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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mise au point au sujet d'un vote

Question prioritaire de constitutionnalité

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

Retrait d'une question orale

Démocratie sociale (Procédure accélérée)

Discussion générale

Questions cribles thématiques (La justice, le point sur les réformes)

Mise au point au sujet de votes

Démocratie sociale (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

Discussion des articles

Article premier

Article 4

Article 5

Article 6

Article additionnel

Article 7

Article 8

Interventions sur l'ensemble




SÉANCE

du mardi 8 juin 2010

111e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. Bernard Saugey.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Jacqueline Gourault.  - Je souhaite faire une mise au point sur le vote concernant la deuxième délibération sur le Défenseur des droits des enfants.

MM. Badré, Deneux Jégou, Vanlerenberghe et moi-même avions voté contre la deuxième délibération. Bien sûr, les absents ont toujours tort...

Le Gouvernement ne nous a pas habitués, sauf en loi de finances, à une deuxième délibération et, comme je l'ai dit le 7 décembre dernier où l'on m'avait fait voter contre un amendement de mon groupe sur le bouclier fiscal, je réclame une nouvelle fois qu'on revoie les modalités du scrutin public, qui permet au représentant d'un groupe de voter pour tout le groupe. Je n'incrimine personne, mais il serait plus clair de limiter la délégation de vote à une seule personne.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette précision.

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président.  - M. le Président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat le 3 juin 2010 qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité. Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir désigner un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale pour l'éducation, la science et la culture. J'invite la commission de la culture à présenter une candidature. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Retrait d'une question orale

M. le président.  - La question orale n°881 de M. Jacques Blanc est retirée du rôle et de l'ordre du jour de la séance du mardi 15 juin 2010, à la demande de son auteur. La question n°951 du même auteur pourrait être inscrite à la séance du mardi 15 juin 2010.

Démocratie sociale (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi du 20 août 2008.

Discussion générale

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Ce texte est la continuité politique du Gouvernement pour renforcer la place de la négociation collective dans l'élaboration des normes sociales. Les règles discutées par les acteurs eux-mêmes sont plus durables car elles reposent sur une large adhésion.

Après la loi de 2008, à tous les niveaux, aucun accord ne pourra s'appliquer s'il n'a pas de légitimité électorale et s'il ne repose pas sur l'adhésion réelle des salariés. Nous allons plus loin aujourd'hui, sans créer de contraintes nouvelles pour les entreprises et en faisant confiance à la négociation collective.

La loi de 2008 a substitué la notion d'audience à la présomption irréfragable de représentativité, sauf dans les entreprises de moins de onze salariés, non soumises à obligation d'organiser des élections professionnelles. Les partenaires sociaux signataires de l'accord d'avril 2008 avaient prévu des modalités spécifiques aux TPE en y associant les salariés concernés. La loi de 2008 avait prévu l'intervention d'une loi qui devait être précédée par un accord. Celui-ci n'a pas été possible, mais quatre syndicats et l'UPA ont adressé au Gouvernement une lettre qui a constitué une base de travail.

Les TPE emploient 4 millions de salariés ; comment concevoir que certains salariés ne participent pas à la mesure de la représentativité des syndicats ? Ce serait comme si les habitants de villes de moins de 5 000 habitants ne participaient pas aux élections nationales.

Le Conseil d'État a jugé inconcevable d'avoir deux catégories de salariés.

Pour préserver la réforme de la représentativité, il faut adopter dès maintenant une loi pour organiser une consultation électorale d'ici 2013.

La réforme que je vous présente organise la mesure de l'audience des syndicats, que l'État organisera tous les quatre ans à partir de l'automne 2012 auprès des 4 millions de salariés des TPE. Le texte retient le vote électronique et le vote par correspondance ; ces modalités ne seront pas une charge pour l'entreprise. Le Gouvernement a retenu un vote sur sigle plutôt que pour des candidats.

Votre commission a souhaité que le Haut conseil pour le dialogue social soit informé des modalités de vote : c'est une bonne chose.

Le secteur agricole, via les chambres d'agriculture, autorise déjà la mesure de la représentativité syndicale : nous conservons cette disposition.

Les signataires de la lettre du 20 janvier dernier demandent la mise en place de commissions paritaires régionales. Elles existent déjà depuis 2004 pour de nombreuses entreprises et dans l'artisanat depuis 2001 ; elles sont toujours mises en place par la négociation collective.

Ces commissions ont pour seule attribution de suivre l'application des accords collectifs ; elles n'ont pas le pouvoir de négocier ni de contrôler les entreprises : il n'y a pas à s'en inquiéter.

Ce texte reporte de deux ans au plus les élections prud'homales, ce qui évitera de disposer de résultats différents pour une même organisation. Ce délai sera aussi utile à la réflexion, sur la base du rapport de M. Richard sur l'avenir élections prud'homales, que j'ai reçu le 25 mai.

Comme la démocratie politique, la démocratie sociale a besoin d'élections, c'est la condition pour que les acteurs participent à l'élaboration des règles qui les concernent. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Ce texte prolonge les réformes poursuivies depuis 2002 pour rénover la démocratie sociale ; en 2007, la loi Larcher a rendu obligatoire la consultation des partenaires sociaux avant tout projet de loi modifiant le droit du travail ; en 2008, une réforme historique a modifié les critères de la représentativité syndicale, fondée désormais sur l'audience. Un syndicat devait désormais obtenir 8 % des voix pour être représentatif à l'échelon national. Le sort des TPE n'était pas réglé, et les négociations menées à l'automne 2009 n'ont pas abouti ; cependant, le 20 janvier 2010, quatre syndicats et l'UPA ont proposé, dans une lettre commune au Premier ministre, l'élection de commissions paritaires territoriales par les salariés des TPE ; ce scrutin permettrait d'apprécier l'audience des organisations syndicales.

Ce texte s'inspire de ces propositions. Il propose une élection sur sigle tous les quatre ans et la création, par voie d'accord collectif, de commissions paritaires chargées d'aider les salariés à faire vivre le dialogue social.

Ce texte occasionnera très peu de contraintes supplémentaires pour les TPE. Cependant, pour rassurer certaines organisations d'employeurs, nous proposerons que ces commissions n'aient aucun pouvoir de contrôle et que leurs membres ne puissent pénétrer dans une entreprise sans autorisation.

Notre débat sera l'occasion de lever les inquiétudes infondées qui subsistent. Je ne veux pas ajouter des contraintes aux TPE, qui créent les emplois de demain et subissent déjà trop de lourdeurs administratives.

La constitutionnalité de la réforme de 2008 serait menacée si l'avis des 4 millions de salariés des TPE n'était pas pris en compte dans la représentativité syndicale. De plus, quatre organisations syndicales soutiennent ce texte.

Le report de deux ans des prud'homales sera utile à la réforme nécessaire de ces élections, qui ne recueillent plus que 25 % de participation, pour un coût de 90 millions d'euros. Toute réforme devra être précédée d'une discussion approfondie avec les partenaires sociaux.

Ce texte parachève la réforme de la représentativité syndicale et prépare la réforme du scrutin prud'homal. Il constitue dans les deux cas un progrès : je vous invite à le voter. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Annie David.  - (Applaudissements à gauche) Le patronat, notamment celui du CAC 40, n'est pas mûr pour le dialogue social. On nous parle de politisation des enjeux, d'un archaïsme français qui serait le fait des syndicats, à l'opposé des modèles allemand et scandinave, où le compromis l'emporterait. A qui la faute ? Aux salariés ou bien aux employeurs ? A lire ce texte, on voit qu'en France, le patronat est des plus rétrogrades.

Le Medef et la CGPME renient leurs propres engagements, relayés par la majorité sénatoriale. Refuser les commissions paritaires territoriales, c'est méconnaître la loi de 2008 et l'avis du Conseil d'État et, plus encore, refuser aux salariés la mesure de la représentativité syndicale.

La loi de 2008 s'applique aux entreprises de plus de onze salariés, quand les TPE représentent 20 % des salariés, privés de toute représentativité syndicale. La clause de revoyure prévoyait un accord avant le 30 juin 2009 ; il n'a pas eu lieu.

En janvier 2010, quatre syndicats et l'UPA, mécontents de l'attitude irresponsable du Medef et de la CGPME, ont rédigé une lettre commune pour suggérer l'idée de commissions paritaires territoriales. Le Conseil d'État, de son côté, a rappelé l'obligation de prendre en compte la voix des salariés des TPE.

A la hâte, le Gouvernement a préparé ce texte. Je regrette que l'élection se fasse sur sigle, ce qui n'incitera pas à la participation. C'est comme si l'on demandait aux citoyens de voter pour des partis plutôt que pour des candidats.

Le Medef et la CGPME ont annoncé qu'elles feraient tout pour empêcher que ces commissions paritaires ne voient le jour.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Scandaleux !

Mme Annie David.  - L'Assemblée nationale prépare déjà l'enterrement de ce texte. Le Medef et la CGPME veulent bien mesurer l'audience, mais pour mieux se défaire du vote des conseillers prud'homaux par les salariés. Or, des salariés sont très isolés face à leur direction, surtout dans les TPE, de même que des employeurs se trouvent dans l'illégalité tout simplement à cause de leur méconnaissance du droit du travail : c'est tout l'intérêt des commissions paritaires.

Le patronat méprise le dialogue social et recule sur ses propres engagements. Le Gouvernement continue son monologue, engage une fausse concertation, comme pour les retraites, et la majorité complète le travail, toujours dans le sens des intérêts bien compris des employeurs, avec les salariés comme éternels perdants.

Le groupe CRC ne partage pas votre vision archaïque du dialogue social. Il proposera de rendre obligatoires les commissions paritaires, de voter sur une liste de noms plutôt que sur sigle ; il demandera également que les conseillers élus soient issus des TPE.

Le report des élections prudhommales ne sert qu'à faire disparaître le vote direct par les salariés ; une telle réforme, que nous voyons venir, exclurait les salariés des TPE de toute démocratie sociale.

Décidemment, le patronat français, notamment celui du CAC 40, n'est pas prêt au dialogue social. En l'état actuel de ce texte, le groupe CRC n'est pas convaincu du bien fondé de son adoption. (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas About.  - On aurait pu s'attendre à ce que ce projet de loi fasse consensus, parce qu'il complète un texte qui a modernisé notre démocratie sociale. La loi de 2008 a démocratisé le jeu, mais elle resterait cosmétique si elle ne prenait pas en compte les 4 millions de salariés de TPE.

Ce texte y remédie en organisant la mesure de l'audience dans les TPE et en prévoyant la mise en place de commissions paritaires.

Ce texte est critiqué à la fois sur le plan politique et sur le plan syndical ; le groupe de l'Union centriste ne souscrit pas à la critique politique mais il est sensible à la critique syndicale.

Politiquement, la critique vise l'élection sur sigle, ce qui éloignerait les conseillers issus des TPE. Cette critique est juste en théorie mais elle témoigne d'une méfiance envers la démocratie sociale. Or, ce n'est pas notre rôle de tenir les négociateurs par la main. Comment croire que les centrales syndicales sous-représentent les salariés issus des TPE ? Nous nous y refusons.

En revanche, la critique syndicale est plus fondée. La loi de 2008 prévoyait une négociation interprofessionnelle ; cette négociation n'ayant pas abouti, nous devons suppléer la carence des partenaires sociaux. En fait, le sujet de discorde concerne la mise en place de commissions paritaires territoriales, refusées par le Medef et la CGPME. Certains membres de l'UC craignent que ces commissions ne créent de nouvelles contraintes pour des TPE déjà pressurées par le carcan administrativo-fiscal ; ces craintes sont infondées dès lors que ces commissions n'auront aucun pouvoir de négociation. A quoi serviront ces commissions ? Les plus sceptiques de notre groupe répondent : à rien.

La loi de 2008 a donné une base légale à la contribution destinée à développer le dialogue social dans l'artisanat ; faut-il voir dans la mise en place des commissions paritaires une justification à l'existence de cette contribution ? Implacable logique budgétaire de l'absurde...

A titre personnel, je crois plutôt qu'elles serviront au dialogue social dans les TPE : elles diffuseront l'information, leur expertise désamorcera les conflits. N'oublions pas que les TPE sont impliquées dans la grande majorité des affaires prud'homales. Lorsque la machine est grippée, il faut lui injecter de l'huile !

Si je crois à l'utilité des CPR, je m'interroge sur celle de l'article 6, qui rend ces commissions facultatives, ce qui est déjà le cas. Faut-il les rendre obligatoires, comme on le souhaite à gauche de cet hémicycle ? Nous ne le pensons pas car nous préférons accompagner la démocratie sociale.

Dès lors, il ne nous reste plus qu'à considérer l'article 6 comme une validation politique, la reconnaissance d'une démarche : c'est pourquoi la majorité des membres de mon groupe le votera, ainsi que l'ensemble du texte, certaine de son innocuité. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Raymonde Le Texier.  - Le principe d'égalité de traitement oblige à mesurer l'audience dans les TPE ; le Gouvernement n'a pas le choix : si la représentativité dans les TPE n'est pas mise en place, la loi de 2008 sera inconstitutionnelle. Les organisations syndicales et patronales, dans une position commune, en avril 2008, ont accepté « d'élargir le plus possible le nombre de salariés bénéficiant d'une représentation collective ». Or, la CGPME et le Medef, faisant peu de cas des 4 millions de salariés des TPE, ont fait échouer les négociations.

Ce texte, qui se fonde sur la lettre commune de quatre organisations syndicales et de l'UPA, présente deux mesures phares : l'organisation d'élections sur sigle et la possibilité de créer des commissions paritaires facultatives. L'ire du Medef et de la CGPME semble disproportionnée : les salariés des TPE ne voteront pas pour des représentants mais pour des sigles, des logos, et les personnes désignées n'auront pas d'accès à l'entreprise sans autorisation du chef d'entreprise. Le patronat, cependant, peut-être angoissé par un fantasme de révolution prolétarienne...

M. Guy Fischer.  - Qui sait ? Nous n'avons pas encore baissé les bras !

Mme Raymonde Le Texier.  - ...estime que c'est encore trop.

Ces commissions paritaires seront facultatives et conditionnées à l'accord de branches : elles ne seront pas légion. Très large, elles connaîtront peu le terrain.

Les patrons de TPE, qui sont-ils ? Ils ne consultent pas le CAC 40, ils ne sont pas des professionnels de l'optimisation financière, ils ne licencient pas à tour de bras : ils attendent plutôt des conseils, pour un meilleur dialogue social. Car dans les TPE, le dialogue social ne va pas de soi : le paternalisme a ses limites.

Il n'est pas certain que les commissions paritaires survivent. MM. Copé et Bertrand jugent qu'il faut aller encore plus loin dans la « simplification indispensable », par quoi il faut entendre la disparition pure et simple des commissions paritaires. Et c'est le ministre du travail de 2008 qui le dit ! M. Bertrand n'en est plus à retourner sa veste, comme l'opportuniste de Jacques Dutronc : sa garde-robe entière y passe ! (Rires à gauche)

Le message est clair, messieurs de la majorité : vos collègues de l'Assemblée nationale sont prêts à vider de son sens ce texte. A trois semaines du congrès du Medef, la seule catégorie professionnelle qui renâcle à mesurer sa représentation syndicale, qui en reste au XIXe siècle, c'est le patronat. « Chaque chose en son temps », dit M. Woerth. Medef et CGPME voient le sablier retourné et s'inquiètent. D'où leur attitude actuelle. En matière de démocratie sociale, les patrons ont tout à apprendre des salariés !

Ce texte va dans le bon sens mais le pas est trop petit ; il en faut d'autres ; c'est le sens de nos amendements. Résistons collectivement aux pressions intolérables du Medef et de la CGPME ! (Protestations à droite, applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Plancade.  - La loi de 2008 n'avait pas oublié les 4 millions de salariés des TPE ; elle avait prévu un accord entre les partenaires sociaux pour régler ce problème. Faute d'un tel accord, nous voici saisis de cette loi. Il est affligeant de voir CGPME et Medef, qui ne cessent de donner des leçons, d'expliquer qu'il faut s'adapter au changement, refuser aujourd'hui, après l'avoir accepté hier, jusqu'au principe même de cette loi. Ces gens ont peur et la peur fait perdre des batailles.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Ils ont même dit que le Gouvernement voulait mettre les PME sous surveillance.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Ridicule !

M. Jean-Pierre Plancade.  - On voit bien l'absence de dialogue social dans les TPE qui, il est vrai, n'ont pas les moyens de le mettre en oeuvre. Il n'en est pas moins attristant de constater la peur sociale du patronat, sa régression intellectuelle.

Faut-il féliciter le Gouvernement de déposer ce projet de loi ? Oui, parce que vous avancez ...et non parce que vous n'avancez pas assez. Les règles ? C'est secondaire. En revanche, refuser de rendre obligatoires les commissions paritaires, auxquelles le patronat a déclaré la guerre, c'est ne rien faire. Il faudra bien que les patrons de ces 4 millions de salariés cessent de se situer au-dessus des lois et de la Constitution. Le dialogue social n'est pas une mode mais une exigence.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Tout à fait !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Lui seul permet de progresser ensemble, de favoriser le changement. La société tout entière refuse l'illusion d'une perpétuelle stabilité. Il n'y a rien de permanent -que le changement.

Le groupe du RDSE, qui ne voterait pas le texte en l'état, suivra cette discussion avec attention. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

Mme Catherine Procaccia.  - Je me réjouis de ce projet de loi qui permettra aux salariés des TPE de s'exprimer, dans la suite de la loi de 2008 qui avait mis en place les critères de la représentativité syndicale. Cette réforme permettra de faire reposer la validité des accords collectifs sur des signataires légitimes. Ne pas tenir compte de 20 % des salariés du privé serait un déni de démocratie ; le présent projet de loi est donc indispensable.

La négociation des partenaires sociaux n'ayant pas abouti, le Gouvernement a tenu compte des propositions formulées par quatre syndicats de salariés et par l'UPA. Il ne s'agit en aucun cas de créer des délégués du personnel dans les TPE ! Le mode de scrutin retenu facilitera la consultation sans alourdir les charges des TPE.

Je ne comprends pas les polémiques que le fameux article 6 a soulevées. Les commissions paritaires ne seront que facultatives ! On aurait pu préférer laisser les commissions actuelles continuer à jouer leur rôle ; ça n'a pas été le choix du Gouvernement. L'UMP soutiendra les deux amendements du rapporteur. Les commissions devront couvrir un champ géographique étendu ; elles n'auront pas de mission de contrôle et ne pourront envoyer, à leur propre initiative, de délégués à l'intérieur des entreprises. Le patronat n'a donc pas à s'inquiéter !

Le report des élections prud'homales ? Personnellement, je suis sceptique sur le lien de cette disposition avec ce projet de loi... Pourquoi ne pas attendre les conclusions du rapport Richard ?

L'équilibre trouvé par notre commission satisfait l'UMP. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Serge Dassault.  - Je représente ici les intérêts des TPE de l'Essonne. (Sourires à gauche) La CGPME de l'Essonne m'a chargé de vous demander pourquoi imposer un encadrement du dialogue social là où règnent des relations directes entre employeurs et salariés ? Les petites entreprises n'ont pas besoin d'intermédiaires entre le patron et ses salariés. Pour elles, il ne s'agit pas d'abord de faire du dialogue social mais d'avoir des commandes ! Ce projet de loi n'est donc dans l'intérêt ni des entreprises ni des salariés.

Moi, je vous demande de cesser d'imposer des délégués syndicaux dans les TPE, qui n'en ont nul besoin. Les relations directes et personnelles y règnent.

M. Jean-Louis Carrère.  - On peut aussi supprimer les syndicats !

M. Serge Dassault.  - Le dialogue social dans les TPE est quotidien et permanent.

M. Guy Fischer.  - C'est vite dit !

M. Serge Dassault.  - Ce projet de loi va inévitablement renforcer la présence syndicale...

Mme Raymonde Le Texier.  - Des bolcheviques !

M. Serge Dassault.  - La boîte de Pandore est déjà largement ouverte dans les PME.

M. Jean-Louis Carrère.  - Il n'y a plus beaucoup de pandores ! (Sourires) N'allons pas contre les intérêts des salariés et des entreprises. Je regrette ce que viennent de dire les orateurs précédents et cosigne l'amendement Dominati supprimant l'article 6.

La situation est déjà assez difficile comme cela pour les entreprises. Ne leur imposons pas de contraintes paralysantes et allons à l'essentiel ! Ce qui compte, c'est le travail, la compétitivité, pas les organisations syndicales ou les commissions paritaires. (Applaudissements sur certains bancs UMP)

Mme Patricia Schillinger.  - Les TPE représentent 93 % des entreprises françaises et n'ont aucune structure de dialogue social ! Le législateur doit donc intervenir, dans l'intérêt de ces 4 millions de salariés, répartis dans 690 branches.

Le préambule de 1946 précise que tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués à la vie de l'entreprise.

Le Conseil d'État a rappelé qu'il fallait s'y conformer. Il importe de rétablir une certaine égalité ; c'est en quoi ce projet de loi est une avancée. Mais il prévoit que les salariés voteront sur sigle et non pour des délégués. Veut-on que soient élus des représentants de grandes centrales, qui ne connaîtront rien des réalités concrètes de chaque entreprise ? Il est plus motivant de voter pour un candidat que l'on connaît, qui peut être un vrai porte-parole.

Nous regrettons le caractère facultatif des commissions paritaires, qui doivent apporter une aide aux salariés mais aussi aux entreprises mêmes. Que fait-on si ces commissions ne se créent pas ? Et si elles se créent, il faudra l'accord de l'employeur pour qu'elles remplissent leur mission...

Ce texte nous laisse très loin d'une démocratie sociale moderne, alors même que la crise économique et financière creuse la fracture sociale. La faiblesse du syndicalisme résulte de la mauvaise qualité des relations sociales ; on ne peut chercher à les améliorer en se calant seulement sur les positions patronales. On peut innover sans affaiblir les droits. (Applaudissement à gauche)

M. Claude Jeannerot.  - Le problème est majeur : il concerne 4 millions de salariés, encore privés d'institutions représentatives du personnel. Ce texte s'inscrit dans la continuité des lois Waldeck Rousseau du 21 mars 1884 et Auroux de 1982.

Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l'être aussi dans l'entreprise. Le droit du travail doit stimuler les initiatives individuelles et collectives, non les brider. Les lois Auroux devaient faire des salariés des « acteurs du changement » dans l'entreprise. Il faut sortir du cliché conservateur qui oppose le dynamisme de l'entreprise au dialogue avec les salariés. A notre sens, celui-ci est une composante de celui-là !

Le préambule de la Constitution reconnaît le droit de chacun de participer, par l'intermédiaire de ses délégués, à la gestion de l'entreprise.

Même si le caractère essaimé des TPE est une vraie difficulté, les modalités retenues par ce projet de loi ne permettent pas d'assurer une égalité réelle du droit entre les salariés.

Ceux des TPE n'auront pas de délégués nominativement choisis, ce qui fait problème en termes de représentativité.

Il n'était pas fatal d'aboutir à un texte aussi déséquilibré, dans lequel ne se retrouvent ni les patrons ni les salariés. En 2008, Medef et CGPME s'étaient engagés à chercher les moyens d'assurer une représentation collective de leur personnel. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas saisi cette occasion de donner aux salariés le droit de choisir nominativement leurs représentants, dans des commissions dont nul n'est plus sûr désormais qu'elles seront créées ? L'abstention sera considérable et l'on en déduira la désaffection des salariés à l'endroit des organisations syndicales !

L'article 6 est indispensable au regard des exigences constitutionnelles et internationales, mais il les satisfait a minima. Depuis l'origine, la CGPME voit dans ce dispositif « l'introduction de la bureaucratie et de la suspicion » ; des députés comme M. Copé veulent la rassurer sur ce point ! Il appartient au législateur de mettre en place un dispositif équilibré. Ce texte, qui n'a rien de révolutionnaire, de l'aveu même du Premier ministre, est vidé de ses maigres ambitions initiales. Il est pourtant possible de proposer un dispositif gagnant-gagnant pour les patrons et les salariés !

Les avancées sociales, qui servent les salariés, servent aussi la collectivité au travail, et donc les employeurs. Il est possible aujourd'hui d'organiser le socle de la démocratie sociale. (Applaudissements à gauche)

La séance, suspendue à 16 h 45, reprend à 17 heures.

Questions cribles thématiques (La justice, le point sur les réformes)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle des questions cribles thématiques sur « La justice, le point sur les réformes ».

M. Jean-Pierre Michel.  - Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, la moitié des tribunaux qui devaient être supprimés l'ont été l'an dernier ; les services ont été éparpillés et accueillis dans de très mauvaises conditions. La réforme devrait être achevée au 1er janvier 2011. Dans quelles conditions, l'accueil va-t-il se faire ? La Cour des comptes évalue à quatre ou cinq ans le délai qui sépare la décision de l'inauguration d'un nouveau tribunal... Des dispositions transitoires sont-elles prévues ? Pour quel coût ? Je ne vous demande pas aujourd'hui une réponse orale complète...

Votre budget pourra-t-il supporter le coût des programmes immobiliers ? Ne serait-il pas préférable de surseoir à une réforme qui a été très mal menée et nullement concertée ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - La réforme de la carte judiciaire modernise l'organisation territoriale de la justice. Il n'est pas de bonne politique de suspendre l'exécution de décisions prises, surtout quand le Conseil d'État a validé celles-ci. Je ne souhaite ni arrêter, ni reculer. J'ai demandé au secrétaire d'État de se déplacer sur chaque site, une centaine d'opérations très diverses sont programmées, 21 tribunaux de grande instance ont d'ores et déjà fermé. Nous avons bien avancé sur le plan social, des solutions ont été trouvées, conformes au souhait des personnels des tribunaux concernés.

Le coût global est estimé à 21 millions pour l'accompagnement social et à 386 millions en cinq ans pour l'immobilier. Je vous ferai parvenir les chiffres complets. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Pierre Michel.  - Merci. Dans mon département, deux TGI ont été supprimés et très mal accueillis ; les justiciables ne se déplacent plus. Le secrétaire d'État est certes venu en Haute-Saône, sans inviter d'ailleurs les parlementaires ; il s'est bien gardé d'interroger les magistrats et les avocats à Lure, où la situation est mauvaise ; à Vesoul, accueillir le TGI dans l'ancien hôpital coûterait particulièrement cher. Mais il est vrai qu'un des ministres du Gouvernement est maire de la ville...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La collégialité des juges d'instruction, instaurée en 2007, laisse criante la question des moyens. La suppression de tribunaux d'instance éloigne les justiciables de la justice, l'aide juridictionnelle est inadaptée, le budget de la justice est l'un des plus faibles d'Europe. Une « justice plus efficace et rapide » ? Oui, mais encore accessible, compréhensible, égale pour tous. La RGPP ne va-t-elle pas l'appauvrir davantage ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Depuis 2002, la justice, qui était abandonnée depuis un demi-siècle, a vu son budget augmenter, y compris dans le cadre de la RGPP : le nombre de magistrats et de fonctionnaires a augmenté.

La réforme de la carte judiciaire, la réforme de l'aide judiciaire, de la procédure pénale, le développement de la médiation et de la conciliation : autant de moyens pour rendre la justice en mesure de répondre aux demandes des justiciables comme aux évolutions de la société, de préserver l'unité sociale. Contrairement à nos prédécesseurs, y compris ceux que vous souteniez, nous agissons pour moderniser notre justice et notre système pénitentiaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Certes, la justice est délaissée depuis longtemps mais depuis 2002, nous sommes passés du 27ème au 29ème rang européen. La réforme des cours d'assises nous fait frémir : on dit qu'elles sont trop lentes mais on manque de juges et de greffiers, on voit mal comment la situation s'améliorera en supprimant les jurys populaires. A quand des partenariats public-privé pour payer les magistrats ?

M. Jean-René Lecerf.  - Je souhaite faire le point sur la mise en oeuvre de la loi pénitentiaire. Quid de l'obligation d'activité ? Elle prévoit le travail des détenus, contre aide en numéraire. Une réforme du code des marchés devait permettre de donner la préférence au travail carcéral : où en est-on ?

Quid du décret relatif aux règlements intérieurs, qui doit apporter des solutions, par exemple au cantinage et à la location des téléviseurs ? Quid des relations entre détenus et gardiens et du vouvoiement ? Le contrôleur général des lieux privatifs de liberté a dit devant la commission des lois son souci de la confidentialité de ses courriers avec les détenus : où en est-on ?

Nous avons voté un texte fondateur, il doit s'appliquer rapidement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Ma première responsabilité est de mettre en oeuvre la loi pénitentiaire. J'ai insisté pour que les détenus aient bien cinq heures d'activité journalière ; c'est un moyen d'insertion. J'inaugurerai prochainement un troisième centre d'appel à la prison des femmes de Versailles et j'ai signé une convention avec la fondation M6 pour des activités culturelles en prison. Cinq régions vont expérimenter la formation professionnelle des détenus. Quant au droit de préférence, Bercy m'a donné son accord pour modifier le code des marchés publics. Le décret relatif aux règlements intérieurs sera bientôt prêt.

Enfin, j'ai rappelé les consignes de confidentialité aux directeurs d'établissement.

M. Jean-René Lecerf.  - D'autres mesures auraient pu être évoquées. La loi pénitentiaire impose un changement de culture, de sorte que la prison ne soit plus une « humiliation pour la République ». Pour que les Français se réapproprient les prisons de la République, ils doivent savoir ce qui s'y passe. Je souhaite que l'administration pénitentiaire fasse preuve de davantage de transparence.

M. Jean-Michel Baylet.  - La loi pénitentiaire devait enfin permettre l'application des principes du respect de la dignité humaine dans les prisons et mettre fin à la surpopulation, à l'insalubrité et aux autres maux de la prison.

Nous nous sommes cependant aperçus que ni la situation des détenus ni celle des personnels pénitentiaires n'a changé -privation des droits, fouilles, mauvaises conditions d'enfermement- tandis que la politique sécuritaire du Gouvernement alimente les flux d'entrées. La situation a d'ailleurs été sévèrement critiquée en mai dernier par le comité des Nations unies contre la torture.

Mme le garde des sceaux, que répondez-vous à ces critiques ? Quand allez-vous passer des intentions aux actes ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Vous êtes trop expérimenté pour ne pas être conscient que dans votre propos, il y avait un peu de mauvaise foi : la loi pénitentiaire a sept mois, vous lui demandez tous ses fruits !

Depuis 2002, les constructions de prison n'ont jamais été aussi intenses : nous tenons le programme, le Président de la République y a même ajouté 5 000 places. J'ai appelé au réalisme, l'encellulement individuel est encore difficile. Jamais un gouvernement n'a autant fait. En 2015, il devrait y avoir globalement autant de places que de détenus.

Il est faux de dire que la politique du Gouvernement alimente les flux : le nombre de personnes en détention a baissé sensiblement.

Trois décrets vont être pris dans les jours qui viennent sur les droits, sur la déontologie, sur l'aménagement des peines : nous avançons sans relâche !

Nous avons inauguré la première unité hospitalière spécialement aménagée pour les détenus atteints de troubles psychiatriques lourds, une autre sera mise en service en juin 2011.

Quel gouvernement a fait autant que le nôtre ?

M. Jean-Michel Baylet.  - Vous êtes une politique assez expérimentée pour savoir que quand des parlementaires des deux côtés du Sénat vous interrogent, c'est qu'il y a un vrai problème !

La situation pénitentiaire actuelle n'est pas satisfaisante, c'est une des plus mauvaises d'Europe. Il faut faire davantage : notre impatience est légitime !

M. François Zocchetto.  - Au détour d'un amendement subreptice déposé à l'Assemblée nationale sur le texte réformant les chambres consulaires, il est envisagé que la profession d'expert comptable se dote d'un fonds de règlement. Il semble que le ministre de la justice n'ait pas été associé ; les commissions du Parlement n'en ont en tout cas pas débattu.

Le maniement de fonds pour compte d'autrui doit être strictement encadré ; seuls les notaires et les avocats y sont aujourd'hui autorisés. Il faut une déontologie, l'exercice de missions spécifiques comme la rédaction d'actes ou la résolution de conflits, et le cadre doit être celui du service public. Qu'en pensez-vous ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le texte sur les réseaux consulaires permet en effet aux experts comptables de manier des fonds pour autrui. Cependant, cette possibilité est limitée et très encadrée ; un décret en Conseil d'État précisera les modalités de fonctionnement du fonds de règlement. Aucune somme ne transitera par les comptes des professionnels.

L'objectif du dispositif est de placer les experts comptables français dans les mêmes conditions que leurs homologues européens, notamment anglo-saxons. La concurrence est très vive dans ce secteur.

M. François Zocchetto.  - La question est importante pour tous les usagers du droit, il faut garantir la sécurité des opérations, ce qui ne semble pas être encore le cas. Je souhaite le retrait de cette mesure afin qu'elle soit concertée et examinée par les commissions compétentes du Parlement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Annonce, contre-annonce, renvoi, report, recul : Mme la garde des sceaux -hier sur le juge d'instruction, aujourd'hui le jury populaire-, vos annonces, en se multipliant, ne nuisent-elles pas à la clarté de votre politique ? Le rapport Guinchard aura-t-il une suite ? Quant à l'adaptation de notre droit à la CPI, le Sénat a délibéré en juin 2008 : le texte sera-t-il inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ?

Le texte sur la procédure pénale, lui, est très critiqué, notamment par la Cour de cassation. Au lieu de multiplier les annonces, puis les reports, pourquoi ne pas s'attacher à quelques points concrets, la garde à vue, l'indépendance des parquets, la collégialité des juges d'instruction ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Cohérence, réforme d'ensemble, détermination, avancée : voilà la ligne du Gouvernement. Il faut supprimer le juge d'instruction, contraire aux principes européens de l'équité du jugement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et le parquet ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Si la réforme a été concertée très largement, les organisations syndicales et les associations, même celles qui avaient annoncé se retirer des discussions, ont présenté au total 500 propositions, dont l'examen sera achevé à la fin de la semaine prochaine. L'étude d'impact est faite, nous avons une idée assez précise des conséquences de la réforme.

Sur la suppression du jury populaire, j'ai lu des absurdités dans la presse. Il n'est pas question de supprimer les cours d'assises, ni les jurys populaires. Mais il y a un problème réel ; des milliers de crimes sont déclassifiés, jugés comme des délits à cause de la lourdeur des cours d'assises, le plus souvent dans les grandes villes : il faut trouver une solution ; le tribunal criminel n'est qu'une hypothèse parmi d'autres.

La réforme de la procédure pénale est globale et cohérente. Elle avance : le Gouvernement tient le cap !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vous vous justifiez par la cohérence et la détermination, tout en reportant les échéances et en reculant ! La question de la garde à vue doit être posée d'urgence, des milliers de personnes sont victimes de la violation de leurs droits. Nous avons déposé des textes, mais vous leur avez opposé une réforme globale de la procédure pénale -qui tend à devenir une Arlésienne ! Partout, la garde à vue est portée comme une honte pour notre République : nous n'allons pas rester bras ballants devant l'inertie du Gouvernement ! Pas plus que le monde judiciaire nous ne pouvons attendre ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le 3 février 2010, une adolescente est interpellée à son domicile en vêtement de nuit, menottée, transportée au commissariat pour un banal différend entre collégiens : si ces faits étaient exacts, ils confirmeraient la banalisation de la garde à vue, dont le nombre est passé de 300 000 en 1999 à 800 000 aujourd'hui.

En novembre 2009, le Premier ministre a déclaré que la garde à vue était un acte grave. Nous avons constitué un groupe de travail pluri partisan sur le sujet, des propositions de loi ont été déposées : la garde à vue pose des problèmes spécifiques, quelle que soit l'évolution de la réforme de la procédure pénale. Les dispositions la concernant ne peuvent-elles être examinées séparément et rapidement ? La dignité de la personne, les libertés publiques sont en jeu ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Oui, la garde à vue est trop importante ; notre droit doit être modernisé. Je me réjouis de l'impatience de Mme Boumediene-Thiery, qui réclamait naguère plus de temps pour la concertation ! (Rires à droite) Nous avons quinze jours de retard, c'est peu pour un texte de cette importance, il sera déposé à l'Assemblée nationale dès qu'il reviendra du Conseil d'État. Il compte 1 300 articles, la garde à vue n'en sera qu'une partie qu'on ne saurait détacher complètement sans perdre en cohérence. Mais nous pourrons regarder ensemble cet été comment identifier les 200 ou 300 articles qui pourraient former bloc.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Merci. Trois mois ne suffiront pas, mais les parquets peuvent rappeler aux force de l'ordre que la garde à vue ne saurait être banalisée : des progrès sont à faire ! S'ils sont actifs, le nombre de gardes à vue diminuera. (Applaudissements à droite et au centre)

La séance, suspendue à 17 h 45, reprend à 18 heures.

Mise au point au sujet de votes

M. Philippe Adnot.  - Lors du scrutin public sur l'ensemble du projet de loi organique relatif au défenseur des droits, les sénateurs non inscrits n'ont pas pris part au vote alors qu'ils souhaitaient voter pour, à l'exception de M. Türk qui souhaitait s'abstenir.

Toujours lors de l'examen du projet de loi organique relatif au défenseur des droits, M. Türk a voté contre l'amendement n°68 rectifié à l'article 4 et contre l'amendement n°69 rectifié à l'article 8, alors qu'il souhaitait s'abstenir.

M. le président.  - Votre mise au point sera publiée au Journal Officiel.

Démocratie sociale (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la démocratie sociale.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Ne faites pas dire à ce texte autre chose que ce qu'il dit. Son objectif n'était pas d'assurer une représentation des salariés dans les TPE : Il s'agit seulement d'assurer la représentation syndicale au niveau national ! M. Gournac l'a fort bien dit : on est dans la continuité de la loi de 2008. Il ne faut pas avoir peur de l'élection en matière sociale non plus.

Je ne désespère que de vous convaincre qu'il y a bien un lien avec les élections prud'homales : nous parlons bien de représentativité. Ces élections ont un coût supérieur par votant à celui de la présidentielle. M. Richard nous propose trois pistes : supprimer le vote à l'urne, désigner les juges sur la base de la représentativité mesurée selon les tests d'aujourd'hui, faire élire les juges par un corps restreint intermédiaire. Nous verrons ; nous en parlerons avec les partenaires sociaux et avec les parlementaires.

Non, madame David, il n'y a pas passage en force sur les élections prud'homales ; nous faisons en sorte de faire les choses tranquillement. Ce texte n'a pas d'ambition ? Si, exactement celle que nous voulons lui donner.

M. About a raison de souligner que les craintes sur le caractère intrusif des CPR sont infondées.

Je ne crois pas que le scrutin par sigle soit particulièrement créateur d'abstentions. Pour les CTP de la fonction publique, la participation électorale est importante et c'est un vote par sigle. Un vote sur des noms ? A l'échelle de la région, ceux-ci ne seraient pas connus ! Mme Le Texier s'en prend à M. Bertrand. Celui-ci ne s'est pas ému sur la représentativité des salariés de TPE.

Rendre obligatoire un dialogue social est une provocation pour certains ; le laisser facultatif est une provocation pour d'autres... Une soixantaine de commissions existent sur la base de la loi de 2004, monsieur Plancade.

M. Dassault s'en prend à un texte qui n'est pas celui que nous présentons ! Il ne faut pas tomber dans la « commissionnite aigüe ». Rendre obligatoire quelque chose que personne ne voudrait faire fonctionner n'aurait aucun sens. La loi rend possibles ces commissions. Je le dis à Mme Schillinger et à M. Jeannerot : ce texte est très équilibré. Nous ne voulons pas interférer dans le dialogue à l'intérieur des TPE et nous voulons faire progresser le dialogue social.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. François Zocchetto.  - J'ai entendu des formulations caricaturales. Nous ne sommes pas ici pour exprimer la position du Medef et de la CGPME ou celle de l'UPA. C'est sur la base de mon analyse personnelle que je suis hostile à ce projet de loi, qui ne correspond pas à une demande des salariés ni des entrepreneurs.

Le dialogue social dans une TPE ne passe pas par les canaux des délégués. Sans dialogue quotidien, celle-ci ne durera pas longtemps. Elle n'appartient pas à des actionnaires éloignés qui ignorent tout de la réalité concrète.

Ce texte satisfait des technostructures et crée des contraintes supplémentaires pour des entreprises qui n'en ont pas besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et à droite)

L'amendement n°11 n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault.

Supprimer cet article.

M. Philippe Dominati.  - Nous avons le sentiment que la lecture faite de la décision du Conseil constitutionnel n'est qu'un prétexte pour réglementer dans les TPE, lesquelles ne peuvent vivre que dans le dialogue quotidien. Quatre millions de salariés sont exclus ? Et ceux qui travaillent à domicile ? Et les saisonniers ? Il est faux de prétendre que le seuil est défini par le Conseil constitutionnel. Dans d'autres pays européens, un seuil de cinq salariés a été défini... Autant de questions que ce texte n'aborde pas.

Les entrepreneurs ne comprennent pas la nécessité de ce texte... mais je comprends que des raisons tactiques vous incitent à ressortir de la naphtaline la loi de 2008.

Je répète que le Conseil constitutionnel n'impose nullement un tel texte. (Exclamations à gauche)

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 2122-5 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Dans les branches dans lesquelles plus de la moitié des salariés sont employés dans des entreprises où, en raison de leur taille, ne sont pas organisées d'élections professionnelles permettant d'y mesurer l'audience des organisations syndicales, sont représentatives les organisations syndicales qui :

« 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;

« 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;

« 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, d'autre part, des suffrages exprimés aux élections concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. »

M. Philippe Dominati.  - Il est défendu.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Je suis très étonné ! M. Dominati voudrait que les salariés des petites entreprises ne puissent pas s'exprimer ! Il m'est impossible d'admettre une chose pareille.

Personne ne le demande ? C'est faux : le Conseil d'État a imposé ce texte sur les TPE sous peine d'inconstitutionnalité de la loi de 2008. Va-t-on remercier aimablement le Conseil d'État et ne rien faire ? Comment allez-vous dire à nos électeurs que les salariés des petites entreprises n'ont pas à s'exprimer ?

En août 2008, j'avais prévenu que nous devions absolument régler cette affaire. Tous les salariés doivent pouvoir s'exprimer. Aucun de ces deux amendements n'est acceptable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous n'avons pas une approche tactique pour faire plaisir aux syndicats. D'ailleurs, ils ont combattu les modalités retenues par le Gouvernement...

Il ne faut pas diaboliser la présence syndicale dans les entreprises. Le dialogue social ne doit pas aller contre l'intérêt commun des salariés et des entrepreneurs, certes, il peut y avoir des excès, mais il ne faut pas s'obnubiler là-dessus.

Une fois encore, je le répète : ce n'est pas là un engrenage préparant la présence des délégués syndicaux dans les TPE. Les salariés des TPE sont d'abord des salariés, avec des droits. Nous ne disons que cela, mais disons tout cela ! Pourquoi certains n'auraient-ils pas accès à la démocratie sociale ?

Défavorable à ces deux amendements.

M. Philippe Dominati.  - Vous ne me répondez pas sur le droit. Ne caricaturez pas non plus mon propos. J'ai seulement dit que vous oubliez beaucoup d'autres salariés : les salariés à domicile, les saisonniers, les salariés des professions libérales.

Les amendements nos15 rectifié et 16 rectifié sont retirés.

Mme Annie David.  - Quel dommage !

M. Éric Woerth, ministre.  - Le Conseil d'État dit bien que l'on ne peut exclure de la mesure de l'audience les salariés d'entreprises où il n'y a pas de délégués. Il est très clair.

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2 et 3.

Article 4

L'amendement n°17 rectifié devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Renforcement de la représentativité des salariés et mesure de l'audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés.

Mme Annie David.  - Le libellé de la nouvelle section du code du travail doit traduire le double objectif de la présente loi : renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les très petites entreprises et y mesurer l'audience des organisations syndicales. La nouvelle section 4 bis du code du travail devra contenir ces deux idées, qui sont indissociables.

Le dialogue social a besoin de représentativité des salariés, et pas seulement de mesure de l'audience des organisations syndicales.

Cette section aurait d'ailleurs plutôt dû être placée après la section 1 qu'après la section 4.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - La commission n'a pas examiné cet amendement, qui me paraît inopportun.

M. Éric Woerth, ministre.  - Le Gouvernement juge son titre très bon...

L'amendement n°25 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault.

I. - Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L.2122-10-1. - En vue de mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés sont pris en compte les résultats des élections visées aux articles L. 1441-29 à L. 1441-40 du code du travail dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

II. - Alinéas 6 à 17

Supprimer ces alinéas.

III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 1441-29 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les résultats de cette élection dans le collège des salariés déterminent la mesure de l'audience des organisations syndicales de salariés dans les entreprises de moins de onze salariés. »

M. Philippe Dominati.  - Cet amendement substitue au scrutin par sigles les résultats des élections aux élections prud'homales. Je suis circonspect sur les explications justifiant le scrutin par sigles.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 4, première phrase

Après les mots :

En vue de

insérer les mots :

renforcer la représentativité des salariés et de

Mme Annie David.  - Nous souhaitons faire apparaître clairement la représentativité des salariés, ce qui est un droit constitutionnellement reconnu, à l'alinéa 8 du préambule de 1946.

Ce texte ne prépare pas l'élection des délégués du personnel.

M. Philippe Dominati.  - Pour l'instant. Cela viendra...

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 10

Remplacer les mots :

se déclarent

par les mots :

déposent une liste de

M. Claude Jeannerot.  - Il ne me semble pas que les CTP de la fonction publique soient désignés sur les sigles. Il me semble qu'aucune élection n'est organisée sans que les électeurs sachent pour qui ils votent. Ce texte serait le premier à organiser des votes anonymes.

Prévoir des listes nominatives nous semble un bon moyen de favoriser le dialogue social, surtout si l'on fait en sorte que les élus soient eux-mêmes des salariés des TPE.

M. le président.  - Amendement identique n°12 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

M. Jean-Pierre Plancade.  - M. Jeannerot a été très clair.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 10

Remplacer les mots :

se déclarent candidats

par les mots :

déposent une liste de candidats issus de très petites entreprises

Mme Annie David. Les candidats doivent être eux-mêmes issus des TPE.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce temps est considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale.

Mme Annie David.  - La précision est nécessaire car tout silence dans un texte de loi peut donner lieu à interprétation.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Sur l'amendement n°18, j'ai une difficulté : combien y aurait-il d'urnes ? Une pour les salariés des grandes entreprises, une autre pour ceux des petites ?

L'amendement n°26 rectifié n'est pas plus heureux que le n°25 rectifié : c'est de la représentativité syndicale qu'il s'agit. L'amendement n°2 ne correspond pas à la logique du texte proposé ; non plus que le n°12 rectifié, identique, ou le n°28. La précision demandée par l'amendement n°29 n'est pas indispensable car elle se déduit de la logique du texte, mais elle me paraît utile : avis favorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Les élections prud'homales désignent des juges, et les salariés s'en désintéressent. Le Gouvernement irait plutôt dans le sens inverse de ce que propose l'amendement n°18 !

L'amendement n°26 rectifié est conforme à votre logique qui n'est pas la nôtre.

Les élections aux CTP ont lieu sur sigles ; ce sont les élections aux CAP qui ont lieu sur des listes de noms. J'ai déjà expliqué l'intérêt du vote par sigle.

Sagesse sur l'amendement n°29. (M. Guy Fischer s'en félicite)

Mme Raymonde Le Texier.  - L'amendement n°18 rectifié poserait un problème constitutionnel en créant une inégalité entre les salariés. En outre, rien ne prouve que le vote pour une personne désignée comme juge correspondrait à un vote par sigle.

L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°26 rectifié, les amendements identiques nos2 et 12 rectifié et l'amendement n°28.

L'amendement n°29 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Alinéa 5

1° Supprimer les mots :

au 31 décembre de l'année précédant le scrutin

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'effectif de l'entreprise est apprécié selon les règles fixées par l'article L. 2312-2 du code du travail relatif à l'élection des délégués du personnel.

II. -  En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... L'article L. 2312-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si cet effectif, calculé selon les modalités de l'alinéa précédent, n'est pas atteint, l'établissement est alors soumis aux dispositions des articles L. 2122-10-1 et suivant du code du travail, relatives aux élections des commissions paritaires. »

Mme Annie David.  - Cet amendement est difficile à expliquer et à comprendre... Il s'agit d'éviter une contradiction entre le mode de calcul de l'effectif des entreprises de moins de onze salariés pour le scrutin des commissions paritaires et le mode de calcul de l'effectif des entreprises contenu dans l'article L. 2312-2 du code du travail à propos de la mise en place des délégués du personnel dans les entreprises de onze salariés et plus. La rédaction actuelle de l'alinéa 5 de l'article 4 de ce projet de loi risque d'entrer en conflit avec la rédaction de l'actuel article L. 2312-2 du code de travail.

La cohabitation de ces deux modes de calcul risque de créer des situations où les deux textes s'appliqueront ou, au contraire, des cas où l'un et l'autre texte ne s'appliqueront pas. Une harmonisation des deux modes de calcul s'impose donc : ou bien on retient le nombre au 31 décembre, ou bien celui des trois dernières années. Le problème se pose aussi pour les intermittents du spectacle.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Nous en avons longuement débattu ce matin. Il faut arrêter les listes électorales quelques mois avant le vote. Cela ne change pas la question de l'élection des délégués du personnel. Ce sont deux choses différentes ; il n'y a donc pas contradiction.

M. Éric Woerth, ministre.  - Il serait très compliqué de retenir un nombre moyen. La simplicité doit prévaloir, donc une photographie de la situation à un moment donné. Défavorable.

Mme Annie David.  - Faire la moyenne sur trois ans est trop compliqué ? Mais c'est ce que prévoit aujourd'hui le code du travail pour les délégués du personnel. M. Gournac dit en substance que les deux s'appliquent ; ce qui serait un moindre mal. Mais si ce n'est aucun des deux, comment fera-t-on ? L'entreprise risque d'être à la fois plus de onze et moins de onze.

Le 31 décembre, les intermittents du spectacle ne sont pas sous contrat : comment prendre en compte cette spécificité ? M. Dominati s'en inquiétait, c'est l'occasion de lui donner satisfaction...

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

Article 5

L'amendement n°15 rectifié est retiré.

L'article 5 est adopté.

Article 6

Mme Raymonde Le Texier.  - Cet article vise les CAP. Dans un quotidien du soir, le député Louis Giscard d'Estaing affirmait que la représentation syndicale est un marqueur politique : oui, mais pas au sens où il l'entend ; c'est un marqueur politique de la démocratie sociale et du droit. Il ajoutait que la majorité n'est pas favorable à cette extension aux TPE : la majorité serait donc défavorable à la liberté syndicale, c'est-à-dire à un droit fondamental ? Il faut raison garder : la démocratie sociale n'est pas une élucubration gratuite mais un progrès du droit.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié quater, présenté par MM. Houel et Gilles, Mme Mélot, M. Houpert, Mme Descamps, MM. Billard, P. Blanc, Alduy, Chatillon, Bernard-Reymond, Paul et J.C. Gaudin, Mme Henneron, M. Cambon, Mme Bruguière, MM. Bordier, Bécot, Doublet, Laurent et P. Dominati, Mme B. Dupont et MM. Revet, J. Blanc, Milon, Dallier, Juilhard, Lefèvre, Dassault, Vasselle et Mayet.

Supprimer cet article.

M. Michel Houel.  - Je suis favorable à la démocratie sociale, mais l'article 6 sous-entend que le dialogue social dans les TPE serait insuffisant, voire inexistant. Des propos m'ont marqué dans notre débat. (Exclamations à gauche)

M. Gérard Longuet.  - Et peut-être même blessé !

M. Michel Houel.  - Traiter les patrons comme des moins que rien (vives protestations à gauche), des attardés, des ringards, c'est trop !

Mme Patricia Schillinger.  - Nous n'avons rien dit de tel !

Mme Raymonde Le Texier.  - Inadmissible !

M. Michel Houel.  - Qui ose entreprendre, sinon les patrons de TPE ? Les patrons savent ce que sont les 35 heures, mais pas pour eux ! (Exclamations à gauche) Le patron doit assurer la paie à ses ouvriers pour qu'ils nourrissent leur famille.

Les entreprises ont besoin de souplesse, pas de procédures ! La gauche juge que ce texte manque d'ambition, qu'elle vote la suppression de l'article 6.

D'après le sondage réalisé par Opinionway, 79 % des employeurs sont défavorables à la représentation syndicale des salariés des TPE, les salariés eux-mêmes sont attachés aux formes actuelles du dialogue social. A qui profite le crime ? (Applaudissements sur certains bancs UMP)

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Je rends hommage à ces patrons de TPE, dont le rôle est essentiel pour l'emploi. Cependant, la représentation des salariés, ce n'est pas l'objet de ce texte ! On parle seulement de mesurer la représentativité des syndicats, à l'échelon national, projet engagé par Gérard Larcher quand il était ministre du travail.

Le dialogue est quotidien dans les TPE, dont le patron est parfois un ancien salarié. Cependant, les commissions paritaires peuvent jouer un rôle utile, elles seront facultatives et travailleront sur des sujets généraux, informeront sur le droit du travail : cela évitera à des patrons d'être condamnés aux prud'hommes, comme cela arrive dans 95 % des procédures.

Dans les Yvelines, j'ai rencontré des patrons de TPE blessés d'être ainsi condamnés après un conflit avec un salarié. La création d'une commission paritaire aurait pu leur éviter d'en arriver là. Et nos précisions éviteront tout risque d'intrusion dans les entreprises, c'est une garantie.

Qui plus est, nous ferons le point dans deux ans. Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Cet amendement important relève d'un faux débat. Le Gouvernement soutient évidemment les TPE, leurs dirigeants ; nous diminuons les tracasseries administratives et les charges. Nous y veillons dans ce texte aussi, en ne faisant ici que mesurer la représentativité des syndicats : cela prendra aux salariés deux minutes tous les quatre ans. Ce qui est négocié au niveau des branches s'applique déjà à eux : désormais, les salariés des TPE seront pris en compte.

La loi de 2004 sur la formation tout au long de la vie prévoit déjà des commissions paritaires facultatives, elles existent déjà dans des territoires où le tissu des TPE est important. Ces commissions n'ont pas le pouvoir de négocier ni de créer des normes, elles aideront le dialogue social et, si les partenaires sociaux n'en veulent pas, elles n'existeront pas. Le Gouvernement ne veut pas compliquer la vie des TPE ni y assurer la représentation syndicale.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Je n'ai entendu sur aucun banc la mise en cause des chefs d'entreprise ! (Applaudissements à gauche) Je déplore que M. Houel obéisse ainsi à des motivations idéologiques ! Oui, nous respectons les patrons des TPE, qui sont un moteur de notre économie. Mais le dialogue social ne s'oppose pas au dynamisme économique. Ce qui est intolérable, c'est de voir le Medef et la CGPME se replier ainsi sur des positions rétrogrades. Le refus du dialogue social est d'un autre siècle ! (Applaudissements à gauche)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Évitons de faire croire que les soviets vont s'installer dans les TPE ! (Sourires)

La lettre commune des partenaires sociaux souligne que les commissions paritaires feront progresser le dialogue social : elles éviteront certains conflits et des procédures coûteuses. Dans mon département, il y a des TPE, et heureusement pour l'emploi qu'elles sont là. Mais le dialogue social y existe peu, faute de temps, et l'accès à la formation n'est pas garanti. Les salariés attendent beaucoup de ce texte, les employeurs aussi, mais des syndicats d'employeurs nous ont tous saisis parce qu'ils veulent compter leur adhérents. Au lieu de maintenir les TPE dans l'incertitude juridique, aidons-les ! (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Longuet.  - Mon groupe n'est pas unanime mais sa majorité soutient ce texte raisonnable qui aide les employeurs et les salariés des TPE à créer des instances territoriales de dialogue.

Notre commission a garanti contre toute intrusion dans l'entreprise. Le rôle des commissions sera de conseil, les TPE n'ont pas de direction du personnel, d'expertise juridique. Pour avoir été dix ans dirigeant d'une petite entreprise, je sais que des commissions paritaires peuvent être une aide pour les entrepreneurs aussi, à qui elles éviteront des défaites devant les prud'hommes, même si je comprends que les syndicats des grands employeurs ne perçoivent pas l'utilité de ces structures. Je me réjouis que la grande majorité du groupe UMP soutienne ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

Mme Raymonde Le Texier.  - M. Houel, qui nous a prêté des propos injurieux contre les petits patrons, n'était pas là dans la discussion générale.

Je peux lui répéter mes propos : les patrons de TPE, qui n'ont pas l'oeil rivé sur le CAC 40 et qui ne font pas de leurs salariés une variable d'ajustement, ont besoin d'une aide pour suivre le droit du travail. Parce que nous respectons ces employeurs, nous voterons contre l'amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Dominati.  - M. le rapporteur prétend ne pas vouloir alourdir les contraintes pour les patrons de TPE, mais il a écrit dans son rapport qu'il ne veut pas introduire de « dispositions trop contraignantes » : il s'excuse par avance des contraintes nouvelles !

Quand huit patrons sur dix et six salariés sur dix refusent ce projet, comme l'a établi Opinionway, il faut en tenir compte : prenez le temps de la pédagogie plutôt que de dire qu'ils ne comprennent pas.

Vous prétendez que ce texte n'engage à rien, mais vous annoncez aussi d'autres mesures et un bilan dans deux ans ! Vous ouvrez bien la boîte de Pandore !

Mme Annie David.  - Je n'ai moi non plus pas entendu pas entendu parler des patrons de TPE comme le prétend M. Houel. Nous critiquons l'hégémonie du Médef et de la CGPME, du patronat du CAC 40 contre les TPE !

Vous convenez que les patrons manquent de temps pour suivre l'évolution du droit, qu'ils sont condamnés aux prud'hommes parce qu'ils ne connaissent pas bien la loi : ces commissions paritaires les aideront ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Gérard Longuet.  - Des conseils leur auraient évité des ennuis...

A la demande du Gouvernement, l'amendement n°5 rectifié quater est mis aux voix pas scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 47
Contre 282

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 19 h 35.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Annie David.  - Nous souhaitons maintenir la rédaction actuelle, soit « commissions paritaires locales ».

Partout où le mot « local » apparaît, vous le remplacez par « territorial », moins précis -sans doute espérez-vous diminuer ainsi la portée de ces commissions paritaires. Celles-ci doivent au contraire pouvoir être créées au plus près des bassins d'emploi et en nombre suffisant.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Nous préférons « territorial », d'acception plus large.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

territoriales

par le mot

locales

Mme Annie David.  - Même chose.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 6

Après le mot :

paritaires

insérer le mot :

locales

Mme Annie David.  - Amendement de cohérence. Pourquoi vouloir modifier ainsi le code du travail ?

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°31 ainsi qu'à l'amendement n°32 : nous voulons éviter que ces structures prolifèrent et soient tentées de s'immiscer dans la vie des entreprises.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°31 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°32.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

peuvent être

par le mot :

sont

Mme Gisèle Printz.  - Nous voulons rendre effective l'ambition du projet de loi de développer réellement le dialogue social dans les très petites entreprises. Il faut, pour cela, rendre obligatoire la constitution des commissions paritaires territoriales prévues par le projet de loi.

Il n'est écrit nulle part dans le texte que des sections syndicales pourraient être crées dans les TPE, pas plus que les membres des commissions paritaires vont y entrer de force pour y semer le désordre et la désolation. M. Woerth l'a dit clairement pour rassurer les députés UMP : « on évite la représentation syndicale physique au sein de l'entreprise ». Du point de vue de la droite, c'est ce qu'on appelle un texte équilibré...

Les commissions paritaires sont un outil efficace pour limiter les conflits, l'expérience le montre ; il faut les développer.

M. le président.  - Amendement identique n°13 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jean-Pierre Plancade.  - C'est le point essentiel sur lequel nous sommes en désaccord : nous voulons rendre ces commissions obligatoires.

M. le président.  - Amendement identique n°33, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Annie David.  - Nous tenons aussi à rendre obligatoire la création des commissions paritaires, faute de quoi leur création dépendrait de l'accord d'organisations patronales qui se sont d'ores et déjà prononcées publiquement contre leur existence. Rendre cette création obligatoire, c'est respecter l'article 8 du préambule de 1946, aux termes duquel tous les travailleurs participent par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination de leurs conditions de travail et à la gestion de l'entreprise.

Il faut laisser les partenaires sociaux décider, nous dit-on ; c'est oublier que le droit du travail est fondé sur le constat d'une inégalité entre l'employeur et le salarié qui lui est soumis. Il doit défendre le plus faible. Comme le disait Lacordaire, entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Vous voulez absolument que ce soit obligatoire et nous non. Parce que nous faisons confiance aux partenaires sociaux. Je dis à M. Plancade que nous ferons le point dans deux ans ; nous verrons alors ce qu'il conviendra de décider. Défavorable aux trois amendements.

M. Éric Woerth, ministre.  - Le dialogue social ne se décrète pas. Il requiert l'accord des deux parties. Si l'on n'est pas d'accord pour se parler, cela ne marchera pas.

Les amendements identiques nos1, 13 rectifié et 33 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. P. Dominati et Dassault.

I. - Alinéa 7

Remplacer les mots :

par accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2231-1

par les mots :

par convention ou accord de branche étendu, notamment dans les secteurs de l'industrie, de la construction, du commerce et des services,

II. - Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les branches professionnelles où existent plusieurs organisations représentatives des employeurs du secteur, la convention ou l'accord de branche étendu mentionné à l'alinéa précédent, pour être valide, doit être signé par au moins deux organisations représentatives des employeurs

M. Michel Houel.  - La mise en place de commissions paritaires pour les très petites entreprises requiert que l'on prenne un certain nombre de précautions, à commencer par l'obligation de créer ces commissions dans un cadre professionnel et non pas interbranches ou interprofessionnel territorial ou national. Il y faut aussi l'aval de plusieurs organisations d'employeurs.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. P. Dominati et Dassault.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

par accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2231-1

par les mots :

par convention ou accord de branche étendu, notamment dans les secteurs de l'industrie, de la construction, du commerce et des services.

M. Michel Houel.  - Il est défendu.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - L'amendement n°9 rectifié bis rendrait beaucoup plus difficile la création de ces commissions paritaires...

M. Jean-Pierre Plancade.  - Ils sont constants !

M. Alain Gournac, rapporteur.  - ...ce que nous ne souhaitons pas. On pourrait signer un accord sur les conditions de travail avec une seule organisation patronale, mais pas pour créer une commission paritaire ! Défavorable à l'amendement n°8 rectifié bis.

M. Éric Woerth, ministre.  - Les arguments du rapporteur sont les bons. On ne va pas imposer l'accord aux non-signataires ! Défavorable aux deux amendements.

Les amendements nos9 rectifié bis et 8 rectifié bis sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. P. Dominati et Dassault.

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

M. Michel Houel.  - Coordination.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Ces commissions paritaires peuvent également se décliner au niveau local, départemental ou national, en vertu de l'accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2231-1 du code du travail.

Mme Annie David.  - D'autres commissions facultatives doivent aussi pouvoir être créées. Notre position est la seule à renforcer la présence syndicale des salariés dans les TPE.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 8

Après les mots :

au niveau

insérer le mot :

local,

Mme Patricia Schillinger.  - La suppression de la possibilité de créer des commissions paritaires au niveau local répond à la pression des organisations patronales -d'ailleurs des moins concernées d'entre elles... On arrive à d'étranges paradoxes : on pourrait créer une commission dans la Lozère, mais non à Lyon !

M. le président.  - Amendement identique n°14 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°35, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Annie David.  - Nous souhaitons revenir à la rédaction initiale du texte avant son passage en commission. La suppression du mot « local » ne laisse subsister que les niveaux départemental et national.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Nous en avons déjà abondamment parlé. L'amendement n°10 rectifié bis est de coordination avec les amendements nos9 rectifié bis et 8 rectifié bis; je suis cohérent dans mon avis défavorable. Même logique contre l'amendement n°34.

Nous sommes défavorables à la création de commissions locales : il faut qu'elles couvrent un champ géographique suffisant.

M. Éric Woerth, ministre.  - Mêmes réponses que le rapporteur.

Mme Annie David.  - Je répète une fois encore que le code du travail prévoit le niveau local. Vous l'avez supprimé méthodiquement ; nous répondons non moins méthodiquement.

L'amendement n°10 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°34 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos3, 14 rectifié et 35.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

Mme Raymonde Le Texier.  - Cet alinéa a été ajouté par notre rapporteur en butte à une lourde hostilité. Cela l'amène à formuler des évidences. Si l'on peut craindre la venue d'éléments extérieurs dans les TPE, cela ne viendra certainement pas des membres des commissions paritaires... Celles-ci ne seront évidemment pas des instances de contrôle. Cet alinéa traduit une défiance à l'endroit des salariés. Il est dommage qu'une partie du patronat ne mesure pas l'intérêt qu'il y a à favoriser le dialogue social dans les TPE.

M. le président.  - Amendement identique n°36, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Annie David.  - Cet alinéa 9 résulte des pressions du Medef et de la CGPME et revient sur des acquis de la lettre du 20 janvier ; il marque une grande défiance à l'endroit des organisations syndicales.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Il est vrai que les patrons étaient inquiets et que j'ai pensé utile de les rassurer.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable aussi. Les choses sont claires : les commissions n'ont aucun pouvoir de contrôle.

Mme Annie David.  - C'était déjà dit !

Les amendements identiques nos4 et 36 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié ter, présenté par MM. Houel, Gilles, J.C. Gaudin et Cambon, Mmes Bruguière et Mélot et M. Dassault.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elles ne disposent pas du pouvoir de négocier des conventions et accords collectifs.

M. Michel Houel.  - Je le retire par cohérence.

L'amendement n°6 rectifié ter est retiré, ainsi que l'amendement n°7 rectifié ter.

A la demande du Gouvernement, l'article 6 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue des suffrages exprimés 90
Pour l'adoption 130
Contre 48

Le Sénat a adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

D'ici décembre 2010, le Gouvernement doit engager des négociations avec les partenaires sociaux en vue d'aboutir à un accord national interprofessionnel sur la représentativité patronale.

Mme Annie David.  - Nous souhaitons que s'engagent enfin et que soient menées à leur terme des négociations avec les partenaires sociaux sur la question de la représentativité patronale. La loi de 2008 ne mesure que la représentativité des organisations syndicales des salariés ! La rénovation de la démocratie sociale doit-elle s'arrêter là ? Le sujet avait été abordé en 2008 ; deux amendements avaient été déposés en ce sens, l'un de M. Gournac qui jugeait qu'il ne fallait pas que les organisations patronales puissent être considérées comme moins représentatives que les organisations syndicales des salariés ; l'autre de M. About, alors président de la commission des affaires sociales, qui pointait un véritable déséquilibre au sein de la démocratie sociale. On en est pourtant resté à une représentativité hémiplégique !

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Notre collègue a bonne mémoire ! L'amendement n°37 a été rectifié depuis son passage en commission... La question posée est justifiée, mais le climat actuel ne se prête guère à une avancée en la matière, laquelle devrait d'abord venir des partenaires sociaux eux-mêmes.

M. Éric Woerth, ministre.  - Ce n'est l'objet ni de la lettre ni du projet de loi, et ce n'est pas opportun.

Mme Annie David.  - L'article 8 n'a pas fait partie des négociations et ne s'inscrit pas dans la continuité de la loi de 2008 -à l'inverse de mon amendement. Et pourtant, il est là. Les amendements Gournac et About n'avaient été repoussés que d'extrême justesse.

Si l'on veut que le climat aujourd'hui délétère de la démocratie sociale s'améliore, si l'on veut que les syndicats des salariés aient confiance dans ce que vous leur proposez, il faudra bien en venir à la mesure de la représentativité d'organisations patronales qui font la pluie et le beau temps.

L'amendement n°37 rectifié n'est pas adopté.

Article 7

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault.

Supprimer cet article.

M. Philippe Dominati.  - Le bilan prévu dans deux ans n'annonce-t-il pas une nouvelle étape dans un sens que les employeurs redoutent ? J'ai besoin d'assurances.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Je ne partage pas ces inquiétudes. Il appartiendra au législateur d'envisager d'éventuelles adaptations. Défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Quand une loi change les choses, il faut tirer la leçon de son application. Le Gouvernement n'a pas d'évolution en tête. Ce sujet est autonome et se suffit à lui-même.

M. Philippe Dominati.  - Vous ne me donnez pas les assurances que j'attendais.

L'amendement n°20 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

A l'issue de cette période, toutes les entreprises de moins de onze salariés visées par la présente section, devront avoir instauré une commission paritaire. Dans le cas contraire, le Gouvernement procédera par voie réglementaire à leur mise en place.

Un décret précise les modalités d'application de cette disposition.

Mme Annie David.  - Nous voulons supprimer le caractère facultatif des CPR. Il ne s'agit pas, pour l'État, de se substituer aux partenaires sociaux mais il devra, si ces négociations n'aboutissent pas, rendre leur création obligatoire.

Notre hémicycle est coupé en deux, avec le rapporteur au milieu...

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Je vous félicite pour votre cohérence : vous tenez le cap ! Mais nous ne voulons pas de cette obligation. Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Article 8

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Ce report de deux ans des élections prud'homales est un cavalier ; quoique, selon le rapport Richard, « la désignation des conseillers prud'homaux sur la base de la loi de représentativité de 2008 ne serait ni pertinente, ni opportune ».

Déjà, 62 conseils sur 271 ont été supprimés : c'est un quart de moins.

L'encadrement de la procédure, avec une plus grande place de l'écrit, diminuera encore la place de l'oral à la prud'homie. Les plus faibles, ceux qui ne peuvent pas toujours recourir à un avocat, y perdront. Restreindre l'accès à la justice, supprimer des juridictions, entraver l'action des conseillers sont des moyens détournés de réaliser des économies.

Quatre jugements aux prud'hommes sur cinq sont favorables aux salariés : c'est dire combien le droit du travail est mal appliqué. Or sa spécificité tient à l'inégalité statutaire entre les salariés et les employeurs. Nous serons très vigilants pour défendre les droits des salariés. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Dassault.

Supprimer cet article.

M. Philippe Dominati.  - Je ne comprends pas bien les raisons de cette prorogation de deux ans.

M. le président.  - Amendement identique n°39, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Annie David.  - J'ai le même amendement que M. Dominati, j'en suis perplexe et inquiète. (Rires) Mais ce qu'il sous-entend confirme mes craintes : le délai de réflexion servira à faire disparaître les élections prud'homales, le rapport Richard le propose comme l'une des pistes de réforme. Nous sommes donc contre ce report, et pour le maintien des élections prud'homales, même réorganisées à l'avenir si cela apparaît nécessaire.

M. Alain Gournac, rapporteur.  - S'il y a, aux prud'hommes, 70 % des dossiers issus de mauvaise compréhension dans les TPE, il y a certainement de quoi faire mieux en aval.

Les prud'homales sont prévues en décembre 2013, alors que les scrutins seront nombreux en 2014 ; c'est accroître le risque de démobilisation.

Comme maire, je sais ce que représente l'organisation un scrutin ; il nous est arrivé de ne voir que neuf votants dans une matinée ! C'est pourquoi je suis favorable à la réflexion engagée par le Gouvernement. La date de 2015 est butoir, on peut donc agir avant. Avis défavorable aux deux amendements identiques nos39 et 21 rectifié.

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous sommes favorables au maintien de la justice prud'homale : la question ne se pose pas ! Pour la réforme à venir, nous n'en sommes qu'au rapport de M. Richard.

La réforme du mode de désignation des conseillers prud'homaux a pour premier objectif d'augmenter la participation alors que l'abstention est actuellement très élevée, malgré les efforts de communication du Gouvernement aux dernières élections.

Enfin, si les élections avaient été maintenues, il y aurait eu conflit avec les élections de représentativité issues de la loi de 2008 : la collision entre les deux scrutins n'est pas souhaitable. Il faut se donner le temps de la réflexion, avec la date butoir de 2015.

Mme Annie David.  - Vous dites que le vote est la conséquence de la loi de 2008, mais cette loi s'applique déjà, notamment avec le Haut conseil du dialogue social. Tout n'arrivera pas en 2013 ; où est le risque de collision ?

M. Éric Woerth, ministre.  - La loi de 2008 s'applique certes, mais la représentativité nationale sera mesurée en 2013 : c'est alors qu'il y aura un risque de collision. Ne pas en tenir compte, c'est dire que le nouveau mode de représentativité n'aurait aucun impact.

L'amendement n°21 rectifié est retiré.

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Première phrase

Remplacer l'année :

2015

par l'année :

2014

Mme Annie David.  - C'était un amendement de repli qui limitait le report à une année ; comme il n'a aucune chance d'être adopté, je le retire.

M. le président.  - Merci de votre collaboration. (Sourires)

L'amendement n°40 est retiré.

L'article 8 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Gisèle Gautier.  - Après la profonde réforme de la représentativité syndicale de 2008, il fallait poursuivre pour les TPE l'oeuvre de démocratie sociale. Ce texte réalise un compromis satisfaisant et nous l'avons enrichi en commission, notamment en précisant le rôle des CPR pour apaiser les craintes des entrepreneurs.

Ce projet de loi constitue un indéniable progrès : le groupe UMP lui apportera tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Raymonde Le Texier.  - Ce texte ne soulève pas notre enthousiasme car il ne favorisera pas l'émergence d'un véritable dialogue social. Le rapporteur a cherché à concilier des positions férocement ennemies ; finalement, le texte penche dangereusement du coté où il risque de tomber. MM. Copé et Bertrand l'ont annoncé : les députés de la majorité s'apprêtent, sous la pression du Medef, à parachever le travail de sape.

Pour l'heure, sans méconnaître le terrain, la réalité des TPE, ce texte est un premier pas ; pour montrer que le groupe socialiste s'engage aux côtés des partenaires sociaux, nous nous abstiendrons. Nous ne mêlerons pas nos voix à ceux qui considèrent toujours qu'en faveur des salariés, rien c'est encore trop !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Je remercie le rapporteur...

M. Gérard Longuet.  - Il le mérite !

M. Jean-Pierre Plancade.  - ...qui a travaillé avec passion, le ministre qui a pris le soin de répondre à tout le monde et tous les intervenants. Les radicaux de gauche et le RDSE étaient disposés à voter ce texte, qui représente quand même une porte ouverte, une première pierre. Notre regret majeur, c'est que les commissions paritaires ne soient pas obligatoires. Nous ne voterons pas contre, mais nous nous abstiendrons.

Mme Annie David.  - Nous nous abstiendrons également. Même mesuré par sigle, l'avis des salariés des TPE sera pris en compte pour la représentativité des syndicats et nous faisons confiance aux partenaires sociaux pour se saisir de la possibilité de créer des commissions paritaires.

Le seul article qui nous contrarie est l'article 8. J'espère que vous maintiendrez l'élection des prud'hommes : pour beaucoup de salariés, c'est le seul moment où ils peuvent voter pour des personnes qui les représentent et les défendent...

L'ensemble du projet de loi est adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 9 juin 2010, à 14 heures 30.

La séance est levée à 23 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 9 juin 2009

Séance publique

A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

- Projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services (n°427, 2009-2010).

Rapport de M. Gérard Cornu, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°507, 2009-2010).

Texte de la commission (n°508, 2009-2010).

Avis de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances (n°494, 2009-2010).