Budget de l'Union européenne
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur la participation de la France au budget de l'Union européenne.
M. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances. - Dorénavant examinée avant le projet de loi de finances, la contribution de la France au budget de l'Union européenne est d'un niveau stable -en augmentation de 0,5 % par rapport à l'an passé- à environ 6 % de nos recettes fiscales, pour nourrir le budget européen à hauteur d'un sixième, budget dont le montant global est comparable à notre déficit.
Un refus de cette contribution ouvrirait une crise européenne, dont l'Union n'a pas besoin et qui nuirait aux intérêts de la France comme de l'Europe. L'Europe, c'est nous, les Européens, et aussi les Français et donc notre Parlement national. Si le traité de Lisbonne a consacré le rôle des parlements nationaux, ce n'est pas parce qu'ils sont plus proches des citoyens -même si c'est vrai- mais parce que ce sont eux qui décident les budgets et garantissent les dettes souveraines des États -on l'a vu au printemps, au moment de la crise grecque, avec la création du fonds de stabilisation. La question de la solidarité financière a toujours été au coeur des débats européens. Elle l'est encore plus avec la monnaie unique -il est d'ailleurs surprenant qu'il ait fallu attendre quinze ans pour s'en apercevoir...
La négociation du budget 2011 est la première à s'inscrire dans la nouvelle procédure du traité de Lisbonne. Le prélèvement de 18 milliards a été déterminé au printemps dernier sur la base de l'avant-projet de budget de la Commission -qui a été rectifié dans un sens plus rigoureux cet été par le Conseil. Contrairement aux années précédentes, le compromis proposé par la présidence belge n'a pas été voté dans le consensus, sept États représentant 88 voix -la minorité de blocage est de 91- ayant voté contre.
Le Parlement européen est revenu à des propositions proches de celles de la Commission. Le consensus paraît accessible ; encore faut-il que le Conseil accepte la demande des députés de l'ouverture d'une négociation sur les ressources propres. On retrouve là le problème de fond : la structure du budget européen -dépenses arrêtées en co-décision par le Parlement et le Conseil, recettes apportées à 85 % par les parlements nationaux. Comment dans ces conditions mettre en oeuvre le principe du consentement à l'impôt ? Chacun en veut pour son argent, comme disait Mme Thatcher ; mais comment évaluer les gains des uns et des autres ? A qui par exemple profitent les investissements dans un pays financé par les moyens des autres ? La PAC ne sert pas qu'aux agriculteurs ! (M. Jacques Blanc approuve) Lorsqu'on fait le bilan de la construction européenne, faut-il ne considérer que la satisfaction de grands objectifs comme la paix, la liberté, l'État de droit ? Bref, la logique des retours nets n'est pas que détestable, elle est aussi absurde.
Le débat sur les ressources propres interfère avec les perspectives financières de l'après 2013, ce qui n'est pas une mauvaise chose si la cohérence est au rendez-vous. La Commission évoque une taxation des transactions financières, un impôt sur les sociétés ou encore une TVA européenne -sachant que cet impôt est le seul dont l'assiette soit déterminée sur une base communautaire. Mais il ne faudrait pas que les citoyens aient la sensation que l'Union européenne est source de nouveaux impôts. Un impôt européen n'est admissible que s'il est compensé par une diminution de l'impôt national -où l'on retrouve la subsidiarité. Un dialogue doit s'ouvrir entre parlements nationaux et entre parlements nationaux et Parlement européen. La Cosac s'est longuement penchée dessus la semaine dernière.
L'estimation du prélèvement est trop mouvante et opaque, son montant est une année surestimé, une autre sous-estimé -parfois d'un milliard...
La France devrait demeurer le deuxième contributeur net après l'Allemagne. Nous participons pour 1 milliard au chèque britannique de 5 milliards. Certes, nous sommes le premier bénéficiaire de la PAC en valeur absolue, mais loin derrière l'Irlande si l'on évalue par tête d'habitant. Prenons garde aux chiffres !
Un examen méticuleux des politiques communautaires s'impose. L'Europe doit dépenser mieux. Un euro de plus au budget national est-il plus efficace dans tel ou tel domaine qu'un euro de plus au budget européen ? Je pense par exemple à la coordination des politiques de recherche nationale et européenne. En outre, il convient de veiller à une application rigoureuse du principe de subsidiarité.
Autre sujet, la multiplication des agences européennes que nous abordons dans la résolution du Sénat de décembre 2009. Je vais aller visiter l'Agence des droits fondamentaux de Vienne qui dispose d'un budget de 20 millions d'euros, sans qu'on voie bien jusqu'ici ce qu'elle apporte à côté du Conseil de l'Europe.
Comme le dit M. Arthuis, nous ne serons jamais assez vigilants pour éviter d'avoir à payer des amendes.
Hors de solidarités financières durables, l'Union européenne risque de se chercher longtemps. Le Sénat entend assumer sa responsabilité européenne consacrée par le traité de Lisbonne. Le moment venu, je vous recommanderai d'adopter l'article 46 de la loi de finances. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - 2010 restera dans les annales comme une année mouvementée mais qui aura vu l'Union européenne accomplir des progrès étonnamment rapides. Avec la crise grecque, l'Europe s'est fait très peur, avant de se ressaisir et de faire prévaloir la solidarité entre les États membres. La crise a paradoxalement créé un contexte favorable à une réforme de la gouvernance économique de l'Union. Nous devons donc nous féliciter des conclusions du Conseil européen des 28 et 29 octobre, qui, influencé par la déclaration de Deauville du 18, a fait sien le rapport Van Rompuy et entériné le principe d'une modification limitée du traité au plus tard en 2013. L'existence du fonds de stabilisation est limitée à trois ans ; la clause de non-renflouement d'un État membre ne sera pas modifiée pour ne pas fâcher la cour de Karlsruhe.
Le débat sur le budget 2011 augure déjà des difficultés à venir. Les positions de chacun sont plus que jamais divergentes, ce qui fait peser une incertitude sur son adoption. Pour la première fois depuis vingt ans, le Parlement européen n'envisage pas de dépasser les plafonds prévus dans les rubriques de dépenses, en contrepartie d'assurances sur le financement futur des politiques européennes, de la révision du cadre financier actuel et de l'ouverture d'un débat sur les ressources propres, sur la base de la communication de la Commission du 19 octobre. Il critique, en effet, la part prépondérante des contributions nationales dans le budget. Dans cette logique, la commission propose divers impôts européens -nos entretiens avec le ministre allemand des finances nous incite à penser qu'une telle idée est jugée inopportune dans les grands pays contributeurs.
Que se passera-t-il si le budget 2011 n'est pas adopté avant la fin de l'année ? L'usage des douzièmes provisoires ne serait pas sans effet, en particulier sur les services de Mme Ashton.
Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Simon Sutour. - Ce débat intervient au lendemain d'un conseil européen qui entérine une politique d'austérité attentatoire aux principes fondamentaux qui légitiment le projet européen. Le durcissement du pacte de stabilité n'a pas de sens, à propos de pays déjà surendettés. Quand à la suspension des droits de vote... On sanctionne au lieu de prévenir ! La charrue a été mise avant les boeufs en faisant des sanctions un préalable. Modifier le traité pour les seules sanctions n'a pas de sens si le pacte n'est pas réformé en profondeur.
Le budget européen pour 2011 n'est pas un budget de crise, mais un budget en crise. La seule perspective pour l'après 2013, c'est de déshabiller Pierre pour habiller Paul ! Faut-il croire que les États membres ont perdu toute foi en l'Union ?
Le traité de Lisbonne donne des compétences nouvelles en matière de politique énergétique.
M. Jacques Blanc. - En matière de cohésion territoriale aussi !
M. Simon Sutour. - Le lancement de la stratégie 2020 nécessite de lourds investissements : comment les financer ? L'augmentation de la contribution française dans le cadre des perspectives à venir n'est pas viable, avez-vous dit, monsieur le ministre ; France et Allemagne s'opposent à toute hausse du budget européen, comme à toute taxe à l'échelle de l'Union. Qu'allez-vous proposer ? On ne peut s'en tenir à une telle déclaration ! Il faut sérieusement envisager de nouvelles ressources propres.
Les États membres ne doivent pas s'en tenir à gérer les politiques avec ce dont ils disposent, ils doivent se montrer plus ambitieux. Il faut d'abord définir des objectifs, quitte à prévoir ensuite de nouvelles ressources propres. Nous pouvons toujours débattre, nous parlements nationaux, mais ce sont nos gouvernements qu'il faut convaincre !
Les nouvelles propositions de la Commission nous conviennent plutôt, l'affectation au budget européen de nouvelles taxes serait une bonne chose -dont nous regrettons qu'une majorité des États la refusent. Le Parlement européen ne s'est pas trompé, en faisant porter l'essentiel de son débat sur les recettes.
Le risque est grand de voir la PAC et la politique de cohésion territoriale -auxquelles nous sommes très attachés- sacrifiées à la pseudo-rationalité économique. La position des nouveaux États membres sera déterminante ; ils pourraient d'abord favoriser l'objectif 1. Il est dont essentiel de se montrer ambitieux en la matière, surtout dans la perspective de la stratégie 2020.
La dernière communication de la Commission est ambiguë. Certaines propositions sont intéressantes, mais elle suggère aussi de réserver une partie des fonds de cohésion aux États qui respecteraient les objectifs 2020... Que devient l'objectif de redistribution des richesses ? Que signifie la notion de « concurrence qualitative » ? La politique de cohésion ne doit pas être le vecteur d'une nouvelle concurrence entre États membres ; elle est un symbole de ce que l'Union européenne peut apporter, un enjeu démocratique.
Il ne semble pas qu'aujourd'hui et en l'état l'enveloppe globale de la PAC soit remise en question, mais l'insistance de certains États inquiète et des incertitudes demeurent sur la répartition des aides, les nouvelles conditionnalités ou les mesures de marché. La crise agricole, les viticulteurs du Languedoc en savent quelque chose...
Mme Bernadette Bourzai. - Et les éleveurs !
M. Simon Sutour. - ...a eu des effets catastrophiques sur nos agriculteurs. La position franco-allemande ne peut nous rassurer en la matière.
Un certain nombre de principes doivent être fermement défendus : la solidarité, le refus de toute renationalisation des politiques européennes, une vision ambitieuse de l'utilité de l'Union, des ressources convenables. Il y va de l'avenir de la construction européenne, de l'efficacité de ses politiques et de la légitimité de la construction européenne auprès des citoyens. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. - Le vote sur la contribution de la France intervient dans un contexte dense, entre Deauville et le conseil de la semaine dernière. L'enjeu de la crise grecque n'était pas que la stabilité de la zone euro : sa survie. Ne laissons pas croire que tout endettement serait désormais permis : la non-assistance reste le principe ; le sauvetage, l'exception. Mais comment faire ? A quelles conditions ? Avec quelles ressources ? Faut-il vraiment ouvrir la boîte de Pandore de la révision du traité ?
La France a obtenu que les sanctions ne soient pas automatiques, contrairement à ce que demandaient la Commission et M. Trichet. En a-t-on débattu au Conseil ?
Après le temps de l'urgence, voici celui de la reconstruction ! L'Europe doit relancer et promouvoir, or elle piétine. La stratégie de Lisbonne a été décevante. La stratégie 2020 a tout d'un catalogue de bonnes intentions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est vrai.
M. Aymeri de Montesquiou. - Il faut avoir une politique ambitieuse d'investissement public, ce que le budget européen ne peut faire, à preuve les difficultés d'Iter et de Galileo.
Augmenter le budget à 3 % du PIB ? Oui sur le principe, non pour la circonstance. Un grand emprunt européen ? Ce n'est pas le moment. Il faut donc dépenser mieux, éviter les gaspillages reproduits chaque année sans réflexion. La question doit être d'identifier où 1 euro européen sera plus utile qu'1 euro national. Les domaines sont nombreux, où l'on peut atteindre la masse critique. Je pense par exemple à la défense, la recherche et l'innovation, les transports et l'énergie.
Le système actuel exacerbe les égoïsmes nationaux ; ces concurrences étriquées entre États nous affaiblissent. Retrouvons l'esprit des pères fondateurs, qui voulaient une Europe politique !
La Commission propose plusieurs pistes pour les ressources propres. Lesquelles la France privilégie-t-elle ? J'ai toujours souhaité un impôt européen, mais je conçois que ce ne soit pas de circonstance.
Il faudra immanquablement une nette montée en puissance du budget communautaire. Il faudra être vigilant pour la PAC. A ceux qui pensent que l'agriculture appartient au passé, nous répondons aménagement du territoire et souveraineté alimentaire, et aussi que la PAC est la politique communautaire qui a le mieux marché. « Les esprits et les coeurs européens ne seront gagnés que par des projets concrets et ambitieux ». Pierre Messmer avait raison ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Adrien Gouteyron. - L'intérêt d'un débat est de permettre l'expression de « sensibilités » différentes...
Le montant du prélèvement européen est seulement une évaluation. Le débat est ouvert, entre la proposition ambitieuse de la Commission, celle, plus raisonnable, du Conseil, et celle, enfin du Parlement. Il s'inscrit dans le chantier plus vaste de la réforme d'ensemble du système budgétaire communautaire, elle-même suivie par les négociations sur le cadre financier post-2013.
La préparation du budget 2011 a révélé une dissension profonde entre les Vingt-sept. On peut noter pour s'en réjouir la position commune de la France et de l'Allemagne qui a permis qu'une majorité se dégage. Les sept pays défenseurs du « juste retour » ont voté contre les propositions du Conseil, sachant que la position du Parlement européen, à coups de déclarations tonitruantes, est tout à fait décalée par rapport aux réalités économiques. Comment éviter l'impasse, qui conduirait à l'abandon du service diplomatique européen -et je ne parle pas des fonds de cohésion ?
Le dernier conseil a estimé essentiel que le budget 2011 tienne compte des efforts d'assainissement réalisés par les États membres. L'objectif de la France doit être de limiter l'augmentation du budget européen -sans que la PAC en pâtisse. Le confirmez-vous, monsieur le ministre ? L'écart risque d'être plus grand que jamais, pour la France et l'Allemagne, entre le souhaitable et le possible, entre le soutien à la relance et la nécessité pour chacun de limiter sa contribution nationale.
Pour notre pays, l'enjeu est de taille. Les deux sujets importants sont la fin du rabais britannique qui date de 1984 et la poursuite de la PAC. S'il ne fallait retenir qu'un sujet sur la prochaine programmation financière, il faudrait s'en tenir à la PAC.
M. Jacques Blanc. - Tout à fait !
M. Adrien Gouteyron. - Nous avons des intérêts communs avec l'Allemagne. En témoigne le document du 14 septembre dernier. Les agriculteurs ont besoin de stabilité pour investir. Nous avons besoin de ressources à la hauteur de nos ambitions. Le prélèvement de la France, rappelons-le, va croître de 600 millions par an jusqu'en 2013. Cette détérioration du solde net français est inéluctable ; cela exige de nous et des institutions européennes de la rigueur. La construction européenne a un coût ; c'est le prix à payer pour les politiques communes, mais il doit être équitablement partagé.
Le débat sur les ressources propres est nécessaire. Ne créons pas un impôt européen ! Personne n'en veut, personne ne le comprendrait ! (M. Yves Pozzo di Borgo le conteste) Un budget alimenté par les États, n'est-ce pas le moyen le plus sûr d'éviter les dérapages tel le rabais britannique ?
Je suis convaincu que nous devons aborder les prochaines négociations sur la prochaine programmation avec détermination. Le moteur franco-allemand est indispensable. Il y aura un compromis franco-allemand ou rien. Essayons de ne pas l'oublier ! (Applaudissements sur les bancs de la commission)
M. Michel Billout. - La participation de la France au budget européen est loin d'être négligeable. Pour autant, le budget européen n'est pas à la mesure des défis européens. La part des État n'a cessé d'augmenter, au détriment des ressources propres prévues par les pères fondateurs. Malgré quelques propositions de débat, il n'y a pas de volonté politique forte sur les ressources propres, notamment sur la création d'une nouvelle ressource. Nous apprécions la position du Parlement européen sur ce débat. On évoque la taxation des transactions financières, ou d'une taxe bancaire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Ça, c'est une bonne idée ! (Sourires)
M. Michel Billout. - Nous voyons là une piste intéressante. Le projet général du budget de l'Union est soumis à un seul mot d'ordre, l'austérité ! Comme toujours, les élites européennes préfèrent laisser au marché le soin de la régulation. Les dépenses en faveur de la cohésion semblent remises en cause : la Commission suggère de les recentrer sur les régions les plus pauvres. Comme chaque année, les politiques sécuritaires sont renforcées, à défaut de véritables politiques d'intégration. Ces priorités devraient être le respect des droits des migrants. Je salue la position de la Commission sur les Roms, mais le budget l'amoindrit.
La PAC est indispensable : les nombreuses crises ont démontré la nécessité de la régulation. En définitive, le budget européen n'est pas en phase avec la réalité européenne : on manifeste à Paris, à Athènes. Le groupe CRC appelle de ses voeux la construction d'une autre Europe, fondée sur le progrès social.
M. Yves Pozzo di Borgo. - La semaine dernière, le débat préalable au Conseil a permis au Sénat de discuter des mesures à prendre pour que l'Europe puisse faire face à la crise. Aujourd'hui, nous débattons de la contribution de la France. Il s'agit du même débat : celui sur l'avenir économique de l'Union.
Je me réjouis que l'Europe se mette également à la rigueur. Pour autant, le financement de la recherche, parce qu'il est primordial, doit être maintenu. Avec la stratégie pour 2010, nous nous sommes collectivement engagés à investir 3 % du PIB dans la recherche.
Nous devons améliorer l'efficacité de la dépense publique. Attention à l'agenciarisation de l'Europe ! Qu'apporte une Agence des droits fondamentaux à Vienne, par rapport au Conseil de l'Europe ?
Nous voulons financer la recherche tout en maintenant la PAC et la politique de la cohésion sans accroître la contribution de la France. Quelle est la solution ? Mieux dépenser. A terme, se pose la question des ressources propres. Il s'agit de se demander si un euro est mieux dépensé au niveau européen ou au niveau national. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. - J'ai l'honneur de vous soumettre l'examen de l'article 46 du projet de loi de finances pour 2011 qui évalue la contribution de la France au budget de l'Europe.
La maîtrise des dépenses publiques européennes est liée à la discipline budgétaire de chaque État membre, chacun des orateurs l'a souligné. Le Conseil européen y a également insisté.
J'en viens aux trois grandes leçons qu'il faut tirer des conclusions du Conseil européen relatives à la mise en place d'une « gouvernance économique » européenne.
Premièrement, le rôle fondamental du couple franco-allemand. Ce conseil a marqué un véritable tournant. Cela n'était pas gagné d'avance, considérant les déclarations de tel membre -non élu !- de la Commission, qui a osé évoquer un diktat des chefs d'État. La déclaration de Deauville a fait consensus car elle était dans l'intérêt de tous.
Le principe d'une révision du traité -il ne s'agit pas d'ouvrir la boîte de Pandore- vise seulement la mise en place d'un mécanisme de gestion de crise. La modification devra être ratifiée mi-2013 au plus tard sans toucher à l'article 145 du traité.
La participation du FMI au mécanisme sera étudiée attentivement.
La taxation bancaire ? Il n'est pas absurde que ceux qui ont joué contre la dette souveraine d'un État au point de le mener au bord de la faillite participent au financement du mécanisme.
M. Sutour a critiqué les sanctions financières et politiques. Comment faire s'il n'y a aucune sanction ? Le Président Van Rompuy est chargé d'examiner les sanctions éventuelles des États membres contrevenants. C'est une avancée obtenue par la France et l'Allemagne.
Deuxième leçon : le Conseil européen « fait sien » le rapport du groupe de travail Van Rompuy sur la gouvernance économique. Cette reconnaissance ouvre la voie à trois grandes innovations : une meilleure coordination au niveau européen des politiques macroéconomiques, une meilleure coordination des politiques budgétaires, à travers la mise en place, dès 2011, du « semestre européen » et le renforcement du volet préventif et correctif du pacte de stabilité et de croissance. Les chefs d'État et de gouvernement ont demandé un accord d'ici l'été 2011.
Troisième leçon : la question de la réforme des retraites est bien au coeur de la nouvelle gouvernance économique européenne. Ce sujet a été évoqué par le Conseil européen qui a demandé à accélérer les travaux, notamment en Pologne. Dans ce contexte de mise en place d'une gouvernance économique, nous débattons de l'article 46. Pour 2011, le prélèvement est estimé à 18 milliards d'euros. La participation française représente un effort substantiel par rapport aux nouveaux États membres, d'autant que la France est le deuxième contributeur net après l'Allemagne en 2009. En outre, le solde négatif de la France ne va cesser de croître jusqu'en 2013. Cette règle de progression constitue un véritable sacrifice pour les Français, ne le masquons pas ! Pour le Gouvernement, c'est le prix à payer nécessaire pour que l'Europe soit, demain, un multiplicateur de puissance.
Enfin, rappelons l'importance viscérale que nous attachons à la PAC, si vitale pour les petites communes. Mais il faut que nos efforts de rigueur soient partagés par les institutions européennes elles-mêmes.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Très bien !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Il est contradictoire que la Commission, qui parle de sanctionner les États pas assez rigoureux, demande une augmentation de son budget de 6 %.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est une contradiction insupportable.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Elle sera seulement de 2,9 % dans un contexte de maîtrise de la dépense. Même observation concernant le Parlement européen, qui demandait une augmentation de 7 %. Personne ne doit s'exonérer des efforts de rigueur !
Les articles 314 et 315 du traité sont clairs : si le budget était rejeté, la procédure des douzièmes provisoires permettrait à l'Europe de fonctionner a minima. Nous n'en sommes pas encore là. L'effort de rigueur s'impose également aux agences européennes. Je me réjouis du travail de M. Badré sur l'agence de Vienne.
Quelle est l'utilité de la dépense publique ? Prenons l'exemple des Roms qui concerne 11 millions de personnes. La France a été vilipendée dans des termes très violents, alors qu'elle ne faisait que respecter le droit d'occupation de son sol. Nous avons les premiers attiré l'attention sur la scandaleuse misère des 11 millions de Roms, dont 9 millions sont des citoyens européens. L'Europe n'a pas pris les mesures qui s'imposaient. On a fait le procès de la France au lieu de celui des pays d'origine. Qu'a fait la Roumanie des 20 milliards d'euros qu'elle a reçus de l'Europe pour les Roms ? Il n'est parvenu à ceux-ci que 85 millions... Devant Mme Reding, M. Georges Soros a dit qu'il donnait plus d'argent aux Roms que l'Union, et sur ses deniers personnels ! Le problème des Roms n'est pas un problème paneuropéen, mais celui des pays d'origine !
Sinon, les Français paieraient deux fois pour les Roms, d'abord dans le cadre des fonds européens, ensuite sur le budget national ! Je parle donc de carence et de scandale au vu des sacrifices financiers que nous consentons. La polémique de cet été a montré l'importance de l'intégration de ces populations dans leur pays d'origine. D'où la volonté de la France de mettre les points sur les « i ».
Le Gouvernement roumain voudrait n'être responsable de sa population que huit mois de l'année ! Nous n'en avons pas fini avec ce dossier.
J'en viens à la prochaine programmation financière 2014-2020. Les grandes manoeuvres ont commencé avec la présentation par la Commission, ce jour, de ses orientations.
Les autorités françaises examinent attentivement ce dossier court, essentiellement qualitatif, qui reste prudent.
Prenons garde aux formulations tendancieuses sur la PAC : elles semblent indiquer un avenir négatif de cette politique commune. Nous attendons deux communications de la Commission en novembre sur la politique de cohésion et la PAC.
Pour le reste, il est nécessaire, en liaison avec la représentation nationale, de conserver un cadre clair : il faut un budget simple et une contribution française stable ; il faut maintenir une PAC forte qui représente les trois quarts des retours à la France et un enjeu sanitaire primordial aujourd'hui.
La stabilité du budget européen est compatible avec des politiques ambitieuses dont il faut améliorer l'efficacité : je pense notamment à la recherche et à l'innovation.
Concernant les ressources, le budget européen est devenu illisible avec des rabais permanents, d'autres temporaires. La France est le premier contributeur au rabais britannique : elle en paie 1,4 milliard sur 5,6 ! Celui-ci, instauré en 1984, n'a plus de raison d'être.
La France est prête à une discussion sur les ressources propres mais celle-ci ne doit pas conduire à la création d'un impôt européen. Ce n'est pas le moment ! J'en veux pour preuve les déclarations de la chancelière Merkel, qui va dans le même sens.
Les négociations seront difficiles. Pour l'actuelle programmation qui courait de 2007 à 2013, les négociations avaient commencé dès 2003 ! La France et l'Allemagne travaillent actuellement à une position commune.
Sur ces bases, j'ai l'honneur de demander au Sénat l'approbation de l'article 46. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Merci à la Conférence des Présidents d'avoir accepté la tenue de ce débat par anticipation lors d'une semaine de contrôle pour réduire la discussion budgétaire, au cours de laquelle nous voterons l'article 46. Considérons que c'est notre contribution à la rénovation du travail parlementaire ! (Applaudissements au centre et à droite)
Prochaine séance demain, mercredi 3 novembre 2010, à 14 heures 30.
La séance est levée à minuit.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 3 novembre 2010
Séance publique
À 14 HEURES 30 ET LE SOIR,
1. Débat sur les prélèvements obligatoires et l'endettement et projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (n° 66, 2010-2011).
Rapport de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances (n° 78, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 79, 2010-2011).
Avis de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 69, 2010-2011).
2. Débat sur les effectifs de la fonction publique.