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Table des matières
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Liaison ferroviaire Lyon-Turin
TGV Paris-Lausanne via Pontarlier et Frasne
Accueil et hébergement d'urgence
Rentrée scolaire 2011 en Charente
Dotation globale horaire dans l'enseignement secondaire
Reconnaissance des maladies professionnelles des militaires
Gendarmerie mobile en Bretagne
Déchets d'activités de soins à risques infectieux
Difficultés des veufs et veuves
Achat de l'électricité photovoltaïque
Site Ideal Standard dans le Jura
Taxe sur les logements vacants
Visas aux artistes étrangers amateurs
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Questions prioritaires de constitutionnalité
Hommage à une délégation tchèque
Modification à l'ordre du jour
Discussion des articles (Suite)
Discussion des articles (Suite)
SÉANCE
du mardi 10 mai 2011
100e séance de la session ordinaire 2010-2011
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
Secrétaires : Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Alain Dufaut.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Organisme extraparlementaire (Candidature)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission scientifique nationale des collections.
La commission de la culture a fait connaître qu'elle propose la candidature de Mme Catherine Morin-Desailly pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Dépôt de rapport
M. le président. - M. le Premier ministre a communiqué au Sénat : en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport relatif à la mise en application de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation ; en application de l'article 46 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, le rapport sur l'harmonisation des indicateurs français mesurant les performances en matière de traitement des déchets avec ceux des autres pays de l'Union européenne ; en application de l'article 11 de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, le premier rapport d'évaluation prospective des résultats de l'expérimentation du rattachement à l'Institut français du réseau culturel de la France à l'étranger ; en application de l'article L.227-7 du code de l'aviation civile, le rapport d'activité pour l'année 2010 de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.
Le premier rapport a été transmis à la commission de l'économie, ainsi qu'à la commission des finances, le deuxième et le quatrième à la commission de l'économie, et le troisième à la commission des affaires étrangères, ainsi qu'à la commission de la culture.
Retrait d'une question orale
M. le président. - La question orale n°1272 de M. Christian Cambon est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 14 juin, à la demande de son auteur.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.
Vol de câbles en cuivre
Mme Catherine Procaccia. - Le tunnel de Thiais sur l'autoroute A86 a été fermé à la circulation pendant une demi-journée, début février, après une tentative de vols de câbles en cuivre sur le tunnel de Thiais. D'où une vraie pagaille, qui aurait été pire un jour de semaine. L'A86 dessert notamment Rungis ; de nombreux camions l'empruntent. Cet incident n'est pas le premier du genre. Pourquoi ce point névralgique routier n'est-il pas mieux protégé ? L'enfouissement des câbles, qui semble envisagé, coûte cher et prend du temps. Pourquoi ne pas mettre en place une vidéosurveillance préventive ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - Il est indispensable de couper la circulation dans un tunnel quand la sécurité n'est plus assurée. Les vols de câbles en cuivre sont en hausse. L'enfouissement coûte cher, en effet. Il n'est pas actuellement prévu de recourir à la vidéosurveillance. Les opérateurs des centres de gestion du trafic, qui donnent la priorité à la sécurité des usagers, ne peuvent contrecarrer les actes de malveillance, mais une intervention par patrouille est déclenchée dès qu'un mouvement anormal est détecté.
Mme Catherine Procaccia. - Vous m'avez communiqué des éléments d'information, mais pas de vraies réponses. Le vol de câbles dans les tunnels entraîne leur fermeture. On ne remplace plus les câbles en cuivre volés car ils le seront à nouveau ! Il faut concentrer les efforts sur les tunnels, où l'on pourrait installer la vidéosurveillance. Quand le tunnel de Nogent est bloqué, la sécurité est compromise aussi dans les communes avoisinantes. Que le ministère y regarde de plus près !
Nuisances aériennes
M. Antoine Lefèvre. - La loi Grenelle vise à réduire le bruit autour des aéroports avec le relèvement de 300 mètres des trajectoires de manoeuvres d'atterrissage -ce qui va pénaliser de nouvelles populations, à l'est, dans l'Aisne, sans améliorer la situation de celles qui subissent déjà ces nuisances. Le prix de l'immobilier dans les communes concernées en subira les conséquences. Les élus n'ont été ni informés ni consultés. Quelle est la politique du Gouvernement en matière de réduction des nuisances sonores de Charles de Gaulle ? Ne pourrait-on envisager un report d'une partie du fret sur d'autres aérodromes ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - La diminution des nuisances sonores est un point important de la politique du Gouvernement suite au Grenelle. Le relèvement de 300 mètres induit le déplacement vers l'est des trajectoires d'atterrissage. De nouvelles populations seront survolées, mais à plus haute altitude.
La préfecture a organisé l'information des élus, en particulier à l'occasion d'une réunion à Charly-sur-Marne en janvier. Il n'est pas prévu d'indemnisation car les zones concernées se situent hors plan de gêne sonore. Les trajectoires seront rééquilibrées entre nord et sud, les vols de nuit interdits pour les avions les plus bruyants. Ce sont les opérateurs qui choisissent leur emplacement ; le Gouvernement ne souhaite pas entraver à l'excès une activité économique indispensable.
M. Antoine Lefèvre. - Les élus ont besoin d'éléments d'analyse. Nous devons poursuivre nos efforts pour encourager le fret aérien à utiliser d'autres sites que Roissy.
Priorité du Snit
M. Louis Pinton. - Le Schéma national des infrastructures de transport (Snit) planifie les liaisons entre les nouvelles lignes à grande vitesse (LGV). Quid du raccordement par le nord et via Châteauroux de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) à la future LGV Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL) ?
Cette opération mettrait Limoges à moins de deux heures de Paris. Ce raccordement optimiserait la desserte, avec un taux de rentabilité socio-économique important et un bilan carbone favorable.
A l'inverse, l'approche séparée des projets Paris-Clermont et Paris-Limoges via Poitiers cumule tous les inconvénients. Il faut une solution globale : l'ensemble Polt-POCL s'impose. Ne faudrait-il envisager de permuter ces deux chantiers ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - Le projet de LGV POCL desservira le grand centre de la France et soulagera la ligne Paris-Lyon. Le raccordement avec la ligne existante Polt réduirait considérablement les temps de parcours. Il y aura un débat public, réalisé en concertation avec tous les partenaires. Vos réflexions contribueront à l'alimenter. Il faudra un éclairage spécifique sur l'Indre et le centre de la France. Un lancement anticipé est envisageable ; les études sur le barreau Poitiers-Limoges seront examinées dans le cadre des travaux préalables à l'enquête publique.
M. Louis Pinton. - Outre la desserte Châteauroux, il faut assurer la desserte de Limoges dans les meilleures conditions. Depuis la crise, la nécessité d'économiser l'argent public se fait davantage sentir !
Liaison ferroviaire Lyon-Turin
Mme Annie David. - L'itinéraire de la liaison ferroviaire Lyon-Saint-Jean-de-Maurienne a été approuvé le 25 janvier 2010. Une enquête publique doit être réalisée avant juin 2011, mais rien n'a encore été décidé.
L'Union européenne est disposée à consacrer 700 millions d'euros pour la partie française du projet, mais cet engagement est subordonné à un montage financier et juridique. Un nouveau retard risque de nous faire perdre ce financement communautaire.
Les choses ont-elles avancé lors de la récente rencontre franco-italienne ? L'immobilisme discrédite le Grenelle, car le transport de 7 millions de voyageurs par an est en jeu, s'ajoutant à 40 millions de tonnes pour le fret. Quand allez-vous lancer l'enquête d'utilité publique ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - Le Gouvernement est pleinement mobilisé. La liaison ferroviaire Lyon-Turin est stratégique pour l'environnement. Les dates de réalisation des sections doivent être coordonnées ; le calendrier global doit tenir compte de la demande italienne d'un phasage, ce qui suppose des études complémentaires. Le dossier devra traiter des points sensibles, comme la traversée de zones protégées. En termes de financement, 655 millions ont déjà été obtenus de l'Union européenne pour la partie franco-italienne, mais non pour les accès.
Mme Annie David. - Ce projet stratégique suit son cours, dites-vous, mais la Commission européenne exige que l'enquête publique soit lancée avant juin 2011. A défaut, les financements seront compromis... Or, aucune enquête publique ne sera lancée en 2012 pendant la période électorale ! Au moment où l'Italie et la Suisse creusent de grands tunnels, je regrette que la France ne soit pas plus réactive. Il faut encourager le report modal !
TGV Paris-Lausanne via Pontarlier et Frasne
M. Claude Jeannerot. - L'arrivée du TGV Rhin-Rhône et les réflexions pour mettre en place un système cadencé conduisent les opérateurs à réorganiser leurs lignes, au détriment de la desserte du Haut Doubs. Les gares de Pontarlier et Frasne sont menacées. J'ai alerté le Gouvernement : alors que le département investit pour développer le tourisme, ce serait incompréhensible, d'autant que le Doubs est déjà pénalisé par le manque d'investissements routiers de l'État. La suppression de dessertes entraînerait un risque d'enclavement. Le Doubs a contribué au TGV Rhin-Rhône à hauteur de 39 millions.
Quelle est la position du Gouvernement sur cette question ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - Le GIE SNCF-Chemins de fer fédéraux Suisse (CFFS) assure la liaison Paris-Lausanne. Il est envisagé de passer de quatre à cinq allers-retours quotidiens à l'horizon 2014. Deux seulement continueraient alors de desservir le Haut-Doubs. Ce n'est pour l'heure que l'une des hypothèses. Aucune décision n'a encore été prise. Le Gouvernement est attaché au maintien de la desserte du Haut-Doubs et de l'arc jurassien, d'autant que d'importants investissements ont été consentis. Aucune décision ne sera prise sans consultation des élus.
M. Claude Jeannerot. - Je retiens l'engagement du Gouvernement pour que le Doubs et le Haut-Doubs continuent à bénéficier de ces dessertes, indispensables à son développement économique. Merci à ces signes encourageants, mais je resterai vigilant.
Syndics de copropriété
Mme Patricia Schillinger. - Un avant-projet de loi présenté en juin 2010 comportait la généralisation du compte bancaire séparé par copropriété, sans dérogation. Or cette obligation n'est plus à l'ordre du jour. D'ailleurs, le projet de loi n'est toujours pas déposé. Certains syndics profitent et abusent de la situation actuelle. Il faut améliorer la transparence dans la gestion des copropriétés pour limiter les facturations injustifiées. Le Gouvernement compte-t-il rétablir le compte bancaire séparé, comme dans les autres pays européens, et dans quels délais ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - Engagé dans une réforme approfondie de la gestion immobilière, le Gouvernement a lancé une vaste concertation. Il est attaché à ce que le projet de loi apporte une sécurité juridique optimale, notamment grâce aux comptes séparés. N'opposez pas les méchants syndics aux bons copropriétaires ! Les dérives d'une minorité ne doivent pas nuire à l'image de la profession.
Mme Patricia Schillinger. - Le projet de loi n'est donc pas imminent... C'est un manque de respect envers les millions de copropriétés. Je reviendrai à la charge !
Accueil et hébergement d'urgence
M. Daniel Reiner. - En 2010, les enveloppes du programme 177 ont baissé. Le paiement des crédits a été retardé. Les associations qui assurent les délégations de service public en matière d'accueil, d'hébergement et d'insertion en ont pâti.
Les dotations pour 2010 ont été maintenues au niveau de 2009, mais les crédits n'ont été versés que fin 2010. La circulaire du 17 décembre 2010 a réduit l'enveloppe régionale pour la Lorraine et une diminution de 14 % sur dix ans est annoncée. Je demande la révision de cette circulaire qui remet en cause la politique de lutte contre la précarité et la pauvreté menée depuis 30 ans.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - Le Gouvernement privilégie désormais l'accès et le maintien dans le logement. Cette stratégie produit ses premiers effets. Le programme 177 a été doté en 2010 de moyens supplémentaires : 110 millions en décrets d'avance puis 83 millions en loi de finances rectificative. Depuis quinze ans, il y a une sous-budgétisation chronique, gouvernements de droit et de gauche confondus.
En 2011, le budget a progressé de 9 % par rapport à la loi de finances initiale de 2010, dans un souci de transparence et pour ne plus avoir recours aux décrets d'avance.
La répartition des crédits entre les régions est opérée selon des critères objectifs. Le rapport de financement de ces structures s'échelonne de 1 à 5 ! Dans un souci d'équité, nous avons lancé, avec les associations, un mouvement de convergence qui sera étalé sur une dizaine d'années.
M. Daniel Reiner. - Je transmettrai votre réponse aux associations qui oeuvrent en Lorraine. Elles jugeront de l'augmentation des crédits ! Le nombre de demandeurs ne diminue malheureusement pas. A Nancy, les fonds alloués baisseront de 5 %. Si cette baisse n'est pas compensée, il faudra réduire les places d'accueil.
Rentrée scolaire 2011 en Charente
M. Michel Boutant. - Le service public de l'éducation nationale a été victime de la RGPP depuis 2002, notamment en Charente, où douze classes ont été supprimées en 2010, de même que 50 postes.
La rentrée 2011 est tout aussi inquiétante avec un écart surprenant entre la « part variable » attribuée par le rectorat et le nombre d'élèves accueillis dans les collèges. D'où vient cette situation défavorable à la Charente au sein de l'académie de Poitou-Charentes ?
M. le président. - Je félicite Mme Bougrab pour son grand acte de civisme dont j'ai entendu parler ce matin.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - Merci, monsieur le Président. L'éducation nationale dispose du plus grand budget jamais voté par le Parlement, avec un taux d'encadrement en hausse. Parallèlement, il faut moderniser l'éducation nationale. C'est pourquoi toutes les spécificités locales sont prises en compte pour préparer la rentée. La Charente ne fait l'objet d'aucun traitement défavorable, avec un taux d'encadrement adapté à son caractère rural. En outre, le nombre d'élèves baissera de 1 %. Quant à la « part variable », elle résulte d'un simple calcul technique, sur la base de critères démographiques. Votre département n'est en rien lésé.
M. Michel Boutant. - Il faut modifier un procédé « technique » conduisant aux disparités que j'ai soulignées.
Dotation globale horaire dans l'enseignement secondaire
M. Marc Laménie. - La dotation globale horaire a baissé dans les lycées ardennais, notamment dans l'établissement de Charleville-Mézières disposant d'une section « Sport » et d'une section « Abibac ». Les élèves concernés proviennent souvent d'une ZEP. Peut-on accroître ces dotations, facteurs de réussite et de mixité sociale ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - Les effectifs ont diminué de 172 élèves dans les Ardennes en 2010 : il devrait en aller de même cette année. Pour autant, en dépit des contraintes budgétaires qui s'appliquent aussi à l'académie de Reims, aucune section n'a été supprimée ; au contraire, une section ES a été créée. Pour moitié, les postes supprimés n'étaient pas pourvus. L'offre éducative ne va donc pas se dégrader. Au lycée Monge, la section « Abibac » bénéficiera d'un financement identique à celui des autres établissements de l'académie, soit dix-huit heures pour les trois niveaux et la section « Sport » pourra créer une section « Basket » en 2011. Ainsi, les dotations globales horaires prennent simplement en compte l'évolution démographique des élèves.
M. Marc Laménie. - Merci pour cette réponse, qui rassurera les enseignants du lycée Monge. Un enseignement de qualité est facteur de retombées positives pour l'économie locale.
Reconnaissance des maladies professionnelles des militaires
M. Jean-Pierre Godefroy. - Le code des pensions militaires est particulièrement restrictif quant à la reconnaissance des maladies professionnelles, comme l'a souligné le Médiateur de la République.
La spécificité du métier des armes ne justifie pas cette discrimination, qui s'étend même aux victimes de l'amiante. Ainsi les anciens militaires percevant l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) ne peuvent faire prendre en compte l'activité militaire au contact de l'amiante.
Que comptez-vous faire pour mettre un terme à ces discriminations ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - Le régime applicable aux militaires tient compte des spécificités, sans introduire de discriminations. En cas d'apparition différée de la maladie, le recours à un faisceau de présomptions est admis et l'imputabilité est présumée lorsque la pathologie est consécutive à une opération militaire.
Pour les civils, la liste des maladies professionnelles est limitative ; en outre, un délai de forclusion peut intervenir. Ces restrictions ne s'appliquent pas aux militaires. Enfin, une réflexion est engagée s'agissant de la prise en compte dans l'appréciation du droit à l'Acaata des années au cours desquelles les militaires ont pu être exposés à l'amiante dans l'exercice de leurs fonctions.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Cette réponse ne me satisfait pas. L'article premier du statut général des militaires mentionne le respect des citoyens et la reconnaissance de la Nation aux militaires. Les marins ont été massivement exposés à l'amiante : souvenez-vous du désamiantage du Clemenceau !
Certes, le métier des armes est dangereux par nature mais cela n'exonère pas la Nation de ses responsabilités pour les malfaçons matérielles qui ont des conséquences sur la santé des militaires. La réflexion en cours est une petite avancée, j'espère qu'elle débouchera vite sur des mesures concrètes.
Gendarmerie mobile en Bretagne
Mme Virginie Klès. - Ma question s'adressait au ministre de l'intérieur, mais je remercie Mme Bougrab pour la réponse qu'elle m'apportera. J'ai d'ailleurs appris qu'elle s'était intéressée de près à la délinquance.
Après avoir dissous un escadron de gendarmerie mobile à Saint-Malo, le Gouvernement va récidiver à Rennes et Nantes en 2012. Cette logique purement comptable et à court terme, qui est celle de la RGPP, ne peut rester sans effet sur le maintien de l'ordre et la sécurité en Bretagne. Comment prétendre qu'ils continueront à être assurés lorsque trois des cinq escadrons de la région disparaissent ?
Le Gouvernement doit donc revenir sur sa décision, faisant preuve du même pragmatisme qui l'a fait renoncer à la dissolution de deux compagnies de CRS cette année. Tout redéploiement doit être décidé selon des critères objectifs et publics.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - Merci pour vos propos aimables à mon endroit.
Le recentrage des missions de la gendarmerie est en cours. Plusieurs décisions ont déjà été prises, comme le transfert des centres de rétention à la police aux frontières. S'ajoute l'allègement des gardes statiques de bâtiments.
Les critères pris en compte pour le format des forces sont à la fois opérationnels -distance entre l'escadron et sa zone d'emploi- immobiliers -réutilisation possible des locaux- et territoriaux -impacts démographiques, économiques et sociaux. La fermeture des escadrons s'accompagne d'un renforcement en Bretagne des groupements départementaux. La fermeture de deux escadrons dans l'ouest ne compromettra ni la sécurité publique ni le maintien de l'ordre.
Mme Virginie Klès. - Trois escadrons sur cinq auront fermé, dans le territoire le plus peuplé de Bretagne. Les forces de l'ordre en général, les gendarmes en particulier, méritaient un traitement différent ; certains gendarmes tout juste rentrés d'Afghanistan ont appris la fermeture de leur escadron dans les deux mois...
Dans ces conditions, on ne peut exiger une action exemplaire des forces de l'ordre face à une délinquance toujours plus dure. Vous ne m'avez pas répondu de façon satisfaisante.
Déchets d'activités de soins à risques infectieux
M. Bernard Fournier. - J'attire l'attention du Gouvernement sur la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour la gestion des déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri). Pour mettre un terme à une situation très insatisfaisante, la loi du 12 juillet 2010, dite Grenelle 2, a organisé la récupération et l'élimination des Dasri. Le décret du 24 octobre 2010, dit « boîtes jaunes », rend obligatoire la mise à disposition gratuite aux patients en auto-traitement de collecteurs normalisés pour les déchets perforants. En revanche, nous attendons encore le décret organisant la collecte gratuite des collecteurs pleins. Les pharmacies sont dans cette affaire incontournables. Mais l'enlèvement et le traitement des déchets collectés doit incomber aux exploitants et fabricants des dispositifs concernés. Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - Le Gouvernement tient à mettre rapidement en oeuvre une filière sécurisée pour éviter le dépôt de ces déchets avec les ordures ménagères. Quelque deux millions de patients en auto-traitement sont concernés. Pour collecter ces déchets dans de bonnes conditions, un premier décret impose aux producteurs de fournir des emballages aux patients ; il s'appliquera au 1er novembre prochain. Le décret sur les modalités de la collecte est en cours d'examen devant le Conseil d'État. Il permettra d'organiser une filière efficace, conforme au principe de REP, en s'appuyant sur des points de collecte volontaire, notamment en pharmacie.
M. Bernard Fournier. - Merci pour ces précisions.
Difficultés des veufs et veuves
M. Hervé Maurey. - La perte d'un conjoint frappe chaque année plus de 200 000 Français -surtout des Françaises. Or, les promesses faites depuis 2007 n'ont pas été tenues. Jamais les veufs et veuves de l'Eure n'avaient manifesté un tel mécontentement qu'aujourd'hui. En effet la demi-part instituée après la deuxième Guerre mondiale a été supprimée ; la condition d'âge pour percevoir la pension de réversion a été récemment rétablie ; la hausse du taux de réversion de 54 % à 60 % ne concerne que les pensions inférieures à 800 euros. Je suis conscient des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques, mais des économies pourraient être trouvées auprès de catégories plus favorisées. Au moment où le Gouvernement a à coeur de rétablir une confiance qui s'est distendue avec nos concitoyens, envisage-t-il de rétablir la demi-part fiscale et de revaloriser le taux de réversion au-delà de 800 euros ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - La revalorisation du taux de réversion, qui bénéficie à 600 000 personnes, est conforme aux promesses du président de la République ; elle a été appliquée en une seule fois, le 1er janvier 2010, et non graduellement comme cela avait été initialement prévu ; elle est enfin automatique. Simultanément, l'âge minimum pour percevoir la pension de réversion a été rétabli, sans préjudice pour les droits individuels acquis. En conséquence, l'assurance veuvage a été rétablie.
Supprimée en 2008, la demi-part avait été introduite pour prendre en compte la situation spécifique des veuves de guerre ; elle ne se justifie plus aujourd'hui. A l'initiative des députés Nouveau Centre, cet avantage fiscal a été recentré sur les contribuables vivant seuls et ayant, seuls, élevé un enfant pendant cinq ans.
M. Bernard Fournier. - Je suis déçu. Le Gouvernement semble ne pas avoir pris la mesure du mécontentement des conjoints survivants, qui est réel. Jamais je n'avais entendu l'association des veufs et veuves de l'Eure manifester une telle insatisfaction. La revalorisation du taux de réversion ne concerne que les pensions inférieures à 800 euros. Et je constate qu'il n'est pas question de revenir sur la suppression de la demi-part.
Achat de l'électricité photovoltaïque
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Le décret du 9 décembre 2010 met en péril l'économie d'opérations conclues dans le cadre de partenariats public-privé (PPP) prévoyant, à titre principal ou accessoire, une installation utilisant l'énergie solaire pour produire de l'énergie.
Tel est le cas du contrat signé le 15 novembre dernier entre la REVe et la société Parsol 85 mais aussi de celui signé le 1er juillet 2010 entre le Grand Dijon et la société TED. Les rencontres internationales des PPP avaient souligné l'intérêt de cette dernière opération. Pour que les opérations ne soient pas mises en péril, il faut conserver les conditions d'achat en vigueur au moment de la conclusion des contrats. Il faut modifier l'arrêté du 4 mars 2011 de sorte que les installations qui seront réalisées dans le cadre d'un PPP conclu avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 continuent à bénéficier des dispositions de l'arrêté du 31 août 2010.
M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - La suspension du mécanisme d'obligation d'achat a pris fin en mars 2011, date d'entrée en vigueur du nouveau dispositif de soutien à la filière. Les projets acceptés avant le 2 décembre 2010 conserveront le bénéfice de la tarification antérieure. Les projets développés en PPP pourront s'inscrire dans le dispositif d'appel d'offres qui sera lancé cet été.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - J'insiste. Les modifications tarifaires compromettent l'équilibre économique des projets. Je souhaite que le Gouvernement revoie sa position.
Site Ideal Standard dans le Jura
M. Gilbert Barbier. - Ideal Standard a annoncé en janvier la fermeture de deux sites en France, dont celui de Dôle où il faisait partie de l'histoire locale depuis des générations. Malgré les mesures d'accompagnement et les 35 millions d'euros mis sur la table par le groupe, la perte de 163 salariés à Dôle est une catastrophe pour l'économie locale. Car le plus dur reste à venir : le reclassement des salariés et le devenir des 40 000 mètres carrés du site.
Si le groupe Ideal Standard doit assumer sa responsabilité en matière de dépollution et de revitalisation industrielle, l'État aussi doit agir, comme il s'y est engagé. Le site sera-t-il classé « amiante », pour préserver les droits des anciens salariés ? Quelles voies sont recherchées pour perpétuer la tradition industrielle de Dôle ?
M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - La fermeture du site d'Ideal Standard est durement ressentie à Dôle. Le groupe, qui a fermé d'autres usines en Europe, invoque des surcapacités de production et la baisse du marché de la céramique sanitaire.
Mon cabinet a reçu en mars une délégation d'élus du Jura, dont vous étiez, pour évoquer les conditions de fermeture du site et les pistes de soutien envisageables. L'État veillera à ce que le groupe assume toutes ses responsabilités. Presque tous les salariés ont accepté le plan social proposé par celui-ci ; les indemnités de licenciement varient de 32 000 à 91 000 euros selon l'ancienneté des salariés.
Ceux qui auraient trouvé un nouvel emploi bénéficieront des mêmes aides.
Un projet de convention de revitalisation a été discuté, sous l'autorité du préfet, en associant les élus. Mes services veilleront à ce qu'Ideal Standard contribue à la revitalisation du site, à la hauteur de sa réputation et de ses moyens financiers.
M. Gilbert Barbier. - Ideal Standard va-t-il maintenir sur place la partie logistique ? Dans quelles conditions le site pourra-t-il être réutilisé ? Nous comptons sur l'État pour éviter qu'il ne devienne une nouvelle friche industrielle...
Taxe sur les logements vacants
M. Raymond Couderc. - Fin 2010, Béziers comptait 8 208 logements vacants. Pourtant, le produit de la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV) ne cesse de baisser : le nombre de redevables est passé de 397 à 136. Les dégrèvements sont faciles à obtenir avec un simple devis pour travaux excédant 25 % de la valeur vénale du logement. Concrètement, les dégrèvements sont à la charge de la collectivité locale. Ce dispositif détourne la taxe de sa finalité, qui est d'inciter à mettre le logement en location.
Il faudrait renforcer le contrôle de l'administration fiscale, et préciser les conditions de vérification des locaux et des travaux à effectuer. Le Gouvernement peut-il clarifier sa position ?
M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - L'État prend à charge une part importante des dégrèvements de THLV, celle-ci étant due lorsque le logement est vacant et habitable -le logement n'est pas considéré comme habitable quand le montant des travaux à y effectuer excède 25 % de sa valeur vénale ; un examen est fait au cas par cas. Seuls les dégrèvements résultant d'une erreur d'appréciation de la vacance sont à la charge de la collectivité.
Grâce à l'article L.135 B du livre des procédures fiscales, les collectivités et l'administration fiscale peuvent se communiquer mutuellement les informations nécessaires au recensement des bases de l'imposition directe locale. La commune peut faire part de ses observations. C'est le cas à Béziers. Les premiers résultats seront pris en compte pour l'établissement de la THLV 2011. Dans ces conditions, le Gouvernement n'envisage pas de modifier les règles en vigueur.
M. Raymond Couderc. - Il est facile de contourner la loi, par exemple en produisant des devis de complaisance. Le nombre de redevables a baissé de 75 % en trois ans. Je pense qu'un texte réglementaire sera un jour ou l'autre nécessaire.
La séance, suspendue à 11 h 40, reprend à 11 h 50.
Visas aux artistes étrangers amateurs
Mme Maryvonne Blondin. - A la veille de nos festivals d'été de folklore et d'art traditionnels, les organisateurs bénévoles sont confrontés à l'obligation de salarier les artistes étrangers qu'ils invitent pour qu'ils puissent obtenir un visa. Or, ces artistes sont des amateurs. Les manifestations s'inscrivent dans la diversité et l'échange culturel. Cette obligation est en réalité motivée par la volonté de combattre l'immigration, loin des objectifs défendus par la convention de l'Unesco. Le durcissement progressif des règles affecte particulièrement l'économie des musiques du monde ; se contentera-t-on d'une diversité culturelle de façade ?
Ces festivals, bénévoles, ne peuvent rémunérer leurs artistes. Ils créent un maillage du territoire, y compris dans de très petites villes. Une trentaine sont aujourd'hui menacés, comme le Mondial'Folk de Plozévet dans mon département du Finistère.
Que compte faire le Gouvernement ? Peut-on envisager des visas spécifiques pour les artistes amateurs ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Je suis très attentif à ce sujet, à l'aube des festivals d'été, souvent modestes, qui sont une vraie richesse culturelle. Moi-même, j'alterne les grands festivals et les plus petits, où l'on fait souvent de belles découvertes. La question que vous posez me taraude.
Je suis très attaché à la circulation internationale des artistes, indispensable à la vitalité de la création et à l'enrichissement culturel ; je suis aussi attaché à ce que les artistes amateurs puissent se produire. Les échanges, notamment entre jeunes, sont une source d'ouverture. Nous sommes tous redevables aux innombrables bénévoles qui se dépensent sans compter pour animer ces festivals.
La présomption de salariat s'applique aux spectacles organisés en France. Il s'agit là d'un principe fondateur, reconnu par la Cour de cassation, auquel les artistes sont très attachés, comme je le suis moi-même. Lorsque des amateurs se produisent dans un cadre lucratif, ils doivent être rémunérés comme des professionnels. Il reste que les conséquences sont problématiques : comment par exemple faire venir des artistes burkinabés dans un cadre qui n'est pas le leur ?
Une réflexion est engagée avec les ministères concernés. Une nouvelle procédure de délivrance de visa, simplifiée et adaptée, va être mise en place incessamment. Nous y avons beaucoup travaillé.
Mme Maryvonne Blondin. - Je remercie chaleureusement le ministre, qui me comble par son intérêt pour la libre circulation des artistes et son soutien aux bénévoles qui animent les festivals. J'espère que les solutions seront en place avant l'été 2011.
Politique de cohésion
Mme Renée Nicoux. - Le 10 février, la France a remis à Bruxelles un rapport sur la politique régionale européenne, qui érige en « objectif prioritaire » la réduction du budget de la politique de cohésion. Celle-ci est pourtant essentielle pour l'avenir de l'Europe ; en France, 140 000 projets en ont bénéficié ; 200 000 emplois ont été créés. Selon la Commission, cette politique a accru le PIB de l'Union de 0,7 %. L'Assemblée des régions d'Europe vient d'appeler sa préservation de ses voeux.
La création d'une nouvelle catégorie de régions dites « intermédiaires », dont le PIB par habitant est situé entre 75 et 90 % de la moyenne européenne, aurait des effets très positifs. Elle bénéficierait à de nombreuses régions françaises. Les représentants de sept d'entre elles, dont du Limousin, se sont rendus à Bruxelles pour soutenir cette proposition.
Le Gouvernement entend-il persévérer dans sa volonté de réduire le budget de la politique de cohésion ? Est-il favorable à la création de régions « intermédiaires » ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Veuillez excuser M. Le Maire. Au lendemain de la journée de l'Europe, je veux rappeler l'attachement du Gouvernement à la politique de cohésion, l'une de celles, avec la PAC, grâce auxquelles nos concitoyens peuvent toucher l'Europe du doigt. Dans notre rapport à la Commission, nous demandons que les régions équivalentes soient traitées de manière équitable. Toutefois, il faut mieux dépenser, rechercher les économies possibles : à l'heure où les budgets nationaux sont contraints, on ne comprendrait pas que le budget européen soit laxiste. C'est le sens de la déclaration commune Sarkozy-Merkel-Cameron pour une stabilisation du budget après 2013. La politique de cohésion doit évoluer.
Nous n'avons pas fermé la porte à l'idée de régions intermédiaires ; nous poursuivons le dialogue avec la Commission, sur ce point comme sur le sort des territoires les plus fragiles et des régions ultrapériphériques. Nous conduisons cette difficile négociation, en concertation avec les régions.
Mme Renée Nicoux. - Si le budget européen diminue, il ne sera pas possible de préserver une politique de cohésion satisfaisante. La position volontariste de la Commission permettrait aux régions concernées de se doter d'équipements structurants pour préparer l'avenir. Elle ne pourra toutefois se passer du soutien des gouvernements nationaux, à commencer par celui de la France.
Organisme extraparlementaire (Nomination)
M. le président. - La commission de la culture a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire. La présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame Mme Catherine Morin-Desailly membre de la Commission scientifique nationale des collections.
La séance est suspendue à midi dix.
*
* *
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 30.
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. - M. le Président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 6 mai 2011, trois décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité.
Psychiatrie
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
La commission des affaires sociales a rejeté, le 3 mai, le texte résultant de ses travaux ; en conséquence, la discussion porte sur le texte adopté par l'Assemblée nationale et transmis par le Gouvernement.
Rappels au Règlement
M. Jean-Pierre Michel. - La situation est inédite. Ce matin, la commission s'et réunie et a désigné un nouveau rapporteur ; nous ignorons encore s'il a fait un rapport. Ensuite, la commission a procédé à l'examen des amendements jusqu'à la fin de l'article premier et doit le poursuivre demain matin à 9 h 30. Or, les services du Sénat ont décidé que le lundi 9 mai, à 11 heures, était la date limite de dépôt des amendements.
Quid de notre séance de nuit d'aujourd'hui ? En tout état de cause, nous ne pouvons dépasser l'article premier.
Je vous demande que la limite du dépôt des amendements soit reportée à la fin de la discussion générale pour mettre un terme à une situation ubuesque. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Ce ne sont pas les services du Sénat mais la Conférence des présidents qui a fixé la date limite du dépôt des amendements au lundi 9 mai. Les conclusions de la Conférence des présidents s'appliquent quelle que soit la décision de la commission : si la commission élabore un texte, les amendements portent sur celui-ci ; si la commission n'élabore par de texte, les amendements portent sur le texte de l'Assemblée nationale.
En l'occurrence, la Conférence des présidents du 4 mai a confirmé ce délai limite, au vu et au su de la décision de rejet du texte de la commission, intervenue la veille.
Il y a un grand nombre d'amendements sur l'article premier, nous aurons donc du travail toute la journée. La présidence de séance, en liaison avec le Gouvernement et les commissions, peut décider des interruptions nécessaires pour que nos travaux se déroulent dans les meilleures conditions possibles.
M. Guy Fischer. - Je partage le point de vue de M. Michel. Il faudrait que nous réussissions à travailler dans de meilleures conditions. La majorité a désavoué la présidente-rapporteur de la commission, ce qui discrédite le travail parlementaire.
Il est maintenant question d'une session extraordinaire au-delà du 14 juillet... Quelle marque de mépris ! Les parlementaires ne peuvent travailler dans de telles conditions. (Applaudissements à gauche)
Discussion générale
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. - Ce projet de loi vise à renforcer les droits et la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques. Il met l'institution judiciaire face à un grave défi, à brève échéance, à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel, consécutive à une question prioritaire de constitutionnalité, procédure dont nous voyons chaque jour l'utilité : je suis sûr que ceux qui n'ont pas voté la réforme constitutionnelle le regrettent aujourd'hui amèrement, comme M. Mézard... ((Sourires ; M. Jacques Mézard s'en défend énergiquement)).
Le volet judiciaire du projet de loi met notre droit en parfaite conformité avec cette décision concernant les hospitalisations sans consentement. Nous avons là un texte d'ampleur comparable à celui portant sur la garde à vue. Lui aussi apporte des garanties supplémentaires aux droits et libertés des patients.
Ce progrès exigera des juridictions un effort considérable : il leur faudra prendre 80 000 décisions supplémentaires par an ! J'ai donc obtenu la création de 80 emplois de magistrats, 70 emplois de greffiers et une enveloppe de 5 millions d'euros pour l'aide juridictionnelle.
Vouloir toujours plus de juges, au détriment parfois de l'autorité administrative ou du médecin, peut être contreproductif.
En matière d'hospitalisation sans consentement, ce projet de loi prévoit un dispositif de contrôle automatique dans les quinze jours. Le juge des libertés et de la détention (JLD) peut ainsi s'assurer du plein respect des libertés. Des garanties procédurales supplémentaires sont apportées par le caractère contradictoire de la procédure. Le recours à la vidéoconférence pourra répondre à certaines difficultés concrètes.
Il faudra donc des salles spécifiques dans les hôpitaux : certaines pathologies sont incompatibles tant avec la vidéoconférence qu'avec le déplacement des patients.
M. Guy Fischer. - La procédure est inapplicable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le professionnalisme des policiers et des avocats a rendu applicable le dispositif sur la garde à vue ; il en ira semblablement ici.
Ne chargeons pas le juge de tâches qui ne relèvent pas de son office. Il n'a pas à se substituer aux médecins ni à l'autorité administrative. On n'est pas ici en matière pénale mais civile. Rien donc de comparable aux Services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip).
Le juge n'a pas les moyens d'apprécier entre différentes modalités de soins. S'il ne peut obtenir rapidement l'avis d'experts, le juge pourrait être amené à prendre des décisions non fondées.
Le soin sans consentement n'est pas un soin forcé. L'intervention automatique du juge n'est donc pas nécessaire. Ce projet de loi est donc équilibré et proportionné : il laisse chacun dans son rôle, ce qui assure une garantie effective des droits des patients dans le cadre des soins les plus adéquats. Le surcroît des charges des magistrats n'est pas un vain mot. Pour Paris, nous attendons 6 522 affaires supplémentaires, soit 25 par jour ! À Lyon, le surplus de travail sera du même ordre. Pensons aussi aux petits tribunaux, avec un magistrat unique qui est à la fois JAP et JLD. Un concours est donc lancé, pour une mise en oeuvre de ce texte au 1er août.
Il s'agit de mieux individualiser les soins pour mieux répondre à certaines situations. Le Gouvernement lui-même défendra des soins. Mais ne surchargeons pas la tâche des juges. La prudence s'impose. En faisant du juge un médecin et un préfet, on mettrait en danger la réforme elle-même. Je laisse Mme Berra aborder les autres aspects de ce projet de loi. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - Ce projet de loi vise à réexaminer certains points précis de la réforme des soins psychiatriques. Je remercie votre commission pour le travail effectué ; j'ai entendu les inquiétudes qui se sont exprimées. Cette réforme est attendue depuis quinze ans par les professionnels de la psychiatrie et par les patients affectés de troubles mentaux sévères. En 2008, 1,3 million d'adultes ont été pris en charge pour maladie mentale. Cinq pour cent de ceux-ci sont atteints de manière telle que leur consentement est impossible à recueillir.
L'accord des malades psychiatriques est prévu par la loi de 1838 obligeant chaque département à construire un hôpital psychiatrique. Il a fallu la loi de 1990 pour que l'hospitalisation libre soit la règle et celle sous contrainte une exception.
Ce projet de loi n'en remet pas en question les fondements. Il en comble les lacunes pour la prise en charge ambulatoire et sans demande de tiers.
Dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé, en novembre dernier, que les dispositions sur l'hospitalisation sans demande de tiers n'étaient pas conformes à la Constitution et devaient être modifiées avant le 1er août.
Nous substituons à la logique d'hospitalisation celle de soins, lesquels peuvent avoir lieu au plus près du lieu de vie du patient. Les médecins cherchent déjà à pratiquer de tels soins avec la procédure de « sortie d'essai », laquelle n'est pas une procédure de soins définie. Le praticien doit préciser avec son patient le protocole de soins ; il restera le seul à même de modifier ce programme, en liaison avec le malade.
L'hospitalisation sans consentement doit être évitée autant que possible ; c'est l'intérêt de la période d'observation de 72 heures, pendant laquelle des soins peuvent être administrés, le temps de la crise, dans l'espoir que le consentement viendra ensuite.
Le projet de loi répond aussi au douloureux problème des personnes isolées, cas fréquent pour les personnes atteintes de pathologies psychiatriques.
Nous avons entendu les professionnels et avons entouré de strictes garanties la possibilité de donner les soins d'urgence à des personnes en période de crise. Pour éviter une rupture de soins, le psychiatre pourra s'opposer à une procédure de levée engagée par des tiers.
Qui intervient en cas d'urgence ? Le projet de loi impose que les acteurs locaux définissent entre eux, sous l'égide de l'Agence régionale de santé (ARS), les procédures applicables.
L'Assemblée nationale a voulu que les antécédents ne soient pas recherchés sur toute la vie du patient mais sur une durée fixée par décret en Conseil d'État.
Les certificats de prise en charge ou de levée de mesures devraient être établis par le psychiatre. L'Assemblée nationale a confirmé ce rôle central du psychiatre.
Ce projet de loi répond à la question prioritaire de constitutionnalité sur le bien-fondé des hospitalisations complètes sans consentement. Une telle privation d'aller et venir est et doit rester exceptionnelle. Le patient en soins ambulatoires est présumé aller mieux que le patient hospitalisé. En outre, il connaîtra déjà le juge puisqu'il l'aura rencontré au bout de quinze jours d'hospitalisation.
Une saisine automatique n'apporterait aucune garantie supplémentaire. Si le patient juge ses soins excessifs, à lui d'en parler avec son psychiatre.
Ce projet de loi, conforme aux normes européennes, apporte à chaque patient les soins adaptés. Il donne des garanties supplémentaires, avec un seul but : accès aux soins, continuité des soins, respect des personnes, protection des libertés. (Applaudissements sur certains bancs UMP)
M. le président. - La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur.
M. Guy Fischer. - Intérimaire !
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Ce projet de loi concerne les personnes les plus fragiles. Nous devons avoir à l'esprit trois exigences : celle de donner les soins nécessaires ; celle d'éviter que le malade ne nuise à lui-même ou à autrui et celle de se protéger contre certains malades.
Je salue le travail important et approfondi accompli par Mme Dini. Je me sens rapporteur à temps plein, responsable dans un domaine qui est le mien depuis une trentaine d'année, monsieur Fischer !
Nous attendons avec impatience votre plan de santé mentale, dont nous espérons qu'il viendra rapidement compléter ce projet de loi.
Actuellement, une personne ne peut faire l'objet de soins sans consentement que dans le cadre d'une hospitalisation complète. Nous faisons en sorte que ce soit possible de manière plus large, en remplaçant la notion d'hospitalisation par celle de soins.
En tout état de cause, la période de soins sans consentement débutera par une hospitalisation complète de 72 heures. Si l'admission est demandée par un tiers, le psychiatre déciderait de la forme de prise en charge.
Pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel, le projet de loi prévoit la saisine du JLD pour contrôler la nécessité du maintien de soins sans consentement. Le juge statue après débat contradictoire et l'audience peut se faire par vidéoconférence. L'Assemblée nationale a prévu une saisine obligatoire du JLD en cas de décision du préfet contraire à celle du psychiatre.
Le projet de loi instaure une hospitalisation en cas de péril imminent sans demande d'un tiers. Cela concernerait des personnes isolées et les cas où la demande d'hospitalisation pourrait être particulièrement difficile à formuler.
Les autres dispositions du projet de loi sont de moindre importance. Celui-ci n'est certes pas parfait. A nous de l'améliorer, d'en renforcer la cohérence. Ce matin, la commission a donné de nombreux avis sur des amendements, avis qui ne sont pas tous compatibles entre eux. Sans l'intervention du Conseil constitutionnel, nous n'aurions pas été saisis de ce texte. Profitons de l'occasion, sans tout renvoyer à plus tard !
Je souscris aux amendements Milon, que je vous proposerai de compléter. Plutôt que de soins sans consentement, il faudrait parler de soins auxquels la personne n'est pas à même de connaître du fait de ses troubles mentaux. L'obligation de soin est une chose ; les modalités doivent en revanche être impérativement discutées entre le patient et le médecin. D'autres améliorations sont possibles dans la composition du collège, afin d'assurer une véritable collégialité.
D'autres amendements fixant à dix ans le droit à l'oubli ont aussi été adoptés. J'espère que nos débats feront avancer la réflexion, au bénéfice des patients et de leurs familles. (Applaudissements à droite)
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en mai 2010, ce projet de loi a été complété par une lettre rectificative du 26 janvier 2011, qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel sur l'hospitalisation sans consentement. Le Conseil a jugé conformes les conditions d'admission ; pour le maintien de la privation de liberté, il a rappelé l'exigence d'une intervention du juge judiciaire. Dès lors se posait la question du délai : le Conseil a fixé à quinze jours le délai d'intervention du contrôle judiciaire et considéré que le juge devait statuer dans « les plus brefs délais ». Il a fixé la mise en oeuvre au 1er août 2011 : nous délibérons donc, si j'ose dire, sous contrainte. (Sourires)
Notre commission des lois est saisie pour avis, ce qui ne fut pas le cas à l'Assemblée nationale. Je regrette que cette approche ne soit pas retenue plus souvent, par exemple sur la loi pénitentiaire... J'espère que ma proposition de loi sur la responsabilité pénale des malades mentaux, adoptée ici à l'unanimité, sera un jour inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
L'hospitalisation sous contrainte est régie par un droit ancien et stable, qui date de la loi Esquirol de 1838. La loi Évin de 1990 a consacré le droit des personnes hospitalisées contre leur gré, en préservant la distinction entre hospitalisation d'office et à la demande d'un tiers. On compte 70 000 hospitalisations sous contrainte par an, pour moitié pour des cas de schizophrénie.
Je suis plutôt favorable à l'extension des soins ambulatoires sous contrainte, qui exigeront toutefois des moyens adaptés. La sortie d'essai est supprimée ; une période d'observation de 72 heures est instaurée. Pour les malades dangereux, un encadrement spécifique est prévu. Le texte encadre la notion de tiers et crée l'admission sans tiers en cas de péril imminent.
L'étude d'impact évalue les besoins à 77 à 80 magistrats, pour faire face à plus de 20 000 affaires supplémentaires.
Au nom de la commission des lois, je vous proposerai d'étendre la compétence du JLD, gardien des libertés, en lui permettant notamment de transformer une hospitalisation complète en soins ambulatoires sous contrainte -je sais que le garde des sceaux est contre, mais je compte que nous trouverons un accord. Je proposerai aussi des amendements sur la vidéoconférence, ainsi que sur l'infirmerie de la préfecture de police de Paris. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans son dernier rapport, a insisté sur la nécessité d'améliorer l'équilibre entre droits des personnes, exigences de soins et nécessités de la sécurité. J'espère que ce texte marquera un progrès significatif sur cette question sensible. (Applaudissements à droite)
M. Jacques Mézard. - La maladie mentale est un drame pour des milliers de familles : il justifie de briser les tabous.
Ce projet de loi, qui complexifie les procédures, ne relève-t-il pas d'une pathologie marquée par une dissociation de l'esprit associée à une perturbation du rapport au monde extérieur ? (Sourires) Plus de règles, moins de droits. Il devrait viser l'intérêt des malades, sans être vicié par les considérations sécuritaires... De ce choc de priorités antagonistes naît un texte rejeté tant par les psychiatres que par les magistrats, ce que son rejet par la commission des affaires sociales ne fait que traduire.
On alimente encore l'amalgame entre maladie mentale et délinquance. La décision prise sans le consentement de l'intéressé pourra concerner des soins ambulatoires : la contrainte pourra être exercée hors les murs de l'établissement, sans contrôle adapté.
Si le contrôle du JLD exigé par le Conseil constitutionnel s'impose, il doit être accompagné par les moyens adaptés en personnel et formation. Les professionnels jugent que le texte sera inapplicable : il y aura un engorgement, une asphyxie des juridictions.
Ce projet de loi complique les procédures, avec une prépondérance du préfet, de l'administration -pourquoi pas du citoyen assesseur ! Il faut rétablir l'indépendance des décisions. Prenons le temps d'élaborer, avec tous les acteurs, une réforme adaptée. Nous attendons toujours un grand plan de santé mentale, qui fasse de celle-ci un objectif prioritaire. Ce texte n'y répond pas ; la majorité de mon groupe ne le votera donc pas. (Applaudissements à gauche)
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
M. Guy Fischer. - Il y a un an, notre groupe organisait au Sénat un colloque sur la psychiatrie, « entre pressions sécuritaires et contraintes économiques ». Ce texte n'est pas celui qu'attendaient les malades, les familles, les médecins et les magistrats.
Annoncé au lendemain d'un fait divers, ce projet de loi porte toutes les marques d'un texte d'émotion, à la vision étriquée. Il n'y a que 2,7 % des actes de violence commis par des personnes atteintes de troubles psychiatriques ; celles-ci, en revanche, sont souvent des victimes ! Et l'on nous propose ce projet de loi alors que l'on met à mal la psychiatrie publique : 40 000 places ont été supprimées en vingt ans. C'est la lutte des places en hôpital psychiatrique !
Ce texte, flou, imprécis, opportuniste, ne répond pas à la situation. C'est ce qui nous a conduits à le rejeter en commission, malgré les avancées apportées par Mme Dini. L'objectif affiché est loin d'être atteint : rien n'est fait pour donner aux professionnels les moyens de soigner ! L'étude d'impact est bien optimiste ; elle ne préconise guère qu'un emplâtre sur une jambe de bois. Ce qu'il faut, c'est plus de postes, plus de lits !
Soins sans consentement ? En matière psychiatrique, l'absence de consentement du malade est souvent cause de l'échec du traitement. Ce projet de loi vise-t-il vraiment le traitement des malades ? En réalité, l'objectif sécuritaire prime sur l'objectif sanitaire. La société serait menacée par ces personnes en souffrance... C'est une vision réductrice et inacceptable. La période d'observation de 72 heures s'apparente à une véritable garde à vue psychiatrique, décidée par le préfet au motif flou du « péril imminent », le médecin ne servant que d'auxiliaire de police !
Ce texte donne une autorité exorbitante au représentant de l'État, au détriment du médecin et du juge. L'arbitraire sera partout !
L'hospitalisation sans consentement fera l'objet d'une décision judiciaire : c'est bien, même si nous aurions souhaité un délai plus court. Tout semble avoir été conçu pour réduire autant que possible les avancées apportées... Le texte ne fait que donner l'illusion que le JLD décide : faute de moyens, il penchera forcément en faveur de l'hospitalisation. Les prisonniers psychiatriques ne bénéficieront pas des avancées consenties récemment aux personnes gardées à vue.
On crée un véritable « casier psychiatrique ». Là encore, le droit des malades est sacrifié à l'objectif sécuritaire. Il faut les pister, ces malades, inguérissables comme l'est la jeunesse un peu agitée que d'aucuns voudraient ficher dès la petite enfance !
La décision de délivrer les soins à domicile est une fausse bonne idée. Qui porte la responsabilité du malade ? Comment interviennent ces soignants ? Aucune réponse.
Notre médecine psychiatrique se meurt, ses moyens ne cessent de diminuer. La valorisation de l'activité en psychiatrie (VAP), équivalent en la matière de la tarification à l'activité, conduit à choisir les patients : les moins vieux, les moins fous à l'hôpital, les autres à la charge de leurs familles ! Ce sont des psychiatres qui le disent. C'est toujours la logique sécuritaire qui prime sur la logique thérapeutique. Vous ne considérez la psychiatrie que sous l'angle de l'ordre public. Votre texte stigmatise les malades, il institutionnalise un régime d'exception. La psychiatrie a besoin de soins, de se montrer hospitalière. Elle mérite une véritable loi-cadre, des moyens à la hauteur.
Nous ne pourrons que voter contre ce texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Anne-Marie Payet. - Ce texte problématique se tient dans l'entre-deux entre mise en conformité avec la Constitution et réforme du droit de la santé mentale. Après la décision du Conseil constitutionnel, il fallait légiférer pour prévoir le contrôle systématique de l'autorité judiciaire. Depuis l'hospitalisation sans consentement, le Conseil distingue entre admission et maintien en hospitalisation sans consentement. Le texte dépasse toutefois largement ce seul volet judiciaire, en remplaçant la notion d'hospitalisation sans consentement par celle de soins. Preuve qu'il ne s'agit pas d'un texte purement sécuritaire ! Ce n'est pas pour autant la grande loi sur la santé mentale tant attendue, avec une approche globale.
Ce texte ne va pas assez loin dans l'explicitation des soins ambulatoires sans consentement. Les amendements de Mme Dini n'ont pas été intégrés au texte mais ont le mérite de faire apparaître les apports du Sénat.
Ce texte est équilibré, mais incomplet. Il faut en combler les lacunes ; nous soutiendrons l'amendement de compromis de M. Milon, sous-amendé par M. Lorrain, qui établit une typologie des lieux de soins.
Sous réserve de ces modification, le groupe UC votera ce projet de loi, en saluant nos rapporteurs pour leur travail, au premier rang desquels Mme Dini, qui est allée au bout de ses convictions. (Applaudissements au centre)
M. Jacky Le Menn. - Ce projet de loi sécuritaire caricature la réponse du Gouvernement au problème de la maladie mentale ; il est aussi partisan que confus. Nous souhaitions une grande loi de santé mentale, qui viendrait compléter la loi de 1990.
A la suite d'un fait divers dramatique, le président de la République annonce des mesures sécuritaires contre les malades mentaux, et une nouvelle loi sur l'hospitalisation sans consentement : il s'agit bien de garantir la sécurité face à des malades mentaux assimilés à des délinquants.
La notion de soins sous contrainte est difficile à traduire en psychiatrie, où le soin repose plus qu'ailleurs sur la confiance. Le Conseil constitutionnel rappelle que l'hospitalisation sans consentement est bien une mesure de privation de liberté, ce qui suppose l'intervention du juge, et demande que la législation soit mise en conformité avant le 1er août 2011. Voilà qui contrarie le projet de loi tout sécuritaire du Gouvernement : résultat, une insatisfaction généralisée que traduit notamment l'avis de la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH). La France a progressivement renoncé à la politique de secteur, en faveur d'un recours croissant à l'internement, alors que les moyens manquent cruellement.
Faute d'effectifs, le nouveau système est quasiment inapplicable. Dans une logique avant tout sécuritaire, on privilégie l'enfermement sur l'accompagnement, au mépris des droits du malade.
La concertation n'est pas allée assez loin : le patient sera plus isolé que jamais dans une société hostile, cobaye d'une réforme inachevée.
S'agissant du contrôle du juge, la réforme reste au milieu du gué. N'aurait-il pas mieux valu prévoir que le juge statue sur l'admission, comme cela se fait dans certains pays, et non uniquement sur le maintien ? Les juges sont déjà surchargés, répond le Conseil constitutionnel ; c'est vrai mais il faut que les moyens suivent !
La mise en oeuvre du contrôle juridictionnel soulève des difficultés pratiques. La vidéoconférence n'est pas une solution adaptée. De nombreux magistrats sont préoccupés par l'instauration du recours suspensif : le principe de précaution risque de s'exercer au détriment des droits des patients et au mépris de la décision du juge.
Il faut trouver un juste équilibre entre dispositifs sanitaire, judiciaire et de sécurité. Ce projet de loi n'y répond pas.
Dans l'attente d'une vraie loi de santé mentale, et vu le rejet du rapport de Mme Dini, notre groupe a déposé de nombreux amendements, qui s'inspirent des siens et de ceux de M. Lecerf, et votera contre ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Laurent Béteille. - J'ai beaucoup hésité à intervenir dans ce débat, étant directement concerné par le sujet. Je me livre ici à un exercice impudique et douloureux. Mais l'agitation autour de ce texte relève trop de la caricature, des préjugés idéologiques : pour les familles, c'est insupportable.
Mon fils a eu son bac, commencé des études supérieures, avant de sombrer dans la schizophrénie. C'est un naufrage : il est aujourd'hui clochard, joue de la musique dans les rues et ramasse des mégots qu'il conserve précieusement. Ce fut une dérive brutale, des hurlements dans les rues pour chasser des démons, des menaces et des brutalités contre sa mère. Comment soigner quelqu'un qui ne se reconnaît pas malade et voit des êtres malfaisants dans tous les médecins ?
J'ai obtenu une hospitalisation, un peu en marge de la loi de 1990... Après une permission de sortie, il a cessé prématurément son traitement. Pour la famille, pour les proches, ce fut très pénible. Il a sa vie gâchée ; il est dans une souffrance, face à des déceptions qu'il ne comprend pas, et d'une grande naïveté, donc victime potentielle...
Tout cela pour vous demander d'étudier ce texte dans un état d'esprit positif, en regardant une par une ses dispositions pour en évaluer l'utilité avant toute chose pour les malades. Ce projet de loi peut être amélioré pour le contrôle juridictionnel. Je souhaite vivement que tout ce qui peut améliorer la loi de 1990 soit adopté. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Anne-Marie Escoffier. - Je m'inscris dans la même démarche. Le Sénat est confronté à une situation inédite. Comment ne pas regretter ce retour ex ante qui ignore le travail de Mme Dini, marqué par la qualité que nous lui connaissons ?
Ce projet de loi entend définir un nouvel équilibre entre trois principes à valeur constitutionnelle, après la décision du Conseil constitutionnel de novembre dernier sur l'hospitalisation sans consentement : droit à la santé, protection de l'ordre public, protection des libertés individuelles.
Mais, une nouvelle fois, on répond par l'émotion à un événement tragique sans prendre le temps de la réflexion. Pourquoi avoir systématisé le recours au juge judiciaire ? Les professionnels ont dit leur désarroi face à un texte aussi complexe -qui aurait d'ailleurs dû être scindé en deux. Les charges des magistrats vont augmenter de façon insupportable sans de nombreuses créations de postes. On multiplie les contrôles et les expertises, on impose au juge d'intervenir dans des délais trop brefs. Comment organiser le débat contradictoire entre le juge et le médecin ? Comment mettre en oeuvre la vidéoconférence vu l'état actuel des hôpitaux psychiatriques et leur manque de moyens ?
Avec un tel texte, aucun des trois principes républicains évoqués ne pourra être respecté. Il me reste à fonder de grands espoirs sur le bon sens et le réalisme des ministres... La priorité doit être donnée aux soins. (Applaudissements au centre et à gauche)
M. Alain Milon. - 400 millions d'êtres humains dans le monde et presque un Français sur quatre sont touchés par une forme de trouble mental. Peu de personnes souffrant de ces troubles en parlent, la santé mental est intime, cachée, secrète et fait l'objet de préjugés négatifs. Cela devient public quand l'expression du trouble devient trop intense et perturbe la vie familiale, au travail ou en société. L'image du malade mental dans le grand public reste très archaïque.
L'objet de la psychiatrie n'est pas la maladie mentale mais l'être humain qui en est affecté. Montaigne écrivait : « on construit des maisons de fous pour faire croire à ceux qui n'y sont pas enfermés qu'ils ont encore la raison ». Tout changement passera par un changement de regard de la société.
En 30 ans, le nombre de dépressions déclarées a sextuplé ; tout le monde peut être de près ou de loin concerné. Des réformes sont donc nécessaires mais le chantier est immense. Parler de santé mentale, c'est aussi parler d'insertion ou d'accompagnement social, c'est parler des moyens de la psychiatrie et de la formation, notamment des infirmiers.
L'angoisse est partout aujourd'hui. La demande de psychiatrie est partout, la consommation de psychotropes considérable. Est-ce à dire que les Français ont mal ? Sont mal ? Vont mal ? Autre changement : hier le malade était passif ; il est devenu un partenaire, un acteur de son traitement. Et celui-ci est une démarche de longue haleine.
Ce projet de loi semble le signe d'une avancée. Si l'on peut comprendre la nécessité de renforcer la sécurité de nos concitoyens, celle-ci requiert des moyens, absents de ce texte. Quel effort sera fourni par exemple pour améliorer la formation des infirmiers psychiatriques ? Toutefois, ce texte ajoute une étape qui n'existait pas à la procédure, pour une meilleure prise charge du malade ; j'espère qu'elle ne conduira pas à mettre le psychiatre sous la tutelle du juge, qui n'est qu'un tiers dans la relation avec le malade.
Il faut donner du temps au temps. Il est illusoire de croire qu'on peut sortir d'une dépression en quelques semaines seulement. Un traitement prend forcément du temps. Il y faut un certain état d'esprit, être prêt à se confronter à la peur. On ne doit jamais laisser un individu s'enfermer dans un comportement où il ne se nourrit pas ni le laisser se marginaliser. Notre société, certes dotée de moyens d'information très riches, souffre d'irresponsabilité généralisée. Il faut apprendre aux patients à vivre, non leur renvoyer une image dévalorisante.
L'organisation de la psychiatrie doit être renforcée dans une logique de réseau. Il faut aussi créer une spécialisation en mastère des infirmiers. La question des soins ambulatoires doit être revue dans le cadre plus large d'une loi d'ensemble sur la santé mentale.
« N'ayez pas peur des fous ! » : voilà le message que nous ont transmis des hommes d'église, aumôniers dans des établissements publics de santé mentale ; gardons-nous que, sous couvert de défendre les droits des personnes malades, les soins sans consentement deviennent la règle et non plus l'exception. La psychiatrie institutionnelle a transformé des institutions quasi carcérales pour en faire des outils au service de la singularité du sujet ouvert sur la cité.
Le politique est là, plus que jamais, dans son rôle d'arbitrage, ce qui ne doit pas l'entraîner dans une vulgarisation excessive. La santé mentale ne doit plus être une affaire de spécialistes, mais ouvrir notre conscience. Il faut refonder un investissement collectif. (Applaudissements sur divers bancs)
M. Jean-Pierre Michel. - Ce projet de loi se situe au point de confluence de la santé publique et de la sécurité publique ; il n'atteint pas le point d'équilibre car il subordonne le médical au sécuritaire. L'intervention prévue du juge sera généralement illusoire, car difficile à organiser ; elle n'apporte pas, qui plus est, les garanties nécessaires. L'internement sans consentement doit être un traitement avant d'être une mesure privative de liberté. Depuis la dernière révision, le Conseil constitutionnel se comporte en Cour suprême ; la nomination de ses membres, politique pour ne pas dire politicienne, ne justifie pas une telle évolution.
Les moyens sanitaires et judiciaires requis par ce texte contrastent avec ceux qui existent tant dans la magistrature que dans la psychiatrie ; l'étude d'impact n'apporte pas de réponse satisfaisante. Dans notre rapport d'information, rédigé l'an dernier avec nos collègues Demontès, Barbier et Lecerf, nous n'avions pas retenu l'intervention du juge réclamée par le Conseil constitutionnel dont chacun appréciera la connaissance précise du terrain...
Quel juge donc ? Le JLD, nous dit-on. Celui-ci est déjà surchargé de travail, sans compter celui qui lui incombe avec la réforme, sous contrainte elle aussi, de la garde à vue. Il devra intervenir dans des locaux qui requièrent des investissements immobiliers -on peut douter qu'ils soient financés par les ARS- et devra pouvoir demander des expertises. Faites par qui ? Pour mon département, il faudra aller chercher l'expert dans une autre région. Et dans quel délai ? Et l'appel, prévu ici selon une procédure farfelue ? Doit-il être suspensif ?
Et pourquoi le juge n'interviendrait-il pas pour décider ou contrôler les soins ambulatoires sous contrainte ? Il devrait également pouvoir statuer sur l'arrêté même d'internement. On nous dit que cela relève du juge administratif... Le Conseil constitutionnel a admis que la loi peut organiser des blocs de compétence ; ici, en faveur du juge judiciaire. Mais on touche ici du doigt le problème de la séparation entre nos deux ordres juridictionnels, judiciaire et administratif, qui ne se rencontrent qu'au tribunal des conflits... Une réforme constitutionnelle sur ce sujet s'imposerait davantage que sur l'équilibre budgétaire...
Comme M. Le Menn vous l'a dit, nous sommes contre ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Desessard. - Ce qui nous divise sur ce sujet, c'est l'approche de la folie. Faut-il avoir peur des fous ? Faut-il punir ou guérir ? Et comment guérir, par la parole ou la seringue ? Votre projet de loi s'appuie sur la vieille représentation populaire du fou errant et dangereux ; il ne s'applique en rien à la réalité clinique des soins en psychiatrie : vous auriez créé des moyens. C'est encore un projet de loi de gendarme. Était-il si difficile de s'appuyer sur l'avis des psychiatres pour réformer la psychiatrie ? Le président de la République ne se soucie que du sensationnel...
Un vrai projet de loi de santé mentale défendrait le secteur, se préoccuperait de formation professionnelle et de moyens. Mais vous ne voulez garantir que la sûreté des non-malades. Vous préférez enfermer un malade, même non dangereux -82 % des hospitalisations sont libres... Faute de place en hôpital psychiatrique, vous voulez l'enfermer chez lui. Vous proposez un contrôle social généralisé de la normalité des comportements, rompez le lien entre soignant et soigné. Vous vous en remettez au pouvoir de la chimie et de l'injection au détriment de la parole.
Cela fait quinze ans que nous attendons une vraie réforme de la loi de 1990, qui suive les recommandations des états généraux de 2003, qui mette en place des structures hospitalières plus diverses et plus ouvertes, qui améliore l'offre d'hospitalisation de jour. Il faut aussi rendre la psychiatrie plus attractive pour les jeunes médecins. Quand le Gouvernement alloue 70 millions aux hôpitaux psychiatriques, c'est exclusivement pour mettre des barreaux aux fenêtres et des caméras partout... Les hôpitaux travaillent en flux tendu ; en cas d'hospitalisation à la demande de tiers, les psychiatres doivent faire sortir un patient qui n'est pas guéri pour libérer un lit !
Les Verts sont indignés par ce texte, qui ne règle rien et rendra encore plus difficile le travail des magistrats et des médecins. Embourbé dans le tout sécuritaire, le Gouvernement persévère dans son fantasme de risque zéro. La liberté aussi est thérapeutique ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Paul Blanc. - Affligeant !
La discussion générale est close.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Je suis moi aussi affligée. Tous ces discours ne sont pas à la hauteur. Nous proposons une alternative à l'hospitalisation, nous parlons de soins ambulatoires, de prise en charge dans la rue -vous dites loi sécuritaire, atteinte aux libertés, piqûres et injections...
L'objectif de ce projet de loi, c'est l'intérêt des malades, leur proposer quelque chose de nouveau et de moderne. Pourquoi le soin ambulatoire devrait-il être interdit pour la seule psychiatrie ? Ces propos caricaturaux m'affligent. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°83, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (n° 361, 2010-2011).
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le Règlement veut que la motion d'irrecevabilité soit défendue après la discussion générale ; je redis que c'est un peu bizarre... Il faudra y revenir un jour.
La réponse de la ministre n'ayant pas été convaincante, la défense de cette motion est plus que jamais nécessaire.
Il faut savoir dire non à une politique dont l'inquiétante déclinaison sécuritaire cache la dégradation, non moins inquiétante, de toutes les politiques publiques. Ce projet de loi a été annoncé par le président de la République après un épouvantable fait divers ; il se faisait fort, disait-il, d'empêcher qu'il ne se reproduise -en généralisant la contrainte et l'enfermement.
Le rapporteur de la commission des lois a pris soin de dire qu'il fallait éviter tout amalgame entre troubles psychiatriques, délinquance et dangerosité ; il a noté que les malades mentaux étaient plus souvent victimes qu'auteurs de violences sur autrui -souvent en revanche sur eux-mêmes. Pourtant, le texte est centré sur le petit nombre de patients susceptibles de représenter un danger pour autrui...
La vraie question est celle de la dégradation de la psychiatrie publique et de l'abandon de l'hospitalisation de secteur. (Mme Nora Berra, secrétaire d'État, s'exclame) Vous voulez le grand retour de l'enfermement des malades.
Tous les professionnels demandent une grande loi de santé mentale. Comme le disait en 1985 Lucien Bonnafé, il faut penser « l'organisation d'une médecine publique préventive et curative, ouverte à tous, mais particulièrement adaptée aux besoins des catégories de personnes que leur âge, leur maladie ou leur dépendance ne mettent pas toujours en mesure de prendre elles-mêmes l'initiative d'actions préventives ou de soins que leur état exige. » « Il imaginait un texte qui dirait que « l'autorité judiciaire (...) a tout pouvoir d'exercer les contrôles qu'elle estime utiles et d'imposer l'arrêt des traitements imposés et de la limitation des libertés, sous réserve d'entendre le malade lui-même, le médecin et, plus largement ceux qui participent aux soins et aux contraintes, et l'entourage. »
Le projet de loi est aux antipodes de ces propos. Malgré les modifications rendues nécessaires par la décision constitutionnelle de novembre dernier, il continue de poser de sérieux problèmes au regard des libertés en renforçant tous les aspects des soins sous contrainte. Avec lui, le malade entre dans une sorte de garde à vue psychiatrique de 72 heures au terme de laquelle le choix est entre hospitalisation et soins ambulatoires, les deux sous contrainte. Dans le même temps apparaît l'hospitalisation sans consentement en l'absence de tiers en cas de péril imminent.
Vous tentez de gagner la confiance des familles en parlant de « protocoles rigoureux » ; le seul qui vous intéresse, c'est l'interruption du traitement pharmaceutique qui entraînera l'intervention d'une équipe, éventuellement accompagnée des forces de l'ordre, pour emmener le patient dans un établissement. Vous faites comme si le patient était libre de refuser le traitement, ce qui justifierait son enfermement ; en réalité il a le choix entre renoncer à sa liberté ou renoncer au parcours thérapeutique qu'il a construit... Le retour au domicile sans aucune forme d'accompagnement médical n'est satisfaisant pour personne.
Dans un souci exclusif d'ordre public, vous réduisez la psychiatrie au traitement de la crise -voir la circulaire mettant en place les Sros 3 en psychiatrie. Vous ne manquez pas, Conseil constitutionnel oblige, de rappeler les droits des malades. Mais le contrôle judiciaire au bout de quinze jours ne peut quand même pas être considéré comme très rapide. La question d'une intervention a priori du JLD méritait d'être posée. Autre sujet de préoccupation, les soignants deviennent des auxiliaires de police, dont la priorité est la lutte contre les troubles à l'ordre public ; et les préfets se voient confiés des pouvoirs supplémentaires, y compris dans le champ médical -je pense en particulier aux sorties thérapeutiques, qui nécessiteront son autorisation expresse au lieu de son accord tacite.
Avec ce projet de loi se trouve légalisée la circulaire de 2010, cosignée par les ministres de la santé et de l'intérieur, qui exigeait que soient relatées les circonstances de l'hospitalisation, comme si la psychiatrie était une science prédictive. Comme Lombroso, vous croyez au criminel né, au fou inguérissable.
Vous donnez au caractère non suspensif des recours une porte générale, contrairement au droit. Le recours à la vidéoconférence est particulièrement choquant en la matière. Comment avoir pu penser le proposer ?
« Je pense à tout ce que la peur va posséder et j'ai peur, c'est justement ce que la peur attend de moi » a écrit Alexandre O'Neill. Je refuse que cette peur l'emporte sur la raison, qu'elle gagne sur les libertés individuelles et sur l'humanité. Je vous invite en votant la motion à refuser cette vision désespérante de l'autre. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission a émis un avis favorable ; j'estime, quant à moi, que ce texte n'est pas anticonstitutionnel. Son objectif est précisément de mettre l'hospitalisation sans consentement en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel de novembre 2010.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Même avis.
A la demande du groupe CRC-SPG et du Gouvernement, la motion n°83 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l'adoption | 149 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Guy Fischer. - C'est regrettable.
Hommage à une délégation tchèque
M. le président. - Il m'est agréable de saluer la présence dans notre tribune d'honneur d'une délégation de sénateurs de la République tchèque conduite par M. Miroslav Antl, président de la commission des lois et des affaires constitutionnelles. La délégation a été accueillie au Sénat par notre collègue Patrice Gélard, vice-président du groupe d'amitié France-République tchèque.
Cette visite marque la poursuite de la coopération parlementaire entre nos deux pays. Au nom du Sénat de la République, je souhaite la bienvenue à nos collègues sénateurs et je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos deux pays. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent)
Psychiatrie (Suite)
Question préalable
M. le président. - Motion n°1, présentée par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (n° 361, 2010-2011).
Mme Christiane Demontès. - C'est l'ensemble des grands intégrateurs de la vie collective -école, travail, etc.- qui sont facteurs de santé mentale positive.
Ce texte ne concerne qu'une portion infime des 20 % de Français qui souffrent de troubles mentaux ; ils sont 600 000 à être atteints de schizophrénie. C'est dire l'importance sociale et humaine de cette question. Ce texte ne concerne que les 70 000 personnes hospitalisées d'office -deux fois plus qu'en Italie ou au Royaume-Uni. La France fournit à la CEDH le plus grand nombre de contentieux relatifs à la psychiatrie.
La loi de 1990 devrait être réformée cinq ans après son adoption : vingt ans après, il n'en est toujours rien. Nous espérions la grande loi de santé mentale annoncée par Mme Bachelot.
La psychiatrie est au plus mal. On a fermé plus de 50 000 lits, sans solution alternative ; le mot d'ordre est d'effectuer des hospitalisations de plus en plus courtes, les demandes des établissements sont satisfaites, du moins après leur formulation.
Or, le Gouvernement nous présente un texte sécuritaire, précaire et sans cohérence. L'amalgame entre maladie mentale et délinquance n'est pas nouveau : le président de la République, alors ministre de l'intérieur, l'avait déjà fait dans sa loi de prévention de la délinquance. On alimente une fois de plus la peur, en faisant primer le sécuritaire sur le thérapeutique.
Pour la première fois depuis la révision constitutionnelle, la commission des affaires sociales n'a pas adopté de texte. Or celui qui nous vient de l'Assemblée nationale est déséquilibré et insuffisant : les droits du malade sont oubliés, sa souffrance n'est pas prise en compte. Comment le Gouvernement compte-t-il gérer la sectorisation ? L'étude d'impact démontre que les moyens humains et financiers ne seront pas au rendez-vous au 1er août.
Ce projet de loi n'est pas « nuancé et équilibré », n'en déplaise à Mme la ministre. Il aurait fallu un plan de santé mentale incluant la recherche, la formation... Ce texte est loin de répondre à ses objectifs affichés : nous vous proposons donc d'adopter cette motion.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission a donné un avis favorable à cette motion, mais le Conseil constitutionnel exige un nouveau texte avant le 1er août 2011. Nous n'avons plus le temps. Je suis personnellement défavorable à la motion.
M. Guy Fischer. - Comme ça, c'est clair.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
A la demande du Gouvernement, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l'adoption | 150 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Je souhaite une suspension de séance de cinq minutes.
M. le président. - Vous en demandez cinq, je vous en accorde dix : ainsi, vous ne serez en retard que de cinq ! (Sourires)
La séance, suspendue à 17 h 55, reprend à 18 h 5.
Discussion des articles
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°41, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aucune mesure de soins sans consentement prenant la forme d'une hospitalisation complète ne peut être décidée sur le fondement d'une atteinte à l'ordre public défini à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.
M. Guy Fischer. - Cet amendement revient sur une disposition contestée par psychiatres et malades, qui confie à la psychiatrie la charge de protéger l'ordre public. La France est le pays européen qui a le plus recours à l'hospitalisation sous contrainte, et aux psychotropes. Est-ce le rôle des psychiatres de priver un individu de liberté pendant 72 heures, de lui administrer contre son gré des médicaments, de l'inscrire dans un casier qui le poursuivra, tout cela uniquement pour faire cesser un trouble à l'ordre public ? Nous ne le pensons pas. Les personnes en souffrance psychique, même quand elles troublent l'ordre public, ne sont pas toutes dangereuses !
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission a donné un avis favorable.
Il faut un trouble grave pour justifier l'hospitalisation : à titre personnel, défavorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Cette notion est très encadrée par la jurisprudence. Souhaitez-vous carrément supprimer l'hospitalisation à la demande du préfet ? Défavorable.
L'amendement n°41 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°42, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Nation assure la satisfaction des besoins en santé des populations atteintes de troubles ou pathologies mentales tant au travers des soins intra hospitaliers qu'extrahospitaliers.
Mme Annie David. - Une psychiatre, chef de service à l'hôpital Esquirol de Saint-Mandé, a démissionné, faute de moyens pour exercer son rôle de façon convenable. Avec la RGPP, la prise en charge des patients s'est dégradée au point que certains établissements auraient sous-traité la surveillance des malades à des sociétés de gardiennage employant des maîtres-chiens !
On en vient à maltraiter les patients faute de temps. C'est encore pire hors les murs, avec la disparition des centres de proximité. Le Gouvernement abandonne la politique de secteur, qui intégrait prévention, traitement et réintégration.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - L'avis de la commission est favorable. Le droit à la santé est déjà prévu par la Constitution. À titre personnel, défavorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Le code de la santé publique répond déjà à cette exigence : défavorable.
L'amendement n°42 n'est pas adopté.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - La commission n'a pas pu examiner ce matin l'amendement n°43 rectifié. Je demande une brève suspension pour qu'elle puisse le faire maintenant. (Exclamations à droite)
La séance, suspendue à 18 h 15, reprend à 18 h 25.
M. le président. - Amendement n°43 rectifié, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article ainsi rédigé :
À compter de la promulgation de la présente loi, l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris ne peut plus accueillir les personnes faisant l'objet de soins sans consentement, même à titre provisoire.
Mme Isabelle Pasquet. - L'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (IPPP) n'est pas un établissement public de santé mais un service de police. Or les personnes interpelées y sont dirigées, en violation du droit positif, preuve d'une vision sécuritaire qui assimile les malades à des délinquants.
Le Contrôleur des lieux de privation de liberté recommande ainsi la fermeture de l'IPPP. Le Conseil de Paris a émis le voeu que le maire en demande la fermeture et le transfert de ses moyens à l'hôpital Sainte-Anne.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - Le statut de l'IPPP pose de réels problèmes. Toutefois, le sujet nécessite de prendre le temps de la réflexion : je proposerai ainsi, à l'article 14, de demander un rapport sur le sujet. La commission a émis un avis défavorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Le Gouvernement s'est engagé à transformer l'IPPP en établissement de soins. Il n'y a toutefois pas lieu de l'inscrire dans la loi. Je donnerai un avis favorable à l'amendement du rapporteur demandant un rapport sur la question. Défavorable à l'amendement n°43 rectifié.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Il faut transformer l'IPPP en hôpital psychiatrique de droit commun, afin de donner des garanties aux personnes hospitalisées, et non la supprimer. Je ne voterai pas cet amendement.
Mme Annie David. - C'est aussi l'esprit de notre amendement ! Nous demandons que l'IPPP ne puisse plus accueillir des malades mentaux en tant que préfecture de police ; pas sa fermeture, mais son évolution.
A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°43 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l'adoption | 151 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°86, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement dépose sur le bureau de l'Assemblée Nationale un projet de loi relatif à l'organisation des soins psychiatriques et à la promotion de la santé mentale. Ce projet de loi comporte les dispositions nécessaires à l'organisation des dispositifs de soins, de prévention et d'accompagnement concernant les troubles psychiatriques et les handicaps psychiques, notamment les modalités d'articulation des interventions de premier et de second recours avec les établissements et services participant à la sectorisation psychiatrique selon les dispositions de l'article L 3221-4 du code de la santé publique.
Mme Raymonde Le Texier. - Ce projet de loi n'opère qu'une petite partie de la grande réforme de la loi de 1990 que Mme Bachelot avait promise lors de la loi HPST. Des états généraux de la santé mentale devraient être réunis. Il faut que cesse la dégradation de la psychiatrie française ! Trop de malades sont peu pris en charge, voire pas du tout.
Les modalités du premier recours doivent donc faire l'objet d'une attention particulière. On ne peut s'en tenir à la honteuse exploitation d'un fait divers dramatique.
M. le président. - Amendement n°475 rectifié bis, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement dépose sur le bureau d'une des deux assemblées un projet de loi sur la santé mentale tournée vers la prise en charge du sujet malade dans le respect des libertés individuelles, des impératifs de sécurité et des impératifs techniques de l'exercice d'une psychiatrie moderne. »
M. Jacques Mézard. - Nous aussi souhaitons le dépôt d'un projet de loi sur la santé mentale. Sans la décision constitutionnelle de novembre dernier, ce projet de loi ne nous aurait pas été présenté et la loi de 1990 n'aurait toujours pas eu la modernisation nécessaire -ce que nous n'avons pas encore, et de loin.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission a donné un avis favorable à ces amendements. Personnellement, j'y suis défavorable car il s'agit d'injonctions au Gouvernement.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Il n'est pas d'usage qu'une loi prévoie une loi prochaine !
La qualité des pratiques ne se décrète pas. La loi actuelle n'y fait pas obstacle.
Nous devons déployer les bonnes pratiques. Ce sera l'objet du futur plan de santé publique. Le comité de pilotage se réunira bientôt pour un diagnostic. L'objectif sera d'établir un diagnostic commun, pour instituer la qualité des soins comme pour la faire régner dans les établissements sectorisés.
La loi existante doit en tout cas faire l'objet d'un bilan avant que l'on puisse envisager de la compléter. Défavorable à ces amendements.
M. Guy Fischer. - Le groupe CRC-SPG votera l'amendement n°86. Il n'est pas acceptable de légiférer sur un texte comme celui-ci, plus sécuritaire que médical. Si vous vouliez aborder la question des soins, il fallait les considérer tous. Les maladies mentales sont au troisième rang des pathologies les plus répandues. Ce n'est pas à un décret en Conseil d'État à définir les protocoles de soins : cela n'aurait de sens que pour poser des normes, pas pour organiser des soins. Chaque patient est singulier, comme sa relation avec son psychiatre.
L'amendement n°86 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°475 rectifié bis.
Article premier
M. le président. - L'article premier fait l'objet de 180 amendements, qui sont en discussion commune. Je propose qu'après les prises de parole, on examine l'amendement n°44 de suppression, puis les amendements nos439 rectifié et 483 rectifié qui rédigent l'article. S'ils ne sont pas adoptés, je propose que nous étudiions les amendements alinéa par alinéa.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - A l'unanimité, la commission est favorable à cette proposition.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - D'accord.
M. le président. - Je consulte le Sénat.
La proposition est adoptée à l'unanimité.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. - Ce projet de loi équilibré est nécessaire pour donner accès aux soins à ceux qui, isolés, ne disposent pas de tiers. Ce texte est protecteur des libertés ; il répond à la question prioritaire de constitutionnalité du 26 novembre et apporte des protections supplémentaires, en particulier à un nombre limité de patients atteints de pathologies très spécifiques et menacés de rechute.
Le Gouvernement a fait de nombreuses ouvertures. Il n'est plus question de prise en charge mais de lieux de prise en charge, de « domicile » mais de « lieu de vie habituel », ce qui inclut aussi la rue. « Protocole » fait trop penser à la prise de médicaments ; nous le remplaçons par « programme de soins », tout en respectant le secret médical.
L'objectif du Gouvernement est bien de remettre les patients au coeur du dispositif. Nous ne pouvons pas réussir seuls. Il faut l'aide des familles, des associations, des patients eux-mêmes.
M. Guy Fischer. - « Garde à vue psychiatrique ». Voilà comment les professionnels qualifient vos 72 heures, visant des malades que la société met à l'écart. Du malade sujet responsable, on passe à celui d'individu dangereux. Dois-je vous rappeler Michel Foucault ?
Le juge judiciaire n'intervient qu'au bout de quinze jours... Si la période d'observation s'apparente à une garde à vue, le patient n'en est pas moins privé de tous ses droits fondamentaux. Le juge doit intervenir dès le début ! Faute de quoi, la paranoïa ambiante amènera certains fonctionnaires zélés à enfermer un peu rapidement des patients que le juge ne pourra défendre efficacement, faute d'expertise.
Cette logique de soins forcés fait apparaître l'hospitalisation comme une sanction. Quand les préfets ont-ils reçu la formation psychiatrique leur donnant les moyens de trancher en connaissance de cause ?
Contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, l'hospitalisation forcée est une grande violence, contre des personnes plus victimes que dangereuses. Cette loi est l'indice d'une volonté de punir plutôt que de guérir. Nous ne voterons pas ce texte sécuritaire.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Notre démocratie repose sur le principe de la liberté du consentement. Nous devons protéger la société, mais non en abdiquant le droit inaliénable de la personne à être considérée pour elle-même. Il est bon de ce point de vue que le JLD puisse statuer en chambre : la publicité de l'audience, en cette matière tout particulièrement, est quelque peu problématique et devrait même être l'exception.
Des soins contraints ? Moi qui ai suivi assidument les travaux de la mission sur le Médiator ne puis que m'en inquiéter. Que seront les soins ambulatoires sans consentement ? Nous devrions avoir le temps de nous en préoccuper, comme il aurait été bon que nous soit présentée une grande loi de santé mentale. Le plan évoqué par le Gouvernement fait l'impasse sur la question des moyens.
Nos concitoyens attendent une politique sécuritaire, c'est vrai, mais tous les malades mentaux ne sont pas dangereux. C'est d'une politique de la personne que nous avons besoin ! Le chantier est devant nous. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Claude Jeannerot. - Le nombre de lits en hôpital public a été réduit de moitié en vingt ans... Le contexte est particulièrement difficile, faute de moyens.
On nous annonce des avancées, comme la diversification des modes de prise en charge du patient, et l'intervention automatique du JLD dans les quinze jours. En fait, ces éléments ne peuvent s'interpréter comme des avancées faute de s'inscrire dans la grande loi de santé mentale que nous attendions.
Soigner sans consentement est antinomique. Cet article premier nie le rôle du patient dans sa propre guérison, ainsi que sa relation avec son médecin. En fait, ce projet de loi s'inscrit dans une logique sécuritaire ; c'est ainsi qu'il rend possible une garde à vue psychiatrique.
Le Gouvernement annonçait un grand plan de santé mentale pour l'automne. Comment nous demander de voter aujourd'hui un tel projet de loi, sans que ce grand plan soit seulement connu. (Applaudissements à gauche)
Mme Patricia Schillinger. - Cet article est au coeur d'une réforme -qu'on nous propose à la suite d'un fait divers. Les préoccupations sécuritaires valent désormais pour les soins ambulatoires.
De nombreux préfets refusent déjà les sorties préconisées par les médecins ; et l'on renforce leur pouvoir en la matière ! Ils pourront même faire appel de la décision du JLD !
La présence du juge ne peut nous rassurer tant la justice est déjà encombrée. On stigmatise la maladie mentale pour faire peur. On annihile la confiance, pourtant nécessaire à la guérison du malade. Ce n'est pas une solution que d'enfermer le malade, entre des murs ou dans une camisole chimique !
Cet article vise plus à garantir la sûreté des non-malades que celle des malades. Ceux-ci ont besoin d'un accompagnement de qualité. Pour cela, il faut des moyens humains. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jack Ralite. - Jusqu'ici, considérant les humains, on les désignait par des mots simples et chacun s'y reconnaissait sans qu'on eût besoin de hausser la voix. Et puis un vocabulaire nouveau est apparu, après le 11 septembre 2001, pour caractériser des hommes et des femmes, qui connaissent un déchirement de leur conduite, à l'image de la folie amoureuse -pour laquelle les jurés sont très indulgents. La folie est fragilité, composante de l'humain.
La peur a été installée et, comme disait Roosevelt en 1933, la seule chose dont on doit avoir peur, c'est de la peur même. « Ce n'est pas en enfermant le voisin que l'on se convainc de son bon sens » disait Dostoïevski.
On crie « Au fou ! » comme on criait autrefois « Au loup ! ». Qui est le barbare ? Celui qu'on ne regarde pas, à qui on ne sourit pas. Le virus de la barbarie s'empare de trop d'entre nous.
En 1981, ministre de santé, j'avais engagé une réforme et demandé un rapport à M. Demay. Celui-ci traite humainement des actes inhumains. Le texte du Gouvernement traite inhumainement la part de folie dans l'homme.
Le concept de prévention, s'il se réfère à la normalité, et le concept de guérison, s'il se réfère à une normalisation, ne permettent pas d'avancée.
Il ne faut plus d'hommes et de femmes privés du risque de vivre, seule voie vers un risque de guérir. Dans son poème En attendant les barbares, Constantin Cavafy demandait « Pourquoi se rassembler sur la place ? Les barbares doivent arriver aujourd'hui ». Mais, ajoutait-il, « La nuit tombe et les barbares ne sont pas arrivés ». Qu'allons-nous devenir sans les barbares ? Ces gens-là, dans leur absence, apportaient une solution ! (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°44, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Annie David. - Le Conseil constitutionnel nous contraint à légiférer dans l'urgence. La question prioritaire de constitutionnalité que M. Bertrand a évoquée durant son passage éclair parmi nous justifie ce projet de loi qui parle -pour l'essentiel- d'autre chose. Le Gouvernement a joué la montre, un an après le dépôt initial de ce projet de loi.
Nous ne contestons certes pas l'intervention du juge mais regrettons qu'elle soit si tardive. On voit mal comment le ministère de la justice pourra le financer, sans parler de la vidéoconférence. A coût constant ? Ce serait réduire le nombre de soignants.
En pratique, donc, ne seront applicables de ce texte que ses dispositions sécuritaires !
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission est favorable à cet amendement. Pourtant, j'y suis défavorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Défavorable à la suppression de cet article central du projet de loi qui, de plus, répond à la demande du Conseil constitutionnel.
A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°44 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 151 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°439 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Rédiger ainsi cet article :
Le livre II de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
I. - L'intitulé du livre II est ainsi rédigé :
« Droits et protection des personnes atteintes d'un trouble mental »
II. - Le chapitre Ier du titre Ier est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article L. 3211-12, après le mot : « statuant », sont insérés les mots : « dans les plus brefs délais » ;
2° Après l'article L. 3211-12, sont insérés les articles L. 3211-12-1 à L. 3211-12-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 3211-12-1. - I. - L'hospitalisation d'un patient sans son consentement ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II, ou par le représentant de l'État dans le département, lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, n'ait statué sur cette mesure :
« 1° Avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l'article L. 3214-3 ;
« 2° Avant l'expiration d'un délai de trois mois suivant soit toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation sans consentement en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application de l'article L. 3211-12 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai sur le fondement de l'un des mêmes articles 706-135 ou L. 3211-12 ou du présent article fait courir à nouveau ce délai.
« Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné avant l'expiration de l'un des délais mentionnés aux 1° et 2° du présent I une expertise, à titre exceptionnel, en considération de l'avis conjoint des deux psychiatres mentionné au II de cet article, ce délai est prolongé d'une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L'hospitalisation du patient est alors maintenue jusqu'à la décision du juge, sauf s'il y est mis fin en application des chapitres II ou III du présent titre. L'ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable.
« Le juge fixe les délais dans lesquels l'expertise mentionnée au quatrième alinéa du présent I doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'État. Passés ces délais, il statue immédiatement.
« II. - La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée d'un avis conjoint rendu par deux psychiatres de l'établissement d'accueil désignés par le directeur, dont un seul participe à la prise en charge du patient. Cet avis se prononce sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation.
« III. - Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sans consentement.
« IV. - Lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas statué dans les délais mentionnés au I, la mainlevée est acquise à l'issue de chacun de ces délais.
« Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration d'un délai fixé par décret en Conseil d'État, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.
« Art. L. 3211-12-2. - Lorsqu'il est saisi en application des articles L. 3211-12 ou L. 3211-12-1, le juge statue après débat contradictoire.
« À l'audience, la personne hospitalisée sans son consentement est entendue, assistée de son avocat. Si, au vu d'un avis médical, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un avocat choisi ou, à défaut, commis d'office.
« Art. L. 3211-12-3. - Le juge des libertés et de la détention saisi en application de l'article L. 3211-12-1 peut, si un recours a été formé sur le fondement de l'article L. 3211-12, statuer par une même décision suivant la procédure prévue à l'article L. 3211-12-1.
« Art. L. 3211-12-4. - L'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12 ou L. 3211-12-1 est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, qui statue à bref délai. L'appel formé à son encontre n'est pas suspensif. Le débat peut être tenu dans les conditions prévues par l'article L. 3211-12-2. »
III. - Le chapitre II du titre Ier est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l'article L. 3212-4 est complété par les mots : « ainsi qu'au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l'établissement d'accueil » ;
2° L'article L. 3212-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3212-7. - Après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour à compter de l'hospitalisation, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement qui établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si l'hospitalisation est toujours nécessaire.
« Au vu de ce certificat, l'hospitalisation peut être maintenue par le directeur de l'établissement pour une durée maximale d'un mois. Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue par le directeur de l'établissement pour des périodes maximales d'un mois, renouvelables selon les mêmes modalités, sur la base d'un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement dans les trois jours précédant l'expiration de la période en cause.
« Le défaut de production d'un des certificats susvisés entraîne la levée de l'hospitalisation.
« Les copies de ces certificats médicaux sont adressées sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil au représentant de l'État dans le département ou, à Paris, au préfet de police ainsi qu'à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5. Une copie du certificat mentionné au premier alinéa du présent article est également adressée sans délai au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l'établissement. »
IV. - Le chapitre III du titre Ier est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l'article L. 3213-1, après la référence : « L. 3222-5 », sont insérés les mots : « ainsi qu'au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l'établissement » ;
2° L'article L. 3213-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « Dans les quinze jours, puis un mois après » sont remplacés par les mots : « Après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour puis dans le mois qui suit » ;
b) La dernière phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Les copies des certificats médicaux prévus au présent article sont adressées sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil au représentant de l'État dans le département et à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5. Une copie du certificat médical établi, en application du premier alinéa du présent article, après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour qui suit l'hospitalisation est également adressée sans délai au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l'établissement d'accueil. » ;
3° L'article L. 3213-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-4. - Au vu du premier certificat mentionné au premier alinéa de l'article L. 3213-3, le représentant de l'État dans le département peut prononcer le maintien de l'hospitalisation pour une durée maximale d'un mois. Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l'État, après avis motivé d'un psychiatre, dans le département pour une nouvelle période de trois mois puis pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités.
« Faute de décision du représentant de l'État à l'issue de chacun des délais prévus au premier alinéa, la levée de la mesure de soins est acquise.
« En outre, le représentant de l'État dans le département peut à tout moment mettre fin à l'hospitalisation après avis d'un psychiatre participant à la prise en charge du patient, attestant que les conditions ayant justifié l'hospitalisation ne sont plus réunies, ou sur proposition de la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5. »
V. - Le chapitre IV du titre Ier est ainsi modifié :
1° L'article L. 3214-2 du même code est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « L. 3211-12 » est remplacée par les références : « L. 3211-12 à L. 3211-12-4 » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'avis mentionné au II de l'article L. 3211-12-1 est pris après consultation par tout moyen d'un psychiatre intervenant dans l'établissement pénitentiaire dans lequel la personne détenue était incarcérée avant son hospitalisation. » ;
c) Au second alinéa, après la référence : « L. 3211-12 », est insérée la référence : « ou L. 3211-12-1 » ;
2° Au quatrième alinéa de l'article L. 3214-3, après la référence : « L. 3222-5 », sont insérés les mots : « et le juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l'établissement ».
M. Jacques Mézard. - Nous récrivons l'article premier pour le mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel de novembre 2010. Le rapporteur nous a dit lui-même que, sans cette décision, ce texte ne nous aurait pas été présenté.
Les ajustements dont ce texte a fait l'objet au cours de son élaboration et l'imbroglio parlementaire inédit en commission témoignent de son degré d'impréparation. Que dire de la période d'observation de 72 heures, qui s'apparente à une garde à vue psychiatrique, ou de la multiplication des avis médicaux ? En dehors des deux certificats nécessaires à l'admission, j'ai compté pas moins de six avis de psychiatres dans la semaine qui suit celle-ci. Et ce n'est pas tout... Pour les malades déclarés irresponsables pénalement ou soignés dans une unité pour malades difficiles, il faudra l'avis d'un collège de soignants plus deux expertises de médecins étrangers à l'établissement.... Dix psychiatres mobilisés ! C'est totalement irréaliste ! Pour ces derniers malades, on crée de plus un casier psychiatrique, après avoir détruit l'indépendance des psychiatres par le décret d'octobre 2010... Tout cela n'est pas raisonnable au regard des difficultés que connaissent la médecine et les hôpitaux psychiatriques.
Comment ce texte alambiqué, assemblage de procédures complexes, voire contradictoires, pourrait-il être applicable ? La réflexion n'est pas aboutie sur l'étendue du contrôle judiciaire ; les nombreux renvois au décret sont révélateurs.
C'est pourquoi nous proposons de limiter le texte à la seule exigence du Conseil constitutionnel. Le Sénat ferait preuve de sagesse en adoptant cet amendement. Nous avons étendu le contrôle à toutes les procédures d'hospitalisation, à la demande d'un tiers et sur décision du préfet. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur les articles 3213-1 et 3213-4 du code de la santé publique en ce qu'ils portent atteinte au droit à la protection de la liberté individuelle par l'autorité judiciaire...
Cet amendement permettra de poursuivre la concertation pour élaborer une réforme convaincante, tournée vers la prise en charge de la maladie mentale et respectueuse des libertés individuelles, des nécessités de la sécurité et des impératifs de l'exercice d'une psychiatrie moderne. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°483 rectifié, présenté par Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Rédiger ainsi cet article :
I. - Au premier alinéa de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, après le mot : « statuant », sont insérés les mots : « dans les plus brefs délais ».
II. - Le chapitre II du titre 1er du livre II de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l'article L. 3212-4 est complété les mots : « ainsi qu'au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l'établissement d'accueil » ;
2° L'article L. 3212-7 est ainsi rédigé :
« Dans les trois jours précédant l'expiration des quinze premiers jours de l'hospitalisation, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement qui établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si l'hospitalisation est toujours nécessaire.
« Au vu de ce certificat et sous réserve de la décision du juge des libertés et de la détention saisi en application du II du présent article, l'hospitalisation peut être maintenue par le directeur de l'établissement pour une durée maximale d'un mois. Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue par le directeur de l'établissement pour des périodes maximales d'un mois, renouvelables selon les mêmes modalités, sur la base d'un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement dans les trois jours précédant l'expiration de la période en cause.
« Le défaut de production d'un des certificats susvisés entraîne la levée de l'hospitalisation.
« Les copies des certificats médicaux sont adressées sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil au représentant de l'État dans le département ou, à Paris, au préfet de police ainsi qu'à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5. » ;
3° Après l'article L. 3212-7, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 3212-7-1. - L'hospitalisation d'un patient sans son consentement ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de l'admission prononcée en application des articles L. 3212-1 à L. 3212-3.
« La saisine est accompagnée d'un avis conjoint rendu par deux psychiatres de l'établissement d'accueil désignés par le directeur, dont un seul participe à la prise en charge du patient. Cet avis se prononce sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation.
« Lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné avant l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, une expertise en considération de l'avis conjoint des deux psychiatres, ce délai est prolongé d'une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L'hospitalisation du patient est alors maintenue jusqu'à la décision du juge, sauf s'il y est mis fin en application des articles L. 3212-8 et L. 3212-9. L'ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable.
« Le juge fixe les délais dans lesquels l'expertise mentionnée au troisième alinéa du présent article doit être produite. Passés ces délais, il statue immédiatement.
« Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sans consentement.
« Lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas été saisi ou n'a pas statué dans le délai mentionné au premier alinéa du présent article, la mainlevée est acquise.
« Le juge statue après débat contradictoire. À l'audience, la personne hospitalisée sans son consentement est entendue, assistée de son avocat. Si, au vu d'un avis médical, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un avocat choisi ou, à défaut, commis d'office.
« L'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application du présent article est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, qui statue à bref délai. L'appel formé à son encontre n'est pas suspensif. »
Mme Anne-Marie Escoffier. - C'est un amendement de repli. Le texte du projet de loi est d'une grande complexité. Nous proposons une traduction stricte de l'avis du Conseil constitutionnel, pour mettre en place un dispositif respectueux des droits des personnes et repartir sur des bases assainies. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - L'amendement n°439 rectifié réduit l'article premier au seul contrôle juridictionnel sur l'hospitalisation sous contrainte, mais il y a bien d'autres mesures protectrices. La commission a émis un avis favorable ; à titre personnel, défavorable. Idem sur l'amendement n°483 rectifié. (M. Guy Fischer s'exclame)
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Défavorable à l'amendement n°439 rectifié, qui remet en cause l'équilibre du projet de loi et ferait peser une charge excessive sur le juge. Idem sur l'amendement n°483 rectifié, qui introduit le contrôle de plein droit du juge sur l'hospitalisation à demande de tiers.
L'amendement n°439 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°483 rectifié.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'intitulé du livre II de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Droits et protection des personnes atteintes d'un trouble mental »
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Cet amendement propose un intitulé moins stigmatisant pour les personnes atteintes d'un trouble mental et qui met, en outre, l'accent sur l'intervention désormais systématique du juge judiciaire en cas d'hospitalisation sous contrainte.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - Avis favorable de la commission. Toutefois, le livre II concerne aussi l'organisation de la psychiatrie. L'expression « maladie mentale » est plus précise que « troubles mentaux ».
Mme Raymonde Le Texier. - Ce n'est pas l'explication de vote de M. Lorrain.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Le code de la santé publique a été récemment recodifié ; les différents livres s'intitulent tous « lutte contre... ». Conservons le parallélisme des formes. Retrait ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Nous nous battrons davantage sur des points plus importants...
L'amendement n°4 est retiré.
Modification à l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre de ce jour, le gouvernement a demandé au Sénat de prévoir le début de l'examen du projet de loi organique et du projet de loi ordinaire relatifs aux collectivités de Guyane et de Martinique le jeudi 12 mai à 9 heures 30.
Le Gouvernement a également demandé au Sénat de siéger éventuellement vendredi 13 mai afin de poursuivre l'examen du présent texte. Y a-t-il des oppositions sur cette éventuelle séance du vendredi ?
M. Guy Fischer. - Nous y sommes opposés par principe. Sur un tel texte, il était évident que deux jours ne suffiraient pas à un examen dans des conditions dignes. Et cela va continuer jusqu'à fin juillet ! Ces manières de travailler sont inacceptables. Non, non et non ! (Applaudissements à gauche)
M. Alain Milon. - Nous souhaitons continuer notre travail afin de ne pas perdre le fil et être psychologiquement prêts à poursuivre.
M. le président. - Je consulte le Sénat sur l'ouverture du vendredi 13.
M. Jean Desessard. - J'espère que ceux qui votent « pour » seront là !
La modification de l'ordre du jour est adoptée.
La séance est suspendue à 19 h 55.
*
* *
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 22 heures pour être immédiatement suspendue et reprendre à 22 h 5.
Psychiatrie (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
Discussion des articles (Suite)
Article premier (Suite)
M. le président. - Amendement n°45 rectifié, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 2 à 20
Supprimer ces alinéas.
Mme Isabelle Pasquet. - Les auteurs de cet amendement sont opposés à la réalisation de soins sans consentement en ambulatoire, c'est-à-dire en dehors des établissements psychiatriques. « Ce n'est pas en enfermant son prochain dans une maison de santé que l'on prouve sa propre raison », dit Dostoïevski ; cela vaut également pour une camisole chimique. En tout état de cause, l'intéressé subit des soins sans y avoir consenti. J'ajoute que les familles des malades devront assumer seules la responsabilité civile des actes commis par le malade. Les familles sont d'ailleurs perplexes face à cette perspective.
M. le président. - Amendement identique n°87, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. Jacky Le Menn. - Le projet de loi crée des soins psychiatriques sans consentement sous une forme autre que l'hospitalisation complète.
Si la diversification des modes de prise en charge est souhaitable, ces soins psychiatriques sans consentement ne font l'objet d'aucune définition précise et soulèvent de nombreuses interrogations, alors que le dispositif entre en application dès le 1er août. Rien sur le contenu du protocole de soins, sur les conditions de sa mise en oeuvre, ou les conséquences du non-respect du protocole, sur la liste des personnes qui peuvent avoir connaissance du protocole de soins.
Avec ces alinéas, la contrainte s'exercerait aussi hors les murs. Comment vérifier l'opportunité de cette disposition attentatoire aux droits individuels ?
En l'état, ces dispositions sont inapplicables, ne serait-ce qu'en raison du manque de personnel qualifié. Mieux vaut donc en rester à l'hospitalisation sans consentement.
M. le président. - Amendement n°477 rectifié, présenté par Mme Payet et M. Détraigne.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
faisant l'objet de
par les mots :
recevant des
Mme Anne-Marie Payet. - Il est regrettable que figure dans le titre comme dans le contenu du projet de loi un nombre considérable de locutions comme « fait l'objet » pour des personnes souffrant de troubles mentaux, mais qui n'en demeurent pas moins des personnes. Cette maladresse est péjorative.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et les mots : « prévus par la loi et notamment par les chapitres II et III du présent titre » sont remplacés par les mots : « prévus par les chapitres II, III et IV du présent titre et ceux prévus à l'article 706-135 du code de procédure pénale »
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - L'article L.3211-1 du code de la santé publique dispose qu'une personne ne peut recevoir des soins sans consentement, "hormis les cas prévus par la loi et notamment par les chapitres II et III du présent titre". Cette formulation apparaît trop imprécise ; il convient de dresser la liste exhaustive des dispositions permettant de déroger au principe du consentement.
M. le président. - Amendement n°46, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La prise en charge dans les centres médico-psychologiques et les hôpitaux de jour est privilégiée lorsque l'état du patient le permet. » ;
M. Guy Fischer. - Le texte n'est pas à une contradiction près ! Les soins non consentis pourraient être dispensés, non en centres médico-psychologiques, mais en ambulatoire, alors que la psychiatrie libérale est marquée par le vieillissement des praticiens, dont un grand nombre exercent en secteur II. Mieux vaut que les malades soient pris en charge dans des centres médico-psychologiques.
M. le président. - Amendement n°280, présenté par M. Milon.
Alinéas 12 à 15
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 3211-2-1. - Une personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans son consentement est prise en charge par tous les outils thérapeutiques de la psychiatrie adaptés à son état. Cette prise en charge peut être dispensée dans :
« 1° Des unités d'hospitalisation temps plein ;
« 2° Des unités alternatives à l'hospitalisation temps plein, des lieux de consultations, des lieux d'activités thérapeutiques, et dans le lieu de vie habituel du patient.
« Lorsque les soins sont dispensés dans un des lieux prévus au 2°, un programme de soins du patient est établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil. »
M. Alain Milon. - Cet amendement précise que les soins psychiatriques destinés à des personnes souffrant de troubles mentaux qui altèrent leur capacité à consentir peuvent avoir lieu, indifféremment, dans des unités hospitalières temps plein et dans tous les autres lieux où les équipes psychiatriques interviennent habituellement.
M. le président. - Sous-amendement, que je qualifierais presque de sur-amendement, n°490 à l'amendement n°280 de M. Milon, présenté par M. Lorrain.
Amendement n° 280, alinéa 3
I. - Remplacer les mots :
sans son consentement
par les mots:
auxquels elle n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux
II. - Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce programme ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient et pour tenir compte de l'évolution de son état de santé.
III. - Compléter cet amendement par trois alinéas ainsi rédigés :
« La définition du programme de soins et ses modifications sont précédées par un entretien au cours duquel le psychiatre délivre au patient l'information prévue à l'article L. 3211-3 et recueille son avis ; cette information porte notamment sur les modifications du lieu de la prise en charge qui peuvent s'avérer nécessaires en cas d'inobservance du programme de soins ou de dégradation de l'état de santé.
« Dans le respect du secret médical, le programme de soins précise les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité. Lorsque ces soins psychiatriques comportent un traitement médicamenteux, le programme de soins peut en faire état. Le détail du traitement, notamment la spécialité, le dosage, la forme galénique, la posologie, la modalité d'administration et la durée, est prescrit sur une ordonnance distincte du programme de soins.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions dans lesquelles le programme de soins et ses modifications sont notifiés au patient et transmis au représentant de l'État dans le département. »
M. Jean-Louis Lorrain. - Ce sous-amendement précise les modalités d'élaboration du programme de soins, son contenu et les conséquences en cas d'inobservation ou de dégradation de l'état de santé.
La formulation retenue indique la nécessité, pour le patient, d'être soigné ainsi que les conditions dans lesquelles le psychiatre interviendra. En outre, il est précisé que le patient a le droit de refuser les soins.
M. le président. - Amendement n°47, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 14 et 15
Supprimer ces alinéas.
Mme Annie David. - Nous voulons supprimer les soins sans consentement en ambulatoire -qui pourraient incontestablement être dispensés à domicile car les patients ne doivent être ni livrés à eux-mêmes ni mis à la charge de leur famille. Il faut respecter la volonté des patients et faire confiance aux psychiatres.
M. le président. - Amendement n°88, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La prise en charge dans les centres médico-psychologiques et les hôpitaux de jour est privilégiée lorsque l'état du patient le permet.
Mme Christiane Demontès. - Il est indispensable, pour des raisons thérapeutiques, que les soins ambulatoires soient, lorsque l'état du patient le permet, dispensés dans des structures spécialisées, plus encore lorsqu'il s'agit de soins n'ayant pas reçu le consentement du patient.
Actuellement, la prise en charge sans le consentement de l'intéressé passe nécessairement par l'hospitalisation complète, qui représente 22 % des hospitalisations en psychiatrie.
Un rapport de l'Igas a mis fin à cette dichotomie. Nous proposons que l'alternative soit la prise en charge par les centres médico-psychologiques et les hôpitaux de jour.
M. le président. - Amendement n°260, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
M. Jean Desessard. - Cet alinéa organise le protocole de soins pré-formaté, donc la fin d'une prise en charge adaptée à chaque cas d'espèce. Les unités mobiles mises en place dans certains hôpitaux ont pour finalité d'établir une relation de confiance conduisant au consentement. Les malades mentaux peuvent comprendre et négocier...
M. Jacques Blanc. - Sauf quand ils délirent !
M. Jean Desessard. - ...ce que l'idée de protocole exclut.
M. le président. - Amendement identique n°453 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Barbier, Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
M. Jacques Mézard. - Les prescriptions médicales relèvent des principes du code de déontologie. Elles ne sauraient être contraintes par un protocole de soins dont le contenu serait fixé par décret et qui serait soumis aux autorités administratives.
M. le président. - Amendement n°89, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 15, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
après avis de la Haute autorité de santé.
M. Claude Jeannerot. - Toute société a la psychiatrie qu'elle mérite. En l'occurrence, le Gouvernement privilégie la contrainte. Nous préférons que la Haute autorité de santé soit consultée avant la prise du décret, pour qu'il n'alimente pas la confusion entre anomalie, anormalité et illégalité.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À l'occasion de l'établissement de ce protocole, la personne est informée de son droit de refuser les soins et des dispositions prévues au second alinéa de l'article L. 3211-11.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - La personne atteinte de troubles mentaux doit être informée de son droit de refuser les soins ambulatoires et des conséquences qui s'attacheraient à un tel refus, c'est-à-dire une hospitalisation complète.
Cette précision garantit la constitutionnalité du recours facultatif au juge judiciaire en matière de soins ambulatoires sous contrainte. L'amendement sera satisfait si le sous-amendement n°490 est adopté.
M. le président. - Amendement n°90, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce protocole de soins est établi dès le choix de la forme de la prise en charge durant le délai de soixante-douze heures et il est révisable par le psychiatre en charge du suivi de la personne pour que les soins et leurs réalisations soient adaptés en fonction de l'état de la personne.
Mme Christiane Demontès. - Le contrôle de la contrainte est particulièrement difficile en ambulatoire. En tout état de cause, le protocole initial de soins doit pouvoir être modifié par le psychiatre.
M. le président. - Amendement n°91, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il établit les conditions dans lesquelles le patient exerce sa liberté de résidence.
M. Jacky Le Menn. - La logique qui gouverne ce projet de loi est celle de l'enfermement, avec ses deux facettes qui se répondent : enfermer dedans et enfermer dehors. L'amendement rétablit la situation humaine du malade.
M. le président. - Amendement n°92, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le juge saisi des conditions de sa faisabilité, est habilité à prononcer un retour en hospitalisation complète, ou la prise en charge du patient dans un centre médico psychologique, si son état le permet.
M. Jacky Le Menn. - Le juge n'étant pas un médecin, il doit vérifier non la nature des soins mais les conditions pratiques de leur réalisation.
M. le président. - Amendement n°426 rectifié, présenté par M. Milon.
I. - Alinéa 13
Remplacer les mots :
hospitalisation complète
par les mots :
hospitalisation temps plein
II. - En conséquence, procéder au même remplacement dans l'ensemble du texte.
M. Alain Milon. - Amendement de précision.
M. le président. - Amendement n°48, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si la personne admise en soins psychiatriques s'y oppose, aucun traitement médical autre que somatique ne peut lui être imposé, sauf si son état présente un risque pour elle-même.
Mme Marie-Agnès Labarre. - Cette phase est décrite comme une phase d'observation destinée aux praticiens, afin qu'ils puissent évaluer l'état de santé psychiatrique de la personne. Or les patients admis en hôpital psychiatrique reçoivent souvent des doses massives de sédatifs, dès leur arrivée. Il est alors très difficile pour les médecins d'établir précisément le diagnostic en fonction de leurs constatations. Très souvent, ils établissent donc des certificats médicaux sur la base de faits relatés, souvent par des agents des forces de l'ordre...
M. le président. - Amendement n°93, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle peut dès lors faire appel à un avocat.
M. Jacky Le Menn. - La liberté d'aller et venir étant fortement encadrée dans le cas envisagé, il faut garantir le plein exercice de leurs droits par des personnes particulièrement fragiles. La présence d'un avocat peut être indispensable pour préserver les droits du patient.
M. le président. - Amendement n°49, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle est également informée, dans la langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits, du droit de faire prévenir un proche et du droit d'être assistée par un avocat.
Mme Isabelle Pasquet. - Dès lors que le juge constitutionnel a considéré que les soins sans consentement constituaient des mesures privatives de liberté, le patient doit pouvoir recourir à un avocat. La disposition a beau être minime au regard de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, elle n'en est pas moins indispensable au respect des droits du patient. Nous demanderons par ailleurs que l'information soit fournie dans des conditions permettant à l'intéressé de la comprendre.
M. le président. - Amendement n°50, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 18, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin extérieur à l'établissement dans lequel elle a été admise et compétent en médecine de premier recours réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admissions définies aux articles L. 3212-1 ou 3213-1.
Mme Annie David. - Un peu de bon sens et de logique ! Le médecin qui réalise l'examen somatique doit être extérieur à l'établissement psychiatrique, afin d'éviter tout conflit d'intérêt. De surcroît, l'intervention d'un médecin extérieur garantira l'effectivité de l'examen somatique. Hélas, les errements de la politique suivie ont transformé les hôpitaux psychiatriques en machines à interner et non à soigner.
M. le président. - Amendement n°454 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Barbier, Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéas 19 et 20
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le certificat médical mentionné à l'alinéa précédent a conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, un psychiatre de l'établissement d'accueil, après avoir de nouveau examiné le patient et conclu lui aussi à la nécessité de maintenir ces soins, propose dans un avis motivé, établi avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, la forme de la prise en charge mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 3211-2-1 et, le cas échéant, le protocole de soins. » ;
M. Jacques Mézard. - Cet amendement simplifie le jeu de certificats médicaux ; il ramène le délai d'observation de 72 heures à 48. La rédaction proposée pour l'article 3211-2-2 n'exige pas moins de trois avis de psychiatres en 72 heures. Ce séjour obligatoire de 72 heures en hospitalisation complète s'apparente à une garde à vue psychiatrique. La tentation sera forte de ne pas s'interroger avant le terme du délai sur le bien-fondé de cette contrainte. La personne doit pouvoir sortir plus rapidement et bénéficier de soins tout en réintégrant son domicile.
M. le président. - Amendement n°94, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéas 19 et 20
Remplacer le mot :
soixante-douze
par le mot :
quarante-huit
Mme Christiane Demontès. - Le premier certificat médical intervient au bout de 24 heures, le second après 72 heures. Si les deux certificats concluent à la nécessité de soins sans consentement, un protocole de soins est établi. Nous voulons raccourcir cette garde à vue psychiatrique pour mieux sauvegarder les libertés individuelles.
M. le président. - Amendement n°261, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Alinéa 20
Supprimer les mots :
et, le cas échéant, le protocole de soins
M. Jean Desessard. - Amendement de coordination.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission est favorable aux amendements identiques nos45 rectifié et 87, mais j'y suis personnellement défavorable. La commission a repoussé l'amendement n°477 rectifié car les termes de l'article visent la situation du malade, non le patient lui-même. Avis favorable à l'amendement n°5 qui apporte une précision utile.
Contrairement à la commission, je donne un avis défavorable à l'amendement n°46. La commission approuve l'amendement n°280, mais pas le sous-amendement n°490 que j'ai défendu. (Rires)
La commission approuve l'amendement n°47 ; à titre personnel, avis défavorable. Idem pour les amendements nos88, 260 et 453 rectifié.
Avis favorable à l'amendement n°89, à l'amendement n°6 et à l'amendement n°90, auquel je suis cependant défavorable à titre personnel. (Exclamations à gauche)
La commission approuve les amendements nos91 et 92, auquel je suis défavorable à titre personnel.
Avis unanimement favorable à l'amendement n°426 rectifié bis. La commission est favorable à l'amendement n°48 ; j'y suis personnellement opposé. Idem pour l'amendement n°93 et pour l'amendement n°49. (M. Guy Fischer proteste) Il en va de même pour l'amendement n°50, pour l'amendement n°454 rectifié et pour l'amendement n°94.
M. Jean-Pierre Michel. - On est en pleine schizophrénie !
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission approuve l'amendement n°261, que je repousse à titre personnel.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Avis défavorable à tous les amendements qui dénaturent le texte, comme les amendements nos45 rectifié et 87 ; défavorable également à l'amendement n°477 rectifié, qui nuirait à la clarté du chapitre. J'accepte l'amendement n°5.
Le Gouvernement repousse l'amendement n°46, pour préserver la liberté de prescription du médecin.
Merci, monsieur Milon, pour l'excellent amendement n°280, qui vient apaiser de nombreuses craintes.
Le terme de « programme » de soins est bienvenu, car il met fin à la confusion induite par le mot « protocole ». Favorable, également, au sous-amendement n°490, qui répond aux attentes sur l'entretien et le respect du secret médical. La thérapie dépend du seul médecin. Dès lors, avis défavorable aux amendements n°s47, 88, 260 et 453 rectifié : il n'est pas question de protocole standardisé.
M. Jean Desessard. - Vous êtes pourtant pour le programme !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - C'est le médecin qui en décide seul ; on ne lui impose pas de prescription ! Défavorable à l'amendement n°89 : la HAS n'aura pas le temps de rendre son avis avant le décret en Conseil d'État. Un malade qui n'est pas conscient de son état de santé n'est pas capable de consentir ou non à des soins : je demande le retrait ou le rejet de l'amendement n°6. Défavorable à l'amendement n°90, satisfait par les bonnes pratiques. Défavorable à l'amendement n°91, ainsi qu'à l'amendement n°92. Favorable à l'amendement de précision n°426 rectifié bis. Défavorable à l'amendement n°48 : il faut faire confiance aux psychiatres pour décider de la meilleure thérapeutique. (M. Jacques Blanc approuve) Le recours à l'avocat relève du droit commun : défavorable à l'amendement n°93, ainsi qu'à l'amendement n°49, satisfaits par le droit existant. Défavorable à l'amendement n°50 : je fais confiance aux médecins qui accueillent les patients pour réaliser l'examen somatique.
Défavorable à l'amendement n°454 rectifié : le psychiatre peut décider que le malade est apte à sortir avant le terme des 72 heures d'observation ; ce n'est pas un délai incompressible mais une chance pour le malade d'adhérer à son protocole de soins. Défavorable enfin à l'amendement n°94, ainsi qu'à l'amendement n°261.
Rappels au Règlement
M. Alain Milon. - J'ai été surpris et peiné par l'attitude inconvenante de MM. Desessard et Michel envers notre rapporteur, qui n'a endossé son rôle que vendredi.
Les amendements de Mme Dini ont été votés par deux collègues du centre, Mmes Létard et Cros, deux de l'UMP, Mme Kamerman et moi-même, et par la gauche. Ensuite, la gauche a repoussé le texte !
Ayez un peu de respect pour le rapporteur, qui fait bien son travail. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Michel. - Nous sommes dans une situation ubuesque. Monsieur Lorrain, votre avis personnel ne nous intéresse pas. Si vous voulez le donner, faites-le depuis votre banc ! Si cela continue, nous quitterons l'hémicycle. Vous étiez minoritaires en commission, assumez et donnez l'avis de la commission.
Mme Annie David. - M. Milon exagère en nous imputant le rejet du texte ! Ce matin, les sénateurs de gauche étaient majoritaires : ils ont été favorables à ces amendements ! Cela fait déjà plusieurs semaines que la commission travaille sur ce texte. Mme Dini a mené de nombreuses auditions. Si M. Lorrain n'a pris connaissance du texte que vendredi, je le regrette. S'il veut formuler son avis personnel, qu'il le fasse depuis les bancs de l'UMP, sans prétendre parler au nom de la commission ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean Desessard. - M. Milon me fait un mauvais procès : j'aurais voulu voter le texte de la commission. Quoi qu'il en soit ce matin, les sénateurs de l'UMP n'étaient pas majoritaires en commission ! Fallait-il que les sénateurs de gauche se mettent en minorité ? Le rapporteur n'a pas à réinventer la démocratie : il est là pour exposer l'avis de la commission. Les responsables sont les sénateurs UMP, qui ne se sont pas déplacés ce matin !
Mme Colette Giudicelli. - J'ai connu cette situation avec mon rapport sur la transposition de directives européennes -nous nous sommes retrouvés sans texte. J'étais seule en commission à voter pour la transposition des directives -pourtant impérative !
Dans ce contexte si particulier, que faire ? Les sénateurs de gauche ont adopté tous les amendements de Mme Dini, avant de repousser le texte ainsi modifié. Du haut de votre expérience, monsieur le président, pouvez-vous me donner votre position ?
M. le président. - Dans un Parlement, la parole est libre et le vote aussi, sur un amendement comme sur l'ensemble du texte. Le problème ne vient pas de l'absence de texte de la commission mais de ce que la commission a pris ce matin des positions qui ne correspondent pas à celles de la majorité ce soir. Il reste que le rôle du rapporteur est de formuler l'avis de la commission et de l'expliquer.
Le président ne prend pas part au vote, ce qui lui permet d'en penser ce qu'il veut... (Sourires)
Discussion des articles (Suite)
Article premier (Suite)
M. Jacques Blanc. - Ce soir, il s'agit de protéger des personnes atteintes de maladie psychiatrique. Dans un délire, le malade n'a pas conscience de sa maladie...
M. le président. - C'est un rappel au Règlement ? (Sourires)
M. Jacques Blanc. - J'arrive à l'amendement ! L'intérêt du malade impose qu'on l'aide à sortir de sa maladie, donc qu'on le soigne.
La commission a approuvé l'amendement de M. Milon que M. Lorrain et le Gouvernement approuvent également. Nous pourrions, me semble-t-il, nous retrouver sur cet amendement, dans l'intérêt des malades. Ce serait une belle contribution du Sénat. (Applaudissements à droite)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s45 rectifié et 87.
M. Guy Fischer. Nous voterons ces amendements, qui ont reçu deux fois un avis favorable de la commission des affaires sociales pour supprimer les soins ambulatoires sous contrainte. L'extension de la contrainte au domicile est une mauvaise réponse à une bonne question. Il aurait fallu développer la politique de secteur. Or il y a un fossé entre la théorie et la pratique : on favorise le tout-médicament au détriment de l'indispensable psychothérapie. Nous avons appris ce matin que des consultations au sein des centres médico-psychiatriques sont désormais payantes ! Votre conception sécuritaire de la psychiatrie ne vise qu'à traiter les crises, non à soigner les patients. Le Gouvernement aurait mieux fait de s'en tenir à la stricte traduction de la décision du Conseil constitutionnel, en attendant une vraie loi sur la psychiatrie. Cette mesure est la plus décriée, tant par les professionnels que par les associations de patients. (M. Jean Desessard approuve)
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - Je ne voterai pas ces amendements. Les soins ambulatoires sous contrainte constituent une alternative à une hospitalisation complète, privative de liberté, d'autant qu'ils sont entourés de garanties.
M. Jean-Pierre Michel. - N'en déplaise à M. Lorrain, qui ne rapporte pas, ces deux amendements identiques ont été approuvés à deux reprises par la commission des affaires sociales. Ma proposition de loi, cosignée avec MM. Barbier et Lecerf et Mme Demontès, proposait d'instituer des soins ambulatoires sous contrainte pour les malades délinquants : il s'agissait d'une solution alternative à l'enfermement, assortie d'une sanction, le retour en prison si l'obligation n'est pas respectée.
Le malade doit d'abord prendre conscience de sa maladie : accepter le diagnostic, c'est déjà une thérapie. En ambulatoire, qui va contrôler la contrainte ? Quelle est la sanction ? L'hospitalisation d'office est un soin. Cette innovation est donc impraticable. Si le malade commet un acte grave, qui sera responsable ? On supprime les sorties d'essai, pourtant précieuses. Nous voterons ces amendements, sur lesquels nous demandons un scrutin public.
M. Jean Desessard. - L'obligation de soins est un contresens : on peut interner un patient, non l'obliger à se soigner. La guérison suppose la prise de conscience du malade ; la psychiatrie ne se résume pas aux médicaments ! Il faut de nouveaux lits, de nouveaux postes dans les hôpitaux. Les soins ambulatoires sous contrainte vous permettent de faire des économies, (M.Jacques Blanc proteste) mais vous fragilisez les patients !
M. Jacques Blanc. - Ce n'est pas du tout ça !
Mme Valérie Létard. - Personnellement, j'ai soutenu les amendements de Mme Dini et je ne reviendrai pas sur le cheminement de ce texte, qui est désormais celui voté par les députés. L'amendement de M. Milon comporte une solution heureuse, à condition que le Gouvernement nous apporte des garanties sur les moyens qui seront mis en oeuvre. Il faudra recruter des infirmiers psychiatriques supplémentaires, les autoriser à sortir des établissements. Bravo à M. Milon ! (Applaudissements à droite)
M. Jacky Le Menn. - On nous reproche de n'avoir pas voté le rapport de Mme Dini, alors que nous avions soutenu ses amendements. Mais les trois quarts de nos amendements ayant été repoussés, nous nous sommes abstenus. La responsabilité du vote final incombe à la majorité !
M. Milon a proposé un amendement qui pourra être de repli, mais nous sommes logiques en demandant que l'on ne confonde pas vitesse et précipitation ! L'hospitalisation sous contrainte existe, avec des sorties à l'essai, qui vont être désormais supprimées. Il y avait urgence à présenter un projet de loi d'ensemble.
M. Yvon Collin. - Je demande une brève suspension de séance.
La séance, suspendue à 23 h 50, reprend à minuit 5.
A la demande des groupes socialiste et CRC-SPG, les amendements identiques n°s45 rectifié et 87 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 151 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°477 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°5 est adopté.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°46, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
Mme Annie David. - Nous ne voterons pas le sous-amendement n°490, qui réintroduit le décret en Conseil d'État pour organiser le programme de soins.
Sans aller jusqu'à dire, comme M. Lorrain, que l'amendement n°280 était excellent, nous pourrions l'accepter à condition qu'il ne soit pas sous-amendé. Bien sûr, Mme Berra nous dira que les moyens nécessaires seront renforcés mais nous ne pouvons nous satisfaire de paroles...
M. Jacky Le Menn. - Je partage cet avis : le compromis proposé par M. Milon est acceptable, mais pas le fourre-tout présenté par M. Lorrain pour faire rentrer par la fenêtre ce qui a été sorti par la porte. (M. Guy Fischer approuve)
Bien sûr, le sujet des moyens est central. Nous avons besoin de réponses claires. Sans moyens, pas de soin. Qu'on ne vienne pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Quand il faut établir les tableaux de service dans un hôpital et qu'il n'y a pas de médecin, on ne peut pas soigner.
D'autre part, M. Michel a posé des questions précises et pertinentes sur la responsabilité en cas d'accident causé par le malade suivant des soins ambulatoires prescrits sans consentement. Nul n'a répondu !
Pas de moyens, pas de clarté juridique : cela suffit à repousser le sous-amendement.
M. Jean Desessard. - J'attends la réponse de la ministre à la question posée par Mme Létard ; notre collègue se contentera-t-elle de simples assurances ? Je le suppose... (Mme Valérie Létard rit)
Le sous-amendement de M. Lorrain, pompier de service de la commission (marques d'agacement à droite), est très fort : « auquel il n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux », il fallait le trouver... Au demeurant, je voterai contre l'amendement de M. Milon, même non sous-amendé. Je l'ai fait en commission car je suis contre les soins ambulatoires sans consentement dans le lieu de vie du malade.
M. Guy Fischer. - LFSS après LFSS, les moyens des établissements de santé ne cessent de diminuer ; l'hôpital public connaît une crise sans précédent. Les directeurs généraux de l'AP-HP et des hospices civils de Lyon font respecter les budgets à coups de cravache ! Les grèves se succèdent à Saint-Jean-de-Dieu et au Vinatier.
La prise en charge ambulatoire n'est qu'une façon de dégager des économies, au détriment des familles ; c'est, pour elles, ajouter de la souffrance à la souffrance. Habilement, M. Milon tente de nous faire avaliser son amendement mais le projet de loi voulu par le président de la République reste sécuritaire. En outre, les moyens manqueront encore...
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Les soins ambulatoires nécessitent un lieu et une équipe. Il ne s'agit pas de restreindre les soins à une simple injection ! Chaque malade aura un référent qui sera en relation avec l'établissement. L'équipe soignante accompagnera le patient. Je fais confiance aux professionnels, qu'ils soient hospitaliers ou ambulatoires. Ils sauront collaborer, se coordonner. Au moment où le patient sort, il y aura un engagement mutuel soignant-soigné ; dans les 72 heures, tout sera fait pour conclure l'alliance thérapeutique. Les malades ne seront plus laissés pour compte, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui. (M. Jean Desessard s'étonne) Aujourd'hui, rien ne garantit l'acceptation du patient, indispensable au bon suivi thérapeutique.
M. Jean Desessard. - Il en ira de même demain puisque la loi concerne des patients qui ne sont pas en état d'exprimer un accord !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Mais un malade psychiatrique n'est pas en permanence privé de discernement ! Il ya des pics et des vallées...
Des économies dans le domaine de la santé ? Le Parlement ne vote-t-il pas chaque année la hausse de l'Ondam ? Depuis le début de la mandature, ce sont 10 milliards supplémentaires qui ont été attribués à la psychiatrie !
M. Guy Fischer. - On rêve !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Vous êtes de mauvaise foi ! Il n'y a pas de spécificité pour le plan santé mentale ; comme pour les autres plans de santé publique, plan cancer ou plan Alzheimer, des moyens supplémentaires seront attribués.
M. Guy Fischer. - Le plan Alzheimer laisse les familles dans la souffrance et la désolation.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Il y aura une enveloppe budgétaire dédiée.
Les postures, les caricatures n'aident pas les malades ! J'approuve la rédaction proposée par M. Milon, avec les précisions apportées par M. Lorrain. J'espère vous avoir rassurés. (Applaudissements à droite ; marques de dénégation à gauche)
Mme Valérie Létard. - La réponse de Mme Berra me satisfait, puisque chaque personne prise en charge bénéficiera d'un accompagnement. S'ajoutent les assurances budgétaires. (Exclamations à gauche)
Le sous-amendement n°490 rectifié est adopté.
Mme Annie David. - Les promesses de Mme Berra ne seront pas concrétisées d'ici le 1er août, qu'il s'agisse des crédits ou du personnel. Vous supprimez des lits, des postes d'infirmiers psychiatriques ! Nous ne voterons pas l'amendement de M. Milon, ne serait-ce qu'à cause de la mention du « lieu de vie ».
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - D'amendement en sous-amendement, nous arrivons à un texte en léger progrès. Encore un petit effort, madame la ministre, et les soins ambulatoires ne pourront être prescrits qu'à des malades consentants. Madame Berra, vous avez indiqué qu'au terme des 72 heures, on aurait obtenu le consentement du malade à des soins ambulatoires. Pourquoi ne pas le formaliser dans la loi ? Ces tâtonnements montrent combien le projet de loi n'est pas abouti. Mon amendement tendait à préserver les sorties d'essai et à prendre le temps de préparer la grande loi que tout le monde attend.
L'amendement présenté par M. Milon ne va pas assez loin, mais il a le mérite de mettre en lumière certaines faiblesses et approximations du texte. N'étant pas totalement satisfaite, je m'abstiendrai.
M. Jean Desessard. - Merci, madame Dini, car j'ai cru rêver en entendant Mme Berra. M. Lorrain parle de soins auxquels l'intéressé ne peut consentir en raison de son état ; M. Milon évoquait des soins sans consentement. Et Mme Berra nous dit qu'il y a des pics et des vallées, des moments de lucidité... et un consentement. Ce qui n'est dit nulle part.
Le programme ne se résume pas à des médicaments ? Quoi d'autre ? Comment va-t-on traiter ? Que fera le référent ? Et qui sera-t-il ? Qui contactera-t-il le week-end ? Qui se déplacera ? Tout cela n'est pas sérieux !
M. Guy Fischer. - Je n'accepte pas les accusations de mauvaise foi. Notre groupe n'a jamais voté les prétendues augmentations de l'Ondam, qui couvrent à peine l'inflation et sûrement pas l'augmentation des charges et des salaires. Vous demandez où sont faites les économies ? Partout ! On ferme des établissements de proximité, on supprime massivement les emplois publics ! M. Léonetti lui-même relève que l'hôpital public a perdu 9 800 emplois en 2009, dont la moitié de soignants.
Mme Bachelot a organisé, cette semaine, une réunion sur la dépendance. Le délégué de la Fédération hospitalière de France y était ; il m'a dit que l'avenir serait catastrophique en raison de la saignée des emplois.
M. Jacky Le Menn. - M. Fischer a raison : Mme Berra est abusée ou tente de nous abuser. Selon la Fédération hospitalière de France, quelque 10 000 postes ont été supprimés en 2010, dont la moitié parmi les soignants.
Le dispositif des soins ambulatoires sans consentement exigera des moyens humains supplémentaires, soignants, greffiers, magistrats ; ils manqueront au 1er août et après. Chaque année, le Gouvernement nous propose un Ondam insatisfaisant, qui ne va pas dans l'intérêt des malades ; je ne lui fais donc pas confiance pour attribuer les moyens supplémentaires nécessités par ce texte. L'absence de moyens met en cause la possibilité pour certains malades d'être tirés d'affaire.
Avec ce texte vous poussez les feux au risque de la catastrophe. Vous ne pourrez pas dire que nous ne vous avons pas avertis !
M. Raymond Vall. - Je connais ce sujet de très près. En zone rurale, il faut au moins trois mois pour obtenir un rendez-vous avec un psychiatre et on peut espérer la visite d'une infirmière psychiatrique une fois tous les quinze jours...
En l'absence d'effectifs suffisants, ce sera au généraliste de se déplacer, sauf qu'il ne viendra pas. Un piège, tendu à une jeune femme médecin dans mon département, a dissuadé ses confrères de répondre aux urgences le week-end.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - J'ai entendu parler de suppressions de postes. Le plan psychiatrique 2005-2008 est clair : presque 3 000 équivalents temps plein supplémentaires ont été créés. Voilà qui est sans appel.
M. Guy Fischer. - C'est nettement insuffisant !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Les chiffres sont là, interprétez-les comme vous voulez.
La formation des infirmiers est en cours de réforme avec la mastérisation.
M. Guy Fischer. - Jusqu'à 65 ans !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - La mastérisation permettra d'apporter des compétences renforcées. La filière psychiatrique devrait en bénéficier.
Dans le domaine judiciaire, des postes de magistrats et de greffiers sont également créés.
M. Jacky Le Menn. - Ils ne seront pas en fonction le 1er août !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Cette date nous a été imposée par le Conseil constitutionnel.
Ne perdez pas de vue l'essentiel : l'intérêt du malade. S'il ne consent pas, faut-il pour autant qu'il reste à l'hôpital ? Et s'il consent, qu'il sorte sans accompagnement ?
L'amendement n°280, sous-amendé, est adopté.
Les amendements nos47, 88, 260, 89, 6, 90 et 91 deviennent sans objet.
M. le président. - Madame la présidente, peut-on estimer que la formulation introduite par le sous-amendement se substitue, en tous endroits du texte, aux termes « sans consentement » ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Oui. Nous ferons pour le mieux d'ici demain.
L'amendement n°92 n'est pas adopté.
L'amendement n°426 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°48 n'est pas adopté.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - Les amendements n°s93 et 49 sont satisfaits par le code de la santé publique. Loin de compromettre le droit au recours à un avocat, ce projet de loi le conforte.
M. Jacky Le Menn. - Si l'amendement n°93 est satisfait, nous le retirons.
L'amendement n°93 est retiré.
L'amendement n°49 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s50 et 454 rectifié.
M. Guy Fischer. - Nous voterons l'amendement n°94. Si une période d'observation est indispensable pour poser un diagnostic, elle doit être la plus brève possible, car elle est privative de liberté. Les professionnels de la santé le disent eux-mêmes : c'est une quasi-garde à vue, sans les garanties qui accompagnent cette dernière !
L'amendement n°94 n'est pas adopté.
L'amendement n°261 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°484, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales.
Après l'alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont applicables aux personnes admises en soins psychiatriques auxquels elles ne sont pas à même de consentir du fait de leurs troubles mentaux en application de l'article L. 3213-2. »
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - Lorsqu'un patient fait l'objet d'une mesure provisoire du maire, sa durée est incluse dans la période d'observation.
Cette précision garantit mieux le respect des droits constitutionnels et s'inscrit dans le cadre de la décision QPC du 26 novembre 2010 du Conseil constitutionnel. La commission a donné un avis favorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Favorable.
L'amendement n°484 est adopté.
M. le président. - Amendement n°95, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéas 22 à 24
Supprimer ces alinéas.
M. Jacky Le Menn. - Coordination.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Il tombe...
L'amendement n°95 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
Alinéa 23
?Après le mot :
proportionnées
insérer les mots :
à son état mental et
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - Le texte dispose que lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques sans son consentement, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles "doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à la mise en oeuvre du traitement requis".
L'amendement précise que ces restrictions doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées également à l'état mental de la personne.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission est favorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Favorable.
M. Jean Desessard. - En quoi consistent les restrictions à la liberté d'une personne à son domicile ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - La liberté individuelle est la règle. Les atteintes à celle-ci se justifient par l'état mental de la personne. Eventuellement, le juge tranche.
L'amendement n°7 est adopté.
M. le président. - Amendement n°51, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 26
Rédiger ainsi cet alinéa :
Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7, L. 3213-1 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans son consentement est informée de telle sorte qu'elle comprenne les informations qui lui sont données. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix, tel que la personne de confiance désignée par le patient conformément à l'article L. 1111-6 du code de la santé publique. Elle peut faire valoir ces observations par tout moyen.
M. Guy Fischer. - Le patient doit pouvoir se faire assister par une personne de confiance. Elle a besoin de conseils et d'assistance, a fortiori en cas de soins sans consentement. Même avec des facultés mentales altérées, le malade reste un citoyen. Il a droit à l'information sur son état. Il s'agit de rétablir la dignité d'une personne enfermée dans une camisole chimique.
L'amendement n°96 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°97, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 26
Après les mots :
projet de décision
insérer les mots :
d'une manière adaptée à sa bonne compréhension et dans le respect de ses droits fondamentaux
M. Claude Jeannerot. - Méfiance extrême, sentiment d'être persécuté ou épié sont le lot de nombreux malades mentaux. Il est donc indispensable d'établir une relation de confiance entre le malade et le soignant. Délivrer une information claire fait partie du processus.
M. le président. - Amendement n°98, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 26
Après le mot :
consentement
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et sa famille ou la personne de confiance désignée par le patient conformément à l'article L. 1111-6 du code de la santé publique sont informées de ce projet de décision et mises à même de faire valoir leurs observations, le cas échéant par tout moyen et de manière appropriée à l'état du patient.
Mme Christiane Demontès. - Cet amendement prévoit une obligation d'information de la famille du patient ou de la personne de confiance. La notion de famille est parfois difficile à définir ; le patient peut choisir une personne de confiance en dehors du cadre familial. Le patient peut être dans le déni de son état de santé ; il est d'autant plus important de nouer un dialogue avec son entourage.
M. le président. - Amendement n°99, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il peut être représenté par un avocat.
M. Claude Jeannerot. - Le malade mental étant trop souvent assimilé à un délinquant, la présence d'un avocat est particulièrement nécessaire pour garantir l'égalité des armes et le droit au recours.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission a émis un avis favorable à l'amendement n°51, contre l'avis du rapporteur. Favorable à l'amendement n°97. Le rapporteur a souligné que l'amendement n°98 pouvait être contreproductif ; la commission a toutefois émis un avis favorable. Idem sur l'amendement n°99.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - L'amendement n°51 est déjà satisfait : avis défavorable. La précision apportée à l'amendement n°97 est utile mais satisfaite : avis défavorable. L'amendement n°98 n'est pas opportun : défavorable. L'amendement n°99 substitue un avocat au malade, alors qu'il s'agit ici d'une relation de soin entre le malade et le thérapeute : avis défavorable.
L'amendement n°51 n'est pas adopté.
L'amendement n°97 est retiré.
L'amendement n°98 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°99.
L'amendement n°100 est devenu sans objet.
M. le président. - Amendement n°52, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 29
Supprimer les mots :
et par la suite à sa demande
Mme Annie David. - La loi du 4 mars 2002 crée un droit universel à l'information sur son état de santé, que cet alinéa subordonne à la demande préalable du patient. Comment une personne présumée atteinte de troubles mentaux, habituellement sous calmants, pourrait-elle formuler cette demande ? Même les personnes gardées à vue sont mieux traitées !
Non content de bafouer les droits des patients de consentir ou non aux soins, on leur dénie jusqu'à l'information sur ceux-ci !
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission a émis un avis favorable, malgré les interrogations du rapport sur le moment de cette information.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Défavorable.
Mme Annie David. - Nous demandons que cette information soit de droit. L'amendement est clair.
Pourquoi refuse-t-on à ces malades le droit à l'information accordé aux personnes gardées à vue, alors qu'ils peuvent être représentés par un avocat ou une personne de confiance ?
L'amendement n°52 n'est pas adopté.
L'amendement n°101 devient sans objet, ainsi que les amendements n°s102 et 103.
M. le président. - Amendement n°104, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 37
Remplacer les mots :
conserve à l'issue de ces soins
par les mots :
retrouve à l'issue de ces soins l'usage de
M. Jacky Le Menn. - Cet amendement revient à la rédaction de la loi du 4 mars 2002 qui constate qu'à l'issue des soins, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques retrouve un état normal quant à l'usage de ses libertés. L'usage du verbe « conserver » traduit une conception péjorative de la maladie. Le risque de stigmatisation est réel, alors que notre société a plus que jamais besoin de valeurs humanistes.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - Malgré les observations du rapporteur, la commission est favorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Défavorable car l'amendement suggère que le patient aurait perdu ses droits de citoyen.
L'amendement n°104 n'est pas adopté.
L'amendement n°105 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°53, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'alinéa 41
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l'article 451 du même code, le tuteur d'une personne faisant l'objet de soins sans consentement ne peut être désigné au sein de l'établissement dans lequel elle est admise. » ;
Mme Isabelle Pasquet. - Les tuteurs ne peuvent pas êtres membres de l'établissement de soins. Il s'agit d'éviter que la gestion des ressources des patients soit conditionnée au respect de règles ou de protocoles par la personne faisant l'objet de soins sous contraintes. Argent ou cigarettes ne sauraient être considérés comme des récompenses.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - Le rapporteur estime que cela ne relève pas de la loi ; la commission a émis un avis favorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Le droit en vigueur encadre la mission du mandataire judiciaire. Avis défavorable.
L'amendement n°53 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°455 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Barbier, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéas 42 à 47
Supprimer ces alinéas.
Mme Françoise Laborde. - Le projet de loi supprime le collège de soignants destiné à rendre un avis avant la levée éventuelle de l'hospitalisation de certains malades définis comme potentiellement dangereux, qui ont séjourné en unité pour malades difficiles déclarés pénalement irresponsables. Cette procédure renforcée alimente l'amalgame entre maladie mentale dangerosité et délinquance. Je crains que l'on ne privilégie toujours le sécuritaire et l'enfermement...
M. le président. - Amendement n°456 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Barbier, Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
I. - Alinéa 43
Après les mots :
de trois membres
insérer les mots :
dont deux
II. - Alinéa 46
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Un médecin n'appartenant pas à l'établissement, choisi par le patient ou son entourage ou son avocat.
Mme Françoise Laborde. - Amendement de repli. La responsabilité légale et l'évaluation clinique concernant l'opportunité d'aménager la prise en charge du patient ou de lever les soins sans consentement ne peuvent reposer sur les seuls médecins. Un regard neuf peut être intéressant.
M. le président. - Amendement n°106, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Alinéa 43
Après les mots :
de trois membres
insérer les mots :
dont deux
II. - Alinéa 46
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Un psychiatre n'appartenant pas à l'établissement, choisi par le patient ou son entourage ou son avocat.
M. Jacky Le Menn. - Seule une procédure réellement contradictoire protègera le malade et ses droits.
M. le président. - Amendement n°479 rectifié, présenté par Mme Payet et M. Détraigne.
I. - Alinéa 46
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Un médecin désigné conjointement par le directeur de l'établissement et le président de la commission médicale d'établissement ou de la conférence médicale d'établissement pour les établissements de santé privés d'intérêt collectif. Ce médecin peut être le président de ladite commission ou conférence, le cas échéant.
II. - Alinéa 47
Compléter cet alinéa par les mots :
, sachant que le collège peut recueillir tous les avis qu'il estime appropriés pour l'exercice de sa mission
Mme Anne-Marie Payet. - Cet amendement vise à tirer les enseignements issus des concertations engagées de longue date. L'introduction d'un cadre paramédical comme arbitre numérique entre deux médecins, dans le cadre de ce collège, est jugé comme un facteur de division là où la cohésion s'impose.
Bien entendu, les cadres soignants qui sont au fait d'autres réalités quotidiennes de la prise en charge du patient pourront être consultés, en tant que de besoin, par les médecins du collège.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission a émis un avis favorable à l'amendement n°455 rectifié, contre l'avis de son rapporteur. Idem sur les amendements n°s106, 456 rectifié et 479 rectifié.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Défavorable aux quatre amendements. Il est important que l'équipe qui se prononce compte un non-médecin, pour apporter un regard complémentaire.
L'amendement n°455 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s106, 456 rectifié et 479 rectifié.
L'amendement n°107 devient sans objet, ainsi que l'amendement n°108.
M. le président. - Amendement n°54, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 51, première phrase
Remplacer les mots :
à tout moment de
par les mots :
à tout moment, après examen médical et si l'état de santé du patient le nécessite, de
M. Guy Fischer. - La modification du protocole de soins ne doit pouvoir intervenir que si l'état de santé du patient l'exige, et après que le médecin a rencontré le patient. La responsabilité personnelle du médecin étant engagée, un certificat ne peut être réalisé sans examen préalable et direct, comme le rappelle la jurisprudence.
En outre, le certificat médical doit impérativement être remis en mains propres à l'intéressé, sauf exception instituée par la loi.
M. le président. - Amendement n°109, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 51
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La famille du patient ou la personne de confiance qu'il a désignée conformément à l'article L. 1111-6 est informée de cette décision.
Mme Christiane Demontès. - Nous instaurons une obligation d'information de la famille ou de la personne de confiance en cas de décision de modification de la prise en charge du patient motivée par l'aggravation de son état. C'est l'avenir du patient qui est en jeu !
Parmi les malades psychiques, 42 % vivent au sein de leur famille, 58 % reçoivent de leur famille une aide quotidienne; 10 % sont hospitalisés, 10 % dans des foyers, environ 20 % sont autonomes et 20 % sont abandonnés...
M. le président. - Amendement n°267, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Alinéa 52, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
M. Jean Desessard. - Un simple « avis médical » sans rencontre entre le patient et le psychiatre ne saurait se substituer à un véritable« certificat médical » établi après l'examen du patient par le psychiatre, document officiel qui comporte uniquement constat et diagnostic. L'« avis » médical exprime l'opinion que se fait le médecin à la seule lecture de documents, au sujet d'une personne qu'il n'a pas rencontrée.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission a donné un avis favorable à l'amendement n°54, que le rapporteur estimait satisfait. Elle a donné un avis favorable à l'amendement n°109, alors que le rapporteur avait souligné que la famille pourrait être hostile au patient. Idem sur l'amendement n°267 alors que le rapporteur précisait qu'un simple avis s'imposait quand le patient ne pouvait être examiné.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Quand un patient est en rupture, ou se met en danger, le psychiatre rend parfois un avis à la lumière des éléments qui lui sont communiqués. Défavorable à l'amendement n°54, ainsi qu'aux amendements nos109 et 267.
L'amendement n°54 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°109.
M. Jean Desessard. - Je ne comprends pas ces arguments. Pourquoi ne pas dire que l'avis médical sera réservé aux circonstances exceptionnelles ? L'argumentation de Mme Berra est franchement légère.
L'amendement n°267 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°110, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéas 53 à 59
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
15° L'article L. 3211-11-1 est ainsi modifié :
a) La dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , par un membre de sa famille ou par la personne de confiance qu'elle a désignée en application de l'article L. 1111-6 » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « d'absence » sont remplacés par les mots : « de sortie accompagnée » ;
M. Jacky Le Menn. - Cet amendement rétablit le droit actuel en ce qui concerne le régime des autorisations de sortie accompagnées. Le texte prévoit qu'il faudra désormais une autorisation explicite du préfet pour les autorisations concernant des personnes ayant séjourné en UMD ou ayant été déclarées pénalement irresponsables. Le préfet pourrait systématiquement garder le silence, ce qui empêcherait toute sortie. Il convient de rappeler qu'il s'agit de sorties accompagnées de moins de douze heures.
M. le président. - Amendement n°55, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 58 et 59
Supprimer ces alinéas.
Mme Annie David. - Nous dénonçons la prééminence des préoccupations sécuritaires sur le bien-être des malades ; encore une fois, les malades sont stigmatisés en étant placés sous le contrôle d'une loi de police qui établit un contrôle social généralisé de la normalité des comportements. Les alinéas 58 et 59 donnent au préfet un rôle prédominant pour les sorties d'essai, au détriment des équipes médicales. Cela ne cadre pas bien avec la confiance proclamée de Mme Berra pour le corps médical !
M. le président. - Amendement identique n°111, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. Jacky Le Menn. - Ces alinéas sont stigmatisants. Les sorties brèves accompagnées pour motif thérapeutique ou pour des démarches extérieures sont proposées selon l'évaluation clinique actualisée d'un patient, et donc de son évolution. Les antécédents du patient ne doivent pas constituer un motif de discrimination administrative. Qui garantit que l'on n'empêche pas ainsi la réintégration sociale des intéressés ?
M. le président. - Amendement identique n°457 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
M. Yvon Collin. - Les sorties brèves accompagnées doivent être décidées en fonction de l'évaluation clinique actualisée d'un patient, et sans discrimination fondée sur les antécédents.
M. le président. - Amendement identique n°489, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - Cet amendement rétablit l'autorisation implicite du préfet pour les sorties accompagnées de courte durée. Pour s'opposer à une sortie, le préfet devra le faire de manière explicite.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
Alinéa 59
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf lorsque leur hospitalisation, ordonnée dans les cas prévus aux mêmes 1° et 2°, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d'État
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - Cet amendement moins ambitieux, étend le "droit à l'oubli" aux autorisations implicites du préfet en cas de sorties de courte durée.
Passé un certain délai, toutes les personnes doivent relever du droit commun.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. - La commission est favorable à l'amendement n°110, ainsi qu'aux amendements nos55, 111 et 457 rectifié, identiques à son amendement n°489. Elle est, par conséquent, défavorable à l'amendement n°8.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n°110 car les patients concernés peuvent être dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui.
Avis défavorable sur les quatre amendements identiques mais favorable à l'amendement n°8.
L'amendement n°110 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos55, 111, 457 rectifié et 489 sont adoptés.
Par conséquent, l'amendement n°8 n'a plus d'objet.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 11 mai 2011, à 14 h 30.
La séance est levée à 2 h 10.
René-André Fabre,
Directeur
Direction des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 11 mai 2011
Séance publique
A 14 HEURES 30
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (n° 361, 2010-2011).
Rapport de Mme Muguette Dini, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 487, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 488 rectifié, 2010-2011).
Avis de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois (n° 477, 2010-2011).
LE SOIR
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
Rapport de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour le Sénat (n° 491, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 492, 2010-2011).