Récidive criminelle (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - Nous reprenons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.
Candidatures à une éventuelle CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission des lois a procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi. Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Discussion des articles (Suite)
M. le président. - Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à l'amendement n°20 au sein de l'article 2 bis.
Article 2 bis
L'article 706-53-19 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté avertit la personne placée sous surveillance de sûreté que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement mais que, à défaut ou si elle manque à ses obligations, le placement dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté pourra être ordonné dans les conditions prévues par l'alinéa précédent. »
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - A la suite de cet amendement de cohérence marquant notre totale opposition à la surveillance et à la rétention de sûreté, nous proposons un amendement n°21 de repli. Le refus de porter le bracelet électronique ne doit être considéré que comme un élément parmi les autres manquements aux obligations. La rétention de sûreté ne doit intervenir qu'en dernier recours.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Avant de pouvoir ordonner le placement en centre socio-médico-judiciaire, la juridiction d'application des peines adopte tous les moyens intermédiaires adaptés et prévus dans le cadre de la surveillance de sûreté par le 1° et le 2° de l'article 723-30. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Défendu.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - La commission, par cohérence également, est hostile à l'amendement n°20. S'agissant du n°21, l'article 2, que le groupe CRC-SPG voulait supprimer par l'amendement n°19, instaure déjà des garanties quant au caractère subsidiaire d'un placement en rétention de sûreté. En outre, ce placement n'est pas ordonné par le juge de l'application des peines mais par le président de la juridiction régionale de rétention de sûreté. Retrait, sinon défavorable.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Mme Borvo est logique avec elle-même : elle avait déjà proposé, avec l'amendement n°14 rectifié, de supprimer la totalité de la loi sur la rétention de sûreté. Or cette loi, si elle doit être aménagée -et les travaux de la commission ont permis d'avancer en ce sens-, est utile. L'avis est donc défavorable à l'amendement n°20. L'amendement n°21 est satisfait par l'article 2 : retrait, sinon défavorable.
L'amendement n°20 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°21.
L'article 2 bis est adopté.
Article 3
L'article 706-53-21 du même code devient l'article 706-53-22 et après l'article 706-53-20, l'article 706-53-21 est ainsi rétabli :
« Art. 706-53-21. - La rétention de sûreté et la surveillance de sûreté sont suspendues par toute détention intervenue au cours de leur exécution.
« Si la détention excède une durée de six mois, la reprise de la rétention de sûreté ou de la surveillance de sûreté doit être confirmée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté au plus tard dans un délai de trois mois après la cessation de la détention, à défaut de quoi il est mis fin d'office à la mesure. »
M. le président. - Amendement n°22, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'amendement n°22 est de principe. Le n°23, de repli, vise à instaurer une égalité de traitement entre les personnes condamnées à des mesures de surveillance ou de rétention de sûreté. Toute évolution mentale du condamné, toute possibilité de progrès doit être prise en compte par la juridiction régionale de rétention de sûreté.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - La commission, favorable à la rétention de sûreté, est hostile à l'amendement n°22. Le texte initial prévoyait que la situation de la personne soumise à une surveillance de sûreté ou à une rétention de sûreté et incarcérée pour avoir commis une infraction était réexaminée à sa libération lorsque sa détention avait excédé un an. Le temps de détention devant permettre, selon le Conseil constitutionnel, une prise en charge effective et adaptée de la personne, la commission a ramené le seuil d'un an à six mois. En revanche, obliger la juridiction à se prononcer pour des peines de très courte durée, parfois de quelques jours, ne semble pas adapté car les éléments ayant justifié le placement n'ont sans doute pas évolué. Six mois nous semble la juste mesure : défavorable à l'amendement n°23.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Rejet de l'amendement n°22 : l'article 3 s'inspire des recommandations du rapport Lamanda. Même avis à l'amendement n°23 car il serait difficile, pour des raisons objectives, comme le rapporteur l'a montré, de retenir un seuil de détention inférieur à six mois.
L'amendement n°22 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
Si la détention excède une durée de six mois,
par les mots :
Quelle que soit la durée de la détention,
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°43 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
Si la détention excède une durée de six mois
par les mots :
À l'issue de la détention
Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'abaissement du seuil de détention d'un an à six mois par la commission constitue une amélioration indéniable. Pour autant, nous considérons que la juridiction régionale de rétention de sûreté, quelle que soit la durée de la détention, doit vérifier si la personne bénéficie effectivement de la prise en charge adaptée décrite à l'article premier et si la mesure de surveillance ou de rétention, au regard des nouveaux éléments, est toujours justifiée.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Défavorable : songez un peu aux conditions quotidiennes dans lesquelles doivent travailler les juridictions régionales ! Il ne faudrait pas, en outre, qu'une très brève incarcération de quelques jours suffise à changer le statut de la personne.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°23 n'est pas adopté, non plus que le n°43 rectifié.
L'article 3 est adopté.
Article 4
L'article 723-37 du même code est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La juridiction régionale de la rétention de sûreté peut également, selon les modalités prévues à l'article 706-53-15, ordonner une surveillance de sûreté à l'égard d'une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées, en application du premier alinéa de l'article 723-35 à la suite d'une violation des obligations auxquelles elle était soumise dans des conditions qui font apparaître des risques qu'elle commette à nouveau l'une des infractions mentionnées à l'article 706-53-13. La surveillance de sûreté s'applique dès la libération de la personne. »
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Notre commission des lois a opportunément retiré une disposition votée par la majorité à l'Assemblée nationale, qui baissait de quinze à dix ans le quantum de la peine susceptible d'être suivie d'une surveillance de sûreté à l'issue de la surveillance judiciaire. Une telle disposition était inconcevable. Elle l'était parce que le seuil de dix ans est précisément celui prévu pour la surveillance judiciaire par l'article 723-29. Elle l'était, comme vous l'avez vous-même rappelé, madame la ministre, parce que la surveillance de sûreté est une disposition exceptionnelle pour des faits d'une extrême gravité. Ce qu'a confirmé le Conseil constitutionnel. Un tel dispositif juridique est tellement dérogatoire aux principes fondamentaux de notre droit qu'il ne saurait être banalisé.
Le risque existe pourtant, puisqu'a été intégré à l'article 4 une nouvelle extension du champ d'application de la surveillance de sûreté. Celle-ci étend en conséquence la possibilité de placement en rétention de sûreté, qui peut sanctionner la violation des obligations de la surveillance de sûreté. C'est donc une sanction extrêmement grave qui pourra être prononcée contre l'intéressé, au seul motif qu'il ferait apparaître un risque de récidive.
Outre ces observations, nous refusons en tout état de cause le dispositif de surveillance de sûreté inclus dans la loi du 25 février 2008.
M. le président. - Amendement identique n°95 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.
M. Jacques Mézard. - Nous sommes contre le principe même de ce dispositif, et donc contre son extension. Or, en dépit des efforts appréciables de la commission, cet article étend encore davantage la possibilité de placement en sûreté.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Il est vrai que cet article étend le dispositif mais c'est pour remédier à un paradoxe relevé par M. Lamanda et rendre possible l'application de la surveillance de sûreté à une personne placée sous surveillance judiciaire et à qui toutes les réductions de peine ont été retirées. En effet, une surveillance de sûreté ne pouvant être ordonnée que dans le prolongement d'une surveillance judiciaire, elle ne peut être décidée directement après la libération d'une personne incarcérée en raison de la révocation de l'intégralité des réductions de peine. Cela fait que la surveillance de sûreté n'est possible que lorsque la surveillance judiciaire est menée à son terme sans incident et, partant, lorsque l'intéressé présente les meilleurs gages d'une possible réinsertion. L'article 4 corrige cette anomalie.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Même avis défavorable : cet article applique une des recommandations du rapport Lamanda, sur lesquelles j'ai cru comprendre que tout le monde s'accordait.
Les amendements identiques nos24 et 95 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 4 est adopté, ainsi que l'article 5.
Article 5 bis
Après le titre XX du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre XX bis ainsi rédigé :
« Titre XX bis
« Du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires
« Art. 706-56-2. - Le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires, tenu par le service du casier judiciaire sous l'autorité du ministre de la justice et placé sous le contrôle d'un magistrat, est destiné à faciliter et à fiabiliser la connaissance de la personnalité et l'évaluation de la dangerosité des personnes poursuivies ou condamnées pour l'une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru, et à prévenir le renouvellement de ces infractions.
« Le répertoire centralise les expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires des personnes mentionnées à l'alinéa précédent qui ont été réalisés :
« 1° Au cours de l'enquête ;
« 2° Au cours de l'instruction ;
« 3° A l'occasion du jugement ;
« 4° Au cours de l'exécution de la peine ;
« 5° Préalablement au prononcé ou durant le déroulement d'une mesure de surveillance ou de rétention de sûreté ;
« 6° En application des articles 706-136 ou 706-137 ;
« 7° Durant le déroulement d'une hospitalisation d'office ordonnée en application de l'article 706-135 du présent code ou de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique.
« En cas de décision de classement sans suite, hormis les cas où cette décision est fondée sur le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, de décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, les données concernant la personne poursuivie sont immédiatement effacées.
« Les informations contenues dans le répertoire sont directement accessibles, par l'intermédiaire d'un système de télécommunication sécurisée, aux seules autorités judicaires.
« Les membres de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, les experts et les personnes chargées par l'autorité judiciaire ou l'administration pénitentiaire d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité peuvent également être destinataires, par l'intermédiaire de l'autorité judiciaire et pour l'exercice de leurs missions, des informations contenues dans le répertoire.
« Les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire sont déterminées par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Ce décret précise les conditions dans lesquelles le répertoire conserve la trace des interrogations et consultations dont il a fait l'objet, ainsi que la durée de conservation des informations inscrites et les modalités de leur effacement. »
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La commission a largement récrit cet article pour clarifier la nature des données susceptibles d'être collectées et encadrer l'accès à ce répertoire, en le réservant à l'autorité judiciaire. Demeure cependant un problème de fond, qui agite d'ailleurs notre commission depuis plusieurs mois : quel régime souhaitons-nous pour les fichiers ? Quel contrôle le Parlement est-il en mesure d'exercer sur eux ? Comment assurer qu'ils respectent le droit de chacun à sa vie privée ? Nous nous sommes accordés sur l'idée qu'ils devaient être créés par la loi, comme l'ont recommandé nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier dans leur excellent rapport sur La vie privée à l'heure des mémoires numériques.
Dans notre rôle de protection des libertés individuelles, nous ne pouvons nous contenter de donner notre aval à la création d'un fichier sans contrôler son contenu et sa compatibilité avec le respect de la vie privée. Or, avec cet article, on nous demande de donner un blanc-seing à un fichier dont le contenu serait fixé par le pouvoir réglementaire. Les précisions sur ses modalités de fonctionnement sont renvoyées à un décret en Conseil d'État, avec un contrôle préalable de la Cnil.
Je note la volonté de M. Türk de donner un peu plus de place à la Cnil dans ce processus mais nous devons exiger plus que cela : la loi doit prévoir les modalités et la durée de conservation, les modalités d'effacement ainsi que le droit d'accès et de rectification aux données enregistrées. Si le Parlement renonce à ces exigences, il renonce à son rôle de protection des libertés fondamentales. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - L'article 5 bis crée un « répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires ». Le principe d'une telle base de données n'est pas choquant mais cet article pose des problèmes très sérieux.
D'abord, sans que l'avis de la Cnil ait été sollicité, on crée un énième fichier, qui porte sur des données sensibles, collectées à toutes les phases de procédures judiciaires antérieures, de l'enquête à l'exécution de la peine. Y seraient inscrites les personnes poursuivies, autrement dit présumées innocentes. Que des données recueillies dans une affaire en cours, sur une personne non encore condamnée, puissent faire l'objet d'une consultation par les magistrats et experts, soit. Mais l'inscription ne devrait pas être possible avant la condamnation. Ce fichier a pour finalité une connaissance de la personnalité et de l'évaluation de la dangerosité de ces personnes poursuivies ou condamnées pour une infraction pour laquelle elles peuvent encourir un suivi socio-judiciaire.
Le contenu aussi serait bien large : toutes les pièces des examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires. Pourquoi ne pas se contenter de leur liste et de leurs conclusions ? La commission des affaires sociales a d'ailleurs limité cette longue liste.
Sur les modalités, l'article 5 bis renvoie à un décret en Conseil d'État, sans rien dire de la durée de conservation. Quant à la promesse d'effacement en cas de classement sans suite, de décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, on voit ce qu'il en est du casier judiciaire ou du Stic. Il est illusoire de penser que les moyens actuels de la justice permettront de le faire fonctionner et cela, dans de bonnes conditions.
Le comité des droits de l'homme de l'ONU, examinant la situation de la France en matière d'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, soulignait en juillet 2008 que la France devait veiller à ce que « la collecte et la conservation de données personnelles dans les ordinateurs, dans des banques de données et selon d'autres procédés, que ce soit par les autorités publiques, des particuliers ou des organismes privés, soient régies par la loi ». On en est loin ! Et quel droit d'accès auraient les personnes concernées ?
Quel est, enfin, le véritable intérêt de ce répertoire ? La situation de la personne concernée peut avoir évolué ; elle nécessite en tout état de cause de nouvelles évaluations. Et la notion de dangerosité est peu fiable...
M. le président. - Amendement identique n°44, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. Alain Anziani. - Ce matin, en commission des lois, le président de la Cnil a fait des observations pertinentes.
Il existe aujourd'hui environ soixante-dix fichiers, me semble-t-il.
M. Alex Türk. - Cinquante-huit.
M. Alain Anziani. - Soit. Un cinquante-neuvième est-il nécessaire ? Toutes les garanties ont-elles été apportées ? Non. Ce fichier est-il utile ? Non plus. La justice dispose déjà de nombreux outils d'information, comme l'application Cassiopée qui ne rencontre pas le succès attendu. La numérisation des pièces de procédure est en marche. En pratique, le fichier fonctionnera-t-il ? Les greffes manquent de moyens et les organisations professionnelles nous ont avertis qu'il serait impossible de traiter 35 000 dossiers supplémentaires. La sagesse consiste à renoncer à ce fichier qui n'est ni sans danger, ni utile, ni facile à entretenir. (Applaudissements à gauche)
M. le Président. - Amendement identique n°71 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Tropeano et Vall.
M. Jacques Mézard. - J'en appelle à l'esprit cartésien de M. le rapporteur. Certes, il a réservé la consultation de ce fichier à l'autorité judiciaire. Mais les syndicats de magistrats contestent son utilité. La connaissance des expertises antérieures n'évitera pas de recourir à de nouvelles expertises lorsque le code pénal le prévoit. D'ailleurs, l'application Cassiopée permettra déjà aux juridictions, aux enquêteurs et à l'administration pénitentiaire d'avoir accès aux informations relatives aux personnes soupçonnées ou condamnées. Rien ne dit que ce nouveau fichier limitera la déperdition d'informations. Tous ces arguments justifient amplement la suppression de l'article. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Je crains que mon cartésianisme n'en souffre (sourires) mais je dois formuler un avis défavorable à la suppression de l'article. Ce répertoire, créé par les députés, centralisera les expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires des personnes poursuivies ou condamnées pour une infraction pouvant donner lieu à un suivi socio-judiciaire. Il limitera la déperdition des informations que beaucoup d'experts psychiatriques constatent lorsque la même personne est poursuivie dans des procédures distinctes ou même lors des étapes successives d'une même procédure.
Votre commission a d'ailleurs apporté certaines clarifications et proposé de réserver l'accès direct au répertoire à la seule autorité judiciaire : les experts judiciaires et les personnes chargées d'évaluer la dangerosité des personnes dans le cadre d'une procédure judiciaire n'accéderaient à ces informations que par l'intermédiaire des magistrats.
Lors d'une visite à la maison d'arrêt de Rouen, j'ai appris que deux détenus avaient été tués par leur codétenu à un an d'intervalle. (M. Charles Revet le confirme) Ce fichier aurait peut-être permis d'éviter de tels drames. Il existe des établissements où « l'échange d'informations opérationnelles », comme on dit, entre les médecins et l'administration laisse à désirer !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Quant à la forme, si la Cnil et le Conseil d'État n'ont pas été consultés, c'est parce que cette disposition a été introduite par amendement. Ces institutions seront naturellement consultées avant la publication des décrets d'application.
Quant au fond, ce répertoire est destiné à faciliter l'appréciation par le juge du caractère des personnes mises en cause et, par conséquent, à assurer la personnalité des peines et du suivi socio-judiciaire. Toutes les garanties nécessaires ont été apportées. Quant à l'application Cassiopée, elle n'a rien à voir avec la chaîne pénale ; elle est d'ailleurs accessible à bien d'autres personnes que les juges. La rationalité consiste donc à rejeter ces amendements.
L'amendement n°25 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos44 et 71 rectifié.
M. le président. - Amendement n°45, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
poursuivies ou
II. - Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
M. Alain Anziani. - Cet amendement, comme les suivants, est un amendement de repli : il s'agit de préciser le contenu du fichier. Nous proposons d'abord que n'y figurent que les informations relatives aux personnes condamnées : tout le monde devrait souscrire à cette proposition. On nous répondra sans doute que les données relatives aux personnes mises hors de causes seront effacées ; mais l'administration en aura-t-elle les moyens ? On a vu, par le passé, certaines informations demeurer des années dans des fichiers alors qu'elles auraient dû en être retranchées !
M. le président. - Amendement n°46 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Alinéas 11 et 12
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéa 13
Supprimer les mots :
hormis les cas où cette décision est fondée sur le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal,
M. Alain Anziani. - Nous souhaitons aussi exclure de ce fichier les personnes dispensées de peine pour cause d'irresponsabilité, c'est-à-dire les malades. Les informations qui leur sont relatives doivent figurer dans un dossier médical et non dans un dossier judiciaire. J'en appelle moi aussi au cartésianisme du rapporteur.
M. le président. - Amendement n°47, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 13
Après les mots :
de relaxe ou d'acquittement,
insérer les mots :
ou pour les condamnés non inscrits au bulletin n°2 du casier judiciaire
M. Alain Anziani. - Nous voulons enfin exclure du fichier les condamnés non inscrits au bulletin n°2 du casier judiciaire car l'autorité judiciaire a considéré que ces personnes condamnées à des peines légères ne devaient pas être handicapées par leur passé judiciaire et, par exemple, empêchées de postuler à des emplois publics : elles ont droit à l'oubli. A cela, on voudrait opposer un devoir de perpétuité. Pensons à ces jeunes militants condamnés à la suite d'une infraction mineure commise lors d'une manifestation et qui risqueraient de se trouver fichés à cause de leur prétendue dangerosité ! (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°96, présenté par M. Türk.
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La conservation des données concernant les personnes poursuivies ou condamnées pour l'une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru ne peut excéder une période de trente ans.
M. Alex Türk. - Cet amendement tend à fixer une durée maximale de conservation des données, conformément à la règle observée dans tous les pays européens, à la différence des États-Unis. La proposition de loi de M. Détraigne et Mme Escoffier est tout entière animée par le principe du droit à l'oubli ! C'est également une priorité affichée par le secrétariat d'État à l'économie numérique. Je propose donc que nous nous alignions sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Une durée maximale de trente ans ne me paraît pas mettre en cause l'efficacité du fichier.
On assiste aujourd'hui à une multiplication des fichiers. Il est donc nécessaire de les encadrer juridiquement. Il faut aussi donner aux administrations les moyens d'en assurer la maintenance.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - S'agissant de l'amendement n°45, il faut distinguer deux aspects : la consultation des données, surtout pertinente pour les personnes poursuivies, et leur conservation. Or le treizième alinéa de cet article impose l'effacement des données en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Avis défavorable.
Défavorable à l'amendement n°46 rectifié. Ces expertises sont utiles pour mieux connaître la personnalité de l'intéressé. Il n'y a pas lieu d'invoquer le droit à l'oubli quand le contenu du répertoire peut servir la personne concernée !
Défavorable à l'amendement n°47, à défaut de retrait. Casier judiciaire et répertoire n'obéissent pas aux mêmes finalités : le second peut venir en appui de la défense de l'intéressé.
En matière de durée de conservation des données, le législateur a appliqué des règles différentes. Si les durées de conservation pour le fichier national des empreintes génétiques ont été renvoyées au décret, celles visant le fichier des auteurs d'infractions sexuelles sont fixées dans la partie législative du code de procédure pénale. Il est vrai que l'inscription au Fijais est source d'obligations pour la personne, ce qui n'est pas le cas d'une mention au répertoire. La commission s'en remet donc à l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°96.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Le répertoire ne vise que les infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru : meurtres, viols, agressions sexuelles. Il n'est pas question d'y inscrire de simples manifestants !
Toutes les données relatives à des personnes relaxées ou acquittées seront bien évidemment effacées. Mais faut-il interdire l'inscription d'expertises et d'analyses concernant des personnes en attente de jugement ? Une personne peut être poursuivie dans différentes procédures pour viols, par exemple : il serait absurde d'interdire au magistrat instruisant l'une de ces affaires d'accéder aux expertises psychiatriques réalisées dans le cadre d'une autre affaire ! (M. Charles Revet approuve) Défavorable à l'amendement n°45, s'il n'est pas retiré. Idem pour les amendements nos46 et 47 : retrait, sinon rejet.
Monsieur Türk, la durée de conservation des données dans un fichier ne relève pas du domaine de la loi. Nous en reparlerons prochainement. De même que le Parlement ne doit pas se substituer à la Cnil, chacun doit rester dans son rôle : il en va de la lisibilité de la loi.
Sur le fond, votre proposition n'est pas cohérente avec la durée d'inscription des faits criminels au casier judiciaire, qui est de quarante ans. Supposons qu'une personne condamnée à trente ans pour des faits de nature sexuelle récidive une fois libérée : faut-il se priver d'un accès simple et rapide aux expertises réalisées à l'époque, qui pourraient utilement éclairer le juge ? Retrait, sinon rejet : la Cnil sera de toute façon saisie du texte sur les fichiers.
L'amendement n°45 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°46 rectifié et que l'amendement n°47.
M. Alex Türk. - En vertu du principe de proportionnalité, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé raisonnable trente ans pour le Fijais. Dans le cadre réglementaire, il faudra se limiter à trente ans. Si le droit à l'oubli ne peut être le même pour celui qui n'a rien à se reprocher et pour celui qui représente un danger pour la société, des expertises de trente ans d'âge n'auront guère de valeur scientifique... Cela étant, je retire mon amendement.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - La proposition de loi Escoffier-Détraigne, que nous examinerons prochainement, sera l'occasion pour M. Türk d'intervenir afin de fixer une règle générale en la matière.
L'amendement n°96 est retiré.
M. Alain Anziani. - Nous reprenons l'amendement de M. Türk, dont l'argumentation nous a convaincus. Pourquoi attendre quand nous pouvons remédier dès ce soir à cette situation inacceptable ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Bravo !
L'amendement n°96 rectifié est adopté.
(Applaudissements à gauche et au centre)
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 5
Supprimer le mot :
, examens
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Le terme « examens » est trop vaste et crée une ambiguïté sur la nature des documents susceptibles de figurer dans le répertoire.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Il semble en effet suffisant de s'en tenir aux expertises ordonnées dans le cadre de la procédure pénale ainsi qu'aux évaluations telles que celles du Centre national d'observation. Avis favorable.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Dans le code de procédure pénale, le terme « examens » revêt une signification précise. Sa suppression risque d'empêcher le versement au répertoire de données utiles pour des raisons purement formelles. Retrait ? Il faudrait sinon préciser que l'on entend « examens » « au sens du code de procédure pénale »...
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Si l'on entend « examens » au sens large, il faut supprimer tous les autres termes de la liste, car il les englobe ! L'énumération prouve bien que l'on donne ici à « examens » un sens médical.
Soit on supprime toutes les autres mentions, soit on supprime le terme « examens ».
L'amendement n°4 est adopté.
M. le président. - Amendement n°72 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Tropeano et Vall.
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes visées par le présent répertoire disposent d'un droit d'accès aux informations les concernant, et de rectification de celles-ci, notamment lorsqu'une donnée nouvelle permet de modifier l'appréciation de leur situation et de leur dangerosité potentielle.
M. Jacques Mézard. - Toute personne a le droit d'accéder à ses données personnelles. Cela doit être d'autant plus vrai lorsqu'une mesure de sureté a pu être prononcée.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Cet amendement rappelle un principe essentiel déjà posé par la loi Informatique et libertés. Il n'est pas indispensable de le rappeler dans ce projet de loi : avis défavorable.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - La précision figurera dans le décret en Conseil d'État, pris après avis de la Cnil. Je souhaite le retrait.
L'amendement n°72 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°66, présenté par M. Türk.
I. - Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire sont déterminées par décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en application des dispositions des articles 26 et 29 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée.
II. - Alinéa 17
Après le mot :
précise
insérer le mot :
également
M. Alex Türk. - Il s'agit un peu du même problème que précédemment. En commission, ce matin, le rapporteur de la proposition de loi Détraigne-Escoffier m'a demandé de retirer mon amendement, sous le bénéficie qu'il prendrait les initiatives nécessaires pour que l'avis de la Cnil soit publié.
Il vient d'être dit à l'instant qu'il n'était pas nécessaire de rappeler que chacun avait le droit d'accéder à ses données et d'en demander éventuellement la rectification ou la suppression. Il est vrai que la loi de 1978 pose ce principe mais mon amendement faisait référence aux articles 26 et 29 de cette loi : l'article 26 renvoie en effet à la publication et à la motivation et l'article 29 rappelle le droit d'accès.
Ce problème peut en revanche aisément être réglé grâce au décret et c'est pourquoi je retire mon amendement.
L'amendement n°66 est retiré.
M. le président. - Amendement n°48, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
rendu public
M. Charles Gautier. - Cet article crée un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.
Les modalités de recueil, d'accès, d'alimentation, d'effacement, du droit d'accès de la personne concernée ne figuraient pas dans le texte de l'Assemblée nationale et étaient renvoyées à un décret. Il s'agit pourtant de données sensibles comme la santé ou les préférences sexuelles.
Notre commission a réécrit l'article afin de clarifier et de renforcer les garanties en matière de libertés publiques. II est ainsi précisé que les données concernant les personnes ayant bénéficié d'une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement sont immédiatement effacées. En outre, les experts et médecins ne pourront accéder aux données du répertoire qu'au travers de l'autorité judiciaire et non pas directement. Elle a également mieux encadré le cadre d'intervention du pouvoir réglementaire.
Toutefois, nous regrettons que la commission n'ait pas retenu la préconisation de notre collègue Alex Türk qui proposait que l'avis de la Cnil qui doit précéder le décret en Conseil d'État soit rendu public.
M. le président. - Amendement identique n°74 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.
M. Jacques Mézard. - Je fais miennes les observations qui viennent d'être présentées.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Le principe de la publicité des avis de la Cnil fait l'objet d'une proposition de loi présentée par M. Türk. Il n'est pas souhaitable d'anticiper le débat au détour d'un amendement. La commission souhaite entendre le Gouvernement.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - L'article 26 de la loi du 16 janvier 1978 prévoit que l'avis de la Cnil devra être publié. Ces deux amendements sont sans objet et ils devraient être retirés car on ne va pas dire dans la loi qu'il faut respecter la loi !
M. Jean-Pierre Michel. - La loi de 1978 dit que les avis de la Cnil sont publiés chaque année dans un rapport. Mais ici, l'avis doit être rendu public tout de suite, ce qui change tout !
M. Alex Türk. - Lorsque le ministre évoque la publication, il s'agit bien de celle qui concerne le décret spécifique et non pas le rapport.
L'article 26 prévoit la publication et la motivation et c'est bien pour cette raison que je demandais qu'on y fasse référence. Si j'ai retiré mon amendement, c'est parce que j'ai eu l'assurance que cette question serait examinée dans la proposition de loi.
Les amendements identiques nos48 et 74 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°67 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Détraigne, Maurey, Mmes Férat et Morin-Desailly.
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les données concernant les mineurs font l'objet d'une durée de conservation spécifique, inférieure à celle applicable aux majeurs.
M. Jean-Paul Amoudry. - Il convient d'inscrire dans la loi le principe d'une durée de conservation spécifique pour les données relatives aux mineurs, inférieure à celle prévue pour les majeurs.
Cette mesure s'inspire directement de l'article 29 bis de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, dite loi Warsmann, qui modifie l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 afin de préciser que, s'agissant des fichiers liés à la prévention des atteintes à la sécurité publique ou destinés à la réalisation des enquêtes administratives liées à la sécurité publique, les durées de conservation des données relatives aux mineurs doivent être inférieures à celles applicables aux majeurs, sauf à ce que leur enregistrement ait été exclusivement dicté par l'intérêt du mineur.
La distinction entre les données relatives aux majeurs et aux mineurs résulte du principe de proportionnalité, instauré par la loi du 6 janvier 1978. La Cnil, chargée de veiller au respect et à l'application de cette loi, considère que le recueil d'informations relatives aux mineurs doit avoir un caractère exceptionnel et une durée de conservation spécifique.
En référence à ces principes, le projet de décret en Conseil d'État portant création du traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique prévoit des durées de conservation plus courtes pour les mineurs.
Si la proposition de loi Warsmann ne concerne que les fichiers de prévention des atteintes à la sécurité publique et non les fichiers de police judiciaire, il convient néanmoins de rappeler que le cadre réglementaire de certains fichiers de police judiciaire prévoit une différence de durée de conservation. Ainsi, le décret relatif au Stic prévoit que les données seront conservées pendant vingt ans pour les majeurs mais pendant cinq ans pour les mineurs.
Enfin, les articles 3-1 et 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant stipulent que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions des autorités administratives ou des organes législatifs et reconnaissent à tout enfant convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Sur le fond, la détermination d'une durée de conservation spécifique pour les mineurs répond à une préoccupation légitime. Faut-il pour autant poser le principe dans la loi ? La commission souhaite entendre le Gouvernement sur ce point.
Un autre problème se pose du fait de l'adoption de l'amendement de M. Türk qui prévoit que l'adoption des données concernant les personnes poursuivies ou condamnées pour l'une des infractions pour lesquels le suivi socio-judiciaire est encouru ne peut excéder une période de trente ans. Notre collègue Amoudry devrait rectifier son amendement en insérant un alinéa ainsi rédigé : « pour les mineurs, cette durée de conservation ne peut excéder vingt ans ».
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Les fichiers judiciaires ne prévoient pas une durée de conservation moindre pour les mineurs. De même que les condamnations correctionnelles ou criminelles prononcées à l'encontre d'un mineur demeurent au casier judiciaire aussi longtemps que les condamnations prononcées contre un majeur. Il ne s'agit pas des données relevant de la loi du 2 décembre 2009. Ici, nous sommes sur des faits d'une particulière gravité et pour lesquels il n'y a pas de distinctions.
Il y a une certaine logique à ce qu'il n'y ait pas non plus de distinction quand il s'agit d'un répertoire de données qui permettent à un juge de pouvoir porter une appréciation sur la personnalité. Enfin, sur la forme, cette précision relève du décret plus que de la loi.
Pour ces deux raisons, je souhaite le retrait.
M. Jean-Paul Amoudry. - Décider hâtivement de la durée d'inscription n'est pas une bonne solution, je suis prêt à retirer mon amendement si Mme le ministre m'assure que le principe d'une durée plus courte d'inscription pour les mineurs sera retenu dans le décret.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - D'accord pour en discuter, mais je ne saurais prendre d'engagement ici car nous ne devons pas perdre de vue le parallélisme avec le casier judiciaire, qui est plus largement consultable et qui ne distingue pas selon l'âge mais selon les crimes et délits. Le répertoire sera un outil pour le juge, il concernera exclusivement les crimes sexuels, c'est une information dont il peut être très important de tenir compte !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Ce problème est complexe et il ne serait pas très cohérent de prévoir une durée légale d'inscription pour les majeurs, tout en renvoyant au décret pour la durée d'inscription des mineurs.
M. Jean-Paul Amoudry. - Je me réfère au principe de proportionnalité et à la convention internationale sur les droits de l'enfant : ont-ils moins de valeur que les dispositions actuelles régissant le casier judiciaire ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Le registre porte seulement sur les délits sexuels, il n'a rien de stigmatisant et vise à informer le juge, auquel il faut faire confiance !
M. Jean-Paul Amoudry. - Dans ces conditions, je n'insiste pas.
L'amendement n°67 rectifié est retiré.
L'article 5 bis, modifié, est adopté.
Article 5 ter
I. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article 706-47-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes condamnées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 peuvent être soumises à une injonction de soins prononcée soit lors de leur condamnation, dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, conformément aux dispositions de l'article 131-36-4 du code pénal, soit postérieurement à celle-ci, dans le cadre de ce suivi, d'une libération conditionnelle, d'une surveillance judiciaire ou d'une surveillance de sûreté, conformément aux dispositions des articles 706-53-19, 723-30, 723-37, 731-1, 763-3 et 763-8 du présent code, dans les cas et conditions prévus par ces articles.
« L'injonction de soins peut également comprendre un traitement antihormonal prescrit par le médecin traitant conformément aux dispositions de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique.
« Les personnes poursuivies pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 du présent code doivent être soumises, avant tout jugement au fond, à une expertise médicale. L'expert est interrogé sur l'opportunité d'une injonction de soins. » ;
2° L'article 706-53-19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue une méconnaissance par la personne sous surveillance de sûreté des obligations qui lui sont imposées susceptible de justifier son placement en rétention de sûreté, dans les conditions prévues par le troisième alinéa, le fait pour celle-ci de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins. » ;
3° L'article 712-21 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui incombent, pouvant donner lieu, selon les cas, à la délivrance des mandats prévus par l'article 712-17, à la suspension de la mesure d'aménagement prévue par l'article 712-18, à l'incarcération provisoire prévue par l'article 712-19, ou au retrait ou à la révocation de la mesure prévue par l'article 712-20, le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins. » ;
4° Le quatrième alinéa de l'article 717-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce traitement peut être celui prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique. » ;
5° (Supprimé)
6° (Supprimé)
7° L'article 723-29 est ainsi modifié :
a) Le mot : « dix » est remplacé par le mot : « sept » ;
b) Les mots : « ou aux réductions » sont remplacés par les mots : « et aux réductions » ;
8° Après l'article 723-31, il est inséré un article 723-31-1 ainsi rédigé :
« Art. 723-31-1. - La situation de tous les condamnés susceptibles de faire l'objet d'une surveillance judiciaire conformément à l'article 723-29 doit être examinée avant la date prévue pour leur libération.
« Le juge de l'application des peines ou le procureur de la République peut, à cette fin, demander le placement du condamné, pour une durée comprise entre deux et six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et saisir la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.
« Le juge de l'application des peines ou le procureur de la République peut également ordonner que l'expertise prévue par l'article 723-31 soit réalisée par deux experts. » ;
9° (Supprimé)
10° L'article 723-35 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La décision prévue au premier alinéa peut également être prise, après avis du juge de l'application des peines, par la juridiction de jugement en cas de condamnation de la personne placée sous surveillance judiciaire pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru.
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins. » ;
11° (Supprimé)
12° La dernière phrase du dixième alinéa de l'article 729 est ainsi rédigée :
« La personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier d'une libération conditionnelle qu'après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, rendu à la suite d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues et assortie d'une expertise médicale ; s'il s'agit d'un crime pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, cette expertise est réalisée par deux experts et se prononce sur l'opportunité, dans le cadre d'une injonction de soins, du recours à un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido, mentionné à l'article L. 3711-3 du code de la santé publique. » ;
13° Après l'article 732, il est inséré un article 732-1 ainsi rédigé :
« Art. 732-1. - Lorsque la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'un des crimes visés à l'article 706-53-13, et qu'elle a fait l'objet d'une libération conditionnelle avec injonction de soins, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, selon les modalités prévues par l'article 706-53-15, décider de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte la personne, au-delà de la période de libération conditionnelle, en la plaçant sous surveillance de sûreté avec injonction de soins pour une durée de deux ans.
« Le placement sous surveillance de sûreté ne peut être ordonné qu'après expertise médicale constatant que le maintien d'une injonction de soins est indispensable pour prévenir la récidive.
« Les deuxième à cinquième alinéas de l'article 723-37 sont applicables, ainsi que l'article 723-38. » ;
14° Après l'article 723-38, il est inséré un article 723-38-1 ainsi rédigé :
« Art. 723-38-1. - La surveillance judiciaire est suspendue par toute détention intervenant au cours de son exécution et ne découlant pas d'un retrait de tout ou partie de la durée des réductions de peine décidé en application de l'article 723-35, et elle reprend, pour la durée restant à courir, à l'issue de cette suspension. » ;
15° Après le premier alinéa de l'article 733, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins, conformément à l'article 731-1 du présent code. » ;
16° Après le deuxième alinéa de l'article 763-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins. » ;
17° Le dernier alinéa de l'article 763-6 est ainsi rédigé :
« Après avis du procureur de la République, le juge de l'application des peines peut, après audition du condamné et avis du médecin coordonnateur, décider par ordonnance motivée de mettre fin de manière anticipée au suivi socio-judiciaire comportant une injonction de soins, sans qu'il soit nécessaire de saisir la juridiction de jugement, dès lors qu'il apparaît que le reclassement du condamné est acquis et qu'un traitement n'est plus nécessaire. » ;
18° La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 763-7 est ainsi rédigée :
« Si elle ne consent pas à suivre un traitement, cette information est renouvelée au moins une fois tous les ans.
19° L'article 763-8 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable y compris si la personne placée sous suivi socio-judiciaire avait fait l'objet d'une libération conditionnelle. » ;
20° Au deuxième alinéa de l'article 786, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
II. - Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article L. 3711-1, les références : « les articles 131-36-4 et 132-45-1 » sont remplacées par la référence : « l'article 131-36-4 » ;
2° (Supprimé)
III. - (Non modifié) L'article 132-45-1 du code pénal est abrogé.
M. Guy Fischer. - Cet article instrumentalise la médecine, ce que M. About a parfaitement dit dans son rapport pour avis. Les formes sont sauves : vous laissez le condamné libre d'accepter les soins mais en cas de refus, vous prévoyez la rétention de sûreté ! Vous vous conformez là aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme mais certainement pas aux nécessités d'une relation de soins, qui exige une confiance entre le soignant et le soigné. Car cet article entretient l'ambiguïté, en faisant du magistrat un prescripteur de soins. Votre seule priorité, c'est de protéger la société, sans autre considération pour la réinsertion sociale des détenus. Vous concevez l'action thérapeutique comme un acte de contrôle, alors que nous avons besoin d'inventer une relation d'accueil et de soins qui mette tout en oeuvre pour prendre en charge la souffrance et la maladie mentale. N'oublions pas que le manque de moyens a fait condamner la France pour traitement inhumain et dégradant ! Cet article ne va pas améliorer les choses en optant pour le traitement inhibiteur de la libido, nous y reviendrons.
M. Jean-Pierre Michel. - Je veux faire remarquer à Mme le garde des sceaux qu'il existe bien un droit des mineurs, même en matière de casier judiciaire puisque chacun peut demander à faire rayer les faits intervenus du temps de sa minorité, ce qui n'est pas possible pour les actes commis lorsqu'on est majeur !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°49, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cet article généralise le traitement inhibiteur de la libido, autrement dit la castration chimique, et vous avez vous-même utilisé l'expression dans la presse, madame la ministre, au lendemain du meurtre de Milly-la-Forêt. Le Dr Zagury estime qu'un traitement sans consentement est inutile et que les délinquants sexuels sont loin d'être souvent des malades mentaux mais plutôt des individus qui utilisent la sexualité comme une arme pour exprimer une domination, ce qui revient à dire que l'idée de tarir la pulsion à la source est une fausse bonne idée, dans la majeure partie des cas. Qui plus est, le traitement est diversement toléré, il comporte des effets secondaires et son coût n'est pas négligeable, ce qui pose la question de son remboursement par la sécurité sociale, comme cela se fait en Belgique. Cependant, nous ne disposons d'aucune étude d'impact. En tout état de cause, l'obligation de soins est inefficace s'il n'y a pas d'adhésion au traitement.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet article, d'autant qu'il est déjà tout à fait possible de recourir à ces traitements dans le cadre de l'injonction de soins.
M. le président. - Amendement identique n°75 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.
M. Jacques Mézard. - Cet article, introduit par les députés, ajoute 3 articles au code de procédure pénale et il en modifie 17. Il est donc rien moins que négligeable. Il dispose que le refus d'un traitement antihormonal constitue un manquement aux obligations d'un condamné et est de nature à entraîner automatiquement la rétention de sureté. Cela revient à banaliser celle-ci, voire à tenter de contourner la décision du Conseil constitutionnel.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Le traitement inhibiteur ne mérite ni l'excès d'honneur ni l'indignité que lui adressent parfois les uns ou les autres. Tous les médecins auditionnés nous ont tous dit qu'il n'était pas une sanction mais pouvait être un véritable soulagement pour certains patients tourmentés, et donc être utile à certains délinquants sexuels à condition d'être prescrit pour une durée limitée.
De plus, je rassure M. Mézard : il n'y a aucun risque d'automaticité de la sanction. Grâce aux précautions introduites par la commission des lois, le basculement dans la rétention de sûreté dépendrait de la réalisation de l'ensemble des conditions imposées à cette rétention. Avis défavorable.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Même position. Il n'y a pas d'automaticité, loin de là. Et quoi qu'il en soit, l'opportunité de prononcer la sanction dépend toujours du juge et la rétention de sureté n'est qu'une possibilité parmi d'autres. Vous ne pouvez réclamer qu'on fasse confiance au juge et, en même temps, ne pas lui reconnaître sa liberté d'appréciation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Notre méfiance à l'encontre de cet article tient à l'importance qu'a pris le débat, largement médiatisé, à l'Assemblée nationale. Il est vrai que les amendements de la commission des lois ont rendu le texte moins extravagant mais il en ressort tout de même que l'injonction de soins et la « castration chimique » -expression incorrecte mais largement employée par les députés- apparaissent comme la solution miracle. C'est l'injonction, le traitement et, sinon, la rétention de sûreté. Il faut se débarrasser de l'idée simplificatrice qu'il existe une solution miracle et que, si le condamné la refuse, il n'a plus qu'une issue : l'enfermement à vie.
Les amendements identiques nos49 et 75 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°26, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 1 à 11, 24, 26, 27 et 34 à 37
Supprimer ces alinéas.
M. Guy Fischer. - Nous supprimons la totalité des alinéas de cet article relatifs au traitement antihormonal. Avant toute chose, il aurait été plus qu'opportun d'étudier les effets de ce traitement, improprement appelé « castration chimique » -c'était le sens d'un de nos amendements en commission. Avant d'en généraliser l'application, il faut connaitre sa capacité réelle à traiter des problèmes à l'origine de délits sexuels. L'absence d'unanimité des experts à ce sujet nous incite à la plus grande prudence, notamment sur la possibilité de suivre un tel traitement en prison. Nous devons légiférer en connaissance de cause, sans ignorer les effets secondaires qui sont réels et sans attendre d'un traitement chimique qu'il résolve des troubles ayant une origine psychique. Selon certains spécialistes, ce traitement ne pourrait soigner que 5 à10 % des délinquants sexuels !
Nous nous opposons au dispositif proposé, qui permet de préserver de manière factice le principe du consentement aux soins. Plusieurs alinéas disposent que le condamné peut refuser de suivre ou de poursuivre un traitement antihormonal mais que son refus sera considéré comme un manquement à ses obligations. Ainsi, si la personne est sous surveillance de sûreté, elle pourra être placée en rétention de sûreté ; si elle est sous suivi socio-judiciaire, son refus pourra donner lieu à une suspension des mesures d'aménagement de peine ou à une incarcération provisoire. Bref, le consentement aux soins sera biaisé par la volonté de ne pas encourir les sanctions prévues en cas de refus. Or, ce consentement est indispensable pour des raisons médicales car l'efficacité du traitement en dépend. Les rédacteurs de cet article se soucient moins de la réelle capacité de ce traitement à guérir une pathologie médicale que de la possibilité d'empêcher un criminel de passer à l'acte.
Le terme de « castration chimique » choisi pour parler de ce traitement révèle bien la véritable intention des rédacteurs du texte : empêcher la possibilité physique de commettre une infraction sexuelle sans s'attaquer aux causes de ce trouble comportemental. C'est une erreur de traiter les effets et non la cause, en oubliant que ce traitement n'est que temporaire et qu'une fois stoppé, demeureront les troubles psychologiques. Mais peut-être est-ce là le fantasme inavoué de certains législateurs : régler définitivement le problème en castrant aujourd'hui chimiquement mais, demain, physiquement ?
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - La formule adoptée par la commission des lois précise bien que c'est le médecin traitant qui prescrit le traitement antihormonal. Mais on ne sait pas s'il s'agit d'un traitement qui a été prescrit ou qui sera prescrit. Une ambiguïté demeure donc dans la façon dont est formulée la possibilité pour le juge de viser, dans le prononcé de l'injonction ou à l'occasion de celui-ci, le traitement antihormonal pour demander qu'il soit prescrit. Pareille possibilité n'est conforme aux souhaits ni des juges ni des médecins. Dès lors, et puisque cet alinéa n'ajoute rien à l'état du droit si ce n'est une confusion dommageable, il est proposé de le supprimer.
M. le président. - Amendement n°98, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
Alinéa 4
Rédiger comme suit cet alinéa :
« Lorsqu'une injonction de soins est ordonnée, le médecin traitant peut prescrire un traitement inhibiteur de libido conformément aux dispositions de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique. »
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Nous réécrivons l'alinéa pour indiquer sans ambiguïté que, s'il appartient au juge d'ordonner une injonction de soins, le choix d'un traitement inhibiteur de libido relève de la compétence exclusive du médecin traitant.
M. le président. - Sous-amendement n°103 à l'amendement n°98 de M. Lecerf, au nom de la commission des lois, présenté par M. About.
Alinéa 3 de l'amendement n° 98
Supprimer les mots :
conformément aux dispositions de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Il faut supprimer une partie de la nouvelle rédaction.
Cette disposition a été introduite à l'époque où l'indication n'existait pas et pour permettre le remboursement. Les médecins disposent à présent de meilleurs traitements. Enfin, ce n'est que le refus de suivre ou d'observer la prescription qui peut entraîner une dénonciation et justifier d'éventuelles sanctions.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°77 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.
Alinéa 7
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
Peut constituer une méconnaissance...
M. Jacques Mézard. - Nous essayons de ne pas tomber dans un système non pas d'automaticité mais qui aboutirait à des décisions excessives.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 7
Remplacer les mots :
prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique
par les mots :
prescrit par le médecin traitant
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Coordination, de même que les amendements nos7 et 8.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 9
Remplacer les mots :
prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique
par les mots :
prescrit par le médecin traitant
Amendement n°8, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéas 10 et 11
Supprimer ces alinéas.
Amendement n°80 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.
Alinéa 24
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
Peut constituer pour le condamné...
M. Jacques Mézard. - Coordination avec l'amendement n°77 rectifié.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 24
Remplacer les mots :
prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique
par les mots :
prescrit par le médecin traitant
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Coordination, de même que le suivant.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 27
Après les mots :
réalisée par deux experts
supprimer la fin de cet alinéa.
Amendement n°82 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.
Alinéa 35
Rédiger ainsi le début de cet alinéa
Peut constituer pour le condamné....
M. Jacques Mézard. - Même démarche.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 35
Remplacer les mots :
prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique
par les mots :
prescrit par le médecin traitant
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Coordination...
M. le président. - Amendement n°83 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.
Alinéa 37
Rédiger ainsi le début de cet amendement :
Peut constituer pour le condamné...
M. Jacques Mézard. - Amendement de coordination.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
Alinéa 37
Remplacer les mots :
prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique
par les mots :
prescrit par le médecin traitant
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - ...et coordination.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - La commission est défavorable à l'amendement n°26 car le traitement antihormonal n'a pas sa place pendant l'incarcération : cela n'a pas de sens et empêche de mettre en oeuvre ce traitement quand il est utile. Nos amendements ont permis de régler le problème et nous avons prévu que le traitement antihormonal n'est qu'une partie d'un traitement global.
La commission ayant proposé une autre rédaction, elle souhaite le retrait de l'amendement n°5 au profit de son amendement n°98. Elle est défavorable au sous-amendement n°103, compte-tenu de son avis négatif sur l'amendement n°13.
Le texte recherche un équilibre délicat entre obligation et consentement aux soins. La méconnaissance ne contraint jamais le juge à prononcer une mesure : elle ne peut entraîner de placement en rétention que si les autres conditions de celui-ci sont réunies, de sorte que l'amendement n°77 rectifié est quasiment satisfait. Si vous ne le retiriez pas, j'y serais défavorable. Même avis sur les amendements nos80, 82 et 83 rectifiés, de coordination.
Je n'ai pas d'objection à ce que tout refus de soins soit considéré comme une méconnaissance. Avis favorable, donc, à l'amendement n°6 ainsi qu'à l'amendement n°7, qui se situe dans la même logique.
L'amendement n°8 supprime une simple faculté qui peut être intéressante dans la perspective de la libération de la personne et pour favoriser sa réinsertion. Défavorable.
Avis favorable à l'amendement n°9, qui appelle les mêmes observations que tout à l'heure. Avec l'amendement n°10, en revanche, M. About estime que les deux experts n'ont pas à se prononcer sur l'utilité d'un traitement. Nous avons supprimé leur consultation au stade pré-sententiel mais, dans le cas d'une libération très proche que vise l'amendement, leur avis peut être utile -il ne s'agit que d'éclairer l'appréciation du médecin traitant. Retrait, donc, ou avis défavorable.
Avis favorable, enfin, aux amendements de coordination nos11 et 12.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Avis favorable à l'amendement n°98 de M. Lecerf : la rédaction, plus claire, correspond aux objectifs recherchés. Je suis, comme le rapporteur, réservée sur le sous-amendement n°103 car la suppression de ces dispositions pourrait être source d'incompréhension pour les médecins traitants et freiner des prescriptions susceptibles de marcher. Il faut rejoindre les préconisations du comité national d'éthique médicale.
Je m'en remettrai, sur l'amendement n°6 et ceux qui sont de coordination, à la sagesse en soulignant qu'il s'agit de sanctionner le refus de suivre tout traitement.
Il faut rappeler les dispositions de l'article : le fait pour la personne de refuser le traitement antihormonal prescrit dans le cadre d'une injonction constitue une méconnaissance des obligations et peut justifier un placement en rétention, mais il n'y a aucune automaticité. L'amendement n°77 rectifié doit logiquement être retiré ainsi que les amendements de coordination.
Pour le reste, avis défavorable.
L'amendement n°26 n'est pas adopté.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - S'agissant de l'amendement n°5, je n'insiste pas.
L'amendement n°5 est retiré.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Puisque la commission a donné un avis favorable à mes amendements nos6, 7, 9, 11 et 12 auxquels le Gouvernement n'est pas hostile, je considère avoir satisfaction : tous les traitements sont mis sur un pied d'égalité, le médecin aura accès à tout et saura ce qu'il doit faire sans s'attacher à tel ou tel traitement. Supprimer la dernière partie de l'amendement n°98 de la commission serait un message compris des médecins -qui, eux, madame le ministre, sont au fait de la situation- mais non du grand public qui pourrait y voir un recul du Parlement dans la volonté de s'attaquer à toutes ces pathologies en s'interdisant d'utiliser tous les types de traitement. Je m'incline, donc.
Le sous-amendement n°103 est retiré, ainsi que l'amendement n°10.
L'amendement n°98 est adopté.
M. Jacques Mézard. - J'en fais de même pour tous mes amendements.
L'amendement n°77 rectifié est retiré, ainsi que les amendements nos80, 82 et 83 rectifiés.
L'amendement n°6 est adopté, ainsi que l'amendement n°7.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
L'amendement n°9 est adopté, ainsi que les amendements nos11 et 12.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 14 à 16
Supprimer ces alinéas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Abaisser le seuil de peine pouvant donner lieu à un placement sous surveillance judiciaire de dix à sept ans conduirait, selon le rapporteur, à augmenter de 51 % le nombre de personnes pouvant être soumises à cette mesure. Les juridictions, en l'état actuel, peineront à faire face à cet accroissement considérable dont la seule justification est votre volonté d'élargir encore les possibilités de surveillance et de rétention. Il faut prévenir la récidive mais non en cédant à la tentation dangereuse de la combattre par plus d'enfermement et de surveillance. Aucun élément ne prouve que la surveillance judiciaire ne soit pas, actuellement, assez large.
M. le président. - Amendement n°50, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
M. Alain Anziani. - Cet alinéa 15, comme d'autres, pose un problème constitutionnel. Le dispositif de surveillance judiciaire, s'il n'est pas respecté, glissera vers la rétention de sûreté. Or s'il glisse vers la rétention de sûreté, il s'accompagnera de l'application immédiate prévue à l'article 8 ter. Donc, par ce biais, la rétention de sûreté sera d'application immédiate. Dans sa réponse, le rapporteur a souligné la différence entre les dispositions pénales, qui ne peuvent pas être rétroactives si elles sont plus sévères, et celles de la procédure pénale qui ne souffrent même pas la règle. Cela est vrai, si ce n'est un petit détail qui a toute son importance : les dispositions de procédure pénale peuvent également être frappées de non-rétroactivité si elles aggravent la situation de la personne et portent atteinte aux libertés. Nous vous aurons alertés sur cette difficulté !
M. le président. - Amendement identique n°78 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.
M. Jacques Mézard. - Monsieur Lecerf, la diminution « de dix à sept ans du quantum de peine prononcée susceptible de donner lieu à une surveillance judiciaire », peut-on lire dans votre rapport, « ne paraît pas poser de problème de droit ». Je vous ai connu, à juste titre, plus affirmatif ! Vous ne semblez pas convaincu de l'opportunité de cette disposition dont vous notez qu'elle aura pour conséquence inquiétante, d'alourdir « encore la charge des juges de l'application des peines » et « d'accroître de 51 % le nombre de personnes éligibles à la surveillance judiciaire », ce qui impliquera un renforcement des moyens qui leur sont dévolus ». Cette dernière assertion est hypothétique, pour ne pas dire angélique ! En bref, ce n'est pas convaincant, dangereux et a pour but principal de faire plaisir à la majorité des députés en ne faisant pas table rase de tous leurs ajouts !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Fait incontestable : le Conseil constitutionnel considère clairement la surveillance judiciaire comme une modalité d'application de la peine. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, approuve) L'abaissement du quantum de peine prononcée permettant l'application de cette mesure peut donc s'appliquer immédiatement dès lors que la loi le prévoit expressément -tel sera le cas à l'article 8 ter du projet de loi. Je reconnais la pertinence de l'argumentation de M. Anziani. Sans vouloir me lancer dans des prévisions sur l'avis du Conseil constitutionnel, il me semble que la différence est fondamentale entre la modification du quantum prévue pour la surveillance de sûreté et celle prévue pour la surveillance judiciaire. Abaisser de quinze à dix ans le quantum de la peine prononcée permettant le placement sous surveillance de sûreté aboutissait au résultat suivant : des personnes non visées par la loi de 2008 seraient tombées sous le coup de la surveillance de sûreté et, partant, de la rétention de sûreté. Cette disposition posait un problème constitutionnel important ; j'ai même utilisé à son propos l'adjectif de « dirimant ». Il en va autrement de la surveillance judiciaire qui est une modalité de protection de la société, de protection de la personne visée qui relève de la procédure pénale et, de ce fait, n'est pas frappé du principe constitutionnel de non-rétroactivité.
Monsieur Mézard, vous refusez de banaliser un dispositif aussi sévère que celui de la surveillance judiciaire. Pour moi, ce qui est particulièrement sévère, ce sont les nouveaux dispositifs de la surveillance et de la rétention de sûreté de la loi de 2008 que la commission a repris, dans ce texte, en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Avis défavorable à ces trois amendements presque identiques.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - A l'Assemblée nationale, j'avais indiqué mes réserves quant à un abaissement des seuils de la surveillance judicaire et de la surveillance de sûreté. Je me réjouis, d'ailleurs, que la commission soit revenue sur l'abaissement du seuil de la surveillance de sûreté, qui posait de gros problèmes constitutionnels. La diminution du seuil de surveillance judiciaire ne me paraît pas nécessaire et semble plutôt poser problème. Après avoir entendu les arguments du rapporteur, sagesse.
L'amendement n°27 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos50 et n°78 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - La Conférence des Présidents a souhaité que, lorsqu'il n'est pas prévu de séance de nuit, nous levions à 23 h 50. Il ne serait pas possible d'entreprendre pour quatre minutes la discussion des trois amendements qui viennent en discussion commune ; je vais donc lever la séance.
Prochaine séance, demain, jeudi 18 janvier, à 9 h 30.
La séance est levée à 23 h 45.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du jeudi 18 février 2010
Séance publique
A 9 HEURES 30
1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.
Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°257, 2009-2010).
Texte de la commission (n°258, 2009-2010).
Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°279, 2009-2010).
A 15 HEURES ET, ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.