Rappels au Règlement
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - (L'ensemble des membres du groupe CRC-SPG, ceints de l'écharpe tricolore, se lèvent) Des millions de nos concitoyens sont dans la rue : nous saluons leur détermination et leur exprimons notre solidarité. La concomitance de manifestations d'une telle ampleur avec la discussion d'un projet de loi est un fait rare.
Nombre de nos collègues auraient souhaité être dans leur circonscription pour participer aux manifestations. (Marques d'approbation à gauche) Une suspension de nos travaux permettrait à ceux qui le souhaitent d'être aux côtés de nos concitoyens. Faire comme si rien ne se passait dehors serait un manque de respect envers le peuple, envers ces Français qui sacrifient une journée de salaire pour dire leurs craintes et leur colère.
M. Guy Fischer. - C'est non !
M. Jean-Patrick Courtois. - Allez-y !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En ces temps de divorce entre le peuple et ses représentants, la dimension démocratique d'une suspension de nos travaux n'échapperait à personne.
Je souhaite que notre demande soit entendue comme l'a été celle du président Longuet le 4 mai dernier, qui obtint une suspension de plusieurs heures pour que les membres de son groupe puissent se rendre à l'Élysée.
M. Guy Fischer. - C'est vrai ! Il y a un précédent !
Mme Annie David. - Chacun ses rendez-vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le président Gaudin avait volontiers suspendu la séance, sans même que le Sénat ne fût appelé à se prononcer. Je vous demande solennellement une suspension d'une heure ; il ne serait pas acceptable qu'on fît deux poids et deux mesures. (Applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer. - Pas de réponse ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous avons appris ce matin que le Président de la République avait demandé le report de la CMP sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévue demain, à laquelle nous nous préparons depuis longtemps.
M. Guy Fischer. - Scandaleux !
M. Jean-Pierre Sueur. - Pouvez-vous confirmer cette surprenante information, monsieur le président, et nous dire quelle autorité a autorisé ce report ? Le président du Sénat a jugé impensable que cette réforme fût votée contre l'avis du Sénat. Éprouverait-on des difficultés à dégager une majorité ? La solution serait que le texte revînt devant le Sénat. Nous le savons, dans les collectivités locales cette réforme ne passe pas, le conseiller territorial ne passe pas... (On le confirme à gauche)
Une voix socialiste. - No pasaran !
M. Guy Fischer. - Les élus n'en veulent pas !
M. Jean-Pierre Sueur. - Le renforcement du pouvoir de l'État ne passe pas. Il serait néfaste que cette réforme fût adoptée contre l'avis du Sénat. J'ai cru comprendre qu'il y aurait un rapport entre ce report et la question des retraites. Est-ce le cas ? Nous sommes dans un abîme d'incompréhensions. Les manoeuvres procédurales avec le vote des articles 5 et 6 en priorité n'ont pas eu le résultat escompté : nos concitoyens sont en colère. Nous voulons y voir clair : quelles sont les intentions du Président de la République, du Gouvernement et du président du Sénat ? (Applaudissements à gauche)
M. Didier Guillaume. - Il suffit de regarder la télévision, de lire la presse : la France qui souffre, la France qui se lève tôt, la France des plus démunis, la France des salariés...
M. Jean-Claude Carle. - Que vous avez abandonnés !
M. Didier Guillaume. - ... est dans la rue. A Foix, 20 % de la population sont dans la rue ; autant qu'en mai 2002 à Toulouse, c'est dire, un monde fou à Bordeaux, à Lyon, à Valence...
Votre réforme ne passe pas. Vous n'avez pas su débattre avec les Français, vous avez bafoué le Parlement. Nos concitoyens font aujourd'hui une démonstration de force ; c'est la démocratie sociale qui s'exprime. Notre groupe s'associe à la demande de la présidente Borvo. Une suspension, même symbolique, montrerait que le Sénat ne travaille pas dans une bulle, mais est en phase avec nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Monsieur Sueur, M. Warsmann, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale et de la CMP a décidé le report de la réunion de la CMP début novembre. Cette information date de ce matin. (Protestations à gauche)
M. Jean-Pierre Godefroy. - Il ne peut pas être président ! La CMP ne s'est pas réunie !
M. le président. - Je donne à M. Sueur l'information que j'ai en ma possession. Elle ne donne pas lieu à débat.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Elle est fausse !
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est le Gouvernement qui convoque une CMP, pas un président de commission !
M. le président. - J'ai consulté le président du Sénat sur la demande de suspension de Mme Borvo. Bien qu'il s'agisse d'un ordre du jour prioritaire, fixé par le Gouvernement, le président Larcher a souhaité une suspension de séance de 30 minutes. (Applaudissements à gauche)
La séance est suspendue à 14 heures 45.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 h 15.
M. Jacques Mézard. - Mon rappel au Règlement s'appuie sur les articles 69 ter et 70 du Règlement. Je suis membre de la CMP sur la réforme des collectivités territoriales : j'apprends, par une dépêche AFP et par des bruits de couloirs, qu'elle est annulée ! L'article 70 donne le pouvoir de convocation au doyen d'âge. Quand serons-nous reconvoqués et comment ? (Applaudissements à gauche)
M. Edmond Hervé. - Nous avons entendu l'expression présidentielle sur la suite de la procédure législative sur la réforme des collectivités territoriales. La réponse du président de séance nous laisse perplexes : j'ai cru que l'article 89 de la Constitution avait été utilisé sans que l'on s'en aperçût ! Article 45, alinéa 2 : c'est le Premier ministre qui a « la faculté de provoquer » une CMP, pas un président de commission ! Sa compétence est discrétionnaire ; la mise en oeuvre de la procédure se fait via le doyen, qui dispose d'une compétence obligatoire. Le Premier ministre n'est pas obligé de réunir la CMP. Pour la sérénité de nos débats, les procédures doivent être transparentes : il en va de la démocratie. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Je vous renvoie à l'article 45. L'article 70 prévoit que les CMP se réunissent sur convocation de leur doyen. C'est bien de l'Assemblée nationale qu'est partie la convocation, signée par le doyen d'âge, reçue en fin de matinée.
Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme des retraites.
Discussion des articles (Suite)
Article premier
Mme Bernadette Dupont. - Le futur comité de pilotage que crée cet article devra se pencher sur le cas des régimes complémentaires Agirc et Arrco, passés sous silence, dont l' « équilibre est vital pour les retraites ». Je rappelle qu'ils versent des pensions complémentaires à 30 millions de retraités. Leur gestion est paritaire et rigoureuse, leurs comptes sont assainis au point de connaître un excédent en 2009.
Relever l'âge de la retraite est une nécessité pour les régimes de base. Les organisations syndicales qui siégeront au sein du comité devront faire preuve de davantage de sagesse qu'aujourd'hui... Il en va de l'avenir des jeunes, que certains cherchent à manipuler... (Murmures à gauche)
M. Guy Fischer. - Nous ne partageons pas ces propos : la loi risque bien de frapper les régimes complémentaires ! Les missions du futur comité de pilotage sont essentiellement financières ; il jouera pour les régimes de retraite le rôle des agences de notation vis-à-vis des comptes publics : c'est dire qu'il y a de quoi s'inquiéter. Présidé par le ministre -ce qui n'est pas gage d'indépendance- il sera chargé de travailler à la fusion des 38 régimes existants. Nous savons ce qu'il en sera : avec la majorité, le Président de la République et le Gouvernement, l'alignement se fait toujours par le bas ! Avec vous, la réforme est toujours une régression sociale. (Protestations à droite)
La question des conditions de vie des retraités, du montant de leurs pensions, est éludée.
Le comité de pilotage va être au coeur du système. L'équilibre financier est votre seule préoccupation, pour ne pas attirer l'attention des agences de notation et pour complaire à vos amis libéraux. Nous voyons bien qu'il s'agit de préparer un système à points.
Nous proposons la création d'une maison commune des retraites qui garantirait un financement stable. Notre proposition redonnerait confiance aux salariés en garantissant un droit à la retraite avec des pensions à la hauteur de leurs besoins.
M. le président. - Il faut conclure !
M. Guy Fischer. - Les cotisations leur appartiennent (Applaudissements à gauche)
M. Yves Daudigny. - Tout se complique, comme aurait dit Gosciny, avec cet article premier. Le Gouvernement annonce vouloir tout simplifier, mais c'est faux. Pourquoi ajouter ici une nouvelle structure à celles, déjà nombreuses, qui existent ? Quelle utilité lui réservez-vous ? C'est un outil politique qui vous permettra de préparer une nouvelle réforme pour 2020. La rédaction retenue par notre commission démontre l'inutilité de ce comité, qui n'a pas de légitimité. Il serait votre alibi pour ne pas assumer vos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Bernard Cazeau. - L'allongement de la durée de vie devient le prétexte à une régression de la qualité de vie des Français. Votre texte, qui ne corrige aucune inégalité, manque d'ambition et ne fait qu'effleurer les grandes questions. Pas de réflexion globale sur le système par répartition. Vous proposez une solution uniforme et donc injuste. La pression bureaucratique l'emporte sur le politique. Quelles seront les fonctions du ministre, du COR, des conseils de surveillance des caisses de retraite ? Nous n'en savons rien. Il faut dire que leurs conclusions dérangeaient. Nous ne voterons pas cet article. (Applaudissements à gauche)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Le comité de pilotage a un rôle crucial : il veillera au respect des objectifs de la réforme. La question de sa composition est importante. Les exemples étrangers nous éclairent et les représentants des Français de l'étranger sont particulièrement bien placés pour faire des propositions au Sénat en ce qui concerne les retraites servies à nos compatriotes expatriés. La situation des femmes d'expatriés est précaire : la Délégation aux droits des femmes s'est penchée sur leur cas. Leurs carrières fragmentées ont des conséquences non négligeables sur leurs retraites. Nous devons donner aux expatriés les moyens de partir sans déchirer leur couple. La réforme des retraites peut y contribuer. (Applaudissements à droite)
Mme Odette Terrade. - Difficile de revenir à cet article après le passage en force des articles 5 et 6. L'article premier est une vaste mascarade, alors que la colère de la rue monte. Alors que la solidarité doit être sauvegardée, et les acquis sociaux confortés, cette réforme va à l'encontre de tous les progrès réalisés depuis un siècle, depuis la loi de 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes, la loi de 1930 sur les assurances sociales et l'oeuvre du CNR qui avait prévu un système de protection sociale globale, géré par les intéressés.
Les jeunes, notamment les filles, sont inquiètes pour leur avenir. Cette réforme est une occasion perdue de redonner confiance à nos concitoyens. Mais vous ne comprenez qu'un langage : celui des agences de notation. Dès 2018, vous voulez revenir sur les mesures d'âge. Faudra-t-il encore les reculer ? Le comité de pilotage cache le nouveau mauvais coup que vous préparez contre les Français. Vous méprisez la solidarité sociale et vous voulez que nos concitoyens payent toujours plus. Nous ne pouvons l'accepter. (Applaudissements à gauche)
Mme Annie David. - A quoi va servir cette nouvelle structure technocratique alors qu'il en existe déjà tant ? Ce comité de pilotage va-t-il contraindre le Gouvernement à prendre de nouvelles mesures pour parvenir à l'équilibre ? Quelle vision étroitement comptable !
Le déficit de l'assurance vieillesse est dû à la distribution de revenus aux retraités. Méditez ce terme : revenu ! Car il s'agit bien d'un revenu que perçoivent les retraités.
Rien ne peut remplacer la gestion démocratique de notre système de retraite par répartition. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Robert Navarro. - Vous voulez priver, une fois de plus, le Parlement de ses prérogatives où vous ne cessez de recourir à l'urgence.
En appelant en priorité les articles 5 et 6, vous avez fait preuve de mépris à l'égard du Sénat. Et pour quel résultat ? Il semblerait qu'il y ait 4 à 5 millions de manifestants !
Le Gouvernement et le Parlement sont déjà en charge des missions confiées à ce pseudo comité. Je suis favorable au contrôle législatif du système des retraites. Ce nouvel organisme, dans le brouillard qui l'entoure, va donner une apparence d'objectivité à des mesures idéologiques.
Je m'opposerai donc à cet article. (Applaudissements à gauche)
Mme Bariza Khiari. - Le comité de pilotage aura plusieurs fonctions déjà exercées par le COR. En outre, veiller à l'équité et à l'équilibre est du ressort du Parlement. Il faut donc supprimer cette structure. Au Gouvernement de prendre ses responsabilités et de défendre ses choix devant la représentation nationale. Au lieu de créer un énième comité Théodule, respectez donc le Parlement ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Didier Guillaume. - A quoi bon ce nouveau comité ? Notre pays dispose de nombreux organismes dont le COR. C'est au Gouvernement et au Parlement de prendre les décisions nécessaires, pas à un quelconque comité Théodule ! Vous vous êtes abrités derrière un rapport alarmiste du COR (M. le secrétaire d'État s'exclame) pour présenter ce projet de loi. Cela n'impliquait pas de faire passer l'effort sur les plus faibles.
Vous dérivez vers l'iceberg et votre gouvernail ne répond pas. Créer un comité de pilotage, c'est avouer que personne n'est à la barre ! Vous oubliez que si vous n'aviez pas asséché le FRR, nous n'en serions pas là aujourd'hui.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. - N'importe quoi !
M. Didier Guillaume. - Les jeunes sauront vous le rappeler. Ce n'est pas d'un comité de pilotage dont la France a besoin mais d'un pilote habile. Il faut rassembler toutes les générations en sauvegardant le régime par répartition. Renoncez à votre projet et reprenons le dialogue à la base. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Bel. - Hier, au terme d'une discussion riche sur l'article 6, M. le ministre a repris l'intégralité de notre projet pour le tourner en dérision. Je veux lui répondre. Nous voulons mettre à contribution les revenus du capital, je le confirme. Nous assumons la taxation sur l'intéressement et la participation. Est-il surprenant de vouloir taxer les banques ? Elles ont été sauvées par les contribuables et il serait indécent de leur demander un effort ? Ce n'est pas sérieux ! Nous voulons supprimer la niche Copé. Le bouclier fiscal devait faire cesser l'évasion fiscale -il n'en a rien été. Avec notre projet, 19 milliards seraient mobilisés pour les retraites. Mais nous ne partageons pas la même philosophie et vous ne voulez pas mettre à contribution vos amis du Fouquet's ni les grandes fortunes.
La hausse de l'emploi des seniors rapporterait 6 milliards. Le ministre s'est moqué de ce chiffre hier. Mais l'augmentation du taux de l'emploi permet de faire rentrer des recettes. Vous n'avez pas une approche globale. Dès 2011, il vous manquera 25 milliards ! La réforme Fillon était complètement financée, nous avait-on dit à l'époque. On voit aujourd'hui ce qu'il en est ! La présidente de la CNAV elle-même l'a signalé.
Messieurs les ministres, moins d'arrogance quand vous parlez de notre projet et plus de modestie quand vous parlez du vôtre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
M. Guy Fischer. - Le comité de pilotage aura surtout pour but de proposer des mesures financières et de suivi. Il viserait à sauver notre système par répartition ? Admettons. A l'évidence, il faut simplifier et ce comité permettra d'alerter si les comptes dérapent. Son défaut majeur est d'envisager la question sous le seul angle comptable. En outre, le COR réalise déjà de nombreuses études qui éclairent le Gouvernement et le Parlement.
Et puis, quelle est la légitimité des personnalités nommées, aussi prestigieuses soient-elles ? (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. le président. - Amendement identique n°64, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.
M. Yves Daudigny. - Même si le rôle de ce comité a été modifié par notre commission, pourquoi le créer ? Faut-il vraiment qu'il décide à notre place ? Et que faites-vous du COR ? Voyez quels sont ses rôles, ses missions ! Le comité est vraiment inutile. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. le président. - Amendement identique n°251, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le COR remplit déjà toutes les fonctions que vous confiez au comité de pilotage. Pourquoi superposer des structures, faire grossir, une fois de plus, le mille-feuille, au risque de le rendre indigeste ? Si nos concitoyens sont dans la rue par millions, c'est qu'ils en ont assez d'être pris pour des irresponsables. Les irresponsables, c'est vous ! (Exclamations à droite)
M. le président. - Amendement identique n°319 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
M. Yvon Collin. - Avec ce comité, le Gouvernement se décharge de ses compétences. Ce n'est pas acceptable.
M. le président. - Amendement identique n°635 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf et Darniche.
M. Philippe Dominati. - Nous avons besoin d'être convaincus, monsieur le ministre. Le système n'a pas bien fonctionné, s'il faut créer un nouvel organisme. Le COR n'a-t-il pas démérité ? Ce nouveau comité ne peut satisfaire les libéraux que nous sommes, d'autant qu'il ne supprime pas les structures antérieures.
Ces interrogations sont partagées par plusieurs membres de la commission.
présidence de M. Roger Romani,vice-président
M. Dominique Leclerc, rapporteur - Le pilotage du système par répartition, fruit de notre histoire économique et sociale, est trop morcelé. Nous avons besoin d'une approche transversale, pour assurer la pérennité du système, l'équité et le niveau des pensions. Le comité de pilotage répond à l'attente de tous les acteurs. Il n'est pas question de déposséder le Parlement de ses pouvoirs.
Le COR a rempli ses objectifs : il s'agit d'un comité technique de réflexion et de concertation. Il doit donc poursuivre ses travaux. Le comité de pilotage sera dédié au suivi des régimes de retraite. La commission a souhaité renforcer ses missions en lui confiant un rôle d'alerte. Nous ne pouvons être que défavorables à ces amendements.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. - Le Parlement est-il dépossédé ? (« Oui ! » à gauche) Non. La fixation de l'âge relève désormais de la loi, non plus du règlement : nous rendons le pouvoir au Parlement.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Sophisme !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. - Vous vous interrogez sur la nécessité de disposer de deux organismes. C'est qu'ils ont deux fonctions différentes. Le COR, dont la composition est plurielle, a bien rempli ses missions : ne vous en déplaise, son rapport n'est pas alarmiste. Il a mis en lumière la réalité des déficits et nous continuons à avoir besoin de son expertise
Mme David nous reproche d'avoir des objectifs comptables. Mais cela n'a rien de choquant. Il faut que les recettes et les dépenses soient ajustées. Sinon, il arrivera un jour où nous ne pourrons plus payer !
Nous sommes dans un dispositif par répartition. Monsieur Bel, si les recettes ne sont plus assises sur les salaires, on change de système.
Le parti socialiste le sait : les recettes s'effondrent lors des périodes difficiles. Le niveau de vie des retraités, la solidarité intergénérationnelle ne sont pas des préoccupations purement comptables ! Le COR conseille, le Copilor suggère, le Parlement décide. C'est pourquoi nous demandons le rejet de ces amendements.
M. Alain Anziani. - Si le comité ne vivra que jusqu'en 2018, c'est que votre réforme est à courte vue. Nous, nous proposons un financement pérenne. Le comité de pilotage sera un lieu de concertation. Si celle-ci doit être aussi médiocre qu'avec les syndicats, ce n'est pas la peine !
Enfin, c'est au Parlement d'assurer le suivi de la loi ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Mirassou. - Quel paradoxe ! Cette réforme serait la grande affaire du quinquennat et vous créez une usine à gaz où certains conseillent, d'autres suggèrent et les derniers décident... Vous n'avez pas le droit de retirer au Parlement ses prérogatives ; c'est à lui de vérifier l'application de la loi. Retirez cet article, qui ne sert à rien sinon à vous défausser de vos responsabilités. Si un comité est nécessaire pour sauver la retraite par répartition, c'est un comité de salut public! (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Demontès. - Ce comité n'est pas encore voté mais a déjà son sigle : le Copilor !
Instrument financier au service d'une réforme purement comptable, il fait doublon avec le COR. En créant ce comité, vous reconnaissez implicitement que vous ne pilotez pas les retraites, que votre montage financier et juridique ne fonctionne pas ! Le Gouvernement a manifestement besoin d'un rendez-vous en 2018 -s'il est encore au pouvoir !- pour imposer aux Français de nouvelles mesures d'âge.
Votre réforme est financée essentiellement par les revenus du travail : elle ne tiendra pas la route, alors que notre financement est pérenne !
Enfin, ce comité, non élu, s'arroge une prérogative du Parlement, dont vous êtes loin de renforcer les pouvoirs !
Nous voterons contre. (Applaudissements à gauche)
M. Martial Bourquin. - Ce comité se substitue au pouvoir politique et aux représentants des assurés. Nommé par décret, il risque de devenir rapidement un comité de verrouillage.
A l'heure où il y a peut-être 6 millions de personnes dans la rue... (on le conteste à droite)
M. Éric Doligé. - Mais non ! Arrêtez votre cinéma !
M. Martial Bourquin. - ...vous persistez à vouloir imposer une réforme que refuse la majorité des Français. C'est de l'autisme, c'est le mépris du peuple ! (Protestations à droite)
M. Charles Revet. - Vous déformez les choses !
M. Martial Bourquin. - Nous ne voulons pas la même réforme que la vôtre !
M. Charles Revet. - Vous n'avez pas de projet.
M. Martial Bourquin. - Nous voulons nous en prendre à la financiarisation de l'économie, mettre fin au chômage de masse dont vous vous arrangez ! (Nouvelles exclamations à droite)
M. Christian Cointat. - Ce sont des mots !
M. Martial Bourquin. - Comment peut-on faire travailler deux ans de plus quand d'autres bénéficient du bouclier fiscal ! Cinq à 6 millions de personnes manifestent. (Exclamations à droite) La grande majorité du peuple...
Voix à droite - ... travaille !
M. Martial Bourquin. - Monsieur le président, faites-les taire !
M. le président. - Vous avez beaucoup de talent pour provoquer les exclamations ! (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)
M. Martial Bourquin. - Soit vous présidez, monsieur le président, soit vous prenez partie !
Si l'on modifiait votre régime de retraite de la sorte, jamais vous ne l'accepteriez !
M. Éric Doligé. - Démago !
M. Martial Bourquin. - Nous, nous sommes pour la solidarité, vous, vous êtes au service des forces de l'argent ! (Exclamations prolongées à droite ; applaudissements à gauche)
M. Éric Doligé. - Scandaleux !