Logement (Questions cribles thématiques)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions cribles thématiques sur le logement.
M. François Zocchetto. - Va-t-on attendre que les quartiers s'embrasent pour agir contre les ghettos ? Les communes comptant de grands ensembles de HLM sont souvent classées en zones urbaines sensibles. La politique de mixité est sans doute une réponse adéquate. L'accession à la propriété permettrait de résoudre en partie ce problème mais elle pénalise les communes, puisque les logements HLM vendus à leurs locataires concernés des 20 % de la loi SRU. L'article 17 de la loi de mobilisation pour le logement y remédiait mais il n'a pas été adopté. Allez-vous présenter une mesure en ce sens, monsieur le ministre, et plus largement un plan pour l'accession à la propriété ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - Pour changer la vie dans les quartiers, il faut davantage de mixité. L'accession à la propriété y contribue. Il faut donc une grande réforme pour les familles modestes.
La vente des HLM est une solution car leurs locataires ont le droit de devenir propriétaires ; de surcroît les organismes auraient ainsi des fonds propres. Je rappelle que les logements ainsi vendus restent comptabilisés cinq ans dans les 20%.
A Roubaix, l'ensemble des partenaires sociaux se sont engagés à vendre 1 % du parc HLM. Pourquoi ? Un locataire HLM a en effet comme tout le monde le droit de devenir propriétaire.
M. Pierre-Yves Collombat. - Pour sous-louer ...
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Nous faciliterons ainsi la mixité sociale.
(Applaudissements à droite)
M. Jacques Mézard. - Votre ministère privilégie le découpage du territoire entre zones de marché tendu et détendu. Mais les critères retenus sont discutables. En outre, il y a de fortes disparités entre les départements.
Avez-vous l'intention de fragiliser les organismes sociaux en leur demandant de vendre leur patrimoine ? Comme président d'une agglomération, mon voeu serait que les citoyens aisés n'aillent pas investir ailleurs dans le dispositif Scellier. Le doublement du prêt à taux zéro est annoncé : allez-vous laisser aux professionnels le temps de s'adapter ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Nous avons effectivement des zones de tension et d'autres qui ne sont pas tendues. Dans ma commune à Chalons en Champagne,, il faut huit mois, à Paris huit ans pour avoir un logement social. Or, nous produisons des logements : un logement pour 156 habitants en Auvergne mais un pour 293 habitants à Paris ! Or, la crise du logement n'est pas la même en Auvergne et à Paris : il faut produire plus là où la demande est forte et moins ailleurs.
Autre exemple : en matière de logement social nous finançons 120 000 logements, dont 75 % se trouvent dans des zones peu tendues. Il faut rééquilibrer la production.
M. Jacques Mézard. - Vous ne m'avez pas convaincu. Vous voulez faire plus dans les zones tendues, parfait, mais ne faites pas moins ailleurs. Attention aux déséquilibres. Le dispositif Scellier incite les gens qui en ont les moyens à investir dans d'autres communes : leur commune de résidence est doublement pénalisée.
M. Dominique Braye. - Le 17 novembre 2009 une proposition de loi a été examinée par le Sénat : la taxe sur les logements vacants a été instaurée. Son bilan est positif. Vous vous êtes engagé à réexaminer le décret fixant la liste des communes concernées. Où en êtes-vous de vos réflexions ? S'agissant de la loi de mobilisation pour le logement (MOL), dont j'ai été le rapporteur, treize articles restent inapplicables, concernant en particulier la réforme du 1% logement et la réhabilitation des quartiers anciens dégradés ? Quand cette loi sera-t-elle totalement applicable ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Sur la taxe sur les logements vacants, je me suis engagé à envisager une application plus large car cette taxe a montré son efficacité. Je modifierai le décret dès que la concertation avec les agglomérations qui ont institué une taxe d'habitation sur les logements vacants aura abouti.
En ce qui concerne la loi MOL, nous avons publié 75 % des décrets. Il en reste seize à publier, dont dix le seront d'ici l'été et six avant l'automne. Mais les décrets les plus importants sont déjà publiés. La réhabilitation des quartiers anciens va pouvoir être lancée d'ici la fin de l'année. (Applaudissements à droite)
M. Dominique Braye. - Il faut bien engager les discussions avec les collectivités locales pour élargir l'application de la TLV.
M. le président. - Je félicite notre collègue pour sa nomination à l'Agence nationale de l'habitat. (Applaudissements à droite)
M. Thierry Repentin. - Depuis 2007, plusieurs coups de canif ont été donnés dans le financement du logement social. Ainsi en a-t-il été avec le Livret A qui n'est plus centralisé à la Caisse des dépôts, puis, du fait de la loi MOL, qui ne l'est guère, (Sourires) avec le 1 % qui permet de boucler les financements. Dans les zones touristiques, il permet d'offrir des logements aux saisonniers.
Enfin, ce qui s'appelle désormais Action logement aide nos concitoyens à devenir propriétaires. Pourtant, Mme Boutin lui a ponctionné 770 millions pour l'Anru et 480 pour l'Anah! A Roubaix, le 31 mars, vous avez dit aux partenaires sociaux que vous ne les laisseriez pas mourir. Allez-vous mettre fin à ce hold-up ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Il faut insister sur l'importance du 1 % logement. C'est un partenaire essentiel qui permet de mener une politique ambitieuse pour le logement. Il n'y a pas de désengagement de l'État : ne vous arrêtez pas sur une mesure mais considérez l'ensemble! Oui, nous tenons à assurer la pérennité du 1 % mais comme il disposait de six milliards de trésorerie il pouvait contribuer au financement de l'Anru et de l'Anah sur trois ans. Nous tiendrons compte évidement de la situation financière d'Action logement au moment de prendre des décisions engageant les trois années suivantes.
M. Thierry Repentin. - Je n'attendais pas que vous me promettiez qu'Action logement va récupérer le milliard et demi ponctionné en trois ans... Je me réjouis qu'une proposition de loi socialiste rejetée il y a un an trouve ici un écho favorable. Il est vrai que la taxe sur les logements vacants abondera l'Anah, présidée par un membre de la majorité sénatoriale... (Rires et applaudissements socialistes)
M. Daniel Raoul. - Cherchez l'erreur !
Mme Odette Terrade. - Vous n'avez de cesse d'annoncer monts et merveilles pour le logement mais je constate une baisse continue des investissements publics. Vous ne faites rien pour appliquer la loi Dalo et la hausse des loyers et la fin de la trêve hivernale vont entraîner la multiplication des expulsions. Chaque année 100 000 expulsions sont prononcées, dont 10 000 mises en oeuvre avec le concours de la force publique. L'Insee prévoit un million de chômeurs en plus cette année. Il ne s'agit pas de mauvais payeurs ! Le comité de suivi du Dalo demande des mesures d'accompagnement. Mais vous n'avez mis en place qu'une ligne de téléphone ! La garantie des risques locatifs (GRL) ne défend que les bailleurs privés, alors que les locataires doivent affronter l'érosion de leurs ressources. Vous êtes bien le défenseur de la propriété privée. Nous demandons le gel des loyers et un moratoire pour les expulsions. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - La propriété est un droit constitutionnel que je défends. Le moratoire serait contreproductif. Si les propriétaires ne peuvent récupérer leurs logements en cas d'impayés, ils ne loueront plus.
En revanche, il faut prévenir les expulsions. Nous avons créé des commissions départementales pour éviter les expulsions qui interviennent trop tardivement. Il faut en effet réagir dès le premier mois.
La garantie des risques locatifs a été mise en place à la demande des partenaires sociaux qui veulent que dès le premier mois d'impayé les services sociaux soient prévenus afin qu'ils interviennent le plus vite possible.
Notre politique est humaine ; elle est plus efficace qu'un moratoire.
Mme Odette Terrade. - Cette réponse ne nous satisfait pas. Le droit de propriété est un droit constitutionnel ? Le droit au logement aussi ! Considérer le logement comme une simple marchandise n'est pas acceptable. Revoyez votre copie ! Il est urgent de déclarer le logement grande cause nationale.
M. Philippe Dallier. - Vous avez annoncé une remise des aides fiscales appuyant l'accession à la propriété, inefficaces et couteuses : 7 milliards d'euros par an ! Vous voulez faire mieux en dépensant moins. Je suis d'accord avec vous, mais, je souhaite en savoir plus sur vos intentions : Quel est votre objectif d'économie budgétaire ? Allez-vous revoir le dispositif Scellier ? Comment assurer la cohérence de vos réflexions avec la réduction des niches fiscales ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - La France a douze produits d'accession à la propriété, dont les cinq principaux coûtent 7 milliards d'euros pour une efficacité douteuse. Il nous faut d'autres outils, moins nombreux, plus simples, plus puissants, notamment pour resolvabiliser les classes moyennes, Nous voulons aussi accélérer la sortie de la crise.
Notre calendrier s'inscrit dans le budget pour 2011, sans modifier le dispositif Scellier que nous avons d'ailleurs verdi.
M. Philippe Dallier. - Nous attendons donc la loi de finances, mais ne retardons pas la reprise !
M. Daniel Raoul. - Le quinzième rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre a souligné le besoin de vivre dans un logement décent. Or, deux millions de personnes peinent à régler leur loyer, 500 000 ne le règlent plus !
Le désengagement de l'État perdure malgré le plan de relance de l'économie. Après le hold-up sur la MSA, vous organisez un racket en trois temps sur le 1 % logement. Ainsi, la dotation régionale dont je dispose a baissé. Quels sont vos objectifs et votre calendrier ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Le plan de cohésion sociale a permis de rattraper le retard pris par votre majorité. (Protestations à gauche ; applaudissements à droite) Nous produisons trois fois plus que sous le gouvernement Jospin. En 2000, 40 000 logements sociaux étaient construits, en 2009, 140 000 ! (On le conteste à gauche) Un record. Voilà ce que vous appelez désengagement de l'État ! (Applaudissements à droite)
M. Daniel Raoul. - Dans mon agglomération, il manque la moitié des crédits. Je ne peux donc atteindre les objectifs de logements sociaux. Or, les entreprises du BTP ont faim. Multiplier les niches fiscales ne crée aucun logement ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Colette Giudicelli. - Vous avez déjà répondu aux questions que je voulais vous poser, notamment au sujet de l'accession à la propriété, qui a fléchi de 20 % l'an dernier.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les gens n'ont plus d'argent.
Mme Colette Giudicelli. - Quand le Gouvernement compte-t-il réaliser l'objectif fixé par le Président de la République : permettre aux deux tiers des Français d'être propriétaires ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Oui, nous croyons à une France de propriétaires ; oui, l'objectif du Président de la République sera atteint. Aujourd'hui, 54% des Français sont déjà propriétaires. Nous souhaitons disposer d'outils plus lisibles et plus efficaces pour resolvabiliser les classes moyennes.
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est noté.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Le prêt à taux zéro a montré son efficacité ; nous souhaitons faire encore plus ! La réforme se fera avec le Parlement, pour entrer en vigueur le 1er janvier prochain.
M. le président . - Merci à tous d'avoir participé à ce débat.
La séance est suspendue à 17 h 45.
présidence de M. Roger Romani,vice-président
La séance reprend à 18 heures.