Guyane et Martinique
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique portant diverses mesures de nature organique relatives aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et du projet de loi relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique.
Discussion générale commune
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. - Au coeur de nos échanges d'aujourd'hui se trouvent l'avenir de nos collectivités d'outre-mer et du lien qu'elles entretiennent avec la métropole. Les électeurs de Guyane et de Martinique ont choisi de rester dans le cadre de l'article 73, puis, à une large majorité, opté pour une collectivité unique, exerçant à la fois les compétences de la région et celles du département. Ce double choix est la preuve que l'outre-mer n'est pas figé, la preuve de la maturité de ses élus.
Cette évolution institutionnelle innovante rejoint la préoccupation de modernisation et de rationalisation portée par la réforme des collectivités territoriales de décembre 2010.
Le dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution n'impose aucun choix d'organisation institutionnelle ; chaque collectivité sera dotée d'une assemblée, mais la structuration de l'exécutif sera différente : modèle régional pour la Guyane, modèle inspiré de celui de la Corse pour la Martinique. L'unité de la République ne signifie pas son uniformité. Je n'ai pas la même lecture que M. Virapoullé de la combinaison des articles 72-4 et 73 : l'organisation de la fusion ne nécessite pas une nouvelle consultation, celle qui a eu lieu en janvier 2010 suffit. Il faudra cependant tout faire pour rester au plus près du droit commun, dans le respect du choix exprimé par les électeurs.
Les nouvelles collectivités exerceront les compétences additionnées de la région et du département. Elles percevront les mêmes impôts locaux, taxes et dotations de l'État qu'aujourd'hui.
La concertation poussée a levé bien des interrogations. Le président de la République s'est rendu sur place ; nous avons rencontré les élus, les représentants de la société civile, organisé des rendez-vous d'arbitrage, avant la rencontre avec le président de la République le 8 novembre 2010.
La mission confiée à MM. Cointat et Frimat a été très productive. Votre commission des lois a ainsi accompagné la naissance des premières collectivités uniques de l'article 73.
Le projet de loi organique simplifie la procédure d'habilitation. La durée d'habilitation était de deux ans, ce qui était trop contraignant ; j'ai donc souhaité qu'elle prenne fin désormais au plus tard lors du renouvellement de l'assemblée qui l'a demandée. La commission des lois va plus loin, en suggérant que la prorogation soit accordée de plein droit dans les six mois qui suivent l'élection d'une nouvelle assemblée et pour une durée de deux ans. Je suis favorable à cette modification, qui est conforme à l'objectif du Gouvernement de rendre plus simple et plus accessible la procédure d'habilitation. Mais il ne saurait y avoir de prolongation automatique.
Les habilitations à adapter les règlements se feront non par la loi mais par décret. Il ne s'agit pas de transférer définitivement des compétences mais de régler ponctuellement des problèmes. Le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de deux dispositions à ses yeux superflues qui ouvraient la faculté au Premier ministre de contester devant le Conseil d'État la délibération demandant l'habilitation et celle prise en application de l'habilitation ; le représentant de l'État agit déjà au nom du chef du Gouvernement. Le projet de loi organique est globalement équilibré.
Le projet de loi ordinaire définit l'organisation et le fonctionnement institutionnel des deux nouvelles collectivités. La commission propose une rédaction plus exhaustive que celle du Gouvernement, qui présente à mes yeux l'inconvénient de figer les choses -le risque existe qu'une modification ultérieure d'une disposition du CGCT ne soit pas directement applicable à la Guyane et à la Martinique.
La Guyane sera dotée d'une assemblée de 51 membres, dont le président sera assisté d'une commission permanente ; et la Martinique d'une assemblée de 51 membres et d'un conseil exécutif responsable devant elle.
L'article 6 du projet de loi proposait que Guyane et Martinique forment chacune une circonscription unique, composée de sections électorales comprenant des cantons, dont la délimitation était fixée par décret en Conseil d'État ; le même décret fixait le nombre de sièges respectifs par section. Cette proposition, proche des dispositions de droit commun, a été validée par le Conseil d'État. La solution retenue par la commission d'inscrire dans le code électoral la composition de chaque section et le nombre de sièges attribués à chacune d'elles présente plusieurs inconvénients : elle modifie la répartition traditionnelle des compétences entre le législateur et le pouvoir réglementaire -les collectivités territoriales de Martinique et de Guyane ne relèvent pas de l'article 74 ; elle ne permet pas la consultation des assemblées délibérantes actuelles ; elle enlève toute portée à l'engagement d'augmenter le nombre des membres de l'assemblée de Guyane au vu de la croissance prévisible de sa population.
Je comprends toutefois que votre commission ne souhaite pas s'en remettre au pouvoir réglementaire et propose une solution de compromis qui limite l'intervention de celui-ci à l'ajout ou à la soustraction d'un canton entier à l'une de ces nouvelles circonscriptions électorales. La loi fixe le nombre de sections et les principes de leur délimitation, le nombre de candidats dans chaque section, une règle stricte de calcul de la répartition de la prime majoritaire et les modalités de la répartition des autres sièges attribués à chaque liste ; la délimitation des sections est soumise à la procédure traditionnelle de consultation.
Sur le mode de scrutin -proportionnel de liste à deux tours à la plus forte moyenne-, nous sommes d'accord. Je propose seulement de rétablir une prime majoritaire de 20 % des sièges à pourvoir.
Sur la représentation de la société civile, il est proposé la fusion du CES et du Conseil de la culture et de l'éducation ; j'approuve la création au sein du nouveau conseil unique de sections spécialisées dans ces deux derniers domaines.
Reste la question de la date de la première élection des conseillers des assemblées des nouvelles collectivités. Pour le Gouvernement, la création de celles-ci ne nécessite pas la fusion préalable des patrimoines et des personnels des conseils régionaux et généraux. Les nouvelles collectivités se substituent simplement aux actuelles ; elles seront les seules légitimes à organiser la fusion dans de bonnes conditions. Il s'agit d'un choix politique. Le Gouvernement doit être prêt à organiser des élections dès 2012, mais n'est pas hostile à la proposition de la commission, qui en fixe la date au plus tard en mars 2014. Il ne peut être question en revanche de conditionner le choix de la date à la publication des ordonnances de l'article 10 ; j'ai déposé un amendement en ce sens. J'adhère à votre souhait de revenir au calendrier électoral de droit commun dès 2020, comme le souhaitent les élus.
J'en viens à l'article 9 et au pouvoir de substitution du préfet. C'est un mécanisme à la fois dissuasif et incitatif : lorsqu'une collectivité néglige de prendre les mesures relevant de sa compétence nécessaires à la sauvegarde de la santé publique, de la sécurité publique ou de l'environnement, le représentant de l'État pourra prendre à sa place les mesures appelées par l'urgence. Il n'y a pas d'atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. On ne peut nier le retard structurel outre-mer dans certains domaines comme la gestion des déchets ou l'assainissement ; les risques de contentieux européens sont élevés. Le Conseil d'État a approuvé ce mécanisme, très encadré. C'est une contrepartie indispensable à la plus grande concentration des pouvoirs dans les nouvelles collectivités uniques.
La matière institutionnelle est par nature malléable. Nous proposons de rester au plus près du CGCT, tout en créant des collectivités innovantes, dans l'intérêt de ces collectivités et de leur développement économique. (Applaudissements à droite)
M. Christian Cointat, au nom de la commission des lois. - La Guyane et la Martinique accèdent au statut de collectivité unique. Ce projet de loi fait suite à la consultation des électeurs. Notre mission d'information a rencontré les élus de ces collectivités, qui sont bien conscients que la collectivité unique n'est en aucun cas une solution miracle mais un instrument institutionnel au service du développement culturel et économique. Ce n'est pas un nouveau statut au sens de l'article 74, pas davantage de l'application d'un article 73 « plus », qui permettrait de contourner la volonté exprimée le 10 janvier 2010 par les électeurs : il n'y aura aucun transfert nouveau de compétences vers les collectivités.
Le choix de codification retenu par le Gouvernement n'est pas satisfaisant ; la commission s'est attachée à rendre les choses plus intelligibles : elle a maintenu les renvois au droit commun, mais réécrit les dispositions applicables strictement à la Guyane et à la Martinique -ce qui permet de tenir compte des évolutions à venir.
Martinique et Guyane ont retenu des formules organisationnelles différentes -schéma de type régional pour la première, de type corse pour la seconde- ce qui correspond à la volonté de la majorité de leurs élus locaux. La date de la mise en place de la collectivité unique -2012 ou 2014- ne fait pas consensus. Le choix de 2012 s'écarte du calendrier électoral de droit commun, et abrège de manière drastique des mandats en cours...
Le projet de loi permet au préfet d'arrêter en lieu et place de la collectivité des mesures d'urgence en matière de sécurité, de santé publique, d'environnement. Ce dispositif, qui n'a pas d'équivalent en métropole, est largement décrié comme un retour du « gouverneur »...
Depuis la révision constitutionnelle de 2003, l'article 73 ouvre aux départements et régions d'outre-mer deux formes d'habilitation : les collectivités peuvent être habilitées à adapter les lois et règlements sur leur territoire et dans leurs domaines de compétences ; ou à fixer dans un nombre limité de matières relevant du domaine de la loi ou du règlement les règles applicables sur leur territoire. Le projet de loi organique facilite l'usage de dispositions peu utilisées jusqu'à présent. La prolongation de l'habilitation jusqu'au terme du mandat de l'assemblée qui en fait la demande n'est pas entièrement satisfaisante, ne traite pas de la question du contrôle d'opportunité exercé par le Gouvernement ni ne permet le chevauchement d'une habilitation sur deux mandats.
La dénomination de « collectivité » de Guyane et de Martinique était ambiguë -car elle a été retenue pour l'article 74 ; faute de mieux, la commission a opté pour « collectivité territoriale », comme pour la Corse ; elle a aussi préféré le terme de « conseiller » à celui de « membre » de l'assemblée ou, pour la Martinique, du conseil exécutif.
La commission a jugé nécessaire de rédiger intégralement les dispositions qui fixent l'organisation institutionnelle comme le mode d'élection de l'assemblée délibérante.
Le projet de loi permet en Martinique le renversement du conseil exécutif par une motion de défiance constructive. Ce mécanisme sera toutefois difficilement applicable au regard des seuils retenus pour la recevabilité de la motion et son adoption. La commission a préféré retenir les seuils applicables en Corse. Elle propose également que le président de l'assemblée soit assisté de quatre vice-présidents.
Les conseils consultatifs seront fusionnés, comme le souhaitent les élus ; la commission propose la création de sections éducation et culture au sein de chaque nouveau conseil unique, pour préserver la spécificité de ces deux domaines. Nous avons également souhaité prévoir explicitement la possibilité de réunir le congrès des élus dits départementaux et régionaux dans les futures collectivités uniques. On ne saurait en effet préjuger de futures évolutions institutionnelles.
Votre commission estime qu'il appartient au législateur de fixer le régime électoral de ces assemblées. L'analogie avec les cantons n'est pas recevable : il ne s'agit pas de scrutin uninominal mais de proportionnelle. Et l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant le « régime électoral des assemblées locales ». La décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2010 relative à l'élection au Conseil supérieur des Français de l'étranger conforte notre position : on peut considérer que s'agissant d'un scrutin proportionnel la délimitation des sections et la fixation du nombre de sièges par section relèvent de la loi. La commission a donc fait des propositions en ce sens.
Sur proposition de son rapporteur et de M. Frimat, elle a modifié le mode de scrutin pour tenir compte des spécificités de la Guyane, où le nombre d'habitants -qui détermine le nombre de candidats- peut être sans commune mesure avec le nombre d'électeurs -qui détermine le nombre d'élus ; nous avons tenu à ce qu'un nombre de sièges y soit garanti dans chaque section, de sorte que toutes les composantes du territoire soient équitablement représentées. En Martinique, en revanche, la démographie est plus équilibrée et l'on peut se caler sur les circonscriptions législatives. Nous avons en outre ramené de onze à neuf sièges la prime majoritaire -c'est le schéma corse.
Votre commission a tenu à s'inscrire dans le calendrier électoral de droit commun pour éviter un délitement de la République, en laissant une marge de manoeuvre au Gouvernement. Elle a subordonné l'intervention substitutive du préfet à un constat de carence de l'autorité locale après épuisement des mises en demeure. Il n'appartient pas enfin au Gouvernement d'exercer un contrôle d'opportunité sur les demandes d'habilitation.
Les divergences entre nous restent minimes au regard de notre objectif commun : améliorer le développement de nos collectivités d'outre-mer. La commission vous propose donc d'adopter ces textes, ainsi modifiés. (Applaudissements à droite)
M. Daniel Marsin. - Félix Éboué lors de son discours du 1er juillet 1937, disait : « jouer le jeu, c'est savoir prendre ses responsabilités et assumer les initiatives, quand les circonstances veulent que l'on soit seul à les endosser ». C'est ce qu'ont fait les Guyanais et les Martiniquais. Ils ont opté pour l'article 73. C'est une évolution positive : maintien dans le cadre de la République dans un cadre rénové. Leur histoire a été longue et difficile. Nous venons de fêter l'abolition de l'esclavage et l'action de Victor Schoelcher. II fallut l'opiniâtreté et la vision d'Aimé Césaire pour que l'insupportable inégalité de statut fût abrogée. La loi de 1946 fit de ces territoires, ainsi que de la Guadeloupe et de la Réunion, des départements de même rang que ceux de la métropole. Mais le maintien absurde du dualisme institutionnel a handicapé le développement économique et social ; il y a encore loin de l'égalité en droits à l'égalité réelle...
La République doit beaucoup à son outre-mer. Nos compatriotes ultramarins ne veulent pas de l'assistanat mais du développement. Ce fut le combat notamment du président Monnerville ou de nos anciens collègues Désiré et Othily. Ces territoires sont confrontés à un chômage endémique, à l'insécurité, à l'immigration clandestine, aux carences du système sanitaire. S'ajoutent l'éloignement, l'insularité...
Le projet politique, l'action des hommes et des femmes restent essentiels à la réussite de nos départements.
La mise en place du calendrier électoral fait problème. Tant pour des raisons pratiques que de sensibilité, la proposition du rapporteur nous convient.
La Guyane est le département le plus vaste de la République, avec 96 % de sa surface couverte par la forêt, où vivent les Amérindiens. Il fallait tenir compte de cette spécificité. La commission le fait consensuellement.
La situation démographique et géographique de la Martinique est tout autre ; ce qui justifie un alignement sur le modèle corse. Je m'interroge pourtant sur l'efficacité d'une dualité présidentielle. Guadeloupéen, je n'en voudrais pas chez moi, mais les Martiniquais doivent savoir ce qui leur convient le mieux...
L'extension des pouvoirs préfectoraux -dans les cinq DOM !- va contre la logique décentralisatrice. Ce retour insidieux de la tutelle instille une suspicion malvenue. Le dispositif du constat de carence, proposé par le rapporteur, ne nous satisfait pas. Pourquoi ne pas étendre une telle disposition aux collectivités métropolitaines ? On traite les collectivités de l'article 73 comme celles de l'article 74 !
La Guadeloupe aussi a besoin d'une rationalisation de son action publique locale. Il était inopportun -pour ne pas dire inconvenant- que les élus guadeloupéens s'en tiennent à des débats politiciens. Je ne cesserai d'appeler de mes voeux que le congrès des élus de Guadeloupe adopte enfin une position réaliste.
Le RDSE se félicite de ces projets de loi. J'aurais tant aimé que la Guadeloupe fût concernée... C'est donc avec une grande émotion que je dis aux Martiniquais et aux Guyanais « bonne chance ! ». (Applaudissements)
Mme Odette Terrade. - Le choix institutionnel proposé découle de deux consultations de janvier 2010.
La première a concerné l'application de l'article 74 de la Constitution, établissant une plus large autonomie aux assemblées élues outre-mer. La moitié des électeurs se sont déplacés, soit un peu plus que lors des élections régionales. L'application de l'article 74 a été rejetée. Était-ce un désaveu des élus en place ? Sans doute y avait-il aussi une inquiétude plus vaste...
Deux semaines plus tard, un nouveau double referendum était organisé sur l'application de l'article 73. La participation baissait sensiblement, avec un taux de 27,4 % en Guyane et de 35,8 % en Martinique. Le oui l'emportait dans les deux cas, avec un pourcentage de 57,49 % en Guyane et de 68,30 % en Martinique.
Les pourcentages sont une chose mais il faut voir les chiffres absolus, qui sont troublants : que signifient ces quelques milliers de voix d'écart ?
En fait, les véritables questions, économiques et sociales, continuent de se poser sur place. En la matière, nous ne sommes même pas au milieu du gué ; le chemin reste long avant un nouveau développement économique et social. S'il ne s'agit que de donner des relais locaux aux tenants actuels du pouvoir métropolitain, il n'y a pas lieu de triompher. Si, en revanche, on prépare effectivement les moyens d'une rénovation politique, tous les espoirs sont permis.
L'application de l'article 73 ne vide pas de sens l'article 72. Le pouvoir de substitution donné au préfet pose pour le moins problème. Le système électoral proposé combine une proportionnelle avec prime majoritaire et sections territoriales. Pourquoi, en Guyane, ne pas conserver les sections des dix-neuf conseillers actuels, en ajoutant 32 membres désignés à la proportionnelle ?
Le Gouvernement semble avoir l'intention de faire coïncider ces élections avec celles des conseillers territoriaux en 2014. Cela fait problème quand, comme en Guyane, les majorités ne sont pas identiques au conseil général et au conseil régional. A qui veut-on donner le temps de se préparer ?
D'ici là, le Gouvernement, bien sûr, pourrait appliquer des ordonnances... Il y aura une commission tripartite ? Pourquoi ne pas l'installer d'emblée ? Le Gouvernement semble vouloir à tout prix retarder les choses. On ouvre une fenêtre de tir entre début 2013 et mars 2014, et puis on la referme.
Les manifestations de 2009 ont fait apparaître au grand jour les profondes inégalités que subissent les Martiniquais, au profit de quelques familles, souvent de planteurs.
Quand on compte 30 % de chômeurs, quand un grand nombre de logements sont dépourvus du confort rudimentaire, quand le système scolaire échoue, un texte comme celui-ci ne saurait suffire. Il faudra des moyens financiers. Et l'on parle de réduire la part de ligne budgétaire unique affectée au logement... Le risque n'est pas nul d'un délestage de l'État au profit des nouvelles collectivités.
Nous déciderons de notre vote au vu des conclusions de nos débats. (Applaudissements à gauche)
Mme Anne-Marie Payet. - Les troubles de 2009 ont illustré les difficultés des DOM. Ces projets de loi mettent en place une réforme majeure, sans doute utile mais insuffisante pour résoudre tous les problèmes.
La loi sur le conseiller territorial ne concernait pas les DOM. Deux référendums locaux ont été organisés. Le 10 janvier 2010, les Guyanais et Martiniquais ont rejeté l'application de l'article 74 et souhaité l'instauration d'une collectivité unique dans le cadre de l'article 73. Ces projets de loi étaient donc juridiquement indispensables.
Le législateur organique devait intervenir à cause des modifications prévues au CGCT. L'habilitation, de deux ans, sera portée à six ans. Le régime électoral sera unifié, avec prime majoritaire et subdivision en sections électorales.
La différence entre la Guyane et la Martinique touche surtout à la nature de l'organe exécutif : commission permanente pour la Guyane, conseil exécutif pour la Martinique.
La collectivité unique est un élément de réponse aux difficultés de ces DOM, ce n'est pas une panacée. La commission a adopté de nombreux amendements rédactionnels pour améliorer la lisibilité de ce texte. La motion de défiance pourrait être adoptée à la majorité absolue mais sans certitude pour les élus de retrouver leur siège. Les pouvoirs de substitution du préfet sont décriés par tous les élus ; ils ont été amoindris.
Le régime de l'assemblée unique n'est-il pas un rapprochement avec l'article 74 ? Nul ne connaît les effets du scrutin proportionnel : il ne faut pas donner aux autonomistes le pouvoir d'aller contre la volonté manifeste des citoyens martiniquais et guyanais.
L'Union centriste soutiendra le texte de la commission des lois, tout en rappelant que la Réunion est farouchement opposée à une telle évolution institutionnelle. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Georges Patient. - Les 10 et 24 janvier 2010 ne doivent pas être vécus seulement comme une double victoire électorale ! En optant pour la mise en place d'une Collectivité unique, les Guyanais ont adressé un double message : maintien certes dans l'article 73, mais pas dans le statu quo d'un système de région monodépartementale unanimement décrié pour ses enchevêtrements de compétences. On était en droit d'espérer que la collectivité unique apporterait plus de consistance au développement économique, social et culturel de la Guyane.
Ces textes répondent-ils à notre attente ? Il y a de réelles avancées, dues pour l'essentiel à la commission des lois et à sa mission dont le travail a été remarquable ; je l'ai vu de près, l'ayant accompagnée à travers la Guyane, en avion, en voiture et en pirogue. (Sourires)
Une garantie importante est le découpage en sections de la Guyane, si étendue, si éclatée, si diverse. La création de deux sections du Cese est aussi une bonne chose. J'apprécie également le congrès des élus. Il est bon aussi de se préoccuper de la santé et du logement, pour lesquels la situation guyanaise est catastrophique.
Les deux collectivités de Guyane sont unanimes, tant pour la suppression du pouvoir de substitution du préfet -aux relents de colonialisme !- que pour le report des élections à 2014. Le silence sur les questions financières est pour le moins troublant. Notre situation financière est pourtant très préoccupante, malgré une pression fiscale lourde. Regroupées, les deux collectivités bénéficieraient des mêmes dotations qu'actuellement. Autant dire que vous voyez dans cette fusion un gisement d'économies. On risque pourtant de voir une progression des dépenses les premières années ; le Gouvernement en est conscient.
Oui, les Guyanais ont choisi de demeurer dans l'article 73 mais vos références incantatoires au droit commun ne répondent pas à la réalité : nous réclamons une juste évaluation des recettes de nos collectivités locales, minorées de manière dérogatoire pour la seule Guyane. Ainsi, le foncier domanial non exploité n'est pas évalué, ce qui permet à l'Etat d'échapper à la taxe sur le foncier non bâti sur l'ensemble de son domaine privé ; de même, la dotation globale de fonctionnement est plafonnée dans sa part superficiaire pour le seul département de la Guyane et minorée pour les communes aurifères en raison de la difficulté de recenser certaines parties de leur territoire : en fait, les agents recenseurs craignent les garimpeiros... De même, le régime dérogatoire sur l'octroi de mer nuit considérablement à Saint-Laurent-du-Maroni et à ma commune. Il serait intéressant de connaître l'avis du Conseil constitutionnel sur ces dispositions inégalitaires, voire de déposer une question prioritaire de constitutionnalité.
M. Jean-Paul Virapoullé. - Bien sûr !
M. Georges Patient. - En 2040, la population guyanaise dépassera celles de la Martinique et de la Guadeloupe, avec 574 000 habitants. Le Chef de l'Etat lors de notre rencontre à l'Elysée de novembre 2010 sur la mise en place de cette collectivité unique, avait demandé un rapport sur les finances locales de Guyane : à ce jour, nous n'en avons aucune nouvelle.
Ma position finale dépendra du sort fait à mes amendements. (Applaudissements à gauche)
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. - Ces projets de loi résultent des référendums de janvier 2010. S'ils sont adoptés, Guyane et Martinique auront bientôt le même statut que Mayotte.
Au plus tard en mars 2014, à l'issue des premières élections, l'Assemblée de Guyane et celle de Martinique auront des pouvoirs propres. Elles disposeront d'un Cese, par fusion des deux organes consultatifs existants. A Mayotte, cette fusion a été retardée. Il serait bon que nous bénéficiions aussi d'un organe consultatif unique avec deux sections.
Le nombre d'élus a été fixé à 51, avec possibilité d'augmentation parallèle à la démographie. Le département de Mayotte, avec une population du même ordre de grandeur, devrait bénéficier d'autant d'élus.
Il a été convenu le maintien des ressources budgétaires actuelles. Guyane et Martinique conservent ainsi leur statut au regard de l'Union européenne, comme régions ultrapériphériques. En ira-t-il bien ainsi pour Mayotte ? Le Gouvernement peut-il s'y engager ?
Il conviendrait enfin de proroger la dotation exceptionnelle liée à la prise en charge des frais de l'état civil, qui arrive à échéance en septembre 2011.
Sous réserve de ces quelques observations, je voterai ces projets de loi. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Lucette Michaux-Chevry. - Pourquoi une telle évolution ? Je dis ouf ! Enfin ! Depuis 1635, les Antilles sont françaises et y sont viscéralement attachées, tout comme, souvenir de l'esclavage, à la liberté et à la démocratie.
Toute notre histoire est fondée sur cet attachement, même si certains brocardent les « confettis de la République ».
Nos ancêtres ont résisté au blocus imposé à la Guadeloupe par les Anglais ; en 1940, ils sont partis pour la Guyane, afin de rejoindre le général de Gaulle. Nous avons d'ailleurs été sensibles à l'hommage rendu par le président de la République à ces dissidents que tout le monde avait oubliés alors qu'ils avaient participé à la défense de l'honneur de la France.
La France a engagé une politique généreuse de rattrapage en outre-mer mais a confondu unité et uniformité. Le général de Gaulle avait pourtant fait inscrire dans la Constitution la nécessité de reconnaître nos spécificités, mais on persiste à calquer des décisions métropolitaines sur des territoires si différents. Ce besoin de faire reconnaître notre différence ne date pas des incidents de 2009 ; dès les années soixante des intellectuels antillais avaient fait entendre la voix des populations victimes de violences.
La loi de 1983 fusionnant nos régions et départements ayant été cassée par le Conseil constitutionnel, nous avons fait les premiers l'expérience -politique- de la région. Nous avons installé un vrai dialogue, en particulier entre Guadeloupe, Martinique et Guyane. Il est anormal que le billet d'avion coûte plus cher de Pointe-à-Pitre vers Cayenne que vers Paris.
Il faut du courage en politique. Nous avions élaboré ensemble un texte de responsabilité, pour dire que nous voulions agir, dans la République française. Sous l'impulsion d'Alain Juppé, nous avions pris la parole alors que la France ignorait tout du fonctionnement du Caricom. Elle avait laissé le soin à Bruxelles de parler à notre place.
La banane d'outre-mer est européenne, mais Bruxelles voulait favoriser la banane dollar !
Ce ne sont pas les parlementaires français qui ont obtenu la création du statut de région ultrapériphérique, mais nous ! Nous avons rappelé que l'Europe était aussi dans tous les continents ! C'était une revendication de dignité et de responsabilité.
La question posée en 2003 -trois en une !- était incompréhensible. Il est facile de faire peur à nos compatriotes ultramarins, en les menaçant de perdre leurs allocations familiales et leur passeport français ! Ils voient ce qui se passe autour de nous, dans la Caraïbe. Ils voient le président haïtien se préparer à la dictature.
Le texte fait en réalité disparaître le département de Guyane, qui devient une région. Confier la plénitude des pouvoirs à un seul homme est risquée, car le pouvoir grise ! Je ne comprends pas -je le dis à mes collègues de la Martinique- que l'on charge le Conseil exécutif de voter le budget -c'est à l'Assemblée de le faire !
C'était l'assemblée coloniale qui votait le budget du Gouvernement, qui s'inclinait. (Sourires) Il n'y a pas de lien assez étroit entre conseil régional et conseil général, écrivez-vous. Dans ma région, le préfet nous alerte sur la non-consommation des crédits européens -climat politique passionnel oblige ! S'agissant du pouvoir de substitution du préfet, l'intérêt général des populations doit primer sur la susceptibilité des élus.
On ne peut oublier les violences que nous avons traversées, ces gens transformés en torche vivante. J'espère, monsieur le président du conseil général de la Guadeloupe, que nous saurons nous rassembler, au-delà de ce qui nous divise, dans l'intérêt commun. Je voterai ce texte, qui prouve que nous sommes capables d'assumer nos responsabilités. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Claude Lise. - Je n'interviendrai que sur le projet de loi ordinaire, qui répare l'erreur de 1983 : le texte instaurant l'assemblée unique ayant été censuré par le Conseil constitutionnel, on créa les régions monodépartementales, un jacobinisme rigide aboutissant à faire coexister deux collectivités superposées. Cela aggrave l'enchevêtrement des compétences, incite à mettre les deux collectivités en concurrence, favorise le gaspillage et rend les institutions illisibles pour les citoyens. Les critiques ont enfin été entendues, et je me félicite de la révolution culturelle qui s'est opérée dans les rangs de la droite.
Le projet de loi traduit parfaitement la volonté des électeurs sur la nature de la collectivité unique : une addition des compétences et des ressources. Il ne s'agit pas d'une collectivité sui generis, avec de nouvelles compétences. Le choix des électeurs doit être respecté.
Je regrette la position de la commission des lois sur la date d'instauration de la collectivité unique. Si ce nouveau cadre doit être plus efficace, n'y a-t-il pas urgence à le mettre en place ? Lors de la décentralisation, les transferts de compétences et d'agents n'ont pris que quelques mois ! La concomitance avec le calendrier électoral de droit commun peut être atteinte ultérieurement. Je suis donc pour un retour au texte initial, avec des élections au plus tard au 31 décembre 2012.
Une prime majoritaire de neuf sièges est excessive : la majorité sera écrasante, comme elle l'est déjà au conseil régional de Martinique. Je ne veux pas d'une opposition réduite à la portion congrue ; c'est une exigence démocratique. Concentrer les pouvoirs locaux en une seule main aboutira à la catastrophe : les voix muselées s'exprimeront dans la rue ! Aimé Césaire a pu gouverner avec une seule voix de majorité.
Sans démocratie véritable, il n'y a pas de développement possible. Tenons compte de la situation particulière des deux territoires concernés et de la soif de démocratie de leur population. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Paul Virapoullé. - Nous écrivons ici une nouvelle page de l'histoire institutionnelle de l'outre-mer. La dualité d'assemblées ne résulte pas d'une demande des « départementalistes ».
Le Conseil constitutionnel a censuré intégralement le texte de 1982. Je salue le sénateur honoraire, Roger Lise, présent dans notre tribune, pour son courage à l'époque.
Nous avons choisi le droit commun, à la demande de l'ensemble des Réunionnais, pas parce que nous sommes frileux.
Les trois départements consultés ont refusé de passer de l'article 73 à l'article 74. Les populations d'outre-mer voient bien que le statut départemental a permis des avancées exceptionnelles ! À la Réunion, on ne veut pas même poser la question de l'assemblée unique.
Ces textes respectent la volonté de la population martiniquaise et guyanaise ; j'approuve donc la position du président de la République et du Gouvernement. Nous sommes là pour respecter la volonté du peuple, mais dans le respect de notre loi fondamentale.
L'habilitation ne concerne pas la Réunion. Frileux, dites-vous ? Pourquoi confier à des assemblées locales le soin de voter les lois ? C'est au Parlement de le faire ! Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, l'article 48 de la Constitution nous donne le pouvoir de voter des propositions de loi. Nous pouvons aussi, désormais, voter des résolutions. M. Serge Larcher le sait, qui a fait voter son texte à l'unanimité au Sénat. Même l'opposition a désormais la possibilité de faire examiner ses propositions de loi. Nous pouvons poser ensemble une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet soulevé par M. Patient ; ou préparer une proposition de loi ensemble ! Il est bien plus compliqué de faire voter une habilitation, véritable parcours du combattant.
Attention à la juste représentation démocratique en Guyane. Au Parlement de garantir le droit des populations à être représentées équitablement.
J'en viens à la question de la motion de défiance en Martinique.
Le peuple a dit oui à l'assemblée unique. Mais la question ne portait pas sur son organisation ! Or on organise l'assemblée de Martinique différemment de toutes les autres, en introduisant cette motion de défiance.
À la première décision prise par le Conseil exécutif, un citoyen posera une question prioritaire de constitutionnalité ! Attention, ne faites pas entrer dans le fruit martiniquais le ver de la déstabilisation ! Attention à ne pas se retrouver dans la situation de la Polynésie, aujourd'hui ingouvernable ! Attention à ne pas faire de ces territoires misérables des territoires de désespérance et de ruine ! Je vous le dis avec toute mon affection.
Je voterai ce texte car je respecte la volonté du peuple, et ferai tout pour le développement de l'outre-mer, qui a droit à la liberté, l'égalité et à la fraternité ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Étienne Antoinette. - Vivons-nous un moment historique ? C'est en tout cas un moment de joie, de fierté et d'espoir pour la Guyane et la Martinique.
L'esclavage a été aboli en 1848 ; nous avons eu la départementalisation en 1946, puis la régionalisation de 1982. L'histoire institutionnelle de l'outre-mer connaît une nouvelle étape mais constitutionnellement parlant, rien ne change. On est passé de l'« assimilation législative » à l'identité -mais le pouvoir renforcé du préfet n'existe nulle part ailleurs... Pas question de renoncer à son pouvoir... C'est le Gouvernement qui a défini le statut des collectivités.
Sans doute répare-t-on l'erreur de 1982, mais on ne règle rien en matière de lutte contre la pwofitasyon et les marges excessives, et pour le développement économique, la santé, l'éducation. La réponse est purement administrative. La fusion des deux collectivités change la donne en matière de gouvernance. L'enchevêtrement des compétences donnait le beau rôle à l'État ; désormais, les responsables locaux ne pourront plus se cacher les uns derrière les autres. La question de la gouvernance est primordiale. L'exécutif devra rendre des comptes à l'assemblée.
Nous nous devons de prendre de la hauteur, afin de doter la Guyane d'une gouvernance adaptée. C'est un nouveau contrat social que nous devons définir. Si nous allons au bout de cette démarche, cette réforme institutionnelle répondra aux enjeux soulevés par ce nouveau statut. (Applaudissements à gauche)
M. Serge Larcher. - Les Guyanais et Martiniquais se sont exprimés en janvier 2010. Je me réjouis que ces textes tirent aujourd'hui les conséquences de leur vote. Je salue le travail de la mission d'information et de notre commission, grâce à laquelle ces textes sont plus respectueux de la volonté des populations. Un accord a été trouvé sur de nombreux points. Le débat reste ouvert sur les habilitations et sur la date de mise en place des nouvelles assemblées.
La commission améliore considérablement le texte du Gouvernement sur la question des habilitations, notamment en étendant leur durée. Créer des collectivités nouvelles nécessite un travail colossal. Il faut veiller à l'allocation des moyens humains... Une mise en place en 2014, voilà qui paraît de bon sens.
Le texte peut encore être amélioré. L'alignement du Cese sur le droit commun entraîne la disparition de sa dimension culturelle. Elle est pourtant indispensable vu nos spécificités. Le sport doit aussi être un objet de débat public. Les récents débordements de la Fédération française de football... en sont l'illustration...
Je regrette que l'assemblée ne puisse créer un bureau. Je ferai des propositions en ce sens.
L'existence d'un conseil exécutif distinct de l'assemblée se justifie par l'application du principe de la séparation des pouvoirs. Dès lors que l'assemblée peut être habilitée à adopter des règles applicables sur le territoire de la collectivité « dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi », il faut permettre au président du conseil exécutif de prendre en conseil exécutif des mesures d'exécution.
Se pose aussi la question des moyens. L'État devra attribuer une dotation exceptionnelle pour la mise en place de la collectivité unique. La qualité des travaux de la mission tripartite sera déterminante. J'espère que les représentants de l'État auront ordre de se servir de leur imagination plutôt que de leur calculatrice ! (Sourires)
Ce dont nous traitons ici n'est pas seulement la Guyane et la Martinique, c'est l'avenir des territoires, c'est la façon de sortir du millefeuille administratif sans renoncer au niveau de service public offert à nos concitoyens, de simplifier sans dénaturer. Nous traitons en réalité d'un des visages futurs possibles de la réforme territoriale.
Le texte de la commission doit être un point de départ, par rapport auquel il ne faut surtout pas revenir en arrière ! (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Frimat. - Avec M. Cointat, nous avons en commun de considérer que les affaires d'outre-mer concernent tous les élus de la République et pas seulement ceux d'une collectivité. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
Nous sommes devant un texte important, dont je regrette l'élaboration chaotique. La langueur a succédé à l'organisation précipitée de référendums au moment des fêtes de fin d'année. Après l'entrée en vigueur de ces textes à l'été, nous entrerons dans un espace indéterminé pour leur mise en application -chacun sait ce que sera la saturation électorale de 2012...
En matière institutionnelle il faut beaucoup de modestie. Si les positions divergentes sont toutes respectables, c'est à la représentation nationale de trancher.
Nos collègues qui ont reçu sur le terrain la mission que j'ai menée avec M. Cointat, m'ont beaucoup appris. La commission des lois a bien fait son travail. Minutieuse, elle a rendu lisible et applicable un texte qui nous est arrivé inachevé et marqué par l'à-peu-près. Sa position à l'article 6, c'est tout simplement de rendre à la loi ce qui est à la loi. Que de chemin parcouru ! S'il n'y a pas de découpage parfait, la transparence est une nécessité qui permet le débat. La discrétion peut être efficace pour manier les ciseaux, mais elle ouvre la porte à la suspicion. Je partage l'analyse constitutionnelle de M. Cointat. Si sa position ne l'emportait pas, il faudrait interroger le Conseil constitutionnel.
L'article 9 a été reçu comme une gifle, une humiliation. Tous les élus locaux y ont vu le retour du gouverneur.
Et si nous parlions de développement économique et social ? Ma crainte est que le débat qui a été lancé ne provoque une gigantesque désillusion. On a créé un espoir. Si une vision strictement institutionnelle, tatillonne et chagrine, venait à primer, elle sera source de déception. Une institution est une opportunité, pas une solution miracle. Au Gouvernement de créer les conditions du développement économique et social. (Applaudissements à gauche et au banc des commissions)
La discussion générale est close.
Discussion des articles du projet de loi organique
L'article premier A est adopté.
Article premier
M. Jean-Étienne Antoinette. - L'esprit de nos amendements est de faciliter l'exercice des habilitations de l'article 73 ; non d'opérer des transferts automatiques de compétences mais de construire une procédure précise. Le contrôle en opportunité ne doit pas être possible ; on ne peut traiter par le mépris les demandes d'une assemblée élue. Il faut tenir compte des caractéristiques et des contraintes particulières des collectivités qui font la demande, sans en faire un drame. L'usage de ces procédures doit être facilité, c'est tout. Je partage les orientations de la commission, mais je crois possible d'aller plus loin encore.
M. Jacques Gillot. - La Guadeloupe n'est pas concernée par le projet de loi ordinaire mais elle l'est par la loi organique, avec les habilitations. L'obligation pour le Gouvernement de publier la délibération de la collectivité est une garantie majeure ; elle permet de se prémunir de tout risque de contrôle en opportunité. Mais quel recours aurait la collectivité si cette obligation n'est pas respectée ?
L'allongement de la durée d'habilitation est une bonne chose. L'habilitation dont bénéficie aujourd'hui la Guadeloupe pour la politique énergétique arrivera bientôt à terme. Il serait bon de la proroger -j'aurai un amendement en ce sens.
Je me félicite que la commission ait permis la prorogation de l'habilitation pour l'assemblée nouvellement élue ; le délai supplémentaire de deux ans pourrait malgré tout être allongé. La procédure ne doit pas tenir compte du renouvellement ou non de la majorité de l'assemblée. J'ai déposé un amendement en ce sens.
M. Serge Larcher. - La mission que j'ai présidée en 2009 et dont M. Doligé était rapporteur, a émis 100 propositions de simplification ; la première était de faciliter l'exercice par les départements d'outre-mer de la faculté d'adaptation offerte par l'article 73.
Depuis 2007, il n'y a eu que deux habilitations, pour la Guadeloupe. Les demandes de la Martinique sont restées lettre morte. Pourquoi ? La rue Oudinot n'y a pas donné suite en pratiquant de fait, en contradiction avec la loi organique de 2007, un contrôle d'opportunité.
Je me félicite des améliorations apportées par la commission, grâce auxquelles de telles dérives devraient n'être plus possibles.