. Régions et départements pallient l'inconséquence budgétaire et fiscale de l'État.
En mai 2010, le Gouvernement s'est félicité des 2,4 milliards prévus pour nos ports entre 2009 et 2013, oubliant de préciser que seuls 500 millions proviennent de l'État. C'est de toute façon inférieur au total d'un tiers aux investissements que consentent les Pays-Bas pour le seul port de Rotterdam !
Toutes ces incohérences sont regrettables, après le Grenelle de l'environnement et le Grenelle de la mer. Les flux maritimes mondiaux nous imposent une politique massive d'investissements pour se conformer à la directive européenne du 26 juillet 2000 sur les activités économiques d'intérêt général et celles relevant de la concurrence. Je rappelle que 1 000 conteneurs créent cinq emplois.
Nous devons revoir la gouvernance des ports et inverser les relations entre l'État et les collectivités pour qu'il ne soit plus réglementairement omnipotent et financièrement absent mais joue son rôle de stratège péréquateur et que les collectivités puissent s'impliquer pleinement dans l'aménagement du territoire et la concertation locale. Il est donc indispensable de passer à l'acte III de la décentralisation au profit des ports maritimes. C'est la condition d'une stratégie mobilisatrice au service de la croissance et de l'emploi ! (Applaudissements à gauche)
M. Joël Labbé. - Récemment élu dans cette maison, chargée d'histoire, je pense avec émotion au poète visionnaire Bob Dylan : « Now, the times they are a-changing » oui, depuis ces années 1960 où commençaient les travaux du club de Rome, tout reste encore à changer.
Après Dylan, Corneille : « nous partîmes cinq cents mais, par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port ». C'est souvent une minorité audacieuse qui montre la voie.
La loi de 2008 était ciblée sur les sept grands ports maritimes, -n'oublions pas les ports dits secondaires dont celui qui m'est cher de Lorient. M. Revet a raison de déplorer l'insuffisante ambition en faveur des ports maritimes, alors que le transport de marchandises par bateaux est essentiel pour combattre le réchauffement climatique : il émet cinquante fois moins de CO2 que le transport par avion, douze fois moins que par camions.
Nos importations sont principalement débarquées dans le nord de l'Europe. D'ici 2015, la part non routière du fret doit doubler. Or, en autorisant les camions de 44 tonnes à circuler sur les routes, on porte un nouveau coup au Grenelle de l'environnement.
M. Jean Desessard. - Très bien !
M. Joël Labbé. - L'autoroute de la mer entre Saint-Nazaire et Gijón a permis de réduire un peu le transport par route : il faut poursuivre dans cette direction. Mais il faut espérer qu'à la fin des cinq années de subvention l'expérience ne sera pas jugée non rentable.
M. Jean Besson. - Exactement !
M. Joël Labbé. - Depuis la nuit des temps, tout port structure un territoire. Il faut donc développer la concertation locale et repenser le rôle des régions.
Avec la réforme de 2008, la mise en concurrence malsaine est maintenue ; n'exagérons pas la responsabilité des salariés dans l'insuffisante fiabilité de la manutention ! Notre pays manque d'une culture du dialogue social.
Il faut intégrer les collectivités dans le dispositif des autorités portuaires pour aller vers des aménagements concertés acceptés par le plus grand nombre. Le code de l'urbanisme permet aux préfets de prendre la main à la place des élus pour les projets d'intérêt général. Les assouplissements de Natura 2000 préconisés dans le rapport sont inacceptables, de même que la mise en cause des associations qui engagent des recours. Il faut créer dans ce pays une culture du dialogue sociétal.
Une véritable réforme devrait comporter une filière de préservation de l'écosystème et une filière de déconstruction et de recyclage des navires civils et militaires. Rien de tel jusqu'à présent !
Il faut une autre politique maritime, fondée sur la solidarité et la complémentarité, engager une transformation écologique de notre économie à l'échelle de la France et du monde. Je suis citoyen du monde. Des enjeux mondiaux exigent une gouvernance mondiale.
M. Thierry Mariani, ministre. - Mais ne soutenez-vous pas la démondialisation ?
M. Joël Labbé. - Vous m'interrogerez ensuite ! (Rires)
Je ne veux plus voir arriver dans notre pays du maïs transgénique venant du Brésil, où sa culture ruine l'agriculture vivrière et pousse à détruire des milliers d'hectares de forêt primaire.
La politique doit reprendre la main, face aux forces du marché. Plus que d'une révolution, nous avons besoin d'une métamorphose, dit justement Edgar Morin. L'espoir est là, palpable pour les populations. « the times, they are a-changing » ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et sur plusieurs bancs à gauche)
M. Yannick Vaugrenard. - La réforme de 2008 n'a pas enrayé le déclin de nos ports, malgré nos 4 000 kilomètres de côtes. Il faut aujourd'hui changer la gouvernance de nos ports et gérer justement leur personnel.
Le tonnage de Rotterdam est supérieur à celui de l'ensemble de nos ports ; la concurrence est particulièrement rude pour les conteneurs. Dans ce domaine, Le Havre ne représente que 6 % du tonnage des cinq grands ports d'Europe du nord.
En 2005, presque 20 % du trafic mondial de navires passaient par la Manche.
Si le trafic en mer du Nord et dans la Manche augmente encore, nous risquons des catastrophes.
Créer des autoroutes de la mer permettra de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Jusqu'ici, avec la liaison Saint-Nazaire -Gijón, nous en sommes à un cabotage amélioré (M. le ministre s'étonne) : ce n'est qu'un début.
Des ports plus compétitifs pourraient attirer plus de navires provenant des États-Unis. Or, malgré le doublement des conteneurs transitant par nos ports entre 1989 et 2006, leur part a été divisée par deux.
Il n'est pas utopique de reprendre une place primordiale au niveau européen. Cela suppose notamment une nouvelle décentralisation en faveur des grands ports maritimes, avec plus d'autonomie pour leurs conseils de surveillance et une intervention renouvelée des collectivités territoriales. Cette forme de décentralisation doit nous guider aujourd'hui, sans diminuer l'engagement financier de l'État.
Les négociations sociales sont essentielles, car les conflits sociaux ont détourné certains flux de marchandises.
Nos ports sont modernes ; les salariés ne sont pas moins performants que ceux d'Anvers ou de Rotterdam. (Applaudissements à gauche)
M. Thierry Mariani, ministre. - Désormais achevée, la réforme portuaire doit porter ses fruits.
Je remercie M. Revet, ainsi que les membres du groupe de travail.
Aujourd'hui, la réforme de 2008 est effective. C'était un moyen, pas un but. Il est prématuré de la juger quand elle vient juste d'entrer en application.
Le port de Marseille a vu sa place chuter dangereusement alors que c'est un des mieux équipés.
La réforme de 2008 traduit l'ambition durable de l'État, avec la création de 30 000 emplois.
Elle comportait trois axes principaux. Elle a refondé la gouvernance des grands ports, désormais fondée sur trois instances, dont l'une associe les collectivités territoriales et les acteurs économiques.
Dès le premier trimestre 2009, les nouvelles instances avaient adapté leurs projets stratégiques.
Ensuite, la réforme a créé des conseils de coordination interportuaire. Ainsi, les ports du Havre, de Rouen et de Paris vont former un groupement d'intérêt économique.
J'en viens à la manutention, dont le transfert aux opérateurs privés devrait permettre aux grands ports de se concentrer sur les infrastructures.
Dès 2008, le Gouvernement a engagé une négociation sur le détachement du personnel. Le volet social de la réforme exigeait des mesures transitoires. Le Gouvernement a toujours veillé à l'équilibre entre l'acceptabilité sociale de la nouvelle convention unifiée « ports et manutention » et sa soutenabilité économique et financière pour les entreprises.
La pénibilité du travail est prise en compte par un départ anticipé à la retraite.
Les premiers détachements de personnel ont concerné les ports de Dunkerque, Le Havre et Rouen, les derniers ceux de Bordeaux et Nantes-Saint-Nazaire le 10 juin, date d'achèvement de la réforme portuaire.
L'extension de cette réforme aux ports maritimes de pêche et de commerce sera assurée, Madame Pasquet.
Mon objectif à moyen terme est de ramener vers les ports français la moitié du trafic à destination de la France qui transite aujourd'hui par l'étranger.
Effectivement, nous devons accompagner la réforme, en particulier sur les plans organisationnel et social. Il nous faut également réfléchir, avec tous les acteurs, non à une nouvelle réforme mais à la définition d'une politique offensive pour reconquérir des parts de marché. C'est à ce travail que se sont attelés M. Revet et le groupe de travail du Sénat.
Sans entrer dans l'analyse détaillée du rapport, je veux rappeler que l'État a investi 174 millions supplémentaires, ce qui en fait de nouveau le principal investisseur de nos ports. Tous financements confondus, quelque 2,4 milliards d'euros seront investis dans nos ports car nous avons pris la mesure de vingt ans de délaissement. J'en veux pour preuve le financement de nouveaux portiques à Fos et l'autoroute de la mer Nantes-Gijón. Le renforcement de la compétitivité des ports passe bien par l'État, qui entend accompagner les entités portuaires dans leur mission d'aménagement du territoire.
Simplifications administratives et expérimentations : nous les étudierons au cas par cas. L'État facilitateur doit aussi se concrétiser hors de nos frontières : à juste titre, le rapport souligne l'enjeu d'une TVA harmonisée.
Autre point important, le développement du transport multimodal avec RFF et VNF, interlocuteurs privilégiés des grands ports, liés par des conventions de partenariat. La coordination des grands ports maritimes avec les ports fluviaux est nécessaire, comme l'a rappelé M. Labbé. J'en suis d'accord. Reste que si certain ministre de l'écologie n'avait pas bloqué le canal Rhin-Rhône, il n'y aurait pas tant de camions dans ma région ! Pour défendre une circonscription qu'on s'est empressé d'abandonner, on a joué contre l'écologie. Devant les grandes déclarations, il faut rappeler les vérités historiques. Le nouveau statut de VNF lui permettra de mieux assurer sa mission.
Fiabilité, logique commerciale et climat social apaisé sont nécessaires pour retrouver la confiance des investisseurs et celles des armateurs étrangers. La réforme de 2008, dont Mme Pasquet a esquissé un bilan bien négatif, était indispensable.
L'outre-mer n'est pas oubliée ! Fort-de-France, Dégrad-des-Cannes et Port-Réunion ainsi que le port autonome de La Guadeloupe, les trois ports ultramarins concédés aux chambres de commerce et d'industrie deviendront des grands ports maritimes, donc des établissements publics nationaux.
Le Gouvernement n'a pas oublié la mer. Par son histoire et sa géographie, le France ne réussira qu'en développant ses ports. Cette réforme n'était qu'un début ; nous la poursuivrons avec l'aide de tous les acteurs. Personne ne met en doute la vocation maritime de notre pays ! L'aménagement de l'hinterland sera une de nos priorités. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - Je remercie la conférence des présidents d'avoir organisé ce débat. C'est un sujet important pour le développement de notre territoire, qui a fait l'objet d'un consensus dans notre commission ! (Applaudissements)
Question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 12 octobre 2011, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité. Le texte en est disponible au bureau de la distribution.
Débat sur la couverture numérique
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur la couverture numérique du territoire.
M. Hervé Maurey, au nom de la commission de l'économie. - Notre commission est convaincue de l'enjeu que représente l'accès aux technologies de l'information et de la communication pour nos territoires, y compris pour les zones rurales. Par manque de temps, je n'évoquerai pas leur importance pour les services publics, la santé, l'enseignement, la qualité de la vie. D'après une étude publiée par McKinsey en mars 2011, plus de 700 000 emplois ont été créés depuis 2000 grâce aux technologies de l'information et de la communication et 450 000 devraient l'être à l'horizon 2015. Ce n'est pas un hasard si la Corée investit dans le très haut débit à 1 gigaoctet alors que nous nous contentons de 100 mégaoctets.
Notre commission est inquiète. Comme souvent, la France se berce d'illusions. Notre couverture en téléphonie mobile, en 2G, en 3G, en 4G, en fibre n'est pas satisfaisante, d'autant que nos outils de mesure présentent un fort biais optimiste : il suffit de capter en un point hors des résidences et en restant immobile pour que toute la commune soit réputée couverte par la téléphonie mobile.
Le déploiement du très haut débit fixe reste embryonnaire : au rythme actuel, il faudrait un siècle pour couvrir notre pays. Nous sommes 22e sur 26 dans les comparaisons internationales, contrairement à ce qu'a affirmé le ministre en commission.
Nous aurions pu retenir la solution de l'opérateur mutualisé ; France Telecom n'en a pas voulu. Recourir à un opérateur unique sur fonds publics comme en Australie, à des partenariats public-privé comme en Finlande, ou encore à des concessions régionales, ce qui aurait permis de travailler avec des opérateurs en travaux publics, lesquels sont habitués à des retours sur investissement moins rapides et à des taux plus faibles que les opérateurs de téléphonie. Vous avez opté pour l'initiative privée et les projets intégrés des collectivités qui portent à la fois sur des zones denses et non denses ne seront aucunement subventionnés, même sur la partie non dense. C'est exclure toute péréquation entre zones rentables et non rentables (applaudissements) où sont confinées les collectivités territoriales. C'est intolérable !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - On a des noms ?
M. Hervé Maurey, au nom de la commission de l'économie. - Comme toujours, on invoque le droit européen et la concurrence. Nous demandons des explications plus fournies et avons saisi l'autorité de la concurrence.
Notre commission émet également des doutes quant à la volonté de l'opérateur historique de déployer la fibre, qui le priverait de sa rente sur le cuivre.
Mme Kroes, commissaire à l'économie numérique, s'est récemment émue de cette question : elle souhaite réduire la rentabilité du cuivre. Bref, l'État a laissé la clé de la maison aux opérateurs privés. (On renchérit à gauche)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - Je suis débordé sur ma gauche !
M. Hervé Maurey, au nom de la commission de l'économie. - Les collectivités vont où les opérateurs ne veulent pas aller. L'État ne doit pas se contenter d'être un spectateur : il doit devenir un acteur volontariste.
J'en viens à mes préconisations. Les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique doivent être opposables -pour éviter qu'ils ne restent des « paroles verbales »- et couvrir davantage de compétences. Ensuite, il faut profondément inverser les relations entre l'État et les opérateurs : cessons de les considérer comme des vaches à lait et fixons-leur des obligations de service public.
Concernant le numérique, nous devons viser 2 mégabits dès 2012 et 8 dès 2015. Il faut alimenter le Fonds d'aménagement numérique du territoire dès 2012. C'est possible sans créer de taxe supplémentaire, via la TVA sur le triple play. Il faut assurer en priorité le développement en zone rurale, où il y a plus d'appétence : pour preuve, là où il est possible, le taux de raccordement à la fibre est de 60 % dans l'Ain mais de 5 % à Paris.
En 2013, quand l'heure sera venue du bilan, ne nous interdisons pas de changer de modèle de déploiement. Mieux vaut revenir sur des décisions plutôt que de foncer dans le mur.
Monsieur le ministre, j'attends des réponses à mes propositions et aux questions que je vous ai adressées en juin. Pour l'heure, j'ai seulement reçu un accusé de réception de votre directeur de cabinet...
D'après un sondage auprès des maires ruraux, le numérique est leur première préoccupation, avant l'école et les routes.
Nous n'en resterons pas là : M. Leroy et moi-même allons déposer une proposition de loi car il est temps de passer des paroles aux actes. (Applaudissements unanimes)
Mme Mireille Schurch. - Le numérique représente le même enjeu que l'eau courante et l'électricité au XIXe siècle. L'avenir de nos territoires est en jeu ! Les maires ruraux ne s'y trompent pas.
Pour l'usager, l'accessibilité se situe à deux niveaux : l'accès au réseau, le coût de l'accès. En 2010, le président de la République a fixé des objectifs ambitieux pour la couverture numérique du territoire que vous comptez atteindre en vous reposant sur la seule initiative privée. Je partage les doutes du rapporteur... Il est inacceptable de priver les collectivités de subventions quand elles souhaitent couvrir des zones rentables en même temps que de non rentables. Cela interdit toute péréquation ! (« Très bien ! » à gauche) Il faudrait sans doute revoir votre copie du 27 avril 2011.
Le très haut débit pose, au fond, la question d'un service universel. La concurrence n'est qu'un moyen d'atteindre l'intérêt général, peut-on lire dans le rapport. Je partage ces propos : sans ressources pérennes octroyées au Fonds d'aménagement numérique, comment résorber la fracture numérique ? En temps de crise, il n'est pas juste de mettre le consommateur à contribution. Nous préférons un service public universel performant à des subventions délivrées à des opérateurs privés.
Ceux-ci ne voient que leur propre intérêt ! Appliqué depuis 1993, le modèle concurrentiel a montré ses limites. Nous contestons le découpage du territoire en trois zones et la charge imposée aux collectivités. Décentralisation ne doit pas rimer avec désengagement financier de l'État !
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Mireille Schurch. - Restons vigilants : le numérique ne doit pas justifier une moindre présence de l'État : la télémédecine n'est pas une solution miracle aux déserts médicaux.
M. Roland Courteau. - Très juste !
Mme Mireille Schurch. - L'État doit reprendre la main et remettre les territoires au coeur de sa politique ! (Applaudissements à gauche)
M. Raymond Vall. - Difficile d'innover dans l'argumentation lorsque l'on s'exprime après le rapporteur ! Merci pour ces travaux excellents, qui soulignent l'injustice intolérable constituée par les zones blanches. Le président de la République l'a reconnu dans son discours de Morée. Il a récidivé hier à Aubusson. Que faire quand l'État ne tient pas ses promesses ?
Déjà, des entreprises se délocalisent faute de bénéficier du très haut débit. Quid de la télémédecine sans accès fiable au réseau ? L'injustice est d'autant plus criante en Midi-Pyrénées car nous devons déjà nous substituer à l'État pour le TGV, les routes nationales, les maisons de services publics, les maisons de santé.
Nul ne maîtrise les décisions des opérateurs. Voici que l'opérateur historique a placé une fibre à côté de celle du conseil régional et maintenant, un autre opérateur pose une troisième fibre !
La révolte des territoires ruraux va se poursuivre. Nous désespérons, nous attendons des réponses et des faits. Commençons par créer un ministère exclusivement chargé de l'aménagement du territoire et des questions d'économie numérique, nous aurons ainsi un interlocuteur sur le terrain.
La fracture numérique engendre le désespoir. Cela ne peut pas durer. Monsieur le ministre, vous devez nous apporter des réponses ! (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - Très bien !
M. Bruno Retailleau. - La révolution numérique rebat les cartes tous les jours : les révolutions arabes ont été des e-révolutions... Cet outil suscite beaucoup d'espoirs et d'attentes.
Concernant le mobile, il y a un paradoxe car nos concitoyens veulent toujours plus de couverture et moins d'antennes.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - Eh oui !
M. Bruno Retailleau. - Je me réjouis qu'avec l'Arcep, nous ayons fixé comme premier critère, pour les nouvelles fréquences, l'aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, concernant les modèles, il y a deux impasses. Celui de la concurrence pure et parfaite nous mène dans le mur : nous couvrirons à peine 40 % du territoire. Mais celui de l'opérateur totalement public, à l'instar de l'Australie, n'est pas moins une impasse. L'Australie n'est pas membre de l'Union européenne, que je sache ! C'est un souverainiste qui vous le rappelle... Et il y a la contrainte budgétaire : l'Australie dépensera 20 milliards d'euros. En outre, ce modèle suppose une séparation structurelle de l'opérateur historique. Le voulons-nous ? J'en doute.
Le modèle français associe le modèle privé dans les zones denses, là où c'est rentable, et l'intervention publique ailleurs, avec une certaine mutualisation : 50 % du coût de déploiement en zone dense, 90 % ailleurs.
M. le rapporteur a raison d'insister sur la stabilité du cadre, qui est perfectible cependant. Les schémas doivent-ils être opposables ? Je n'en suis pas sûr. Quant au droit à la connaissance des réseaux, il est fondamental pour les collectivités territoriales. Je souhaite aussi un suivi longitudinal des déclarations d'intention des opérateurs privés.
Selon moi, l'État doit se concentrer sur le pilotage de ce grand chantier. Trop de jeunes fonctionnaires qualifiés sont partis à l'Arcep ou ailleurs. Que l'État reconstitue une task force en son sein.
Contrairement à ce que j'ai entendu, il n'a pas abandonné les collectivités territoriales. Autrefois, je me suis battu pour que 4,5 milliards provenant du grand emprunt aillent au numérique. Il faut conserver un taux de subvention de 30 % à 45 %. Avant de créer une nouvelle taxe, épuisons les fonds des guichets A et B. Il y en a pour plusieurs années.
Les grands réseaux de transport sont créés par les opérateurs ; les boucles locales relèvent des opérateurs et des collectivités -mais il reste 15 000 à 20 000 kilomètres de maillons manquants pour garantir l'égalité territoriale. (Applaudissements à droite)
M. Michel Teston. - On a longtemps considéré les infrastructures de transport comme seul moyen de désenclavement territorial. Il faut aujourd'hui y ajouter les autoroutes numériques.
Pour notre groupe, le désenclavement numérique exige une action forte. Malgré nos efforts, la loi de mars 2007 s'est contentée d'un objectif de couverture en TNT de 95 % du territoire métropolitain ; nous n'avons pu obtenir 90 % de la population de chaque département. (M. Roland Courteau le déplore) Grâce à la loi Pintat, le CSA a pu apporter un correctif : une couverture de 91 % de la population dans chaque département ; un soutien financier aux collectivités territoriales a également été prévu, mais il est dérisoire... Un meilleur équilibre du territoire aurait été obtenu avec le taux de couverture que nous proposions.
J'en viens à la téléphonie mobile : 97 % de la population seraient desservis en 2G par les trois opérateurs ; 100 000 personnes résideraient en zone blanche. Rappelons que le critère utilisé -une commune est considérée comme couverte si le bourg-centre l'est- n'est pas pertinent. La mutualisation entre opérateurs est indispensable, qu'il s'agisse des réseaux existants ou des futurs réseaux en THD mobile. Quant aux licences 4G, l'objectif de couverture est ambitieux... à l'horizon de quinze ans.
J'en viens au haut débit. Le Gouvernement retient le seuil de 2 Mbits/s. Rappelons que le « triple play » suppose 8 Mbits/s et que la moitié de la population ne peut y accéder... La solution satellitaire est plus chère et son niveau de service inférieur à la solution filaire. M. Maurey a formulé d'excellentes propositions à ce sujet.
Le très haut débit... Le projet du Gouvernement de déploiement de la fibre optique risque d'accroître la fracture entre zones urbaines, très rentables, et rurales où l'investissement est laissé à la charge des collectivités territoriales. Les objectifs fixés par le Programme national très haut débit (PNTHD) sont ambitieux -70 % de la population métropolitaine raccordée en 2020, 100 % en 2025- avec une zone 1 très dense laissée à l'initiative privée sans aucune aide publique, une zone 2 moyennement dense autorisant les subventions aux opérateurs privés, enfin une zone 3 peu dense où seule l'initiative publique est possible. Aucune péréquation n'est possible pour les collectivités territoriales. Ce modèle fait la part belle au privé...
Le Fonds national pour la société numérique disposera de 4,5 milliards d'euros, dans le cadre du grand emprunt, alors que les besoins à couvrir sont bien supérieurs -il faut dire que les opérateurs n'y contribuent pas. Quant au FANT, il n'est pas encore doté.
Il faut donc infléchir notre politique pour éviter une France à deux vitesses. Les collectivités territoriales doivent être reconnues comme opérateurs -nous l'avons bien fait en 2004. (M. le président de la commission approuve) Il est tout aussi essentiel que l'Arcep puisse sanctionner les manquements des opérateurs.
Sur le plan réglementaire, le Gouvernement doit autoriser le subventionnement des projets des collectivités locales associant des zones peu denses et zones denses. Le FANT doit être doté de 500 à 600 millions par an à partir de 2012. L'État doit retrouver un rôle moteur dans l'aménagement du territoire, dans l'aménagement numérique du territoire. Et les opérateurs privés doivent contribuer aux deux fonds.
Jusqu'ici réticente, l'Union européenne pourrait évoluer sur la création d'un service universel tel que celui que nous défendons. Je le souhaite ! (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Dubois. - Je salue l'excellent rapport de M. Maurey et le pragmatisme de ses propositions.
Le président de la République veut couvrir en haut débit 70 % du territoire en 2020 et 100 % en 2025, alors que 20 % des Français n'accèdent pas aujourd'hui à un débit de 2 Mbits. Bien sûr, les zones rurales manquent le plus d'infrastructures -alors que c'est là qu'elles sont le plus indispensable. Demain, comment retenir les habitants et les activités sans le très haut débit ? Comment imaginer les maisons de santé et les écoles rurales sans cette technologie ? Quelle entreprise s'implantera demain dans une zone blanche ?
Nombre de collectivités se sont engagées dans ces équipements ; la Somme a créé un syndicat mixte qui a investi 30 millions d'euros pour tirer 800 km de fibre optique... Bien sûr en associant zones urbaines et rurales pour équilibrer financièrement son projet. Pourquoi le plan national interdit-il une telle péréquation ?
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - Bonne question.
M. Daniel Dubois. - Cela imposera de financer l'équipement des zones peu denses grâce à un fonds... dont les recettes ne sont pas assurées, ce qui reportera l'essentiel de la charge sur les collectivités territoriales. Il est encore temps de réajuster le tir ! (Applaudissements)
M. Philippe Leroy. - Comme élu de terrain, président de conseil général pendant vingt ans et sénateur depuis dix ans, j'insiste sur le rôle majeur des collectivités territoriales : dès 2004, nous avons introduit le fameux article 1425-1 faisant entrer les collectivités locales dans le grand bal des opérateurs. Depuis, elles ont investi au bas mot trois milliards d'euros. C'est pourquoi la situation du haut débit n'est pas catastrophique, même si elle n'est pas si brillante.
Aujourd'hui, il faut poser un principe : tous les territoires ont vocation à bénéficier du très haut débit, en privilégiant la fibre numérique. Ne prenons pas prétexte du coût des investissements pour écarter certaines zones rurales et les laisser en déshérence avec des solutions intermédiaires. L'expérience montre que les opérateurs privés ne peuvent pas satisfaire nos objectifs sans les réseaux des collectivités territoriales.
Pendant dix ans, les technologies de l'information ont été un eldorado ; le paysage était parfois celui d'un western où l'État s'en remettait au shérif Arcep. (M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, apprécie) En 2008, puis en 2009, le modèle s'est enrichi grâce à la loi LME et à la loi Pintat, celle-ci créant les schémas d'aménagement numérique et le fonds ad hoc. Puis est venu le plan national du Gouvernement, aujourd'hui le rapport de M. Maurey. Avec sept collectivités de droite et de gauche, j'ai signé le mémorandum d'Aurillac. Tout cela prépare l'élaboration d'un nouvel outil, indispensable pour éviter une vitrification du territoire entre les zones denses bien équipées et les autres. Je rejoins les propositions de plusieurs orateurs qui veulent autoriser les réseaux d'initiative publique à intervenir partout, sans contraintes exagérées. Je souhaite également qu'on réfléchisse au statut des schémas d'aménagement numérique. Le modèle mixte en vigueur doit être amélioré à brève échéance. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Paul Amoudry. - Je salue l'excellent rapport de M. Maurey.
L'extrême diversité de la Haute-Savoie a conduit à multiplier les initiatives localisées, unifiées en 2010 pour aboutir à un projet respectant l'équité grâce à la péréquation. Toutefois, malgré les aides du guichet B, l'équilibre économique du projet sera compromis par les interdictions apportées par le plan national. L'égalité territoriale vaut pourtant bien la loi Le Chapelier... Il faudrait mettre en oeuvre pour le haut débit les dispositifs qui ont permis d'électrifier le territoire. Aujourd'hui, les opérateurs ne sont tenus à aucun engagement envers les collectivités.
Comment compenser le défaut de péréquation sans recours à l'État ? Les projets aujourd'hui matures sont le résultat de plusieurs années de gestation. Personne n'imagine qu'ils puissent être abandonnés. Et quid du financement à long terme du FANT ? Nous attendons les réponses du Gouvernement à nos propositions constructives ! (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Bernadette Bourzai. - Les territoires de montagne espèrent le très haut débit, mais ils attendent souvent encore le haut débit !
Le Limousin a créé un syndicat mixte appelé Dorsal pour déployer de façon mutualisé le très haut débit sur son territoire ; il est cosignataire de l'appel Très haut débit : le marché ne peut pas tout. Le premier constat de carence de l'initiative privée remonte à la fin des années 1990...
Le programme national annoncé par le Premier ministre en août inquiète les élus limousins : en renvoyant au bon vouloir des opérateurs privés, il nous renvoie dix ans en arrière. Surtout, il empêche les collectivités territoriales de jouer leur rôle. À ce jour, les premières déclarations d'intention des opérateurs privés excluent 80 % de nos communes de l'accès à la fibre optique. Et on nous promet au mieux le déploiement à Limoges et Brive pour 2020.
Le programme national déséquilibrerait le projet régional, car il empêcherait la péréquation entre zones urbaines et rurales. Les collectivités territoriales devraient alors intervenir, dans des conditions très coûteuses pour elles. Et le FANT n'est pas encore doté. L'Anem a demandé à l'unanimité le 7 octobre qu'il le soit sur dix ans, et souhaité que le déploiement du THD dans les zones les moins denses ne soit pas supporté par les seules collectivités locales.
Dès maintenant, nous demandons que les opérateurs privés n'aient plus la priorité absolue. Il en va de l'égalité de nos citoyens et de nos territoires. (Applaudissements)
M. Pierre Hérisson. - Depuis plus de vingt ans, les plus clairvoyants d'entre vous ont dû souvent réviser leurs positions, qu'il s'agisse de la téléphonie mobile, du haut débit ou des antennes-relais. Il y a peu, certains s'interrogeaient sur l'utilité de liaisons internet à 4 mégabits... Puis tout a changé avec la fibre optique. Je dois donc attirer aujourd'hui votre attention sur la difficulté à fixer des objectifs dans ce domaine mouvant pour les quinze années à venir.
Certes, il faudra qu'une proposition de loi règle certains problèmes, mais il est temps de réfléchir à nouveau à ce qu'est le service universel. Pouvons-nous redéfinir les obligations imposées à l'opérateur historique ? Au Japon, l'équipement du territoire à 80 % en fibre optique a eu pour contrepartie une prolongation du monopole accordé à l'opérateur historique.
La fibre optique pose un problème non de coût mais de revenus, explique avec raison l'Arcep dans son dernier rapport. Le raccordement aux USA coûte 80 euros ; chez nous, la concurrence exacerbée l'a considérablement réduit ; pourquoi ne pas accepter qu'il ne baisse plus en contrepartie de la réalisation d'investissements ? On peut raisonner par analogie avec l'électricité, mais n'oublions pas que les collectivités ont longtemps payé l'enterrement des réseaux de télécommunications. Quid de la séparation fonctionnelle ?
Nous avons besoin d'une complémentarité publique et privée pour couvrir le territoire -et être attentif à l'évolution des technologies.
Certains départements comme la Haute-Savoie ont besoin de réseaux particuliers, en raison de la dispersion des activités économiques. Laisser les opérateurs privés déterminer le calendrier des raccordements est de mauvaise méthode : l'État doit être le péréquateur du territoire ! (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Catherine Morin-Desailly. - La fracture géographique frappe surtout la ruralité. Sa dimension économique est majeure, mais j'insisterai sur l'aspect sociétal, car les réseaux numériques rapprochent socialement des populations géographiquement éloignées. Internet, c'est le monde à portée de la campagne, le voisinage à longue distance. L'accès de tous aux services et aux contenus est devenu un enjeu majeur, comme l'a souligné en octobre 2010 la table ronde sur la neutralité d'internet. Le premier impératif est un internet ouvert. C'est ce que nous avons voulu avec M. Retailleau lorsque nous avons transposé le deuxième Paquet télécom. L'accès à internet est un moyen essentiel de socialisation des jeunes, d'ouverture, d'échange, de formation. Il suppose un aménagement équilibré du territoire.
N'oublions pas la fracture cognitive ! Désormais, le livre, la musique et le spectacle vivant sont à portée de clic... pourvu que l'accès au réseau soit suffisant ! Certes, l'État est en cause. Pour autant, élue de terrain, je constate que certaines collectivités sont parfois peu entreprenantes.
Monsieur le ministre, nous aimerions que vous dressiez un bilan de cet outil dont nous reconnaissons tous le bien-fondé ! (Applaudissements au centre)
M. Yves Rome. - Nouveau sénateur, je m'exprimerai au nom de l'Oise, qui s'est investi dès le début dans le haut débit. Je m'exprime aussi au nom des 225 communes ou intercommunalités unies dans l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca).
Je commencerai par un cri d'alarme : il faut replacer les collectivités territoriales au coeur de l'aménagement du territoire, contrairement au schéma du PNTHD. Les opérateurs privés découpent le territoire en zones rentables et non rentables. Comprenez-moi bien : je défends non une économie planifiée mais un pilotage des initiatives par le public. Les entreprises privées suivent les marchés et se retirent si la rentabilité attendue n'est pas atteinte. Le marché de l'ADSL est très profitable. Pourquoi les opérateurs se lanceraient-ils dans les lourds investissements que suppose le raccordement de 15 millions de logements à la fibre optique en 2020 ? Si l'opérateur historique se lançait dans cette aventure, il entraînerait dans cette aventure les autres, malgré leur peu d'appétence.
L'Arcep doit réagir au vocabulaire piégé des opérateurs : la prétendue « couverture » n'a souvent aucune réalité. Au rythme de 300 000 prises construites par an, il faudrait un siècle pour couvrir la France en fibre optique. Bref, nous sommes à la peine.
Je regrette l'asymétrie de traitement entre collectivités et opérateurs dans le cadre du PNTHD ! Alors qu'il faut obtenir six autorisations avant de lancer un réseau d'initiative publique, aucune obligation n'est imposée aux opérateurs privés. En outre, les règles applicables n'ont fait l'objet d'aucun débat parlementaire. Une étude montre que l'intervention de l'État se limite à 12 % du besoin de subvention publique. Le Fonds d'aménagement numérique n'a pas été créé.
L'État doit mieux accompagner les collectivités, sans les contraindre à se mettre à la remorque d'opérateurs privés.
Déployer la fibre est un chantier de dix à quinze ans ; nous devons l'anticiper, sauf à accepter de créer des déserts numériques pour demain. D'où l'importance de la concertation et d'une responsabilité partagée avec les élus locaux.
Permettez-moi d'évoquer quelques pistes : l'abandon du dogme de la concurrence pour les infrastructures, des schémas directeurs opposables, une séparation fonctionnelle des activités pour que France Telecom finance le déploiement de la fibre optique. N'obérons pas notre avenir par une architecture inadaptée au développement du très haut débit ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-François Husson. - La couverture numérique est indispensable. Hélas, son équilibre économique est parfois problématique : la Meurthe-et-Moselle a investi 70 millions pour 476 km de fibre optique en partenariat public-privé, mais les recettes sont insuffisantes.
J'en profite pour évoquer les zones blanches. Lors de la campagne pour les élections sénatoriales, j'ai rencontré trop de communes laissées à l'écart de la téléphonie mobile. Je salue la volonté de notre assemblée de redéfinir la notion de zone blanche. Couvrir l'ensemble du territoire d'une commune doit être l'objectif. Je pense notamment aux appels d'urgence. C'est indispensable pour éviter la désertification rurale ! (Applaudissements à droite)
M. Xavier Pintat. - Alors que s'achève le plan numérique 2012, allons-nous enfin accélérer la couverture numérique ? La réponse est « oui », bien que la France numérique n'avance pas aussi vite que nous le souhaitons.
Deux ans après le plan numérique et la loi contre la fracture numérique le cadre réglementaire et financier demeure mais le fonds créé n'est pas doté de ressources pérennes ; surtout, les opérateurs privés peuvent desservir la partie la plus rentable du territoire, sans la moindre obligation pour les autres zones. Dans ces conditions, comment couvrir les besoins de financement ?
Le très haut débit exige plus que jamais de la concertation entre État, collectivités et opérateurs pour atteindre une couverture de 100 %. Sous l'impulsion du président de la République, les lignes ont bougé. Utilisons les outils dont nous disposons pour obtenir cette couverture totale le plus vite possible ! (Applaudissements à droite)
M. Bruno Sido. - Merci à M. Maurey pour son excellente analyse. Le numérique représente une tâche ardue et les demandes sont pressantes. Mon département a financé 1 000 km de fibre optique.
L'impatience -que dis-je ! la mauvaise humeur- grandit, surtout à propos de la téléphonie mobile, sujet principal de mon intervention.
Les ruraux en ont assez d'être traités comme des citoyens de seconde zone. Je l'ai nettement ressenti lors de la campagne des élections sénatoriales. Je me suis engagé à porter leurs voix dans notre hémicycle.
Beaucoup déjà a été fait. En 2003, nous avions trouvé un accord qui a permis un développement en trois phases. Huit ans ont passé : le critère retenu -réception à l'extérieur en centre-bourg- n'est plus d'actualité. En réalité, n'en déplaise à l'Arcep, un million de nos concitoyens restent privés de couverture en téléphonie mobile. Je le constate même en Haute-Marne, qui n'est pourtant pas le département le moins bien doté. Je remercie donc le Sénat d'avoir voté mon amendement n°25 à la loi Marsin. Comme le disait Lacordaire, entre le fort et le faible, la liberté opprime et la loi libère...
Je souhaite modifier la mesure de la couverture. Nous attendons également les rapports sur la rentabilité des pylônes...
Monsieur le ministre, nos concitoyens attendent des avancées concrètes dans leur quotidien ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - L'accès à internet est devenu une condition d'intégration dans notre pays, comme l'eau courante et l'électricité.
Le Gouvernement partage votre ambition d'une France à l'avant-garde de la révolution numérique. Dans le cadre des investissements d'avenir, 2,5 millions seront consacrés au contenu. Car rien ne sert de construire les tuyaux sans rien à mettre dedans !
J'en viens aux réseaux. Concernant la TNT, en moins de quatre ans, nous desservons 97 % de la population et 100 % avec les satellites. Aujourd'hui, presque tous les Français reçoivent 19 chaînes gratuites -qui plus est en qualité numérique- contre 4 auparavant. Je regrette qu'on n'ait pas rappelé ce succès.
La couverture en téléphonie mobile a nettement progressé. Les difficultés sont résiduelles.
Tous les pays sans exception comportent des zones blanches, qui existent parfois en ville. On en trouve même à Paris ! MM. Retailleau et Hérisson ont souligné la contradiction entre la méfiance envers les antennes et le désir d'une couverture parfaite. En 2003, nous avons lancé, avec les opérateurs, un plan « zone blanche ».
Les affirmations du rapporteur, selon lesquelles un point de réception suffirait à qualifier une commune couverte, ne sont pas exactes. Monsieur Maurey, je vous propose de créer un groupe de travail avec l'Arcep sur la mesure de la desserte. Notre pays a des taux de couverture meilleurs que la moyenne européenne, qui est de 90 %.
La France est l'un des premiers pays européens à se lancer dans la 4G, avec l'obligation de couvrir 90 % de la population départementale. C'est la première fois ! Le 4G sera le premier réseau déployé simultanément dans les villes et les campagnes.
S'agissant des réseaux fixes, 100 % des Français sont couverts par satellite avec un débit de 2 Mbits/s, ce qui est -encore une fois- supérieur à la moyenne européenne.
Le 6 juillet 2011, votre commission a adopté un rapport dont le titre m'a quelque peu surpris. Passer des paroles aux actes ? Mais que fait le Gouvernement depuis deux ans sinon mettre en oeuvre les paroles du président de la République ?
Reconstituer un grand monopole public, comme le veut Mme Schurch, serait une erreur historique : la concurrence a entraîné une diminution très forte des prix. Ce secteur en est une preuve irréfutable.
Je voudrais que M. Maurey m'en donne acte. La majorité des propositions du rapport -24 sur 33- ont déjà été mises en oeuvre.
M. Hervé Maurey, au nom de la commission de l'économie. - Pardon ?
M. Éric Besson, ministre. - L'article L. 1425-1 a joué un grand rôle dans l'intervention des collectivités dans le déploiement du haut débit. Elles ont déjà investi 3 millions d'euros, jouant ainsi un rôle essentiel.
L'État sera au rendez-vous. Il est paradoxal de défendre l'inclusion du haut, voire très haut débit dans le service universel et une intervention accrue des collectivités, sauf à confier au seul opérateur historique le déploiement de ces réseaux. En juillet, nous avons ouvert un guichet de 900 millions pour accompagner ces dernières dans le déploiement du numérique. Les conventions régionales d'aménagement du territoire sont un élément essentiel ; les demandes qui leur ont été adressées seront bientôt instruites. Quant au PNTHD, il comporte un volet péréquateur pour les territoires ruraux avec des aides plus importantes. Le Fonds d'aménagement du territoire sera abondé !
Nous investissons en outre dans la recherche pour un très haut débit par satellite. Tout le monde a conscience que la fibre optique ne peut être installée partout.
Le Gouvernement veillera à ce que les engagements des opérateurs privés dans le PNTHD soient respectés...
M. Hervé Maurey, au nom de la commission de l'économie. - Comment ?
M. Éric Besson, ministre. - Si on constate une carence, le réseau d'initiative publique reprendra ses droits dans ladite zone.
M. Bruno Retailleau et M. Pierre Hérisson. - Très bien !
M. Éric Besson, ministre. - Cette menace n'est pas prise à la légère par les opérateurs. Au reste, ne leur faisons pas de procès d'intention : beaucoup misent sur la fibre.
La loi du 22 mars 2011 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Une nouvelle version du décret sera bientôt soumise à l'Arcep.
Pour l'outre-mer, des mesures spécifiques sont inscrites dans la loi du 27 mai 2009.
Nombre d'entre vous, dont M. Maurey, ne sont pas convaincus par la complémentarité entre public et privé. Pourtant, les règles européennes ont été adoptées à l'unanimité, rappelons-le. Aucune entreprise privée n'investira s'il existe une initiative concurrente publique et subventionnée ! Passé trois ans, le public peut reprendre ses droits. C'est le bon sens !
Interdire les projets privés pour protéger les projets publics, comme le préconise votre rapport, conduirait à une nationalisation de fait.
Rappelons-nous l'échec du plan câble et du minitel, qui n'étaient ouverts ni à la concurrence ni à la régulation !
Le cadre réglementaire et financier est en place pour le très haut débit. Il a fallu cinquante ans pour déployer le téléphone, avec un seul opérateur public, en situation de monopole ; nous le remplaçons pas la fibre optique en quinze ans, ave quatre opérateurs nationaux et des dizaines d'opérateurs publics.
Cessons de nous autoflageller ! La France est le pays européen où la croissance des abonnés au très haut débit est la plus élevée. Nous sommes largement en avance sur de grands pays européens, sans avoir à rougir de la comparaison avec l'Allemagne ou le Royaume-Uni. L'Australie, la Corée et le Japon sont, il est vrai, en avance sur nous. Mais le premier a un monopole public, massivement subventionné -ce que nous ne pouvons pas nous permettre. Les deux autres sont très densément peuplés.
Nous devons bien sûr assigner des objectifs ambitieux à nos opérateurs, sans oublier que nous avons besoin d'opérateurs solides et puissants. Le très haut débit est l'objectif pour tous. (Applaudissements à droite)
M. Hervé Maurey, au nom de la commission de l'économie. - Je remercie tous les participants à ce débat très riche qui a mis l'accent sur le caractère insatisfaisant de la situation. En écoutant M. le ministre, j'ai eu l'impression qu'à ses yeux, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes mais nous débattrons bientôt de la proposition de loi que M. Leroy et moi-même déposerons sous peu.
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. - En application de l'article 34 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a été informé que le Conseil constitutionnel a été saisi d'une requête contestant les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre dernier dans le département du Nord.
Prochaine séance mardi 18 octobre 2011, à 15 heures.
La séance est levée à 19 h 35.
Jean-Luc Dealberto,
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mardi 18 octobre 2011
Séance publique
A 15 heures
1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation du protocole d'amendement à la convention du Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (n°2, 2011-2012).
Rapport de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances (n°13, 2011-2012).
Texte de la commission (n°14, 2011-2012).
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles (n°767, 2010-2011).
Rapport de M. Yves Détraigne fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°24, 2011-2012).
Texte de la commission (n°25, 2011-2012).
De 17 heures à 17 heures 45
3. Questions cribles thématiques sur le malaise des territoires.
A 18 heures et, éventuellement, le soir
4. Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles (n°767, 2010-2011).
5. Projet de loi relatif au plan d'aménagement et de développement durable de Corse (n°688, 2010-2011).
Rapport de M. Alain Houpert, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°15 2011-2012).
Texte de la commission (n°16, 2011-2012).