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Table des matières
Situation en Afghanistan (Questions cribles thématiques)
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
NOMINATIONS À UNE ÉVENTUELLE CMP
Discussion des articles (Suite)
SÉANCE
du jeudi 3 mars 2011
79e séance de la session ordinaire 2010-2011
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. François Fortassin.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Garde à vue
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la garde à vue.
Discussion générale
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. - Je ne doute pas qu'au cours des prochaines heures l'assistance soit plus nombreuse qu'actuellement ! Cette réforme importante de la garde à vue doit être appréciée à l'aune des réformes conduites ces dernières années pour les libertés publiques : si nous sommes ici ce matin, c'est d'abord grâce à la réforme constitutionnelle de 2008 qui a introduit la question prioritaire de constitutionnalité. C'est en effet à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité que le Conseil constitutionnel a jugé notre système de garde à vue inconstitutionnel.
Notre système d'enquête doit concilier deux principes d'égale valeur constitutionnelle: la sécurité et le respect des libertés publiques. Ce texte a recueilli un large accord à l'Assemblée nationale, puisque seuls 32 députés ont voté contre ; je suis sûr que le Sénat aura à coeur d'apporter sa pierre à l'édifice.
Le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il revient au législateur de concilier la recherche des auteurs d'infractions et l'exercice des libertés constitutionnellement garanties : c'est la raison d'être de ce projet de loi.
Ce texte donne à la garde à vue une nouvelle structure et l'assortit d'un nouveau contrôle. La garde à vue est donc rénovée, plus soucieuse des libertés individuelles et mieux contrôlée. Elle doit être limitée aux cas nécessaires de la manifestation de la vérité. La garde à vue s'est par trop banalisée, pour atteindre 800 000 cas en 2009 ; nous serions à 100 000 de moins pour 2010. Le texte introduit de nouveaux critères : la garde à vue peut être déclenchée quand elle est l'unique moyen de manifester la vérité ou d'empêcher des complices de se concerter ou encore quand la contrainte est indispensable à l'enquête. Nous attendons de ces critères une diminution de 300 000 gardes à vue par an. Il en resterait 500 000, ce qui est encore beaucoup.
Pour mieux garantir les droits individuels, nous introduisons l'avocat dès la première minute de la garde à vue. L'avocat pourra revenir tout au long de la garde à vue, il aura accès aux procès-verbaux d'interrogatoires et il pourra poser toutes questions utiles. L'Assemblée nationale a accepté un amendement du Gouvernement, inspiré par la Cour de Strasbourg et précisant qu'une condamnation ne peut être prononcée sur la base de propos tenus hors de la présence de l'avocat. Nous passons d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve ; si l'arrêt Salduz figure à l'article premier, c'est pour bien marquer ce changement fondamental.
La personne placée en garde à vue sera informée de son droit à conserver le silence : c'est un droit rappelé en juillet 2010 par le Conseil constitutionnel. Cela remet en cause certaines de nos pratiques procédurales : par exemple celle consistant à dire au gardé à vue qu'il doit dire toute la vérité, rien que la vérité. Votre commission a utilement précisé que dans certains cas, le gardé à vue pourra contacter un tiers : tuteur, curateur, autorités consulaires...
L'Assemblée nationale a souhaité un délai de deux heures avant toute audition, à compter de l'avis donné à l'avocat ; le principe d'un délai de route n'est pas illégitime, mais il faut aussi tenir compte des impératifs de l'enquête : je vous proposerai de ramener ce délai à une heure. Je sais qu'il sera difficile de vous convaincre...(Sourires)
Autre apport essentiel de la réforme : le respect de la dignité des personnes. La fouille au corps est vécue comme une humiliation pire encore que la privation de liberté et fortement critiquée. Nous en tenons compte. Elle n'est justifiée que dans des conditions particulières.
Le Conseil constitutionnel a reproché à notre régime de garde à vue de trop restreindre les droits de la défense, tout en reconnaissant que des atteintes à ces droits pouvaient se justifier dans certaines matières criminelles : ce texte prévoit en conséquence de différer la présence de l'avocat, par exemple en cas d'enlèvement d'enfant.
Le débat est focalisé également sur le contrôle de la mise en oeuvre de la garde à vue, en particulier sur le rôle du parquet. La CEDH applique la Convention européenne des droits de l'homme, laquelle n'est pas écrite exactement de la même façon en anglais et en français.
Mme Nathalie Goulet. - La perfide Albion !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je vous renvoie aux passionnantes conclusions de l'avocat général Marc Robert devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation sur l'arrêt du 15 décembre 2010, qui montrent l'évolution de la jurisprudence de la CEDH.
En fait, la Cour a assimilé progressivement le magistrat au juge du siège, ce qui a disqualifié notre parquet pour contrôler les mesures privatives de liberté. La Cour tire argument des conditions de nominations du parquet, mais surtout du fait que le parquet, comme partie poursuivante, n'est pas un acteur impartial du procès. Cela nous paraît revenir à confondre les paragraphes 5 et 6 de la Convention.
Désormais, une question se pose pour nous : quand le juge doit-il intervenir dans la garde à vue ?
Le projet de loi se plie volontiers à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg ; d'ailleurs, les parquetiers n'ont jamais revendiqué la qualité de juge.
La CEDH a inventé le concept de promptitude...
Mme Nathalie Goulet. - C'est mieux que bravitude !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je pensais bien que quelqu'un le dirait : merci !
Ce concept s'apprécie au cas par cas, mais selon la jurisprudence, le délai n'est jamais inférieur à trois à quatre jours. En deçà, il revient à chaque État d'organiser la garde à vue comme il l'entend. Notre texte respecte cette jurisprudence.
Que se passe-t-il pendant ce délai de 48 heures ? Le contrôle est-il assuré par un officier de police ou par un magistrat ? Notre pays a fait le choix du magistrat, car l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle, selon l'article 66 de la Constitution. Or l'autorité judiciaire est constituée des magistrats du parquet, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel. C'est donc le parquetier qui décidera de la première prolongation de la garde à vue ; au-delà de 48 heures, ce sera le juge des libertés et de la détention.
Notre système offre donc une double garantie : celle de la CEDH et celle de notre Constitution. Au Royaume-Uni, souvent cité, c'est l'officier de police qui mène la garde à vue... qui peut durer jusqu'à 26 jours !
Ce contrôle est efficace, allie respect de la CEDH et de notre Constitution : ce texte est novateur et protecteur, je vous invite à vous y joindre. (Applaudissements au centre et à droite)
M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois. - Nous nous réjouissons de réformer enfin la garde à vue : dès le début 2010, notre commission des lois avait fait savoir qu'en l'absence d'un projet de loi elle déposerait une proposition de loi.
À l'origine de ce texte, il y a une prise de conscience qui a largement dépassé les professionnels du droit : le nombre de gardes à vue est passé de 276 000 en 1994 à 800 000 en 2009, dans des conditions trop souvent déplorables. Le Sénat, attentif au respect des libertés individuelles, s'en est saisi : question orale le 24 février 2010, examen des propositions de loi de M. Mézard, de Mme Boumediene-Thiery et M. Bel, groupe de travail sur l'enquête et l'instruction.
Une autre source de la réforme résulte de nos obligations conventionnelles et constitutionnelles. Notre régime de garde à vue n'est pas conforme à la CEDH et à notre Constitution : le Conseil constitutionnel a déclaré non conformes cinq articles du code de procédure pénale, et fixé au 1er juillet 2011 la date butoir pour modifier la loi. La Cour de cassation a jugé contraire notre régime dérogatoire de garde à vue, imposant elle aussi la date du 1er juillet 2011 pour en changer.
Disons le clairement : le texte déposé à l'Assemblée nationale représente une avancée considérable, améliorée par les amendements adoptés par les députés.
Le texte initial réservait la garde à vue aux faits passibles d'un an d'emprisonnement et réaffirmait le droit de garder le silence. Je ne vois pas ce que cela apporte : on ne peut contraindre quelqu'un à parler, sauf à imaginer la torture.
M. Jean-Pierre Michel. - Bien naïf pour un avocat !
M. François Zocchetto, rapporteur. - Le texte initial autorisait également l'avocat à assister aux auditions et supprimait la fouille intégrale. L'Assemblée nationale a supprimé la fameuse audition libre, qui soulevait de nombreuses interrogations, et a prévu un délai de deux heures avant la première audition : c'est le délai nécessaire pour accéder à toutes les brigades de gendarmerie de France ; un délai d'une heure obligerait à regrouper les points de garde à vue, ce qui conduirait à créer deux catégories de brigades, avec les conséquences que l'on peut imaginer ! L'Assemblée nationale a également prévu que les victimes pourraient être assistées d'un avocat et a modifié le régime douanier.
Notre commission des lois accepte toutes ces modifications et en propose d'autres qui renforcent les droits des personnes pendant la garde à vue, qui permettent à l'étranger de contacter ses autorités consulaires, qui autorisent le gardé à vue à garder les effets personnels nécessaires à sa dignité et qui limitent strictement les cas de fouille au corps.
J'en viens à trois questions qui ont suscité des débats nourris au sein de la commission.
Concernant la police de l'audition, nous n'avons pas mentionné la perturbation de la garde à vue par l'avocat : il est suffisant de prévoir que l'OPJ peut, seul, mettre fin à l'audition, à charge pour le bâtonnier de statuer sur la suite. Nous prévoyons également que les bâtonniers appelés à statuer seront inscrits sur une liste établie par l'Ordre.
Quand l'OPJ n'estimera pas nécessaire de garder à sa disposition la personne, celle-ci devra être informée de son droit à quitter le commissariat ou la gendarmerie.
L'Assemblé nationale, à l'initiative du Gouvernement, a interdit les condamnations sur les seules informations recueillies en dehors de la présence de l'avocat. Cependant, les poursuites sont possibles si d'autres éléments existent. Ce principe renforce le droit de la défense et privilégie la preuve plutôt que l'aveu : c'est un changement culturel profond.
Le deuxième débat portait sur le contrôle par l'autorité judiciaire : revient-il au procureur ou au juge, et à quel moment ? La jurisprudence de la CEDH explique la présentation « rapide » -la promptitude ne figure pas dans nos dictionnaires- devant un magistrat du siège, mais pas immédiate, et la Cour n'a pas précisé les délais. Dans les pays européens, le juge n'intervient jamais dès la privation de liberté ; le contrôle est le plus souvent confié à la police.
Le ministère public est-il une autorité judiciaire ? Oui, pour la Cour de cassation, selon laquelle la libération d'une personne placée en garde à vue pour 25 heures est « compatible avec l'exigence de brièveté imposée par la convention ». Le délai de 48 heures est donc compatible avec les exigences européennes : deux jours, c'est toujours moins que trois ou quatre !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Descartes est arrivé dans la Mayenne ! (Sourires)
M. François Zocchetto, rapporteur. - D'un point de vue pratique, le procureur est le mieux à même d'apprécier la pertinence de la mesure.
Troisième débat, celui sur le quantum de peine autorisant la garde à vue. Faut-il aller jusqu'à trois ans ? Le harcèlement, l'atteinte à la vie privée, la mise en danger d'autrui et les atteintes sexuelles sur un mineur de plus de 15 ans par une personne ayant autorité sont punies de moins de trois ans...
En restreignant trop la garde à vue, on risque de multiplier les auditions libres, dont nous ne voulons pas.
Le projet de loi aurait pu aller plus loin s'il s'était inscrit dans une réforme d'ensemble de la procédure pénale. Le calendrier a imposé là ses exigences... je relève donc les avancées du texte, tout en espérant qu'on ira plus loin à court terme. Cette réforme ne portera ses fruits que si tous les acteurs de la chaîne pénale y adhèrent. Je pense d'abord aux policiers et gendarmes, trop souvent caricaturés. Je pense aussi aux modifications que cela imposera à la profession d'avocat.
Il faudra enfin ne pas oublier les moyens !
Cela précisé, la commission des lois souhaite l'adoption de ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Alain Anziani. - Nous sommes ici par la force de la réforme constitutionnelle, c'est vrai mais on aurait pu agir avant.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Que ne l'avez-vous fait !
M. Alain Anziani. - Ce débat ne mérite pas de médiocre polémique. La situation de la garde à vue est scandaleuse. Il y a eu 800 000 gardes à vue en 2009 contre 336 000 en 2001... À ce jour, 1,5 % de la population se retrouve en garde à vue chaque année. La Commission nationale de déontologie de la sécurité -que vous allez faire disparaître- dénonce depuis des années les fouilles à nu, le retrait des lunettes et des soutiens-gorge, bref toutes les humiliations imposées en garde à vue.
Cette réforme comporte des avancées, dont certaines majeures, comme la présence de l'avocat qui ne se contentera plus, pour reprendre la formule du barreau de paris, d'une visite de courtoisie. La victime aussi aura droit à un avocat. Le droit au silence est un élément essentiel de ce texte ? Le gouvernement Jospin l'avait inscrit et vous l'avez supprimé.
Je regrette que vous n'ayez rien dit du financement, sans lequel cette réforme ne se fera que sur le papier. Les lieux de garde à vue sont « les plus misérables » de tous les lieux de détention, au dire du Contrôleur général. Vous avez parlé de 48 millions d'euros nécessaires pour les travaux : 15 seulement sont inscrits.
Nos divergences sont de plusieurs ordres. La première porte sur les personnes susceptibles d'être mises en garde à vue. Une remarquable étude de législation comparée effectuée par les services du Sénat signale que le principe de proportionnalité, constitutionnalisé en Allemagne, a conduit l'Italie à fixer un seuil à deux ans d'emprisonnement, l'Espagne à cinq ans. Le seuil de trois ans retenu chez nous pour la détention provisoire devrait valoir pour la garde à vue, sauf en cas de flagrant délit.
C'est éliminer le délit d'outrage, auquel la police est très sensible. Mais il doit y avoir d'autres moyens que la garde à vue pour les sanctionner et les prévenir. Le harcèlement sexuel et les violences familiales ? Il y aura flagrant délit. On se retrouve une fois encore devant la question de l'échelle des peines.
Qui place en garde à vue ? Certains pays distinguent les poursuites des décisions relatives aux libertés, qui relèvent du seul juge judiciaire. Il est vrai que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg est complexe et que le procureur est un magistrat -mais il n'est pas indépendant et il est une partie poursuivante. Il est là, le paradoxe ! Il est vrai que, dans le monde réel, on n'a pas les moyens de ce que l'on voudrait ; nous proposons donc un compromis. L'officier de police judiciaire décide du placement, sous le contrôle du procureur, mais c'est au juge judiciaire qu'il revient de contrôler la légalité de la garde à vue et de trancher pour toutes les dérogations aux droits de la défense.
Les députés ont eu la sagesse de supprimer l'audition libre, certes, mais ils la font ressurgir à l'article 11 bis, dans une tenue camouflée. En commission, vous m'avez dit d'aller « voir ailleurs », en me renvoyant aux propos de Mme Guigou sur la question ! Ce que j'ai fait et il ne me semble pas qu'elle dise ce que vous prétendez. Au demeurant, vous ne pouvez répondre par une boutade sur une matière aussi grave.
Le rapporteur s'est penché avec sérieux sur la question mais je ne comprends toujours pas en quoi la comparution libre diffère de l'audition libre. C'est bonnet blanc et blanc bonnet. Rejetons la comparution libre, ou alors accordons au suspect un minimum de droits, ne serait-ce que de connaître la durée maximale de sa comparution et de téléphoner à son avocat, son employeur et sa famille. Sans cela, on sera toujours exposé à la censure par la Cour de Strasbourg.
Il y a un an, on était devant 200 pages sur la réforme de la procédure pénale. Où en est-on ? Cette réforme n'est pas la vôtre, monsieur le ministre, et doit être combinée avec la pression sécuritaire, si forte par les temps qui courent. Une telle réforme de la garde à vue n'est sans doute pas très payante électoralement, mais indispensable dans une république moderne. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Mézard. - Ce texte est un net progrès, encore plus après le travail de l'Assemblée nationale et celui de M. Zocchetto, qui a le sens de la mesure. Relisez la circulaire du 17 novembre 2009, monsieur le ministre !
Il fallait faire vite mais on n'est pas allé au bout du chemin, faute, entre autres, de moyens financiers. Presque quatre ans de « rupture ». L'objectif a bien été atteint : rupture entre le Gouvernement et les magistrats, entre la police et les magistrats, entre l'opinion publique et la justice. L'urgence est de rassurer les citoyens, qui doivent sortir de l'insécurité et aussi du climat d'insécurité largement entretenu ; de rassurer les forces de l'ordre épuisées par des textes inapplicables : de rassurer les magistrats exaspérés par les propos excessifs que vous savez.
Lors de la discussion de notre question orale avec débat comme de notre proposition de loi, j'avais souligné la nécessité de cette réforme pour tenir compte de la jurisprudence et pour mettre fin à ces 800 000 gardes à vue qui sont souvent réalisées dans des conditions inadmissibles. Le dire n'est pas s'en prendre aux forces de l'ordre, qui n'ont fait qu'appliquer votre politique. Police et gendarmerie sont lasses de vos lois à répétition, de l'absence de moyens, de la RGPP, de la non-exécution des peines !
Vous-même, monsieur le ministre, avez dit que l'on ne pouvait utiliser la garde à vue comme un moyen banal d'enquête. Or le rapport sur l'application de la Loppsi considère encore l'augmentation des gardes à vue comme un succès !
Je salue votre dialectique, monsieur le ministre, et votre habileté mais c'est aussi avouer que, sans la décision du Conseil constitutionnel d'août dernier, vous auriez continué à balayer d'un revers de main la jurisprudence de la Cour européenne et de notre Cour de cassation
Ce n'est pas un hasard si le nombre de gardes à vue a quadruplé en dix ans.
Qu'est-ce qui vous empêchait d'arrêter ce scandale ? Vous avez joué la montre par obsession sécuritaire, avant d'aller à Canossa devant le gouvernement des juges, beau paradoxe.
Cette réforme impose des mesures rapides pour les locaux -il faut, dites-vous, 48 millions- et pour les avocats. Quelle est la programmation budgétaire ? À défaut d'une volonté politique forte, que je ne ressens pas, il y aura une justice à plusieurs vitesses, au détriment des départements dénués de métropole régionale. De fait, la loi sera inappliquée dans la moitié des départements. Ce sont les justiciables les plus démunis qui seront le plus mal défendus ! L'aide juridictionnelle doit être réformée au plus vite. L'étude d'impact des pages 29 à 31 est en la matière un chef-d'oeuvre technocratique.
Je ne reprendrai pas toute l'histoire de la garde à vue dont Maurice Schumann dès 1957 a dénoncé le péril. Vous ne pourrez éternellement reculer le problème du statut du parquet, posé par l'arrêt Moulin de 2010 et par l'arrêt de notre Cour de cassation.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je l'ai dit !
M. Jacques Mézard. - Certes, mais le Gouvernement continue à jouer la montre en faisant des jurys populaires un écran de fumée... Le ministère public est partie poursuivante. Je vous renvoie au rapport Lecerf/Michel.
Perseverare diabolicum !
La CEDH a sanctionné la présentation au juge au bout de quatre jours.
Sur la rédaction de l'article 62 du code de procédure pénale, vous ne respectez pas la demande du Conseil constitutionnel.
Vous avez retiré la garde à vue des critères de performance de la police, mais ça ne suffit pas.
Savez-vous au moins où vous voulez aller ? « Ceux qui ne savent pas où ils vont sont surpris d'arriver ailleurs » disait Pierre Dac ! (Applaudissements à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous sommes ici parce que le Gouvernement y a été contraint. Il a d'ailleurs résisté jusqu'au dernier moment, et tenté d'imposer l'audition libre. Toutes les données étaient pourtant sur la table : la France condamnée, l'opinion publique émue de voir le risque de garde à vue peser sur tout un chacun. Il y a matière à aller plus loin ; vous n'y êtes pas décidés.
Au fur et à mesure que les droits de la défense se sont accrus dans l'instruction, on a multiplié les gardes à vue pour aboutir à l'aveu. De moyen d'intimidation, la garde à vue est devenue en outre un « indicateur de performance » de la police. De la hiérarchie du moins : les commissaires touchent des primes indexées sur le nombre de gardes à vue ! Outre que la garde à vue s'est banalisée, la durée s'en est accrue : dans plus de 74 % des cas, on va au-delà de 24 heures. Cette banalisation est d'ordre politique.
Dans une tribune publiée en commun -preuve qu'ils ne sont pas si opposés- les professionnels de la police et de la justice voient dans ce texte une simple rustine posée sur une politique pénale obérée par une pression sécuritaire, qui d'ailleurs ne diminue en rien la délinquance.
La Chancellerie a ignoré l'arrêt Medvedyev ; elle n'a pu ignorer l'arrêt Moulin. L'Hexagone, toutefois, ne pourra éternellement ignorer la Cour de Strasbourg.
Votre réforme est compromise par le manque de moyens financiers, ce qui ne permet pas de satisfaire aux exigences de l'article premier de la Déclaration des droits de 1789. La nouvelle place de l'avocat appelle une réforme d'ampleur de l'aide juridictionnelle. L'article premier n'impose aucun seuil minimal. Il ne suffit pas de prévoir un seuil lié à la possibilité d'une peine de prison pour modifier sensiblement le nombre de gardes à vue. Nous devons faire en sorte de faire cesser les gardes à vue de confort pour les enquêteurs.
Le procureur n'est pas un magistrat au sens de la Cour de Strasbourg, dans ses arrêts Medvedyev et Moulin. L'impartialité du magistrat qui décide de la poursuite de la garde à vue est garantie à la fois par son mode de nomination et par sa fonction dans le cadre de l'enquête en cause. Seul un juge judicaire est un magistrat au sens de la Convention européenne des droits de l'homme.
L'argument sur l'intervention différée du juge n'est pas recevable. La jurisprudence européenne et celle de la Cour de cassation sont voisines sur ce point. Ce projet de loi permet bien trop de dérogations, l'accès à un avocat doit être consenti dès le début de la privation de liberté. Les procédures dérogatoires doivent être assorties des mêmes droits que les autres : plus on est présumé coupable de quelque chose de grave, plus on a droit à une défense efficace.
Il faudra aussi réfléchir sur la garde à vue des mineurs.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité m'a souvent donné raison lorsque je l'ai saisie à propos des fouilles intégrales ; la CEDH est allée dans le même sens en condamnant la France le 20 janvier dernier. (M. Roland Courteau approuve)
Nous regrettons enfin que le projet de loi reste muet sur les nullités de procédure. Bref, il ne suffira pas à garantir de bonnes conditions de garde à vue. (Applaudissements à gauche)
La séance est suspendue à 11 heures 25.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 11 heures 30.
Situation en Afghanistan (Questions cribles thématiques)
M. le président. - L'ordre du jour appelle des questions cribles thématiques sur la situation en Afghanistan.
Je vous salue, monsieur le ministre, et vous dit notre plaisir de vous accueillir au banc du Gouvernement : nous vous souhaitons plein succès dans vos nouvelles fonctions. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jacques Gautier. - Comme les 49 pays membres de la force internationale d'assistance et de sécurité en Afghanistan, la France intervient dans le cadre de la résolution 1386 du Conseil de sécurité, avec le mandat de stabiliser le pays et de créer les conditions d'une paix durable. Les efforts de la communauté internationale commencent à porter leurs fruits. Mais les médias ne parlent que d'attentats, de dommages collatéraux, de victimes. Or la reconstruction est en marche, vallée par vallée ; on construit des routes, des tribunaux, des écoles, des terrains de sport, des infrastructures hydrauliques, des silos de stockage. Monsieur le ministre, quand parviendra-t-on à faire connaître ce volet positif de notre action, sans lequel il n'y a pas d'avenir pour l'Afghanistan ?
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. - Votre observation est légitime. Un formidable travail est accompli sur le terrain. Le chef d'état-major de nos armées organise la présence des journalistes qui le souhaitent dans les secteurs dont nous avons la charge. En moyenne, il y a deux à trois journalistes français présents ; 64 médias français sont venus l'an passé, 200 journalistes au total. À eux ensuite de faire leurs choix.
Cette séance de questions cribles est l'occasion de rappeler ce formidable travail de reconstruction. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jacques Gautier. - Je fais le rêve que les journalistes parlent de ce qui fonctionne.
Mme Nathalie Goulet. - Pas seulement en Afghanistan !
M. Jean-Louis Carrère. - Je souhaite que les journalistes fassent leur métier, tout simplement.
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. - Nous entrons aujourd'hui dans le domaine réservé et peut-être exclusif du président de la République.
Réintégration dans le commandement intégré de l'Otan, surdité au Maghreb, suivisme en Afghanistan : nous avons beaucoup à critiquer dans cette stratégie dans laquelle la France n'est pas associée aux décisions. Notre position est claire : il faut aller vers un retrait progressif, négocié et planifié. Tout le monde sait que la solution ne peut être que politique. Nous devons sortir d'une logique infernale qui a obligé d'autres puissances à se retirer piteusement d'Afghanistan en laissant les Afghans sous le joug de l'obscurantisme. Il faut négocier, planifier avec nos alliés et les autorités afghanes. Nous souhaitons une grande négociation internationale : le président de la République annoncera-t-il que le retrait débutera cette année ?
M. Gérard Longuet, ministre. - Les troupes françaises ont vocation à transférer leurs responsabilités aux autorités afghanes, secteur après secteur ; c'est l'afghanisation. Nous faisons partie du Joint afghan-Nato Inteqal board (Janib), qui évaluera la situation de la région de Surobi cette année. La décision définitive appartient au président Karzaï ; il serait imprudent de donner un calendrier précis dès aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Louis Carrère. - Il faut imiter les Américains quand ils agissent de façon juste. Nous souhaitons un débat parlementaire sanctionné par un vote sur l'opportunité du maintien, comme il y a eu aux États-Unis, car l'opinion souhaite que nous quittions le bourbier afghan et qu'une action politique se substitue à l'action militaire.
Mme Michelle Demessine. - Le 24 février, le 54e soldat français est mort en Afghanistan. La douleur des familles, immense, est accentuée par l'incompréhension de notre rôle dans ce pays : 72 % des Français n'approuvent pas notre intervention militaire -55% des sympathisants UMP. Près de neuf Français sur dix y voient un risque d'enlisement, quand la guerre a fait l'an passé encore 10 000 morts, dont 711 soldats de l'Otan. C'est la plus longue guerre de notre histoire, plus longue encore que celle qu'y ont menée les Soviétiques. Votre seul leitmotiv c'est de rester le temps qu'il faudra, tandis que Robert Gates admet que son ambition est de laisser l'Afghanistan au moins dans l'état où les Soviétiques l'ont laissé...
Cette guerre ne doit pas être menée dans le silence. Monsieur le ministre, quand allez-vous organiser un débat parlementaire sanctionné par un vote ? (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Longuet, ministre. - La reconstruction de l'État afghan progresse, la liberté d'expression y est effective avec 700 journaux et 30 chaînes de télévision, les femmes représentent 28 % des parlementaires, 35 % des filles sont scolarisées, 85 % de la population accède aux soins de première nécessité, la production électrique a triplé. Les familles de nos 54 soldats tués peuvent être fières que leurs enfants aient oeuvré à la paix. L'Afghanistan sort du Moyen-âge pour entrer dans le XXIe siècle. C'est un processus de longue haleine, mais nos efforts portent leurs fruits. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Michelle Demessine. - On parle d'améliorations depuis des années, mais sur le terrain, la réalité est bien différente !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Notre vision du monde arabo-musulman a longtemps été prise entre le spectre de la dictature et celui du terrorisme. C'est peut-être ce tropisme erroné qui a conduit à un engagement en Afghanistan sans perspective de retrait à court terme, à l'intervention en Irak avec les déboires que l'on sait, à la diabolisation de l'Iran.
Pourtant, ces derniers mois ont vu le surgissement d'une véritable opinion publique arabe. De la Tunisie à la Libye, on retrouve une même jeunesse éduquée et mobilisée, une démocratie naissante. Si le terrorisme n'a plus l'initiative on ne saurait dire pour autant qu'il s'essouffle ; ses réseaux restent actifs.
Cela pose plusieurs questions relatives à l'Afghanistan. Peut-on espérer voir l'émergence d'une véritable opinion publique afghane ? Comment la France peut-elle accompagner ce mouvement ? L'émergence d'une telle opinion publique sera-t-elle signe de notre succès et de notre retrait du théâtre afghan ?
M. Gérard Longuet, ministre. - La reconstruction d'un État est liée à l'évolution de la société. J'ai pu mesurer la diversité de la société afghane, son hermétisme aussi aux valeurs et aux mécanismes d'une grande démocratie moderne.
Le préalable à la démocratie, c'est l'échange : il passe par la liberté de la presse, l'amélioration des transports, des télécommunications. La circulation de l'information, des services, des biens et des personnes peut faire bouger la société afghane : c'est l'objectif ambitieux de notre présence. (Applaudissements à droite)
M. Yves Pozzo di Borgo. - Dans les législatives afghanes, la participation a atteint 40 %, 68 des 249 parlementaires sont des femmes. C'est un progrès.
M. Jean-Louis Carrère. - Il y en a plus qu'à l'UMP !
M. Jean-Pierre Chevènement. - M. Karzaï va annoncer, le 21 mars, quand et où l'armée afghane prendra le relais de la force internationale ; selon M. Juppé, la sécurité a été rétablie par les troupes françaises dans le district de Surobi. La Grande-Bretagne a annoncé son retrait au plus tard pour 2014, le président Sarkozy a préféré dire que nous n'étions pas liés par ces délais. Est-ce raisonnable ? C'est le président Karzaï qui décidera en dernier ressort. Alors que l'afghanisation va commencer dans trois semaines, vous paraissez accepter un retrait pour fin 2011 ; vos propos sur la reconstruction de ce pays me rappellent ceux du gouvernement français à propos de la situation algérienne de 1961...
N'est-il pas temps dès maintenant de réduire nos effectifs ? Comment mieux associer la France à la transition démocratique en Afghanistan, à l'éventuelle réconciliation des factions pachtounes ?
M. Gérard Longuet, ministre. - Le projet politique contribue à transmettre à l'État afghan la responsabilité de gérer ce grand pays qu'est l'Afghanistan, qui n'est pas encore moderne. Le monde musulman paraissait hermétique aux idées de liberté et de démocratie, des évolutions sont en cours qui mettent à mal bien des idées communément admises. Pour l'Afghanistan, nous essayons de faire évoluer la société en créant les structures d'un État. Nous allons saisir le Janib de la situation à Surobi pour obtenir une décision du président Karzaï ; nous passerons alors la main. Dans la Kapisa, le calendrier ne sera pas le même.
Je n'imagine pas qu'il n'y ait pas un débat public sur l'évolution de notre engagement. Nous sommes loin des pages d'histoire que vous avez évoquées. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Nous pourrions redéployer nos moyens vers le civil, conformément à une grande et belle tradition française. L'Inde et la Chine investissent ; nous devons rester présents en Afghanistan. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)
M. André Dulait. - Le Livre blanc a profondément modifié le fonctionnement du ministère de la défense ; les restructurations ont replacé l'homme au centre du dispositif. C'est essentiel au moment où nous sommes engagés en Afghanistan dans un conflit qui n'est pas qualifié de guerre, au moment où la société redécouvre la notion de sacrifice suprême. Un certain nombre de nos concitoyens ont évoqué la possibilité d'une commémoration. Je veux aussi évoquer la place dans la société des futurs ex-soldats. Qu'en pensez-vous ?
M. Gérard Longuet, ministre. - Depuis vingt ans, 200 000 soldats ont été engagés dans des Opex de natures très différentes. Le ministère a envoyé un questionnaire à 5 000 militaires de tous grades : comment souhaitent-ils que la reconnaissance de la nation leur soit accordée ? Sans attendre, nous avons accordé le bénéfice de la campagne double aux militaires engagés en Afghanistan.
Les familles bénéficient d'un soutien matériel solide. Nous avons simplifié les procédures. Pour les blessés, nous facilitons les reconversions, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'armée : c'est le devoir, l'honneur, la tradition de nos armées. (Applaudissements à droite)
M. André Dulait. - je vous remercie. La nation doit reconnaissance à ces soldats. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Pierre Bel. - L'enjeu, en Afghanistan, c'est la guerre ou la paix, la stabilité régionale, la place de la France et de l'Europe dans les relations internationales : c'est dire qu'il faut aborder le sujet avec gravité et sens des responsabilités.
L'objectif est de lutter contre les terroristes là où ils se trouvent. Cependant, le Pakistan et bien devenu un angle mort de notre action : les talibans recrutent localement mais peuvent compter sur des forces venues de ce pays. Les Américains mènent des opérations en territoire pakistanais. La France participe-t-elle à leur côté aux opérations dans les zones tribales pakistanaises, sanctuaires d'Al Qaida ? Sommes-nous associés aux décisions qui conduisent à des frappes dans les zones frontalières ? Avons-nous des échanges diplomatiques avec le Pakistan sur ces questions ? Comment agissons-nous pour obtenir de ce pays une clarification de sa position ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Gérard Longuet, ministre. - Le déplacement à Kaboul d'il y a dix-huit mois, que nous devons au président du Sénat, m'a beaucoup appris. Je suis catégorique : l'armée française n'intervient au Pakistan ni directement ni indirectement. Nous ne sortons pas du mandat de la résolution 1386. Cependant, sur le plan diplomatique, nous recherchons des solutions aux conflits qui traversent le Pakistan et qui menacent tout le sous-continent. N'oublions pas que les dynasties mogholes qui ont occupé l'Inde sont venues d'Afghanistan...
M. Jean-Pierre Bel. - Une victoire militaire en Afghanistan est impossible, tout le monde en convient. Nous demandons un débat parlementaire sanctionné par un vote sur une stratégie qui ne peut aboutir. Nous demandons un calendrier de retrait progressif, planifié, concerté avec nos partenaires et les autorités afghanes.
M. Didier Boulaud. - Vous n'avez guère été convaincant en réponse à M. Gautier...
Le général français à la tête de nos troupes est convoqué tous les mois par le Pentagone à s'entretenir avec les journalistes américains. Tous les trimestres, le parlement canadien dispose d'un important rapport public sur l'engagement des forces. La critique de la presse est facile ; je rends plutôt hommage à nos deux journalistes otages en Afghanistan depuis 430 jours.
Aujourd'hui, la « Grande muette » est muette parce qu'elle en a instruction : nous vous demandons de libérer sa parole. Je vous demande de libérer les moyens d'information de l'armée.
Cinq hélicoptères Caracal ont été financés par le plan de relance, mais il semble que l'un d'eux soit destiné à l'exportation. Est-ce le moment, quand l'armée a le plus grand besoin de ces appareils en Afghanistan ?
M. Gérard Longuet, ministre. - Merci d'évoquer les deux journalistes de France3 ; l'armée française avait tout fait pour qu'ils puissent exercer leur métier, ils ont courageusement choisi d'aller au-delà et ils en sont aujourd'hui victimes : je rends hommage à tous les journalistes qui viennent sur le terrain pour comprendre et expliquer. Toutes les semaines, la direction de la communication du ministère tient un point de presse. L'armée fait son travail d'information.
Sur l'hélicoptère Caracal, s'il y a eu des perspectives d'exportation, il n'y en a plus. La priorité est aux Opex. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. le président. - Nous avons tous une pensée pour nos troupes et pour tous les otages retenus dans le monde.
Le débat est clos.
La séance est suspendue à midi vingt.
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
La séance reprend à 14 heures 30.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.
La commission des affaires étrangères et la commission de la culture proposent respectivement les candidatures de Mme Catherine Tasca et de M. Louis Duvernois pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Institut français, créé en application du décret du 30 décembre 2010.
Par ailleurs, la commission de la culture propose la candidature de Mme Claudine Lepage pour siéger au sein du conseil d'orientation stratégique de l'Institut français, créé en application du décret du 30 décembre 2010.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Garde à vue (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la garde à vue.
Discussion générale (Suite)
M. François Pillet. - Pour la première fois depuis la révision constitutionnelle de 2008, nous tirons les conséquences d'une question préalable de constitutionnalité : nous avons en effet été requis par le Conseil constitutionnel de définir, dans la garde à vue, un nouvel équilibre entre les droits de la défense et le respect des droits de la société. La clé de la réussite de cet équilibre réside dans des règles de procédure claires. Le calendrier est très serré et pose une question de fond : nous devons réformer la garde à vue avant la nécessaire refondation de notre code de procédure pénale.
En posant le principe de la présence d'un avocat, nous avons tourné une page de notre histoire pénale, mais nous devons nous assurer que nos concitoyens vont s'approprier cette réforme et les persuader qu'elle n'empêchera pas la réforme de passer.
Le renforcement de la présence de l'avocat fait désormais consensus. Selon le président de la République lui-même, en 2009, « il ne faut pas craindre la présence des avocats pendant la garde à vue ; les enquêteurs eux-mêmes ont tout à y gagner ».
La garde à vue fait pour la première fois l'objet d'une définition. Ses objectifs sont clairement définis. Elle n'est plus possible que pour les délits et crimes encourant une peine d'un an d'emprisonnement. Elle s'accompagne d'une série de garanties nouvelles. La présence de l'avocat modifie le principe qui permettait de se passer, dans la phase préalable, de toutes les garanties juridictionnelles.
L'avocat aura accès aux procès-verbaux d'audition et pourra assister le gardé à vue dès le départ ; il pourra même poser des questions au terme de l'audition. Ce système est légitime dès lors qu'il ne sera pas utilisé pour porter atteinte à la sérénité de l'enquête. La durée de deux heures avant audition vise à assurer l'égalité sur le territoire, en permettant à l'avocat de se rendre sur les lieux de la garde à vue. Il s'agit en fait de sécuriser le processus pour éviter toute contestation ultérieure.
Je rends hommage au travail des procureurs de la République, qui remplissent des tâches difficiles aux conséquences redoutables avec le plus grand dévouement. Nous devons, dans le respect de la jurisprudence nationale et européenne, trouver exactement leur place dans la procédure. Il y va du fonctionnement général de la justice. Nous soutenons leur intervention en début du processus, avec intervention du juge la plus rapide possible. Ceci ne contrevient en rien à la jurisprudence de la CEDH.
Je soutiens également le souhait du rapporteur de faire confiance à la déontologie des avocats.
Reste qu'il sera difficile à certains barreaux d'assurer l'application de cette loi.
Nous ne devons pas prendre le risque de donner un coup de frein à la lutte contre la délinquance. Ce serait un mauvais signal pour nos concitoyens, nos forces de l'ordre et une injustice pour les victimes.
Nous sommes face à une réforme très attendue, mais techniquement complexe ; l'équilibre auquel nous sommes parvenus, grâce à la qualité du travail de notre rapporteur, convient au groupe UMP : nous voterons ce texte avec satisfaction. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Yves Détraigne. - C'est la quatrième fois depuis un an que nous nous penchons sur la question de la garde à vue : le sujet n'est donc pas nouveau pour nous ni pour notre rapporteur.
La réforme était devenue plus que souhaitable, indispensable : la décision du Conseil constitutionnel d'octobre 2010 nous forçait à agir. La Cour de cassation comme le CEDH avaient déjà relevé les insuffisances de notre système.
Cette réforme doit être l'occasion de remédier aux dérives de la garde à vue. Leur nombre atteint aujourd'hui des records : près de 800 000, soit plus d'un doublement en une décennie. Il faut en faire une utilisation plus rigoureuse, et en exclure l'usage pour les simples contraventions.
Il faudra une raison plausible de soupçonner un crime ou délit passible d'une peine d'emprisonnement. Sur le délai, il y a eu débat. Notre rapporteur a rappelé un principe fondamental : la garde à vue ouvre des droits, augmenter le quantum de peine risquerait de multiplier les cas de comparution libre, sans les droits assortis à la garde à vue.
Les incohérences dans l'échelle des peines mériteraient d'être levées, pour que le quantum soit réellement pertinent.
L'Assemblée nationale a supprimé l'audition libre, qui ne présentait pas les garanties requises : nous l'approuvons. Répondant aux critiques du Contrôleur général, elle a prévu la possibilité au gardé à vue de conserver des effets personnels : ceci contribuera à un meilleur respect de la dignité du gardé à vue. L'Assemblée nationale a également institué un délai de carence de deux heures avant audition.
À titre personnel, j'attire l'attention sur le fait que ceci risque parfois de nuire à l'efficacité de l'enquête, s'agissant de délinquants débutants, qui n'hésitaient pas à reconnaître d'emblée les faits. Deux heures de réflexion peuvent retarder la manifestation de la vérité...
Les avocats auront un défi important à relever pour assurer l'assistance sur tout le territoire. Le risque d'une discrimination entre villes et campagnes existe ; le rôle des barreaux sera déterminant. Entre un commissariat des Hauts-de-Seine et une brigade de gendarmerie de montagne, la différence est sensible. Cependant, une centralisation aurait des effets pervers : on créerait des catégories de brigades, les unes de plein exercice, les autres non.
Conserver notre maillage territorial supposera des moyens : je souhaite, monsieur le ministre, qu'ils soient effectivement budgétés.
Je crains qu'avec la prochaine réforme sur les jurés populaires en correctionnelle, qui n'est pas réclamée par grand monde, on recule encore la grande réforme de notre procédure pénale, pour continuer de modifier par petites touches notre droit pénal : ce n'est pas la meilleure méthode...
Cela étant, cette réforme est bienvenue : le groupe de l'Union centriste votera ce texte sur lequel notre commission a fait un excellent travail. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Virginie Klès. - Je ne partage pas l'optimisme de mes collègues.
Que d'efforts pour ce petit pas ! Vous n'agissez que le dos au mur, après être restés sourds et aveugles aux demandes de l'opposition comme à celles des professionnels ou de votre majorité !
Oui, mille fois oui, ce texte était nécessaire ; oui, mille fois oui, les officiers de police judiciaire, tous les intervenants, sont d'accord pour travailler mieux ensemble ; oui, mille fois oui, les principes énoncés dans ce texte sont indispensables, mais seront-ils efficaces, applicables et appliqués ? Le droit au silence, l'interdiction de condamner sur de simples aveux, certainement, mais pour le reste, j'en doute.
Votre façon de gouverner dans l'immédiateté, au rythme des échéances électorales et des faits divers, avec des réformes accomplies le dos au mur n'est pas celle d'une saine politique, surtout quand on touche aux fondements démocratiques de notre société. Le Gouvernement et le président de la République ont le don de transformer tout ce qui pourrait devenir de grandes réformes en petits textes minimalistes !
Comme M. Mézard, j'estime que les OPJ ne sont pas les responsables de votre politique pénale : l'abus de garde à vue est l'effet de votre politique. Si le nombre d'OPJ a augmenté, c'est qu'on a diminué leur niveau de qualification !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Ne dites pas cela aux gendarmes !
M. Alain Gournac. - Ils font un travail formidable !
Mme Virginie Klès. - Les gendarmes, oui, mais la garde à vue, moment essentiel pour la manifestation de la vérité, exige une formation poussée ! Si vous vous attachiez à la qualité plutôt qu'aux chiffres, nous n'en serions pas là. Aux chiffres, je préfère la dignité ! Pour cela, il faut augmenter les moyens, rénover les locaux, financer l'aide juridictionnelle. Si les moyens ne sont pas là, l'égalité ne sera pas assurée. Savez-vous ce que recevra un avocat pour aller de Rennes à Redon à deux heures du matin ? Soixante et onze euros !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Ce n'est pas fixé !
Mme Virginie Klès. - C'est le chiffre annoncé !
La Grande-Bretagne consacre 3 milliards d'euros à l'aide juridictionnelle, la France dix fois moins ! Sans moyens, les beaux principes de ce texte resteront lettre morte. Avant de voter, nous serons très attentifs au sort réservé à nos amendements et aux moyens consacrés à la réforme, mais je suis assez pessimiste. (Applaudissements à gauche)
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Ce texte arrive bien tard. Cela fait des années que la CEDH rappelle le respect des droits des personnes gardées à vue. L'arrêt Murray de 1996 aurait dû nous faire réagir. La Cour de Strasbourg a défini précisément, depuis, les principes applicables à la garde à vue. J'en ai tiré les conséquences en déposant une proposition de loi en 2009, restée dans les limbes. Il a fallu la décision du Conseil constitutionnel pour vous faire réagir, après plusieurs condamnations de la France par la CEDH.
La présence de l'avocat marque certes un progrès, mais que d'insuffisances : modalités de placement, contrôle, déroulement...
Première insuffisance : l'intervention du parquet, anomalie procédurale que vous reconduisez ici. Le jugement de la CEDH, dans l'arrêt Moulin, est pourtant clair.
Il est vrai que sur cette question, le Conseil constitutionnel s'est montré frileux : vous vous être engouffré dans la brèche, malgré les arrêts Medvedyev de la CEDH.
Sans une réforme du statut du parquet, on voit mal comment ce texte nous mettrait en conformité avec les exigences de la Cour, qui estime que les magistrats du parquet ne sont pas des autorités judiciaires indépendantes.
Les sénateurs Verts présenteront une série d'amendements tirant les conséquences de cette jurisprudence. Le contrôle et le renouvellement de la garde à vue doivent être confiés au juge judiciaire : c'est au juge des libertés et de la détention que devrait en revenir la responsabilité.
Pourquoi vous attirer les foudres du Conseil de l'Europe, des magistrats, des universitaires par votre entêtement ?
Le seuil de déclenchement que vous retenez n'est pas non plus le bon : il ne permettra pas de diminuer le nombre de gardes à vue. Les sénateurs Verts entendent écarter le placement en garde à vue pour des infractions mineures, en retenant un seuil de trois ans.
Quant à l'intervention de l'avocat, le temps qui lui est imparti est insuffisant. On ne peut prendre connaissance des faits et des pièces en trente minutes. Cela porte atteinte aux droits de la défense. Nous avons déposé un amendement pour augmenter la durée d'entretien.
Ce texte dissimule son manque d'ambition derrière des dispositions incomplètes qui resteront inefficaces ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La discussion générale est close.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Merci de votre participation active à cette discussion générale. Beaucoup ont souligné les avancées qu'il marque dans la protection des libertés fondamentales, d'autres se sont montrés plus critiques, parfois de façon excessive.
Mme Cohen-Seat, MM. Anziani et Mézard et Mme Boumediene-Thiery nous reprochent d'agir trop tard et trop peu ; ils regrettent notamment l'absence d'une réforme d'ensemble du code de procédure pénale. Un travail important a été mené par un groupe de travail composé d'universitaires et de parlementaires de la majorité et de l'opposition.
M. Jean-Pierre Michel. - Ils ont eu tort !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Ils ont eu raison : la réforme du code de procédure pénale concerne tous les Français !
Si nous commençons par la garde à vue, c'est pour des raisons de calendrier : nous sommes tenus de légiférer sur la garde à vue avant la fin du mois de juillet ! Mais je ne verrais que des avantages à publier les conclusions du groupe de travail.
Le Gouvernement n'a pas attendu les dernières décisions du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation ou de la Cour de Strasbourg pour réfléchir à la question : la loi de 2007 en témoigne.
Mme Boumediene-Thiery sait fort bien que ces questions très complexes exigent un temps de réflexion. Ce n'est que quatre ans après le premier arrêt de la Cour de Strasbourg, qu'un premier texte était présenté par Mme Lebranchu en 2000 sur la présomption d'innocence, sans rien changer à l'absence d'avocat dans les 48 heures de garde à vue en matière de terrorisme ; quant à la loi du 4 mai 2002, elle facilitait le placement en garde à vue ! Il ne s'agit pas de critiquer mes prédécesseurs, mais montrer la complexité des problèmes.
Les récentes décisions ne mettent pas le Gouvernement dos au mur, mais permettent de clarifier les exigences conventionnelles et constitutionnelles. Nous avons intégré dans ce texte l'ensemble des décisions du Conseil constitutionnel, de la Cour de Strasbourg, comme de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Plusieurs orateurs ont estimé que le projet de loi n'était pas conforme à la jurisprudence de la CEDH. Je m'en suis expliqué dans mon propos liminaire : la France n'a jamais été spécifiquement condamnée pour une garde à vue réalisée sous le contrôle du parquet. Je ne veux pas dire par là qu'il n'y a pas de problème. Oui, le procureur n'est pas une autorité judiciaire au sens de la Cour.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il n'est pas indépendant.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Nous sommes d'accord, mais ce n'est pas le sujet ! L'exigence conventionnelle, c'est qu'un juge judiciaire soit saisi dans un délai de 48 heures ; le sujet, c'est le contrôle de la garde à vue pendant les premières 48 heures.
La France a choisi, et nous devrions en être fiers, de faire contrôler les premières heures de garde à vue par un magistrat.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Et la Constitution ? Le Conseil constitutionnel a jugé !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le Conseil constitutionnel, en juillet dernier, a rappelé que nul ne peut être arbitrairement détenu -c'est notre habeas corpus- et que l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, est composée de magistrats du siège et du parquet. C'est parfaitement clair.
En Grande-Bretagne, le contrôle de la garde à vue, qui peut aller jusqu'à 26 jours, est entièrement entre les mains de l'officier de police judiciaire : notre système est plus protecteur. Notre Constitution nous oblige à introduire les obligations de la Convention européenne des droits de l'homme alors que le parlement de Westminster a rappelé il y a quelques jours la souveraineté de la Chambre des communes sur la Cour de Strasbourg. Il y a beau temps que la chose n'a plus cours chez nous, sous l'influence, peut-être, de M. Carré de Malberg, qui fut juge à Strasbourg, et qui a considéré que le parlementarisme absolu est dépassé.
Avec notre double garantie, conventionnelle et constitutionnelle, nous avons donc un droit très protecteur, même si rien n'est parfait.
Nous équilibrons mieux les exigences de la recherche de la vérité, et celles de protection des libertés fondamentales. Je tiens à rendre hommage aux policiers et aux gendarmes qui vont devoir consentir un effort avec la présence de l'avocat dès la première minute. La question des moyens est posée ; les négociations n'ont pas pu être conduites avant la rédaction de la loi. Je suis opposé à tout regroupement des gardés à vue, car je veux que toutes les brigades de gendarmerie soient de plein exercice. (Mme Nathalie Goulet s'en réjouit) Je suis ouvert à toute modification technique, pour garantir le libre choix de l'avocat. Je suis bien conscient des difficultés pratiques.
Nous devons effectivement indemniser correctement les avocats, tout en respectant nos contraintes budgétaires.
Enfin, sur le délai de carence, je défendrai une durée d'une heure, dans l'intérêt de l'enquête : vous trancherez.
Ce texte représente une véritable avancée, et vous l'avez tous reconnu ce dont je me félicite car cette réforme doit être appropriée par le plus grand nombre de Français. Nous devons passer d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve, en apportant de nouveaux droits et en préservant la dignité des gardés à vue : c'est un renouveau de notre procédure pénale ! (Applaudissements au centre et à droite)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
M. le président. - Je rappelle que la commission de la culture et la commission des affaires étrangères ont proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame Mme Catherine Tasca et M. Louis Duvernois en tant que membres du conseil d'administration de l'Institut français, créé en application de l'article 6 du décret n°2010-1695 du 30 décembre 2010, et Mme Claudine Lepage en tant que membre du conseil d'orientation stratégique de l'Institut français, créé en application de l'article 5 du décret n°2010-1695 du 30 décembre 2010.
CMP (Candidatures)
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats aux éventuelles commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs au Défenseur des droits.
Cette liste a été affichée conformément à l'article 12, alinéa 4 du Règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.
Garde à vue (Suite)
M. le président. - Nous reprenons l'examen du projet de loi relatif à la garde à vue.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°65, présentée par M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la garde à vue (n° 316, 2010-2011).
M. Jean-Pierre Michel. - Le Gouvernement a le dos au mur, avec le délai limite fixé par le Conseil constitutionnel au 1er juillet prochain : il aurait pu agir depuis 2007 ; en dépit de nos nombreux avertissements, il ne l'a pas fait. Le président de notre commission des lois lui-même a fait savoir qu'il envisageait le dépôt d'une proposition de loi. Votre prédécesseur, hautain, nous a renvoyés à nos chères études. Cependant, vous finassez, en particulier sur le rôle du parquet, où la jurisprudence européenne ne dit pas ce que vous dites.
Vous réformez donc dans l'urgence un morceau du code de procédure pénale. Quant aux moyens, vous expliquez que les discussions commencent.
Notre législation est en retrait : l'étude de législation comparée du Sénat l'a démontré. C'est bien pourquoi la France a été condamnée à plusieurs reprises : nous considérons que cela est grave, nous ne sommes pas à Westminster. Si la France a attendu 25 ans pour ratifier la Convention européenne des droits de l'homme et si elle n'a accepté les recours qu'en 1981 -merci M. Badinter- c'est en raison de la garde à vue même.
L'audition libre, abandonnée par l'Assemblée nationale, est réapparue à l'article 11 bis, sans aucune garantie : on risque de dériver vers un régime alternatif à la garde à vue. Nous vous proposerons des amendements pour rétablir les droits de la défense, que notre commission a repoussés : gare à la censure du Conseil constitutionnel.
Les régimes dérogatoires, vous n'y touchez pas, et prétendez même -ce qui est faux- que le Conseil constitutionnel les aurait validés alors qu'il ne s'est pas prononcé sur le fond ! La France continuera d'être condamnée à Strasbourg.
Ce texte confie au procureur, autorité de poursuite, le soin de prolonger la garde à vue : c'est confondre les rôles, contre la jurisprudence même, qui exige une indépendance de celui qui décide la prolongation de la garde à vue. Par deux fois, en 2008 et en 2010, la Cour de cassation a pris le soin de rappeler que le parquetier n'est pas impartial : il ne peut donc contrôler, dès lors que les libertés individuelles sont en jeu. La Cour européenne dit la même chose. On le sait depuis longtemps, une réforme constitutionnelle est indispensable pour repenser l'article 65 relatif au CSM. Elle fut tentée, déjà sous M. Chirac, à la suite des travaux de la commission Truche, mais jamais soumise au Congrès, pour des raisons politiques. Il faut y revenir.
Vous êtes restés sourds, alors que nous vous disions que le couperet allait tomber : la guillotine est là, pour juillet !
Vous vous y êtes donc mal pris, mais nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ! En attendant la réforme du code de procédure pénale, nous proposerons de substituer le juge des libertés et de la détention au procureur pour toute décision de placement et de prolongement de la garde à vue. C'est la moins mauvaise solution, car il est déjà surchargé et va devoir désormais contrôler les hospitalisations d'office et à la demande d'un tiers, ce qui représente trois à quatre visites par semaine à Vesoul par exemple.
J'espère, mes chers collègues, que vous aurez la sagesse de ne pas suivre notre rapporteur qui a été bien peu sage cette fois.
Qu'arrivera-t-il, monsieur le ministre, si le Conseil constitutionnel, en juin, censure ce point central du rôle du procureur ? Tout votre texte tombera !
Ce n'est pas ce que nous voulons. Adoptez cette motion, que nous allions à Versailles voter la réforme en panne avant de revenir débattre d'un projet en urgence ! (Applaudissements à gauche)
M. François Zocchetto, rapporteur. - Je vous ai bien écouté, mais je suis déçu. Je n'ai pas le sentiment que le Gouvernement se trouve le dos au mur. Pas le Parlement en tout cas qui s'est penché sur le sujet depuis longtemps : je crois plutôt que c'est l'opposition qui a le dos au mur, car elle ne saurait s'opposer aux avancées de ce texte ! Nous voudrions aussi aller plus loin dans la réforme de la procédure pénale, mais il y a des impératifs de calendrier.
Vous évoquez des arguments spécieux et erronés. L'audition libre resurgit à l'article 11 bis ? Relisez le texte : la personne est libre de quitter les lieux, elle ne fait l'objet d'aucune mesure de contrainte.
Les régimes dérogatoires, ensuite, sont modifiés, par rapport au texte initial, ce qui les rend compatibles avec la jurisprudence de Strasbourg.
Le procureur de la République n'est pas un juge parce qu'il est une autorité de poursuite ? Nous en convenons, mais ce n'est pas le sujet ! Ce dont nous parlons, c'est de faire intervenir le représentant du parquet aux premières heures de la garde à vue : la Cour de Strasbourg ne s'y oppose pas ! Elle demande une présentation « rapide » devant un juge : en France, ce sera après 48 heures, c'est deux fois plus court que le délai qu'admet implicitement la Cour !
Vous dites qu'un magistrat qui n'est pas juge ne saurait exercer le contrôle de la garde à vue : c'est votre opinion, mais pas ce que dit notre Constitution et je suis sûr que le Conseil constitutionnel ne trouvera rien à redire à notre texte.
Avis défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Excellente démonstration ! Je ne vois effectivement nul motif d'inconstitutionnalité.
Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes : certes, il faut aussi balayer devant sa porte. Personne ne dit que le procureur est une autorité judiciaire au sens du paragraphe 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. Nous nous référons à notre Constitution tandis que la jurisprudence européenne a fini par assimiler juge et magistrat. Nous proposons un contrôle dès 48 heures : c'est un plus.
La motion n°65 n'est pas adoptée.
Question préalable
M. le président. - Motion n°1, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la garde à vue (n° 316, 2010-2011).
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Le Gouvernement sommé de revoir notre régime de garde à vue avant le 1er juillet, s'y est résolu tardivement, tout en feignant de ne pas entendre les exigences jurisprudentielles européennes -et d'abord celle de ne voir intervenir qu'un juge indépendant. Or, le procureur n'est pas indépendant. Vous tenterez de nous convaincre que la Cour de Strasbourg n'exige pas ce juge pendant les 48 premières heures, et que « aussitôt » n'est pas synonyme de « sur le champ ».
Certes, la Cour de Strasbourg admet des dérogations, dans certaines circonstances mais son exigence quant à l'intervention d'un juge est constante. Vous escamotez cette exigence : le professionnalisme des procureurs ne vaut pas indépendance. Seule une modification de statut, avec avis conforme du CSM, et la dissolution du lien hiérarchique avec la Chancellerie, garantiraient l'indépendance. Mieux vaudrait cependant confier le contrôle de la garde à vue aux magistrats du siège, en laissant au procureur la charge des poursuites et une évolution de carrière s'apparentant davantage à la carrière préfectorale. (M. Michel Mercier, garde des sceaux, s'amuse)
La question des moyens se pose évidemment : l'aide juridictionnelle en manque déjà ; votre réforme va lui en réclamer davantage ! Il faudra encore régler bien des questions d'organisation. Enfin, la dignité des gardés à vue ne saurait être respectée en l'état actuel des locaux : le comité de l'ONU contre la torture de même que le comité européen pour la prévention de la torture ont dénoncé les conditions actuelles de nos gardes à vue !
M. François Zocchetto, rapporteur. - Il est bien audacieux de prétendre qu'il n'y a pas lieu de délibérer !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - C'est paradoxal !
M. François Zocchetto, rapporteur. - Effectivement, surtout pour qui prétend que le Gouvernement a le dos au mur !
Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il fixé une date butoir au 1er juillet 2011 ? D'abord parce qu'une application immédiate aurait créé une insécurité juridique. L'étude d'impact a évalué les moyens nécessaires entre 45 millions et 65 millions. J'attire l'attention du Gouvernement sur le fait que nos amendements obligeront à augmenter un peu cette enveloppe.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - J'ai un immense respect pour les acteurs du service public de la justice, avocats, greffiers, juges, auxiliaires. Vos attaques répétées contre le parquet ne sont pas heureuses : le procureur n'a jamais prétendu être juge, il sait qu'il est un magistrat, c'est-à-dire qu'il veille au respect des libertés individuelles.
C'est pourquoi nous le faisons intervenir dans un bref délai au cours de la garde à vue. S'il n'intervenait pas, il n'y aurait que la police. Avis défavorable.
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°66, présentée par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la garde à vue (n° 316, 2010-2011).
M. Robert Badinter. - Personne ne conteste les avancées, ni le rôle important qu'ont joué notre commission et notre rapporteur, en particulier pour la défense de la dignité des gardés à vue : c'est très important.
Nos locaux de garde à vue ne sont pas dignes d'une grande démocratie comme la nôtre : il y a encore beaucoup de chemin à faire. Il n'y a rien de plus humiliant que de se l'entendre rappeler par des organisations internationales objectives.
Notre demande est modeste : votre copie est faite, mais encore à parfaire pour mieux prendre en compte la jurisprudence européenne.
Le droit à l'assistance de l'avocat est un progrès considérable, que nous réclamions depuis longtemps. La visite de politesse ne suffisait pas, évidemment. Cependant, on doit s'interroger sur l'étendue de la présence de l'avocat et sur les moyens que vous lui accordez.
En ce qui concerne l'étendue de l'assistance, vous méconnaissez la portée de la jurisprudence de la CEDH : la limitation que vous mettez à l'assistance de l'avocat contredit l'arrêt Salduz. Pour que soit respecté le droit à un procès équitable, l'accès à l'avocat doit être accordé à tout suspect s'il le demande : c'est ce droit, si simple, que vous ne consacrez pas ici. Il faut donc aller plus loin que se contenter de prévoir la présence d'un avocat pour la seule garde à vue.
Et puis, paradoxe inouï, le ministère public, partie poursuivante, aurait le droit de différer la présence de l'avocat. Encore une preuve de votre méfiance vis-à-vis des exigences du procès équitable.
En ce qui concerne le contrôle de la garde à vue, la vraie question est la suivante : au-delà de l'article 66 de notre Constitution, la Cour européenne des droits de l'homme a dit que les magistrats du parquet ne répondaient aux qualités requises pour faire partie de l'autorité judiciaire. Ce n'est pas faire offense aux magistrats du parquet que de constater que notre Constitution, en l'état, ne leur donne pas les garanties d'indépendance qui doivent être celles de tout magistrat. Leur carrière dépend de l'exécutif. Le nombre de parquetiers nommés contre l'avis du CSM ne se compte plus...
Le profond malaise qui règne au sein de la magistrature dont, malgré ma longue carrière, je n'ai pas d'autre exemple, trouve sa source dans le fait que l'exécutif ne veut pas desserrer son emprise sur la carrière des magistrats du parquet, pour conserver sa possibilité d'action sur les quelques affaires qui l'intéressent. L'actualité judiciaire est là pour nous en convaincre. Pierre Truche l'avait déjà dit : sans avis conforme du CSM sur le déroulement de la carrière des magistrats, le malaise demeurera.
L'impartialité est surtout affaire de conviction : il faut que les citoyens soient convaincus que la justice a été rendue de manière objective. Et c'est le parquet qui déciderait de l'étendue des droits de la défense ? Comment, après cela, parler de procès équitable ? C'est un magistrat du siège qui doit poser ces restrictions, c'est une évidence ! Imaginez le tableau sur le pré, l'un des duellistes déclarant : « A moi la Kalachnikov, à vous l'escopette ! ». Le procès équitable commande l'égalité des armes.
Le Gouvernement, ces cinq dernières années, a été, à la du Barry, attentiste : « Encore un moment » n'a-t-il cessé de supplier. Patience ! Attendez le grand débat ! Attendez la grande réforme ! La commission Léger !
Je me réjouis des conséquences heureuses de la question prioritaire de constitutionnalité. L'exception d'inconstitutionnalité eût-elle été votée ici en 1989, voilà quinze ans que la question de la garde à vue eût été réglée à la satisfaction générale ! Pour l'heure, monsieur le ministre, il vous faut reprendre votre copie. (Applaudissements à gauche)
M. François Zocchetto, rapporteur. - C'est la quatrième fois en moins d'un an que le Sénat débat de la question de la garde à vue. Nous avons mené une réflexion approfondie. Notre travail semble abouti. Il est temps d'avancer, sans renvoyer encore ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est un peu court !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Les progrès du droit sont une longue marche. On peut tous se réjouir de la nouvelle exception d'inconstitutionnalité, que nous aurions vous et moi votée en 1989, monsieur Badinter, si nous avions été sénateurs.
L'avis conforme du CSM pour les magistrats du siège ne date que de 1993. Et nous avons désormais un avis pour les magistrats du parquet. Il ne m'est pas arrivé à ce jour de passer outre. La réforme du CSM, qui lui donne plus d'indépendance, donnera plus de poids à ses avis. L'exécutif sera amené à en tenir compte.
Certes, on n'atteint pas ici la perfection, mais ce texte bâtit un équilibre nouveau entre exigences de liberté et de sûreté. La force probante de l'enquête sera renforcée par la présence de l'avocat. N'opposons pas OPJ et avocats.
La jurisprudence de la Cour de Strasbourg vise à étendre le principe du droit à un procès équitable à l'ensemble de la procédure qui conduit au procès : est-ce bien la volonté des signataires de la Convention ? Dès lors, pourquoi auraient-ils distingué entre les mesures de l'article 5 et celles de l'article 6 ?
Voyez les conclusions de M. Marc Robert devant la chambre criminelle de la Cour de cassation : ses arguments parlent pour moi.
La motion n°66 n'est pas adoptée.
Discussion des articles
Article premier A
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cet article, issu d'un amendement du Gouvernement, prévoit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites hors la présence de l'avocat. Les modifications adoptées par notre commission rendent le texte plus conforme aux exigences de la Cour de Strasbourg, mais ne vont pas assez loin : il eût fallu écarter totalement l'usage de déclarations ainsi obtenues. Ceci ne répond ni aux exigences de la Cour, ni à l'intérêt du justiciable. Certains avocats craignent que cet article ne soit utilisé pour éviter des nullités de procédure
J'ajoute que l'arrêt Salduz contre Turquie stipule qu'il « est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat, sont utilisées pour fonder une condamnation ».
M. le président. - Amendement n°67, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Toute personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être interrogée, au cours de l'enquête, sans avoir eu la possibilité, si elle en fait la demande, de s'entretenir avec un avocat ou d'être assistée par lui dans les conditions fixées par le présent code.
M. Alain Anziani. - Nous nous félicitons que ce texte consacre la présence de l'avocat en garde à vue mais quid dans les autres cas ? Quels sont alors les droits des personnes ? La Cour de Strasbourg relie la présence de l'avocat non à la coercition, mais au soupçon : tout suspect a droit à l'assistance d'un avocat. C'est un principe que nous proposons d'inscrire ici.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Étendre ainsi l'intervention de l'avocat est une idée séduisante, mais pas réaliste.
Elle ouvrirait un droit à l'assistance même quand une personne fait librement une déclaration. C'est aller au-delà des exigences conventionnelles. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il s'agit de prévoir des garanties au régime de la garde à vue, qui est un régime de coercition. Ne mélangeons pas tout. Défavorable.
M. Alain Anziani. - Encore une fois, je vous rappelle à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg : la présence de l'avocat est exigée non par la coercition, mais par le soupçon.
M. Jacques Mézard. - En tout état de cause, on y arrivera un jour. Quand il n'y a pas de risque d'emprisonnement, il n'y aurait donc pas de garantie ? Cela est contraire aux règles de notre procédure pénale. Quand on va faire une déclaration volontaire au commissariat ou à la gendarmerie, ce n'est pas pour parler de la pluie et du beau temps ! Une fois de plus vous essayez de gagner du temps. Mais ce n'est pas raisonnable.
M. Robert Badinter. - La question est celle du procès équitable. Une chose sont les garanties reconnues au gardé à vue, autre chose est le fait que l'équilibre doit régner dans le procès pénal. C'est pourquoi l'accès à un avocat doit être possible dès le premier interrogatoire du suspect et non seulement s'il est placé en garde à vue. Veut-on ou non d'un procès équitable ? À cet instant, monsieur le garde des sceaux, il est clair que vous ne le voulez pas.
L'amendement n°67 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
En matière criminelle et correctionnelle, il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On peut en effet douter de la bonne volonté du Gouvernement. Il ne suffit pas d'afficher un objectif : il faut le garantir. Le moyen ? Reprendre la lettre de la jurisprudence européenne.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Vial et J. Gautier et Mme Mélot.
Alinéa 2
Supprimer le mot :
seul
M. Jacques Gautier. - Le mot « seul » est source de difficultés. Les positions de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de cassation en justifient la suppression.
M. le président. - Amendement n°68, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui
par les mots :
été informée de son droit de ne pas s'auto incriminer et de son droit de s'entretenir avec un avocat
M. Alain Anziani. - La personne retenue a le droit de ne pas s'incriminer. Tous ceux qui ont l'expérience de ces choses le savent, la garde à vue est un moment de grande angoisse. « Je suis innocent, donc je n'ai pas besoin d'avocat » : voilà la réaction la plus courante. C'est du contraire qu'il faut convaincre. L'assistance est un droit.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Les amendements nos14 et 2 ont les mêmes effets et appellent les mêmes observations. L'article premier A admet que des déclarations faites hors présence d'un avocat peuvent être utilisées si elles sont corroborées par d'autres preuves. Ce que contestent les auteurs des amendements, arguant de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Mais dans l'arrêt Yoldas contre Turquie la Cour en juge autrement. Quant à la Cour de cassation, elle ne s'est pas prononcée sur la situation où les éléments recueillis au cours de la garde à vue auraient été étayés par d'autres preuves.
La suppression du mot « seul », monsieur Gautier, serait une source considérable de nullités.
L'article premier A est une avancée substantielle au regard du droit en vigueur, notamment pour les cas où, en application de l'article 7, le procureur aura différé l'intervention de l'avocat. J'ajoute que nous avons rendu les conditions de l'entretien et de l'assistance cumulatives. Défavorable aux deux amendements nos14 et 2 rectifié.
Quant à l'amendement n°68, il est en retrait sur la rédaction actuelle. Et sa rédaction quelque peu anglo-saxonne n'est guère opportune. Défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Nous avons eu un long débat à l'Assemblée nationale, qui nous a conduits à reprendre les termes de la Cour dans l'arrêt Salduz. La commission des lois du Sénat va plus loin, en prévoyant que la personne aura dû être réellement assistée par son conseil. Nous la suivons et c'est pourquoi j'estime que l'amendement n°68 est largement satisfait. On ne rédige pas ici un arrêt, madame Borvo, mais la loi : votre amendement n°14 n'a pas lieu d'être. Je souhaite le retrait de l'amendement n°2 rectifié.
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
M. Jean-Pierre Michel. - Je pense que la rédaction évoluera encore... La jurisprudence rappelle d'abord que la personne a le droit de se taire, puis qu'elle a droit à une assistance. Vous confondez les deux notions : je préfère la rédaction de M. Anziani.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En quoi la rédaction de la Cour ne pourrait-elle être reprise dans la loi ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Elle n'est pas opératoire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Elle est au contraire beaucoup moins ambiguë. Mais il est vrai que c'est dans l'ambigüité que vous voulez rester. (M. Jean-Pierre Michel approuve) Vous savez que ce point est déterminant pour toute la suite de la procédure.
L'amendement n°14 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°68.
L'article premier A est adopté.
Article premier
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En confiant le contrôle de la garde à vue au procureur de la République, vous faites ici la preuve de votre obstination, après avoir ouvert une perspective en trompe-l'oeil pour la définition de la garde à vue. L'application de la théorie des apparences permettra de passer outre la question de la peine encourue. La maîtrise du nombre de gardes à vue est loin d'être acquise et les libertés individuelles n'en sortent pas renforcées.
Devant la Conférence des bâtonniers, le 28 janvier, vous avez tenté de convaincre cette assemblée experte que votre texte était conforme à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg et de la Cour de cassation. Tel n'est pas le cas, quoi que vous en disiez. Le contrôle de la garde à vue doit clairement être confié à un juge du siège et non au procureur de la République, partie au procès.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 3
Après le mot :
contrainte
Insérer le mot :
exceptionnelle
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On recourt abusivement à la garde à vue : les chiffres en témoignent. C'est la conséquence d'une politique du chiffre qui l'a banalisée. Les syndicats de la police le disent eux-mêmes.
M. François Zocchetto, rapporteur. - L'amendement n'apporte par grand-chose. Où est sa valeur normative ? Le texte est très précis : la garde à vue doit constituer « l'unique » moyen de parvenir à l'un des six objectifs poursuivis. C'est clair.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - On définit ici pour la première fois la garde à vue. Ajouter le mot « exceptionnel » ne sert à rien. Nous souhaitons tous voir se réduire le nombre de gardes à vue. Je m'en remets davantage, pour cela, à une juste définition qu'aux adjectifs.
L'amendement n°15 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°104 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
de l'autorité judiciaire
par les mots :
du juge des libertés et de la détention
M. Jacques Mézard. - Pour la CEDH, la notion autonome de magistrat au sens de la Convention est garantie par l'impartialité et l'indépendance à l'égard de l'exécutif. L'autorité judiciaire française ne répond pas à ces critères, comme l'a rappelé l'arrêt France contre Moulin. Le parquet, autorité judiciaire, est soumis à la Chancellerie. Selon l'arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2010, le ministère public, partie poursuivante, n'est pas une autorité judiciaire au sens de l'article 5 de la Convention.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Lisez la suite de l'arrêt !
M. Jacques Mézard. - Il faut sortir de l'ambiguïté.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Deux conceptions nous opposent sur le contrôle du début de la garde à vue ; après 48 heures, le problème est réglé. Qui doit contrôler les premières heures : la police, un magistrat du parquet, ou un juge ? Dans de nombreux pays, c'est la police ; en France, c'est un magistrat, dès la première minute : nous ne pouvons que nous en réjouir. La jurisprudence n'exige pas l'intervention d'un juge.
Défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je suis sûr que M. Mézard est presque convaincu ; tout est question d'interprétation : actus intelligendi sunt potius ut valeant quam ut pereant. (Sourires entendus)
Actuellement, la garde à vue est placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire : c'est le cas, dès la première minute, puisque le magistrat du parquet appartient à cette autorité.
Le procureur ne prétend pas être une autorité judiciaire indépendante au sens de la Convention européenne. Nous respectons la jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la Cour de Strasbourg, tout comme les décisions du Conseil constitutionnel.
Le parquet manquerait d'indépendance ? Il serait soumis ? Je suis peut-être naïf, voire benêt, mais je n'ai pas encore vu un procureur qui m'obéisse, je ne leur ai jamais rien demandé, sinon d'appliquer la loi ! Les procureurs obéissent à la loi, pas au ministre. C'est bien pourquoi je les défends toujours lorsqu'ils sont attaqués. (Exclamations à gauche)
M. Robert Badinter. - Vous les défendrez quand ils seront attaqués !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Ni M. Badinter ni moi ne sommes -hélas- des perdreaux de l'année (sourires) : nous avons assumé nos responsabilités, et nous savons ce qu'il en est depuis longtemps. Je suis sûr que M. Mézard va retirer son amendement ; sinon, avis défavorable.
M. Jean-Pierre Michel. - Vos efforts sont louables, mais même l'amendement de M. Mézard est insuffisant. Cet article est ambigu, qui utilise la terminologie d'autorité judiciaire. Il faut prévoir le contrôle du juge dès le début ! Le texte prévoit que le procureur « appréciera » si la garde à vue est justifiée et s'il faut la poursuivre : n'est-ce pas juger ? Émile Garçon disait que la garde à vue est la prise de corps par la police : ensuite, c'est au juge de décider. Vous pouvez triturer la jurisprudence, mais tout le reste n'est que littérature !
M. Jean-Pierre Sueur. - Excellent !
M. Jacques Mézard. - Mon amendement est en fait assez centriste, monsieur le ministre ; (sourires) je m'étonne que vous n'y souscriviez pas.
Vous n'êtes pas un perdreau de l'année ? Je ne suis pas un pigeon non plus ! (Sourires)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ça vole haut !
M. Jacques Mézard. - Je sais que le problème est de fond.
Vous voulez continuer à donner à la partie poursuivante -le procureur- un avantage ; nous voulons un procès équitable. Bien sûr, l'immense majorité des parquetiers sont indépendants, ils font leur travail dans des conditions difficiles, et si vous convenez ne pas avoir -encore- donné d'instruction, vous avez dit l'inverse en prenant vos fonctions ! Et quand vous dites qu'il n'y a pas d'instructions pour les dossiers sensibles, vous ne convainquez personne !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je partage le point de vue de M. Michel, mais je voterai l'amendement de M. Mézard.
Vous entretenez à dessein la confusion, mais nous ne sommes pas dupes ! La notion d'autorité judiciaire comprend effectivement le parquet, nous le savons bien. Ce que nous critiquons, c'est que l'enquête et le contrôle de la garde à vue soient dans les mêmes mains !
En pratique, l'officier de police judiciaire obtient l'accord de garder à vue sans contrôle réel du procureur ; c'est bien ce que nous reprochons à votre procédure !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Effectivement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous comprenons donc bien les choses, c'est vous qui interprétez différemment les règles de la jurisprudence européenne !
M. Alain Anziani. - Voilà un conflit d'intérêts exemplaire, entre le procureur poursuivant et le procureur protecteur des libertés publiques.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est transparent !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Le contrôle n'entraîne pas conflit d'intérêts, ou bien il n'y aurait plus aucun contrôle ! J'apprécie le propos de M. Mézard sur les procureurs. Effectivement, si les procureurs contrôlaient davantage les gardes à vue, celles-ci seraient probablement moins nombreuses !
Prévoir l'exclusivité du magistrat du siège, ce serait réformer complètement le système : nous préférons réaffirmer le rôle ciblé du procureur et nous souhaitons, monsieur le ministre, que cette réforme se traduise dans les faits ! Ce qui demandera aussi, parfois, d'améliorer la formation des officiers de police judiciaire.
M. François Zocchetto, rapporteur. - La garde à vue, madame Borvo, n'est pas décidée par le procureur mais par l'officier de police judiciaire : le procureur ne fait que contrôler, il y a séparation.
Nous avons pesé les avantages et les inconvénients entre contrôle par le procureur ou par le juge des libertés et de la détention : il y a plus d'avantages, moins d'attente, et plus de garanties à confier le contrôle au procureur. J'ai été rassuré par la façon dont travaillent, en pratique, les parquets.
L'amendement n°104 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°69 est retiré.
M. le président. - Amendement n°105 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 3
Remplacer le mot :
plausibles
par le mot :
sérieuses
M. Jacques Mézard. - Plutôt que des raisons « plausibles » de soupçonner, nous préférons des raisons « sérieuses » : la garde à vue sera effectivement exceptionnelle. Le plausible c'est quasiment le possible, ce qui n'a rien d'exceptionnel. Nous savons bien que la Convention européenne des droits de l'homme utilise le terme « plausible », comme la loi Lebranchu, mais elle prévoit aussi, corrélativement, une intervention immédiate du juge...
M. François Zocchetto, rapporteur. - La terminologie « plausible » date de 2002. La Cour de Strasbourg a précisément défini la notion, qui a fait ses preuves. Je suggère à M. Mézard de retirer son amendement, comme l'a fait M. Anziani, que je remercie.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis.
M. Jacques Mézard. - Si « plausible » était efficace, nous n'aurions pas 800 000 gardes à vue...
L'amendement n°105 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 3
Après les mots :
d'une peine
insérer les mots :
supérieure ou égale à trois ans
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Chacun s'accorde à vouloir diminuer le nombre de gardes à vue, dont l'augmentation tient à la politique du chiffre et à l'aggravation des peines. Seules 7 % des condamnations délictuelles le sont pour des faits qui ne sont pas susceptibles d'une peine d'emprisonnement : la garde à vue ouverte sans quantum n'est donc pas restrictive. De multiples infractions sont réprimées par une peine d'un an de prison -occuper un hall d'immeuble, par exemple. Comment la garde à vue serait-elle, à ce compte, exceptionnelle ? Nous voulons envoyer un message clair pour que les gardes à vue soient effectivement exceptionnelles.
M. le président. - Amendement identique n°106 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
M. Jacques Mézard. - Je regrette que notre commission ait suivi le Gouvernement : ne pas mettre de quantum, c'est réduire à néant cette réforme ! Vous êtes le dos au mur, et vous avancez à reculons, sans perspective. Bien sûr, il faudrait revoir notre échelle des peines, qui n'est pas adaptée à la réalité sociale, mais il n'en reste pas moins que la garde à vue devrait être réservée aux infractions d'une particulière gravité.
M. le rapporteur ne peut nous opposer qu'un quantum écarterait de la garde à vue des criminels auteurs de faits très graves ! Je puis lui citer des exemples contraires de peines lourdes de prison encourues pour des actes qui font sourire. Quant à l'argument consistant à dire que l'augmentation du quantum développerait l'audition libre, il n'est pas recevable.
Monsieur le ministre, vous voulez être un homme de mesure : suivez-nous !
M. le président. - Amendement n°71, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
d'emprisonnement
par les mots :
égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement ou, en cas de délit flagrant, d'une peine égale ou supérieure à un an d'emprisonnement
M. Alain Anziani. - Nous voulons tous réserver la garde à vue à des faits particulièrement graves, mais dans certains pays, on définit des seuils : deux ans pour l'Italie, cinq ans pour l'Espagne. Votre petit pas n'est pas un grand progrès, car les infractions qui ne sont pas punies d'emprisonnement sont rares ! Nous proposons le seuil de trois ans et nous tenons compte du flagrant délit. Nous ferions bien de nous pencher sur la question de l'échelle des peines. En tout état de cause, le principe de proportionnalité doit être ici respecté.
M. le président. - Amendement n°99 rectifié quinquies, présenté par MM. Vial et Houel, Mme B. Dupont, MM. J. Gautier, Milon, Cléach et Dulait, Mme Lamure, MM. Doublet, Laurent, Portelli, Doligé, Bernard-Reymond, Hérisson, Leclerc, B. Fournier, Trillard, Gouteyron et Alduy et Mme Papon.
I. - Alinéa 3
Après le mot :
emprisonnement
insérer les mots :
d'une durée supérieure ou égale à trois ans
II. - Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Toutefois elle peut être décidée quelle que soit la durée de la peine en cas de flagrant délit contre les personnes ou les biens.
M. Hugues Portelli. - Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il changé d'avis entre 2004 et 2010 ? Tout simplement parce que la politique pénale a changé, parce que la garde à vue s'est banalisée. Cet amendement permettra de diminuer drastiquement le nombre de gardes à vue... et celui des OPJ.
Les incohérences de notre échelle des peines ne peuvent être un argument, car c'est toute la réforme qui en dépend. Si le nombre de gardes à vue reste élevé, dans des conditions indignes, les poursuites continueront, fondées sur la Convention européenne ! La loi, même déclarée constitutionnelle, sera sanctionnée par la Cour de cassation, qui sera bien obligée d'appliquer la jurisprudence de la CEDH...
M. François Zocchetto, rapporteur. - Aujourd'hui, on peut être mis en garde à vue pour toutes sortes d'infractions : ce texte sort toutes celles qui ne font pas encourir de peine d'emprisonnement.
Mme Virginie Klès. - Il n'y en a pas beaucoup !
M. François Zocchetto, rapporteur. - Et les contraventions ? Ensuite, nous limitons la prolongation de la garde à vue aux infractions punissables d'au moins un an de prison.
Avec un seuil à trois ans, vous écarteriez bien des délits graves, de l'agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans à la destruction de biens appartenant à autrui, et vous limiteriez les droits hors garde à vue ! (Exclamations à gauche)
Si vous aviez été suivi, monsieur Mézard, sur la présence de l'avocat en amont de la procédure, la garde à vue aurait pu être réservée à un très petit nombre de cas. Mais en l'état, augmenter le quantum présenterait le risque de multiplier les comparutions libres.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Nous voulons tous diminuer le nombre des gardes à vue, mais nous divergeons sur la méthode. Tout est affaire de proportionnalité, a dit justement M. Badinter : ce sera au procureur d'y veiller, au cas par cas, car il n'y a pas de règle générale, d'automaticité en la matière. Le quantum de peine ne serait pas compris par la population : l'outrage, l'exhibitionnisme sexuel, le délit de fuite, par exemple, échapperaient de droit à la garde à vue, ce qui n'est pas raisonnable. Je préfère donc prendre une instruction pour expliquer les règles aux procureurs généraux, plutôt qu'augmenter le quantum.
M. Jean-Pierre Michel. - En deçà de trois années d'emprisonnement, pas de détention provisoire : c'est la règle.
Ensuite, tous les actes que vous citez sont de flagrant délit : dans ce cas, les amendements dispensent de quantum. Les faits sont publics, ils choquent : la garde à vue se justifie.
M. Jacques Mézard. - Oui, nous poursuivons le même but, diminuer le nombre de gardes à vue, mais une instruction a peu de chances d'y suffire : ça se saurait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Il a suffi de l'annonce d'une réforme pour faire baisser les chiffres de 10 % !
M. Jacques Mézard. - Vous avez mis la barre trop bas, par peur de l'opinion, par peur des professionnels, lesquels conviennent pourtant que le système actuel n'est pas bon. Vous pourriez faire un effort...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'argument des moindres droits ne vaut pas : quid, en effet, pour les infractions qui ne sont pas punissables de prison ? Ensuite, vous assimilez garde à vue et emprisonnement : c'est de la propagande.
Mme Virginie Klès. - Nous parlons de l'équilibre entre l'enquête et les libertés, et vous nous dites que vous êtes garant de cet équilibre, monsieur le ministre : ce n'est nullement une garantie ! La seule garantie, c'est la loi !
M. Jean-Pierre Michel. - Très bien !
Les amendements identiques nos16 rectifié et 106 rectifié ne sont pas adoptés.
L'amendement no71 n'est pas adopté.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°99 rectifié quinquies est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 154 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°70, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La confirmation du placement en garde à vue par le procureur de la République intervient sous quatre heures.
M. Alain Anziani. - Cet amendement prévoit que la validation de la garde à vue par le procureur de la République doit intervenir dans les quatre heures.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Cela réduirait les droits du gardé à vue parce que certains procureurs pourraient être tentés de n'intervenir qu'au bout de quatre heures et non immédiatement.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis.
M. Jean-Pierre Michel. - Il suffit de rectifier : « au plus tard au bout de quatre heures ». Les OPJ, monsieur Zocchetto, n'ont pas de pouvoir propre ; ils sont sous l'autorité du procureur. Quand ils décident d'une garde à vue, c'est le procureur qui décide.
M. François Zocchetto, rapporteur. - La commission reste défavorable. Quant à l'OPJ, c'est lui qui décide le placement : c'est écrit dans la loi.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Les OPJ sont en effet placés sous le contrôle du procureur, mais ils ont un pouvoir propre. Voyez l'article 63 du code de procédure pénale.
L'amendement n°70 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°108 rectifié est sans objet, ainsi que l'amendement n°17.
M. le président. - Amendement n°72, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 12, première phrase
Remplacer le mot :
quarante-huitième
par le mot :
vingt-quatrième
M. Alain Anziani. - La prolongation au-delà de 24 heures doit relever d'une décision du juge des libertés et de la détention.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Défavorable, pour des raisons déjà longuement évoquées.
M. le président. - Amendement n°175, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
I. - Alinéa 12, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. - En conséquence, alinéa 13
Remplacer les mots :
Ce magistrat
par les mots :
Le procureur de la République
M. François Zocchetto, rapporteur. - Il s'agit d'un amendement formel qui clarifie la rédaction de l'article premier.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Défavorable à l'amendement n°72. La Cour de Strasbourg ne dit rien en-dessous de 48 heures. Et la plupart des États s'en remettent aux forces de police ; nous faisons intervenir un magistrat. Favorable à l'amendement n°175.
M. Jean-Pierre Michel. - Je soutiens que le parquet est indivisible et hiérarchisé. Les OPJ n'ont pas de pouvoir propre et agissent à la place du procureur de la République, qui a seul le pouvoir ; il n'est même pas placé sous l'autorité du procureur général.
Quant à l'amendement de M. Zocchetto, c'est le bouquet ! Vous confiez au procureur de la République, c'est-à-dire à la partie poursuivante, le soin de garantir les droits de la défense : c'est ubuesque ! Les bras m'en tombent...
M. François Zocchetto, rapporteur. - J'assume cette rédaction. Il était nécessaire de préciser le magistrat dont il s'agit. Sauf à supprimer carrément l'alinéa 13, car cela va de soi : l'autorité judiciaire est gardienne des libertés.
Parler de la partie poursuivante n'est pas le sujet -sans compter que le terme fait référence à la procédure anglo-saxonne. Au stade du contrôle de la garde à vue, le parquet n'est pas partie poursuivante.
L'amendement n°72 n'est pas adopté.
L'amendement n°175 est adopté.
M. le président. - Amendement n°107 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il apprécie également si l'exécution de la mesure se fait dans des conditions compatibles avec le principe du respect de la dignité de la personne.
M. Jacques Mézard. - Dans sa décision du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a posé le principe selon lequel il appartenait aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de « veiller à ce que la garde à vue [fût], en toutes circonstances, mise en oeuvre dans le respect de la dignité de la personne ». Ce principe doit être affirmé dans la loi.
Je reviens à l'intéressant débat entre le garde des sceaux et M. Michel. « La police judiciaire est exercée sous l'autorité du procureur de la République » dit l'article 12 de notre code.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Vous n'avez rien démontré.
M. Jacques Mézard. - Sinon que M. Michel a raison.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Je vous renvoie à l'article 8 de notre texte, qui rappelle l'exigence du respect de la dignité de la personne, qu'assure, au terme de l'article premier, le procureur. L'amendement peut être retiré.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis, le texte est clair.
M. Jacques Mézard. - Il eût été significatif de renvoyer à la dignité dès l'article premier. Tant pis.
L'amendement n°107 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°64, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art... - La garde à vue constitue le support nécessaire du défèrement. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le projet ne prévoit rien sur la sanction de la violation des droits du gardé à vue. Il serait juste que soit inscrit dans la loi que la garde à vue constitue le support nécessaire du défèrement afin notamment de renforcer l'effectivité des droits reconnus au placé en garde à vue.
M. François Zocchetto, rapporteur. - J'ai du mal à vous suivre. Pas de défèrement sans garde à vue préalable ? Mais il existe des présentations au parquet sans garde à vue ! Et vous dites vouloir voir diminuer le nombre de gardes à vue ! Retrait ou rejet.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°64 n'est pas adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
Article 2
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Le Conseil constitutionnel a fait du droit au silence une exigence de valeur constitutionnelle, d'où son rétablissement ici. Mais l'avancée est mince et nous regrettons que la garde à vue n'aille pas plus loin, à l'image de ce qui se passe outre-Atlantique. Nous regrettons aussi que le placement en garde à vue se fasse sur seule décision de l'officier de police judiciaire, en contradiction avec le droit d'aller et venir sans être détenu arbitrairement.
Cet article n'intègre pas tous les enseignements de la décision du Conseil, qui entendait réserver la prolongation de la garde à vue aux infractions graves.
L'amendement n°18 est devenu sans objet.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 3, première phrase :
Remplacer les mots :
, du placement de la personne en garde à vue.
par les mots et une phrase ainsi rédigée :
garantissant l'information réelle et personnelle de ce magistrat, du placement de la personne en garde à vue. Il procède également à un premier compte rendu téléphonique d'étape auprès du procureur de la République entre la huitième et la douzième heure de la garde à vue.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - L'augmentation du nombre de gardes à vue entraîne une surcharge de travail qui allonge les enquêtes : le procureur n'en est informé que plus tardivement. Un compte rendu téléphonique d'étape inciterait les enquêteurs à accélérer.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Les informations à transmettre au parquet sont, avec ce texte, plus nombreuses. Eu égard à l'indivisibilité du parquet qu'évoquait M. Michel, informer un substitut, c'est informer le procureur. Quant aux échanges téléphoniques, ils ont déjà lieu. Retrait ou défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - L'amendement n'ajoute rien au droit. Le recours à la télécopie a été validé par la Cour de cassation et deux circulaires de Mmes Guigou et Lebranchu. Retrait ou rejet.
L'amendement n°19 n'est pas adopté.
L'amendement n°149 rectifié est sans objet.
M. le président. - Amendement n°109 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sous peine de nullité de la mesure, le procureur de la République rend, avant l'expiration des six premières heures de garde à vue, une décision écrite confirmant la garde à vue.
M. Jacques Mézard. - Quand on parle d'avancées, c'est qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir. Cet amendement est de repli. Si le juge de la détention ne peut intervenir pour apprécier la légalité du placement en garde à vue, il faut au moins que le procureur de la République en assure le contrôle.
Contrairement à ce qu'on nous affirme, le contrôle n'est pas systématique, compte tenu des 800 000 gardes à vue, et très variable selon les territoires.
M. François Zocchetto, rapporteur. - M. Anziani avait présenté un amendement analogue à l'article premier pour une intervention du procureur dans les quatre heures : même avis défavorable.
L'amendement n°109 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°110 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur décision motivée du juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République ou du juge d'instruction, si la prolongation de la détention est l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-3. Cette décision est motivée au regard de la légalité de la mesure et des circonstances de l'affaire.
M. Jacques Mézard. - Nous revenons à la charge sur l'intervention du juge des libertés et de la détention, ici pour la prolongation de la mesure de garde à vue qui est une véritable privation de liberté. Les statistiques indiquent qu'il y a 100 000 prolongations. La décision doit être motivée au regard du principe de proportionnalité et des circonstances de l'espèce.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 5 et 6
Remplacer les mots :
procureur de la République
par les mots :
juge des libertés et de la détention
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Faut-il rappeler une fois encore la décision de la Cour de cassation de novembre dernier ? Citons, pour changer, Mme Mireille Delmas-Marty, qui s'étonne de constater que renforcer les droits d'un côté conduise à réduire les garanties de l'autre. L'intervention du juge des libertés et de la détention, au moins à cette phase de procédure, est plus que nécessaire.
M. le président. - Amendement n°73, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
procureur de la République
par les mots :
juge des libertés et de la détention
M. Alain Anziani. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°75, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
procureur de la République
par les mots :
juge des libertés et de la détention
M. Alain Anziani. - Il est défendu.
L'amendement n°74 est sans objet.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'autorisation et les raisons qui la motivent sont immédiatement communiquées à la personne dont la garde à vue est prolongée et à son conseil.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Nous renforçons l'information de la personne dont la garde à vue est prolongée et garantissons les droits de la défense tout au long de la procédure.
La quasi-totalité des prolongations se font sans présentation, étant donné la charge de travail des magistrats. Notre demande est d'autant plus importante que la décision reste placée entre les mains du procureur.
M. le président. - Amendement n°111 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 6
1° Première phrase
Remplacer les mots :
procureur de la République
par les mots :
juge des libertés et de la détention
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
M. Jacques Mézard. - Coordination.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 6, deuxième et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - L'utilisation d'un moyen de communication audiovisuelle pour appliquer le principe de présentation de la personne au procureur de la République fait perdre à ce principe une grande partie de sa portée. Cette pratique est peu compatible avec un entretien judiciaire de qualité, alors que la personne sera physiquement dans les locaux de police et de gendarmerie, et entourée par les enquêteurs.
De plus, il est possible de déroger « à titre exceptionnel » au principe de la présentation, mais l'exception devient la norme en raison de la charge accrue de travail. D'où l'utilité de supprimer la visioconférence.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
Alinéa 6, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
M. Jean Desessard. - L'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle pour faire application du principe de présentation de la personne gardée à vue au procureur de la République, fait perdre à ce principe une grande partie de sa portée et de son effectivité.
Chaque avancée de ce texte est entamée par des exceptions qui en réduisent la portée. La présentation effective est essentielle : elle sert au magistrat à constater de visu l'état de l'individu dont il doit décider de prolonger ou non la garde à vue.
Sans doute est-ce la diminution constante des budgets qui a poussé à étendre ici la visioconférence. Ce n'est pas ainsi que l'on progressera vers plus d'équité !
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
Alinéa 6, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La possibilité de déroger « à titre exceptionnel » au principe de présentation risque fort de devenir la règle, du fait de l'importance de la charge de travail des magistrats, d'autant que rien n'est prévu pour l'encadrer.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas défendu.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Je ne puis être favorable aux amendements nos110 rectifié, 21, 73, 75 et 11 rectifié qui font intervenir le juge des libertés et de la détention.
Avis défavorable à l'amendement n°20.
La visioconférence, madame Mathon-Poinat, permet au moins d'avoir un contact : défavorable à l'amendement n°22, comme à l'amendement n°11. Il est des cas exceptionnels où il n'est pas possible de présenter l'intéressé au procureur mais où il faut le maintenir en garde à vue impérativement : défavorable à l'amendement n°12.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Mêmes avis défavorables.
L'amendement n°110 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos21, 73, 75, 20, 111 rectifié, 22 et 11.
M. Jean Desessard. - Il faut prévoir des exceptions à la présentation, selon vous. Mais à condition de bien les encadrer, ce que vous ne faites pas.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - La demande doit être motivée.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
NOMINATIONS À UNE ÉVENTUELLE CMP
M. le président. - Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion de commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs au Défenseur des droits, il va être procédé à la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires.
La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévue par l'article 12 du Règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à ces éventuelles commissions mixtes paritaires : titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Paul Amoudry, Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; suppléants : MM. Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, M. François Pillet, Mme Catherine Troendle, MM. Jean-Pierre Vial, Richard Yung.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de ces commissions mixtes paritaires et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
La séance est suspendue à 19 heures 30.
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
La séance reprend à 21 heures 30.
Garde à vue (Suite)
Discussion des articles (Suite)
Article 2 (Suite)
L'amendement n°76 est retiré.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 7
Après les mots :
est fixée
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
à l'heure à laquelle la personne a été appréhendée ou, si ce n'est pas le cas, l'heure à laquelle elle a été entendue
Mme Josiane Mathon-Poinat. - La détermination exacte du moment du placement en garde à vue a une grande importance. La jurisprudence fait la distinction entre le placement effectif en garde à vue, qui marque l'instant à partir duquel commence à courir le délai de mise en oeuvre des droits du gardé à vue, et le placement théorique en garde à vue, fixé au moment où la personne s'est tenue à la disposition de la police sans contrainte, qui marque de point de départ de la durée de la garde à vue.
Le mot « appréhendée », qui implique une contrainte, ne permet pas d'envisager les différentes possibilités. La personne entendue comme témoin avant d'être placée en garde à vue n'a par exemple pas été appréhendée et la durée de son audition en tant que témoin doit pouvoir s'imputer sur la durée de la garde à vue.
Notre amendement est protecteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Intention louable, mais la jurisprudence constante est dans l'intérêt du gardé à vue : avis défavorable.
L'amendement n°23, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 9
Après les mots :
de police judiciaire
supprimer les mots :
ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire,
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Nous prévoyons que seul l'OPJ puisse notifier ses droits au gardé à vue, en particulier le droit de se taire. Ce moment de la procédure n'est pas anodin.
M. François Zocchetto, rapporteur. - La meilleure garantie pour le gardé à vue, c'est de se voir notifier ses droits le plus rapidement possible ; un agent de police judiciaire est parfaitement à même de notifier les droits. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°24 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°112 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de prolongation de la garde à vue, la personne est immédiatement informée qu'elle bénéfice des dispositions mentionnées aux alinéas précédents.
M. Jacques Mézard. - Bis repetita...
M. François Zocchetto, rapporteur. - Nul besoin d'ajouter de la procédure, surtout que les droits sont identiques. Défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°112 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Sauf en cas de circonstance insurmontable, et sous peine de nullité de la procédure, les diligences résultant pour les enquêteurs de la communication de l'ensemble de droits mentionnés à cet article doivent intervenir dès le moment où la personne a été placée en garde à vue. La violation des droits mentionnés à cet article constitue une nullité d'ordre public.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - La Cour de cassation a jugé que le non-respect de la procédure constituait un grief tout comme elle a estimé que le fait que le suspect n'ait pas été en mesure de s'entretenir avec son conseil portait atteinte aux droits de la défense.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°25 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°26, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L'exécution de la garde à vue est assurée par des personnels de police ne participant pas à l'enquête et uniquement dédiés à cette tâche.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Texte même. Nous voulons susciter le débat et faire en sorte que les policiers travaillent dans les meilleures conditions.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Dans l'exécution de la garde à vue, il y a des actes d'enquête. Je ne comprends pas bien cet amendement. S'agit-il de séparer l'enquête et la surveillance, comme s'il y avait un service pénitentiaire interne au commissariat ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Oui.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Ce n'est guère raisonnable. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Ce serait possible dans certains lieux, pas dans d'autres. Spécialiser ainsi une partie des effectifs n'est pas envisageable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Un syndicat de policiers l'a pourtant proposé : il s'agit juste d'assurer que le même OPJ n'assure pas les deux fonctions.
Mme Nathalie Goulet. - Le parallèle peut être fait entre les magistrats qui mènent l'instruction et ceux qui participent au jugement.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - La loi doit s'appliquer partout sur le territoire de la République. Il y a des brigades de gendarmerie qui n'ont qu'un OPJ... Avis très défavorable.
L'amendement n°26 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Article 3
M. le président. - Amendement n°77, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« En raison des nécessités de l'enquête, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention afin qu'il ne soit pas fait droit à cette demande. »
M. Alain Anziani. - Nous posons un principe. La dérogation consistant à reporter le fait de prévenir un proche ou l'employeur doit être confiée au juge des libertés et de la détention.
M. François Zocchetto, rapporteur. - La nécessité de l'enquête peut s'opposer à ce qu'il soit fait droit à la demande de prévenir un proche. Et le procureur est le mieux à même d'assurer le contrôle dans les 48 heures. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Aucune exigence constitutionnelle ou conventionnelle n'impose en l'espèce le recours au juge. C'est une règle ancienne issue de la loi du 4 janvier 1993, confirmée par les lois Guigou de juin 2000 et Lebranchu de mars 2002. Avis défavorable.
L'amendement n°77 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°176, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
Alinéa 8
Remplacer les mots :
les diligences prévues au
par les mots :
les diligences incombant aux enquêteurs en application du
L'amendement rédactionnel n°176, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Article 4
M. le président. - Amendement n°177, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer les mots :
les diligences prévues au
par les mots :
les diligences incombant aux enquêteurs en application du
L'amendement rédactionnel n°177, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n°113 rectifié devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°28, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le médecin délivre un certificat médical d'incompatibilité de l'état de santé de la personne avec la garde à vue, celui-ci a un caractère impératif. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous donnons au certificat médical d'incompatibilité avec la mesure de garde à vue un caractère impératif. La CNDS a souvent été saisie, y compris par moi-même, du non-respect de prescriptions médicales ou du certificat médical d'incompatibilité. L'article 11 du Préambule de la Constitution de 1946 garantit la préservation de la santé, il ne peut être permis à un fonctionnaire de police d'y faire obstacle. De nouvelles questions prioritaires de constitutionnalité pourraient être posées si le texte reste en l'état.
M. François Zocchetto, rapporteur. - On ne peut faire dépendre la garde à vue d'un certificat médical. Mais l'OPJ prend ses responsabilités et sait les conséquences s'il méconnaît la procédure sur ce point. Une garde à vue peut être annulée en cas de non-respect du certificat médical. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - La jurisprudence de la Cour de cassation est claire. Si un médecin constate l'incompatibilité, il est mis fin à la garde à vue sauf si elle peut être poursuivie dans le cadre d'une prise en charge hospitalière. Il y a à l'Hôtel Dieu des salles réservées à ces cas. La CNDS a effectivement relevé, dans son rapport de 2009, la poursuite d'une garde à vue malgré un certificat médical contraire : c'est un dysfonctionnement des services qui a été reconnu et la CNDS elle-même juge qu'il n'est nul besoin de modifier la loi. Avis défavorable.
M. Alain Anziani. - En théorie, le certificat médical a du poids, mais la CNDS a constaté en 2008 un décès en garde à vue alors que la personne était manifestement malade...
L'amendement n°28 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° La seconde phrase de l'avant-dernier alinéa est complétée par les mots : « et une copie en est immédiatement remise au gardé à vue et, si ce dernier en fait la demande, à un membre de sa famille ou à une personne de confiance ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous prévoyons qu'une copie du certificat médical soit remise à la personne gardée à vue et, s'il en fait la demande, à un membre de sa famille ou une personne de confiance. L'exigence de remise en mains propres est le corollaire du secret médical. La loi relative aux droits des patients, du reste, fait un droit de l'accès à son dossier médical. Rien ne justifie qu'une situation administrative permette d'y déroger.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Intention louable, mais gardons-nous d'alourdir la procédure. Le certificat médical figure au dossier ; M. le garde des sceaux nous assure-t-il que l'avocat y aura accès ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - L'alinéa 2 de l'article 7 tel qu'établi par la commission le garantit ; vous vous êtes donné à vous-même entière satisfaction. Il est vrai qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même... Retrait.
L'amendement n°27 n'est pas adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Article 5
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le respect des droits de la défense et le droit à un procès équitable exigent l'intervention de l'avocat. Mais on est encore loin d'une assistance effective, que la Cour de cassation a pris soin de distinguer de la seule présence.
Ce texte aurait pu garantir la possibilité d'entretiens privés entre le gardé à vue et son avocat, reconnaître à ce dernier le droit de poser des questions ou d'avoir accès au dossier au fur et à mesure de la procédure. Comme l'a relevé la CNDS, l'avocat est un facteur d'apaisement.
Son intervention nécessitera des moyens qui font défaut, en particulier pour l'aide juridictionnelle, dont l'absence compromettra l'application effective de cette réforme. En l'état, cet article nous promet de nouveaux contentieux avec la CEDH.
M. le président. - Amendement n°148 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'avocat peut également être désigné par un membre de la famille de la personne, son employeur, ou tout autre proche. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne.
M. Jacques Mézard. - Dans la pratique, l'avocat choisi pour la personne placée en garde à vue est souvent désigné par l'employeur ou la famille ; mais il a alors les plus grandes difficultés à prendre contact avec son client et peut même se voir refuser l'accès aux locaux faute d'avoir été désigné par le gardé à vue lui-même. Nous précisons la procédure : désignation éventuelle par un proche, confirmation par le gardé à vue. Ce sera plus simple.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Vous consacrez la pratique actuelle. Mais votre rédaction risque de soumettre le gardé à vue, dans certaines affaires compliquées, à des pressions dans le choix de l'avocat. Je donnerais un avis favorable à l'amendement si la première phrase était rédigée comme suit : « l'avocat peut également être désigné par l'une des personnes susceptibles d'être informées du placement en garde à vue en application du premier alinéa de l'article 63-2 ». (M. Jacques Mézard donne son accord)
M. le président. - Il s'agit de l'amendement n°148 rectifié bis.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le Gouvernement n'y est pas favorable. Faut-il que la famille ou l'employeur puisse désigner l'avocat, alors que l'infraction aura pu être commise dans la famille ou l'entreprise ? Il faut que le gardé à vue ait déclaré sa confiance.
Je crois qu'il faut être plus précis encore et écrire : « l'avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa de l'article 63-2. »
M. le président. - Il s'agira de l'amendement n°148 rectifié ter.
M. Jacques Mézard. - Que de résistance ! L'article 63-2 prévoit que le gardé à vue peut prévenir son concubin, un parent ou son employeur, je ne faisais qu'ajouter la confirmation par le gardé à vue -qui écarte le risque d'une désignation dans le cadre, par exemple, d'un conflit familial. Cependant, pour avancer, j'accepte votre rectification.
M. François Zocchetto, rapporteur. - À titre personnel, j'y souscris.
L'amendement n°148 rectifié ter est adopté.
M. le président. - Amendement n°178, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
Alinéa 6
Supprimer les mots :
commis d'office
M. François Zocchetto, rapporteur. - Il ne paraît pas nécessaire de restreindre le choix du bâtonnier aux avocats commis d'office.
L'amendement n°178, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
Article 6
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
trente minutes
par les mots :
une heure
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous allongeons la durée de l'entretien du gardé à vue avec son avocat : une heure, c'est bien le moins pour préparer sa défense ! Ou bien l'entretien ne serait qu'un simple réconfort psychologique.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Il s'agit de l'entretien préliminaire : les trente minutes suffisent, les praticiens, dont je suis, peuvent vous le confirmer. Le dossier est presque vide à ce stade. Défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Qui peut le plus peut le moins. Dans les cas plus complexes, une heure sera utile.
Mme Nathalie Goulet. - Quand le dossier est mince, il n'y a pas de quoi élaborer de stratégie de défense.
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°78, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« A l'issue de chaque audition ou confrontation, la personne gardée à vue peut demander à s'entretenir à nouveau avec un avocat dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas.
M. Alain Anziani. - Vous dites qu'au départ, le dossier est vide ; c'est qu'il va s'enrichir des auditions. Mais alors vous empêchez l'entretien avec l'avocat ! Il aura lieu, mais en catimini. Nous préférons qu'il se fasse au grand jour. Et le conseil ne va pas nécessairement à l'encontre de l'enquête.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Je suis sensible à votre souci, mais la nouvelle procédure n'a pas été expérimentée. Je crains, si l'on multiplie les entrevues avec l'avocat, que la garde à vue ne se prolonge trop longtemps. La commission a donné un avis défavorable, mais je n'exclus pas des modifications au vu de l'expérience.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je comprends également le but, donner un sens plein à l'assistance, mais il y a déjà deux heures de carence, trente minutes d'entretien préliminaire... Si la garde à vue est prolongée, il y a un nouvel entretien de trente minutes. Rien n'empêchera l'avocat de discuter avec son client au cours des auditions. Avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. - Il faut tenir compte de la disponibilité de l'avocat. Je ne voterai pas l'amendement, tout en en partageant l'objectif.
M. Alain Anziani. - Dans la réalité, cela se fera en catimini et selon le bon vouloir de l'OPJ. La fixation de la règle devrait revenir au législateur. Aux avocats de s'organiser en conséquence.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°78, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce droit lui est notifié en même temps que la décision de prolongation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous souhaitons que la personne placée en garde à vue soit à nouveau informée de son droit d'être assistée par un avocat en cas de prolongation de la mesure.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Un amendement similaire a déjà fait l'objet d'un vote défavorable. Je préfère une notification claire et complète en début de garde à vue. Les droits restent les mêmes.
L'amendement n°29, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
Article 7
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Après avoir été admis au procès pénal en 1789, puis dans les cabinets d'instruction en 1895, l'avocat aura dû attendre 2011 avant d'être admis dans les commissariats, autrement qu'en visite de courtoisie. Mais nous craignons une sacralisation des procès-verbaux au motif qu'il aura été présent, alors même que bien des dérogations sont prévues dans ce texte. Ainsi du report de la présence de l'avocat sur décision du procureur ou de la possibilité de demander au bâtonnier la désignation d'un nouvel avocat s'il est considéré que le premier fait obstruction. Autant d'atteintes au droit de la défense, qui risquent bien de faire de l'avocat un spectateur passif, quand sa présence ne sera pas tout simplement exclue ou différée.
M. le président. - Amendement n°114 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 2, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
À sa demande, l'avocat peut avoir accès tout au long du déroulement de la garde à vue à toutes les pièces du dossier pénal qui concernent directement la personne qu'il assiste.
M. Jacques Mézard. - L'avocat doit pouvoir assurer une véritable défense au fond, si besoin, de la personne placée en garde à vue. Il est très rare qu'un OPJ ne dispose pas de l'ensemble des pièces du dossier. L'avocat doit y avoir accès. L'équité de la procédure exige, ainsi que l'a jugé la CEDH, que l'assistance de l'avocat ne soit pas limitée à sa seule présence ou à la consultation des procès-verbaux d'audition. Cette notion de défense effective a été reprise par le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation.
Vous ne voulez pas de cette disposition aujourd'hui ; on y viendra immanquablement un jour.
M. le président. - Amendement n°30, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
peut consulter
par les mots :
peut, dès son arrivée, consulter l'ensemble du dossier pénal à disposition de l'officier de police judiciaire qui comprend notamment
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je veux bien supprimer le « notamment », que le président Hyest ne goûte guère ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - C'est le droit qui ne l'aime pas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'argument du secret de l'enquête ne tient pas : il est garanti par le secret professionnel qui lie l'avocat.
M. le président. - Amendement n°79, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
l'article 63-3,
Rédiger ainsi la fin de cette phrase :
et toutes les pièces qui mettent en cause directement son client.
M. Alain Anziani. - Si tout cela a un sens, c'est de permettre à l'avocat de connaître ce qu'on reproche à son client : il doit avoir accès à toutes les pièces qui mettent en cause ce dernier, par exemple le témoignage d'un tiers.
M. le président. - Amendement n°115 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et les pièces du dossier mettant en cause la personne gardée à vue
M. Jacques Mézard. - Amendement de repli.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Le texte autorise la consultation des procès-verbaux d'audition. Aller au-delà, en incluant toutes les pièces, irait trop loin. Un de nos collègues ancien garde des sceaux objectait, lors de notre débat de février 2010, que cela ne s'imposait qu'au stade de la mise en examen, sauf à confondre la phase de l'enquête de police et la phase judiciaire au risque de la confusion.
On sait la difficulté pour les juges d'instruction de tenir un dossier à jour, consultable par les avocats. Imaginez la difficulté pour un OPJ sans greffier et agissant dans l'urgence. L'avis de la commission est donc défavorable à ces quatre amendements.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je confirme.
Mme Virginie Klès. - Le temps de la garde à vue est bien plus court que celui de l'instruction : les choses ne sont pas comparables.
M. Jacques Mézard. - Vous vous référez à M. Badinter quand cela vous arrange ! Il s'agit de permettre à l'avocat de n'avoir pas une vision tronquée. Il faudrait, au moins, qu'il disposât de toutes les auditions.
M. Alain Anziani. - M. Badinter est signataire de notre amendement, rédigé en parfait accord avec lui.
L'amendement n°114 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s30, 79 et 115 rectifié.
M. le président. - Amendement n°80, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 2, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il peut en prendre copie par ses propres moyens.
M. Alain Anziani. - Il s'agit de permettre à l'avocat de prendre copie, par ses propres moyens -précisons-nous pour ne pas encourir les foudres de l'article 40- des procès-verbaux concernant la personne gardée à vue qu'il assiste.
M. le président. - Amendement n°116 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 2, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il ne peut en demander une copie.
M. Jacques Mézard. - Il ne peut « en prendre une quelconque copie », dit cet article 7. Formulation surprenante, qu'il faut attribuer à quelque maladresse rédactionnelle. De deux choses l'une, ou l'avocat a le droit ou il ne l'a pas : n'allons pas laisser penser qu'on le soupçonne de vouloir chaparder !
M. François Zocchetto, rapporteur. - Je salue la vigilance rédactionnelle de M. Mézard. L'amendement n°80 ne peut être reçu par la commission, qui est favorable à l'amendement n°116 rectifié. Au reste, l'amendement n°81, qui suit, pourrait être joint.
M. le président. - Amendement n°81, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il peut toutefois prendre des notes.
M. Alain Anziani. - Il est donc défendu...
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Défavorable à l'amendement n°80. Je serais favorable à l'amendement Mézard ainsi rectifié : « il ne peut en demander ou en réaliser une copie ». (M. Jacques Mézard accepte la rectification) Sagesse sur l'amendement n°81 de M. Anziani.
L'amendement n°80 n'est pas adopté.
L'amendement n°116 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°81 est adopté.
M. le président. - Amendement n°82, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 3, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L'avocat peut assister aux auditions et confrontations de la personne gardée à vue.
Mme Virginie Klès. - Texte même.
M. le président. - Amendement n°84 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et confrontations
Mme Virginie Klès. - Il est présenté.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Défavorable à l'amendement n°82. Favorable à l'amendement n°84 rectifié.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis sur l'amendement n°82. Pour le reste, il est évident que l'avocat peut assister à une confrontation, puisqu'il s'agit d'une audition : l'amendement n°84 rectifié me semble satisfait.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Les deux mots sont employés en plusieurs endroits.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Cela mériterait un travail de simplification... Défavorable.
L'amendement n°82 n'est pas adopté.
L'amendement n°84 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°83, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 3, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Au cours de celles-ci, l'avocat peut prendre des notes.
M. Alain Anziani. - Même esprit : il s'agit de préciser que lors des auditions et confrontations de la personne gardée à vue qu'il assiste, l'avocat peut prendre des notes.
M. François Zocchetto, rapporteur. - J'espère que M. le garde des sceaux ne le prendra pas mal. Je propose la rédaction suivante : « Au cours des auditions ou confrontations, l'avocat peut prendre des notes ». (M. Alain Anziani accepte la rectification)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Les bras m'en tombent. Il ferait mieux de parler pour défendre son client plutôt que prendre des notes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Il ne peut parler qu'à la fin.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le temps de relire ses notes, ce sera terminé. (Sourires) Va-t-on devoir préciser s'il peut se gratter le bout du nez ? Est-ce bien du domaine de la loi ? Je suis défavorable, mais veux bien dire que je ferai preuve d'une grande sagesse face au résultat du vote.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Le risque qu'il faut conjurer, c'est celui de l'obstruction. Il est des avocats capables de mettre une vraie pagaille. En procédure pénale, tout est législatif. On ne peut renvoyer au réglementaire. Je partage votre agacement, monsieur le garde des sceaux, mais je suis favorable à la rédaction proposée par la commission.
M. Alain Anziani. - Un avocat peut parler et prendre des notes en même temps ! (Sourires) Imaginons que l'OPJ objecte à l'avocat que prendre des notes, c'est prendre copie...
L'amendement n°83 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°163, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3, seconde phrase
Après les mots :
la première audition
insérer les mots :
, sauf si elle porte uniquement sur les éléments de personnalité,
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Pour concilier nécessités de l'enquête et préservation des droits de la défense, l'amendement précise que la nécessité d'attendre l'avocat ne concerne que l'audition sur le fond, et non celle portant uniquement sur les éléments de personnalité, comme l'identité, les charges et les ressources de la personne. Ceci pour préparer les choses dans de bonnes conditions... et éviter de prolonger la garde à vue.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Je suis confus de devoir vous contrarier à nouveau, mais la commission n'est pas favorable. Il n'est pas si simple de distinguer interrogatoire de personnalité et enquête ! De question en question, de demande de précision en demande de précision, on peut aisément déraper...
Ne prenons pas le risque de fragiliser la procédure ; n'oublions pas l'article premier A.
Mme Nathalie Goulet. - Je suis la commission. On ne peut savoir qu'a posteriori si l'on a débordé... Cela risque de poser bien des problèmes.
M. Jacques Mézard. - M. le ministre sait faire preuve d'un certain humour, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. Quiconque a assisté à un interrogatoire de personnalité sait que les questions peuvent être très intrusives : c'est là que l'on commence à « cuisiner » le gardé à vue.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il ne faut pas tout paralyser, ni confondre la confrontation au juge, qui peut poser des questions de personnalité, et le procès-verbal d'état civil de la garde à vue, sans rapport avec le détail de l'enquête d'instruction. À défaut d'adapter cet amendement, on risque de provoquer un allongement des gardes à vue.
M. Yves Détraigne. - Ne pourrait-on retenir l'expression « éléments d'identité » ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Dans un souci d'ouverture, j'accepte la rectification.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Très bonne initiative !
M. François Zocchetto, rapporteur. - L'idée de M. Détraigne est excellente.
M. Alain Anziani. - Pourquoi ne pas écrire « éléments d'état civil » ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je préfère l'identité.
L'amendement n°163 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°164 rectifié, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
de deux heures
par les mots :
d'une heure
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Cet amendement vise à réduire de deux à une heure le délai durant lequel les services de police ne peuvent commencer le premier interrogatoire de la personne gardée à vue sans la présence d'un avocat lorsqu'une telle assistance a été sollicitée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce n'est pas praticable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Un délai de deux heures ralentira les investigations et allongera la garde à vue. Le délai d'une heure permet de concilier effectivité de l'assistance et efficience de la garde à vue.
M. François Zocchetto, rapporteur. - L'Assemblée nationale n'a pas fixé ce délai au hasard. Il répond à des exigences pratiques, les sénateurs des départements ruraux le savent. Dans l'Orne, la Creuse, en Ille-et-Vilaine...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Et même dans le Rhône. (Sourires)
M. François Zocchetto, rapporteur. - ...il est difficile d'arriver en une heure. Nous ne voulons pas voir disparaître les OPJ des lieux peu accessibles, créant ainsi deux catégories de brigades. Le directeur général de la gendarmerie et les organisations syndicales de policiers nous ont dit que ce délai de deux heures ne les gênait pas.
Puisque, monsieur le ministre, les enquêteurs pourront, entre-temps, procéder à un questionnaire d'identité, il n'y aura pas de temps perdu...
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Tout dépend d'où l'on vient, et où l'on part...
Je crains que des problèmes pratiques ne se posent aux avocats. Les barreaux devront s'organiser.
Mon village, dans le Rhône, est à 50 kilomètres du tribunal de grande instance de son ressort, mais à 17 kilomètres du tribunal de grande instance d'un autre département. Les avocats peuvent venir d'un tribunal de grande instance ou de l'autre. Je suis tout prêt à assouplir le dispositif de l'aide juridictionnelle pour permettre le libre choix de l'avocat. Des mesures techniques seront ainsi prises pour que la durée d'une heure soit tenable.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Il est évidemment souhaitable qu'existent des contrats d'objectifs entre les barreaux pour faciliter les déplacements des avocats.
Pourquoi deux heures ? Parce qu'il y a des lieux éloignés et que si nous ne tenons pas le délai d'une heure, la pression au regroupement des brigades sera trop forte : c'est la vraie raison de notre opposition à raccourcir le délai. Nous souhaitons bien sûr que le délai effectif soit le plus court possible, mais nous pensons à nos territoires. Même si nous voulons vous être agréables, nous resterons fermes et unanimes sur ce point.
Mme Virginie Klès. - Vous nous disiez que l'avocat est libre de prendre des notes ou non, mais vous voulez le contraindre à arriver en une heure : je ne comprends pas. Et le délai de deux heures est un maximum : l'avocat pourra arriver plus vite, si c'est possible.
Mme Nathalie Goulet. - L'idée d'organiser des collaborations est bonne, mais le délai de deux heures est raisonnable : une garde à vue peut avoir lieu la nuit...
M. Jacques Mézard. - L'amendement du Gouvernement m'étonne. L'aide juridictionnelle peut s'accommoder d'un avocat choisi hors barreau du lieu.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Ce sont les avocats qui me l'ont dit !
M. Jacques Mézard. - Méfiez-vous de ce que vous disent les avocats. (Sourires)
Vous connaissez Massiac, le canton de M. Marleix. Or, il faut 1 heure 15 pour aller d'Aurillac à Massiac ! Si l'avocat arrive trop tard, il fera un recours et la procédure sera annulée ! En fait, tout se passe comme si vous vouliez que la procédure soit facile à annuler et aboutisse à des relaxes.
L'amendement n°164 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°35, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il peut également participer à l'ensemble des actes d'enquête auxquels participe activement le gardé à vue, notamment aux confrontations et reconstitutions, dans les mêmes conditions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous proposons que le droit à l'assistance effective par avocat concerne, outre les interrogatoires, l'ensemble des actes d'enquête auxquels participe activement le gardé à vue, notamment la confrontation et la reconstitution des faits.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Vous êtes satisfaite pour la confrontation. Mais il ne faut pas confondre avec l'instruction. L'enquête ne se déroule pas sous les yeux du gardé à vue. Défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je ne parle que des actes auxquels participe le gardé à vue.
L'amendement n°35 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À moins que la personne gardée à vue en fasse la demande par acte contresigné par son avocat, qui s'assure auprès de son client de la réalité de la sincérité de cette volonté, celui-ci assiste à tous les interrogatoires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La renonciation à la présence de l'avocat doit être expressément établie.
M. François Zocchetto, rapporteur. - C'est à la personne gardée à vue de décider si elle exerce ou non son droit. Défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°36 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°165, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
qu'une audition
insérer les mots :
ou une confrontation
II. - Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
ou la confrontation
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous réintroduisons la possibilité pour l'avocat d'assister aux auditions mais également aux confrontations de la personne gardée à vue. Chacun sait que la confrontation ce n'est pas l'audition.
M. François Zocchetto, rapporteur. - Favorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Sagesse.
L'amendement n°165 est adopté.
M. le président. - Amendement n°32, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de
par les mots :
par l'officier de police judiciaire qui demande à la personne gardée à vue si elle veut
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La personne gardée à vue ne sera peut-être pas en capacité de faire valoir de sa propre initiative les droits qui sont attachés à la mise en oeuvre de la procédure. C'est pourquoi nous proposons que ce soit l'officier de police judiciaire qui demande à la personne si elle désire s'entretenir avec son avocat.
M. François Zocchetto, rapporteur. - En pratique, l'OPJ informera nécessairement de l'arrivée de l'avocat. Avis défavorable.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Votre amendement est bien confus. Quant à l'objectif, il est rempli puisque l'OPJ informera nécessairement de l'arrivée de l'avocat.
L'amendement n°32 n'est pas adopté.
Prochaine séance mardi 8 mars 2011, à 9 heures 30.
La séance est levée à 23 heures 45.
René-André Fabre,
Directeur
Direction des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mardi 8 mars 2011
Séance publique
À 9 HEURES 30
1. Questions orales.
À 14 HEURES 30 ET LE SOIR
2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la garde à vue (n° 253, 2010-2011).
Rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 315, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 316, 2010-2011).