Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité. Je demande à chacun de respecter son temps de parole tout en saluant l'arrivée du Premier ministre dans notre hémicycle ! (Applaudissements nourris à droite)
Lutte contre les délocalisations
M. Jean-Louis Carrère . - Merci de ces applaudissements... (Sourires à gauche) Une fois n'est pas coutume, je remercie le Premier ministre, qui a nommé un médiateur pour le projet de ligne LGV en Aquitaine. Il était temps ! Sur le terrain, certains de vos amis de l'UMP -n'est-ce pas, madame Alliot-Marie ?-, étaient en train de faire dérailler le projet. (Mouvements divers à droite)
En outre, monsieur le Premier ministre, il serait bon de s'adresser aux fonctionnaires, s'agissant de leur mobilité, dans un autre langage que celui du décret qui jette le trouble. On a le droit de ne pas aimer les fonctionnaires (protestations à droite), mais non de les traiter de la sorte !
J'en viens à ma question. Le 5 février dernier, le Président de la République disait que la suppression de la taxe professionnelle permettra de maintenir l'emploi, de garder nos entreprises. Lorsque je vois la situation aujourd'hui chez Renault et chez Total, je m'interroge : cette stratégie n'était-elle pas erronée ? Les décisions de ces grandes entreprises laissent augurer des lendemains très noirs, très difficiles. Quelle politique compte mener le Gouvernement pour éviter de casser le savoir-faire français et répondre positivement aux attentes des familles désespérées ? J'espère que l'on trouvera des solutions. Je crains que la pente que vous suivez, monsieur le Premier ministre, ne soit préjudiciable à l'emploi et à la lutte contre les délocalisations ! (Applaudissements à gauche ; protestations à droite)
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie . - Monsieur Carrère, pourquoi avoir pris deux mauvais exemples...
M. Jacques Mahéas. - Parce que vous êtes mauvais !
M. Christian Estrosi, ministre. - ...pour illustrer votre message ? Voyez la différence avec la période où certain Premier ministre, M. Jospin...
Mme Raymonde Le Texier. - Ça recommence !
M. Christian Estrosi, ministre. - ...atteint du syndrome de Vilvoorde, disait « l'État ne peut pas tout » et, touché par le syndrome de la taxe folle, voulait imposer aux entreprises toujours plus de taxes, toujours plus d'impôts, toujours plus de charges ! Résultat, l'investissement compétitif, la création d'emplois, la lutte contre les délocalisations, tout cela a été bloqué ! (Brouhaha à gauche)
Mme Raymonde Le Texier. - Ridicule !
M. Christian Estrosi, ministre. - Vous avez pris l'exemple de Renault et Total. Pour la production de la Clio IV, le volume français et une part du volume européen se fera à Flins. Voilà le volontarisme du Gouvernement ! Cette décision a été actée par le président de Renault. Pour Total, nous avons obtenu qu'aucun emploi ne soit supprimé à la raffinerie des Flandres sans plan de substitution. Avec EDF, grâce à un terminal méthanier, il y aura peut-être une solution. Nous avons obtenu l'engagement de Total qu'il ne toucherait pas à un seul emploi. Voilà l'attitude volontariste du Gouvernement dans sa stratégie industrielle.
Grâce à la suppression de la taxe professionnelle, les entreprises vont économiser 12 milliards en 2010. Vous vous êtes opposés à cette mesure de lutte contre les délocalisations, comme vous vous êtes opposés à l'assouplissement des 35 heures pour renforcer la compétitivité de nos entreprises. Quand je rencontrerai un de mes homologues socialiste européen je vous demanderai de m'accompagner pour que vous rencontriez un socialiste raisonnable ! (Applaudissements à droite)
Logement social
Mme Odette Terrade . - Monsieur le secrétaire d'État chargé du logement, à rebours du budget voté il y a seulement deux mois, vous annoncez fièrement la construction de 140 000 logements...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Avec quel argent ?
Mme Odette Terrade. - ...quand il en faudrait 900 000 d'après le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre. Nous craignons que ces annonces ne soient pas suivies d'effet, à l'instar du Dalo...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Un échec total !
Mme Odette Terrade. - un droit purement déclaratoire. De fait, comment croire que vous infléchirez votre politique quand vous déploriez il y a quelques jours que les loyers sociaux soient aussi bas ? Est-ce à dire que vous poursuivrez dans la voie des expulsions locatives et de la répression de l'action des mal logés ? Comment vous croire lorsque vous poussez les offices HLM à la fois à brader leur patrimoine et à acheter des logements vacants ? Comment vous croire quand vous n'avez eu de cesse de remettre en question la loi SRU ? Ce sont bien vos amis, monsieur le ministre, qui refusent de construire des HLM à Neuilly et ailleurs ! quand l'État met un euro dans le logement social, il met le triple dans les exonérations fiscales pour le logement spéculatif ! La réalité, c'est un désengagement massif de l'État et le secteur du logement livré aux appétits financiers ! (Exclamations à droite) Quand plus de 600 000 enfants sont les victimes collatérales du mal logement, ce qui compromet l'avenir de notre pays, nous ne pouvons pas accepter ce brouillage de chiffres à quelques semaines des élections !
Mme Christiane Hummel. - La question !
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Odette Terrade. - Ma question est simple. (Exclamations à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cela vous gêne qu'on parle du logement !
Mme Odette Terrade. - Quand allez-vous, enfin, déclarer la politique du logement grande cause nationale et la doter de manière pérenne d'au moins 2 % du PIB ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme . Je vais affirmer quelques vérités, après toutes ces contre-vérités. (Exclamations à gauche)
M. Paul Raoult. - Et le rapport de la fondation Abbé Pierre ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Le budget du logement social augmente de 7 %.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous l'avez diminué de moitié !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Vous ne considérez que l'aide à la pierre, qui ne représente que 5 % de l'aide de l'État au logement social. Vous oubliez les 2 milliards de TVA. Quand ce sont les restaurateurs qui bénéficient de la baisse de la TVA, vous dites que c'est une dépense de l'État : c'est aussi le cas ici. Il y a aussi 1 milliard d'exonération de taxe foncière, 1 milliard d'aide pour le circuit et 624 millions d'aide à la personne. Au total, avec les 5 milliards d'APL, on dépasse les 10 milliards d'aide au logement social quand les exonérations que vous dénoncez ne représentent que 360 millions.
En 2009, nous avons mis en chantier 120 000 logements sociaux et il y en aura 140 000 en 2010, contre 40 000 en 2001. La voilà, la vérité !
La vente de logements HLM ? Oui, les locataires de logements HLM ont aussi le droit de devenir propriétaires ! (Vifs applaudissements à droite)
M. David Assouline. - C'est lamentable !
Mme Éliane Assassi. - De l'argent pour le logement !
Boursiers en grande école
M. Serge Dassault . - Le chef de l'État a annoncé à l'université de Saclay que les grandes écoles, tout comme les facultés de droit et de médecine, devront accueillir 30 % d'étudiants boursiers. Je m'en félicite, même si cet objectif ne devrait pas être ainsi limité : il faut que les grandes écoles accueillent tous les jeunes compétents et motivés dont on n'a aucune raison de se priver. Je suis opposé aux quotas : ils pourraient diminuer le niveau de compétence exigé.
Le niveau de revenus retenu pour que soient accordées des bourses est trop bas. Il faudrait le relever au moins jusqu'à 45 000 euros pour permettre le financement des études de tous les enfants susceptibles, par leurs capacités, d'intégrer les grandes écoles.
En outre, le montant des bourses versées doit être suffisant pour répondre à leurs besoins réels...
M. René-Pierre Signé. - M. Dassault s'intéresse aux pauvres...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La question ! La question !
M. Serge Dassault. - ...tant durant la préparation que lorsqu'ils auront intégré une école ou une université, en considérant le coût des études, le transport, le logement. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Le chiffre de 30 % correspond simplement à la proportion des boursiers dans l'enseignement supérieur. Nous l'avons retenu comme objectif mais ce n'est pas un maximum. Ce n'est pas non plus un quota, qui serait une discrimination à rebours, c'est une politique volontariste.
Elle est fondée sur un pilier pédagogique, avec une charte d'égalité des chances, la généralisation de l'apprentissage dans les grandes écoles, des stages de tutorat dans les lycées, l'ouverture de 100 classes préparatoires technologiques.
Nous accordons déjà plus de bourses, pour un montant plus élevé. Nous avons remonté le seuil de 27 à 32 000 euros, ce qui représente 80 000 boursiers supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs UMP) En outre, nous avons relevé de 6,5 % depuis trois ans le montant de toutes les bourses et du double celles des 100 000 étudiants les moins favorisés. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Décentralisation
M. Jean-Michel Baylet . - Monsieur le Premier ministre, nous allons sans doute achever aujourd'hui l'examen du projet de loi sur les collectivités territoriales, cette nuit probablement, à l'heure des mauvais coups. (Exclamations à droite ; applaudissements à gauche) Je tiens à répéter...
M. Dominique Braye. - Vous n'êtes jamais là !
M. Jean-Michel Baylet. - ...combien de telles initiatives sont dangereuses pour la République. Après l'affaire de la taxe professionnelle, pourquoi cet acharnement contre les collectivités territoriales, monsieur le Premier ministre ? Pourquoi avoir ouvert le funeste débat sur l'identité nationale, si c'est pour vous en prendre à ce fondement de l'identité républicaine que sont nos communes et nos départements ? Vous connaissez pourtant leur rôle irremplaçable et vous les asphyxiez financièrement !
M. Dominique Braye. - Que ne vous a-t-on entendu avant !
M. Jean-Michel Baylet. - Vous compliquez notre tissu institutionnel et distendez la relation entre élus locaux et citoyens. C'est attenter à la démocratie ! Allez-vous poursuivre dans cette voie de démantèlement de la décentralisation ? Allez-vous mener jusqu'au bout ces projets scélérats ? Si vous y tenez vraiment, consultez au moins les Français par référendum ! (Applaudissements à gauche)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales . - Nous débattons de cette réforme dans cette assemblée depuis trois semaines : je suis heureux de vous entendre aujourd'hui, monsieur Baylet... (Applaudissements nourris à droite)
M. Dominique Braye. - On ne l'a jamais vu !
M. Jean-Michel Baylet. - C'est faux ! Je suis intervenu trois fois à la tribune !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Nous avons discuté de ce projet pendant des dizaines d'heures, auxquelles s'ajoutent les débats préalables en commission et l'examen de la loi sur la concomitance du renouvellement des mandats, qui constitue le premier étage du dispositif. Une très large concertation a eu lieu durant plus d'un an avec les partenaires concernés et les grandes associations d'élus. Elle se poursuit aujourd'hui.
Cette réforme renforce la commune, cellule de base de notre démocratie, qui doit s'appuyer sur une intercommunalité forte. Au congrès de l'Assemblée des communautés de France, présidée par le maire de Rennes, Daniel Delaveau, nous avons voté tous ensemble les motions de cette assemblée... (M. Dominique Braye le confirme ; applaudissements à droite)
M. Jean-Louis Carrère. - Tous ensemble, tous ensemble !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Nous poursuivrons la discussion ce soir et j'espère, à cette occasion, pouvoir dialoguer avec vous, monsieur Baylet. (Applaudissements à droite et au centre)
Adoption des enfants haïtiens
Mme Catherine Morin-Desailly . - Je salue la réactivité dont le Gouvernement français a fait preuve face à l'ampleur du drame vécu par les Haïtiens depuis le 12 janvier. Néanmoins, je me fais l'écho de l'angoisse des adoptants, qui souhaitent accueillir au plus vite leurs enfants. Dans le respect des règles juridiques et des procédures en vigueur, ces familles désirent que leur démarche aboutisse le plus rapidement possible. Déjà 914 d'entre elles bénéficient d'un jugement, et 323 enfants ont pu gagner la France.
L'actualité nous rappelle la nécessité de veiller au respect des procédures afin de lutter contre les adoptions illégales et autres trafics d'enfants. L'Unicef soutient la position française sur ce point. La collaboration avec les autorités haïtiennes est indispensable pour empêcher que le malheur de ce pays ne se transforme en aubaine pour des candidats à l'adoption peu scrupuleux.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer comment la commission mixte franco-haïtienne de suivi des procédures sera composée et quand elle sera mise en place ? Quelles réponses les élus peuvent-ils apporter aux parents inquiets de la lenteur des démarches ? Quelles autres dispositions pouvons-nous envisager ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - Il faut respecter les procédures, mais c'est d'autant plus difficile que l'administration haïtienne est aujourd'hui quasi inexistante, nombre de fonctionnaires ayant péri dans la catastrophe. L'ambassadeur chargé de l'adoption internationale s'est rendu sur place pour proposer la création de ce comité de suivi. Les ONG compétentes et les instances françaises sont prêtes à intervenir dès que nous aurons obtenu l'accord de l'État haïtien. Nous avons effectivement pu d'ores et déjà rapatrier 323 enfants.
Des ravisseurs d'enfants profitent du désordre qui a suivi le séisme. Certains ont été arrêtés, mais des bateaux accostent spécialement sur l'île dans ce but. Un dispositif de signalement a été prévu pour les crèches, et les hôpitaux doivent notifier la présence d'enfants auprès de l'Unicef, qui centralise les informations.
Nous travaillons nuit et jour pour pouvoir accueillir d'autres enfants, mais nous ne pouvons les arracher à leur histoire et à leurs souvenirs, et devons nous assurer qu'ils sont bien orphelins. Tous les ministères concernés participent à un centre de crise, des gendarmes rendent visite aux enfants avec les agences des Nations unies. (Applaudissements à droite et au centre)
Indépendance du Parquet
M. Jean-Pierre Sueur . - L'actualité nous montre que la dépendance du Parquet vis-à-vis du pouvoir exécutif nuit à la sérénité de la justice. La Cour européenne des droits de l'homme a, dans un arrêt du 10 juillet 2008, considéré que les procureurs et le Parquet français ne pouvaient être considérés, selon sa jurisprudence, comme des autorités judiciaires. Madame le garde des sceaux, compte tenu de la position de cette Cour, maintenez-vous le projet de loi qui supprime le juge d'instruction et qui accroît les prérogatives du Parquet ? Vous engagez-vous à ne pas donner d'instructions au Parquet lorsque certains sujets particuliers seront soumis à la justice ?
Enfin souscrivez-vous à l'idée que les nominations et les promotions des magistrats du Parquet ne devraient pas relever de la Chancellerie mais seulement du Conseil supérieur de la magistrature, afin que l'exécutif n'ait aucune influence, directe ou indirecte, sur la carrière de ces magistrats ?
Merci de nous répondre sur ces questions si importantes pour l'indépendance de notre justice. (Applaudissements à gauche).
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés . - Il faudrait plus de deux minutes et demie pour répondre à l'ensemble de vos questions. Je ne pourrai donc que vous donner quelques indications.
Sur l'indépendance du Parquet : l'arrêt de la Cour européenne en date du 10 juillet 2008 portait sur un cas particulier et il n'a pas fixé de règle générale. Inutile, donc, de lui faire dire plus qu'il ne dit.
Prétendre que le projet de réforme du code pénal ne vise qu'à supprimer le juge d'instruction est faux. Son remplacement par un juge de l'enquête et des libertés n'est qu'un élément d'une réforme globale qui vise aussi à renforcer les droits de la défense et des victimes. Dans les enquêtes qu'ils traitent -seulement 3 % du total-, les juges d'instruction sont en même temps juge et partie. Est-ce équitable ? Je ne le pense pas.
Il est donc prévu que le Parquet fasse toutes les enquêtes -et non plus seulement 97 % d'entre elles-, cela sous le contrôle d'un juge des enquêtes et des libertés, un magistrat du siège qui aura toutes les compétences du juge d'instruction.
Les instructions particulières ? C'est la loi qui m'en donne le droit. Je ne vous ai pas entendu protester contre les instructions que j'ai données dans l'affaire Fofana, ni lorsque j'ai demandé de regrouper tous les dossiers relatifs à la catastrophe des Comores. Je suis là dans mon rôle de ministre de la justice. (Applaudissements à droite)
Sur les nominations : même -et surtout- dans le système actuel, nous avons besoin d'une réforme de la procédure pénale. Mais ce n'est pas une raison pour réformer le statut du Parquet. (Applaudissements à droite)
Déficit public
M. Jean-Pierre Fourcade . - Le 28 janvier s'est tenue au palais de l'Élysée la première session de la conférence sur le déficit. Nous nous félicitons que le retour à l'équilibre de nos finances publiques soit au centre des préoccupations du Président de la République et du Gouvernement. (Rires à gauche) C'est un enjeu essentiel pour alléger le fardeau de la dette, préserver la capacité de notre pays à emprunter à des taux bas et assurer la stabilité de l'euro.
J'ai noté, madame la ministre, votre volonté de mieux évaluer l'efficacité des niches fiscales et sociales mais je souhaiterais que l'on s'intéresse aussi aux remboursements et aux dégrèvements de l'État qui atteignent près de 100 milliards et se caractérisent par une grande opacité. Je souhaiterais aussi savoir si vous êtes plutôt favorable à un écrêtement général de ces niches ou à une réduction sélective, en fonction de leur efficacité.
Ma deuxième question porte sur les dépenses des collectivités territoriales. (Exclamations à gauche) Nous regrettons que les représentants des départements et des régions n'aient pas répondu présents à ce rendez vous. La question de la réduction du déficit public est une question d'intérêt national qui doit dépasser les clivages politiques. (Approbations à droite)
M. Didier Boulaud. - Rendez-nous la taxe professionnelle !
M. Jean-Pierre Fourcade. - A l'instar de l'État et de la sécurité sociale, les collectivités territoriales doivent prendre leur part dans cet effort collectif, mais à la condition que l'on tienne compte de leurs spécificités et notamment de leur obligation de voter un budget en équilibre. A cet égard, j'ai noté avec intérêt qu'un groupe de travail sur la maîtrise des dépenses locales sera chargé de mesurer l'impact des normes imposées par l'État. C'est pour nous essentiel car nous n'accepterons aucun jugement sur les dépenses des collectivités territoriales tant qu'une évaluation précise et complète n'aura pas été faite des dépenses contraintes qui leur sont imposées, soit par la loi, soit par le règlement. Cela concerne aussi bien les nouvelles normes techniques que certaines compétences transférées dans le cadre de réformes antérieures, comme par exemple l'allocation personnalisée d'autonomie. Une plus grande maîtrise des dépenses des collectivités territoriales ne sera possible que si elle s'accompagne en parallèle d'une réduction des dépenses contraintes que leur imposent les pouvoirs publics. C'est la condition indispensable d'un dialogue équilibré entre l'État et les élus locaux.
Je souhaiterais connaître votre position sur ces deux points. Une conférence sur les déficits est un bon point de départ qui honore votre Gouvernement. (Applaudissements à droite)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi . - Merci de partager avec le Gouvernement tout entier le souci des déficits publics, question essentielle pour retrouver le chemin de la croissance. Le Président de la République a en effet organisé une conférence où tous étaient conviés : les représentants de l'État, du Parlement -certains sénateurs étaient présents et je rends particulièrement hommage à l'active participation de MM Arthuis et Marini-, et des maires de France. Malheureusement, les représentants des départements et des régions n'étaient pas là.
Un groupe de travail a été formé pour étudier l'évolution des dépenses locales, à la croissance trop dynamique. Pour la conférence d'avril il lui faudra établir un diagnostic, sans aucun tabou -on traitera des transferts de compétences. (« Très bien ! » à droite). La question des normes devra aussi être examinée...
M. Didier Boulaud. - On croit rêver...
Mme Christine Lagarde, ministre. - ...comme l'ont souligné beaucoup de sénateurs et notamment M. Longuet. Enfin il faudra s'engager dans la voie de la réduction des dépenses.
Sur les niches fiscales et sociales, le Président de la République a été très clair : elles doivent être évaluées et, pour celles d'entre elles qui n'auraient plus ni intérêt ni effet, réduites. Ce sujet sera à l'ordre du jour de la conférence d'avril. (Applaudissements à droite)
M. Thierry Repentin . - Les conclusions du rapport annuel de la fondation Abbé Pierre sont incontestables : un des besoins fondamentaux de nos concitoyens est mis à mal, celui de vivre en sécurité dans un logement décent qu'on a les moyens de payer. On pouvait croire que vous aviez entendu cet appel de détresse, monsieur le ministre du logement. Mais vous n'avez fait qu'aligner des millions à la manière d'un joueur de poker qui bluffe avec talent pour épater ses adversaires. Les 4,7 millions annoncés ne sont que la compilation de mesures anciennes, elles-mêmes insuffisantes. Surtout si on les compare aux 5 milliards que coûte à l'État la déduction des intérêts d'emprunt de la loi Tepa, qui n'ont produit aucun logement vendable. Voilà une vraie niche, monsieur Fourcade !
Vous vous félicitez de la forte progression des allocations logement ; mais c'est comme si le ministre du travail se félicitait de celle des allocations chômage ! Les unes et les autres sont la conséquence de la mauvaise situation économique du pays. Il n'y a pas de quoi s'en réjouir. Dans toutes ces fausses bonnes nouvelles, rien qui permette la construction de logements sociaux supplémentaires. La fondation Abbé Pierre a raison : le logement n'est pas une priorité du Gouvernement. Et les bons chiffres de 2009 ne sont pas le fait du soutien de l'État -les aides à la pierre sont passées de 800 millions en 2008 à 450 en 2009. La construction sociale est le fruit de l'effort de la Nation, de l'effort des ménages au travers du Livret A et de son taux ridiculement bas, de l'effort des opérateurs et surtout des collectivités territoriales. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes)
L'argent ne manque pas dans les caisses de l'État (exclamations à droite) : pensez aux cadeaux fiscaux ! Tout est affaire de choix ! Allez-vous utiliser cet argent pour répondre aux besoins de nos concitoyens ? Quand rétablirez-vous une politique du logement à la hauteur des attentes des 1 300 000 Français en attente d'un toit ? (Applaudissements à gauche)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme . - Oui, le logement, et plus particulièrement le logement social, est une priorité du Gouvernement !
M. Jacques Mahéas. - Qu'est-ce que ce serait, sinon !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Les dépenses de l'État ne se résument pas aux aides à la pierre, vous avez oublié les dépenses fiscales au titre de la TVA -2 milliards- ou des exonérations de taxe foncière. Nous avons besoin de davantage de logements ; et nous en construisons ! (On le nie vivement sur les bancs socialistes) Tous les records ont été battus en 2009 ! Le gouvernement Jospin, en 2000, avait financé 40 000 logement sociaux ; nous en finançons 120 000 ! (Applaudissements à droite)
M. Didier Boulaud. - Qu'a fait le gouvernement Raffarin ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - La ville de Paris finance avec l'État 6 000 logements, 4 000 nouveaux et 2 000 déjà occupés. Le Gouvernement a choisi d'acheter des logements vacants, ce qui n'a pas le même effet ! C'est ensemble, État et collectivités territoriales, que nous devons élaborer la politique du logement.
M. David Assouline. - Personne ne vous croit !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Le Gouvernement y est prêt. (Applaudissements à droite)
M. André Trillard . - En octobre dernier, le groupe de la gauche de l'Association des départements de France a mis à la disposition de ses élus responsables de départements un plan de communication destiné à contrer deux des réformes indispensables, difficiles et courageuses auxquelles le Gouvernement s'est attelé : la suppression de la taxe professionnelle...
M. René-Pierre Signé. - Très profitable aux collectivités !
M. André Trillard. - ...et la réforme territoriale. Meilleur élève de la classe, le département de Loire-Atlantique, que j'ai l'honneur de représenter, s'est lancé dans cette entreprise avec un enthousiasme et un déploiement de moyens confondants : un magazine du conseil général, sous couverture noire, titrant « Danger sur le service public local », des encarts dans la presse, une pétition « Mon département, j'y tiens » que chacun peut envoyer sans la timbrer, un site internet, des courriers aux élus locaux et aux associations prétendant que demain, plus aucun financement ne sera possible. Autant d'actions financées par les départements, donc les contribuables. On peut même lire, sur les bus du Val-d'Oise, ce slogan « Sans le conseil général, ce bus risque de disparaître ». (Sur les bancs socialistes, on juge le slogan bienvenu)
M. Dominique Braye. - Démagogie !
M. André Trillard. - Coïncidence : cette campagne doit s'arrêter trois semaines avant les élections régionales.
M. David Assouline. - Parlez-nous du budget de communication de l'Élysée !
M. André Trillard. - Lorsqu'un exécutif départemental utilise de l'argent public pour critiquer le Gouvernement sur des sujets qui seront au coeur de la prochaine campagne électorale, ne peut-on parler de financement de campagne déguisé ? Lorsque le message est que l'État est la cause de l'explosion des impôts locaux, ne peut-on parler de désinformation ? Lorsqu'on annonce la fin de la décentralisation, n'est-ce pas de l'intimidation ?
Je prends date au nom de tous ceux qui partagent mon indignation. Je vous pose la question, monsieur le ministre : peut-on utiliser sans limite les moyens des collectivités locales à ces fins ? (Applaudissements à droite)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales . - Je regrette comme vous que certains responsables utilisent les moyens de leur collectivité à des fins partisanes. (Protestations à gauche) Dans la plupart des cas, il s'agit plus de désinformation que d'information. (Marques d'approbation à droite) Le recours à des fonds publics est d'autant plus condamnable en période électorale, et peut constituer une violation de la législation sur les comptes de campagne. Il y a danger pour ceux qui se livrent à ce jeu.
Les chambres régionales des comptes ont toujours la possibilité, si elles sont saisies, de contrôler que l'argent public est utilisé par chaque collectivité pour l'exercice des compétences et missions que la loi lui confère. Les dépenses électorales font d'autre part l'objet d'un contrôle par la commission nationale des comptes de campagne, qui est une autorité administrative indépendante.
Elle a aussi le pouvoir de faire annuler l'élection en cas de manquement à la législation. Des propositions ont été faites contre ces dérives ; le Gouvernement est ouvert.
C'est ici, comme nous le faisons depuis trois semaines, qu'est le vrai débat, c'est au Parlement qu'est la vraie démocratie. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
Autoroute A 831
M. Bruno Retailleau . - La crise a profondément changé la donne et réévalué le rôle de l'État. Dans une situation difficile, le Gouvernement a apporté rapidement de bonnes réponses. Beaucoup de territoires ont souffert, frappés par les fermetures et les pertes d'emplois : Fontenay-le-Comte a ainsi perdu 700 emplois. L'État et les collectivités se sont mobilisés, mais on ne peut envisager un développement s'il n'est pas soutenu par des infrastructures modernes. Le projet d'autoroute A 831 nous tient à coeur, qui relierait la Vendée et la Charente-Maritime, mais aussi le nord et le sud. Ces 60 kilomètres constituent le maillon manquant de l'autoroute des estuaires entre Dunkerque et Bayonne. Voilà quinze ans que nous attendons le début de la réalisation d'un projet qui fait très largement consensus, qui est financièrement bouclé grâce aux collectivités locales et qui a été déclaré d'utilité publique. Tous les recours ont été rejetés l'un après l'autre et, sur le plan écologique, la Commission européenne et le Conseil d'État ont jugé qu'il respectait le Marais poitevin.
Toutefois M. Borloo a demandé de nouvelles études à la LPO. S'agit-il de vérifier l'exemplarité écologique du projet ou de contredire ce qui a été autorisé ? Une association, même reconnue d'utilité publique, ne peut remettre en cause la décision du Conseil d'État. Il ne faut pas démobiliser les collectivités locales ! (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme . - Je vous prie d'excuser M. Borloo, en déplacement à l'étranger. Le projet d'A 831 répond d'abord à une obligation de sécurité routière. Le trajet Fontenay-le-Comte-Rochefort est emprunté quotidiennement par 15 000 véhicules dans sa partie nord et 40 000 entre La Rochelle et Rochefort. Cependant il traverse le Marais poitevin et celui de Rochefort : le respect des espaces naturels doit être exemplaire -vous savez combien nous sommes attentifs à la biodiversité. Dès 2002, de nombreuses mesures ont été décidées pour limiter l'impact environnemental ; il a été confirmé que le projet n'aurait pas d'effet dommageable et la Commission européenne a classé sans suite la procédure précontentieuse. Cette autoroute doit s'intégrer dans la reconquête du marais et être l'occasion de transformer de nouveaux terrains en zone humide. L'étude de la LPO...
M. René-Pierre Signé. - Une question du mardi matin !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - ...doit aboutir en 2010. Nous sommes favorables à ce projet sous réserve du respect de l'environnement. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
La séance est suspendue à 15 h 55.
présidence de M. Roger Romani,vice-président
La séance reprend à 16 h 10.