Conventions fiscales
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de huit projets de loi autorisant l'approbation d'accords sous forme d'échange de lettres relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale entre le Gouvernement de la République française et les gouvernements d'Anguilla, du Royaume des Pays-Bas au titre des Antilles néerlandaises, du Belize, de Sa majesté le Sultan et Yang Di-Pertuan de Brunei Darussalam, de la République du Costa Rica, du Commonwealth de la Dominique, des Îles Cook et de la République du Libéria ; du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et fraude fiscale ; enfin, du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ile de Man, en vue d'éviter la double imposition des entreprises exploitant, en trafic international, des navires ou des aéronefs..
Il a été décidé que ces dix projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Discussion générale commune
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. - Depuis 2008, la France est à l'avant-garde de la lutte de la communauté internationale contre les États et territoires non coopératifs en matière fiscale. A la demande du G20 et sur initiative conjointe de la France et de l'Allemagne, le secrétariat général de l'OCDE a établi et fait publier le 2 avril 2009 les fameuses listes grise et noire des paradis fiscaux. Pour sortir de la liste, les pays concernés devaient conclure douze accords portant sur l'échange de renseignements fiscaux. Cette méthode a été efficace puisque près de 500 accords bilatéraux ont été signés ; seuls huit des 40 pays des listes initiales restent récalcitrants.
A la suite du G20 de Londres, la France a engagé des négociations avec la plupart des États figurant sur les ces listes ; depuis mars 2009, elle a signé deux conventions, dix avenants et 27 accords d'échange de renseignements. Elle est un des pays les plus actifs en faveur de la transparence fiscale. De nouveaux accords seront signés prochainement.
La France s'est dotée de sa propre liste noire d'États non coopératifs, lesquels sont soumis à des sanctions lourdes afin de décourager les investissements dans ces pays.
C'est dans ce contexte que s'inscrivent les huit accords d'échanges de renseignements fiscaux que nous examinons aujourd'hui. Ces accords mettent en place un cadre juridique général autorisant des échanges sans restriction et pouvant conduire à la levée du secret bancaire ; ils sont conformes aux standards de l'OCDE.
La signature et l'approbation de ces accords ne sont qu'une étape dans la mise en place de dispositifs de lutte contre les pratiques fiscales dommageables. Leur entrée en vigueur permettra d'évaluer les progrès réalisés par les États concernés. Le Forum mondial, présidé par M. d'Aubert, a mis en place un mécanisme d'évaluation qui se déroule en deux phases : examen du cadre légal, évaluation de l'effectivité des échanges de renseignements. Tous les États dont il est question aujourd'hui seront soumis à cette deuxième phase entre 2012 et le début de 2014.
Au plan national, le mécanisme de sanction adopté en collectif pour 2009 prévoit également un suivi. La liste française est mise à jour le 1er janvier de chaque année ; le Gouvernement peut y ajouter les territoires avec lesquels il jugerait que la coopération fiscale est insuffisante.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Adrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances. - Grâce au groupe CRC-SPG, dont les membres n'ont pu participer aux travaux de la commission, nous avons le privilège d'un débat sur des conventions fiscales.
Si la volonté politique donne naissance au droit, c'est son contrôle qui le fait vivre : tel est l'enjeu de ce débat. Nous avons donc à nous prononcer aujourd'hui sur huit accords d'échanges d'informations et deux conventions fiscales. Le Gouvernement souhaite mettre fin au dumping fiscal et aux pratiques dommageables utilisées par certains États comme un avantage compétitif. Ce débat nous permet de faire le point sur la politique de lutte contre les paradis fiscaux et le réseau conventionnel français.
M. Gouteyron étant dans l'impossibilité de se trouver parmi nous, il me revient de présenter ses rapports. A ma demande et avec l'appui de l'opposition en la personne de Mme Bricq, il a accompli un travail important en la matière ; 35 projets de loi de ratification de convention ou d'accord ont été examinés ces dernières années.
La France entend mettre fin à l'opacité fiscale. La démarche engagée dès octobre 2008, puis en novembre de la même année lors du G20 de Washington, a reçu un écho favorable au sein de l'OCDE : création du Forum mondial sur la transparence et élaboration d'un accord-cadre d'échange de renseignements. Le 2 août 2009, l'OCDE a publié trois listes : blanche, grise et noire. Il convenait d'instaurer un mécanisme de contrôle de la sincérité et de l'effectivité des engagements pris par les États pour sortir des deux premières.
Près de 650 accords ont été signés, 34 pays ont été examinés par le Forum mondial. Le 18 juillet, une nouvelle revue aura lieu, qui concernera quatorze pays supplémentaires. Le Forum mondial se réunira à mi-octobre à Paris. Les huit États dont il s'agit aujourd'hui sont désormais inscrits sur la liste blanche puisqu'ils ont conclu chacun douze accords. Nous entrons désormais dans le temps de l'épreuve des faits. Nous devons être particulièrement vigilants, ayant présumé la bonne foi de nos partenaires ; il faut voir ce qu'il en est concrètement. La pratique conventionnelle française est rigoureuse ; les accords contiennent des clauses anti-abus et des conditions plus strictes de mise en oeuvre que le modèle OCDE. La liste française est mise à jour régulièrement. Après un an, si rien ne bouge, les sanctions seront automatiques.
Ces mesures visent les résidents de France qui réalisent des transactions avec ces pays -durcissement du régime d'imposition des plus-values, refus du bénéfice du régime mère-fille aux sociétés françaises. Elles frappent aussi les résidents de ces paradis qui bénéficient de flux venant de France -application de taux majorés de retenue à la source sur les revenus immobiliers, plus-values, intérêts, dividendes et redevances. Le Gouvernement pourrait-il répondre aux voeux de M. Gouteyron et publier la liste des accords ainsi que les mesures prises par les États concernés ?
L'année 2012 sera une année test. Il faudra veiller à ce que les engagements pris ne soient pas un écran de fumée. Le chemin à parcourir est encore long, certains pays étant dépourvus d'administration fiscale.
J'exhorte la Suisse et le Luxembourg à donner l'exemple en participant pleinement à ce nouvel élan de coopération fiscale. La transparence fiscale doit être prioritaire et permettre de lutter contre les effets des crises systémiques et des mouvements spéculatifs qui gangrènent l'économie. Le Premier ministre luxembourgeois, qui préside l'Eurogroupe et sait nous rappeler nos obligations, doit veiller à ce que certaines facilités fiscales ne contribuent pas à nous faire les poches.
À l'automne, un rapport sera publié par le Gouvernement sur l'efficacité du dispositif conventionnel français. Je vous propose d'adopter ces projets de loi sans réserve.
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
Mme Nicole Bricq. - Ce débat met en lumière le travail de la commission des finances. Nous sommes les seuls parlementaires à examiner de près ces accords. Alors que la France exerce la présidence du G20 dans un contexte troublé et à quatre mois du sommet de Cannes, nous tenons notre place en participant à ces débats.
À juste titre, le président de la République souhaite convaincre ses partenaires du G20 de publier une nouvelle liste noire. Nous soutenons cette démarche. Mais qu'en est-il en Europe et au sein même de l'Union européenne ?
La Suisse figurait sur la première liste des paradis fiscaux du printemps 2009 et elle a tout fait pour en sortir. Mais les mesures qu'elle a prises ne sont pas suffisantes. Il faut distinguer entre fraude et évasion. L'évasion, ce sont les déclarations « oubliées », ce que nous appelons les fraudeurs passifs que la Suisse ne dénonce toujours pas.
L'échange d'informations fiscales reste problématique au sein de l'Union et même au sein de la zone euro. Allemagne et Suisse semblent sur le point de conclure un accord bilatéral qui est en contradiction avec la politique du forum. Un taux de retenue à la source de 20 % à 26% s'appliquerait selon la durée du placement, en échange de quoi l'Allemagne ne chercherait pas à obtenir d'informations sur les fraudeurs. Plusieurs dizaines de milliards de recettes sont attendus. Il faudra regarder précisément ce qu'il en est pour en tirer les conséquences en ce qui nous concerne. Dans le cadre de la directive « Épargne », les revenus de l'épargne des non résidents placée dans l'Union sont censés, soit être déclarés, soit faire l'objet d'une retenue à la source de 35 %... La plupart des pays ont décidé de pratiquer la retenue à la source plutôt que d'accéder aux échanges d'informations.
Trois pays de la zone euro sont concernés, le Luxembourg, l'Autriche et la Belgique ; ils ont obtenu un sursis en s'acquittant d'une perception pour l'État de résidence. La Belgique a transmis l'identité de 250 000 contribuables aux pays concernés. Parmi ceux-ci, il y a 100 000 ressortissants français... Le Parlement serait intéressé de connaître les dispositions qui ont été prises envers eux.
M. Carrez a estimé que la cellule de Bercy avait pu régulariser 7,7 milliards, ce qui représente une reprise fiscale d'un milliard ; en cette période de disette budgétaire, c'est loin d'être négligeable. Où en est-on aujourd'hui ?
J'en viens aux trusts et aux multinationales : quatre territoires figurent en 2010 parmi les états non coopératifs. Les sanctions ont dû être lourdes. Quel montant a-t-il été récupéré ? On sait que la lutte contre la fraude paie ; nous avons besoin de cet argent. Parmi les pays concernés, on trouve la Suisse et le Luxembourg... La révision de la directive « Épargne » doit être engagée ; régulariser les actifs de particuliers est une chose, exiger la transparence des multinationales, par exemple sur les prix de transfert, en est une autre.
À force de vider notre liste, nous allons devoir redoubler de vigilance sur les accords que nous signons. Le Gouvernement doit publier en annexe de la loi de finances le nombre de demandes de coopération adressées et celui des demandes qui ont abouti. Nous comptons sur celui qui sera aux affaires en mai 2012, quel qu'il soit. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Isabelle Pasquet. - Chaque année, en fin de session, nous examinons des conventions fiscales -comme s'il nous fallait battre un record de textes examinés.
A la suite du G20 de Londres, l'OCDE a dressé deux listes noire et grise, afin d'amener les pays montrés du doigt à rentrer dans le rang. Les efforts demandés n'étaient pas bien importants puisqu'il suffisait de passer une douzaine de conventions fiscales -y compris entre États et territoires non coopératifs.
Le Gouvernement nous demande aujourd'hui de ratifier huit accords d'échange de renseignements : avec Anguilla, à peine 15 000 habitants, mais 6 500 entreprises immatriculées ; avec la Dominique, 75 000 habitants, dépendante d'activités bancaires et financières off shore ; avec les Îles Cook, spécialisées dans les services financiers ; avec le Belize, qui a voté une loi « moderne et pratique » pour les investisseurs, exemptés de taxation ; avec les Antilles néerlandaises, dont l'économie, outre le tourisme, repose sur les activités bancaires pour compte de tiers -à noter que nous avons fait de la partie française de Saint Martin un paradis fiscal ; et encore avec le sultanat de Brunei, le Libéria, spécialisé dans le pavillon de complaisance et manquant de toute administration fiscale, et le Costa Rica.
La vérité est que sortir un pays de la liste noire donne avant tout un vernis de légalité aux opérations qui y sont menées par nous ou nos hommes d'affaires. Pensez au trust Wildenstein enregistré dans un archipel caribéen pour y loger des tableaux de maître... Songez à Areva Resources Southern Africa, la holding regroupant les activités minières du groupe en Afrique, immatriculée aux Îles Vierges britanniques -pays sorti de la liste noire pour avoir signé des conventions avec douze autres pays, dont plusieurs autres paradis fiscaux...
Les spéculateurs et les groupes tirent bénéfice de la mondialisation, continuent à bénéficier des privilèges accordés par ces pays, alors qu'on veut nous faire croire à la transparence. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Nous voterons donc contre ces projets de loi.
M. Henri de Raincourt, ministre. - Les conventions doivent être votées au plus vite par le Parlement, madame Pasquet. N'y voyez aucune malice du Gouvernement dans les difficultés de l'ordre du jour ! Je conviens que ces conventions pourraient effectivement être examinées plus tôt dans la session...
Je veux rendre hommage au travail accompli par M. Gouteyron. Je remercie les orateurs qui ont rappelé qu'à l'occasion du G20 à Londres, et à l'initiative du président de la République, une véritable politique de lutte contre les paradis fiscaux a été mise en oeuvre.
L'administration fiscale va publier prochainement une instruction donnant la liste consolidée des juridictions non coopératives et de celles qui ont signé un accord avec la France. L'administration fiscale engagera divers contrôles à l'égard des contribuables ayant omis de déclarer leurs revenus à l'étranger -en Belgique aussi, madame Bricq. La déclaration de comptes bancaires à l'étranger a augmenté de 75 % entre 2009 et 2010. Nous présenterons un rapport en septembre au Parlement sur tous les traités que nous avons signés et sur les demandes de renseignements adressées à ces pays.
Vote des projets de loi
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement d'Anguilla, relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume des Pays-Bas, au titre des Antilles néerlandaises, relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Belize relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Sa majesté le Sultan et Yand-Di-Pertuan de Brunei Darussalam relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Costa Rica relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Commonwealth de la Dominique relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des îles Cook relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale est adopté.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Libéria relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ile de Man en vue d'éviter la double imposition des entreprises exploitant, en trafic international, des navires ou des aéronefs.
Le projet de loi est adopté
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial.
Le projet de loi est définitivement adopté
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Serbie, d'autre part
Le projet de loi est adopté
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière administrative.
Le projet de loi est adopté