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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Réforme des collectivités territoriales (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Vote sur l'ensemble

Questions cribles thématiques

Décisions du Conseil constitutionnel

Financement de la sécurité sociale pour 2011 (Suite)

Question préalable

Renvoi en commission

Demandes de réserve et de priorité

Discussion des articles (Première partie)

Article premier

Article 2 et annexe A

Vote sur la première partie du projet de loi

Discussion des articles (Deuxième partie)

Article 3

Article 4

Article 5

Article 6

Article 7

Article 8

Discussion des articles (Troisième partie)

Article additionnel avant l'article 10

Article 10

Article 11




SÉANCE

du mardi 9 novembre 2010

25e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jean-Pierre Godefroy, M. Jean-Noël Guérini.

La séance est ouverte à 10 heures 5.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Réforme des collectivités territoriales (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la CMP sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Discussion générale

M. le président.  - La Conférence des Présidents n'ayant pas organisé cette discussion générale, les dispositions de l'article 29 ter, alinéa 3, du Règlement s'appliquent.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Après un débat entamé il y a plus d'un an, je remercie M. le ministre de l'intérieur et M. le secrétaire d'État pour leur écoute, sans oublier le président de la commission pour son soutien.

Ce texte met en place les conseillers territoriaux...

M. Guy Fischer.  - On n'en veut pas !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - ...améliore l'intercommunalité et clarifie la répartition des compétences.

Notre Assemblée s'est attachée à perfectionner la gestion des collectivités territoriales.

La réforme des conseillers territoriaux ne mettra pas en cause l'autonomie des départements. Elle montre la confiance du Sénat envers les élus locaux.

M. Guy Fischer.  - Il se moque de nous !

M. Jean-Louis Carrère.  - Les élus locaux de l'UMP !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Le principe de la création des conseillers territoriaux a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées dès la première lecture, ce qui montre l'adhésion du Parlement (rires à gauche), mais avec des modalités qui ont fortement évolué. Ainsi, le Sénat a voulu inscrire dans ce texte le mode de scrutin des conseillers territoriaux plutôt que de le renvoyer à un autre texte.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Seulement en deuxième lecture !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - C'était le choix de la sagesse ; il a été respecté par l'Assemblée nationale.

Elle n'a pas souhaité maintenir le scrutin mixte et lui a préféré le scrutin uninominal à deux tours, lisible, clair et apprécié des Français. Le Sénat a écarté le risque qu'il faisait courir sur la parité (exclamations à gauche) puisque des sanctions sans précédent, introduites à l'initiative du groupe centriste, frapperont les partis investissant moins de femmes que d'hommes. Le tableau des conseillers territoriaux tient compte des exigences exprimées par le Sénat et l'Assemblée nationale.

J'en viens aux EPCI. Désormais, les conseils intercommunautaires seront élus au suffrage universel direct. Ce renforcement de la démocratie locale rendra les EPCI responsables devant les citoyens. Cette réforme est soutenue par toutes les associations d'élus. (Exclamations à gauche)

Grâce au Sénat, des accords préserveront l'aspect consensuel des intercommunalités.

J'en viens aux métropoles, dispositif le plus intégré. Notre assemblée a préservé l'autonomie des maires et réformé le régime fiscal des métropoles.

Mme Nicole Bricq.  - Conte de Noël !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Pour achever la rationalisation des EPCI, la CMP a porté la période transitoire jusqu'au 1er juin 2013.

Autre novation, les pôles métropolitains ont été validés par le Sénat, en tenant compte de la démographie. S'agissant des communes nouvelles, les députés ont assoupli leurs conditions de création mais la CMP a rétabli l'accord préalable de tous les conseils municipaux.

M. Guy Fischer.  - On en reparlera !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Enfin, le régime des communes associées, dit « Marcellin », a été simplifié.

J'en viens aux départements. La clause générale de compétences devait être clarifiée pour éviter les dérives constatées, mais sans compromettre les services locaux. La CMP a profondément modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Le choix du 1er janvier 2015 est cohérent avec la mise en place du conseiller territorial.

M. Roland Courteau.  - Ça change quoi ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Une clause de revoyure, introduite par M. Détraigne...

M. Guy Fischer.  - J'espère que le groupe centriste ne va pas tomber dans le panneau !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - ...permettra de favoriser la coopération entre collectivités territoriales.

Enfin, la participation minimale des collectivités aux investissements a été ramené à 20 %, quelle que soit la taille de la collectivité. Bien sûr, des exceptions sont prévues.

En conclusion, je vous propose d'adopter cette réforme... (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Surtout pas !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - ...confortant la décentralisation et les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - Le rapporteur a présenté de façon exhaustive les travaux de la CMP.

M. Guy Fischer.  - La pommade !

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur.  - Je me bornerai donc à deux remarques.

Tout d'abord, le vote d'aujourd'hui clôt une réflexion approfondie engagée il y a deux ans par le Président de la République...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Rituel !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - ...qui a chargé M. Balladur d'une mission sur l'organisation institutionnelle des collectivités territoriales. La commission Balladur s'est appuyée sur les travaux antérieurs, notamment sur le rapport élaboré par le sénateur Belot. Le Gouvernement a reçu toutes les associations d'élus...

M. Guy Fischer.  - Les avez-vous écoutées ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - ...avant d'engager le travail parlementaire. Le Gouvernement n'a pas engagé la procédure accélérée. (Sarcasmes à gauche)

M. Daniel Raoul.  - Il ne manquait plus que ça !

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est une anomalie ? (Sourires)

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Un débat long, ouvert et démocratique a permis des discussions denses.

Le texte de la CMP aboutit à un dispositif équilibré. La voix du Sénat a été entendue, qu'il s'agisse de l'intercommunalité, des métropoles, des compétences, du calendrier des diverses réformes ou de l'encadrement des financements croisés.

L'essentiel était de tenir le cap fixé par la majorité : les communes sont confortées comme cellules de base de l'organisation territoriale...

M. Roland Courteau.  - Elles sont asphyxiées !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - ...l'intercom-munalité est renforcée par le dialogue serein entre les collectivités et le préfet, la création du conseiller territorial traduit la confiance accordée aux élus locaux. (Protestations à gauche)

M. Guy Fischer.  - On se moque de nous !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Au terme de l'examen parlementaire, je remercie tous les participants au débat.

Ce texte marque l'empreinte de la Haute assemblée, qui a pleinement joué son rôle de représentant des collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs UMP ; exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Pas dans ce qu'elle a de meilleur ! Loin s'en faut !

Mme Nicole Bricq.  - Quel conte de Noël !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Je vous invite à soutenir une réforme utile pour les élus locaux, pour nos concitoyens et pour le pays ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Nicolas About.  - (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP) Plus d'un an après le dépôt de quatre textes réformant les collectivités territoriales, nous examinons les conclusions de la CMP.

En octobre 2009, le Gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre un calendrier de réforme en quatre temps. Au lieu de s'y tenir, le Gouvernement a préféré céder à la pression de l'Assemblée nationale. Le Sénat a le sentiment justifié que son rôle de représentant constitutionnel des collectivités territoriales n'a pas été respecté. Nous le regrettons profondément. Je salue d'ailleurs la proposition de loi constitutionnelle du RDSE visant à donner le dernier mot au Sénat sur les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales. Au-delà de cette initiative bienvenue, messieurs les ministres, nous vous demandons qu'à l'avenir, la parole donnée au Sénat soit tenue. (Approbations ironiques à gauche)

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Nicolas About.  - La nécessité d'une réforme était unanimement reconnue. L'ensemble des sensibilités qui s'expriment au sein de notre groupe adhère dans son principe à la création du conseiller territorial. Pour élire les futurs conseillers territoriaux en mars 2014, nous avons proposé d'introduire une part de proportionnelle, comme l'avait prévu aussi le Gouvernement.

Après deux lectures, nous avons constaté qu'il n'y avait pas de majorité en faveur de l'introduction d'une dose de proportionnelle. Nous l'acceptons. En revanche, nous comprenons mal l'attitude des dépités... (Rires à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quel lapsus !

M. Nicolas About.  - ...pardon, des députés qui ont modifié le seuil permettant de se présenter au second tour des élections cantonales. Modifier les règles d'une élection quelques mois seulement avant sa tenue nous semble profondément contraire à notre tradition républicaine.

Notre dernier souci concernait la parité. (Vives et nombreuses exclamations à gauche) Si vous voulez la parité, commencez par respecter celui qui en parle ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Sur ce point, notre membre titulaire à la CMP, Yves Détraigne, a obtenu une modification visant à rendre le dispositif d'incitation financière au respect de la parité plus pénalisant, et donc plus incitatif.

Les progrès obtenus pour l'intercommunalité doivent être salués. Le travail du Sénat a été primordial sur ces sujets ; notre Assemblée a aussi été entendue par les communes nouvelles.

Concernant la clarification des compétences, les dispositions introduites par l'Assemblée nationale restent inabouties. Pour de nombreux membres de notre groupe, elles sont en deçà de ce que l'on pouvait attendre. En CMP, nous avons obtenu -et j'en remercie à nouveau M. Détraigne- que l'entrée en vigueur de ces dispositions soit reportée au 1er janvier 2015. Je considère que nous avons obtenu satisfaction car 2015, c'est loin... La prochaine majorité aura tout le temps de modifier ces dispositions si cela lui apparaît nécessaire (exclamations à gauche) ; 2015, c'est aussi après l'élection des premiers conseillers territoriaux.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et surtout, après les sénatoriales !

M. Nicolas About.  - La CMP enclenche une clarification des compétences qui va dans la bonne direction. Tous ceux souhaitant renforcer leur coopération pourront le faire. En matière de cofinancements, la CMP nous a également permis d'obtenir des améliorations importantes.

Le travail du Sénat a été salué par les associations d'élus. Il doit être préservé ; pour cela, il nous appartient de ne pas laisser le dernier mot à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite) Lors de l'examen des conclusions de la mission Belot, notre collègue Jacqueline Gourault soulignait que la nécessité d'une réforme faisait consensus et que les sénateurs étaient prêts.

M. David Assouline.  - Vous avez capitulé !

M. Nicolas About.  - Aujourd'hui encore, les sénateurs sont prêts à engager la réforme. C'est pourquoi la majorité de l'union centriste soutien ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Roland Courteau.  - Tout ça pour ça !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je pourrais évoquer ce qui nous sépare, notamment le conseiller territorial qui symbolise la confusion, institutionnalise le cumul des mandats et la départementalisation des régions, tout en préparant la mort lente des départements. Nous ne sommes pas d'accord, comme nous refusons la recentralisation rampante. (« Très bien ! » à gauche) Quel contraste avec le souffle de la décentralisation voulue par François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous refusons aussi le recul sur la parité.

Mais je préfère consacrer mon intervention aux conclusions de la CMP. Je pose la question à tous les Sénateurs : est-il raisonnable d'y souscrire après avoir voté ce que nous avons voté ?

Mme Nicole Bricq.  - Affligeant !

M. Guy Fischer.  - Ils se sont couchés !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Trois raisons s'y opposent.

La première tient à la parité, qui fait l'objet d'une disposition obscure, alambiquée et incompréhensible sur le financement des partis politiques dans les départements et les régions. Qui peut croire qu'une telle mesure influencera la parité ? C'est mépriser la parité (applaudissements à gauche) que de croire qu'elle sera défendue par une obscure règle de trois !

La deuxième raison de notre refus tient aux compétences. Au terme d'un long débat, le Sénat s'est prononcé : par 335 voix contre 5, nous avons jugé que le dispositif sur les compétences ne convenait pas. Tous les groupes ont souhaité une loi spécifique : ce qui est proposé n'est ni fait ni à faire.

Après des débats confus, la CMP a reporté certaines mesures à 2012, d'autres à 2013 et d'autres encore à 2015. De deux choses l'une : ou bien nous légiférons réellement pour bâtir sur une base solide, ou bien on se résout au bricolage d'aujourd'hui. Tirez les conséquences de ce que vous constatez tous quotidiennement.

J'en viens au troisième argument : la CMP avait échoué...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Non !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...ou du moins presque échoué au moment du vote... quand le miracle est arrivé.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ça arrive !

M. Roland Courteau.  - Saint Détraigne !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Quel est l'auteur anonyme de la trouvaille incroyable des 12,5 % ? Nous sommes passés d'« au moins égal à 12,5 %» à « égal au moins à 12,5 % ». Quelle avancée épistémologique ! Ça change tout ! (Vifs applaudissements à gauche) Le Sénat ne peut se déjuger en acceptant cette palinodie ! Nous ne vous demandons qu'une chose : d'être fidèles à vous-mêmes ! (Applaudissements prolongés à gauche)

M. Jacques Mézard.  - Il est des réformes auxquelles on peut prédire une longue vie. Tel n'est pas le cas de ce texte, dont la révision s'imposera bientôt.

On aurait pu s'accorder sur le regroupement des collectivités autour de trois pôles, sur la clarification des compétences et l'autonomie financière.

Il aurait fallu faire le bilan de la décentralisation et des transferts de charges. M. Marleix m'a reproché de ne pas avoir voulu cofinancer la RN 122. A quand les Haras nationaux ?

Vous avez modifié d'abord la fiscalité, en remplaçant la taxe professionnelle par un monstre technocratique, et changé le calendrier électoral avant même le vote de la réforme. Enfin, au mépris de toute logique, vous avez malaxé sans vergogne divers projets de loi. Il ne fallait pas parler du mode de scrutin dans le projet n°60, sauf pour M. About, et le projet de loi n°61 est devenu l'Arlésienne.

Nous sortions de la mission Belot avec une base de travail consensuelle, avec le souci de valoriser le rôle du Sénat ; tout cela pour être mené en bateau jusqu'au brutal passage en force en CMP ! Vous savez seulement appliquer la chirurgie de la rupture, seul moyen, selon vous, de soigner la République.

Le Sénat est le premier qui sort blessé de ce gâchis. D'où la proposition de loi organique du groupe du RDSE. (Applaudissements à gauche)

Le Sénat a été humilié tant par la chronologie invraisemblable de ces textes que par l'introduction devant l'Assemblée nationale d'amendements fondamentaux non discutés en première lecture par notre assemblée, par des réticences coupables comme le refus de communiquer au Sénat le tableau des conseillers territoriaux que vous avez dévoilé ensuite à l'Assemblée nationale ; humilié aussi par le feuilleton rocambolesque du mode de scrutin, humilié par le dernier acte de la CMP, malgré la grande dignité du président Hyest. Tout cela laisse un goût d'amertume indélébile. La transmutation de l'article premier B mérite de rejoindre les oubliettes du parlementarisme. (Applaudissements à gauche)

Nous espérons que cette loi trépassera avant de vivre. (« Oui ! » à gauche)

Le jour où vous avez voulu inoculer le conseiller territorial dans le tissu de nos collectivités, les masques sont tombés : le conseiller territorial n'a pas pour objectif de simplifier le fonctionnement de nos collectivités mais de diminuer le poids des régions et de changer la représentation politique. L'élimination du Front national aura pour conséquence de conforter l'UMP qui n'aura plus à redouter de triangulaire et pourra encore davantage brider des alliés soumis. (Vifs applaudissements à gauche) Pour les communistes et les verts, la cure d'amaigrissement est garantie ; quant aux radicaux, vous arriverez enfin à les éradiquez. Collègues centristes, vous nous suivrez de peu dans la tombe ! (Mêmes mouvements)

L'évolution de vos déclarations sur le mode d'élection du conseiller territorial est révélatrice : vous avez rejeté dédaigneusement notre amendement introduisant le scrutin uninominal à deux tours avant d'accepter une dose de proportionnelle, « condition posée par le groupe de l'union centriste pour voter la création du conseiller territorial ». C'est ce qui s'appelle se faire plumer.

J'avais déjà souligné que l'article premier A était un sirop pour faire avaler la pilule à ceux qui toussaient ; aujourd'hui, ils ont toutes les raisons de s'étouffer.

En matière de compétence, le vote très majoritaire du Sénat est passé par pertes et profits. Une fois de plus, les communes de plus de 3 500 habitants et les EPCI de plus de 50 000 seront fragilisés dans leurs investissements.

La nouvelle architecture locale relève du baroque non flamboyant.

Aux termes de ce débat, le Sénat n'est plus la Maison des territoires chère à son président. Nous voulions une simplification et une démocratisation ; nous avons une complexification source de conflits et de charcutage électoral.

La majorité du RDSE et tous les radicaux de gauche voteront contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Notre peuple, dans sa majorité, vous a signifié son opposition à la réforme des retraites ; vous ne l'avez pas entendu. Les élus vous ont dit leur refus de votre réforme des collectivités territoriales ; vous avez accepté que le texte soit aggravé à l'Assemblée nationale et durant la CMP. Les débats sur l'article premier B sont significatifs des coups de force et du mépris envers les parlementaires. C'est un cavalier : il vise les élections cantonales. Le conseil constitutionnel appréciera. En CMP, vous avez joué sur le ton « Marquise, vos beaux yeux » et « vos beaux yeux, marquise ». Après une suspension, alors que le président Warsman parlait de blocage, un sénateur centriste s'est abstenu. Étrange ! Dans ces conditions, il est inconcevable que la majorité vote aujourd'hui l'article premier B et le mode de scrutin sacrifiant la parité. La retraite et le scrutin électoral : les femmes sont décidément malmenées par la majorité. (Applaudissements à gauche) La délégation aux droits des femmes a attiré notre attention ; vous ne l'avez pas écoutée. Seule la proportionnelle permet l'élection de femmes. Voyez ce qui se passe à l'Assemblée. Monsieur Détraigne, les sanctions ne servent à rien !

Les élus à deux têtes que seront les conseillers territoriaux -une régression démocratique- préfigurent la disparition des départements dont les présidents unanimes viennent de rappeler qu'ils sont l'échelon de responsabilité le plus adapté.

La double fonction des élus territoriaux accroîtra l'emprise de l'administration car la majorité veut en réalité défaire la décentralisation. L'objectif du Président de la République est déguisé : il a incriminé le « mille-feuilles », qui passe de quatre couches à dix : de quoi provoquer une indigestion !

Vos véritables objectifs sont clairs. Vous voulez toujours plus pour les entreprises du CAC 40 (« Hors sujet » à droite) aux dépens des services publics que vous transférez au privé !

Mme Annie David.  - Les maisons de naissance, nouvel exemple dans le projet de financement !

Mme Éliane Assassi.  - La réforme organise la disparition des échelons de proximité. En supprimant la clause de compétence générale pour les départements et les régions ainsi que les financements croisés, vous mettez à mort les communes. Dans votre logique libérale, vous sacrifiez l'intérêt général aux intérêts privés !

Parce que le Sénat est le représentant constitutionnel des collectivités, je lui demande de refuser ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Longuet.  - (Applaudissements à droite) Il est exceptionnel que notre hémicycle soit aussi fourni pour la lecture des conclusions d'une CMP. Nous sommes conviés à un rendez-vous historique : va-t-on laisser d'autres prendre la main sur la réforme des collectivités territoriales ? (« C'est déjà fait ! » à gauche)

Je le dis à tous mes collègues de l'UMP : notre soutien à l'adoption des conclusions de la CMP est indispensable ! (Applaudissements à droite) Forts de notre expérience, examinons avec sérénité les conclusions de la CMP. J'ai écouté avec attention M. Courtois, qui a dit des choses vraies (Applaudissements à droite) ; et, avec étonnement M. Sueur, qui semblait parler d'un autre texte. (Exclamations à gauche) Sa dialectique visait à justifier son refus du texte par des accidents mineurs lors de la CMP. La vérité, c'est que ce texte s'inscrit dans le sens de notre tradition de décentralisation raisonnée, lancée par les lois Defferre en 1982 et poursuivie depuis lors par tous les gouvernements.

Tous, nous avons des raisons de regarder les collectivités à l'aune de notre expérience : qui de la commune, qui de la région, qui du département, voire du pays. Nous avons à gérer ensemble notre expérience, à partir de sa diversité pour arriver à l'unité. Aujourd'hui, soutenons ensemble deux objectifs simples. Tout d'abord, l'achèvement de l'intercommunalité, qui est une grande réussite. Contrairement à ce qu'affirment certains ignorants dans la presse, la France n'est pas un pays arriéré, attaché aux communes héritières des paroisses de l'Ancien régime. C'est tout le contraire : les communes, c'est le premier accès à la vie publique, à la vie citoyenne moderne !

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous tuez les communes !

M. Gérard Longuet.  - Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de poursuivre le remarquable travail initié par M. Chevènement pour faire en sorte que nos 36 000 communes rentrent dans 2 000 intercommunalités dans le respect de la tradition communale ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quel baratin !

M. Gérard Longuet.  - (Brouhaha à gauche) C'est nous qui le faisons, pas les socialistes !

M. David Assouline.  - Quel toupet !

M. Gérard Longuet.  - Je me tourne plus particulièrement vers un ami très cher : s'il y a des imperfections, nous remettrons le chantier sur l'ouvrage. Le système n'est pas fermé, mais le principe est simple là où certains socialistes voudraient supprimer les communes au profit de l'intercommunalité. (Hourvari à gauche ; la voix de l'orateur est couverte ; applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - La ficelle est grosse !

M. Gérard Longuet.  - Deuxième raison : la création du conseiller territorial. La région doit être considérée pour ce qu'elle est. J'ai été président de région.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et alors ?

M. Gérard Longuet.  - La région est un véritable interlocuteur pour Paris, respecté par la capitale dans l'élaboration des grands projets structurants.

Région et département ne s'opposent pas ; ils se complètent. Le plus original dans ce texte, c'est qu'il sauve le conseiller général comme élu de proximité. (Exclamations prolongées à gauche)

Laissez-moi parler ! Si vous voulez vous comporter comme des députés partisans, faites-vous élire à l'Assemblée nationale ! (Applaudissements à droite)

Le Conseil constitutionnel nous demandait de réviser les assises démographiques afin d'assurer une meilleure représentation démographique des départements. Nous rompons avec l'héritage révolutionnaire pour établir cette proximité démographique. (Protestations à gauche)

Le conseiller territorial doit représenter les territoires, l'unité de la région dans la diversité des départements.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous le diluez.

MM. Jean-Pierre Godefroy et Roland Courteau.  - Apprentis sorciers !

M. Gérard Longuet.  - Nous sommes partis de notre expérience de terrain et de l'histoire de notre République. Nous avons trop souffert dans nos régions des guerres picrocholines entre collectivités pour ne pas nous réjouir de cette nouvelle architecture. Nous sommes dans une logique d'effort continu. Il n'y a pas de big bang, de grand soir des collectivités territoriales. Cher monsieur About, tout n'est effectivement pas parfait. Nous ne trouvions pas qu'il fut obligatoire de fixer un seuil de 12,5 % pour figurer au second tour. Le scrutin uninominal ne rend pas obligatoire la parité. Mais, monsieur Sueur, craignez-vous tant la misogynie du parti socialiste au point de ne pas le croire capable de faire élire des femmes ? (Applaudissements à droite, protestations virulentes à gauche)

Pourquoi avons-nous reporté la question du seuil de la proportionnelle ? Parce que les élus doivent s'exprimer plus clairement : les voeux de leurs associations divergent. Nous fixerons ensuite le seuil adéquat dans le projet de loi n°61.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Laborieux !

M. Gérard Longuet.  - A nos amis centristes qui ont la tentation de ne pas voter ce texte (« Ah ? » à gauche), je dis que la proportionnelle, à un certain niveau, gomme la représentation des territoires, comme on l'a vu en 1986 !

Mme Jacqueline Gourault.  - Nous voulons une dose de proportionnelle !

M. Gérard Longuet.  - Chers collègues de l'UMP, chers collègues centristes, je vous demande de ne pas rater ce rendez-vous historique afin que le Sénat garde la main sur la réforme et de voter les conclusions de la CMP ! (Vifs applaudissements à droite et sur quelques bancs UC, huées à gauche)

M. Hervé Maurey.  - Nous avons voté en seconde lecture ce projet de loi avec une courte majorité de six voix car nous avons obtenu satisfaction sur des questions importantes, dont le report de la question des compétences à un autre texte. Le Sénat n'avait pas trouvé d'accord sur le mode de scrutin, la gauche et l'UMP ayant refusé notre proposition d'un scrutin mixte, mais la question était reportée au projet de loi n°61, comme prévu au départ. Nous sommes opposés au seuil de 500 habitants pour le scrutin de liste, beaucoup trop bas. (Approbation sur divers bancs au centre et à droite)

Nous avions obtenu des améliorations sur la parité. En quelques heures, la CMP a fait table rase de notre travail : sa rédaction est très proche de celle des députés. Pourquoi régler dans ce texte la répartition des compétences qui ne devra entrer en vigueur que dans quatre ans ? Comme par enchantement, le cumul de mandats a disparu ! Le compte n'y est pas !

Devrions-nous voter un texte dont nous ne voulons pas, exclusivement pour que l'Assemblée nationale ne soit pas seule à l'approuver ? C'est absurde ! Messieurs les ministres, vous seuls avez le pouvoir de modifier le texte. Faites-le pour sauvegarder le rôle du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales ! (Applaudissements au centre)

M. Jean-Claude Peyronnet.  - La décentralisation poursuivait jusqu'alors un but simple : plus de proximité pour plus d'efficacité. Après l'opposition violente de la droite, ce dispositif a fait consensus. Je pense notamment à l'intercommunalité, qui a finalement rallié tous les suffrages, M. Longuet s'accaparant la réforme de M. Chevènement!

Évaluons ce texte à l'aune de ses objectifs déclarés. S'attaquer au mythique mille-feuille ? Vous avez ajouté des couches ! Diminuer le nombre d'élus ? Certaines assemblées régionales seront pléthoriques !

Faciliter les fusions de commune ? Pas sûr... La CMP, dont le président a montré une brutalité humiliante pour le Sénat, a remis en cause la parité et la clause de compétence générale, instaurée par nos lois fondatrices. Pour l'exécutif, cette réforme répond à un objectif financier et politique. Les collectivités ont subi des réformes successives, et notamment celles de la taxe professionnelle ; elles ont perdu leur autonomie financière. En fait, l'objectif est de faire rentrer tout le monde dans le rang, pour satisfaire les demandes de la BCE et du FMI, aux dépens de ce qui reste de dynamisme dans notre pays.

Le conseiller territorial ? Vous le créez pour étouffer les collectivités de gauche ! Il s'agit de remédier par la loi à ce qu'ont provoqué tous les scrutins locaux. (Approbations à gauche) Ca ne pourra marcher que si l'on supprime un échelon. M. Balladur avait parlé de l'évaporation du département ; M. Copé court les colloques pour faire valoir que ce texte n'est qu'une première étape avant la fusion du département et de la région ! Tel est le but de cette institution, ou plutôt de cette destruction : elle ne marchera pas mais ce n'est pas le souci du Président de la République qui veut simplement que sa majorité regagne les positions perdues.

M. Sarkozy est effectivement un des problèmes de la France mais, à la différence de M. de Villepin, nous n'appelons pas à refermer la parenthèse : nous attendrons les échéances électorales pour remettre la décentralisation sur ses deux pieds et pour rétablir la retraite à 60 ans ! (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Adnot.  - Nous sommes dans un moment historique, a dit M. Longuet : il faut donc prendre ses responsabilités. Avec la majorité, j'ai voté la réforme des retraites. En revanche, celle-ci est mauvaise. Il ne suffit pas de qualifier un texte de « réforme » pour qu'il soit bon. Au vrai, ce projet de loi met en cause la décentralisation et fragilise les finances locales. Diminuer le nombre d'élus ? En Champagne-Ardenne, le conseil régional aura 138 élus au lieu de 49 !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Propos scandaleux ! (M. le ministre quitte l'hémicycle)

M. Philippe Adnot.  - On veut spécialiser les collectivités ? Mais la confusion s'accroît quand l'État leur demande de financer toujours plus : le ministère de la justice vient de me demander de financer la rénovation des toilettes de la prison ! Quand une réforme est mauvaise, il faut le dire. Ne prenons pas la responsabilité devant l'histoire d'avoir mis à mal la décentralisation. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs au centre)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - La CMP a validé les orientations majeures du Gouvernement : la création du conseiller territorial et son mode de scrutin au terme de subterfuges justement dénoncés par M. Sueur. Le seuil de 12,5 % est foncièrement antidémocratique en ne permettant pas aux petites formations d'apporter leur grain de sel. La création de métropoles va décapiter régions et départements et épaissir le mille-feuille. En échange, le Gouvernement et sa majorité à l'Assemblée nationale se sont limités à de modestes contreparties. Le texte traduit une méfiance certaine envers les élus : dans un EPCI de quinze communes, si deux communes refusent la fusion, que se passera-t-il ? Les treize finiront par fusionner, grâce à une interprétation extensive de la loi, avant que ne cesse la résistance des deux villages gaulois. La loi de 1999 a été votée sous un gouvernement de gauche, après une concertation approfondie dans les deux assemblées. Merci à M. Mercier, rapporteur du Sénat, à l'époque, avec M. Hoeffel, mais la méthode retenue aujourd'hui par le Gouvernement est très différente.

De surcroît, vous donnez aux préfets les pleins pouvoirs alors qu'ils devraient s'attacher à dégager le consensus. C'est l'esprit de la loi Marcellin. Plutôt que d'employer un marteau-pilon pour écraser une mouche, cherchons des solutions de compromis ! Le groupe RDSE est pour l'intercommunalité ; il avait fait des propositions. La Haute assemblée, y compris M. Longuet, avait voté le maintien de la clause de compétence générale. Vous aussi, vous avez été piétinés, même si vous faites preuve de résilience. (Applaudissements à gauche)

Dans le monde impitoyable de l'UMP, on ne fait pas de cadeaux ! (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Dominique Braye.  - A gauche non plus ! Voyez M. Jospin !

M. Bernard Vera.  - Ce texte est inacceptable. Il bafoue l'article 24 de la Constitution et les acquis de la décentralisation : grâce à la clause de compétence générale, les collectivités territoriales se sont émancipées de la tutelle de l'État pour devenir un outil de développement collectif. Vous compromettez brutalement ces avancées ! Vous voulez réduire les communes au rôle de simples figurants face aux métropoles et aux pôles métropolitains. Vous diminuez le pouvoir fiscal des élus locaux pour transformer certaines collectivités en de simples distributeurs d'allocations. Nous en serons bientôt à l'asphyxie !

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est fait !

M. Bernard Vera.  - Votre seul souci est que les collectivités se plient à votre politique libérale de réduction de la dépense publique. Ces dernières, vous le savez bien, participent peu néanmoins du creusement du déficit.

Votre schéma se fonde sur la concurrence entre les collectivités. Cette restructuration, et l'interdiction des financements croisés, fait le jeu des intérêts du privé.

Ce texte fait primer la concurrence et la privatisation sur l'intérêt général. Le groupe CRC votera contre ! (Applaudissements à gauche)

Mme Jacqueline Gourault.  - C'est avec un mélange de détermination et d'émotion que je m'adresse à vous, parce que nous sommes ici dans la chambre des collectivités territoriales. En installant le comité Balladur, le Président de la République voulait simplifier, clarifier, économiser, bref moderniser et renforcer la démocratie locale. Où en sommes-nous ?

Simplifier l'architecture territoriale ? Le paysage local devient incompréhensible ; une fois de plus, on annonce la suppression de structures, et de nouvelles apparaissent. Clarifier les compétences ? On a cédé à la facilité en renvoyant le problème à 2015, tandis que l'État, sur le terrain, réorganise ses services. Les élus de 2014 ne sauront pas quelles compétences ils exerceront !

Économiser ? Certes, le nombre total d'élus locaux diminuera de moitié mais les conseils régionaux deviendront pléthoriques et toutes les administrations locales perdureront ! Renforcer la démocratie locale ? Comment se satisfaire d'un mode de scrutin et d'un seuil qui mettent à mal la parité et le pluralisme ? On ne sait que trop les inconvénients des clivages au plan national : vous allez les reproduire au niveau local.

Nous avons été traités d'une façon particulière et notre assemblée n'a pas été considérée.

M. Guy Fischer.  - Méprisée !

Mme Jacqueline Gourault.  - A la CMP, ceux qui agitent le spectre de la IVe République n'ont guère été dignes de la Ve ! (Marques d'approbation à gauche)

Le mode de scrutin devait faire l'objet d'une loi spécifique. J'ai voté l'institution du conseiller territorial en espérant que le Gouvernement accepterait une dose de proportionnelle, à l'instar des élections municipales.

Pour défendre le rôle de notre Assemblée, je voterai avec d'autres de mes collègues contre ce texte qui est une occasion manquée ! Nous sommes nombreux à soutenir le dispositif sur l'intercommunalité mais je ne peux, en conscience, approuver l'ensemble du texte. En agissant ainsi, ce sont les maires, les conseils généraux, les conseillers régionaux que je défends ! (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le Gouvernement et sa majorité ont transformé une réforme qui pouvait être consensuelle en opération politicienne de reconquête des collectivités territoriales perdues ; cela ne pouvait déboucher que sur un échec collectif.

Il y a deux ans, le Président de la République s'insurgeait contre l'enchevêtrement des compétences et le nombre d'échelons : moins d'échelons, moins d'impôts ; plus d'échelons, plus d'impôts, disait-il. Aujourd'hui, la clarté brille par son obscurité. Quel échelon a disparu ? On loge les conseils généraux dans les conseils régionaux, on crée de nouvelles catégories d'EPCI et de communes... Où sont les économies avec des conseils régionaux pléthoriques ?

Échec pour le Sénat qui n'a pas eu le courage d'assumer son rôle. Quel gâchis après le consensus de la mission Belot ! Échec pour le département qui est toujours là, mais pour combien de temps ? Échec pour la région qui subira le poids politique décisif des majorités départementales et qui, privée de toute autonomie fiscale, ne pourra plus rien faire. Échec aussi pour les communes, privées de la capacité de maîtriser leur destin. Échec plus grand encore pour les plus petites d'entre elles, pour les territoires ruraux. Plus d'élus de proximité là où ils sont le moins utiles, moins là où ils le sont le plus.

Échec, aussi, pour les territoires les plus urbanisés : la région parisienne est exclue du champ de la loi ; et rien ne dit comment seront mises en cohérence les interventions des acteurs locaux dans les domaines stratégiques comme les transports ou le logement.

L'insatisfaction générale n'est pas signe d'équité. Le Gouvernement a fait ses choix, l'Assemblée nationale a fait les siens, qu'ils les assument. Les électeurs trancheront. Le Sénat, s'il n'a pas le dernier mot, peut au moins sauver l'honneur ! (Applaudissements à gauche et sur les bancs RDSE)

M. Gérard Collomb.  - Le monde bouge ; notre pays doit évoluer. J'attendais beaucoup de cette réforme, qui aurait dû permettre à nos collectivités de trouver cette excellence qui est au coeur du rapport Belot. Tel ne sera pas l'effet de ce texte !

Si M. Longuet est contraint de battre le rappel, c'est que beaucoup de ses collègues doutent de la pertinence du dispositif. Les associations se sont mobilisées, nos collègues ont beaucoup corrigé le texte initial et sauvé l'essentiel sur les relations entre communes et intercommunalités. Rappelez-vous que la métropole, sans émaner du suffrage universel, devait réunir tous les pouvoirs...

Clarification des compétences ? Les Français savent que le conseil régional se prononce sur les grandes orientations, la politique industrielle, la politique universitaire ; ils savent que le conseil général organise la politique sociale, la politique de proximité. Ils connaissaient la nécessité de financements croisés pour aider les communes. Vous vous en êtes rendu compte, vous avez reculé sur la culture et le sport. Votre position était intenable. Mais pour le reste, il faudra attendre 2015... Si la réforme était bonne, nul besoin de la reporter ! (Applaudissements à gauche)

Cette réforme procurera-t-elle des économies ? Dans ma région, les travaux du nouveau siège du conseil régional doivent être suspendus, parce que l'hémicycle est devenu trop petit...

La vérité est que vous essayer de trouver par la loi les majorités que vous ne trouvez plus dans les urnes ! (Applaudissements à gauche)

La CMP s'est déroulée dans des conditions scandaleuses ! Je le dis à mes collègues centristes : en faisant passer le seuil de 10 % à 12,5 %, elle a exclu l'expression des formations minoritaires. Il est urgent que le Sénat rétablisse la démocratie ! (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle André.  - Le texte de la CMP confirme les craintes de la Délégation aux droits des femmes et marque un recul historique de la parité. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours ne favorise pas l'accès des femmes aux mandats électifs.

Nous avons auditionné des constitutionnalistes et les grandes associations d'élus. La loi du 10 janvier 2000 a fait progresser la parité dans toutes les élections au scrutin de liste : les conseils régionaux comptent 48 % de femmes ; 45 % des postes de vice-président sont occupés par des femmes. En revanche, les conseils généraux, assemblées les plus masculinisées de France, ne comptent que 12 % de femmes.

Comment un mode de scrutin excluant la parité peut-il se concilier avec l'objectif énoncé à l'article premier de notre Constitution, l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives ? Les pénalités financières sont manifestement inefficaces. Nous en avons un exemple à l'Assemblée nationale : les partis préfèrent payer 5 millions de pénalités, dont 4 millions pour le seul parti majoritaire ! Une autre voie aurait été d'aller vers un scrutin binominal. La CMP a préféré transposer le mode de scrutin des conseils généraux...

Le nouveau mode de scrutin devait faire l'objet d'un projet de loi distinct ; il a été introduit par amendement à l'Assemblée nationale après la première lecture au Sénat. Ce n'est respectueux ni de notre assemblée ni de la procédure législative.

Je déplore ce signal extrêmement négatif dix ans après la loi du 6 juin 2000. Le 9 novembre 2010 restera dans l'histoire comme un jour funeste pour les femmes françaises. Je voterai contre un texte naufrageur de la parité. (Applaudissements à gauche)

M. François Patriat.  - Quatre ministres en séance pour un scrutin qui s'annonce serré sur un enjeu majeur. Il y a deux ans, j'interrogeais Mme Alliot-Marie lors d'une séance de questions d'actualité ; je lui disais que nous avions besoin d'une réforme, je lui demandais si nous aurions un vrai débat et si le Sénat serait entendu ou si l'objectif était seulement de régler des comptes politiques. Aujourd'hui, nous avons la réponse : cette affaire n'est qu'une mascarade.

Comment les ennemis de la décentralisation peuvent-ils aujourd'hui nous donner des leçons de décentralisation ? Monsieur Longuet, je me souviens de votre opposition à toutes les lois de décentralisation que nous avons présentées, celles de 1982, la loi Joxe, la loi Chevènement... Voulez faire passer un recul pour une avancée : nous sommes aujourd'hui au jour 1 de la recentralisation. Les français ne peuvent l'accepter.

Cantonalisation et caporalisation des régions mises à la merci des élus départementaux, carbonisation des collectivités locales : voilà les maîtres mots de ce texte. Demain, le président du conseil régional sera sous la férule des présidents de conseil général.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Quel mépris pour les départements !

M. François Patriat.  - On ne peut défendre les intérêts du canton et de la région.

Carbonisation aussi des collectivités, avec la suppression de la taxe professionnelle, la disparition des compétences des régions et le gel à venir des dotations. C'est un coup d'arrêt extraordinaire à l'essor des territoires.

Il faut voter non avec la droite ou la gauche mais en conscience, pour ce qu'on croit bon pour le pays, pour son devenir, pour les citoyens que nous représentons ! (Applaudissements à gauche et sur les bancs RDSE)

M. Guy Fischer.  - Notre groupe s'oppose frontalement au texte de la CMP, surtout à son article premier B, car le relèvement du seuil permettant à un candidat de se maintenir au second tour des élections cantonales est un cavalier législatif introduit en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. A ce titre, il est inconstitutionnel, dans le but manifeste d'éviter une déroute à l'UMP en 2011 !

Le Conseil constitutionnel devrait censurer cette disposition. Le Sénat l'avait d'ailleurs supprimée par 183 voix contre 149. Le tour de passe-passe des rapporteurs en CMP est un autre motif de censure. Le Sénat s'est déjugé, le principe constitutionnel du vote acquis a été bafoué. M. Perben, en expliquant que cet article concernait le futur conseiller territorial, a fait montre d'une volonté manifeste de dissimulation.

Sur le fond, nous refusons le coup porté au pluralisme et aux formations minoritaires, qu'elles soient de l'opposition ou de la majorité. Ce texte est une véritable machine de guerre contre la parité, contre les collectivités territoriales respectueuses de leurs concitoyens. C'est aussi pour cela que les pressions exercées en CMP sont inadmissibles.

Tous les partisans d'une démocratie locale pluraliste sont confortés dans leur opposition à ce projet de loi, contre lequel nous voterons résolument ! (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue à midi quarante.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 heures 50.

Vote sur l'ensemble

M. Didier Guillaume.  - Suppression de la taxe professionnelle, gel des dotations, démembrement des collectivités locales : c'est la tragédie en trois actes imposée par l'État !

La suppression de la taxe professionnelle coupe le lien historique entre les collectivités et la vie économique.

M. Roland Courteau.  - Exact !

M. Didier Guillaume.  - Le gel des dotations transforme l'effet ciseaux en un vrai garrot qui étrangle les collectivités.

Le démembrement des collectivités signe la fin de la décentralisation. Les zones rurales ne sont pas des réserves d'indiens ! Elles sont au coeur de l'innovation.

Ce ne sont pas les collectivités qui ont un train de retard, c'est votre texte qui nous fait rejouer Retour vers le futur avec la fin de la décentralisation.

Le Sénat a été bafoué : le texte de la CMP, c'est celui de l'Assemblée nationale !

Vous faites des lois par procuration, qui s'appliqueront après 2012 parce que ni le peuple ni les élus n'en veulent. Le conseiller territorial, un être hybride de sexe masculin, sonne le glas de la ruralité.

Vous bridez la compétence des collectivités locales et avec elles, le principal moteur de la croissance. Etre libre, c'est être capable de dire non ; le groupe socialiste dira non car il est le défenseur inlassable de la décentralisation et des territoires. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Louis Masson.  - Le scrutin uninominal à deux tours des conseillers territoriaux fera nettement régresser la parité. Le libellé de l'article sur les pénalités a été rédigé de façon délibérément incompréhensible afin que personne ne s'y retrouve dans ce charabia. On nous dit que le dispositif aura des effets incitateurs sur la parité : l'expérience des législatives montre qu'il n'en est rien.

Je partage le point de vue de M. de Villepin sur le Président de la République : initialement excellente, cette loi est pourrie par des arrière-pensées politiciennes.

M. Roland Courteau.  - Présidentielles !

M. Jean Louis Masson.  - Fixer à 12,5 % le seuil pour se maintenir implique qu'il faudra être membre de l'UMP pour figurer au deuxième tour ! (Rires et applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Méfiez-vous de ceux qui parlent vrai, monsieur le ministre !

M. Jean Louis Masson.  - On nous prépare un charcutage aussi scandaleux que celui des circonscriptions législatives. On l'a bien vu en Moselle ; et voici que le Gouvernement recommence à propos du conseiller territorial ! Les mêmes magouilleurs qui ont sévi en Moselle ont déjà commencé à affuter les ciseaux et à aiguiser les couteaux pour charcuter le territoire !

Je voterai contre. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin.  - M. Balladur parlait de ses propositions comme d'un big bang territorial. Ce sera plutôt un chaos ! Les communes sont le bien commun de tous nos concitoyens, animées qu'elles sont par des bénévoles.

Le conseiller territorial, que vous avez voulu à la fois régional et départemental, ne sera ni l'un ni l'autre. Nul n'en a réclamé la création et celle-ci ne fera que de la confusion. On attente au pluralisme démocratique, auquel le RDSE est si attaché.

Pourquoi tant de méfiance face aux élus locaux ? Les petites communes ne sont pas épargnées. La disparition progressive des services publics de proximité va directement contre la survie de nos espaces ruraux.

A l'évidence, une réforme des collectivités s'impose mais ce texte est un rendez-vous manqué qui affaiblit le Sénat, voire l'humilie. Le rapport Balladur formulait d'excellentes propositions ; le Gouvernement va dans le sens inverse.

La violation de l'esprit de la Constitution est inacceptable ; vous n'avez d'autre intention que de faire passer coûte que coûte un texte dont le Sénat ne veut pas, jusqu'aux conditions ubuesques de la CMP. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi constitutionnelle tendant à ce que l'Assemblée nationale n'ait pas le dernier mot sur les textes sur lesquels la Constitution nous donne la primeur.

En attendant l'examen de ce texte, le 8 décembre, je vous invite à restaurer l'honneur du Sénat. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-France Beaufils.  - Au terme de ce qui devait être un marathon législatif, mais que vous avez conduit comme une course d'obstacles, une troisième lecture aurait été légitime ; vous l'avez refusée. Il restera au Conseil constitutionnel à statuer.

Je vous alerte une nouvelle fois sur la mort non annoncée de nos communes -à qui, nonobstant vos dénégations, ce texte s'attaque en premier lieu. Plus rien ne pourra se décider localement. Les communes vont s'évaporer, elles disparaîtront peu à peu, vidées de toute substance. Nous ne pouvons nous résoudre à voir disparaître ces lieux de construction du lien social.

Ce que fait une loi, une autre peut le défaire. Mais d'ici là, le mal sera fait. Transformés en proconsuls, les préfets pourront jouer des ciseaux sans être tenus par la commission départementale. Ils auront dix-huit mois pour agir en toute liberté et un an avant chaque élection municipale. Nos concitoyens seront noyés dans de grosses sections administratives sur lesquelles ils n'auront plus de prise. En une loi, vous réduisez à néant deux siècles d'histoire de la République. Nous ferons tout pour faire échec à cette loi scélérate ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Yves Détraigne.  - Je suis comme vous conscient du caractère insatisfaisant de ce texte. Il n'est certes pas parfait mais les deux lectures ont montré que les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat étaient très différentes. Fallait-il laisser le dernier mot à l'Assemblée nationale...

M. Daniel Raoul.  - C'est ce que vous avez fait.

M. Yves Détraigne.  - ...ou chercher un compromis ?

La CMP a abouti à un compromis, comme tel imparfait. On peut toujours être jusqu'auboutiste, mais cela reviendrait à dire que ce serait à l'Assemblée nationale d'avoir le dernier mot : je m'y refuse.

Combien de fois le Sénat a-t-il cherché à introduire une dose de proportionnelle dans un texte ? Pas moins de 29 fois...

Certes, la clause de compétence générale est supprimée, mais à partir de 2015 : cela laisse du temps...De même, est-il négligeable d'avoir obtenu des avancées sur les cofinancements ?

Je ne suis ni fier ni honteux du texte de la CMP. C'est un compromis dont la plupart des dispositions auront moins de conséquences sur les collectivités que la reforme financière votée l'an dernier ou la généralisation de l'intercommunalité. Je le voterai donc sans état d'âme. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

M. Gérard Miquel.  - Au lieu de prendre en compte les préconisations du rapport Belot, vous avez préféré écouter des experts qui n'avaient jamais géré des collectivités. Vous avez réformé la Constitution pour, paraît-il, donner plus de pouvoirs au Parlement. On voit ce qu'il en est !

Vous allez rendre de grandes régions ingérables. Midi-Pyrénées aurait 265 conseillers régionaux, soit trois fois plus qu'aujourd'hui ! Il faudra construire un nouvel hémicycle...

M. Roland Courteau.  - Pour faire des économies !

M. Gérard Miquel.  - Vous mettez un terme à un quart de siècle de décentralisation. Pour la première fois, le travail du Sénat sur les collectivités locales est balayé par l'Assemblée nationale. Les grands électeurs en tireront les conséquences !

Le rapport Attali voulait une mort subite du département. Vous avez préféré programmer sa mort lente, dans la souffrance. La centralisation et la métropolisation sont en marche !

Nos électeurs nous observent ! Le conseiller territorial, cette aberration technocratique, générera dépenses, confusion et technocratisation. En rejetant ce texte, nous grandirons l'image du Sénat et nous le conforterons dans son rôle de défenseur des collectivités. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Cette réforme extravagante, confuse et illisible foule au pied le rapport Belot. Les lois de 1871, 1872, 1982 avaient fait progresser le pouvoir local. Que signifie cette réforme confuse et peu lisible, qui fait des collectivités locales les boucs émissaires de l'incurie de l'Etat ?

Comment gérer des conseils régionaux pléthoriques ? Quel pouvoir aura le président de Midi-Pyrénées face au maire de la métropole toulousaine et aux huit présidents de conseils régionaux ? Comment accepter que des remplaçants puissent siéger à la place de titulaires ? Nous n'approuvons pas cette démocratie émasculée.

Votre réforme, qui fera grossir les riches et maigrir les pauvres, avant qu'ils ne périssent d'anémie, n'entrera en vigueur que dans quatre ans. Vous n'aurez réussi qu'une chose : la décentralisation des déficits ! L'État, jaloux de la réussite des collectivités territoriales, ignore la notion même de solidarité territoriale.

La majorité du RDSE votera contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Adnot.  - Ce texte a aussi un volet financier ! Nous n'aurons plus d'autonomie fiscale : nous ne serons plus que des exécutants.

M. Mercier a dit « évident qu'un conseiller territorial ne pourra pas être parlementaire ». C'était un lapsus, sans doute, mais ô combien révélateur ! Réfléchissez, mes chers collègues, à ce que cela signifiera pour nous !

On ne simplifie pas, on ajoute la métropole au mille-feuille. Nous dépendrons du bon vouloir de telle ou telle administration.

Nous ne vous demandons pas de vous renier ; nous vous disons : cette réforme est très importante ; prenons le temps de la bâtir correctement ; en l'état, c'est un mauvais coup contre la démocratie. (Applaudissements à gauche et sur certains bancs au centre)

Mme Michelle Demessine.  - Le rétablissement de la disposition sur l'élection des conseillers territoriaux contredit ce qu'avait demandé explicitement notre commission. Non seulement l'Assemblée nationale nous impose sa loi, mais c'est le rapporteur de la commission des lois qui le propose ! Rien ne permet de comprendre une telle soumission de la majorité sénatoriale, sinon le diktat de l'Élysée.

Le scrutin uninominal favorisera le bipartisme. Le scrutin proportionnel, actuellement en place dans les régions, ne crée pas de difficultés, tout en favorisant l'expression du pluralisme.

Le scrutin uninominal tue la parité. Il suffit de comparer les hémicycles des conseils régionaux et généraux pour s'en convaincre. Vous claquez la porte aux nez des femmes !

Nous espérons que le Sénat refusera les conclusions de la CMP, qui n'a tenu aucun compte de ses votes. Nous défendrons l'honneur de la Haute assemblée en votant contre un projet de loi qui porte gravement atteinte à la démocratie. (Applaudissements à gauche)

M. Hervé Maurey.  - Le Gouvernement n'ayant pas saisi la main que je lui avais tendue ce matin, je ne voterai pas ce texte, avec tristesse et détermination. (Applaudissements à gauche)

Avec tristesse car je l'ai voté en première et deuxième lectures, et j'ai expliqué aux maires de mon département l'importance de cette réforme. Il est difficile à un parlementaire majoritaire de ne pas voter un texte du Gouvernement mais pour la première fois, je ne voterai pas cette réforme.

Nous n'avons en effet obtenu aucune amélioration sur le cumul des mandats, question majeure pour la modernisation de la vie politique.

Je ne voterai pas non plus contre (exclamations à gauche) par loyauté envers la majorité à laquelle j'appartiens. Comme le dit le Président du Sénat, loyauté n'est pas inconditionnalité.

Je reste en désaccord profond avec l'opposition, qui veut faire peur aux communes. Je n'entre pas dans son jeu et je m'abstiens, avec tristesse et détermination.

M. Roland Courteau.  - Nous, nous voterons résolument contre ! Comment ne pas tenir compte de la Constitution qui exige que la loi favorise la parité, qui proclame que la République est décentralisée, qui précise que les collectivités territoriales s'administrent librement et qui fait du Sénat, dans son article 39, le représentant des collectivités locales ?

Comment osez-vous claironner que vous voulez simplifier alors que vous ajoutez une strate au mille-feuille ? Comment osez-vous clamer aux quatre vents que vous renforcez la démocratie locale alors que vous instaurez un mode d'élection qui pénalise les petits partis ?

L'honneur, en politique, c'est de mettre les actes en accord avec les discours. Vous voulez, avec ce texte, que l'UMP reprenne pied dans les régions et départements d'où elle a été évincée. Vous tentez de masquer les graves manquements de l'État, qui se traduiront par des transferts de charges aux collectivités.

Cette réforme va à contresens de l'histoire ! Comme pour la réforme des retraites, il s'agit d'un texte conforme à la pensée présidentielle, qui ignore les propositions du Sénat, pourtant représentant constitutionnel des collectivités territoriales.

Une vraie réforme de l'État passe par un approfondissement de la décentralisation, un rétablissement de l'autonomie fiscale locale, un renforcement de la péréquation et une clarification des compétences. Avec des collectivités locales solides, la France est plus forte et l'État plus efficace ; à l'inverse, quand les collectivités sont asphyxiées, garrotées, malmenées, la République est attaquée. Maintenant, à chacun de se prononcer en son âme et conscience ! (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Vous connaissez notre désaccord avec la création des métropoles, des mastodontes éloignés des citoyens.

Le Sénat avait sauvegardé les apparences à propos du PLU métropolitain qui devait être soumis aux conseils municipaux. C'était trop d'audace pour l'Assemblée nationale et la CMP : le texte d'aujourd'hui parachève le dessaisissement des communes au profit de la métropole.

Dans ces conditions, comment pourront-elles prévoir les espaces nécessaires aux équipements publics, prévoir des réserves foncières, définir des ZAC ? Les élections municipales n'auront plus d'enjeu puisque les décisions se prendront ailleurs.

Les métropoles, ces superstructures bureaucratiques, ne répondront pas aux besoins des citoyens, qui n'auront aucun moyen d'intervenir. Avec vos fantasmes antidémocratiques, vous découragez les partisans d'une intercommunalité intelligente.

M. Séguin avait raison de dire que la proximité coûte cher. La métropolisation vise à réduire la dépense publique.

Nous voterons contre cette loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Albéric de Montgolfier.  - Je voterai ce texte, conformément à la volonté des présidents de conseils généraux du groupe DCI de l'ADF, car le dialogue avec les conseils régionaux n'existe pas. Dans ma région, le président n'a réuni la conférence des exécutifs que deux fois en dix ans ! Le meilleur moyen de conduire des politiques convergentes est d'avoir les mêmes élus au conseil général et au conseil régional grâce aux conseillers territoriaux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Bariza Khiari.  - Nouveau camouflet pour notre assemblée, la CMP n'a pas retrouvé le bon sens pour nos collectivités, puisqu'elle accroît les pouvoirs des préfets, transforme les régions en syndicats ingérables de départements.

Cette loi mettra en difficulté le tissu social et la vie associative, bref, le vivre ensemble.

Contrairement aux assurances, cette loi complexifie l'organisation territoriale, elle marque la fin de la parité. « L'égalité est toujours un combat » disait François Mitterrand. Cela reste d'actualité pour les femmes, comme l'a expliqué Mme André.

Vous faites la leçon aux pays en voie de développement à propos de la situation des femmes, alors que ce projet de loi leur réserve un sort honteux.

Pourquoi ce retour en arrière aberrant ? Pour des raisons électoralistes !

La CMP a négligé le Sénat : pire qu'une erreur, c'est une faute. Vous continuez le passage en force d'une réforme conçue contre les élus locaux.

Les sénateurs socialistes voteront contre une réforme inutile, pour la dignité du Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Annie David.  - L'article 8 organise la fusion des communes en réintroduisant la fusion autoritaire des communes. Comment la CMP peut-elle revenir sur une disposition adoptée par les deux assemblées ?

Le Sénat avait exigé la consultation des citoyens pour la fusion des communes ; la CMP l'a écartée. C'est inacceptable ! Les habitants ne se prononceront que si les délibérations des conseils municipaux ne sont pas concordantes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est normal !

Mme Annie David.  - Lorsqu'il s'agira de réunir des communes membres d'un même EPCI, l'accord des deux tiers des conseils municipaux suffira, sans aucune consultation populaire. Monsieur Maurey, cela menace incontestablement les communes !

Alors que la fusion peut être une décision consensuelle, elle pourra être imposée, puisque les garde-fous sautent face au pouvoir des préfets.

Ne partageant pas votre optimisme sur l'avenir des communes, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. François Zocchetto.  - Il y a là du bon et du moins bon.

J'apprécie la réaffirmation du rôle irremplaçable des communes ainsi que le renforcement de l'intercommunalité.

En revanche, le conseiller territorial est le fruit d'une réflexion inaboutie. Comment expliquer à nos concitoyens que des hémicycles régionaux accueillant 300 élus pourront bien fonctionner ?

Avec l'Ardèche, le département de la Mayenne sera le plus mal représenté au regard de leur population. Comment expliquer que nous n'aurons que 19 conseillers alors que le département voisin, moins peuplé, en aura 29 ?

M. Guy Fischer.  - Allez comprendre !

M. François Zocchetto.  - En matière de compétences, il y a confusion. Nous ne pouvons accepter qu'en quelques heures, l'Assemblée réduise à néant le travail du Sénat. Je m'abstiendrai.

M. Hervé Maurey.  - Très bien !

M. Jean-Louis Carrère.  - Allez jusqu'au vote contre !

M. Jean-Claude Frécon.  - Ce projet de loi devait renforcer l'action et les compétences des collectivités locales.

Pour commencer, il fallait « simplifier le mille-feuille ». Or, on ajoute trois niveaux, avec les métropoles, les communes nouvelles et les ensembles métropolitains, sans même supprimer les pays.

La clarification des compétences a progressé en trente ans mais on n'a pas suffisamment intégré la notion de chef de file. La clarification n'a pas eu lieu.

Réduire le nombre d'élus ? Oui, mais à quel prix ! La région Rhône-Alpes devra interrompre le chantier du nouvel hémicycle pour en construire un encore plus grand.

Nous aurions pu mieux faire pour les conseillers territoriaux, n'était la volonté du Président de la République.

La démocratie par le fléchage ? Mais l'élection ne fléchera rien ! Enfin, la parité reculera.

Les territoires ruraux couvrent une grande partie du pays, avec 20 à 25 % de la population.

Le Sénat est bafoué, piétiné, humilié, mais il va se révolter ! Nous rencontrons tous nos maires.

Avec, j'espère, nombre de démocrates, le groupe PS votera contre ce projet. (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Pasquet.  - Dès la seconde lecture, le Sénat avait rétabli la clause de compétence générale, jusqu'à une seconde délibération.

En CMP, le texte de l'Assemblée nationale a prévalu, car le Gouvernement a opté pour le passage précipité en force. Il est inacceptable qu'une CMP s'oppose à l'avis quasiment unanime de notre assemblée sur le partage des compétences.

Demain, un maire pourra-t-il appliquer son programme ?

Le recul des deux rapporteurs avec la date de 2015 est un leurre destiné à masquer l'abandon de la clause de compétence générale.

La méthode du Gouvernement a été détestable et nous devons refuser ces façons de faire en votant contre les conclusions de la CMP. (Applaudissements CRC-SPG)

M. Yves Daudigny.  - Tout çà pour çà ! Le moins que l'on puisse dire est que le compromis de la CMP est biaisé. D'où le peu d'enthousiasme soulevé par le passage en force.

Pour l'essentiel, la CMP a repris le texte de l'Assemblée nationale : les représentants des collectivités territoriales sont priés d'être moins inventifs.

Mise en parallèle avec les dispositions fiscales, cette réforme réduira les partenariats entre collectivités et fera reculer la démocratie territoriale.

La détermination des compétences est renvoyée à une nouvelle clause de rendez-vous, qui pourrait connaître le même sort que la clause de revoyure de la réforme de la TP.

Enfin, ovni de la démocratie sarkozyste, le coeur de la réforme s'appelle « conseiller territorial ». Loin de construire la modernité, il n'est qu'incertitude et confusion.

Oubliés les objectifs de clarification et d'économies ! En revanche, vous sacrifiez la démocratie locale et la vie rurale. Avec l'affaiblissement de l'État et l'effacement des collectivités locales, la notion d'action publique disparaîtra. Nous devrons reconstruire un État plus démocratique, plus efficace et plus solidaire ! (Applaudissements à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Faut-il réformer l'organisation des collectivités locales ? Peut-être, mais à condition d'éviter la confusion, omniprésente ici.

Cette réforme n'apporte rien de bon car il s'agit d'une pure et simple recentralisation.

Ne pouvant limiter le contre-pouvoir local par les urnes, vous le faites avec ce texte en garrottant les collectivités locales. Vous commencez par réduire le nombre d'élus, conformément aux préceptes napoléoniens, puis vous le divisez pour mieux l'affronter.

En raison de leur perte d'autonomie fiscale, les départements deviendront de simples guichets et les communes seront regroupées en vertu du pouvoir coercitif attribué au préfet. Les Français tiennent à leurs communes, pour combattre la désertification du territoire. Même les communes privées d'habitants, leurs conseils municipaux n'en veulent pas la mort : M. Couve de Murville en avait fait l'expérience en son temps. Et comment oublier l'action quotidienne des élus ? Le maire de Massiac le sait bien : qui montera à l'échelle pour réparer une fuite sur le toit ?

On ne peut être à la fois élu cantonal et régional, M. Patriat l'a fort justement dit.

Le manque de péréquation a été souligné.

L'endettement des collectivités territoriales n'atteint que 10 % de celui de l'État, alors qu'elles assurent 74 % de l'investissement public ! Au moins, respectez-les !

M. Robert Navarro.  - Un compromis ménage tous les acteurs. Or, la CMP n'a retenu que la vision de l'Assemblée nationale.

Nous commémorons le quarantième anniversaire de la mort du général de Gaulle, à qui je rends hommage pour son courage, sa détermination et son sens de l'intérêt général. (Exclamations à droite) Aujourd'hui, les centristes et la droite salissent sa mémoire ; la lâcheté de certains laisse le Gouvernement humilier le Sénat.

Déjà, de Gaulle appelait la décentralisation de ses voeux en 1969 ; votre projet lui tourne le dos.

Vous pouvez encore dire « non »  aux projets de M. Sarkozy.

A propos de la régionalisation, le général de Gaulle avait souligné en mars 1968 que « l'effort multiséculaire de centralisation » ne s'imposait plus. Il n'aurait jamais accepté votre réforme, l'innovation du conseiller territorial, cet être hybride aux compétences illisibles, ni les pouvoirs accrus du préfet, ni les métropoles.

Il importe de dire « non » à M. Sarkozy. S'opposer à ce texte, c'est défendre une certaine idée de la France ! (Applaudissements à gauche)

Mme Dominique Voynet.  - La décentralisation, en donnant aux régions des pouvoirs, supprimera des causes de conflits. Loin d'affaiblir l'unité nationale, elle la renforcera : voilà ce que Gaston Defferre avait proclamé en 1981.

Dix mois se sont écoulés depuis le début d'un débat riche en rebondissements. On nous a promis une clarification des compétences, une loi électorale juste et un régime financier équitable. Rien ne reste de ces promesses ! Personne n'y retrouve ses petits. Les défenseurs des départements craignent leur affaiblissement ; ceux des régions croient que les départements ont gagné, mais nul ne doute de la régression subie par les communes.

Au fond, nos collègues de droite espèrent que dès 2012, la gauche aura la sagesse de mettre fin à ce galimatias indigeste.

Le véritable enjeu ? Une lutte pour le pouvoir, mais est-on chez Shakespeare ou chez Nanni Moretti ?

La réalité du territoire n'est pas prise en compte ? Qu'importe ! Il faut mettre au pas la majorité, gagner le bras de fer avec les centristes, montrer qui est le patron. On imagine les pressions et les menaces, feutrées ou pas, que subissent ceux qui voudraient faire prévaloir leurs convictions.

Pas un démocrate ne peut s'en accommoder ! Avec toute la gauche, les Verts voteront contre ce texte sur lequel il faudra revenir le plus vite possible ! (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Madrelle.  - Nous voulons tous clarifier les compétences et les financements mais le Président Sarkozy a présenté un projet confus.

Cette réforme crée de nouveaux niveaux sans en supprimer ; elle permet à l'État de faire les poches des collectivités ; elle officialise le cumul des mandats ; elle contraint les communes les plus pauvres à financer davantage les équipements ; enfin, elle oblige le maire, pris dans la nasse, à augmenter les impôts sur les ménages.

La disparition programmée des départements peut conduire à l'éclatement de la République et à la résurgence des vieilles provinces. Comme républicains, nous combattrons le risque de détricotage de l'unité nationale ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Teston.  - Engagée en 1982, la décentralisation a grandement stimulé l'investissement public, réalisé à plus de 70 % par les collectivités territoriales.

Il était pourtant nécessaire de renforcer l'égalité entre collectivités, ainsi que la démocratie locale.

A l'issue de la CMP, trois orientations se dégageaient : l'affaiblissement des départements et des régions, la recentralisation, une clarification inaboutie des compétences.

Le conseiller territorial et les métropoles affaibliront les départements et les régions.

En première lecture, j'avais critiqué le conseiller territorial, notamment parce qua la Constitution interdit la tutelle d'une collectivité par une autre. En outre, le patient travail législatif en faveur de la parité est réduit à néant.

Avec plus de 300 000 habitants, l'Ardèche n'aura que 19 conseillers territoriaux alors que des départements de 220 000 habitants en auront entre 21 et 27.

M. Guy Fischer.  - Allez comprendre !

M. Michel Teston.  - Le texte prétend approfondir l'intercommunalité mais le préfet devient son grand ordonnateur. Son pouvoir est important pour la création de communes nouvelles.

Enfin, ce texte ne clarifie nullement les compétences. On ne sait donc pas qui fait quoi, avec qui et avec quels moyens.

J'appelle le Sénat à refuser ce retour en arrière ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Excellent.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne voterai pas un texte considéré comme calamiteux par les élus locaux. Je ne me résous pas à voir jetés au panier les travaux de la mission Belot, à laquelle j'ai eu la faiblesse de croire. Je ne me résous pas à voir les petites communes marginalisées, à voir les citoyens privés du droit de fixer le devenir de leur commune. Je ne me résous pas à voir les départements réduits à l'impuissance, les régions privées d'un mode de scrutin leur donnant une majorité, au risque de les mettre à la merci de l'extrême droite ; je ne me résous pas à voir des élus ruraux perdre le peu d'influence qui leur reste. Je ne me résous pas à une réforme régressive ! Grâce à vous, en effet, le mot de réforme est désormais synonyme de régression. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Masseret.  - De nombreux arguments justifient le refus du texte. Je ne retiens que la recentralisation du pouvoir, après une réforme fiscale portant atteinte à l'autonomie des collectivités, après le gel des dotations.

Dans tous les domaines, le Gouvernement institue des schémas, mais sans moyens.

Demain, vous aurez éliminé les communes et leurs élus du fondement de la démocratie alors qu'ils mouillent leur chemise pour gérer le quotidien.

Communes, départements et régions sont affaiblis, tandis qu'on les accuse de façon inadmissible de dépenser trop. Messieurs du Gouvernement, c'est vous qui avez mis la France en faillite, et vous voulez en transférer le poids sur les collectivités territoriales !

Ce texte est un mauvais coup porté à l'organisation de notre République. Vous aurez eu la peau des pouvoirs intermédiaires, vous aurez la responsabilité de l'affaiblissement de nos territoires et, au premier chef, des zones rurales ! (Applaudissements à gauche)

Mme Bernadette Bourzai.  - Ce texte est le résultat bancal de deux philosophies incompatibles. Celle, d'abord, de la défiance envers les collectivités, leurs élus bénévoles, la parité. Au Sénat, en deuxième lecture, il s'est trouvé une majorité pour mettre en avant l'autre philosophie, celle de l'action de proximité, du lien social, de la solidarité et de la cohésion territoriale.

Sur la clause de compétence générale, le compromis trouvé en CMP est insatisfaisant. Il y a quelques exceptions, la culture, le sport, le tourisme, mais c'est pour mieux affirmer le principe général. On ferme des portes et on renvoie le reste à 2015. D'ici là, il peut se passer beaucoup de choses, à commencer par 2012. J'entends le reproche qui sera alors fait aux élus territoriaux d'alourdir la fiscalité. La ficelle est un peu grosse... Mais les élus territoriaux ne sont pas dupes.

Vous voulez amoindrir les niveaux de démocratie et d'expression là où ils sont le plus vivants, là où les services publics reculent, dans les territoires ruraux dont on sait qu'ils sont structurés par les départements, qui sont eux-mêmes les premiers visés par la réforme. Ces territoires sont pourtant l'avenir pour ceux qui veulent sortir des grandes concentrations urbaines.

Parce que vous faites le choix de sacrifier l'avenir, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Je m'adresse aux centristes...

M. Nicolas About.  - Parlez à vos amis !

M. Jean Desessard.  - ...d'abord parce que ce sont eux qui vont faire la décision, ensuite parce qu'ils sont favorables au scrutin proportionnel.

M. Nicolas About.  - Vous n'avez pas voté pour !

M. Jean Desessard.  - Si ! En première lecture, monsieur About, vous hésitiez à voter le conseiller territorial mais vous avez dit faire confiance au ministre et au groupe UMP. Je vous ai dit que votre confiance était mal placée. Vous les connaissez ! Aujourd'hui, vous avez reconnu avoir été trompé et qu'on ne vous y reprendrait plus. Tout cela me rappelle le pistolet en plastique de mon enfance... (Sourires)

Votre posture est un peu ridicule, mais je compatis car nous devons nous aussi composer parfois avec de grands alliés. M. Maurey pèse le pour et le contre et s'abstient. Mais la question est de savoir quelles sont vos valeurs fondamentales ! Parmi celles-ci, il y a l'indépendance. Et vous allez mettre à mort l'expression centriste, la diversité politique dans les territoires. Vous allez perdre votre indépendance dans les 22 régions !

Les écologistes sont dans la même situation.

M. About nous dit en substance que l'Assemblée nationale a décidé pour nous, qu'elle nous a donné une grande claque et qu'elle ne nous en donnera pas deux. Ridicule. Au lieu de défendre la diversité politique, vous dites qu'il faut garder le dernier mot au Sénat... et donc voter comme l'Assemblée nationale vous dit de le faire. Nous aussi sommes condamnés par ce mode de scrutin, mais nous ne mettrons pas la tête sur le billot ! (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas About.  - Adhérez au PS !

M. Claude Jeannerot.  - Nous nous étions engagés sans réserve dans la mission Belot. Les mots clés du Président de la République -clarification, simplification, lisibilité, efficacité, optimisation-, nous étions prêts à les faire nôtres. Mais ce texte les contredit de façon flagrante, sans apporter d'économies financières. Non seulement il ne clarifie rien mais il ajoute à la complexité, à l'opacité et à l'incertitude.

Votre postulat d'une confusion entre département et région a abouti au conseiller territorial ; mais avec lui, vous dénaturez les deux collectivités, vous niez la réalité du fonctionnement de nos territoires, vous rétrécissez la région et faites perdre au département son caractère de proximité. S'il est adopté, ce texte le sera contre l'avis de l'ARF et de l'ADF.

Vous renvoyez pour l'essentiel la définition des compétences à 2015, mais vous supprimez dès maintenant la clause de compétence générale. Où est la logique ? Ou la loi est bonne et il n'y a pas lieu d'y revenir ; ou elle ne l'est pas et il ne faut pas l'adopter. A la disparition des leviers fiscaux, vous ajoutez celle des leviers d'action.

Tous les élus locaux ont aujourd'hui les yeux tournés vers le Sénat ! S'il rejette le texte, il aura justifié sa raison d'être, ce qui n'est pas secondaire ; il aura surtout défendu nos concitoyens ancrés dans leurs territoires. (Applaudissements à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Par rapport à l'ambition annoncée -simplification et économies-, votre loi est un ratage complet. Sur le plan fiscal, c'est à la fois la perte d'autonomie des collectivités locales et l'incertitude. Qui fait quoi ? Comment s'y retrouver ? On supprime la clause de compétence générale mais on la garde pour la culture ou le sport et on la rétablit en cas d'accord autour d'un projet d'intérêt général. La confusion est générale ! Les maires nous demandent ce que tout cela signifie.

La région Ile-de-France aura 308 conseillers territoriaux, trois fois plus que le Sénat américain. Pourrez-vous, monsieur le président, lui prêter l'hémicycle ?

M. le président.  - Cela posera un problème de schéma directeur... (Sourires)

M. Yannick Bodin.  - Pour la parité, le recul est historique. Nous étions déjà montrés du doigt... Vous dénoncez le mille-feuille et nous offrez à la place un pudding qui, même dégusté par morceaux d'ici 2015, reste un plat indigeste.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - C'est très bon !

M. Yannick Bodin.  - D'ici là, il sera sans doute en miettes... Il nous faudra remettre de l'ordre dans tout cela, et le plus tôt sera le mieux. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pour faire une tarte allégée ! (Sourires)

A la demande des groupes UMP, socialiste et CRC-SPG, les conclusions de la CMP sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l'adoption 167
Contre 163

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Je remercie la commission des lois, son président et son rapporteur, l'ensemble de nos collègues qui ont participé à ces débats passionnés et passionnants, ainsi que le Gouvernement.

Questions cribles thématiques

M. le président.  - A la demande conjointe des groupes socialiste et UMP, l'ordre du jour des prochaines questions cribles thématiques a été modifié ; après concertation, un nouveau thème a été choisi, l'avenir de la filière photovoltaïque. M. Borloo a accepté de venir répondre aux questions des sénateurs. Je le remercie, ainsi que M. de Raincourt.

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le Président du Conseil constitutionnel m'a communiqué, par courrier en date du 9 novembre 2010, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique relative à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire et de la loi portant réforme des retraites.

Acte est donné de ces communications.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - La commission des lois va maintenant auditionner MM. Hortefeux et Marleix sur le projet de loi de finances pour 2011.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance, suspendue à 17 heures 15, reprend à 17 heures 35.

Financement de la sécurité sociale pour 2011 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°2, présentée par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (n°84, 2010-2011).

Mme Raymonde Le Texier.  - Pourquoi faire quelque chose pour les générations futures ? Elles n'ont rien fait pour moi... Le Gouvernement semble avoir fait sien ce mot de Groucho Marx. Il va transférer 130 milliards à la Cades et allonger la durée de vie de celle-ci de quatre ans. En outre, le FRR, la réserve financière que le gouvernement Jospin avait constituée est vidée peu à peu et détournée de sa fonction. Les actifs de demain ne pourront plus compter que sur eux-mêmes. Les jeunes manifestants que vous avez dédaignés comprennent bien sur quoi repose le plan du Gouvernement : leur précarité.

On réduira les dépenses de façon simple : en versant plus tard des pensions plus faibles. Le Gouvernement pense qu'en fragilisant les gens, la situation évoluera d'elle-même. Bref, il s'en lave les mains.

De PLFSS en PLFSS, vous n'avez cessé de vous tromper, de nous tromper. Vous pariez sur une croissance du PIB de 2 % en volume. Certes, les économistes parlent de 1,5 % mais on ne va quand même pas s'appuyer sur le travail des experts... On annonce le pire, puis un peu mieux, et l'on se glorifie de la différence. C'est un boniment pour dames les jours de soldes.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.  - Venez à Troyes, c'est 40 % moins cher !

Mme Raymonde Le Texier.  - Voilà ! J'appelle cela de la mauvaise foi. Innovation de gestion, les transferts entre branches : la famille, d'excédentaire puis de conjoncturellement déficitaire, finira par l'être structurellement... Et je ne parle pas des indicateurs dotés d'objectifs sans rapport avec la réalité ou sans visée de santé publique.

L'Ondam médico-social a été fixée à 3,8 %. Or, jusqu'à présent, il n'a jamais été inférieur à 6 %. Et avec moins, le Gouvernement veut créer plus de places d'accueil !

Face à la dérive de nos comptes sociaux, vous ne proposez que diminuer les prestations en augmentant le reste à charge. La question se pose d'une réforme fiscale fondée sur la justice sociale -rendue impossible par le bouclier fiscal que vous traînez comme un boulet. Tandis que vous confisquez trois mois d'APL, vous faites un chèque de 30 millions à la plus grande fortune de France.

Rien sur les urgences, la désertification des territoires, mais déremboursements et franchises. Votre stratégie donne ses résultats : de plus en plus de gens renoncent aux soins pour des raisons financières.

Les actifs cotisent aujourd'hui pour une protection sociale qui se réduit. Les niches fiscales excèdent 200 milliards d'euros sans qu'elles soient le moins du monde évaluées, avec des effets pervers plus importants que leurs bienfaits supposés. Il y en a 200 de plus depuis 2002...

Sur la branche famille, le diagnostic est le même : il n'est question que de siphonner les recettes de la branche famille pour couvrir la prolongation de la dette sociale. De telles mesquineries rapportent très peu à la collectivité, coûtent très cher aux personnes concernées et sapent la crédibilité de l'action de l'État.

Les économies de bouts de chandelles annoncées PLFSS après PLFSS, sont en train de redéfinir la carte de la misère et des inégalités ; pendant ce temps, vous multipliez les cadeaux aux plus riches ! Depuis 2002, les baisses d'impôts décidées par la majorité ont fait perdre à la collectivité nationale 70 milliards d'euros. La seule suppression des baisses d'impôts accordées aux 5 % des ménages les plus aisés rapporterait tout de suite 20 milliards. La justice sociale y gagnerait ce que l'oligarchie y perdrait.

Dans une économie de la santé aussi socialisée, il est peut-être temps de remettre en cause un mode d'organisation quasi exclusivement fondé sur la médecine libérale rémunérée à l'acte. Mais vous ne présentez que des mesures comptables dérisoires pour combler des déficits abyssaux : Même le rapporteur de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, qui n'est pas un gauchiste, le reconnaît.

Il y a au coeur même de la construction de la sécurité sociale l'idée d'égalité et de fraternité. Si elle est la cible des thuriféraires de la libéralisation des services, c'est parce que là où nous voyons un modèle social, le Gouvernement, lui, ne parle que de coût, tandis que d'autres ont compris qu'il pouvait y avoir là un marché juteux. Vous le justifiez très clairement sur le site vie publique.fr, dans votre page consacrée à l'État Providence. Vous avez beaucoup reproché aux socialistes de regarder l'avenir avec les lunettes du passé, mais il n'est pas si loin le temps d'avant l'État Providence, où le chômage signifiait la misère et où vieillesse rimait avec pauvreté.

Parce que notre protection sociale est un modèle de civilisation et que sa pérennité est en cause, il est plus que temps d'en terminer avec l'examen de ce PLFSS indigne des circonstances pour travailler à un ressourcement de notre pacte social à la hauteur des enjeux de l'avenir, des besoins du présent et des leçons du passé. (Applaudissement à gauche)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur.  - Nous n'avons pas la même vision de l'avenir.

M. Guy Fischer.  - C'est sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - En s'attaquant à la dette, aux niches sociales, à la maitrise des dépenses publiques, le Gouvernement prend des décisions courageuses et difficiles qui préparent l'avenir. La commission propose de rejeter la motion.

M. François Baroin, ministre.  - Même avis.

Mme Isabelle Pasquet.  - Nous voterons la question préalable, car les économies mises à la charge des assurés compromettent la protection sociale.

La branche famille est en déficit pour la deuxième année consécutive. Le Gouvernement reproche à nos concitoyens le déficit de la branche maladie, ce qui permet d'ailleurs de justifier toutes les mesures de réductions des droits ou de déremboursement.

Traditionnel parent pauvre des plans de financement de la sécurité sociale, la branche famille subit votre politique de rigueur.

Nous approuvons le refus de revoir le financement de la Paje, mais nous refusons l'économie d'APL réalisée sur le dos des familles. De surcroît, les couples récemment mariés subissent un alourdissement fiscal.

Les associations familiales et les Cnaf ont repoussé votre PLFSS, car les familles n'ont pas à subir votre politique de rigueur.

Nous appelons à une action sur les recettes, ce que vous refusez. (Applaudissements à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - De plus en plus de nos concitoyens renoncent à se faire soigner ; l'universalité du système de soins est remise en cause. Ce PLFSS aggrave encore la situation en mettant en place une sécurité sociale à deux vitesses.

Après la casse des services publics, le dévoiement de la décentralisation et le tour de passe-passe sur les retraites, vous organisez le démantèlement de notre système de protection sociale ; en seront victimes les Français les plus fragiles, les plus faibles, les plus démunis ! Pour mettre un terme à ces braquages, nous voterons la motion. (Applaudissements à gauche)

La motion n°2 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011.

M. Yves Daudigny.  - Sommes-nous sortis de la crise ? La méthode Coué a de nombreux adeptes au Gouvernement.

Ce PLFSS est le pire de tous. Son dépôt, de plus en plus tardif depuis 2005, contribue au rythme infernal qu'on nous impose. Le pire est le contexte frénétique de la session unique, qui va maintenant de septembre à juillet.

Cet automne, nous avons examiné la loi organique sur la Cades, puis la réforme des retraites ; d'autres textes sont annoncés. La commission a examiné le PLFSS le lendemain de son adoption par l'Assemblée nationale !

À la surcharge du calendrier parlementaire s'ajoute le saucissonnage des textes. Vous l'avez fait pour les retraites et pour la réforme des collectivités territoriales. Le Gouvernement prive ainsi la représentation nationale de toute visibilité.

Pour l'essentiel, vous proposez ici la pénurie organisée, dans le cadre d'une maîtrise homéopathique des dépenses.

Votre inaction a un coût : le déficit de 23 milliards prévu cette année et de « seulement » 20 milliards l'an prochain.

L'Ondam est tenu mais au détriment de la CNSA.

Irréaliste, la ligne bleue de l'Ondam ignore l'évolution spontanée des dépenses de santé. On atteint l'absurdité avec les 130 milliards de dettes transférés à la Cades, qui percevra la part de CSG destinée à la branche famille.

C'est un choix de Gribouille car vous préférez dépouiller la branche famille plutôt que d'augmenter la CRDS. Le rapporteur pour avis de la commission des finances est lucide : faute de recettes nouvelles et pérennes, le niveau de protection sociale devra être revu à la baisse, le reste à charge augmenté et la mise sous condition de ressources des prestations envisagée.

La portée de la maîtrise des dépenses se réduit au fil des ans. Les perspectives creusent la tombe du système élaboré en 1945.

Force est de constater la poursuite de l'aggravation des déséquilibres des comptes, la poursuite d'une politique de maîtrise des dépenses inopérante, la poursuite de l'augmentation du montant de reste à charge et la poursuite du sous-financement des hôpitaux publics.

Selon le Credoc, 3 % de personnes renonçaient aux soins pour des raisons économiques en 1980, contre 12 % aujourd'hui. Quelque 26 % des personnes -et la moitié des 25-34 ans- interrogées déclarent avoir renoncé à des soins. Médecins du Monde alerte sur le nombre de consultations réalisées dans ses centres d'accueil ; mais cela ne semble pas vous inquiéter...

L'accès aux soins dans les hôpitaux publics se restreint, la branche famille est au bord de l'implosion, le secteur médico-social est logé à la même enseigne ; il est pourtant urgent d'agir, par exemple en réaffectant à l'Apac et à la PCH l'excédent de l'Ondam.

Il n'est ni normal, ni acceptable de travailler dans de telles conditions. Rarement demande de renvoi en commission n'a été aussi justifié. Il est temps de réhabiliter le travail parlementaire. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Les groupes de l'opposition utilisent tous les artifices de procédure pour s'exprimer. En l'espèce, aucun argument n'a justifié le renvoi du texte en commission. Ce projet de loi répond aux attentes du pays et consolide l'avenir de notre système de protection sociale.

M. François Baroin, ministre.  - Même avis.

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Demandes de réserve et de priorité

M. François Baroin, ministre.  - En application de l'article 44 alinéa 6 du Règlement du Sénat, le Gouvernement demande la réserve des articles : additionnels avant 9, 9, additionnels après 9, 12 bis et, par cohérence, 14, jusqu'à la séance de mercredi après-midi.

Après le vote de la troisième partie, le Gouvernement demande que soient appelés en priorité les articles 59 à 71.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Favorable.

Il en est ainsi décidé.

Discussion des articles (Première partie)

Article premier

M. Bernard Cazeau.  - Le déficit de 2009 est le plus élevé depuis la Libération. Toutes les branches ont été déficitaires !

La crise est invoquée à tout instant, car elle a réduit la masse salariale. Nous aussi l'avons vu passer, mais elle n'explique pas tout : en 2004, le déficit atteignait 13 milliards d'euros.

À l'inverse de l'Allemagne, nous avons abordé la crise avec un gros handicap : pour combler les déficits, vous ne présentez que des économies de bout de chandelles, réalisées au détriment de nos concitoyens.

Nous avons besoin de réformes structurelles : cela suppose une véritable volonté politique et l'ouverture d'un grand débat public.

La crise a bon dos : elle vous permet de vous voiler la face ! Vous annoncez des jours meilleurs, mais les Français pâtiront de votre politique. Depuis 2005, le taux de prise en charge des dépenses de santé a régressé de 77 à 75,5 % : il n'est donc pas étonnant que de plus en plus de Français renoncent à se soigner. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - Vous nous proposez d'approuver les données de l'exercice 2009, mais nous y voyons l'occasion de constater l'inefficacité et l'injustice de votre politique sociale.

Vous invoquez les engagements pris par M. Sarkozy de n'accroître ni les prélèvements ni les impôts. En fait, vous prévoyez en toute discrétion d'augmenter de 1 % supplémentaire la part de richesse nationale prélevée en 2011 par rapport à 2010 ; cela devrait permettre de dégager 20 milliards d'euros.

Cela ne nous satisfait pas dans la mesure où ces efforts sont inégalement répartis. Vous refusant à prendre les mesures qui s'imposent, vous vous contentez d'utiliser les droits des assurés sociaux comme de véritables variables d'ajustements.

Les comptes sociaux se détériorent encore car la maîtrise des dépenses ne suffit pas à résoudre durablement les difficultés rencontrées.

Accepter ces tableaux d'équilibre reviendrait pour nous à considérer que vous n'êtes pas responsables de la dégradation des comptes sociaux : nous voterons donc contre l'article premier, symbolique de votre volonté de n'agir que dans l'intérêt des riches ! (Applaudissements à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Le budget de la sécurité sociale est loin de l'équilibre. Nous n'avons jamais réfléchi à une véritable politique à long terme de l'offre médicale en France. Le manque de généralistes reporte la demande vers les spécialistes ! À ce jeu absurde tout le monde perd.

Notre système de protection sociale prend l'eau. Il est temps de mettre fin aux réformes vaines pour aller au coeur du problème : l'abus d'examens inutiles. Quand imposera-t-on une répartition équitable des médecins ? Quand mettra-t-on fin au paiement à l'acte, abandonné par dix-huit pays européens ? Quand évaluera-t-on certaines pratiques médicales, comme les endoscopies, les scanners ou les IRM ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'article premier est adopté.

Article 2 et annexe A

M. Bernard Cazeau.  - Nous ne pouvons entériner un rapport qui consolide les comptes de 2009 et qui décrit les mesures prises en 2010 pour combler les déficits. Dans ce rapport vous prenez acte de ne pas avoir recours à la Cades pour éponger le déficit de 2009 et de reporter le besoin de trésorerie sur l'Acoss dans la limite d'un plafond autorisé qui s'élève à 18,9 milliards.

Vous recommencez en 2010 et au lieu de prendre des mesures structurelles pour stopper l'accroissement de la dette, vous faites le choix d'une autorisation de découvert et d'un programme d'émission de billets de trésorerie par la Caisse des dépôts à hauteur de 61,6 milliards d'euros pour 2010.

La charge de la dette est sans cesse reportée sur les générations futures : c'est indécent ! C'est cette même irresponsabilité que nous avons dénoncée dans cet hémicycle, il y a quelques semaines, lorsque vous avez imposé, malgré les protestations vigoureuses de votre majorité, une modification de la loi organique qui rallongera la durée de vie de la Cades.

Ne nous demandez pas d'approuver l'échec de votre politique : Les comptes sociaux étaient à l'équilibre lorsque vous êtes arrivés au pouvoir. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David.  - Vous nous demandez d'approuver le rapport décidant vos actes pour couvrir les déficits : au lieu de recettes pérennes, vous recourez à l'emprunt. L'an passé le rapporteur avait été très hostile à ce report sur les générations futures de la charge ; il aurait été bon qu'il fasse de même cette année, alors que le Gouvernement fait confiance aux marchés pour financer notre protection sociale. Voila comment vous « moralisez le capitalisme », par un pari sur rien de solide !

Un financement par l'emprunt ne peut qu'alourdir la dette. Lors du débat sur les retraites, M. Woerth insistait pour qu'on ne décide rien au détriment des générations futures. Le discours a changé. Vous vous refusez à tout financement juste et pérenne de la sécurité sociale.

Cet article 2 nous permet de constater que votre politique pèse sur les générations futures. Nous ne le voterons pas.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4 de l'annexe A

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le Gouvernement au lieu de prendre des mesures structurelles pour stopper l'accroissement de la dette, a fait le choix d'une autorisation de découvert auprès de l'Agence centrales des organismes de sécurité sociale et d'un programme d'émission de billets de trésorerie par la caisse des dépôts à hauteur de 61,6 milliards d'euros pour 2010.

M. Ronan Kerdraon.  - Cet amendement précise le choix, fait par ce Gouvernement de laisser filer la dette sociale et dénonce le risque d'une situation de cessation de paiement qu'il fait courir au système de protection sociale des Français.

L'imagination est au pouvoir, pour fuir en avant. Une dette de 61,6 milliards est inacceptable. Monsieur le ministre, écoutez-moi : vous avez une chance, dans notre malheur : les taux d'intérêt ne sont pas trop élevés. Mais s'ils remontent ?

Votre politique n'est ni raisonnable ni responsable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Ce rapport est la fidèle reproduction des mesures prises par le Gouvernement dans les conditions très délicates créées par la crise. Nous avions critiqué le Gouvernement qui refusait de relever la CRDS, ce qui ne fait qu'accroître les difficultés de la Cades. Mais le rapport est incontestable.

Défavorable à l'amendement.

M. François Baroin, ministre.  - J'ai cru avoir déjà entendu le disque de vos discours. Pardon si j'ai donné l'impression de ne plus l'écouter, je n'ai pas voulu me montrer discourtois. Le Gouvernement exclut d'augmenter les prélèvements obligatoires. Défavorable à l'amendement.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Vote sur la première partie du projet de loi

M. Yves Daudigny.  - La première partie récapitule les comptes pour 2009. Nous dénonçons votre refus obstiné d'engager une vraie réforme de la sécurité sociale, préférant des mesures d'économies baptisées « maitrise médicalisée ». Vous n'avez pas pris la mesure de la gravité de la crise. L'expérience montre le simplisme du raisonnement selon lequel la droite serait gestionnaire et la gauche dépensière. C'est la gauche qui a réduit le déficit de la sécurité sociale, et aussi les impôts, avant que la droite ne fasse le contraire.

La plupart des Français ont renoncé à comprendre quoi que ce soit à un système de sécurité sociale qui vous rendez inintelligible -hormis sur le fait que les dépenses de santé sont de moins en moins prises en charge. La solidarité recule.

Avec un déficit supérieur à 20 milliards en 2009, notre système de santé a tourné le dos à l'idéal d'apporter à tous des soins de qualité. C'est le résultat d'un choix politique qui ne dit pas son nom, pour transférer la gestion et le remboursement aux mutuelles et aux assurances privées. (Applaudissements à gauche)

La première partie du projet de loi est adoptée.

Discussion des articles (Deuxième partie)

Article 3

M. Bernard Cazeau.  - La répétition est prisée par les pédagogues, monsieur le ministre, notamment pour les élèves qui persistent dans l'erreur ! (Sourires)

Pour changer, je vais parler de la gestion par le Gouvernement de la grippe AH1N1. On est là dans un cas exemplaire de mélange d'amateurisme et de bureaucratisme. La France est un des pays du monde où la vaccination volontaire a rencontré le moins de succès. D'abord parce que le virus était moins virulent qu'annoncé. Mais aussi parce que vous avez mis en place un plan sanitaire quasi militaire, écartant les médecins généralistes, avant de les mobiliser dans l'affolement. Les laboratoires pharmaceutiques ont fait pression pour que la France passe des commandes fermes. Écoutant des experts partiaux proches des laboratoires, vous avez commandé 94 millions de doses, dont 6 ou 7 seulement ont été utilisés. Vous avez signé les contrats à la hâte, sans clause de résiliation, ce qui a rapporté 48 millions à Novartis !

Mme Bachelot a déclaré, sans grandes précisions, que le coût de cette campagne n'aurait été que de 500 millions pour le budget de l'État. Il n'est pas normal que vous demandiez aux assurés sociaux de payer les pots cassés.

M. François Autain.  - Puisse mon intervention ne pas lasser le ministre ! (Sourires)

Nous avons contesté le bien-fondé de la politique vaccinale du Gouvernement face à la grippe H1N1. Les faits nous ont donné raison. La gestion par le Gouvernement de cette banale grippe saisonnière ne doit pas rester sans conséquence notamment du point de vue des conflits d'intérêts. C'était à l'État seul d'assumer cette campagne de santé publique ! À l'avenir, qui devra gérer ce genre de problèmes de santé publique -inéluctables avec la dégradation écologique de la planète ?

Nous regrettons que le Gouvernement ne prenne pas la seule mesure juste : le remboursement des mutuelles au nombre de vaccins réellement injectés -5,5 millions seulement sur 94. Les organismes complémentaires ne sont pas responsables d'une mauvaise décision à laquelle ils n'ont jamais été associés.

Il n'est pas question que l'argent de nos concitoyens soit bloqué dans les locaux de l'Eprus puisque chacun sait que ces doses de vaccin seront périmées avant toute hypothétique utilisation.

Nous nous abstiendrons sur l'article 3.

L'article 3 est adopté.

Article 4

M. Jacky Le Menn.  - Quand viendra l'heure de vous féliciter de votre action en 2010, comme vous l'avez fait en 2009 en insistant sur la nécessité de continuer à réformer et à transformer, de quelle réforme structurelle pourrez-vous parler ? Les optimistes retiendront que le déficit aura été inférieur aux prévisions de l'an dernier. Les réalistes invétérés que nous sommes objecteront que le déficit de cette année est un record absolu dans l'histoire de la sécurité sociale, déficit auquel il faut ajouter les 4 milliards du FSV.

Mme Isabelle Pasquet.  - Cet article rectifie les prévisions de recettes et le tableau pour 2010. Le fait est que vos estimations en la matière sont toujours déconnectées de la réalité. À vous entendre, les principaux effets de la crise seraient derrière nous, grâce au redressement de l'emploi par la reprise économique. En réalité notre système souffre d'un sous-financement structurel. Nous défendons l'héritage du CNR, auquel les Français, comme ils l'ont encore montré pendant la réforme des retraites, sont très attachés.

L'article 4 est adopté.

Article 5

Mme Raymonde Le Texier.  - Le FRR ne cesse de diminuer. C'est normal : vous en programmez la disparition, et en déversez les fonds vers la Cades. Les marchés ont bien compris l'inintérêt de ce fonds, la Cades refinancera le déficit sur le marché obligataire.

Inconvénient majeur qui ne vous émeut pas : vous rabotez la retraite des jeunes générations après 2020.

M. Guy Fischer.  - Pourquoi une telle dette sociale ? À cause de votre politique marquée par la multiplication des niches fiscales et sociales, qui amènent les employeurs à imposer aux salariés des contrats précaires. Vous voulez substituer la règle du chacun pour soi à celle de la solidarité.

Depuis huit ans, vous êtes restés inactifs pour les recettes, alors que le mal qui affecte la sécurité sociale tient justement à l'assèchement de ses ressources.

S'il est vrai que la dette de crise est importante, elle équivaut toutefois à la dette cumulée année après année.

Vous limitez vos ambitions au court terme, car vous attendez des temps meilleurs, qui ne viendront pas. Vous accroissez ainsi inéluctablement la dette sociale. Les 130 milliards de la Cades coûteront 50 milliards en intérêts qui alimenteront la spéculation et seront pris sur le travail des salariés.

Nous espérons -sans illusion- que l'expérience récente vous conduira enfin à changer de politique.

Nous ne voterons pas cet article 5.

M. Ronan Kerdraon.  - Vous avez siphonné le FRR, après avoir cessé de l'alimenter. Le député UMP Denis Jacquat l'a dit clairement : quand on n'a plus d'argent sur son compte courant, on puise dans l'épargne. Telle est votre politique à courte vue ! Et vous venez ensuite nous donner des leçons de solidarité ! C'est un comble !

Nous nous opposons à cet article 5. (Applaudissements à gauche)

L'article 5 est adopté.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - La commission des affaires sociales se réunit à l'instant.

La séance est suspendue à 19 heures 30.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 21 heures 30.

Article 6

M. Bernard Cazeau.  - Les dotations à l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires ainsi qu'au Fonds de modernisation des établissements de santé ont tendance à être des variables d'ajustement ; les besoins sont évalués en fonction des contraintes budgétaires. Né en 2001, le Fonds de modernisation participe au financement des investissements nécessaires à la restructuration hospitalière. Cet article annule 105 millions de crédits non consommés. Pourquoi ces crédits ne l'ont-ils pas été ?

Prenons l'hôpital de Sarlat en Dordogne. Son directeur a été poursuivi pour le décès d'une septuagénaire victime d'une légionellose contractée dans son établissement ; le procureur avait réclamé 18 mois de prison avec sursis et 20 000 euros d'amende. Nommé à la tête d'un hôpital vétuste, ce directeur avait demandé des crédits pour le moderniser, mais sa demande de crédits avait été refusée, en raison des économies à réaliser sur les budgets à venir... Raison pour laquelle il a été disculpé... C'est l'illustration de l'exercice de jonglage auquel doivent se livrer les directeurs, entre exigences sanitaires et responsabilité comptable !

M. François Autain.  - Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, 100 millions de crédits du Fonds de modernisation avaient été annulés pour 2008, si bien que ses crédits avaient été fixés pour 2009 à 190 millions -contre 300 en 2008. Cet article 6 revient sur la hausse consentie dans le projet de loi pour 2010. A croire que le Gouvernement navigue à vue ! Les informations ne remontent pas des ARH et, aujourd'hui des ARS. Pourtant, la modernisation des hôpitaux nécessite des crédits. Les besoins existent. Par manque d'information, les établissements ne peuvent pas disposer des crédits disponibles. Cette annulation de crédits est prématurée, qui conduira à ralentir la réalisation des opérations en cours. Le groupe CRC-SPG s'abstiendra.

L'article 6 est adopté.

Article 7

M. Bernard Cazeau.  - Cet article retrace les prévisions rectifiées des objectifs de dépenses, par branche, de tous les régimes obligatoires de base. La baisse des dépenses constatée s'explique aisément. Les dépenses de pensions ont été très inférieures aux prévisions et le dispositif « carrière longue », dont les dépenses ont régulièrement augmenté depuis 2004, régressent depuis, de 2,4 milliards en 2008 à 1,5 milliard en 2010. Même logique concernant l'assurance maladie : les dépenses diminuent à coups de franchises, de déremboursements et autres forfaits, sans parler de l'explosion des dépassements d'honoraires -et toujours sur le dos des patients.

A propos des dépassements d'honoraires, j'avais pris, dans la discussion générale, pour référence l'évolution des revenus fiscaux des médecins spécialistes et généralistes depuis 1990. Certes, il y a généraliste et généraliste. Entre le praticien parisien et celui qui facture l'acte à 22 euros dans mon département, il y a un monde ! Il y a de même spécialiste et spécialiste. Il est urgent de traiter ce dossier, les Français ne peuvent plus suivre.

Le rétablissement de 1,1 milliard que vous affichez correspond à des prélèvements supplémentaires sur les assurés. L'accès aux soins devient de plus en plus cher.

Mme Annie David.  - Cet article pourrait faire penser que la politique d'efficience et de maîtrise médicalisée porte ses fruits : vous rectifiez à la baisse les objectifs de dépenses pour chacune des branches. Mais cette politique pénalise les assurés sociaux. Selon un sondage Viavoice publié le 12 octobre, 36 % des Français reportent des soins ou y renoncent faute de moyens, dont 50 % sont âgés de 25 à 34 ans. Déremboursements de médicaments, augmentation du forfait hospitalier, sortie de l'ALD pour les personnes guéries du cancer, cette politique réduit l'accès aux soins. La démonstration vaut pour la branche famille et la branche vieillesse : votre politique n'améliore pas l'efficience ; elle diminue le champ de la solidarité. Nous voterons contre !

M. Guy Fischer.  - Cet article est emblématique de la politique du Gouvernement : 2 milliards d'économies sont réalisés sur le régime général aux dépens des assurés les plus fragiles et les plus modestes. Le report de l'âge de la retraite aura des conséquences drastiques sur le pouvoir d'achat des retraités.

Madame le ministre, les allocations familiales seront-elles revalorisées de 1,5 % au 1er avril 2011 ?

Autre politique de réduction drastique des dépenses : le gel du traitement des fonctionnaires, aggravé par l'augmentation de leur cotisation retraite qui sera portée à 10,85 % sur dix ans, se prolongera-t-il au-delà de 2011 ?

La tactique du Gouvernement est de prélever sur le plus grand nombre ! Le gel des salaires fera baisser le pouvoir d'achat. Voici venu le temps de l'hyper austérité ! (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Je vous prie d'excuser M. Baroin, retenu à l'Assemblée nationale par le projet de loi de finances.

M. Fischer me pose une question à laquelle je ne peux pas répondre aujourd'hui.

M. Guy Fischer.  - Mme Morano m'a dit 1,5 %.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Quand l'inflation de 2010 aura été constatée, nous fixerons le taux de revalorisation des allocations familiales.

L'article 7 est adopté.

Article 8

M. Yves Daudigny.  - En toute amitié, madame le ministre, je vous souhaite de rester dans le prochain gouvernement. (On apprécie à droite)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - C'est le baiser qui tue ! (Sourires)

M. Yves Daudigny.  - Après une gestion chaotique de la crise de la grippe A, vous n'avez pas rempli vos objectifs : les dépenses de santé ont en réalité augmenté de 3,5 %. Est-il réaliste de fixer l'Ondam à 3 % ? Nous en doutons.

Comme l'a noté M. Yves Bur, il n'est pas sûr que ce niveau puisse être imposé en une fois et de façon durable. La baisse de l'Ondam pèsera sur l'accès aux soins.

Je relève aussi le hold-up de 100 millions de crédits de la CNSA au profit de l'assurance maladie, au prétexte qu'ils n'ont pas été consommés.

Malgré toutes vos mesures contraignantes, la progression des dépenses de santé est inéluctable. Le seuil de déclenchement de la procédure d'alerte passe de 0,75 % à 0,5 % et le comité d'alerte se prononcera en amont de la construction de l'Ondam ; les mesures nouvelles seront conditionnées au respect des objectifs fixés l'année précédente. Voilà qui consacre le pouvoir des technocrates. Nous ne pouvons vous suivre.

Mme Isabelle Pasquet.  - L'Ondam hospitalier est respecté au prix du déficit des établissements, dont les dépenses explosent tandis que vous les contraignez à la rigueur. La FHF avait tiré la sonnette d'alarme. Plutôt que les écouter, vous leur avez imposé une nouvelle cure d'austérité en annulant 105 millions de crédits du Fonds de modernisation des établissements de santé. Il s'agit de les appauvrir pour mieux confier leurs missions au privé. Comble du comble, certains envisagent l'émission de billets de trésorerie !

Vous avez qualifié de folie la vente en Allemagne de deux hôpitaux publics. Mais que ferez-vous si des établissements surendettés ne peuvent survivre ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Nous les aiderons.

Mme Isabelle Pasquet.  - Le médico-social souffre également d'un manque de financement, alors que les besoins sont croissants. La création des ARS et les nouvelles procédures d'autorisation menacent les projets en cours de validation. Rien d'étonnant à ce que tous les crédits ne soient pas utilisés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Après contact avec les services de Mme Morano, la revalorisation des allocations familiales aura lieu le 1er avril prochain. Elle sera de 1,5 %.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - La sécurité sociale vit à crédit, en laissant se creuser les disparités entre catégories professionnelles ; 10 000 décès prématurés pourraient être évités si ouvriers et employés avaient le même taux de mortalité que les cadres. Il est temps de mener la grande réforme que vous appelez de vos voeux ! Le système actuel de prélèvements sociaux est inique, il n'est favorable ni à l'emploi, ni à l'investissement, ni à l'équilibre des comptes. Il faut taxer tous les revenus, sans distinction d'origine. Une large assiette avec des taux modérés et progressifs permettrait de financer la sécurité sociale, la dette et le FSV. Nous sommes pour l'impôt : non pour spolier, mais pour investir, stimuler, encourager. Nous avons le courage de dire qui paiera et comment, ce qui n'a rien d'un discours électoraliste. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Guy Fischer.  - Cet article 8 frappera insidieusement les travailleurs. A la page 43 du rapport de M. Vasselle, il est fait référence à la lettre ministérielle annexée sur le calcul des indemnités journalières. La lutte contre la fraude, deuxième objectif de M. Vasselle ! Dans la presse, on accuse les travailleurs d'être des tire-au-flanc !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Je n'ai pas signé l'article !

M. Guy Fischer.  - A lire la lettre, vous avez atteint votre objectif : réduire la dépense. Est-il exact que le Gouvernement ait modifié le calcul des indemnités journalières dues au titre de la maladie, de la maternité et de la maladie professionnelle ? Auparavant, l'indemnité était calculée sur la base d'un quatre-vingt dixième du salaire brut des trois mois précédant l'arrêt, sauf pour les AT-MP où elles étaient égales au trentième du salaire brut du mois précédent. L'indemnité journalière serait désormais calculée sur 365 jours et non plus 360. La baisse serait de 1,4%. Il n'y a pas de petites économies !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - C'est exact : les indemnités seront calculées sur 365 jours, parce que l'année compte 365 jours.

La deuxième partie du projet de loi est adopté.

Discussion des articles (Troisième partie)

M. le président.  - Les amendements portant articles additionnels avant et après l'article 9 ainsi que l'article 9 ont été réservés à la demande du Gouvernement jusqu'à mercredi après-midi.

Article additionnel avant l'article 10

M. le président.  - Amendement n°445 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le III est ainsi rédigé :

« III - Le taux de la taxe est fixé à 0,05 % à compter du 1er janvier 2011.

« Ce taux est majoré à 0,1 % lorsque les transactions visées au I ont lieu avec des États classés par l'organisation de coopération et de développement économiques dans la liste des pays s'étant engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d'échange sans les avoir mises en place, liste annexée au rapport de l'organisation de coopération et de développement économiques sur la progression de l'instauration des standards fiscaux internationaux.

« Ce taux est majoré à 0,5 % lorsque les transactions visées au I ont lieu avec des États classés par l'organisation de coopération et de développement économiques dans la liste des pays ne s'étant pas engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d'échange, liste annexée au rapport de l'organisation de coopération et de développement économiques sur la progression de l'instauration des standards fiscaux internationaux.

« Le taux applicable est modifié en loi de finances à chaque publication des listes par l'organisation de coopération et de développement économiques. » ;

2° Le IV est abrogé.

II. - Selon des modalités définies par la loi de financement de la sécurité sociale, le produit de la taxe prévue au 1° est affecté au fonds de réserve des retraites.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Gilbert Barbier.  - Cet amendement propose de créer une taxe anti-spéculative et reprend une proposition de loi déposée par le groupe RDSE. Cette idée a été reprise à la tribune de l'ONU par le Président de la République. Le produit de cette taxation serait affecté au FRR.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Cet amendement relève de la loi de finances. Si vous tenez à cette idée, déposez-le quand celle-ci viendra. M. Marini se fera un plaisir de vous répondre ! Retrait ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Cette disposition a déjà été rejetée par votre assemblée : une telle taxe serait suicidaire si nous l'instaurions seuls !

M. Gilbert Barbier.  - Une taxe de 0,05 % n'emporterait pas d'effets catastrophiques. Je déposerai cet amendement en loi de finances, en espérant que M. Marini ne me renverra pas vers vous, monsieur Vasselle.

L'amendement n°445 rectifié est retiré.

Article 10

M. Bernard Cazeau.  - Cet article dresse un catalogue à la Prévert de mesures dont le total n'apporte même pas 100 millions au FSV. M. Bur a d'ailleurs constaté que leur produit était incertain.

L'année 2010 a vu se creuser l'écart entre les primes de départ des salariés et celles des grands patrons. L'ex-PDG Daniel Bouton a perçu 730 000 euros, M. Proglio 780 000 et M. Pébereau 800 000. Au moment où vous demandez aux Français de se serrer la ceinture, vous continuez à protéger les intérêts de quelques-uns. « Système totalement anormal » a dit M. Hirsch, apprécié de notre Président. (Rires) « Il ne saurait y avoir deux poids, deux mesures ». La taxation des retraites chapeau doit être renforcée, comme l'avait demandé M. Séguin, alors président de la Cour des comptes.

M. le président.  - Amendement n°216, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le 1° est ainsi rédigé : « Soit sur les rentes liquidées à compter du 1er janvier 2001, la contribution dont le taux est fixé à 35 % est à la charge de l'employeur, versée par l'organisme payeur et recouvrée et contrôlée dans les mêmes conditions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 due sur ces rentes » ;

c) Au dernier alinéa du 2°, les taux : « 12 % » et « 24 % » sont remplacés respectivement par les taux : « 20 % » et : « 50 % ».

M. Guy Fischer.  - Cet article modifie la taxation des retraites chapeau que touchent les grands patrons. Certes, il faut éviter les amalgames, dont la droite est coutumière. Certes, cet article va dans le bon sens mais cette fiscalité est plus avantageuse de 9 % que celle pesant sur les salaires des travailleurs. Par justice, il aurait fallu appliquer le même taux, voire un taux supérieur tant les chiffres sont élevés -pour tout dire indécents. Lorsqu'il était ministre du travail, M. Fillon défendait une « fiscalité confiscatoire ».

Depuis cette déclaration de 2003, rien n'a changé, malgré les engagements du Medef dont nous avons dit ce qu'il fallait en penser. Les critiques de nos concitoyens sont légitimes.

Lors du débat sur les retraites, nous avions cité l'exemple du nouveau PDG de Carrefour, qui a obtenu une retraite chapeau de 500 000 euros. Aujourd'hui, le PDG d'une grande banque récemment dans la tourmente a obtenu que la retraite chapeau soit transmissible à sa femme en cas de décès. Autrement dit, une super pension de réversion ! Chacun en rêve ! Il est temps de taxer ces retraites chapeau à un juste niveau !

M. le président.  - Amendement n°286 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati et Beaumont et Mmes Hermange et Sittler.

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« b) Au 1°, les mots : « et précomptée par l'organisme payeur » sont remplacés par les mots : « , versée par l'organisme payeur et recouvrée et contrôlée dans les mêmes conditions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 due sur ces rentes » ;

M. Philippe Dominati.  - Cet amendement propose de maintenir l'abattement forfaitaire sur le montant des rentes inférieures au tiers du plafond de la sécurité sociale, soit 11 540 euros par an en 2010, afin de ne pas pénaliser les retraites supplémentaires les plus modestes. Le taux de remplacement est appelé à diminuer dans les années à venir. Les mesures votées à l'Assemblée nationale sur le fléchage de l'épargne salariale vers des produits d'épargne longue sont ainsi bienvenues. Les retraites d'entreprise relèvent de la même logique. Maintenons le droit existant.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Quelques mots pour lever la confusion entre retraites complémentaires liées à un accord collectif et retraites chapeau, laquelle a nourri la crainte que le dispositif du Gouvernement ne soit pénalisant pour les retraites chapeau de faible montant.

Les retraites chapeau relèvent de régimes à prestations définies, sans cotisation préalable. Conditionnées à l'achèvement de la carrière dans l'entreprise, elles sont entourées d'un certain aléa. Il ne faut pas les confondre avec les régimes collectifs d'entreprise. Nous ne connaissons pas bien la situation, mais 97 % des entreprises ont externalisé la gestion de ces rentes, inférieures dans 80 % des cas à 500 euros mensuels.

L'Assemblée nationale a déjà exonéré les petites retraites chapeau, jusqu'à 300 euros. Ensuite, la taxation atteint 7 % entre 300 et 500 euros, puis 14% au-delà. Elle porte sur la totalité de la pension. La commission est favorable à ce dispositif, sous réserve d'un lissage des effets de seuil comme le propose l'amendement n°210 de Mme Procaccia -une retraite de 310 euros ne serait par exemple taxée que sur 1 euro.

Avis défavorable à l'amendement de M. Fischer qui tend à doubler les taux déjà doublés l'an dernier.

M. Cazeau a critiqué ce qu'il dit être un catalogue à la Prévert. Mais sur 10 milliards prélevés sur les niches sociales, 8 alimenteront le budget de la sécurité sociale !

M. Dominati veut conserver le dispositif actuel d'abattements. Ce ne serait pas compatible avec la chasse aux niches sociales.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Le rapporteur général a été complet. Les amendements sont antagonistes. Les cotisations à charge des employeurs ont déjà été doublées l'an dernier ; désormais l'abattement de 1 000 euros par mois est supprimé. N'oublions pas que 85 % des rentes de retraites chapeau ne dépassent pas 7 000 euros par an.

Le Gouvernement refuse le maintien de l'abattement, proposé par M. Dominati, car nous voulons mettre fin à une situation qui voit 90 % des entreprises n'acquitter aucune contribution et le régime des retraites chapeau bénéficier d'un régime plus favorable que les retraites supplémentaires classiques. L'amendement de l'Assemblée nationale règle le problème des anciens régimes.

Les solutions proposées sont largement inspirées par les travaux du Sénat, pour assurer une juste contribution au système de protection sociale.

Mme Annie David.  - J'ai bien entendu le rapporteur général, mais la taxation des retraites chapeau contribue pour 110 millions seulement aux 8 milliards qu'il a mentionnés.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Les petits ruisseaux font les grandes rivières !

Mme Annie David.  - Certes, mais vous cherchez toujours l'argent dans les mêmes poches ! Les petites retraites chapeau échappent à toute cotisation sociale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Plus maintenant !

Mme Annie David.  - Mieux vaudrait que les sommes correspondantes soient intégrées dans les salaires des intéressés et soumises à cotisations.

Ce raisonnement vaut aussi pour la participation et l'intéressement dont Mme Debré parlerait, je le sais, avec fougue -mais pas dans le même sens que moi. La Cour des comptes a dénoncé les 172 milliards d'euros de niches qui échappent aux cotisations sociales. Comme vous persévérez dans cette politique, il vous faut toujours réduire les prestations ! (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°216 n'est pas adopté.

M. Philippe Dominati.  - Le rapporteur général a souligné une évolution permise par les travaux de la commission en faveur des petites retraites chapeau. J'espère que nous parviendrons à un équilibre.

L'amendement n°286 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 9, première phrase

Remplacer la référence :

L. 131-11

par la référence :

L. 137-11

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Correction d'une erreur matérielle.

L'amendement n°49, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Le IV du même article est abrogé ;

M. Claude Jeannerot.  - L'exigence de justice sociale et l'impératif de responsabilité financière imposent de rechercher de nouvelles sources de financement en mettant à contribution tous les revenus, sans exception.

C'est pourquoi le présent amendement vise à supprimer l'exonération de CSG et de cotisations sociales prévue sur la contribution des employeurs au financement des régimes de retraite chapeau relevant de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.

Cette mesure s'inscrit dans un plan global de 25 milliards d'euros à l'horizon 2020.

M. le président.  - Amendement identique n°219, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Annie David.  - Amendement de repli.

En 2009, 826 entreprises ont mis en place une retraite chapeau, au profit des dirigeants et des cadres : avec votre politique, l'argent va à l'argent ! Vous avez toujours des arguments pour moins mettre les plus riches à contribution.

Comment justifier cette injustice au profit de personnes exerçant un chantage à l'exil fiscal ? Pensez à nos compatriotes réduits au minimum vieillesse ! Ceux-ci accepteraient de payer la CSG et la CRDS sur une modeste retraite chapeau -s'ils la percevaient-, car ils savent ce que signifie la solidarité ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Le Gouvernement et la commission ont opté pour un prélèvement spécifique : avis défavorable aux amendements nos9 et 219.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Une fois de plus, le Gouvernement partage cet excellent avis.

Les amendements préconisent une procédure inapplicable puisque les droits ne sont pas individualisés. D'où la contribution spécifique créée en 2003.

Mme Annie David.  - Les retraites chapeau font partie des contrats de travail : on peut donc identifier leurs bénéficiaires.

Les amendements identiques nos9 et 219 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°217, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa11

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 137-11-1. - Les rentes versées dans le cadre des régimes mentionnés au I de l'article L. 137-11 sont soumises à une contribution à la charge du bénéficiaire.

« Le taux de cette contribution est fixé à 14 % pour un montant allant jusqu'à deux fois le plafond de la sécurité sociale, à 30 % pour un montant compris entre deux fois le plafond de la sécurité sociale et trois fois le plafond de la sécurité sociale et à 50 % pour un montant supérieur à trois fois le plafond de la sécurité sociale.

« Cette contribution est précomptée et versée par les organismes débiteurs des rentes et recouvrée et contrôlée dans les mêmes conditions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 due sur ces rentes. »

M. François Autain.  - Le nouveau prélèvement sur les retraites chapeau est très insuffisant.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Vous n'avez rien fait !

M. François Autain.  - Vous restez particulièrement timides, et vous revendiquez votre timidité. L'expression « retraite chapeau » recouvre des réalités très diverses. Notre amendement les prend en compte, malgré notre préférence pour une intégration des retraites chapeau dans le salaire.

Cet amendement tend à décourager les scandaleuses pratiques qui ont défrayé la chronique. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. le président.  - Amendement n°304 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, de Montesquiou et Detcheverry et Mme Escoffier.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa:

« Art. L. 137-11-1.  -  Les rentes versées dans le cadre des régimes mentionnés au I de l'article L. 137-11 sont soumises à une contribution à la charge du bénéficiaire. Le taux de cette contribution est fixé à 14 %. Elle est précomptée et versée par les organismes débiteurs des rentes et recouvrée et contrôlée dans les mêmes conditions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 due sur ces rentes. »

M. Gilbert Barbier.  - Il faut essayer de raison garder. L'Assemblée nationale a créé une machinerie compliquée. Les retraites chapeau s'ajoutent aux pensions complémentaires, sous réserve d'achever sa carrière dans l'entreprise. Il ne faut pas s'attendrir sur la modestie de certains montants ; je propose de taxer tout le monde à 14 %. Comme j'ai repris le texte initial du Gouvernement, je compte sur le soutien de la ministre ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°206 rectifié bis, présenté par Mme Procaccia, MM. Gournac et P. Dominati, Mme B. Dupont, MM. Milon et Laménie, Mmes Desmarescaux et Rozier, M. Leroy, Mmes Hermange et Bout et MM. Cambon et J. Gautier.

Alinéa 11

Remplacer (deux fois) le montant :

300 €

par le montant :

500 €

et le montant :

500 €

par le montant :

700 €

M. Philippe Dominati.  - Nous prenons le minimum vieillesse pour référence. En effet, l'article 10 du PLFSS, prévoyant une nouvelle contribution sociale de 14 % sur les retraites chapeau, s'applique non seulement aux retraites chapeau du CAC 40 mais également aux « régimes retraites maison » créés par les grandes entreprises au lendemain de la seconde guerre mondiale au bénéfice de leurs salariés, dont des ouvriers, et afin de garantir à ces derniers des retraites convenables. Il faut éliminer les effets de seuil : pour une retraite chapeau de 499 euros taxée à 7 %, le prélèvement est de 14 euros ; pour une retraite chapeau de 501 euros taxée à 14 %, le prélèvement est de 70 euros.

M. le président.  - Amendement n°210 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, B. Dupont, Bout, Hermange, Rozier et Desmarescaux et MM. Cambon, Laménie, Leroy et J. Gautier.

Alinéa 11

1° La première phrase est complétée par les mots : « sur la fraction excédant ce montant » ;

2° Aux deuxième et troisième phrases, les mots : « les rentes » sont remplacés par les mots : « la fraction des rentes ».

Mme Bernadette Dupont.  - Définir comme assiette du prélèvement la fraction des rentes devrait éviter les effets de seuil.

M. le président.  - Amendement n°287 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati et Beaumont et Mme Sittler.

Alinéa 11, deuxième et troisième phrases

Rédiger ainsi ces phrases : 

« Le taux de cette contribution est fixée à 14 % pour les rentes dont la valeur est supérieure à 900 euros par mois. Pour les rentes dont la valeur mensuelle est fixée entre 500 et 900 euros par mois, ce taux est fixé à 7 %.

M. Philippe Dominati.  - C'est une simple différence de seuils.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 11, deuxième phrase

Remplacer le taux :

14 %

par le taux :

25 %

Mme Patricia Schillinger.  - Avec l'article 10, vous vous donnez bonne conscience et vous voulez faire croire aux Français que les bénéficiaires des retraites chapeau seront mis à contribution. Pourtant, le régime fiscal est privilégié par rapport à celui applicable aux revenus du travail.

Pourquoi ne pas appliquer le droit commun des cotisations patronales et salariales ? La Cour des comptes a calculé qu'un alignement des retraites chapeau sur le droit commun rapporterait 820 millions par an.

Pour 100 millions d'euros, vous n'hésitez pas à réduire les allocations familiales ! Nous voyons qui vous défendez.

M. le président.  - Amendement identique n°218, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Isabelle Pasquet.  - Le taux de 20 % est analogue à l'ensemble des prélèvements sur les salaires. Son application participerait au financement de la sécurité sociale.

Ce PLFSS est par trop timide, alors même que la pratique des retraites chapeau a détourné le mécanisme créé après la deuxième guerre mondiale.

Nous visons les retraites chapeau qui atteignent des niveaux scandaleux.

M. le président.  - Amendement n°295 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati et Beaumont et Mmes B. Dupont, Hermange et Sittler.

Alinéa 11, avant la dernière phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Les rentes versées dans le cadre d'un accord d'entreprise ou d'une institution ayant fait l'objet d'un agrément ministériel sont exonérées de la contribution.

M. Philippe Dominati.  - Cette disposition simple mettrait les retraites chapeau modestes à l'abri de toute taxation.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Les amendements partent dans des directions très diverses...

L'amendement n°217 tend à relever la contribution imposée aux bénéficiaires, ce que la commission n'accepte pas.

L'amendement n°304 rectifié est encore plus radical, en revenant au texte initial et en proposant de taxer les retraites chapeau dès le premier euro. La commission est satisfaite par le compromis entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale :

Mme Procaccia, par son amendement, souhaite une progressivité atténuée par rapport à celle de l'Assemblée nationale. M. Philippe Dominati voudrait aller plus loin encore. La commission est défavorable à ces suggestions.

L'amendement n°210, défendu par Mme Bernadette Dupont, a obtenu la sagesse favorable de la commission.

Retrait ou rejet de l'amendement n°287 rectifié bis : madame Schillinger, rappelons tout d'abord que le régime fiscal des retraites chapeau n'est pas dérogatoire.

M. Fischer propose, à l'amendement n°218, une augmentation plus modérée que celle du groupe socialiste. La commission est néanmoins défavorable.

Enfin, la commission ne peut accepter l'amendement n°295 rectifié bis de M. Dominati.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Le taux de 14 % pour la contribution des bénéficiaires de la retraite chapeau prend en compte l'absence de cotisation des intéressés pendant qu'ils sont actifs. Il n'y a pas lieu d'imposer une contribution accrue.

Symétriquement, il n'y a pas de raison pour creuser l'écart avec les retraites complémentaires. J'ajoute que ces pensions s'ajoutent aux régimes complémentaires.

Le Gouvernement ne peut donc être favorable aux amendements qui réduiraient le rendement du dispositif, après les 17 millions imputables au compromis passé avec l'Assemblée nationale.

Nous voulons rapprocher la taxation des retraites chapeau de celle des autres retraites, tout en préservant les petites retraites.

Le Gouvernement repousse tous les amendements, y compris la proposition de Mme Dupont qui a reçu un avis de sagesse de la commission.

L'amendement n°217 n'est pas adopté.

M. Gilbert Barbier.  - Je m'étonne que Mme le ministre n'ait pas commenté mon amendement, qui reprenait le texte initial du Gouvernement...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Je vous prie d'accepter mes excuses : dans un chapelet d'amendements, certains peuvent m'échapper... J'ai accepté l'amendement de l'Assemblée nationale car il me semblait juste. C'est l'utilité du débat parlementaire. En moyenne, la retraite chapeau atteint 3 750 euros par ans.

L'amendement n°304 rectifié n'est pas adopté.

M. Philippe Dominati.  - L'amendement n°287 était peut-être trop ambitieux mais l'amendement n°206 rectifié bis correspond au point d'équilibre.

L'amendement n°206 rectifié bis est adopté.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Ça va couter cher !

Mme Bernadette Dupont.  - L'amendement n°210 rectifié bis est justifié. Je le maintiens.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Les deux amendements se cumuleront !

M. Gilbert Barbier.  - Il ne reste rien du dispositif !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - L'amendement n°206 rectifié bis coutera 20 millions ; l'amendement n°210 rectifié bis coûterait plusieurs dizaines de millions d'euros.

L'amendement n°210 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°287 rectifié bis devient sans objet.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

Mme Annie David.  - Les sages sénateurs ont repoussé de deux mois le départ à la retraite de travailleurs usés, ils assimilent la pénibilité à l'invalidité, mais un seul amendement fera perdre 20 millions d'euros, s'ajoutant à ceux perdus à l'Assemblée nationale.

Chacun défend les siens : vous protégez ceux qui ont déjà beaucoup d'argent, alors qu'un million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté ; eux n'ont pas de retraite chapeau ! (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°218 n'est pas adopté.

L'amendement n°295 rectifié bis est retiré.

L'article 10, modifié, est adopté.

Article 11

M. Yves Daudigny.  - Voici venu le tour des stock-options, dont la taxation n'a pas été modifiée depuis le PLFSS 2008 ! M. Séguin, président de la Cour des comptes, n'avait pas mâché ses mots : le Gouvernement devait prendre ses responsabilités en taxant fiscalement et socialement les stock-options. Il avançait le chiffre de 3 milliards. Vous n'avez pas suivi ce chemin à l'Assemblée nationale. La fiscalité sociale de ces revenus est totalement incompréhensible. Résultat : les privilégiés crient au loup lorsqu'on évoque la fiscalité des stock-options. La solidarité doit être partagée ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°149 rectifié, présenté par M. Dériot.

Alinéas 1 et 2

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

I. - La première phrase du II de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :

« Le taux de cette contribution est fixé à 14 % lorsqu'elle est due sur les options mentionnées au I et à 10 % lorsqu'elle est due sur les actions mentionnées au I. »

II. - Le premier alinéa de l'article L. 137-14 du même code est ainsi modifié :

1° Les mots : « de 2,5 % » sont supprimés ;

2° Sont ajoutés les mots : « , dont le taux est fixé à 8 % pour les premiers et à 2,5 % pour les seconds ».

M. Gérard Dériot.  - L'amendement maintient les prélèvements actuels sur les attributions gratuites d'actions attribuées à des catégories très larges de salariés.

M. le président.  - Amendement n°220, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

1° Alinéa 1

Remplacer le taux :

14 %

par le taux :

40 %

2° Alinéa 2

Remplacer le taux :

8 %

par le taux :

10 %

M. Guy Fischer.  - Nous relevons la taxation des stock-options, comme la Cour des comptes l'avait préconisé dans son rapport de 2007. Elle proposait de récupérer 3 milliards pour la sécurité sociale. Les rémunérations déguisées profitent à une infime minorité, qui perçoit déjà les plus hauts salaires ; M. Vasselle en convient lui-même dans son rapport. Puisque ces revenus s'apparentent à un salaire, taxons-les de la même façon ! D'après l'OCDE, notre fiscalité des stock-options est inférieure à celle pratiquée dans de nombreux pays. Il reste des marges de manoeuvre !

L'amendement n°481 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Remplacer le taux :

14 %

par le taux :

20 %

M. Jacky Le Menn.  - L'exigence de justice sociale et l'impératif de responsabilité financière imposent de rechercher de nouvelles sources de financement en mettant à contribution toutes les formes de revenus. Il n'est pas acceptable que certaines soient exonérées de l'effort de solidarité nationale.

D'où cet amendement qui relève de 14 % à 20 % la contribution patronale sur les stock-options et sur les attributions d'actions gratuites. Cela procurerait de nouvelles ressources à la sécurité sociale. Le débat est récurrent. Au vrai, la question est : « quelle est votre volonté de mettre tous les revenus à contribution » ? Il y a quelques années, nos propositions vous paraissaient irréalistes ; il faudrait aujourd'hui un dispositif raisonnable.

M. le président.  - Amendement identique n°387 rectifié bis, présenté par M. Fouché, Mme Bruguière, MM. Doublet, Laurent, Pierre et Gilles, Mmes Henneron et G. Gautier, MM. B. Fournier, Pointereau et Bailly, Mme Hummel, MM. Houel, Milon et Laufoaulu, Mme Sittler, MM. Beaumont, Lefèvre et Braye, Mme Mélot et M. Lardeux.

M. Antoine Lefèvre.  - L'objectif est de moraliser les pratiques et de trouver de nouvelles normes de financement.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer le taux :

8 %

par le taux :

10 %

M. Ronan Kerdraon.  - L'amendement relève la contribution salariale sur les stock-options et sur les attributions d'actions gratuites de 8 % à 10 %.

Les stock-options constituent une forme de rémunération. Elles donnent lieu à d'importants bénéfices : la presse en témoigne. N'ayons pas peur de les taxer davantage.

Avec cet amendement, nous revenons aux fondamentaux de la sécurité sociale : chacun doit payer selon ses moyens et recevoir selon ses besoins.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Rappelons que la taxation des stock-options, adoptée dans le PLFSS pour 2008, avait été proposée par le Sénat dès 2007. Cette année, le Gouvernement a introduit une différence de traitement entre stock-options et options gratuites : où est la cohérence dans ce décrochement ? La majorité devra se déterminer entre l'amendement n°149 rectifié, qui a reçu un avis de sagesse, et l'amendement n°387 rectifié bis de M. Lefèvre.

L'amendement n°220 est déséquilibré : rejet. Avis défavorable à l'amendement n°11, identique à l'amendement n°387 rectifié bis, car ce taux est trop élevé dans la conjoncture actuelle. Avis également défavorable à l'amendement n°12.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Tous ces amendements, sauf l'amendement n°149 rectifié, tendent à relever la taxation des stock-options, lesquelles se sont développées depuis le début de cette législature, notamment avec l'adoption de la loi Tepa.

Nous avons renforcé leur taxation dans la loi portant réforme sur les retraites. Par souci d'équité, avis défavorable. En revanche, l'avis est favorable à l'amendement n°149 rectifié car les actions gratuites touchent un public plus large que les stock-options et procurent un revenu moins spéculatif : il est parfaitement justifié de traiter différemment les deux.

M. le président.  - Il ne sera pas possible, en cinq minutes, d'entendre plusieurs explications de vote, et je ne veux pas en priver mes collègues : mieux vaut lever la séance.

Prochaine séance demain, mercredi 10 novembre 2010, à 14 heures 30.

La séance est levée à 23 heures 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 10 novembre 2010

Séance publique

A 14 HEURES 30

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (n°84, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Vasselle, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°88, 2010-2011) ;

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n°90, 2010-2011).