Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Audition en application de l'article 13
Application de l'article 68 de la Constitution
Gendarmerie nationale (Question orale avec débat)
Campagne de vaccination contre la grippe A
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports
Soldats français en Afghanistan
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes
Promotion sociale par l'éducation
M. François Fillon, Premier ministre
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes
Lutte contre les délocalisations
M. Christian Estrosi, ministre de l'industrie
Prévention de la violence chez les jeunes
Mesures de lutte contre la violence à l'école
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
Maisons d'assistants maternels
Délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre
Accompagnement d'une personne en fin de vie (Suite)
Discussion des articles (Suite)
SÉANCE
du jeudi 14 janvier 2010
58e séance de la session ordinaire 2009-2010
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Jean-Pierre Godefroy.
La séance est ouverte à 9 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Audition en application de l'article 13
M. le président. - J'informe le Sénat que M. le Premier ministre, par lettre en date du 13 janvier 2010, a estimé souhaitable, sans attendre l'adoption des règles organiques qui permettront la mise en oeuvre de l'article 13 de la Constitution, de mettre la commission intéressée en mesure d'auditionner, si elle le souhaite, M. Alain Grimfeld, qui pourrait être prochainement renouvelé dans ses fonctions de président du Comité national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
Acte est donné de cette communication. Ce courrier est transmis à la commission des affaires sociales.
Application de l'article 68 de la Constitution
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant application de l'article 68 de la Constitution.
Discussion générale
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. - Cette proposition de loi organique du groupe socialiste vise à compléter l'article 68 de la Constitution, corollaire de l'article 67 relatif au statut juridictionnel du chef de l'État. Les dispositions de ces deux articles résultent de la loi constitutionnelle du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution, largement inspirée du rapport de la commission de réflexion sur le statut pénal du Président de la République, présidée par le professeur Pierre Avril.
La proposition de loi organique qui vous est soumise, et que j'ai rédigée au nom du groupe socialiste, éclairé par l'expertise de Robert Badinter, a pour objectif de combler une lacune, celle du dernier alinéa de l'article 68, qui renvoie à une loi organique les conditions d'application de la procédure de destitution du Président de la République « en cas de manquement grave à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ».
Le Gouvernement, pour l'application de cet article 68, n'a toujours pas pris d'initiative. Le président Hyest, en sa qualité de rapporteur, souligne que le texte que j'ai l'honneur de vous présenter « apporte les éléments complémentaires nécessaires à la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article 68 de la Constitution », et je l'en remercie. Je l'ai voulu comme « l'application de la Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution ». Il décrit les conditions de dépôt et d'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution portant réunion de la Haute Cour et les modalités de la procédure d'examen, de débat et de vote de ladite proposition.
Les principes de la révision du titre IX de la Constitution sont issus des travaux de la commission présidée par le professeur Pierre Avril, nommé par le Président Jacques Chirac en 2002. C'est, à peu de chose près, le texte de cette commission Avril qui avait été déposé au Parlement et débattu en 2006 et 2007.
Concernant le régime de la responsabilité du Président de la République, un principe simple avait été retenu : ce qui relève du politique doit être évalué dans un cadre politique, ce qui engage la responsabilité personnelle du titulaire de la fonction doit être jugé par les voies juridictionnelles ordinaires.
Ainsi, cette réforme constitutionnelle a précisé le statut juridictionnel du chef de l'État à l'article 67, en préservant le principe d'irresponsabilité du Président de la République pour les actes accomplis en qualité de chef de l'État. A l'article 68, elle a introduit dans notre Constitution une procédure de destitution en cas de manquement manifestement incompatible avec l'exercice de ses fonctions. La formulation retenue pour cet article 68 visait à marquer sans ambiguïté que la destitution n'avait pas pour objet de mettre en cause la responsabilité pénale du Président de la République. Le législateur a entendu instituer une procédure politique, estimant que l'atteinte à une institution issue du suffrage universel ne peut être appréciée que par le représentant du peuple souverain. Le Parlement, constitué en Haute Cour, ne peut donc se prononcer sur la qualification pénale de ce manquement mais seulement sur l'atteinte à la dignité de la fonction. Cette possibilité de destitution est donc une procédure dépénalisée. Pour la Haute Cour, il ne s'agit pas de se substituer à la justice afin de juger le chef de l'État mais de se prononcer sur la capacité de ce dernier à poursuivre son mandat, compte tenu des manquements qui lui sont reprochés. Siégeant en Haute Cour, les parlementaires ne deviennent pas des juges politiques mais des représentants prenant une décision politique afin de préserver les intérêts supérieurs de la Nation.
Aujourd'hui, le chef de l'État bénéficie d'une double protection : l'irresponsabilité, pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions, et l'inviolabilité, qui le protège des poursuites judiciaires pendant la durée de son mandat. Cette double protection ne doit pas faire obstacle à la mise en cause de la responsabilité du Président de la République dans l'hypothèse où il se montrerait indigne de sa fonction. Or, en l'absence de loi organique, l'irresponsabilité du chef de l'État reste totale, fonctionnement anormal qui porte atteinte à l'équilibre et à la sérénité de nos institutions.
Le Président de la République ne peut avoir tous les droits, sans aucune contrepartie ; ceux de ses prérogatives constitutionnelles et ceux qu'il prétend exercer comme tout justiciable, comme celui d'être partie civile, alors que l'article 67 interdit toute réciprocité pour la partie adversaire. On en a eu récemment l'exemple...
Le transitoire ne saurait devenir la règle. Près de trois ans après l'adoption de la réforme constitutionnelle, alors que le Président en exercice a dépassé la mi-mandat, il est plus que temps de remédier à cette situation.
Vous connaissez les critiques de fond de l'opposition, notamment du groupe socialiste du Sénat, sur cette révision constitutionnelle. Depuis, la loi a été votée : il faut donc qu'elle s'applique.
Lors du débat parlementaire, le problème avait été soulevé du risque de voir utiliser cette procédure à des fins politiciennes. Dans le texte initial du Gouvernement, le principe de la majorité absolue, nécessaire à la réunion de la Haute Cour et au déclenchement de la procédure de destitution, pouvait de fait entraîner un usage abusif de cette nouvelle procédure par des majorités parlementaires de circonstance. Aussi, pour garantir la stabilité de la fonction présidentielle, c'est un amendement socialiste, de M. André Valini, qui a introduit la règle de la majorité des deux tiers, au lieu de la majorité absolue, pour « les décisions prises en application par les membres de l'assemblée concernée ou la Haute Cour ». Vous vous en étiez félicité, monsieur le président de la commission des lois, estimant que la majorité des deux tiers offrait « les garanties nécessaires » à la mise en oeuvre de cette procédure d'exception et que ce renforcement éviterait « un détournement à des fins partisanes ».
Cela ne suffirait donc plus aujourd'hui ? Sinon, pourquoi le rapporteur demanderait-il le renvoi en commission ? Car ce n'est pas ici le nombre de signataires requis pour le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour qui pose problème. Sur le conseil de Robert Badinter, je l'ai calqué sur le modèle de la saisine du Conseil constitutionnel. Vous auriez pu proposer de l'amender, nous en aurions débattu. Ce n'est pas non plus la composition du Bureau de la Haute Cour ou la possibilité du Président de la République de se faire représenter.
La vraie question est la suivante : pourquoi et comment les garanties contre une hypothétique dérive politicienne votées hier par la majorité sont-elles devenues insuffisantes aujourd'hui ? Qu'est-ce qui a changé en trois ans ?
La Constitution est notre loi commune. Faut-il prendre en compte, et défendre, une manière d'exercice du pouvoir par le Président de la République actuel, qui induirait une nouvelle interprétation de l'équilibre institutionnel, ce « jeu des équilibres délicats » que vous mentionnez dans votre rapport ?
Cet exercice du pouvoir justifie-t-il la nécessité que vous mentionnez d'appliquer un filtre à l'exercice de la procédure inscrite à l'article 68, en restreignant le nombre de résolutions de ce type susceptibles d'être déposées au cours d'un mandat présidentiel.
Vous rappelez dans votre rapport que cette condition avait été évoquée par la commission Avril qu'un membre du Parlement ne puisse être signataire que d'une seule proposition de réunion de la Haute Cour au cours du même mandat présidentiel. Mais elle n'a pas été introduite dans le texte présenté à l'époque par le Gouvernement et la majorité parlementaire ne s'en était pas autrement inquiétée. Ce filtre sur les conditions de recevabilité de cette procédure, qui n'a pas été prévu par le texte constitutionnel, traduit-il l'intention initiale du législateur ?
Pourquoi craindre aujourd'hui plus qu'hier un usage de cet article pour exercer une forme de censure du Président de la République ?
Pourtant, la procédure de destitution de l'article 68, dont nous parlons, possible dans le cas d'une véritable crise de fonctionnement institutionnel, se distingue clairement de la motion de censure, qui s'inscrit dans le cadre normal du régime parlementaire. La destitution sanctionne le comportement d'une personne, quand la censure vise une autorité collégiale, le Gouvernement, et sanctionne sa politique.
Même sur ce point, informée des intentions du Gouvernement, la commission des lois avait la possibilité et la liberté de présenter aujourd'hui un texte amendé dans ce sens.
Le Parlement est dans son rôle lorsqu'il élabore un texte organique mettant en oeuvre une procédure qui ne dépend que de lui. Tous les groupes politiques de la Haute assemblée peuvent contribuer à cette proposition de loi dont les principes ne sont en rien propres au groupe socialiste. Rendre applicable une disposition constitutionnelle susceptible de concerner tout Président de la République consoliderait utilement nos institutions. C'est pourquoi nous proposons une transcription stricte, à même de susciter l'adhésion de la majorité. Refuser d'en débattre revient à politiser notre loi commune, donc à la fragiliser, ce que je regrette. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois. - Ainsi qu'il vient d'être rappelé, l'article 68 de la Constitution organise la destitution du Président de la République « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ». Avant la révision constitutionnelle du 23 février 2007, il était question de « haute trahison », une notion juridiquement incompréhensible, d'ailleurs jamais appliquée.
J'ai rapporté la loi constitutionnelle du 23 février 2007, largement inspirée par le rapport de la commission sur le statut pénal du Président de la République présidée par le professeur Pierre Avril. Le dernier alinéa de l'article 68 confie à une loi organique le soin de déterminer les conditions de la destitution. Le Gouvernement n'ayant déposé à ce jour aucun projet de loi en ce sens, la commission observe que la présente proposition tend à combler une lacune juridique manifeste, même si elle vise des situations de crise sans précédent sous la Ve République. A ce propos, il ne faut pas oublier la tentative individuelle d'un parlementaire bien connu par l'auteur de la proposition de loi, qui aurait voulu destituer le Président de la République pour des motifs politiciens, mais, il faut le rappeler, n'a jamais obtenu le nombre de signatures nécessaires...
Le dispositif proposé est très détaillé, mais je suis personnellement très réservé face à la reprise de dispositions constitutionnelles dans la loi organique. Il reste qu'au-delà des mécanismes procéduraux, la proposition met en jeu des équilibres institutionnels, ce qui mérite une réflexion approfondie. D'ailleurs, l'élaboration d'une loi organique prend en général beaucoup de temps. Celles issues de la dernière révision constitutionnelle n'échappent pas à cette règle.
Je souhaite maintenant attirer votre attention sur trois points.
Le nombre de signataires tout d'abord : il faudrait 60 députés ou 60 sénateurs selon la proposition de loi, soit, comme nous sommes deux fois moins nombreux, une proportion plus grande de sénateurs que de députés. Le rapport de la commission Avril recommandait qu'une proposition de résolution soit signée par un dixième des membres de l'assemblée concernée, conformément aux anciennes dispositions des règlements parlementaires applicables à la mise en accusation devant la Haute cour de justice.
On peut au demeurant se demander si cette condition de nombre suffit à éviter un usage abusif de la procédure. La commission Avril suggérait qu'un parlementaire ne puisse signer qu'une seule proposition au cours d'un même mandat présidentiel : « Si la motion initiale n'aboutit pas mais que des circonstances ultérieures justifient une nouvelle proposition de réunion, celle-ci restera possible, à condition d'être signée par d'autres que ceux qui avaient pris la première initiative infructueuse. » Faut-il introduire d'autres mécanismes, comme le filtre du Bureau statuant à l'unanimité ?
Deuxième sujet de réflexion : la composition et le rôle du Bureau de la Haute cour.
Tout d'abord, le constituer par la réunion des Bureaux des deux assemblées conduirait à une composition pléthorique de 48 personnes, peu adaptée à son rôle décisionnel. Mais surtout, les décisions du Bureau devraient-elles être prises au cas par cas ou faire l'objet d'un règlement ? Certains professeurs de droit que j'ai réussi à consulter malgré la brièveté des délais penchent pour un règlement avant la mise en oeuvre de la procédure ; d'autres ne jugent pas opportun de le faire, sur le modèle du règlement du Congrès, élaboré en décembre 1963 par son Bureau et soumis au Conseil constitutionnel, le Congrès étant assimilé à une assemblée parlementaire au sens de l'article 61 de la Constitution.
Le troisième sujet de réflexion porte sur la représentation du Président de la République devant la Haute Cour. La notion de représentant est préférable à celle de conseil utilisée dans la proposition de loi, car la procédure n'est pas judiciaire.
Ces quelques thèmes importants n'épuisent pas ce sujet, sur lequel notre réflexion doit encore mûrir. Au demeurant, le Gouvernement a fait savoir qu'un projet de loi organique appliquant l'article 68 de la Constitution serait bientôt présenté au Parlement.
Je remercie donc les auteurs de la proposition de loi, tout en estimant nécessaire de connaître le texte annoncé. Il nous a semblé que nous serions mieux éclairés en comparant les rédactions, notamment pour les aspects les plus complexes de la destitution.
En tout état de cause, quatre heures ne suffisent pas à nous prononcer sur un pareil sujet. Souhaitant examiner simultanément les deux textes, votre commission propose d'adopter une motion tendant au renvoi en commission de la proposition de loi organique, sous réserve que le Gouvernement dépose son projet de loi dans des délais raisonnables. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. - La révision constitutionnelle du 23 février 2007 a clarifié le statut pénal du chef de l'État, tout en respectant les principes en vigueur.
Aux termes de la norme suprême, le Président de la République veille au respect de la Constitution ; il assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l'État ; il est garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. Clef de voûte de nos institutions, le Président de la République doit assurer « un arbitrage national qui fasse valoir la continuité au milieu des combinaisons », selon la formule du général de Gaulle, à laquelle nous sommes tous attachés.
L'irresponsabilité pénale du chef de l'État découle de ces considérations. Elle apparaît dans la plupart des démocraties contemporaines.
Parce que le Président de la République participe directement à l'exercice de la souveraineté, il doit exercer son mandat en toute indépendance. Parce qu'il doit être soustrait aux intimidations qui l'empêcheraient de remplir sa fonction, les procédures judiciaires de droit commun sont suspendues pendant son mandat.
Toutefois, l'immunité du Président de la République n'a pas de caractère absolu. Tout d'abord, étant attachée à une fonction et non à un homme, elle ne dure que le temps du mandat. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu pendant cette période, mais la protection cesse avec la fin de la fonction présidentielle.
En outre, une procédure de destitution peut intervenir « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat. » Cette rédaction est plus claire que la notion de « haute trahison », retenue pour des raisons historiques évidentes, en référence à la guerre. Mais l'expression en vigueur met aussi en lumière le caractère exceptionnel de la procédure.
A juste titre, la présente proposition de loi tend à rendre applicable l'article 68 de la Constitution, car aucun texte organique n'a, en effet, été adopté depuis l'adoption du nouvel article. Il est vrai qu'un travail législatif intense nous a occupés pour des sujets d'application plus quotidienne, alors que la mise en cause du chef de l'État n'a pu être envisagée qu'à titre exceptionnel depuis le début de la Ve République.
La démarche des auteurs de la proposition de loi traduit une certaine impatience, que je peux comprendre, mais qui ne doit pas nous conduire à légiférer dans la précipitation -ce que l'opposition reproche souvent au Gouvernement... Nous sommes un peu à fronts renversés... mais nous devons prendre le temps de la réflexion, surtout s'il s'agit de nos institutions. Le consensus doit être recherché.
La proposition de loi trace des pistes intéressantes mais elle ne me semble pas suffisamment nous prémunir contre le risque de dénaturation de l'esprit des dispositions constitutionnelles. Ce texte modifie la portée de la procédure de présentation du chef de l'État devant la Haute Cour, procédure qui doit rester l'exception. C'est autant une exigence constitutionnelle qu'une nécessité institutionnelle. Il y va de la stabilité du fonctionnement de l'État. L'encadrement juridique de la proposition de résolution doit donc répondre à ce caractère d'exception. Or les conditions de recevabilité me paraissent encore insuffisantes. La motivation sera certes toujours respectée mais le nombre de signataires requis, soit 60 députés ou sénateurs, est celui imposé pour la saisine du Conseil constitutionnel, saisine qui n'a aujourd'hui rien d'exceptionnel, qui est même presque de règle pour les textes de loi. La gravité de la démarche exige que ce nombre soit plus élevé, sauf à admettre que le contrôle de recevabilité ne jouera pas son nécessaire rôle de filtre.
La procédure de l'article 68 ne doit pas devenir une sorte de procédure de droit commun ; sa banalisation modifierait la portée du texte constitutionnel et trahirait la volonté du constituant. La mise en cause du chef de l'État doit viser des cas véritablement exceptionnels et ne doit pas pouvoir être instrumentalisée à des fins partisanes. On ne saurait en faire une tribune contre le Président de la République du moment. Notre vie politique, je le déplore, est faite aujourd'hui de communication ; le seul déclenchement d'une procédure peut avoir un impact important, sur la stabilité de nos institutions comme sur la scène internationale. Le Président de la République n'est pas responsable devant le Parlement ; si la procédure a pour résultat de le conduire à rendre des comptes devant les Assemblées, la cohérence de nos institutions est altérée et le risque existe d'une crise institutionnelle -alors que notre société a plus que jamais besoin de stabilité. Souvenons-nous en outre de ce qui s'est passé par exemple aux États-Unis : la seule mise en oeuvre de la procédure a eu un écho international, elle a affaibli et le président et son pays.
Tout en reconnaissant que les choses ont peut-être trop tardé, je crois que la réflexion sur la procédure de l'article 68 et ses conséquences sur l'équilibre de nos institutions mérite d'être approfondie en commun, de façon non polémique. Je propose que nous poursuivions nos discussions sur le fondement du texte auquel travaille actuellement le Gouvernement et que je présenterai au cours du premier semestre. Nous devrons aboutir à un juste équilibre entre le respect de notre Constitution et la nécessaire effectivité du mécanisme de l'article 68. En attendant, le Gouvernement suit la proposition du président Hyest et souhaite le renvoi en commission. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Bel. - La réforme du statut pénal du chef de l'État, pourtant présentée comme une urgente nécessité lors de la campagne présidentielle de 2002, n'a toujours pas vu le jour. La motion de renvoi en commission montre, s'il en était besoin, la pertinence de l'initiative de MM. Patriat et Badinter -initiative qui a sans doute stimulé les ardeurs du Gouvernement puisqu'il nous annonce un projet de loi organique. Lorsqu'il sera déposé, nous pourrons en comparer les dispositions avec celles que nous proposons. Mais le dépôt d'un texte ne suffit pas, encore faut-il qu'il soit débattu. L'encombrement de l'ordre du jour parlementaire, auquel nos nouvelles méthodes de travail n'ont rien changé, fait craindre que nous ne devions attendre encore longtemps.
L'absence de loi organique paralyse la volonté du constituant. Le statut du chef de l'État reste bancal, comme en suspens ; très protecteur, il n'est pas équilibré par la procédure de destitution -je ne peux croire que cela soit volontaire. Que deviennent les droits de l'opposition si toutes nos initiatives, même les moins polémiques, sont élégamment mais systématiquement écartées ?
Rien n'empêche le Sénat d'examiner notre proposition, de prendre position dès aujourd'hui, sans attendre le feu vert du Gouvernement. L'attitude passive qu'il semble privilégier contredit la notion même d'initiative parlementaire. Si vous voulez que le Sénat existe davantage dans le paysage institutionnel, il faut de temps en temps faire preuve d'un peu d'audace ! Les initiatives parlementaires de M. Copé sont davantage prises en considération...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Pas toujours !
M. Jean-Pierre Bel. - ...même lorsqu'elles semblent émaner d'un important cabinet d'avocats.
Le Congrès du 19 février 2007 a définitivement adopté une révision de la Constitution précisant le statut pénal du chef de l'État. Nous ne l'avons pas votée, invoquant alors des motifs sérieux. Ils se confirment aujourd'hui, en raison de la conception très particulière qu'a le chef de l'État de son privilège pénal. Cette conception pose un problème juridique grave et constitue une atteinte à l'État de droit. Lors de la réforme du statut pénal, nous avions estimé que l'inviolabilité générale pour tous les actes accomplis pendant ou avant le mandat présidentiel était excessive, car elle englobait tous les actes de la vie ordinaire. Cela n'a rien à voir avec la responsabilité qu'a le Président de la République d'incarner l'unité nationale, madame la ministre. Le Président est le chef de l'État, mais il demeure un citoyen soumis au principe d'égalité de tous devant la loi, qui fait partie de notre héritage républicain.
Nous avions également estimé que la procédure de destitution était un acte politique et non judiciaire, puisque le motif de la destitution n'est pas précisé. Comme le Sénat n'est pas élu au suffrage universel direct et ne peut être dissout, seule l'Assemblée nationale pouvait selon nous mettre en jeu cette responsabilité politique.
Enfin, nous avions fait remarquer que, même destitué, le Président de la République pouvait continuer à siéger au Conseil constitutionnel. Notre proposition de suppression de cette disposition baroque n'a pas été retenue. Ces trois raisons avaient motivé notre abstention.
Le texte que François Patriat vient de présenter au nom du groupe socialiste aujourd'hui se contente de préciser les conditions de dépôt et d'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution portant réunion de la Haute Cour et les modalités de la procédure d'examen, de débat et de vote de cette proposition. Cette initiative parlementaire nous paraît cependant particulièrement opportune alors que la pratique présidentielle depuis 2007 a substantiellement modifié l'équilibre que le constituant avait recherché avec la réforme du statut pénal du chef de l'État et qui tentait d'équilibrer immunité et destitution. Mais l'immunité était trop large, et la destitution, une arme trop facile en cas de cohabitation avec une majorité sénatoriale jusqu'à ce jour immuable. Or, la réforme du statut pénal du chef de l'État a bien donné naissance, comme l'a dit M. Frimat à cette tribune le 7 février 2007, « à des situations invraisemblables qui priveraient de manière choquante, pour une période de cinq ou dix ans, et peut-être davantage, des citoyens du droit de réclamer à la justice le respect des droits les plus élémentaires concernant leur personne ou leurs biens du simple fait que le Président serait concerné ».
Je ne souhaite pas polémiquer, mais nul n'est besoin d'insister sur les changements de style et de contenu de la fonction présidentielle. Vous avez regretté, madame la ministre, la trop grande importance de la communication dans la vie publique. Mais l'hyperprésidence de M. Sarkozy est également marquée par une hyperexposition de sa vie personnelle. Or, lorsque la frontière entre vie privée et vie publique est aussi volontairement brouillée, les risques de dérapage augmentent. C'est ce qui est arrivé. Le chef de l'État, qui a choisi d'exposer sa vie privée, a multiplié les procès. Ainsi en a-t-il été lors de la publicité faite par une compagnie aérienne pour laquelle l'épouse du chef de l'État a obtenu 60 000 euros de dédommagements, puis lors de la publication d'un éventuel SMS. Dans cette affaire, pour la première fois depuis bien longtemps, un Président de la République a déposé une plainte au pénal contre un organe de presse. Cette plainte a d'ailleurs été retirée après les excuses publiques du journaliste. Multiplier les procès pour protéger sa vie privée n'est pas anodin lorsque l'on a les relations que l'on sait avec les patrons de presse et surtout lorsque l'on dispose d'un statut juridique intouchable.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Je croyais que l'on était hors polémique !
M. Jean-Pierre Bel. - Je ne vois pas pourquoi, dans cette assemblée, on n'aborderait pas certains sujets traités par les médias !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous discutons de la Haute Cour, pas d'autre chose !
M. Jean-Pierre Bel. - Un ancien premier ministre, M. de Villepin, a noté une rupture du principe du procès équitable, « le Président jouissant par sa fonction d'une immunité pendant son mandat ».
M. Patrice Gélard. - Oh là là !
M. Jean-Pierre Bel. - Peut être ne fallait-il pas en parler, mais ces faits ont été repris à de multiples reprises dans la presse.
On voit donc bien que le Président de la République peut attaquer en justice qui il veut mais qu'il ne peut être attaqué. Le problème n'est pas de savoir si le chef de l'État ne dispose pas de moins de droits que tout justiciable mais bien de remédier au déséquilibre qui résulte de ses initiatives procédurales, lorsqu'il s'invite dans un procès qui ne peut être équitable puisque l'une des parties jouit d'une immunité et d'une inviolabilité constitutionnelles et générales.
En contrepartie de ces privilèges, il serait bon que le chef de l'État s'abstienne d'intervenir dans les procès qui le concernent en tant que citoyen.
Nos réserves et nos critiques lors de la discussion de la réforme constitutionnelle de 2007 étaient donc fondées. Cette réforme est allée trop loin sur le plan de l'immunité, qui se traduit par une impunité excessive. Ce n'est pas une raison pour refuser de mettre en application l'autre volet de la révision constitutionnelle : la procédure de destitution. La décision que va rendre le Sénat sur le sort de notre initiative parlementaire risque de marquer l'enterrement d'une loi organique pourtant voulue par le constituant en 2007 alors que le chef de l'État doit veiller au respect de la Constitution. Aucune raison ne s'oppose à l'examen aujourd'hui de cette initiative parlementaire qui ne fait que remédier à la carence du Gouvernement. C'est pourquoi notre groupe s'opposera à la motion de renvoi en commission et vous demande de débattre de cette proposition de loi organique. Si cette motion devait être adoptée, avant que la commission ne se saisisse de nouveau de ce texte, je demanderais au Président du Sénat de saisir le Conseil d'État en application de l'article 39 de la Constitution afin qu'il donne un avis éclairé à notre assemblée. Il y a un précédent. Cela permettrait de clarifier des points essentiels sur un sujet sensible. C'est important pour nous, mais aussi pour l'idée que les Françaises et les Français se font de l'équité entre citoyens et de la démocratie dans notre République. (Applaudissements à gauche)
Mme Anne-Marie Escoffier. - Cette proposition de loi vient opportunément combler un espace législatif laissé vacant par le Gouvernement depuis la révision constitutionnelle du 23 février 2007. Le régime de responsabilité du Président de la République avait alors été modifié et une loi organique aurait dû en fixer les nouvelles modalités d'application. Je ne veux imputer qu'à la complexité du dispositif à mettre en oeuvre ce vide juridique évident.
Avant cette révision, l'irresponsabilité du Président ne pouvait être invoquée qu'en raison d'actes rattachables à sa fonction et tombant sous le coup de haute trahison. La Haute Cour de justice, qui ne s'est d'ailleurs jamais réunie, constituée de magistrats professionnels et de douze parlementaires, devait juger le Président de la République. Le Conseil Constitutionnel et la Cour de cassation ayant des interprétations différentes de cette procédure, le constituant a révisé les modalités de mise en oeuvre de la destitution du Président de la République. Le nouvel article 67 reprend les principes traditionnels d'irresponsabilité et d'inviolabilité ainsi que celui de suspension de la prescription introduit en 2001. L'article 68 écarte la notion de haute trahison pour lui substituer celle de « manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat », notion cependant tout aussi floue que la première. Le Parlement est désormais érigé en Haute Cour appelée à se prononcer sur la destitution du chef de l'État à la majorité des deux tiers de ses membres. Une loi organique devait préciser la nature de l'immunité pénale, civile et administrative du Président ainsi que la notion de manquement.
Cette proposition de loi comporte cinq articles : le premier prévoit que la proposition de résolution tendant à demander la réunion de la Haute Cour doit être signée par 60 députés ou sénateurs. L'article 2 fixe les délais requis pour apprécier la recevabilité de la proposition de résolution et pour l'examiner. Il prévoit que son adoption doit être approuvée à la majorité des deux tiers des membres de chacune des deux assemblées. L'article 3 fixe la composition et les pouvoirs de la Haute Cour. L'article 4 fixe la composition et les pouvoirs d'une commission qui autorise le Président de la République à être entendu. Le dernier article arrête les modalités d'exercice des pouvoirs de la Haute Cour.
Cette proposition de loi s'est largement inspirée du rapport de la commission présidée par M. Pierre Avril et remis au Président de la République le 12 décembre 2002 qui avait demandé une réflexion sur le statut pénal du chef de l'État. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas pris l'initiative de déposer un projet de loi organique dans des délais convenables et c'est pourquoi nous approuvons cette proposition de loi, même si son ambition reste limitée.
Ces interrogations montrent l'intérêt qu'aurait un débat approfondi.
Aiguillonné par cette proposition de loi, le Gouvernement se dit prêt à présenter « très vite », dans les six mois, un projet de loi organique. C'est vague : mieux vaudrait arrêter un délai contraignant. La commission des lois a déposé une motion de renvoi en commission pour examiner ensemble ces deux textes.
Le groupe RDSE salue le bien-fondé de l'initiative socialiste car l'absence de texte organique, en empêchant toute procédure de destitution, contredit l'intention même du constituant. Attaché au respect absolu des principes qui fondent notre République et la Constitution, mon groupe s'abstiendra tant sur la proposition de loi organique que sur la motion de renvoi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous reprenons -nous devrions reprendre si la motion de renvoi ne nous en empêchait pas- la discussion engagée ici en février 2007 sur une question particulièrement sensible, la responsabilité pénale du chef de l'État. Curieusement, une disposition clé de la réforme constitutionnelle, la procédure de destitution prévue par l'article 68 « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat », est inopérante puisqu'aucun projet de loi organique permettant sa mise en oeuvre par le Parlement n'a été présenté par le Gouvernement. Cette absence de volonté de donner au Parlement un droit de contrôle sur le comportement pénal du chef de l'État est tout un symbole... Le renforcement du régime présidentiel organisé par Nicolas Sarkozy, concrétisé par la révision constitutionnelle de juillet 2008 et par sa pratique quotidienne, ne s'accorde guère avec l'instauration d'une forme d'impeachment à la française. Je pense que l'idée même d'une convocation par un Parlement constitué en Haute Cour ne plaît guère à celui qui a obligé le Parlement, réuni en Congrès selon son bon vouloir, à l'écouter sans aucune réplique possible. Ce Président de la République, on ne le rappellera jamais assez, est en même temps chef du Gouvernement, chef de la majorité parlementaire, chef du premier parti de la majorité et il nomme les hauts responsables des médias et de la justice... Il a modifié et modifie chaque jour encore l'équilibre institutionnel pour favoriser plus encore qu'un régime présidentiel -qui exige des contre-pouvoirs- un pouvoir personnel de type néo-bonapartiste.
Le débat de 2007 apparaît donc à la fois bien proche et bien lointain. Car nous sommes en train de changer de régime. Nous ne nous opposerions pas à cette proposition de loi si la majorité, protectrice du pouvoir exécutif, n'occultait pas le débat en proposant une motion de renvoi en commission sine die. (M. le rapporteur le conteste) Mais l'heure va venir où le Parlement devra se saisir de son propre devenir, s'interroger sur son rôle et sa place dans nos institutions et proposer puis voter un vrai rééquilibrage entre les pouvoirs exécutif et législatif...
Nous avions exposé en 2007 que, en dehors des actes commis par le Président dans le cadre de ses fonctions, un seul principe devait prévaloir : le Président est un citoyen et à ce titre, il est redevable de ses actes devant les tribunaux de droit commun, y compris au cours de son mandat. Ce n'était pas une position provocatrice puisque nous rejoignions là une tradition de la doctrine constitutionnelle française, symbolisée par l'éminent professeur Léon Duguit qui, évoquant, en 1924, l'article 6 de la Constitution de 1875, indiquait : « Le Président n'est responsable que dans le cas de haute trahison (...) On s'est demandé quelquefois si cette formule excluait la responsabilité du Président pour les infractions de droit commun. Évidemment, non. Dans un pays démocratique et d'égalité comme le nôtre, il n'y a pas un citoyen, quel qu'il soit, qui puisse être soustrait à l'application de la loi ni échapper à la responsabilité pénale ». M. Foyer, ancien garde des sceaux, l'un des pères de cet article 68 dont nous discutons, rappelait, en s'opposant au Conseil constitutionnel, que le Président de la République devrait être considéré sur le plan pénal comme un simple citoyen.
Aujourd'hui, le Président est irresponsable ad vitam aeternam pour les actes commis dans le cadre de ses fonctions et pour le reste, il faudra attendre la fin de son mandat. Or, nous le savons tous, une instruction engagée cinq ans ou dix ans après les faits perd beaucoup de ses moyens. Nous avions défendu en 2007 une position claire qui reprenait une idée portée par l'Assemblée nationale en 2001 : les tribunaux communs sont compétents pour les actes commis par le Président de la République comme citoyen ordinaire et pendant l'exercice de son mandat, qu'il s'agisse d'un divorce, d'un accident de la circulation ou pire... Cela préservait le principe de la suprématie des pouvoirs et le principe -qui ne souffre aucune exception- de l'égalité des citoyens devant la loi. Une telle modification de la Constitution serait d'autant plus opportune que l'actuel Président multiplie, lui, les procédures judiciaires, y compris contre des insultes proférées à son égard, alors que l'inverse n'est pas possible et que chacun a en tête des occasions qui auraient permis à un simple citoyen de saisir la justice. La Cour de Versailles venant de déclarer que le Président « est une victime comme une autre », il devrait, en matière de droit commun, être un justiciable comme un autre...
Comment ne pas être frustré devant les limites posées au débat d'aujourd'hui alors que c'est l'ensemble de la fonction présidentielle qui est à revoir ? Nous voterons contre le renvoi en commission, car le débat doit avoir lieu, et nous nous serions abstenus sur la proposition de loi.
Mme Catherine Troendle. - Cette proposition de loi, loin de n'aborder que des questions procédurales, a un réel impact sur la stabilité institutionnelle de notre pays. Or, cette stabilité doit faire l'objet d'une réflexion à laquelle nous souhaitons que le Gouvernement soit associé parce que cela intéresse tout autant le Parlement que l'exécutif.
Nous soutenons la position du rapporteur qui a relevé les nombreuses lacunes de cette proposition de loi. Son article premier prévoit qu'une proposition de réunion de la Haute Cour doit être déposée par 60 députés ou 60 sénateurs et doit être motivée. Cela n'est pas suffisant pour interdire un usage abusif des propositions de résolution. Tant la commission Avril que le professeur Guy Carcassonne ont suggéré une troisième condition de recevabilité, qui devrait faire l'objet d'une réflexion approfondie.
L'article 2 dispose que le rejet éventuel de la proposition de résolution par l'une des deux assemblées mettrait un terme à l'initiative. Dans ce cas, ne faut-il pas étudier plutôt la possibilité d'une navette ?
L'article 3 prévoit de réunir les Bureaux des deux assemblées pour composer celui de la Haute Cour, qui compterait alors 48 personnes. C'est bien trop au regard du rôle que les auteurs de la proposition de loi entendent lui confier. De plus, ils ne paraissent pas avoir suffisamment approfondi la réflexion sur le processus de prise de décision du Bureau, puisque leur proposition de loi ne tranche pas entre le cas par cas ou le règlement. Ici encore, nous soutenons la position du rapporteur tendant à ce que cette question essentielle des règles applicables devant la Haute Cour soit débattue dans le cadre de la commission.
Alors que les vice-présidents des deux assemblées doivent concourir à la composition de la commission ad hoc, l'article 4 n'a pas tenu compte du fait que le Sénat en a huit et l'Assemblée nationale seulement six.
Enfin, l'intervention d'un représentant du chef de l'État devant la commission ad hoc n'a pas été envisagée et, surtout, la notion de « conseil », employée à l'article 5, ne nous paraît pas pertinente du fait de sa proximité avec celle d'avocat. Nous préférons la neutralité du terme de « représentant », qui ne comporte aucune connotation judiciaire.
Le groupe UMP soutient la motion de renvoi en commission, dans l'attente de la présentation d'un projet de loi organique que nous regrettons d'attendre depuis un an. Madame la garde des sceaux, vous nous l'annoncez pour le second semestre de cette année. Le premier aurait été préférable... Mais au regard des nombreuses lacunes du texte qui nous est présenté et parce que nous voulons associer le Gouvernement à la réflexion, nous voterons la motion. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Michel. - Les exposés de M. Hyest et de Mme la garde des sceaux m'ont paru un peu théoriques, alors que l'actualité récente jette une lumière crue sur le statut constitutionnel du chef de l'État. Un ancien Président de la République renvoyé en correctionnelle pour abus de confiance et détournement de fonds publics...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur - Des faits antérieurs à son mandat présidentiel.
M. Jean-Pierre Michel. - Un Président en exercice rompant avec la tradition de la Ve République et se portant partie civile tous azimuts, contre Ryanair qui prenait une photo de lui avec l'une de ses compagnes, contre un fabricant de tee-shirts, contre l'ancien directeur des RG, contre le rédacteur en chef du Nouvel Observateur, etc. Et jusqu'à une affaire où la dimension politique est manifeste. Je souligne que le chef de l'État ne porte pas plainte, comme l'a dit M. Bel, mais se porte partie civile.
M. Jean-Pierre Bel. - Exact.
M. Jean-Pierre Michel. - Il engage ainsi l'action publique concurremment avec le Parquet, sur lequel il a aussi des pouvoirs pour déclencher la procédure. Ce déséquilibre est inquiétant. Tout ceci est très complexe mais la révision constitutionnelle de 2007, dans un climat passionnel, n'a rien clarifié. Ce fut une très mauvaise révision, à tous points de vue. Le Président de la République n'est plus un justiciable comme un autre ; le statut est d'autant plus déséquilibré que la procédure de destitution, qui devait compenser les choses, n'a pas été élaborée. Vous n'êtes pas personnellement en cause, madame la garde des sceaux, car vous avez pris ces fonctions il y a quelques mois à peine et la révision date de trois ans. Néanmoins, reconnaissez qu'il y a rupture d'égalité des armes et que la garantie d'un procès équitable disparaît. Le statut actuel du Président de la République est contraire à la convention des droits de l'homme. Il rompt avec l'unité de temps de la justice. Comment prétendre qu'une procédure portant sur des faits vieux de vingt ans se déroule dans un délai raisonnable ? Il est vrai que l'intéressé, dans ce cas, refusait de déférer aux convocations du juge d'instruction.
Je suis l'un des parlementaires signataires que vous avez stigmatisés, monsieur Hyest, et je m'en flatte car si l'ancien Président était condamné, il serait inéligible pour cinq ans mais pourrait continuer à siéger au Conseil constitutionnel et être juge de l'élection des parlementaires ! Une réforme est indispensable, les anciens Présidents de la République ne sauraient être membres du Conseil constitutionnel. Tout s'y oppose.
L'unité d'action judiciaire est également remise en cause. Le chef de l'État peut utiliser ses prérogatives constitutionnelles et conserve les droits de tout justiciable. La cour d'appel de Versailles a jugé qu'il pouvait être partie civile mais a reconnu que cela aboutissait à une rupture d'égalité des armes dans les procédures. Le Président de la République nomme les magistrats mais il est partie dans un procès où la cour souligne sa « proximité avec le chef du parquet ». Troublant ! Le rapporteur du Conseil d'État, Mme da Silva, sur la contestation du décret du 31 octobre 2008 par M. de Villepin, a estimé qu'il y a rupture structurelle dans l'égalité des parties et qu'un procès pénal ne peut se dérouler de façon satisfaisante alors qu'une des parties civiles bénéficie d'une immunité totale. Après une relaxe ou un non-lieu, l'article 67 fait obstacle à ce que le Président soit poursuivi pour dénonciation calomnieuse, comme cela se produit habituellement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Pas toujours.
M. Jean-Pierre Michel. - Le plus souvent. Et en tout cas, c'est un droit ! Or le Président de la République ne peut être attaqué pour dénonciation calomnieuse mais lui peut déférer qui bon lui semble devant les tribunaux... Il n'est pas un justiciable comme les autres, la meilleure preuve en est fournie par la contestation juridique de son divorce. Pouvait-il divorcer ? Oui, du point de vue des droits individuels. L'en empêcher aurait été contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. Mais il ne peut agir devant les tribunaux... Et même en cas de consentement mutuel, le juge doit vérifier la réalité du consentement. L'a-t-il fait ? Dans quel cadre ? Quoi qu'il en soit, le chef de l'État a pu divorcer, c'est heureux pour son épouse actuelle, et peut-être encore plus pour la précédente.
La rédaction de l'article 67 est beaucoup trop vague et pose trop de problèmes. Une révision s'impose. Le tout récent arrêt de la cour de Versailles dit expressément que si l'organisation judiciaire française et la Convention européenne des droits de l'homme sont incompatibles -et tel est le cas- seule une réforme constitutionnelle pourrait résoudre la contradiction.
Je ne doute pas que la réflexion de la garde des sceaux sera beaucoup plus large que celle du groupe socialiste. Comme gardienne des lois constitutionnelles et de leur bonne application, elle aura sans aucun doute à coeur de nous proposer une indispensable clarification, dans l'intérêt de la justice -et dans l'intérêt du Président de la République !
Ce que nous proposons est bien modeste. La procédure de destitution est un premier pas dans le rééquilibrage. Hélas, prudence ou révérence, la position du président de la commission m'a surpris. Le renvoi en commission est une mascarade, puisque la commission s'est réunie et a débattu longuement et que le rapporteur pouvait proposer des correctifs et ne l'a pas fait. De même, le Gouvernement pouvait déposer des amendements en séance, il ne l'a pas fait. Nous aurions pu aboutir au vote d'un texte. Ces atermoiements aggravent la situation. Je le regrette. Les sénateurs se seraient honorés à clarifier le statut actuel. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - M. Bel s'étonne de la lenteur de certaines procédures. Mais au fil des changements de gouvernement, ses amis ont été aux responsabilités : que n'ont-ils pris des initiatives dans le sens qu'il réclame aujourd'hui ?
La démonstration de M. Bel comme les propos des autres orateurs socialistes témoignent d'une confusion entre la mise en cause de la responsabilité judiciaire du Président de la République et le contenu de l'article 67. Les exemples concrets qui ont été cités montrent bien le risque d'une instrumentalisation de la procédure à des fins contraires à celles que nous recherchons. Ce biais politicien est précisément ce que nous voulons tous écarter, pour en protéger nos institutions. Que le chef de l'État s'abstienne de saisir un tribunal alors que la tradition était de le faire suffirait à déclencher une procédure de destitution ? Mais où en sommes-nous ? (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, approuve) Il faut conserver à cette procédure son caractère exceptionnel.
Merci, madame Escoffier, de vous être engagée, après avoir déclaré que votre groupe s'abstiendrait, à participer à l'approfondissement de la réflexion.
Madame Borvo Cohen-Seat, le Président de la République, affirmez-vous, détient aujourd'hui un pouvoir absolu. Mais, depuis la dernière révision constitutionnelle, le Parlement n'a jamais eu autant de pouvoirs ! Les plus hautes nominations sont préalablement soumises à l'avis de ses commissions. L'irresponsabilité pénale du chef de l'État, principe commun à toutes les grandes démocraties, vise à protéger la fonction du Président de la République durant son mandat, et non sa personne. Aussi peut-il être, son mandat terminé, poursuivi. Enfin, votre intervention, portant sur l'article 67 et non l'article 68 de la Constitution, était hors sujet.
Madame Troendle, je partage vos observations sur ce texte. Le retravailler n'est en rien une manoeuvre dilatoire. C'est bien au second trimestre, et non au second semestre, que je compte présenter un projet de loi, le premier trimestre ayant un ordre du jour déjà fort chargé sans compter la coupure des élections régionales.
Monsieur Michel, vous avez, avec courtoisie, soutenu qu'il existerait une inégalité entre le citoyen et le Président de la République. Ce n'est pas le cas : comme tout citoyen, le fait qu'il se porte partie civile déclenche l'action publique.
M. Jean-Pierre Michel. - Soit, mais il dispose d'autres moyens !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Les exemples sur lesquels s'appuyait votre démonstration, outre qu'ils relèvent davantage du champ de l'article 67, font apparaître un risque d'instrumentalisation de l'article 68 à des fins politiciennes et la nécessité d'introduire des barrages judiciaires pour le déclenchement de cette procédure.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Juste !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - La réflexion n'étant pas mûre, y compris dans les rangs des auteurs de ce texte, mieux vaut continuer, comme l'a suggéré le rapporteur, d'échanger nos arguments en commission pour élaborer un texte à la fois conforme à la volonté du constituant et raisonnable pour nos institutions. (Applaudissements à droite)
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Hyest, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la proposition de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution (n° 69, 2009-2010).
J'informe le Sénat que la commission a demandé un scrutin public sur cette motion. Je rappelle que notre Règlement ne prévoit pas d'explications de vote dans le cadre de cette procédure. L'auteur a la parole ; puis, un orateur ayant un avis opposé, s'il le souhaite.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - En discussion générale, j'ai souligné la complexité des problèmes non résolus par ce texte. Je n'insiste donc pas.
M. Jean-Pierre Michel. - Le groupe socialiste votera évidemment contre cette motion. Je veux dire à Mme Alliot-Marie, avec courtoisie comme toujours, que les articles 67 et 68 sont intimement liés : la procédure d'impeachment ayant été introduite pour contrebalancer l'inviolabilité totale du chef de l'État.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. - Il faut nuancer cette affirmation !
M. Jean-Pierre Michel. - En outre, peut-être me suis-je mal exprimé concernant le déclenchement de l'action publique. Mon propos était de souligner le double pouvoir dont dispose le Président de la République : celui, comme tout citoyen, de se constituer partie civile ; mais aussi celui, en tant que supérieur hiérarchique du Parquet, de lui demander de déclencher l'action publique s'agissant d'une infraction supposée. (Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, le nie, soutenue par le rapporteur et le vice-président de la commission) Nous en reparlerons lors de la réforme de la procédure pénale, mais permettez-moi de rappeler que si le garde des sceaux ne peut plus demander au Parquet de ne pas poursuivre une infraction déclarée depuis quelques années, le Président de la République, lui, peut toujours demander au Parquet de déclencher l'action publique. (Marques de dénégation au banc du Gouvernement, comme à celui de la commission)
Il aurait été opportun de discuter sérieusement de cette proposition de loi qui ne poursuit aucune finalité politicienne. Comme vous, nous respectons, madame le ministre, l'intégralité des pouvoirs du Président de la République ; comme vous, nous croyons en nos institutions en espérant qu'un jour l'un des nôtres en sera le garant, comme cela a été le cas durant quatorze ans. Ce point ne fait pas discussion.
Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il proposé aucune loi organique ? Le facteur du temps ne joue pas : nous savons qu'un texte, préparé par votre prédécesseur, est dans les tiroirs du ministère. Comment, donc, expliquer ce retard ? Il paraîtrait que le Président de la République craint qu'on ne l'aime pas, qu'on lui en veuille, qu'on l'attaque personnellement. Mais sa personne n'est rien au regard de sa fonction constitutionnelle, qui, seule, compte. Nous voterons donc contre la motion dont nous regrettons profondément le dépôt ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Oh là là !
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 187 |
Contre | 137 |
Le Sénat a adopté.
La séance, suspendue à 10 h 45, reprend à 10 h 50.
Gendarmerie nationale (Question orale avec débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de M. Jean-Louis Carrère à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur l'application de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.
Mme Virginie Klès, en remplacement de M. Jean-Louis Carrère, auteur de la question. - Ce débat aurait dû se tenir au mois de février ; M. Carrère étant retenu en province aujourd'hui, j'ai l'honneur de le remplacer.
Depuis quelque temps, on entend parler chaque jour de la sécurité. Est-ce dû aux prochaines élections ? Sans doute. Quelques mois après le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, imposé par le Président de la République malgré les réticences de sa majorité, je m'interroge sur la volonté du Gouvernement de maintenir l'identité militaire de la gendarmerie et sur l'intérêt de ce rattachement en termes d'organisation, d'efficacité et d'équité territoriale. Cette réforme bâclée a suscité bien des inquiétudes.
Faut-il parler de statut ou d'état ? Et quid de ce qu'on appelle parfois la militarité ?
Femme, je n'ai pas fait mon service militaire. Je m'aventure donc dans un monde nouveau, cherchant à comprendre en quoi il est indissociable de l'organisation territoriale de la sécurité dans notre pays. N'ayant pas la science infuse, j'ai beaucoup consulté. Ayant appris à m'y retrouver dans les galons, j'ai vite mesuré que le port de l'uniforme ne suffit pas à transformer un civil en militaire.
L'uniforme participe de la symbolique du rapport citoyen à la loi. Il conforte l'autorité des représentants de l'État, qu'il s'agisse des policiers ou des juges, mais il ne confère pas l'identité militaire.
La spécificité de la gendarmerie doit être maintenue, sauf à bouleverser l'organisation de la sécurité sur le territoire et à oublier les caractéristiques géographiques, sociales et démographiques de notre pays et les contrastes entre villes, campagnes et zones rurbaines.
Je m'inscris en faux contre l'idée que les gendarmes seraient des militaires lors des opérations extérieures, des officiers de police judiciaire quand ils sont requis par l'autorité judiciaire, voire des policiers lorsqu'ils accomplissent des missions de sécurité sous autorité préfectorale. Un gendarme est militaire du matin au soir, tous les jours de la semaine. Sa famille, sa vie sont celles d'un militaire. (M. Jacques Gautier en convient) Son état ne se réduit ni aux missions qu'il exerce, ni à l'uniforme qu'il porte, ni aux valeurs qui sont les siennes.
Certes les gendarmes ont de nombreux points communs avec ceux qui, sans être militaires, sont également au service de la sécurité des Français.
Un soldat de l'armée de terre qui effectue des patrouilles à la gare Montparnasse devient-il civil par la seule nature de sa mission ponctuelle ? Un policier municipal devient-il militaire par le seul fait du port de l'uniforme ? Un policier national ne respecte-t-il pas les mêmes valeurs et le même engagement au service des autres sans pour autant être militaire ? Le gendarme qui gèle un théâtre d'infraction, qui relève les premières observations n'est-il pas déjà OPJ ?
Mais les gendarmes ont choisi et accepté des contraintes spécifiques à l'état militaire -disponibilité, vie en caserne, organisation du commandement, rigidité des temps de repos, mobilité- qui doivent trouver leur compensation.
Ce sont ces spécificités qui ont prévalu à l'organisation territoriale de la sécurité, avec une grande complémentarité entre police et gendarmerie. Les modes d'action de la police nationale, le règlement d'emploi de ses services sont adaptés à la concentration urbaine : composée de femmes et d'hommes dont l'action est sous-tendue par les mêmes valeurs, le même souci de la sécurité publique, mais ayant fait le choix de rester civils avec les contraintes et les compensations de ce statut de fonctionnaire, moyens concentrés dans des circonscriptions de sécurité publique à effectif minimal de 55 agents environ, interventions non affectées par la distance ou les délais. A chaque type de territoire une organisation optimale... La presse a beaucoup parlé, monsieur le ministre, de votre décision de mettre en place des polices d'agglomération régies selon un concept de territoire similaire à celui développé par la gendarmerie. L'inverse vaudra-t-il en zone gendarmerie, par le transfert de responsabilités de circonscriptions de sécurité publique isolées et rencontrant des difficultés de fonctionnement, conformément à la logique affichée d'équilibre entre nos deux forces ? Dans ces zones gendarmerie, rurales ou rurbaines, comment organiser la sécurité sur le modèle de la police nationale, alors que la continuité de l'engagement de la gendarmerie est marquée par la dispersion dans le temps et dans l'espace ? Les 3 500 brigades territoriales qui existent aujourd'hui, avec un effectif moyen de dix militaires par brigade, donnent à 95 % du territoire abritant 50 % de la population un véritable accès à un service de sécurité publique de qualité, parfaitement comparable aux zones urbaines couvertes par la police nationale. Seule l'organisation militaire le permet. Or, le démantèlement de la gendarmerie est bel et bien programmé. Avec la RGPP, d'abord, dont je continue à contester la logique comptable de court terme, et qui prévoit une diminution drastique des effectifs, tant de la police que de la gendarmerie -1 300 emplois en 2010, 7 400 entre 2011 et 2014. Alors que le Gouvernement se gargarise ces temps-ci de la diminution des désordres des nuits de réveillon, qui n'ont vu brûler que 1 137 voitures au lieu de 1 147 l'an dernier, oublie-t-il qu'il lui a fallu déployer pour parvenir à cet admirable résultat des milliers d'agents supplémentaires ? Comment concilier cela avec la baisse des effectifs ? Et que dire de votre embarras sur les chiffres de la délinquance, dont vous nous annoncez une « diminution de la vitesse de la hausse » ou un « ralentissement de l'intensité de la dégradation » ? Comprenne qui pourra...
Et le résultat inévitable de cette contrainte sur les effectifs : la disparition à terme du statut militaire des gendarmes avec ses conséquences : fermetures de brigades, reconcentration des forces de sécurité dans les centres urbains et abandon des zones rurales et rurbaines, dont les communes subiront un nouveau transfert de compétences, celui de la sécurité. Il fut un temps ou l'État imposait à la maréchaussée de se lancer dans les campagnes ; où les polices municipales, créées pour sécuriser les villes, étaient étatisées, l'État réaffirmant sa compétence régalienne. Aujourd'hui, la décentralisation, si souvent décriée, retrouve grâce à vos yeux : aux communes d'assumer les dépenses, de recruter et de former des policiers municipaux, au statut desquels vous pensez d'ailleurs déjà, dans la plus grande discrétion, comme à votre habitude : extension de leurs compétences, possibilités de devenir officier de police judiciaire, port d'armes, harmonisation des tenues et uniformes.
Mais vous oubliez un détail : peu de communes disposent des ressources financières nécessaires pour créer ou entretenir des polices municipales. C'est le maillage territorial de la gendarmerie, gage d'équité dans l'accès à la sécurité, qui permettait de compenser les différences de richesses des territoires. Ç'en sera bientôt fini... Sans doute allez-vous une fois encore protester de votre volonté de maintenir le statut militaire des gendarmes. Mais comment préserverez-vous ce statut tout en poursuivant le rapprochement ? Ce sont les chefs militaires et la formation militaire qui sont les piliers de ce statut. Pourquoi, alors, n'avoir pas en amont du rattachement au ministère de l'intérieur, travaillé avec les généraux de région de gendarmerie ? Comment les commandants de région conserveront-ils leur motivation s'ils en sont réduits à des tâches administratives, loin des responsabilités pour lesquelles ils ont été formés ? Comment la conserveront-ils si on ne maintient pas la plénitude du commandement combinant l'action opérationnelle, l'organisation et la gestion des ressources humaines et la logistique, sur un territoire pouvant dépasser les limites d'un département ? Quid de la souplesse nécessaire pour assurer la sécurité par une manoeuvre régionale ou zonale ?
On ne nait pas militaire, on le devient : quelle formation initiale et continue pensez-vous offrir aux gendarmes des unités territoriales, alors que, je l'ai dit lors de la discussion budgétaire, vous fermez des écoles, de police comme de gendarmerie -Montargis, Libourne, Châtellerault, Le Mans ? Animé d'un souci d'économie de court terme, vous mutualisez sans réflexion préalable sur les spécificités de chaque formation. Certes, des économies et un réajustement de l'outil de formation sont souhaitables. Mais il s'agit d'adapter l'outil au service à rendre. Il faut donc se demander ce qui définit ce service, comment l'assurer. Aujourd'hui, 84 % des gendarmes spécialisés bénéficient d'une formation continue, mais seulement 34 % pour les militaires des unités départementales. Est-il opportun de fermer des écoles avant d'y avoir réfléchi ?
On n'embrasse pas une carrière qui ne présente que des contraintes : il y faut des compensations. Que faites-vous en matière d'entretien et de rénovation des casernes et des logements ? Vous transférez aux communes, en passant hypocritement sous silence la création des communautés de brigades. Cette « gendarmerie partagée » produit certes des économies d'échelle mais distend l'attache à la commune d'accueil et n'assure pas toujours la cohérence territoriale avec les collectivités et leurs EPCI, rendant difficile, pour la plupart des petites brigades, l'identification d'un maître d'ouvrage public en matière d'investissement immobilier. Quelle politique d'incitation envisagez-vous d'engager pour que les collectivités territoriales continuent d'assumer cette charge immobilière qui devrait revenir à l'État, et que celui-ci ne compense jamais totalement ?
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur ne présage en rien d'une fusion en une seule force à statut civil, affirmez-vous. Mais le 3 décembre 2008, alors aux commandes devenues les vôtres aujourd'hui, Mme Alliot-Marie, sans doute sincère, comme elle l'était sans doute quand, alors au ministère de la défense, elle défendait le maintien de la gendarmerie en son sein ,affirmait : « Il n'est pas question de fusionner les unités d'élite car j'ai besoin des savoir-faire des uns et des autres. Le GIGN et le Raid existeront comme tels. » On en est aujourd'hui à se demander laquelle de ces structures digèrera l'autre. Sans parler des autres rapprochements que vous méditez sans doute en silence...
La sécurité ne peut se résumer à la gestion de crise, et le renseignement y participe plus que peu. Le maillage territorial, l'implantation locale de la gendarmerie, l'ancrage rural et rurbain des gendarmes, sont des atouts considérables en matière de collecte d'informations et de renseignement. « Surveiller le prix du chou », expression imagée des gendarmes qui illustre bien combien compte le recueil de détails qui semblent parfois anodins à qui ne sait les interpréter. Le maillage disparu, qu'en sera-t-il ? Quelle organisation du renseignement envisagez-vous entre les deux forces de sécurité ? Comment sera défini et encadré le travail confié à la gendarmerie ? Vous nous aviez dit en décembre dernier, monsieur le ministre, qu'un audit était en cours concernant les services départementaux de l'information générale : où en est-on ? Sur quels effectifs, dans quelles brigades territoriales, seront prélevés les gendarmes en mission dans les Opex ? De quels matériels disposeront-ils sur place ? Les moyens alloués sont notoirement insuffisants, tant en investissements qu'en fonctionnement. Quid du renouvellement des hélicoptères Écureuil, des véhicules blindés de la gendarmerie ? Comment agir en toute sécurité quand on en est réduit à prélever des pièces détachées sur les engins hors d'usage pour maintenir en condition, tant bien que mal, des matériels vétustes ? Ce Gouvernement est responsable du malaise profond, des inquiétudes, du mal-être qui tourmente tant les gendarmes que les policiers.
Politique du chiffre, réduction drastique des effectifs, culture d'un résultat d'ailleurs flou, moyens inadaptés et constamment mis en cause, dégradation de leur action et même de leur sécurité, aggravation du fossé qui se creuse entre la population et des policiers ou gendarmes à bout de souffle : dans ce contexte, comment croire à vos promesses ?
Il faut certes maîtriser les dépenses publiques, mais quand on parle de sécurité, pourquoi avancer masqué lorsqu'on affirme rechercher un service public de qualité, pourquoi tenter de cacher les évolutions et les conséquences inévitables ? Si vous pensez qu'une force unique de sécurité, de statut civil et placée sous l'autorité du préfet serait le mieux à même d'assurer un service public de la sécurité sur tout le territoire, pourquoi ne pas le dire clairement ? Pourquoi ne pas mettre en place un calendrier en toute transparence ?
Quand on parle de sécurité, un fait délictueux ne suffit pas à justifier une production accélérée de textes bouleversant l'équilibre et l'organisation de forces différentes mais complémentaires. Il ne suffit pas qu'un homme dise « je veux » pour qu'il ait raison ! Parler de Kärcher, de racaille ou de « droit de l'hommisme » ne suffit pas à être légitime ! (Marques de protestation à droite)
Quand on parle de sécurité, on doit le faire de façon pondérée. (M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, s'esclaffe) On ne peut le faire sans respecter les femmes et les hommes à qui l'on a confié un devoir qui peut aller jusqu'au sacrifice de leur vie.
Quand on parle de sécurité, on n'a pas le droit de mentir sur les intentions, les objectifs et les moyens. Pourrons-nous parler de sécurité avec vous, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Didier Boulaud. - Depuis 2002, on voit ce que Sarkozy obtient pour la sécurité : rien de génial !
Mme Anne-Marie Escoffier. - Ce débat sur l'application de la loi du 3 août est très opportun, après le rapprochement budgétaire et financier de la police nationale et de la gendarmerie intervenue il y a un an et près de six mois après la promulgation d'une loi qui avait suscité bien des inquiétudes sur nos bancs. Je remercie donc Mme Klès, qui a bien voulu remplacer M. Carrère, pour cette initiative dont nous attendons des éclaircissements et des explications apaisant les craintes entendues ici ou là.
Il y a un an, j'étais intervenue dans cet hémicycle pour interroger votre prédécesseur sur la nécessité de revoir un fonctionnement institué en 1798 et faisant encore ses preuves avec deux forces distinctes, placées sous des autorités différentes mais oeuvrant de conserve à la sécurité des biens et des personnes. Je m'étais inquiétée de la non-concordance des temps, avec une loi de finances votée huit mois avant l'adoption des nouvelles dispositions institutionnelles.
Mais l'épreuve du terrain vous donne raison : le rapprochement opéré permet d'enrichir mutuellement les cultures, ce dont police et gendarmerie tirent un réel bénéfice ; la mise en commun de compétences et la complémentarité accrue des deux forces ne sont plus à démontrer ; la mutualisation partielle de la logistique contribue à une meilleure efficacité opérationnelle ; le spectre de la fusion que nous étions nombreux à redouter s'est éloigné ; le statut militaire des gendarmes n'est pas compromis ; la spécificité de la gendarmerie est respectée, tout comme celle de la police.
Alors, d'où vient ce malaise dans la gendarmerie, où certains gradés évoquent encore mezzo voce la « fusion » ? Provient-il de difficultés statutaires, alors que vous vous efforcez de respecter les engagements pris, ce dont témoignent les décrets publiés fin décembre et ceux en préparation ?
Certains militaires ont cru que leur mode d'action serait mis en cause par la recherche de l'efficience. Rassurez-les, car il n'y a pas de doublons entre police et gendarmerie, dont les méthodes, les moyens et les objectifs sont différents. Tel qu'il est pratiqué dans nos zones rurales, le renseignement n'a évidemment rien à voir avec celui recueilli par les nouveaux services unifiés de police.
Je serai aux côtés des militaires pour veiller à ce que leurs spécificités soient respectées, en m'assurant qu'ils ne soient pas relégués à la « police des chemins creux ». Leur crainte à ce propos est partagée par nombre d'élus ruraux, dont je suis. Nous connaissons les contraintes de la révision générale des politiques publiques, mais la réduction de 1 303 postes en 2010 nous inquiète après la disparition de 1 246 emplois en 2009, malgré les 7 000 gendarmes supplémentaires inscrits dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
N'avons-nous pas raison de rappeler que les statistiques de plaintes ou de taux d'élucidation ne suffisent pas à déterminer le maillage territorial de la gendarmerie ? Les communautés de brigade -et leurs conséquences pour l'organisation quotidienne de la gendarmerie- remontent à peu de temps, mais voilà que l'on cherchait déjà comment pallier le non-remplacement de gendarmes dans les territoires ruraux, où s'installe toujours plus une forme de désespérance à l'image de celle qui avait atteint le département de la Creuse.
Avec les gendarmes et pour eux, nous avons besoin de nouveaux fondements. Je sais votre volonté de conduire à bonne fin les nombreux décrets mentionnés par la loi. La paix sociale est au coeur de vos préoccupations, vous l'avez amplement démontré au plan statutaire, mais il reste beaucoup à faire pour le bon fonctionnement des casernes et pour maintenir la part patrimoniale de l'État dans l'immobilier de la gendarmerie.
Plus que tout, il faut mettre en chantier la répartition des territoires et la fixation d'objectifs respectueux de la police et de la gendarmerie, dans leur différence et leur complémentarité. Je sais que vous saurez entendre les uns et les autres pour les rassurer. (Applaudissements sur les bancs RDSE, M. Nicolas About applaudit aussi)
M. Jean Faure. - La loi relative à la gendarmerie nationale, que j'ai eu l'honneur de rapporter au Sénat, a été adoptée le 23 juillet 2009 et promulguée le 3 août.
M. Didier Boulaud. - La commission de la défense s'est prononcée contre le budget !
M. Jean Faure. - Sur les 40 décrets d'application, dix-sept ont déjà été pris, suivis par neuf arrêtés.
Il est donc prématuré de débattre de cette loi, six mois après son adoption.
M. Didier Boulaud. - Elle était appliquée depuis le 1er janvier, avant même son vote !
M. Jean Faure. - J'ajoute que, six mois après son entrée en vigueur, le Gouvernement est tenu de présenter un rapport sur les décrets d'application. La logique imposait d'attendre ce document, espéré pour le mois prochain.
A l'initiative du Sénat, et avec le soutien de M. Boulaud, le Gouvernement doit en outre remettre tous les deux ans un rapport d'évaluation.
M. Didier Boulaud. - Il en allait de même pour la loi de programmation militaire, mais rien n'est jamais venu !
M. Jean Faure. - Ce rapport doit présenter les modalités concrètes du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur et son incidence pour son organisation interne, ses effectifs et l'exercice de ses missions. Il est aussi précisé que ce document devra comporter « les éléments relatifs à l'obtention d'une parité globale entre les personnels des deux forces ». Enfin, la loi dispose que le rapport « est préparé par une instance extérieure aux services concernés ». Nous avons demandé ce bilan détaillé pour pouvoir, si besoin, corriger les modalités du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur.
Il aurait été préférable d'attendre l'ensemble des mesures réglementaires permettant à la loi de produire ses effets, pour en débattre sereinement après le premier rapport d'évaluation. Pourtant, étant démocrate, je considère que le Parlement est dans son rôle en organisant ce débat. C'est pourquoi j'ai souhaité y participer.
L'examen des effectifs et des moyens relève du débat budgétaire plus que du contrôle de l'application des lois. Je n'y reviendrai pas, ayant longuement évoqué ce sujet à l'occasion de la loi de finances pour 2010.
M. Didier Boulaud. - Pardi !
M. Jean Faure. - Avant d'aborder l'application de la loi relative à la gendarmerie nationale, sur laquelle il me semble que Mme Klès n'a pas eu toutes les informations souhaitables quant aux travaux de la commission spéciale créée à cet effet, je rappelle que la loi du 3 août 2009 a un caractère historique, puisqu'en deux siècles une seule disposition était intervenue : le décret de 1903.
Un décret en deux siècles ! La gendarmerie a pourtant beaucoup évolué et avec le temps s'est spontanément rapprochée du ministère de l'intérieur.
M. Didier Boulaud. - Ah bon ? C'est la meilleure !
M. Jean Faure. - La loi de 2009 est une réforme profonde, qui traduit la volonté exprimée par le Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007. Avant même son dépôt, la commission des affaires étrangères avait constitué en son sein un groupe de travail sur l'organisation et les missions de la gendarmerie, un groupe de travail pluraliste dont étaient notamment membres Michèle Demessine et Philippe Madrelle et le très actif André Rouvière. A l'issue de nos travaux, nous avons présenté dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l'unanimité par la commission et reprises dans un rapport d'information publié en avril 2008. Il faut chercher « à bien définir la part d'action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l'élasticité ou l'obscurité de quelques articles ». Cette phrase, tirée du décret du 20 mai 1903, illustre la continuité de la réflexion à travers le temps. Je salue l'excellente collaboration que nous avons eue avec le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Jean-Patrick Courtois.
Le texte initial, déposé en premier lieu au Sénat, ne comportait que 10 articles. Lors de son examen, j'ai présenté une vingtaine d'amendements, qui ont tous été adoptés par la commission. Voté par le Sénat en décembre 2008, le projet de loi comportait alors 22 articles, puis 26 après son passage à l'Assemblée nationale, enfin 27 au sortir de la CMP. C'est dire que le travail parlementaire a été important. A la suite des prises de position de M. Jean-Louis Carrère, le groupe socialiste a voté contre. Ce qui n'enlève rien au processus consensuel d'élaboration du rapport.
M. Didier Boulaud. - Un rapport, c'est un rapport !
M. Jean Faure. - Le Sénat a entièrement réécrit l'article définissant les missions de la gendarmerie nationale afin de consacrer son caractère de force armée, de mentionner expressément son rôle en matière de police judiciaire, l'une de ses missions essentielles, d'affirmer son ancrage territorial et de rappeler ses missions militaires, et notamment sa participation aux opérations extérieures, en Afghanistan ou ailleurs. Nous avons également affirmé le principe du libre choix du service enquêteur par l'autorité judiciaire. Nous avons voulu que chaque département ministériel ait sa feuille de route.
La question des relations avec les préfets a suscité des interrogations, y compris les miennes. Nous n'entendions pas remettre en cause le rôle du préfet, qui joue un rôle essentiel de coordination des forces de sécurité publique, mais mieux concilier ce rôle avec le respect de la chaîne hiérarchique. Nous sommes parvenus sur ce point à un bon équilibre, qui a été traduit au niveau réglementaire. Chacun a trouvé sa juste place.
Nous avons accepté unanimement la suppression de la réquisition mais prévu de maintenir une procédure d'autorisation pour le recours aux moyens militaires spécifiques, comme les véhicules blindés, et souhaité encadrer l'usage des armes à feu au maintien de l'ordre, par les gendarmes comme par les policiers, notamment pour garantir la traçabilité des ordres. Nous serons très attentifs au décret d'application qui sera pris en application de cette disposition. Enfin, le texte permettra d'aller vers une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers, conformément à l'engagement pris par le Président de la République.
Au-delà des clivages politiques, les travaux du Sénat ont été marqués par le souci d'apporter toutes les garanties pour le maintien du dualisme des forces de sécurité publique et du caractère militaire de la gendarmerie.
M. Didier Boulaud. - C'est du violon !
M. Jean Faure. - Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur ne remet nullement en cause le caractère militaire de la gendarmerie ni ne préfigure une fusion des forces. Mme Klès a évoqué un malaise dans la gendarmerie ; visitant chaque semaine des brigades, je crois pouvoir dire que les gendarmes sont satisfaits de la réforme. (Applaudissements à droite)
M. Didier Boulaud. - Nous avons aussi le téléphone et lorsqu'ils nous appellent, ce n'est pas ce qu'ils disent !
Mme Michelle Demessine. - Cinq mois après le vote de la loi rattachant la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, la question posée par M. Carrère est parfaitement justifiée. Lors de l'examen du texte, j'en avais évoqué les dangers et les effets pervers. Le rappel de ce qu'a été le rapport d'information n'y change rien. (M. Didier Boulaud approuve)
La concentration en une seule main de tous les pouvoirs et de tous les moyens affectés à la sécurité intérieure a motivé l'opposition de tous ceux qui craignaient pour les libertés publiques et les droits individuels et refusaient l'application sans entrave de la politique sécuritaire, centralisatrice et répressive du Président de la République. Nous redoutions aussi, à terme, la remise en cause de cette spécificité républicaine et démocratique qu'est l'existence de deux forces de sécurité, remise en cause qui viderait de sa substance le statut militaire de la gendarmerie. Nous voyions se profiler la fusion des forces, ce qui se confirme aujourd'hui. (M. Didier Boulaud renchérit)
Les réductions d'effectifs, la mutualisation des moyens, les formations communes, tout cela illustre la disparition progressive de la spécificité des deux forces. Sans parler des pressions qui s'exercent de toutes parts pour faire converger les statuts. Cette réforme n'était voulue ni par les gendarmes ni par les policiers.
M. Didier Boulaud. - Ni par le ministre de la défense de l'époque !
Mme Michelle Demessine. - Les élus locaux ne la demandaient pas plus, qui redoutaient, en application de la RGPP, des fermetures de brigades et la montée du sentiment d'insécurité. De fait, les 1 300 suppressions de postes de gendarmes en 2010 vont réduire la présence de la gendarmerie en zone rurale, où un démantèlement du service public de sécurité intérieure n'est plus à exclure. La loi se traduit aussi par une refonte de la carte des zones de compétences police-gendarmerie. Le Gouvernement souhaite étendre à Marseille, Lyon et Paris la formule mise en pratique à Lille de l'agglomération de police, formule qui a suscité le mécontentement des policiers, des gendarmes et des élus de toutes tendances. Un rassemblement de policiers est d'ailleurs prévu aujourd'hui devant la préfecture du Nord. Cet été, cinq maires de mon département ont écrit au ministre de l'intérieur pour protester d'avoir appris par la presse le passage en zone police de leurs communes ; le ministre a tenté de les rassurer en disant que ce passage n'était pas opportun dans l'immédiat. Mais cette absence de concertation est révélatrice d'intentions inavouées ; elle ne peut que conforter ceux qui craignent, à terme, la fusion des forces.
Aujourd'hui, 90 % des marchés d'armement sont mutualisés ; il en va de même pour l'équipement, l'entretien, la réparation automobile, les ateliers de soutien, jusqu'à la formation. Une réflexion est en cours sur l'unification des systèmes d'information et de communication. La rationalisation n'est pas mauvaise en soi mais elle créera à la longue des habitudes qui contribueront à faire disparaître l'identité de chacune des forces.
La mutualisation des moyens et le rapprochement institutionnel vont créer des conflits entre les deux institutions. Les moyens dont a bénéficié la gendarmerie lors de la dernière loi d'orientation ont été de 20 % inférieurs aux prévisions alors que ceux de la police nationale étaient bien supérieurs. Le rattachement risque donc d'aboutir à une concurrence entre les deux forces.
Enfin, les gendarmes ont l'impression de n'avoir plus que les inconvénients du statut militaire, sans en avoir les avantages. Vous espérez sans doute, monsieur le ministre, que les gendarmes en viendront à revendiquer une harmonisation statutaire. En outre, la coexistence au sein d'un même ministère de deux systèmes, la représentation syndicale pour les policiers et la concertation propre aux militaires pour les gendarmes, incitera tôt ou tard les uns et les autres à vouloir aligner leurs statuts.
M. Didier Boulaud. - C'est évident !
Mme Michelle Demessine. - En valorisant l'intérêt de la tutelle unique, vous poussez les uns et les autres à réclamer une convergence accrue. Le rapprochement voulu par la loi aboutira donc à des revendications croissantes des gendarmes en matière de rémunérations, de temps et de conditions de travail, de droit de grève et de liberté syndicale. La tendance à uniformiser les deux forces ne peut qu'inciter les gendarmes à comparer leur statut avec celui des policiers, notamment en ce qui concerne la disponibilité. Il est évident que le statut militaire et les contraintes qui en découlent sont un obstacle à la parité globale avec les fonctionnaires de police. Or la disponibilité permanente est l'une des caractéristiques essentielles du statut militaire.
Cinq mois après le vote de la loi, je reste persuadée que s'il avait été uniquement question de moderniser, de mutualiser les moyens, d'améliorer les conditions d'emploi de ces deux forces et d'assurer une meilleure coopération entre elles, le rattachement auprès de votre ministère ne s'imposait pas.
M. Didier Boulaud. - Bien sûr !
Mme Michelle Demessine. - Les exemples donnés par Mme Klès et sa demande d'un bilan d'étape de votre loi prennent ainsi tout leur sens. Nous espérons que vous nous apporterez des réponses précises. (Applaudissements à gauche)
M. Didier Boulaud. - Ce qu'une loi a fait, une autre pourra le défaire !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. - Ça m'étonnerait !
M. Didier Boulaud. - Vous verrez ! Nous ferons marche arrière !
M. Joseph Kergueris. - La question soulevée par notre collègue témoigne de la vigilance du Sénat et de l'attention que nous portons à l'application des lois, notamment de celle du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale. Or, de nombreux décrets sont en attente de publication, si bien que d'importantes dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur. Les mesures réglementaires prises par le Gouvernement ont été publiées il y a moins d'un mois. Je crains donc qu'il ne soit un peu tôt pour évaluer les conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur.
Quelque peu prématurée donc, cette question orale n'en n'est pas moins intéressante puisqu'elle nous offre l'occasion de vous demander, monsieur le ministre, où en est la mise en oeuvre de ce texte important. Peut-être nous indiquerez-vous si le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale à votre ministère produit effectivement les bénéfices attendus : l'unicité de commandement permet-elle de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la criminalité ? Les échanges d'informations entre les deux forces de sécurité sont-ils plus nombreux, plus rapides ? J'ai constaté avec satisfaction qu'à la suite d'une interpellation en flagrant délit d'un individu qui cambriolait un restaurant le 27 décembre par les gendarmes de Haute-Corse, la cellule anti-cambriolage de ce département a procédé à des recoupements qui ont permis d'imputer pas moins de 30 cambriolages à deux individus, pour un butin d'environ 100 000 euros. Ces recoupements ont-ils été facilités par une circulation plus fluide des informations entre policiers et gendarmes ? Disposez-vous d'éléments concrets pour mesurer les premiers effets de ce rapprochement ?
Engagée depuis le décret du 19 septembre 1996, la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie est récente. A-t-elle progressé grâce au rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ? Comment sa mise en oeuvre s'articule-t-elle avec la révision générale des politiques publiques et avec la loi de programmation militaire ? La question posée par Mme Klès me permet aussi de marquer mon étonnement : j'ai observé des mouvements de crédits un peu surprenants en fin d'année dernière. Un décret du 15 décembre a transféré 23,5 millions de la gendarmerie nationale à la police nationale afin de satisfaire un besoin pressant de rémunérations. Est-ce une forme de mutualisation ? (Sourires)
M. Didier Boulaud. - C'est le principe des vases communicants !
M. Joseph Kergueris. - C'est un principe de physique ! (Sourires)
M. Didier Boulaud. - Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ! (On s'amuse)
M. Joseph Kergueris. - Je profite enfin de notre discussion pour vous redire notre attachement à trois principes importants. Le maintien du statut militaire de la gendarmerie nationale est indispensable. Le rapprochement voulu par la loi du 3 août doit accroître la complémentarité et la coordination de nos deux forces de sécurité sans aboutir à une fusion. Aucune remise en cause du statut militaire de la gendarmerie ne serait acceptable.
Ensuite, nous devrons parvenir à une parité globale de traitement et de carrière entre gendarmes et policiers. C'est une question d'équité et cela permettra d'assurer la pérennité du statut militaire.
Enfin, le principe du libre choix du service enquêteur par l'autorité judiciaire doit être appliqué et respecté.
Voilà quelles sont nos attentes, quelques mois après l'adoption de la loi relative à la gendarmerie nationale. Notre collègue souhaitait un rapport d'étape sur l'application de la loi : certes, l'exercice n'est pas simple car l'étape a été brève. S'il nous fallait faire une comparaison entre ce dont nous débattons et le Tour de France, nous savons que les longues étapes sont précédées d'un bref prélude. Nous en sommes à ce stade. L'exercice n'en est pas moins intéressant et il me donne l'occasion de saluer le dévouement et la compétence de nos policiers et de nos gendarmes, et tout particulièrement de ceux qui veillent entre ces murs à la sérénité de nos débats. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Jacques Mirassou. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Mme Alliot-Marie, a été, malgré elle, la cheville ouvrière de cette loi. Vous en avez hérité et je ne suis pas sûr que vous ayez fait une très bonne affaire. (Sourires)
Cette loi devait rapprocher la gendarmerie de la police nationale, sous couvert de rationalisation, d'efficacité et de complémentarité, tout ceci dans le cadre de la fameuse RGPP. Il y a six mois, nous avons voté contre le projet de loi et il est temps d'en tirer un premier bilan. Certains orateurs ont estimé qu'il était un peu tôt pour le faire mais cette loi avait été mise en oeuvre dès le 1er janvier 2009...
Cette réforme, comme tant d'autres, fragilise le service public, notamment dans le milieu rural. Nous avons assisté à la suppression de tribunaux, de bureaux de poste et bientôt ce sera le tour des gendarmeries, tout ceci au nom de la rigueur budgétaire dont on est en droit de se demander si elle peut s'accommoder du principe de sécurité. Cette réforme met en danger l'équilibre de nos deux forces de sécurité : la gendarmerie s'en trouve fragilisée.
Comme l'a fort bien expliqué Virginie Klès, le parti-pris idéologique qui a guidé la RGPP fragilise une institution séculaire qui est appréciée par l'ensemble de nos concitoyens car elle remplit des fonctions qui inspirent le respect et la confiance. Lors de la discussion du projet de loi, nous avions émis de sérieux doutes quant aux véritables motivations du Gouvernement. En juillet, nous dénoncions l'absence d'une analyse sérieuse des spécificités et des complémentarités de nos forces de sécurité et de consultations des élus locaux qui sont les premiers intéressés. Le Gouvernement souhaitait constituer au plus vite une force unique de sécurité placée, à terme, sous l'autorité civile de l'exécutif.
A l'époque, nous nous interrogions : pourquoi cette réforme alors que personne ne se plaignait de la gendarmerie ? Pourquoi cette évolution dangereuse qui tend à faire sauter la protection que représentaient, notamment, pour les institutions de la République et pour les Français, la chaîne de commandement, la hiérarchie militaire et le système des réquisitions ? Six mois plus tard, nos craintes sont avérées. La mutualisation des forces de sécurité aboutit à un rapprochement fusionnel avec la police, ce qui conduira quasi mécaniquement à la disparition progressive du statut militaire d'une gendarmerie déjà affaiblie par la stagnation voire par la diminution de ses effectifs et, cela, alors même qu'augmente la population et que les actes de délinquance se sont accrus dans les zones rurales.
En même temps qu'on refuse à la gendarmerie les moyens matériels suffisants, on s'attaque à son identité et à son rôle spécifique au service de la République et on prend le risque de priver celle-ci d'une institution qui, dans des conditions particulières, lui ferait cruellement défaut. En période de crise grave, la gendarmerie, du fait de son statut militaire, est seule susceptible de préserver l'autorité du Gouvernement et de défendre les institutions. A cet égard, la suppression de la procédure de réquisition est contraire aux principes républicains relatifs à l'emploi -dans des conditions précises- de la force publique.
Ces bouleversements institutionnels s'accompagnent d'une mise à disposition de moyens matériels et humains insuffisants. Vous allez sans doute me répondre, monsieur le ministre, que les dotations de la gendarmerie ont augmenté entre 2009 et 2010. Peut-on considérer 0,6 % comme une véritable hausse, à plus forte raison quand on connaît l'état des moyens héliportés, du parc automobile, de certaines casernes ?
En 2009 et 2010, la gendarmerie aura perdu au total 2 979 emplois alors même que les statistiques de la délinquance mettent en évidence le besoin d'une force de sécurité de proximité, notamment en milieu rural. Cette évolution préoccupe les élus locaux que nous sommes et j'imagine, monsieur le ministre, que vous partagez cette préoccupation. La crise sociale et économique n'épargne pas les territoires ruraux et au lieu de diluer la gendarmerie, il aurait été au contraire indispensable de renforcer son maillage territorial en assurant une présence la plus nombreuse possible des brigades territoriales de proximité. La présence de la gendarmerie dépasse largement l'enjeu sécuritaire, parce que sa spécificité et son intégration au sein de la population lui donne également une dimension sociale. Et, malheureusement, la loi votée en juillet néglige cet aspect de la question.
On me permettra, pour terminer, d'apporter à cette discussion un éclairage du département que je représente, la Haute-Garonne. La gendarmerie y a été réorganisée dans le cadre de la mutualisation décidée en 2002 et qui a notamment abouti à la création des communautés de brigades. Les effectifs sont passés de 1 119 en 2003 à 1 121 en 2009 !
M. Didier Boulaud. - Il y en a qui ont de la chance !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Mais, dans le même temps, la démographie de ce département a explosé puisque chaque année il accueille près de 20 000 nouveaux habitants. Ce ratio permet de relativiser « l'augmentation » de l'effectif, d'autant plus que les faits de délinquance ont progressé.
La création des communautés de brigades, à moyens humains constants, n'a que maladroitement camouflé l'insuffisance des effectifs sur le terrain au plus près des citoyens, et la faiblesse des moyens alloués au corps de la gendarmerie, en pénalisant les brigades territoriales de proximité. Dans le canton de Montastruc-La-Conseillère la brigade territoriale est en charge de plus de 30 000 personnes réparties sur douze communes, avec un effectif de neuf gendarmes -et même huit car l'un d'entre eux est généralement affecté à des missions à l'extérieur du canton. L'augmentation de la délinquance y est la même que la moyenne nationale. C'est pourquoi, en 2008, le conseil général de la Haute-Garonne a transmis à M. le préfet une proposition de résolution votée à l'unanimité, tendant à la « suppression des communautés de brigades de gendarmerie, au rétablissement d'une brigade cantonale « autonome », et au renforcement du nombre de personnels ». J'ajoute, pour l'anecdote, que naguère le peloton de gendarmerie de haute montagne comptabilisait le chien d'avalanche dans ses effectifs : ça s'est amélioré depuis...
Les relations avec les élus et la population deviennent de plus en plus épisodiques compte tenu des charges de travail et de la mobilité importante des forces de gendarmerie. Aujourd'hui, leur terrain d'opération est tellement vaste qu'il compromet leur action et, ce, malgré le dévouement sans faille des gendarmes.
Pour toutes ces raisons, et parce que la pratique montre le caractère néfaste de cette réforme, la question que je vous pose en guise de conclusion, monsieur le ministre, est simple : pouvez-vous nous apporter des éléments susceptibles de nous faire croire à un avenir pérenne de la gendarmerie nationale ? (Applaudissements à gauche)
Mme Gisèle Gautier. - Ce débat me semble prématuré : la loi ne date que du mois d'août dernier et évaluation et contrôle s'accordent mal avec précipitation.
Par ailleurs, j'ai entendu les termes singuliers de « militarité du gendarme ». Je doute que ce néologisme apporte quelque chose à la clarté du débat ou à la « bravitude » de nos gendarmes ! (Rires et applaudissements à droite)
Le texte prévoit une évaluation de la loi tous les deux ans mais bien que son encre ne soit pas encore sèche, et que le terme des deux ans ne soit pas arrivé, nous nous soumettons à cet exercice.
Avant tout, je salue le remarquable travail de Jean Faure et de la commission des affaires étrangères et de la défense. S'il est prématuré, ce débat offre toutefois l'occasion de combattre la désinformation perpétuelle selon laquelle forces de polices et gendarmerie « fusionneraient ». Ce rattachement est administratif, ce n'est pas une OPA de la police sur la gendarmerie ! Il s'agit seulement de créer les meilleures conditions de collaboration entre les deux corps et, que je sache, la loi d'août 2009 a confirmé le statut militaire des gendarmes ; les officiers et sous-officiers rencontrés sont rassurés sur leur devenir. Ils n'en sont pas moins attentifs au respect d'un équilibre entre les forces, notamment sur le plan budgétaire. De grâce, n'opérons plus de transferts budgétaires comme ceux récemment réalisés de leur titre II vers le titre II de la police !
Cette loi consacre les missions de la gendarmerie et les enrichit. Elle n'altère pas le modèle français de dualité des forces de sécurité intérieure qui n'est en aucun cas remis en cause. De même le statut militaire de la gendarmerie est préservé conformément à la volonté du Président de la République.
Comme notre commission, je suis attachée aux missions de police judiciaire et à l'ancrage territorial de la gendarmerie. Les militaires tiennent à leur culture d'entreprise et à la proximité avec la population. Nous n'avons que six mois de recul pour juger de l'application de cette loi. Mais elle a réaffirmé les compétences de la gendarmerie en matière de sécurité publique et d'ordre public. Les missions de la gendarmerie sont maintenant réunies dans un seul texte qui mentionne l'exécution des lois, les missions judiciaires, au premier rang desquelles la police judiciaire, le renseignement et l'information des autorités publiques. La mission de défense est réaffirmée. Les gendarmes ont un rôle majeur dans la lutte contre le terrorisme et la sécurité des armements nucléaires.
Le texte est très précis sur l'autorité du préfet. Le principe hiérarchique n'est pas remis en cause ; le préfet n'exercera pas le commandement des unités. Mieux, concernant la réquisition pour l'emploi des unités de gendarmerie et le recours aux moyens militaires spécifiques, la loi prévoit une procédure d'autorisation, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
Je rends hommage aux gendarmes qui au quotidien, sur le territoire national ou en Opex, démontrent leur courage et leur excellence. Ne les cantonnons pas, au prétexte de doublons, dans des missions moins gratifiantes et dans un rôle de supplétifs de la police nationale. L'État se priverait des capacités de troupes qui peuvent être engagées en tout temps et sans préavis en cas de crise majeure.
Le rattachement au ministère de l'intérieur se traduit par une capacité opérationnelle accrue, avec une attention particulière pour les dossiers sensibles : positionnement du corps des officiers de gendarmerie par rapport aux commissaires de police, la parité des sous-officiers et des gardiens de la paix gradés, les conclusions de l'audit sur le renseignement et la mission de police judiciaire. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères - Je partage les propos de M. Faure, rapporteur des crédits de la gendarmerie et de la loi de 2009, ainsi que ceux de Mme Gautier. Le caractère militaire de la gendarmerie est indéniable et la loi l'affirme expressément. Cela est si vrai que des gendarmes participent aux OMLT en Afghanistan : en revanche on n'envoie pas de policiers en OMLT, ceux qui sont sur place sont chargés d'autres tâches. Des gendarmes français ont été la cible d'une attaque armée récemment et ils ont riposté avec tout le courage et la vertu militaire que l'on pouvait attendre de soldats.
Où Mme Klès a-t-elle pris ses informations sur un envoi de gendarmes mobiles dans des bataillons français d'intervention ? Et si nos collègues socialistes sont si attachés au caractère militaire de la gendarmerie, pourquoi M. Boulaud réclame-t-il régulièrement des syndicats pour les gendarmes ? Ce serait là le meilleur moyen de rapprocher police et gendarmerie ! (Applaudissements à droite) Je me souviens de l'éminent ministre de la défense socialiste Charles Hernu disant en 1983 aux gendarmes que s'ils voulaient couper le lien avec lui, ils n'avaient qu'à continuer à demander le droit à se syndiquer. Cet éminent républicain a rappelé que c'est parce que les gendarmes sont des militaires qu'ils ne peuvent se syndiquer.
M. Didier Boulaud. - Charles Hernu est mort.
M. Josselin de Rohan, président de la commission. - En outre, monsieur Mirassou, si le rattachement contrevient aux principes républicains, que n'avez-vous saisi le Conseil constitutionnel du texte en 2009 ? Vous savez qu'il n'est pas systématiquement favorable au Gouvernement. (Sourires) Tout ce qui est exagéré ne compte pas. Mme Demessine affirme de même que la mutualisation des ressources est contraire à l'esprit de la République. En quoi la recherche d'économies dans les achats ou l'entretien de matériel heurte-t-elle nos principes fondamentaux ? Ne forçons pas le trait... Il est normal de chercher, avec la RGPP, à adapter le service public : réduire le nombre de gardes dans les palais nationaux, la participation des gendarmes aux transfèrements..., c'est de bonne gestion. Supprimer des emplois administratifs est-il une révolution ? Cela empêche-t-il la gendarmerie de fonctionner ? On ne touche pas aux effectifs opérationnels de la gendarmerie. Suppression de brigades ? C'est un procès d'intention ! Nous serons vigilants sur le bilan mais nous ne doutons pas un instant que le ministre de l'intérieur respectera les engagements de son prédécesseur.
Lorsque l'on a supprimé, dans les années quatre-vingt dix, des brigades, les bâtiments libérés ont été affectés à des écoles de formation qui n'étaient pas toutes indispensables. Nous n'étions pas au gouvernement alors... Aujourd'hui, nous supprimons les écoles les moins utiles, car mieux vaut un petit nombre de centres assurant tous les enseignements qu'une multitude de petits établissements à faible effectif qui ne peuvent dispenser les formations dont les gendarmes ont besoin. Je ne comprends pas les psychodrames dans lesquels se débattent certains. La commission n'en sera pas moins vigilante, comme elle l'a toujours été, à ce que les engagements souscrits en 2009 soient tenus.
M. Didier Boulaud. - Nous sommes tellement vigilants que nous n'avons pas voté les crédits de la gendarmerie, monsieur le président de la commission !
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - La tragédie dans la partie ouest d'Haïti a fait de très nombreuses victimes. Nous sommes sans nouvelles d'environ 200 ressortissants français et nous partageons l'inquiétude de la gendarmerie pour deux de ses gradés dont on ignore encore le sort et qui servaient sous la bannière de l'Onu. J'ai demandé que tous les moyens de recherche et de secours soient envoyés sur place. Des renforts de 36 gendarmes pour des missions de sécurité -car pareille catastrophe entraîne généralement des débordements, des excès, des pillages- et 60 pompiers ont été acheminés depuis la Martinique. Et quatre détachements de 70 hommes ont été mobilisés en métropole. Deux sont déjà arrivés sur place.
De nouvelles perspectives ont été ouvertes par la loi de 2009. Il est bien sûr trop tôt pour un bilan. Le législateur a prévu un bilan, après six mois, de la publication des textes d'application de toutes les lois, ainsi qu'un rapport spécifique tous les deux ans pour la loi sur la gendarmerie. Autrement dit, les clauses de rendez-vous existent. A force de bilans, n'allons pas en oublier l'objectif. Nous sommes très attachés à la gendarmerie nationale, qui sait si bien s'intégrer dans le tissu local et nouer des liens forts avec tous les élus locaux. C'est son grand talent !
Le Gouvernement partage votre souhait de conforter cette institution qui assure avec efficacité un service public de sécurité de proximité. Le Président de la République a voulu une architecture de la sécurité rénovée dans le respect de l'identité des deux forces, non une fusion. Ni mon prédécesseur ni moi-même n'avons prononcé ce mot. La loi du 3 août 2009, la plus importante pour la gendarmerie depuis deux siècles a rappelé M. Faure, a réglé la question du rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. C'est la conclusion d'un mouvement initié depuis 2002 avec le placement pour emploi de la gendarmerie auprès de la place Beauvau qui s'est concrétisé dans la loi de finances de 2009 par le rattachement du programme « gendarmerie » au seul ministère de l'intérieur. Désormais, le cabinet du directeur général de la gendarmerie est installé place Beauvau. Cette évolution, qui s'inscrit dans une réforme globale de modernisation de l'État, a été l'occasion de réaffirmer clairement dans la loi le statut militaire de la gendarmerie.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur répond d'abord à une exigence d'efficacité. Que nous demandent nos concitoyens ? De la protection, de la sécurité, de la justice. Pour satisfaire cette exigence, nous devons adapter nos moyens d'action et d'organisation. La mutualisation des moyens permet de renforcer l'efficacité opérationnelle tout en réduisant les coûts, j'en suis convaincu. Soit, se pose la question des effectifs. Mais, franchement, notre pays a beau être une grande puissance, une grande Nation, il ne peut pas continuer indéfiniment à créer des emplois publics au même rythme : un million en vingt ans !
M. Philippe Dominati. - Hélas !
Mme Bernadette Bourzai. - Soit, mais il y a des priorités !
M. Brice Hortefeux, ministre. - Ce raisonnement me paraît trop court. Ce n'est pas seulement une question d'effectifs, mais aussi d'organisation, de méthode, de moyens matériels et scientifiques. De nombreux projets ont été menés en commun avant la loi du 3 août 2009 : l'acquisition d'équipements tels que les véhicules ou l'armement, la mise en commun de certains moyens coûteux tels les hélicoptères, la mutualisation des formations spécialisées d'enquêteurs, des motocyclistes, des équipes cynophiles ou des plongeurs, la définition de systèmes compatibles en matière d'information et de communication entre les deux forces. En effet, police, gendarmerie et sécurité civile ont chacun leur système d'information, ce qu'aucun électeur ne doit imaginer ! Après le rapprochement d'Antares et d'Acropole, il faut poursuivre sur cette voie. La rationalisation de la dépense publique est un objectif qu'il faut partager.
Madame Escoffier, je me réjouis que vous reconnaissiez les fruits que porte sur le terrain cette réforme qui vous inquiétait initialement. L'installation du directeur général de la gendarmerie place Beauvau montre qu'elle a désormais une réalité concrète, humaine. Cette proximité géographique facilite les réunions et l'association de la gendarmerie en amont aux décisions, soit une meilleure cohésion entre les deux forces qui se traduit également, monsieur Kergueris, par des échanges d'informations plus rapides, plus denses et plus intenses.
Nos résultats valident la justesse de ce choix : pour la septième année consécutive, la délinquance est en baisse. Après qu'elle a augmenté durant les huit premiers mois de l'année, nous avons réussi à la stabiliser en septembre, puis à la diminuer en octobre, novembre et décembre. (Mme Virginie Klès en doute) La gendarmerie contribue à ces chiffres, qui sont même meilleurs que l'an passé, puisque la délinquance a baissé de 2,1 % dans sa zone de compétence.
La loi du 3 août 2009 est le meilleur moyen de garantir le statut militaire de la gendarmerie. Chacune des deux forces a sa culture, son histoire, son identité. La différence de statut est loin d'être un handicap ; cette diversité est un atout. Le Président de la République, dès l'annonce du rattachement de la gendarmerie à l'intérieur, a clairement réaffirmé le caractère militaire de cette force. On ne peut pas faire plus ! La gendarmerie nationale conserve une pleine compétence en matière de police judiciaire, d'ordre public, de missions de renseignement ou de missions en matière internationale. En outre, par respect du principe des zones de compétence territoriale, nous n'entendons nullement diminuer une force pour renforcer l'autre, mais assurer une meilleure coordination sur le terrain et un appui mutuel en cas de besoin. L'équilibre passe également par la parité de traitement entre les personnels des deux forces, a souligné M. Kergueris, ce qui ne signifie pas que toute mesure prise pour une force doive se traduire strictement à l'identique pour l'autre.
Le terme de « force armée » pour qualifier la gendarmerie, que M. Faure a rappelé, n'est pas une simple formule. Il est défini par le code de la défense et le protocole additionnel aux conventions de Genève. Si la loi indique que la gendarmerie est placée sous l'autorité de l'intérieur, elle reste sous l'autorité de la défense pour l'exercice de ses missions militaires. La loi précise également les sujétions et obligations particulières fixées aux officiers et sous-officiers en matière d'emploi et de logement en caserne. L'ancrage territorial de la gendarmerie est donc préservé et conforté. Il n'y a aucune volonté, affichée ou latente, de démilitariser la gendarmerie. Bien au contraire, le recrutement dans les grandes écoles militaires des officiers et la formation initiale et spécifique des gendarmes sont maintenus. Le ministère de la défense continue d'assurer une partie des soutiens, qu'il s'agisse de la santé, du paiement de la solde ou du transport opérationnel. La concertation dans la gendarmerie reste soumise aux règles en vigueur au sein des forces armées. Monsieur Boulaud, si j'en crois M. de Rohan, vous formulez des propositions décoiffantes mais je constate, quant à moi, que les militaires savent se faire entendre par le biais de leur association d'anciens officiers et que leurs conjoints savent aussi faire passer leur message. On ne peut pas à la fois demander le maintien du statut militaire et le battre en brèche en demandant la création de groupements professionnels.
La participation des gendarmes aux opérations extérieures militaires ou civilo-militaires renforce leurs liens avec les soldats des autres armées : c'est le cas en Afghanistan où ils forment la police afghane. J'ai assisté avec le général Gilles au départ de 150 militaires qui officient dans des conditions très périlleuses ; je me rendrai sur place fin mars ou début avril.
La gendarmerie nationale participe aussi à la modernisation du ministère de l'intérieur et de l'action territoriale de l'État. Sans remettre en cause son statut militaire, nous avons clarifié sa relation avec les préfets : elle est placée sous leur autorité et leur rend compte de l'exécution de ses missions, au premier rang desquelles la lutte contre la délinquance et la garantie de la sécurité de nos concitoyens grâce à une présence de proximité.
Je tiens à rassurer M. Kergueris : dix-sept décrets d'application et neuf arrêtés ont déjà été publiés. Une vingtaine de textes sont à l'étude : nous y travaillons dans un cadre interministériel. Nous serons au rendez-vous.
La réquisition a été supprimée. Le Parlement a donc souhaité encadrer l'usage des armes, et un décret d'application est en cours d'élaboration : il garantira la traçabilité des ordres donnés. De même sera encadré l'usage par la gendarmerie de moyens militaires spécifiques dans le cadre du maintien de l'ordre.
La lutte contre la délinquance se modernise. Sans préjudice des règles relatives à la compétence territoriale de la police et de la gendarmerie, des redéploiements sont possibles afin d'améliorer la cohérence et l'efficacité de notre action. Le rattachement des deux forces au ministère de l'intérieur permettra de mieux les répartir localement en concertation avec les élus.
La création de la police d'agglomération et de la police des territoires vise à adapter l'organisation territoriale des forces de sécurité aux bassins de vie et de délinquance grâce un commandement cohérent dans chaque zone. Les élus franciliens savent qu'une police d'agglomération a été créée à Paris et dans les départements de la petite couronne en septembre 2009. (MM. Christian Cambon et Philippe Dominati le confirment) Les résultats sont impressionnants. J'ai demandé aux préfets de mener des discussions avec les élus pour étendre ce dispositif à Lille, Lyon et Marseille. La gendarmerie doit aussi développer une police des territoires en adaptant ses méthodes et en décloisonnant les zones d'intervention de ses unités.
Monsieur Mirassou, vous avez fait référence à une brigade cantonale comptant neuf, voire huit gendarmes. Mais reconnaissez que la communauté de brigades locales en compte près d'une trentaine. (M. Jean-Jacques Mirassou le concède)
Cette loi était nécessaire pour la sécurité de nos concitoyens. Ce n'est pas une révolution, mais une évolution qui répond aux besoins de notre époque et renforce notre action sans remettre en cause les spécificités de chacune des forces de sécurité. Elle est inspirée par un souci d'équilibre, de complémentarité et d'efficacité. Je rends hommage aux militaires de la gendarmerie nationale et de toutes les forces de sécurité intérieure, et je leur exprime mon soutien, mon affection et ma confiance dans l'action qu'ils mènent au service de la paix publique et du respect du droit. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)
La séance est suspendue à midi cinquante.
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
La séance reprend à 15 heures.
Tremblement de terre en Haïti
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) A la demande du Président du Sénat, qui assiste en ce moment à des obsèques, et avec M. Bernard Piras, président du groupe d'amitié France-Caraïbes, je voudrais exprimer, en notre nom à tous, la solidarité du Sénat tout entier avec le peuple haïtien dans la dramatique épreuve du terrible séisme qui a dévasté la ville de Port-au-Prince, faisant plusieurs dizaines de milliers de victimes.
Inquiétude supplémentaire, le bâtiment du Parlement s'est effondré et nous sommes sans nouvelles du président du Sénat, M. Kelly Bastien, de sénateurs et de fonctionnaires du Sénat haïtien, avec lesquels nous entretenons des relations étroites dans le cadre d'une coopération parlementaire particulièrement active depuis 2006.
En cet instant, nos pensées et notre compassion vont aux familles des victimes et notamment aux Français d'origine haïtienne, sans nouvelles de leurs proches, comme nous sommes toujours sans nouvelles de plus de 200 de nos ressortissants.
Puisse la France apporter tout son soutien à un pays qui nous est lié par l'histoire et l'amitié !
M. François Fillon, Premier ministre. - Notre regard et nos coeurs se tournent vers Port-au-Prince, si dramatiquement dévastée. Le bilan est terrible sur le plan humain : les premiers témoignages et informations rapportent un chaos indescriptible, sidérant d'horreur, qui frappe de plein fouet un peuple démuni et attachant, marqué par un destin implacable.
La France est aux côté du peuple haïtien, qui a subi tant d'épreuves et auquel nous lie une amitié si ancienne. Nous mobilisons tous les moyens qui sont à notre disposition pour lui venir en aide. Trois avions de nos forces aux Antilles ont déjà été acheminés, avec 40 gendarmes et agents de la sécurité civile et trois tonnes de fret ; ils ont en retour rapatrié 91 ressortissants français. Un nouvel avion arrivera en milieu de journée avec 80 personnes et cinq tonnes de fret. Plusieurs détachements de Brignoles et de la région parisienne, avec des gendarmes et des médecins, sont sur le point de partir. Je salue la réactivité et la mobilisation de l'ensemble des ONG françaises et la mobilisation des Haïtiens de notre pays.
Aujourd'hui, le Président de la République tient une réunion consacrée à la situation en Haïti, à laquelle je participerai avec M. Kouchner. Nous y prendrons d'autres mesures encore, pour amplifier l'élan de solidarité : la France est aux côtés des Haïtiens face aux conséquences du désastre, et pour participer à la reconstruction.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Campagne de vaccination contre la grippe A
M. Nicolas About . - Je remercie M. le Premier ministre pour son propos sur le drame d'Haïti et les informations qu'il nous communique, nous savons que la France fera son devoir envers un peuple ami.
Je souhaite interroger Mme Bachelot-Narquin : madame la ministre, après l'affaire du sang contaminé, avec l'inscription - peut-être à tort- du principe de précaution dans notre Constitution, quelle peut être la marge de manoeuvre des pouvoirs publics face au risque sanitaire ? Soit ils n'agissent pas, et on les accablera de tous les maux, soit ils agissent, et on les accusera d'en faire trop. L'action face à la pandémie de grippe A relève certainement du second cas de figure. En effet, alors que trois millions de nos compatriotes ont été atteints et que la grippe a déjà fait 269 morts en France, le virus est apparu moins virulent que prévu, et la campagne de vaccination n'a pas eu le succès escompté. Nous ne vous en blâmons pas !
M. David Assouline. - Si !
M. Nicolas About. - Non ! Ce que nous voulons, c'est que l'action soit parfaitement transparente et que chacun sache quel a été le cheminement des décisions, quel a été le rôle de l'OMS et des comités d'experts, quelle est la situation actuelle avec 88 millions de vaccins inutilisés, des millions d'antiviraux et un milliard de masques. La gestion des ressources, ensuite, n'est pas apparue idéale : pourquoi tous les outils prévus n'ont-ils pas été mis en oeuvre ? Finalement, quel a été le coût total de la campagne ? Où en sont les accords avec les laboratoires pharmaceutiques ? Les relations avec les professionnels de santé n'ont-elles pas souffert ? Bref, quelles leçons tirez-vous de l'expérience ? (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports . - A mon tour, j'exprime mon émotion devant le drame épouvantable qui frappe le peuple haïtien. Le ministère de la santé s'impliquera totalement dans l'aide que la France apportera, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre.
Vous demandez toute la transparence et vous avez raison. C'est ce que j'ai fait depuis le début, en me rendant régulièrement et pour de longues séances devant les assemblées parlementaires, en répondant à toutes les questions qui m'ont été posées.
Dès la pandémie connue, nous avons décidé, avec d'autres pays, de lancer une large campagne de vaccination ouverte à tous ceux qui le souhaitaient, parce que cette pandémie était d'un nouveau type. Notre première raison était éthique : nous avons suivi l'avis 106 du Conseil national d'éthique, qui avait recommandé, au nom de l'égalité républicaine, de garantir l'accès de tous à la vaccination.
Techniquement, les autorités de santé, internationales et nationales, convenaient qu'il fallait deux doses pour que le vaccin soit efficace : c'est la raison pour laquelle, en tenant compte d'un taux d'attrition de 25 %, comme d'autres pays, nous avons commandé 94 millions de doses. Le 20 novembre dernier, les autorités internationales et européennes ont convenu qu'une seule dose était suffisante : c'est pourquoi j'ai alors résilié la commande de 50 millions de doses, devenues inutiles.
Restent 44 millions de doses : 5,5 millions ont déjà été utilisées, nous en avons offert 10 millions à l'OMS et, avec les pertes inéluctables, la réserve s'établit donc aujourd'hui à environ 25 millions de doses. (M. René-Pierre Signé daube)
La campagne de vaccination a débuté il y a deux mois, elle ne fait que commencer et elle doit se poursuivre jusqu'en septembre. Il faut indiquer que le risque pandémique est toujours là : la vaccination reste la meilleure protection ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Didier Boulaud . - Le groupe socialiste s'associe aux propos qui viennent d'être tenus à propos de la douloureuse situation d'Haïti.
Trois soldats français viennent de perdre la vie en Afghanistan. Je voudrais tout d'abord adresser nos condoléances attristées à leurs familles et à leurs proches et rendre hommage aux 4 000 soldats français engagés en Afghanistan pour leur courage, leur dévouement et leur abnégation. En 2008, après le drame de la Kapisa, qui a fait dix morts dans les rangs de l'armée française, nos concitoyens ont compris que notre pays était vraiment engagé dans une guerre. Ce sont 39 soldats français qui ont trouvé la mort depuis 2001. L'année 2009 a été la plus meurtrière pour les forces de la coalition et la montée en puissance de l'insurrection talibane fait craindre que 2010 ne soit encore pire.
Pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur l'opération qui était menée lorsque les soldats français ont été tués, les entrefilets dans la presse n'informant en rien ?
Face à l'aggravation de la situation, certains pays envisagent de retirer leurs troupes. Le Canada l'a décidé pour 2011, les Pays-Bas s'interrogent, tandis que les Américains ont décidé d'envoyer 30 000 militaires supplémentaires et demandent à leurs alliés de faire aussi un effort. En 2007, le candidat Sarkozy déclarait péremptoirement que la présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne semblait pas décisive et qu'il s'engageait à poursuivre le rapatriement de nos forces entamé par Jacques Chirac. Depuis qu'il a été élu, nos effectifs n'ont cessé d'augmenter et il semble que nous ayons perdu notre liberté d'appréciation de la situation pour nous trouver en position supplétive depuis notre très hasardeux retour dans le commandement de l'Otan. Qu'en est-il de l'autonomie de nos états-majors ? Qui décide vraiment de l'engagement de nos militaires ? La position française paraît chaque jour plus floue. Que sera-t-elle à la conférence de Londres ?
Le gouvernement français qui s'est tant vanté, lors de sa présidence de l'Union, de son action en matière de défense européenne, a-t-il entrepris des démarches auprès de nos partenaires pour apporter une réponse commune à la demande américaine ? Le Parlement aura-t-il enfin son mot à dire si le Président de la République acceptait d'augmenter nos effectifs ? (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - Je vous réponds à partir des informations que m'a confiées M. Morin.
La semaine dernière nos forces armées ont été endeuillées par la mort d'un officier et de deux sous-officiers, ce qui porte à 39 le nombre de nos tués depuis 2001. Nous n'avions certes pas eu de pertes depuis octobre dernier.
Ce lourd tribut est principalement imputable à des engins explosifs improvisés posés le long des routes. Nos militaires accomplissaient auprès des Afghans leur mission de formation, qui comporte deux volets, la formation initiale et l'application en unité opérationnelle, pour mettre en place une armée nationale capable d'assurer la stabilité et la sécurité du pays. Pour répondre à la menace de ces engins explosifs, nos forces doivent s'adapter en permanence et inventer des parades. Les moyens de détection et de protection individuelle ont été renforcés, pour un coût de 200 millions.
Les efforts coordonnés de la communauté internationale seront présentés à Londres le 28 janvier ; c'est là que nous comparerons les possibilités qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. René-Pierre Signé. - La majorité dort, elle n'applaudit plus très vigoureusement.
Chômeurs en fin de droits
Mme Isabelle Pasquet . - Nous aussi voulons dire l'émotion que nous ressentons avec le drame que subit Haïti, déjà frappée par tant de catastrophes.
Pôle emploi a calculé qu'un million de chômeurs arriveront en fin de droits en 2010. Parmi eux, pas plus d'un sur quatre sera éligible à l'allocation de solidarité spécifique de 454 euros par mois ; les autres le seront peut-être au RSA. Beaucoup se retrouveront sans aucune ressources. Ces chômeurs en fin de droits sortiront des chiffres du chômage pour entrer dans ceux de la grande pauvreté. Il faut tout faire pour éviter qu'ils ne passent dans la spirale infernale de la fin de droits au RSA pour finir SDF.
Les emplois continuent de disparaître et les entreprises n'embauchent plus. Alors que « la crise internationale » que vous invoquez souvent a poussé votre Gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles en faveur des banques -lesquelles renouent d'ailleurs avec les bénéfices et les mauvaises habitudes- il est de votre devoir d'agir pour ces personnes, pour lesquelles il ne s'agit même plus de pouvoir d'achat, mais de capacité de survivre.
Nous vous demandons donc avec force ce que vous comptez faire face à cette situation urgente. (Applaudissements à gauche)
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie . - Je vous prie d'excuser M. Wauquiez, en déplacement dans l'Ardèche.
Ce n'est pas nous qui « invoquons » la crise internationale ! Tous les pays en font le constat, et vous-mêmes à l'occasion. Nous avons donc dû faire face à cette crise. Nous avons pris des mesures exceptionnelles pour que personne ne reste sur le bord du chemin, et d'abord pour limiter le nombre de destructions d'emplois.
M. René-Pierre Signé. - De ce point de vue, c'est raté !
M. Christian Estrosi, ministre. - Ensuite, nous avons mis en place plusieurs dispositifs pour aider au reclassement de ceux qui avaient perdu leur emploi à la suite d'un licenciement économique.
Malgré toutes ces actions, 850 000 chômeurs arrivent en fin de droits chaque année. Les chiffres vont encore augmenter en 2010 parce que la nouvelle convention d'assurance chômage s'ouvre aux salariés ayant cotisé entre quatre et six mois : il n'y a pas plus de chômeurs en fin de droits mais une modernisation...
M. Guy Fischer. - Un durcissement !
M. Christian Estrosi, ministre. - Les personnes en fin de droits peuvent bénéficier du RSA ou de l'allocation de solidarité spécifique.
M. René-Pierre Signé. - Ce n'est pas vous qui payez !
M. Christian Estrosi, ministre. - Un groupe de travail comprenant représentants des syndicats et du patronat nous présentera prochainement ses conclusions. Le Gouvernement a pris toutes ses responsabilités (protestations à gauche) pour que l'ascenseur social reste l'honneur de notre modèle social. (Applaudissements à droite)
Mme Fabienne Keller . - Ma question, d'une actualité douloureuse, porte sur le puissant séisme que vient de subir Haïti. Je vous remercie des propos qui viennent d'être tenus. La France entretient en effet une amitié forte et particulière avec le pays le plus pauvre du monde, auquel rien n'est épargné. Je le connais bien en raison d'un jumelage de ma ville et l'on peut dire que vient d'être détruit tout ce qui ne l'avait pas été par les cyclones. Quelles mesures d'urgence allez-vous prendre et quelles actions à long terme aideront-elles à y reconstruire une société ?
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - Après ce que le Premier ministre a dit, j'ajouterai quelques actions d'urgence : cinq avions, 130 sauveteurs, des équipes médicales, des gendarmes, des équipes spécialisées dans les recherches dans les décombres. Ce soir, un avion partira avec un hôpital mobile à installer sur le terrain de la résidence de l'ambassadeur. Mais on ne parlera de chiffres qu'après, on découvrira alors l'ampleur du désastre. Des gens se sont enfuis, qui reviendront. Ne croyons pas les chiffres actuels : j'espère que nous serons en-deçà.
Oui, il faut traiter l'eau et, bien sûr, il faut chercher les disparus et nous le faisons car des miracles sont possibles. Déjà, 91 familles, dont des blessés, sont arrivées à la Martinique et le deuxième A310 repartira avec d'autres blessés.
La reconstruction, c'est d'abord la coordination avec les États-Unis et l'Union européenne. Nous avons nommé un coordinateur de la reconstruction : il faut redonner espoir. Enfin, le centre de crise fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Promotion sociale par l'éducation
Mme Françoise Laborde . - Au nom de mon groupe, je m'associe à l'émotion suscitée par le tremblement de terre qui a frappé Haïti. Nous partageons la douleur et la peine des familles touchées.
En l'absence du ministre de l'éducation, qui n'a pas fait sa rentrée au Sénat, ma question s'adresse au Premier ministre.
Il n'y a pas si longtemps, le système scolaire était conçu pour repérer les élèves appartenant aux milieux défavorisés et les accompagner, dès qu'ils en avaient les moyens, vers l'université, les grandes écoles et les concours les plus prestigieux. C'est de cette façon que l'ascenseur social a fonctionné depuis Jules Ferry mais il est en panne et les inégalités se sont accrues.
Les solutions envisagées, comme admettre à tout prix 30 % de boursiers dans les grandes écoles, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ce n'est pas ainsi que nous ferons repartir l'ascenseur social dans notre République malade. Toutefois cette proposition a suscité des réactions excessives, proches de l'indécence. Ce refus de s'ouvrir à la diversité apparaît comme la volonté de maintenir la reproduction sociale.
Il faut répondre aux exigences des principes républicains si chers au RDSE. L'égal accès aux responsabilités est fondé, dit la Déclaration de 1789, sur la vertu et le talent. Quelles mesures allez-vous prendre pour ne pas en rester aux palliatifs ? Avez-vous réfléchi à des solutions pour que l'école de la République atténue les inégalités dans l'accès au savoir et à la culture et pourquoi ne pas coupler davantage critères sociaux et résultats dans l'attribution des bourses ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE et du groupe socialiste)
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville . - (Exclamations amusées à gauche) Je vous prie d'excuser M. Chatel, qui est aujourd'hui à Londres.
En matière d'égalité des chances, il s'agit de tenir les promesses de la République et toute l'action du Gouvernement est orientée vers la justice sociale. Un enfant de milieu défavorisé a sept fois plus de probabilités de ne pas savoir lire.
Pour un élève de seconde issu d'un milieu défavorisé qui entre en classe préparatoire, six issus de milieux aisés y entrent. Le Gouvernement est conscient du problème depuis longtemps et s'en occupe. L'éducation prioritaire est dotée, en 2010, d'un milliard de plus que les autres secteurs éducatifs.
Nous avons pris le problème globalement depuis le départ. Les nouveaux programmes au primaire réservent deux heures de soutien aux élèves en difficulté. L'accompagnement éducatif est doté d'un million pour des stages de remise à niveau au CM1 et au CM2. Un nouveau dispositif éducatif a été mis en place pour les élèves qui souhaitent suivre des stages, d'anglais par exemple, pendant les vacances. L'enseignement professionnel, avec le bac pro en trois ans, est rendu plus accessible, dans une logique de progrès. La réforme du lycée, enfin, engagée par Luc Chatel, doit remettre les élèves sur la voie de la réussite grâce en particulier à une meilleure orientation.
La dynamique « espoir banlieues » engagée par Fadela Amara (protestations à gauche)...
M. David Assouline. - Qui a dû largement faire appel aux collectivités locales !
M. Xavier Darcos, ministre. - ...donne à 5 % des élèves des lycées la possibilité d'aller vers les classes préparatoires. Le Président de la République a demandé que soient mobilisées 20 000 places supplémentaires dans les internats d'excellence, dès l'an prochain.
Il s'agit donc d'un processus global. Cessons de nous accrocher à la question des quotas. C'est un travail de fond, au quotidien, qui est mené dans le milieu scolaire, dans les collectivités, avec la politique de la ville, et le Gouvernement n'a pas de leçons à recevoir en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Taxe carbone
Mme Nicole Bricq . - Le Conseil constitutionnel a censuré, l'an dernier, la loi de finances pour 2010. Dès que cette décision a été connue, le Gouvernement s'est mobilisé et les ministres se sont précipités pour dire à l'opinion qu'il ne s'agissait là que d'une erreur technique, qui serait réparée dès le 20 janvier. Mais dans un deuxième temps, il a été question d'une nouvelle copie opérationnelle pour juillet avant que, dans un troisième temps, un ministre de la République accuse publiquement le Conseil constitutionnel de partialité, tandis que le Premier ministre lui-même se disait surpris... (On renchérit à gauche)
La décision du Conseil constitutionnel met surtout le doigt sur la méthode du Gouvernement, qui peut se résumer en trois mots : improvisation, précipitation, confusion. (Protestations sur les bancs UMP)
M. Didier Boulaud. - Et paupérisation !
M. René-Pierre Signé. - Amateurisme !
Mme Nicole Bricq. - Fallait-il donc que le Président de la République arrivât au sommet de Copenhague en champion solitaire de la cause de l'écologie ? On a vu le résultat. Plus grave, en multipliant les exonérations en faveur des entreprises déjà fort bien servies avec la suppression de la taxe professionnelle, en instaurant une taxe supplémentaire sur les ménages sans prendre en compte leur niveau de revenu -alors qu'un rapport remis au Gouvernement relève que la précarité énergétique touche de 3 à 4 millions de foyers-, en s'accrochant à l'injustice fiscale, dont le bouclier fiscal constitue plus que jamais le symbole (marques d'impatience à droite), le Gouvernement ne rend pas service à la cause de l'écologie, assimilée par les citoyens à un privilège de riches.
Ma question s'adresse au Premier ministre, chef du Gouvernement : comment entendez-vous réparer ce qu'il faut bien considérer comme un gâchis ? (Applaudissements à gauche)
M. François Fillon, Premier ministre . - Le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions relatives à la taxe carbone considérant qu'elle créait une inégalité devant l'impôt, les grandes entreprises très émettrices de CO2 n'étant pas concernées. Mais elles le sont par le dispositif européen des quotas...
M. Jacques Mahéas. - Pas jusqu'en 2013.
M. François Fillon, Premier ministre. - ...gratuit en effet jusqu'en 2013 mais bien mis en place pour inciter les entreprises à changer leur comportement, comme la taxe carbone, qui sera remboursée intégralement aux ménages.
Le Gouvernement a pris acte de la décision du Conseil constitutionnel. Le ministre d'État, ministre de l'écologie, présentera au conseil des ministres du 20 janvier prochain un dispositif répondant aux critiques et mettant en oeuvre une taxation des entreprises grandes émettrices de CO2 avec un dispositif de compensation à décider pour que leur compétitivité n'ait pas à en souffrir brutalement au risque de voir disparaître des pans entiers de notre sidérurgie et de notre industrie du ciment. Nous aurons un débat avec les partenaires sociaux, les entreprises et le Parlement décidera, sachant que nous souhaitons que ce dispositif s'applique au 1er juillet prochain.
Il n'y a eu aucune précipitation, madame Bricq : la taxe carbone est un engagement du Président de la République...
M. Didier Boulaud. - Comme tant d'autres...
M. François Fillon, Premier ministre. - ...et a fait l'objet d'une mission confiée à Michel Rocard. (Protestations à gauche) Et puisque vous parlez d'improvisation, vous feriez bien de balayer devant votre porte. (Applaudissements à droite) Le parti socialiste n'a-t-il pas signé la charte de Nicolas Hulot, qui prévoit une taxe carbone ?
M. David Assouline. - Pas cette taxe-là !
M. François Fillon, Premier ministre. - N'a-t-il pas voté le Grenelle de l'environnement, dont un article prévoit expressément l'institution d'une taxe carbone ? J'ajoute que, dans le recours déposé par le PS devant le Conseil constitutionnel contre la loi de finances, il n'est aucunement fait mention d'une inconstitutionnalité de la taxe carbone. (Applaudissements à droite. M. Jean Arthuis applaudit aussi)
Conférence sur l'Afghanistan.
M. Josselin de Rohan . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je m'associe à l'hommage rendu aux trois soldats tombés en Afghanistan. Je salue leur courage et leur mémoire et je partage la douleur de leurs proches.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 28 janvier prochain aura lieu une conférence sur l'Afghanistan. Je souhaiterais savoir ce que vous en attendez. Doit-il en ressortir un engagement ferme et sincère du Président Karzaï dans lutte contre la corruption ? Un soutien accru de la communauté internationale à une lutte contre la drogue impliquant les États riverains ? Une pression maintenue sur le Pakistan associée à une aide pour éradiquer Al-Qaïda et les talibans installés sur son sol ? Une augmentation sensible de l'aide internationale économique et sociale en Afghanistan et le rééquilibrage des crédits de la lutte armée ? Un accroissement des effectifs de la Fias pour répondre à l'appel des États-Unis ? Une meilleure coordination des activités des Nations unies, de l'Otan et des nations engagées sur le terrain ? Ne sera-ce là qu'une conférence de plus ou bien pensez-vous qu'elle puisse aboutir à un progrès décisif sur la voie du rétablissement de la paix et de la sécurité en Afghanistan ? (Applaudissements à droite)
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - Nous souhaitons tous ce que vous avez dit : que le Président Karzaï, réélu après les épisodes que vous connaissez, tienne ses engagements et qu'une nouvelle stratégie soit développée. J'espère comme vous que nous n'allons pas vers une conférence supplémentaire qui ne déciderait rien !
Je vous remercie pour l'hommage rendu à nos soldats, qui montrent actuellement l'exemple sur place en aidant chaque jour la population avec inventivité, notamment dans les vallées de Kapisa et de Surobi.
Lors de la conférence de Paris, nous avons évoqué l'afghanisation. L'expression est simple, pas la réalité ! Pour que les Afghans puissent prendre en charge leur développement, il faut qu'une force militaire assure leur sécurité. Il faut donc une armée afghane digne de ce nom, qui prenne en compte la réalité locale, pour ne pas dire tribale, et, tout à la fois, soit animée par un esprit de corps. Il faut également former des policiers, mais surtout s'acharner à convaincre la population civile que nous ne sommes pas présents pour l'éternité, car nous voulons partir au plus vite, après lui avoir transmis le fardeau de la direction et du développement.
La conférence de Londres doit aborder huit chapitres : perfectionner l'échange d'informations, domaine où nous avons encore beaucoup de progrès à accomplir ; élaborer un plan intégré de développement économique ; éliminer les obstacles à l'exécution des projets de développement ; améliorer l'efficacité de l'aide, dont il semble que seulement 10 % parvienne sur le terrain ; garantir l'État de droit et les droits de l'homme, la paix, la coopération et la sécurité, conformément à ce que le Président Karzaï a promis et à ce que nous aimerions le voir mettre en oeuvre. (Applaudissements à droite)
Lutte contre les délocalisations
M. Serge Dassault . - Les délocalisations sont de plus en plus nombreuses, si bien que nos produits sont de plus en plus concurrencés par ceux fabriqués dans les pays où la main-d'oeuvre coûte moins cher et travaille plus.
M. Didier Boulaud. - Ce n'est pas vrai !
M. Serge Dassault. - Pour réduire leurs coûts, nos entreprises sont presque obligées de délocaliser leur production. Cela est vrai de plus en plus pour les voitures, sans doute bientôt pour les avions puisque les Chinois viennent de lancer un aéronef de 120 places qui concurrence directement l'Airbus A320, qu'ils construisent d'ailleurs sous licence. C'est dire le danger de fabriquer sous licence en Chine !
Mais ces délocalisations présentent le grave inconvénient d'augmenter le chômage en France. Il faut donc tout faire pour les éviter, donc réduire nos coûts de production.
Une première voie consiste à travailler plus (protestations à gauche), grâce aux 39 heures légales, en expliquant aux salariés que ne rien faire aggraverait le chômage. (Même mouvement)
La deuxième orientation consiste à changer l'assiette des charges sociales acquittées par les entreprises. On pourrait retenir le chiffre d'affaires diminué des salaires, ou instituer une TVA sociale. Tout cela permettrait d'augmenter plus facilement le pouvoir d'achat des salariés, tout en évitant à l'État de dépenser des milliards en allégements de charges devenus sans objet.
Travailler plus, changer l'assiette des charges sociales : monsieur le ministre, allez-vous rapidement étudier ces conditions fondamentales pour éviter les délocalisations, dans l'intérêt de tous ? (Applaudissements à droite)
M. Christian Estrosi, ministre de l'industrie . - Vous avez raison : certaines de vos propositions méritent réflexion. Je regrette les quolibets que j'ai entendus. (Protestations à gauche) Qui peut se comparer à quelqu'un qui a tellement contribué à l'innovation et à la création d'emplois en France ! (Applaudissements à droite.)
La lutte contre les délocalisations est un combat quotidien pour le Gouvernement et sa majorité. Ainsi, la suppression de la taxe professionnelle réduira de 12 milliards d'euros les charges pesant cette année sur les entreprises. De même, le crédit d'impôt recherche conduit à rembourser aux entreprises 30 euros lorsqu'elles en consacrent 100 à la recherche. C'est le régime le plus attractif au monde ! Enfin, l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires a permis d'enregistrer 152 millions d'heures supplémentaires en 2009, après les 180 millions constatés en 2008.
M. Didier Boulaud. - Comment cela peut-il contribuer à la création d'emplois ?
M. Christian Estrosi, ministre. - Au lieu d'alourdir la fiscalité, le Gouvernement réduit la dépense publique pour faciliter la création de richesses et d'emplois.
J'ajoute que le Fonds stratégique d'investissement contribue à la recapitalisation des entreprises. Son action est accompagnée par le Fonds d'aide aux entreprises et par notre fonds souverain, le seul au monde destiné à recapitaliser les PME.
Nous enregistrons aujourd'hui toujours plus de relocalisations. (On en doute vivement sur les bancs socialistes) Dans votre département de l'Essonne, monsieur Dassault, une entreprise, 3S Photonics, a pris la relève d'Alcatel -dont le comportement n'a pas toujours été exemplaire. Elle a fait revenir 200 emplois en R&D de Taïwan, car la qualité de notre main-d'oeuvre et l'économie des coûts de transport diminuent la compétitivité de la délocalisation.
J'ajoute que le volontarisme politique joue un rôle : j'ai récemment reçu le directeur général de Renault et M. Carlos Ghosn verra samedi le Président de la République, car la production industrielle destinée au marché français doit être assurée en France. Voilà pourquoi nous ne laisserons pas délocaliser la Clio IV ! (Applaudissements à droite)
M. le président. - Je demande aux ministres de respecter leur temps de parole.
Prévention de la violence chez les jeunes
Mme Raymonde Le Texier . - Au Kremlin-Bicêtre, dans un lycée, un jeune est mort poignardé, il avait juste 18 ans et son agresseur n'était pas plus âgé. A Cergy, quelques jours auparavant, dans un centre commercial, un jeune est mort poignardé, il avait 16 ans et son agresseur n'était pas plus âgé. Ces événements nous ont tous bouleversés et nos pensées vont d'abord vers leurs familles. L'émotion légitime, lors de tels drames, conduit chaque fois à s'interroger sur les moyens de se protéger contre une telle violence. A chaque fois, ce sont des histoires personnelles faites de ruptures, d'échecs, de rejets. Ces détresses ont-elles été entendues ? Deux jeunes gens sont morts, deux autres sont devenus des meurtriers. Quatre vies sont brisées. Notre société s'est-elle donné les moyens de prévenir ces drames ? Nous sommes tous d'accord pour chercher les moyens de préserver l'école de toute violence. Mais le lycée du Kremlin-Bicêtre n'était pas le plus mal loti en personnel ni en vidéosurveillance.
Prévenir, ce n'est pas refuser de sanctionner l'agresseur ni l'excuser de son crime. C'est vouloir agir en amont pour éviter le passage à l'acte, car c'est en amont que réside notre espoir de succès comme notre responsabilité collective. Or les services d'action éducative sont à découvert humainement, les juges des enfants sont surchargés, les structures d'aide à la parentalité débordées. Dans les établissements scolaires, les permanences de psychologues sont rares et l'on manque cruellement d'assistantes sociales, d'infirmières, de médecins scolaires. Que ceux qui veulent « sanctuariser » l'école prennent les mesures qui s'imposent...
Faute de moyens, l'enfance en danger n'est pas toujours repérée et les réponses sont trop lentes. Un an et demi d'attente pour un premier rendez-vous dans les centres médico-psycho-pédagogiques : impossible de changer la donne, d'insuffler l'espoir. Le Gouvernement est-il prêt à investir massivement dans l'accompagnement social des jeunes concernés pour éviter que la violence ne devienne leur façon d'être au monde ? (Applaudissements à gauche)
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse . - Je salue la manière dont vous avez évoqué cette grave question, madame Le Texier. Il faut en effet sanctionner, mais aussi s'interroger sur la prévention, comme vous l'avez fait dans le cadre de la mission d'information sur la jeunesse que vous avez présidée. Ensemble, nous avons testé des pistes concrètes et certaines commencent à porter leurs fruits. Une expérimentation a ainsi eu lieu dans des collèges très difficiles ; on a associé les parents au projet éducatif et l'on a constaté une nette amélioration de l'assiduité des élèves et une diminution du nombre de sanctions. Les résultats scolaires ont été meilleurs. Or associer les parents de cette façon coûte 1 500 euros par an et par collège. M. Chatel et moi-même sommes prêts à généraliser cette mesure.
M. Roger Romani. - Très bien.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Autre piste pour réduire l'échec qui caractérise trop souvent l'adolescence : mettre en place un bilan de compétences qui explorerait tous les domaines afin de déterminer les aptitudes des jeunes concernés. Nous lançons l'appel à projet cette semaine.
Les écoles expérimentales de la deuxième chance n'ont, depuis quinze ans, reçu aucun financement de l'État. J'ai changé cela, si bien que le nombre de places passera de 4 000 à 10 000. Enfin, concernant plus largement la violence et le manque de respect, j'espère que le service civique né ici -je salue M. Collin- contribuera à changer les choses. (Applaudissements à droite)
Mesures de lutte contre la violence à l'école
M. Christian Cambon . - Le 8 janvier dernier, le jeune Hakim perdait la vie dans la cour du lycée Darius Milhaud au Kremlin-Bicêtre, victime d'une querelle d'adolescents qui s'est terminée par un coup de couteau mortel. Nous avons partagé l'émotion suscitée par ce fait divers et nous nous inclinons devant la mémoire de ce jeune et devant la douleur de ses parents. La communauté éducative est très touchée par ce drame. Pourquoi tant de violences à l'école ? L'état de la société, la représentation qu'en donne la télévision n'expliquent pas tout. Les Français attendent des actes forts pour tenir les bandes à l'extérieur des établissements scolaires...
M. David Assouline. - Il ne s'agissait pas de bandes !
M. Christian Cambon. - ...et pour qu'aucun jeune n'ait plus envie d'aller à l'école muni d'une arme blanche, d'un couteau de cuisine. Respectant une minute de silence, les lycéens de France prendront la mesure de ce drame. Mais des mesures plus sévères, concrètes et réalistes, s'imposent.
M. René-Pierre Signé. - La trique !
M. Christian Cambon. - Il faut renforcer le rôle des chefs d'établissement, qui sont les garants de la discipline au sein des établissements et qui sont les mieux informés des querelles : ils connaissent les élèves perturbateurs et violents. Aujourd'hui, les directeurs ont le droit de contrôler le contenu des sacs de classe mais l'élève peut s'y opposer. Les agents de sécurité dans les aéroports ont plus de pouvoir ! L'élève ne devrait pas pouvoir se soustraire au contrôle.
Cette affaire a bouleversé le Val-de-Marne et la France entière. Alors, au nom de la société française qui refuse cette escalade de la violence à l'école...
M. Yannick Bodin. - Démagogie !
M. Christian Cambon. - ...comme au nom des parents -et des jeunes eux-mêmes, qui veulent étudier dans un climat serein-, je souhaite connaître les engagements et les décisions que vous comptez prendre pour que Hakim ne soit pas mort pour rien. Comment admettre qu'un jeune perde la vie à l'endroit même où il vient préparer son avenir ? (Applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer. - Récupération !
M. Yannick Bodin. - Cet amalgame est honteux !
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - Monsieur Cambon, vous avez rappelé la légitime émotion suscitée par le décès de Hakim, poignardé en raison d'un simple différend personnel. La vie ne doit pas s'arrêter à 18 ans ! Le jour même, M. Chatel et moi-même nous rendions sur place pour rencontrer la communauté éducative. Nous nous sommes également entretenus avec le père de la victime au chevet de son fils à l'hôpital. Je vous laisse imaginer quels étaient ses sentiments...
Des mesures ont déjà été prises pour empêcher les éléments extérieurs de pénétrer dans les établissements.
Voix sur les bancs socialistes. - C'est l'initiative des régions !
M. Brice Hortefeux, ministre. - Avec M. Chatel, nous avons instauré un partenariat « sécurité éducation » en mettant en place 1 058 référents sécurité, Tous les établissements du secondaire et quelques-uns du primaire sont donc couverts par ce dispositif. En outre, fin 2010, un diagnostic sécurité sera réalisé pour chacun des établissements. Enfin, certains chefs d'établissement ont décidé de se doter de la vidéoprotection qui, si elle ne résout pas tout, contribue à la sécurité.
Peut-on aller plus loin ? La fouille des cartables est déjà possible, mais avec l'accord de l'intéressé. Doit-elle être rendue systématique ? Je comprends votre position qui n'est pas démagogique, mais pragmatique. (Marques de scepticisme à gauche) Cela poserait un problème juridique, la fouille individuelle imposant la présence d'un officier de police judiciaire, et un problème pratique d'embouteillage à l'entrée de l'établissement, tous les élèves arrivant en même temps. L'utilisation d'un portique, auquel certains chefs d'établissement sont favorables, pourrait être une solution. En tout état de cause, nous ne devons négliger aucune piste car la sécurité de nos enfants n'est pas négociable ! (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
La séance, suspendue à 16 h 5, reprend à 16 h 20.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 34 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, le rapport relatif aux ressources du Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage en 2008 et à la signature et à l'exécution des contrats d'objectifs et de moyens visant au développement de l'apprentissage en 2008.
Ce rapport a été transmis à la commission des affaires sociales. Il sera disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue François Gerbaud, qui fut sénateur de l'Indre de 1989 à 2008. En votre nom à tous, j'adresse à sa famille nos sincères condoléances.
Maisons d'assistants maternels
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels.
Discussion générale
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi. - Je me réjouis que nous débattions aujourd'hui de cette proposition de loi visant à faciliter la création de maisons d'assistantes maternelles, que j'ai déposée avec quinze de mes collègues dont vous-mêmes, monsieur le président, M. le rapporteur et M. Juilhard, auteur d'un rapport sur l'accueil des enfants en milieu rural. Cette réforme permettra d'élargir l'offre de services d'accueil de jeunes enfants grâce au regroupement de personnel au sein de maisons d'assistants maternels, que nous pourrions appeler les « Mam ». (Sourires) Puisse ce nouvel acronyme ne pas vous froisser, monsieur le ministre.
Il s'agit d'apporter toutes les garanties juridiques nécessaires aux parents, aux assistants maternels et aux présidents de conseils généraux qui sont chargés de l'accueil des enfants. Le principe de délégation d'accueil, indispensable au bon fonctionnement de ces regroupements, est entériné et encadré.
Cette proposition de loi consacrera et sécurisera les initiatives prises par des assistantes maternelles qui ont eu l'intelligence et le courage d'inventer hors des sentiers battus une nouvelle forme d'accueil des jeunes enfants. Le rôle du législateur est parfois d'inscrire dans la loi les expériences de la société civile : nous ne pouvons pas demander à nos concitoyens d'être inventifs et créatifs et ne pas les soutenir !
Cette formule a fait ses preuves. Les premières maisons d'assistantes maternelles ont ouvert il y a une dizaine d'années et se sont vu accorder une première reconnaissance officielle en 2006, à l'initiative du secrétaire d'État à la famille Philippe Bas, lorsqu'on les a autorisées à titre expérimental sous l'autorité de la protection maternelle et infantile (PMI). Puis, en 2008, le Parlement les a inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais il était nécessaire d'élaborer une loi spécifique et détaillée afin de répondre à cette expérimentation par une innovation juridique qui les sécurisât. C'est l'objet du présent texte.
Quarante-deux conseils généraux de toutes tendances favorisent déjà ces regroupements, ce qui montre qu'ils répondent à l'intérêt général. Si l'on compte déjà 137 maisons d'assistants maternels malgré une base juridique fragile -la convention prévue en 2008 s'est révélée inapplicable -c'est parce que ces structures présentent des avantages uniques. Pour les parents d'abord : elles offrent une amplitude horaire qu'aucune autre forme de garde collective ne peut égaler et qui est précieuse (M. Alain Gournac le confirme) : dans une ville de Mayenne, certaines mères qui travaillent à l'abattoir prennent parfois leur poste à 5 heures du matin, ce qui ne les empêche pas de terminer à 21 heures une semaine sur deux. Elles permettent également de répondre aux demandes urgentes. Pour les enfants, elles réduisent les risques puisque le travail en équipe favorise la vigilance mutuelle : on est frappé, lorsqu'on visite ces centres, par l'ambiance coopérative qui y règne. Aux assistantes maternelles, les maisons offrent des perspectives d'évolution professionnelle et l'opportunité de travailler en équipe, d'échanger ainsi leurs expériences, voire de faire éclore des vocations. Pour certaines communes rurales, enfin, ces maisons représentent la seule offre de garde possible, car des milliers d'entre elles ne disposent pas des ressources suffisantes pour ouvrir une crèche et ne peuvent même pas attirer assez d'assistantes maternelles individuellement : voyez le rapport de M. Juilhard. Il y a là un instrument de lutte contre la désertification des campagnes.
Il ne s'agit pas de transiger avec les impératifs de sécurité, d'hygiène et de bien-être des enfants : les maisons d'assistants maternels sont soumises au contrôle de la PMI et satisfont toutes ses exigences.
Elles présentent enfin un grand intérêt macro-économique car il manque, en France, entre 300 000 et 400 000 places de garde ; or le déficit structurel de la sécurité sociale se montera à 30 milliards à la fin de l'année et son déficit cumulé à 150 milliards peut-être fin 2012.
De nouveaux besoins sociaux requièrent des financements importants, que nous ne saurions rechercher dans l'alourdissement des charges sociales : la France consacre 3,8 % de son PIB à la politique familiale, au deuxième rang des pays de l'OCDE, qui y consacrent en moyenne 2,4 %. Nous pouvons en être fiers, mais sans oublier qu'une grande politique sociale ne se déploie pas dans un désert économique : en situation de concurrence fiscale internationale, et alors que nous déplorons chaque jour des délocalisations -deux questions d'actualité viennent de leur être consacrées-, l'heure n'est pas à augmenter les prélèvements obligatoires !
La garde à domicile reste plus onéreuse que les autres modes de garde : 2 318 euros par mois, contre 1 366 euros pour les crèches et 895 euros pour les assistantes maternelles. Pour répondre aux besoins des parents, notre stratégie nationale passe donc nécessairement par le recrutement et la formation d'assistantes maternelles.
Les maisons d'assistantes maternelles renforcent les capacités d'accueil des enfants, l'emploi des assistantes maternelles, sans être déraisonnables rapportées à nos moyens. Leur intérêt est social : les parents, le plus souvent des mères, y trouvent une solution de garde compatible avec leurs revenus, notamment à la campagne ; il est économique, puisque l'offre de garde est accrue sans creuser davantage le déficit de la sécurité sociale ni grever notre compétitivité économique ; il est politique, enfin, puisque, avec les maisons d'assistantes maternelles, les pouvoirs publics démontrent qu'ils sont à l'écoute de la société civile, que leur objectif n'est pas de contrôler, et encore moins de censurer, mais bien d'encourager les initiatives : le pire serait, sous prétexte de régulation, d'étouffer des projets qui sont très attendus par les parents comme par les assistantes maternelles !
Nous oeuvrons là pour l'innovation administrative, pour que la France cesse de s'enfermer dans des solutions toujours conventionnelles !
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi. - A quoi sert-il de proclamer de grandes ambitions sociales dont on sait qu'on ne les financera pas ? Avec ce texte, nous respectons autant de liberté que possible, en prévoyant autant de régulation que nécessaire.
Je remercie chaleureusement la commission pour l'excellence de son travail, pour l'attention constante qu'elle porte aux familles et à l'accueil des jeunes enfants dont les parents travaillent. Je salue, outre son travail législatif, son engagement pour l'évaluation des politiques publiques. Je pense en particulier au rapport d'information de notre collègue M. Juilhard sur l'accueil des jeunes enfants en milieu rural. Je remercie aussi M. Lardeux, rapporteur et co-auteur de ce texte, en le félicitant d'être venu en Mayenne rencontrer des assistantes maternelles, tout comme d'avoir rédigé des amendements qui améliorent ce texte que, je l'espère, nous voterons dans l'allégresse ! (Sourires et applaudissements à droite et au centre)
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales. - M. Arthuis ayant excellemment présenté les avantages des maisons d'assistantes maternelles, je concentrerai mon propos sur les apports juridiques de ce texte.
En premier lieu il sécurise la délégation d'accueil. Toutes les assistantes maternelles nous l'ont dit : pour que les regroupements fonctionnent, elles doivent avoir la possibilité de se déléguer entre elles l'accueil des enfants, avec l'autorisation des parents. Les accueillants familiaux ont déjà cette faculté, nous l'étendons aux assistantes maternelles. Les règles de la délégation que nous proposons ont reçu le soutien des associations et des syndicats d'assistantes maternelles, mais aussi de la direction générale du travail et des assurances, Axa en particulier. Nous sommes parvenus à une solution juridique sécurisante pour tous, aussi bien les enfants que les parents ou les assistantes maternelles.
Les présidents de conseils généraux s'en féliciteront aussi. Aujourd'hui, les maisons d'assistants maternelles existent dans 42 départements représentatifs de toutes les sensibilités politiques. Or, même quand la convention de la Cnaf a été signée, ce qui est rare, la délégation d'accueil n'a aucune base juridique solide et, en cas de problème, la responsabilité des départements peut être mise en cause. Les présidents de conseils généraux seront désormais protégés.
Ce texte, ensuite, règle la responsabilité civile au sein des maisons d'assistantes maternelles. Deux questions se posaient : qui est responsable en cas de dommage ? Sur quel fondement ? Après avoir longuement consulté les assureurs et les services du ministère de la justice, nous avons choisi d'appliquer le principe général de la responsabilité civile, en vertu duquel « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». En cas de dommage, l'assistante maternelle responsable sera celle qui assure l'accueil de l'enfant, directement ou par délégation.
Enfin, ce texte rend inutile la signature d'une convention pour encadrer les regroupements. En effet, dès lors que la loi organise en détail le fonctionnement des maisons d'assistants maternelles, nul n'est besoin d'imposer une convention. Le directeur général de l'action sociale nous a confirmé, lors de son audition, qu'une convention n'apporterait aucune garantie ou sécurité supplémentaires. Je crois aussi qu'une obligation de conventionner donnerait aux communes un moyen de pression sur les assistantes maternelles.
Certains syndicats, ceux des personnels de crèche notamment, regardent les maisons d'assistantes maternelles comme des crèches au rabais, qui annonceraient un désengagement de l'État sur la petite enfance. Je tiens à les rassurer : la dernière convention d'objectifs et de gestion signée entre la Cnaf et l'État prévoit une augmentation des aides de l'État à la construction des crèches de plus d'un milliard d'euros.
M. Guy Fischer. - Et le fonctionnement ?
M. André Lardeux, rapporteur. - D'ici fin 2012, nous disposerons de 60 000 places de crèches supplémentaires : où est le désengagement ? Surtout, les maisons d'assistantes maternelles ne remplacent pas les crèches, car elles se développent là où il n'y a pas et où il n'y aura jamais de crèches. Les communes rurales de Loire-Atlantique ou du Bas-Rhin, par exemple, ont eu recours aux regroupements faute de solution alternative, parce qu'il leur était impossible, même avec les subventions de la Caf, de construire et financer des crèches.
Je soulignerai pour finir l'esprit même de ce texte. En France, contrairement à d'autres Nations, c'est l'État qui a construit l'unité du pays, en faisant respecter une même loi sur l'ensemble du territoire. De cet héritage historique résulte une tendance, de la part des pouvoirs publics, à se méfier des initiatives de la société civile, souvent soupçonnées d'être motivées par une cause moins noble que l'intérêt général. De cette méfiance naît cette volonté de contrôler et d'encadrer tout dans le moindre détail, si caractéristique de notre pays. Ce texte, à sa modeste mesure, répond à une philosophie résolument inverse : poser les grands principes, puis faire confiance à la société civile, faire confiance aux assistantes maternelles qui accueillent les enfants, faire confiance aux parents qui confient leurs enfants, faire confiance aux élus qui délivrent les agréments. Dans ce XXIe siècle si concurrentiel, notre pays a besoin de mobiliser les énergies et de libérer les initiatives. Nos concitoyens ont eu la créativité et le courage d'inventer un nouveau mode de garde, qui s'est répandu sur l'ensemble du territoire : notre devoir est de les encourager et de les soutenir, dans l'intérêt général ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. - Votre proposition de loi s'inscrit pleinement dans le chantier ouvert par le Gouvernement pour développer l'offre d'accueil des jeunes enfants. Je suis très attaché à cette priorité de notre politique familiale. Je remercie les orateurs inscrits dans la discussion générale de m'avoir autorisé à m'exprimer avant eux : je dois partir pour l'Élysée dans une heure ; M. Apparu me suppléera alors.
Comme le rappelle votre exposé des motifs, cette politique familiale vise trois objectifs complémentaires : soutenir la natalité ; faciliter la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ; conforter le taux d'activité des femmes. Développer la garde d'enfants contribue à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Je tiens à saluer le travail de grande qualité de MM. Arthuis, Lambert, Juilhard, ainsi que de votre rapporteur, M. Lardeux. En créant les conditions favorables aux regroupements ou maisons d'assistants maternels (MAM) -puisse Mme la garde des sceaux ne pas demander de droits d'auteur ! (sourires)-, votre proposition de loi apporte une solution innovante aux besoins des parents, des professionnels et des élus locaux.
Conformément à l'engagement du Président de la République, nous avons veillé à diversifier les modes de garde car notre mot d'ordre, c'est de nous adapter aux besoins des familles ainsi qu'aux particularités des territoires et des situations. Grâce à la nouvelle convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Caisse nationale d'allocations familiales, nous disposons de moyens concrets pour développer la garde d'enfants.
D'ici 2012, nous créerons 200 000 solutions supplémentaires d'accueil grâce au Fonds national d'action sociale, qui sera porté de 3,8 à 5 milliards. Pour une moitié, ces places seront chez les assistants maternels ; pour l'autre, en accueil collectif. Celui-ci comprendra 8 000 places de jardins d'éveil et 1 500 places en micro-crèche dans les territoires ruraux. Nous financerons en outre 10 000 places de crèches d'entreprise, grâce à l'augmentation du crédit impôt famille que nous avons fait passer de 25 à 50 %.
Nous avons autorisé les assistants maternels à accueillir jusqu'à quatre enfants afin d'améliorer leurs revenus et de renforcer l'attractivité de leur profession. Dans la LFSS pour 2010, nous leur avons ouvert le prêt à l'amélioration de l'habitat, qui leur permettra d'adapter leur logement à leur activité professionnelle. Enfin, nous avons revalorisé de 10 % le complément mode de garde pour les parents travaillant en horaires atypiques.
Poursuivant cette dynamique, votre proposition de loi constitue une avancée notable. Les regroupements d'assistants maternels, que vous avez expérimentés en Mayenne, cher Jean Arthuis, permettent aux parents de faire garder leur enfant en toute sécurité et à un coût raisonnable pour eux comme pour la collectivité. Cette solution accroît l'offre d'accueil ; elle élargit l'amplitude horaire grâce à la délégation d'accueil ; elle rassure certains parents et répond aux besoins des assistants maternels qui ne peuvent exercer leur profession faute d'un espace adéquat. Simplicité et souplesse du mode de garde mais aussi respect des exigences de qualité et de sécurité, tels sont les maîtres mots de la solution innovante que vous proposez. Certains points sont toutefois susceptibles de susciter des inquiétudes.
La convention doit être facultative, au risque de constituer une contrainte administrative excessive pour certaines collectivités comme pour les assistants maternels. En faire une possibilité, pour les conseils généraux et les assistants maternels, de formaliser leur engagement, c'est tenir compte avec souplesse des particularités locales. A ceux qui craindraient que cette souplesse ne nuise à la qualité de l'accueil ou à la sécurité de l'enfant, je réponds que la proposition de loi apporte toutes les garanties nécessaires : nous restons dans le cadre fixé par le service de protection maternelle et infantile, qui doit jouer pleinement son rôle à chaque étape de la mise en place et du suivi d'une MAM, ainsi que dans la formation des assistants maternels.
La délégation temporaire d'accueil permet aux parents d'autoriser l'assistant maternel à déléguer l'accueil de leur enfant à l'un de ses collègues travaillant dans la même maison. Comme votre proposition de loi le dit clairement, cette délégation doit être notifiée dans les contrats de travail ainsi que dans les contrats d'assurance des assistants maternels concernés. Nous restons donc dans une relation de gré à gré aussi encadrée que pour un assistant maternel travaillant à son domicile.
Le regroupement d'assistants maternels participe pleinement à la diversification des solutions de garde. Le Gouvernement le soutient. (Applaudissements à droite et au centre)
M. le président. - Grâce à la complaisance de Mme Pasquet, M. Gournac intervient en premier.
M. Alain Gournac. - Je remercie vivement notre collègue, grâce à qui je vais pouvoir me rendre dans ma bonne ville du Pecq pour la cérémonie des voeux.
Nous avons la chance d'être le pays européen qui a le plus fort taux de fécondité. La politique familiale française doit donc être ambitieuse en matière de garde d'enfants. La France consacre aux aides et gardes d'enfant entre 1 et 1,5 % de son PIB, soit un niveau proche de celui de la Suède ou du Danemark. Le nombre de places en crèches a augmenté de 27 % entre 2000 et 2007 mais cela ne suffit pas pour répondre aux besoins. De nombreuses familles n'obtiennent pas de place en crèche et la garde d'enfants à domicile reste très onéreuse. Les modes de garde des enfants se sont diversifiés par la force des choses. Les parents ont de plus en plus recours à une assistante maternelle s'occupant de plusieurs enfants, chez elle, à son propre domicile. Certains optent pour un système de « garde partagée », permettant à une nourrice de garder plusieurs enfants dans chaque foyer alternativement.
Cette proposition de loi va plus loin, en permettant le regroupement d'assistantes maternelles à l'extérieur de leur domicile. Ce mode de garde a été expérimenté avec succès depuis quatre ans dans plusieurs départements. Il a été autorisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ; reste à lui donner un cadre juridique et opérationnel.
Les maisons d'assistantes maternelles présentent plusieurs avantages. Nombreuses sont les personnes qui ne peuvent exercer la profession d'assistante maternelle du fait que leur domicile ne répond pas aux critères d'agrément : il est trop petit pour que puissent y être gardés plusieurs enfants. Davantage d'assistantes maternelles pourront dorénavant être agréées. Celles qui le sont déjà et qui habitent dans une zone où la demande est trop faible pourront exercer leur profession dans un autre quartier, voire une commune voisine. Les assistantes maternelles bénéficieront du travail en équipe dans cette maison commune et pourront partager leurs expériences.
Il n'y a là aucun risque de concurrence, il s'agit plutôt d'une extension de l'offre qui bénéficiera à tous et permettra aux maires de répondre à la demande souvent pressante de leurs concitoyens.
L'enfant sera gardé dans un cadre sécurisé par des assistantes maternelles connues des parents. Un contrat de travail formalisera cette relation ; l'autorisation de délégation et les noms des assistantes maternelles concernées devront y figurer. Les assistantes maternelles auront par ailleurs l'obligation de s'assurer. L'enfant ne se trouvera pas dans le cadre familial de l'assistante maternelle. II ne sera au contact que d'assistantes maternelles.
Cette proposition de loi répond à l'attente de familles ayant des contraintes horaires ; c'est la seule solution en cas d'horaires décalés. Il est hors de question de confier un nourrisson à une assistance maternelle de l'aube jusqu'au soir ; il restera pour une durée normale sous la surveillance d'assistantes qui se succèderont. Ce dispositif permet la souplesse, pas les débordements.
De nombreuses communes augmentent et diversifient l'offre de garde des enfants. Financièrement, une maison d'assistantes maternelles représente un coût moins élevé que celui de fonctionnement d'une crèche. En Mayenne, dans le département de M. Arthuis, la commune d'Evron a calculé qu'une crèche coûtait sept fois plus cher car, si la commune participe le plus souvent à la création de la maison, elle ne rémunère pas les assistantes maternelles, qui restent à la charge directe des parents.
Comme l'a bien dit M. Juilhard, les maisons d'assistantes maternelles constituent un outil de lutte contre la désertification des campagnes car les familles ont besoin de modes de garde adaptés pour pouvoir s'installer.
Cette proposition permet des avancées très positives. Selon ses auteurs, 300 000 à 400 000 personnes dont une immense majorité de mères, sont obligées de s'arrêter de travailler pour garder elles-mêmes leur enfant. Trouver un lieu d'accueil est donc essentiel. Cette question devrait tous nous rassembler autour d'un texte qui répond aux attentes de nos concitoyens. Le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs UMP et UC)
Mme Isabelle Pasquet. - Le travail massif des femmes a radicalement bouleversé les habitudes des familles et la garde des enfants, qui incombait aux femmes il y a deux siècles, n'est matériellement plus possible. Cela devient un véritable enjeu de société. Avec un taux de fécondité supérieur à deux enfants par femme, la France est, avec l'Irlande, le pays le plus performant. Cette situation est moins liée à des présupposés natalistes qu'à des mesures sociales.
Les parents rencontrent des difficultés parce qu'il manque 350 000 places de garde. Le Gouvernement n'estime les besoins qu'à 200 000, d'où la convention d'objectifs et de gestion passée avec la Cnaf et qui prévoit la création de 100 000 places en individuel et d'autant en collectif. Nous avons souligné des besoins criants lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale et Guy Fischer avait fait référence à une étude réalisée par une association familiale en Corse selon laquelle 43 % des couples n'ayant pas recours à un mode de garde payant en étaient privés pour des raisons financières -la proportion atteint même 63 % pour les familles monoparentales. Cela rend plus sensible l'absence de places en crèche puisque les tarifs sont fonction des revenus. On comprend que 65 % des familles réclament une augmentation du nombre de places en crèche.
Nous ne voulons stigmatiser ni les familles qui font le choix d'une assistante maternelle, ni des professionnels dévoués et de qualité mais c'est dans un contexte de pénurie que le Gouvernement et sa majorité ont décidé d'augmenter les capacités d'accueil des assistants maternels : modification des règles d'agrément départemental, extension du prêt à l'amélioration de l'habitat, passage à quatre enfants gardés, mais aussi diminution de 60 à 30 du nombre d'heures de formation. Nous nous étions élevés contre une décision qui donne à croire que vous privilégiez le quantitatif sur le qualitatif, ce qui n'est pas acceptable sur un sujet aussi sensible. (M. Guy Fischer le confirme)
On se souvient de l'amendement de MM. Lardeux et Arthuis au PLFSS puis écarté par la commission mixe paritaire. On le retrouve aujourd'hui. Nous avions voté contre parce qu'il ne répond pas aux difficultés. Les trois maisons que nous avons visitées lors d'un déplacement en Mayenne fonctionnent convenablement ; elles répondent aux besoins de certaines familles et à la volonté d'assistants maternels de travailler de manière collective et dans un lieu distinct de leur habitation après que leurs enfants ont grandi. Cependant, nous nous positionnons par rapport à un mode de garde et celui-ci est un mode de garde collectif qui ne dit pas son nom. Or les règles applicables sont très insatisfaisantes par rapport aux crèches familiales ou aux micro-crèches. L'article premier, par exemple, ne requiert pas une expérience d'une certaine durée pour les assistants maternels désirant exercer dans une maison. Nous ne pouvons que regretter que les règles minimales en matière d'accueil collectif soient totalement absentes. Il est pourtant bien différent de travailler individuellement chez soi et dans un local distinct, de manière collective : cela requiert des compétences différentes pour animer un groupe de seize enfants, entretenir les relations avec les parents et gérer les conflits comme le souligne le collectif « Pas de bébé à la consigne ».
Pour toutes ces raisons, je ne partage pas votre allégresse. Si nos amendements ne sont pas adoptés, nous n'aurons d'autre choix que de voter contre. (Applaudissements à gauche)
M. Joseph Kergueris. - L'acte II de la décentralisation a permis aux collectivités d'innover pour répondre au mieux aux besoins locaux ; elles ne s'en sont pas privées. Une dizaine de départements ont ainsi expérimenté une formule prometteuse, les maisons d'assistants maternels. A la suite de l'initiative pionnière de M. Arthuis, le département du Morbihan s'est lancé dans l'expérimentation depuis quatre ans, et elle a fait ses preuves. Seulement, alors qu'elle devrait être consacrée, institutionnalisée, elle est paradoxalement menacée, d'où le caractère absolument indispensable de cette proposition.
Les maisons d'assistants maternels constituent la meilleure réponse à un besoin criant. Nous sommes victimes du succès d'une politique nataliste : la France affiche un des taux de fécondité les plus élevés de l'Union mais les infrastructures ne suivent pas et l'offre d'accueil reste grandement insuffisante. Au rythme actuel, les besoins ne pourraient être couverts avant 2026 !
L'objectif est de trouver la meilleure offre d'accueil. Or les maisons d'assistants maternels offrent un avantage économique, social et mécanique. D'un point de vue économique, d'abord, alors que la garde à domicile reste réservée aux plus aisés, le fonctionnement des maisons coûte toujours moins que celui des crèches -et je ne parle pas de l'investissement.
L'avantage est aussi social : les maisons d'assistants maternels offrent des horaires de garde plus souples que les établissements collectifs, comparables à ceux de la garde à domicile, et apportent une solution aux parents travaillant selon des horaires décalés. Elles favorisent la socialisation de l'enfant dès le plus jeune âge. L'avantage est enfin mécanique pour le développement de l'offre d'accueil du plus grand nombre. Les maisons d'assistants maternels ouvrent l'accès à la profession à ceux dont les locaux d'habitation sont trop exigus ou à ceux qui ont du mal à concilier chez eux activité professionnelle et vie familiale.
Comme présidents de conseils généraux, les signataires de ce texte ont à coeur de favoriser ce mode d'accueil, pourtant aujourd'hui menacé : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a fait entrer les maisons d'assistants maternels dans la loi en les soumettant à la signature d'une convention avec le conseil général et la Cnaf, qui a cependant élaboré une convention-type compromettant le dispositif, au risque de porter un coup d'arrêt à son développement et de déstabiliser les maisons existantes : un résultat inverse de ce qui était escompté, quel tour de force !
Cette convention-type, très complexe, interdit la délégation d'accueil. Pour réagir contre la condamnation des maisons d'assistants maternels, nous nous sommes élevés avec vigueur, lors des débats sur la loi de financement pour 2010, contre un état de fait qui entrave de façon manifeste la décentralisation. La convention de la Cnaf est contraire à ce dont ont besoin les maisons d'assistants maternels : un cadre juridique spécifique propre à sécuriser leur développement. Nous regrettons que la CMP ne nous ait pas suivis sur l'amendement que nous avions déposé, pour y parer, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous nous réjouissons donc aujourd'hui que le Gouvernement nous soutienne, conformément au rendez-vous pris alors pour transformer notre amendement en proposition de loi : c'est chose faite.
Les parents pourront déléguer l'accueil de leur enfant, chacun devant s'assurer en conséquence. La sécurité des parents, des assistants maternels, des présidents de conseils généraux est ainsi garantie. Le texte respecte en outre le principe de la décentralisation, auquel nous sommes tous attachés. Il donne le choix aux conseils généraux de recourir ou non à une convention et confie le contrôle des maisons d'assistants maternels aux services de la protection maternelle et infantile.
J'ai le sentiment que mes propos sonnent comme une répétition, mais vous savez mieux que personne, monsieur le ministre, que la répétition est au fondement de la pédagogie. J'espère qu'en le faisant tous, on arrivera à convaincre le plus grand nombre. C'est déjà le cas de notre groupe, qui votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Claire-Lise Campion. - Au cours des vingt dernières années, des efforts importants, y compris financiers, ont été réalisés pour répondre aux besoins des parents en matière d'accueil d'enfants. La création d'un Fonds d'investissement de la petite enfance, proposée lors de la conférence de la famille du 15 juin 2000 et consacrée par la loi de financement de la sécurité sociale de 2001, a été préservée les années suivantes. La France consacre aujourd'hui plus de 1 % de son PIB aux aides et services d'accueil du jeune enfant.
Pourtant, nombre de parents restent encore sans solution. Beaucoup doivent cesser de travailler pour garder leurs enfants -7 % de plus entre 2003 et 2006- difficulté qu'aggrave le développement des horaires de travail atypiques.
La Paje, qui est une redistribution d'aides, s'est révélée beaucoup plus coûteuse que prévu et n'a pas permis de pallier l'insuffisance globale de l'offre, alors que le coût moyen d'un enfant gardé a augmenté de 60 %. Le nombre de places chez les assistants maternels a peu progressé et celui des places disponibles en accueil collectif n'a augmenté, entre 2000 et 2007, que de 2 % par an, soit à peine le taux d'augmentation de la natalité.
S'ajoute à cela le déficit d'encadrement : il manque à ce jour entre 300 000 et 400 000 places, ainsi que le soulignent le rapport de la Cour des comptes et celui de Mme Tabarot. L'objectif de permettre aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle est donc loin d'être atteint.
Avec la dégradation prévisible de leurs finances, liée notamment à la réforme de la taxe professionnelle, les collectivités locales ne pourront plus investir dans les modes d'accueil collectif au même niveau que ces dix dernières années.
La convention d'objectifs et de gestion 2009-2012 signée entre la Cnaf et l'État a pour objectif de créer, sur cette période, 60 000 nouvelles places en établissements d'accueil, à un coût que les collectivités ont de plus en plus de difficulté à supporter seules.
Enfin, les assistantes maternelles qui assurent au niveau national 63 % de l'offre d'accueil extrafamilial des jeunes enfants et 87 % en milieu rural, vont pour 50 000 d'entre elles partir en retraite d'ici à 2015.
L'urgence est donc de susciter des vocations en rendant plus attractive cette profession longtemps confrontée à un problème de définition, de statut et de reconnaissance professionnelle. Cela passe par des perspectives d'évolution de carrière, de formation. Permettre à une assistante maternelle à partir d'une certaine ancienneté, de travailler dans un établissement d'accueil pendant une période limitée, ou d'obtenir un CAP petite enfance sont des pistes intéressantes, avancées notamment par notre collègue Jacques Juilhard dans son rapport sur l'accueil des jeunes enfants en milieu rural, mais qui demeurent malheureusement exceptionnelles.
La principale difficulté rencontrée dans l'exercice de ce métier réside dans un manque d'information et un relatif isolement. Parfois en difficulté et seuls dans la relation d'accueil ou les tâches administratives, les assistants maternels souhaiteraient bénéficier d'un soutien plus structuré.
Le réseau des relais assistantes maternelles, qui favorise la rencontre entre professionnels, mériterait donc d'être développé.
C'est pour rompre leur isolement que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a autorisé les assistants maternels à accueillir les enfants dans une maison ou un appartement extérieurs à leur domicile, possibilité soumise à la signature d'une convention avec le conseil général et la caisse d'allocations familiales. Or, la CAF a élaboré une convention-type jugée inapplicable par de nombreux présidents de conseils généraux parce qu'elle interdit la délégation d'accueil entre les assistants maternels, et s'impose à eux, alors que dans certains départements, certaines maisons d'accueil fonctionnent déjà.
La proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui prévoit cette délégation d'accueil, rend facultative la convention nationale et revient sur le contrôle des maisons d'assistants maternels.
Le bien-fondé du regroupement des assistantes maternelles fait consensus parce qu'il est adapté à la forte demande en milieu rural, où tous les modes d'accueil sont en déficit. Or, la question est prioritaire sur ces territoires, car elle y conditionne les décisions d'installation.
Plusieurs départements ont déjà autorisé les regroupements, et 200 demandes seraient en attente d'autorisation d'ouverture. C'est une solution dans les petites communes rurales où les frais de fonctionnement d'un établissement d'accueil collectif représentent une charge financière trop lourde -même si d'autres solutions innovantes expérimentales existent et qui mériteraient d'être mises en oeuvre. Il apporte aux parents qui ne peuvent ou ne veulent payer un assistant à domicile une solution d'accueil pour leurs enfants dans le cas d'horaires atypiques. Une assistante maternelle exerçant chez elle accepte rarement d'accueillir pendant plusieurs heures et régulièrement un seul enfant avant 7 h 30 ou après 20 h. Un regroupement ouvre la profession à des personnes qui, en raison de l'exiguïté de leur logement, n'offrent pas les garanties d'accueil suffisantes pour réaliser leur projet, où à celles qui vivant dans les zones urbaines sensibles, se heurtent aux réticences des parents à venir dans leur quartier. Je pense notamment aux professionnels de l'Essonne.
Le regroupement renforce également l'attractivité de la profession en rompant l'isolement, en favorisant le partage d'expérience et le travail en équipe.
Apportant une stimulation, faisant progresser les professionnels et permettant un autocontrôle sur la maltraitance, ce nouveau mode d'accueil s'ajoute à l'existant, sans s'y substituer.
Nous avons constaté que les MAM devaient plus au volontarisme des assistants maternels qu'à celui des élus. En Mayenne, le succès des groupements repose sur une collaboration étroite avec la PMI mais le rôle décisif revient à la très grande motivation et à la personnalité des professionnels. A l'inverse, la volonté politique dans les Alpes-Maritimes n'a pas trouvé le même écho dans la profession, d'où des difficultés immédiates d'application.
Tout en étant convaincue du bien-fondé de ce mode de garde innovant, je suis persuadée que l'expérience de la Mayenne n'est pas directement transposable ailleurs car des garanties juridiques supplémentaires doivent être apportées. La proposition de loi ne semble d'ailleurs pas reprendre toutes les conditions ayant permis le succès en Mayenne où, par exemple, un encadrement de fait a été assuré par l'Association nationale des regroupements, dont le siège est à Laval.
Innover ne signifie pas déréglementer puisque les normes législatives ou réglementaires ont pour seul objet de garantir la sécurité des enfants et la qualité de leur accueil, pas de brider les initiatives locales. Les services de PMI qui ont pour mission de vérifier le respect des normes jouent un rôle majeur dans les politiques de la famille et de l'enfance. Souvent critiqués pour leur prétendue rigidité, ils réussissent pourtant à s'adapter aux très nombreuses modifications législatives et réglementaires dans le seul souci de garantir l'intérêt des enfants, leur sécurité et leur bien-être pour la tranquillité des parents.
Pouvons-nous prendre le risque d'une imprévision dont des enfants seraient victimes ?
La convention proposée par la Cnaf est certes lourde et complexe mais elle a le mérite de poser le cadre de fonctionnement d'une collectivité d'enfants. Validée par le cabinet de Mme Morano, sa précision illustre au moins la multiplicité des questions inhérentes à tout accueil collectif, bien que de nombreux points restent en suspens. Le plus important est sans doute lié à la délégation entre assistants maternels, donc à leur régime de responsabilité. Nous avons entendu à ce propos l'opinion de M. Lardeux.
Les parents recherchent une offre d'accueil à laquelle ils puissent confier leurs enfants en toute tranquillité. En fait, les maisons sont des formes d'accueil collectif. A ce titre, on y retrouve tous les enjeux de la socialisation des tout-petits, avec l'encadrement, la qualification et la disponibilité de professionnels dont le travail doit être pensé collectivement. Accueillir des enfants à son domicile suppose certaines qualités relationnelles et professionnelles, travailler en collectivité exige en outre de savoir animer un groupe d'enfants et gérer des conflits. Il faut s'y former. La seule motivation ne suffit pas !
Bien que cette proposition de loi la rende facultative, la convention-type proposée par la Cnaf est indispensable à nos yeux pour un dispositif qui revient en pratique à organiser l'accueil collectif de 16 jeunes enfants. L'encadrement et la formation des professionnels sont indispensables, ainsi que l'élaboration d'un projet d'établissement. J'étais sensible à la proposition du président de la Cnaf, M. Déroussin, qui veut travailler à une autre version de la convention-type. Rappelons que, partis d'un document complexe de douze pages, nous sommes arrivés, le 15 novembre, à une version allégée de six pages. D'où vient la précipitation de nos collègues ?
J'espère que la navette parlementaire -du moins si navette il y a car il semble qu'en ce domaine comme dans tous les autres, nous devions légiférer en procédure accélérée- permettra à la Cnaf d'avancer en ce sens, tout en laissant à notre commission la possibilité d'organiser d'autres visites enrichissant notre analyse.
Nos amendements tendront à rétablir des garanties indispensables. Nous proposerons ainsi de limiter à trois le nombre d'assistants maternels pouvant se regrouper, l'un au moins des professionnels ayant une ancienneté supérieure ou égale à cinq ans. Un autre amendement rendra plus réaliste le délai de réponse accordé à la PMI pour modifier un agrément, puisqu'aux compétences actuelles s'ajoutera le contrôle de l'hygiène alimentaire.
Nous regrettons que l'ouverture affichée lors du travail en commission aboutisse à une fin de non-recevoir pour presque tous nos amendements mais nous espérons que la richesse du débat infléchira la majorité, ce qui nous conduirait à voter ce texte dans l'allégresse évoquée par M. Arthuis. Tel est mon souhait le plus sincère, mais je doute qu'il se réalise. (Applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer. - Vous avez raison !
Mme Françoise Laborde. - Trouver une place pour faire garder son enfant relève encore d'un parcours du combattant pour nombre de familles, car les progrès sont insuffisants pour satisfaire le besoin d'activité des femmes.
Alors que la France est championne d'Europe de la natalité, il manque 300 000 à 400 000 places sur l'ensemble du territoire, ce qui contraint nombre de mères à prendre un congé parental forcé en se retirant du marché du travail. L'objectif de la proposition de loi est de faciliter la mise en place des maisons d'assistants maternels, autorisées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Nouveau lieu d'accueil, ces maisons s'inscrivent dans l'engagement du Gouvernement de mieux concilier la vie privée avec la vie professionnelle. A la croisée des chemins entre l'accueil indépendant et l'accueil collectif, ce dispositif permet à plusieurs assistants maternels d'exercer leur métier dans un local commun. Cette nouvelle structure est expérimentée avec succès depuis quelques années, notamment en Mayenne où elle apporte des avantages incontestables aux professionnels, aux parents et aux enfants. C'est un moyen de renforcer l'attractivité de cette profession, de rompre avec l'isolement et de répartir les activités en fonction des aptitudes et des préférences de chacun.
La création de ces maisons permet d'accroître le volume de l'offre d'accueil, puisque des personnes vivant dans des logements trop exigus peuvent malgré tout exercer dans un lieu approprié. Cette solution offre aux parents une souplesse d'horaires qu'aucun autre mode de garde ne peut assurer. Elle est particulièrement adaptée au milieu rural, où les communes peinent à financer une offre de garde traditionnelle et où les parents ont souvent des horaires atypiques. C'est aussi un moyen de combattre sa désertification.
J'ajoute que les parents employeurs peuvent percevoir l'aide de la caisse d'allocations familiales ainsi que le complément de libre choix associé à la prestation d'accueil du jeune enfant. Enfin, cette structure met à la disposition des enfants un lieu spécifiquement aménagé pour les plus jeunes, avec un coin pour les bébés et une salle de restauration, ce qui favorise l'apprentissage de la vie en collectivité.
Ce texte a pour mérite d'apporter un cadre juridique spécifique au regroupement d'assistants maternels. Je crains toutefois que les 120 heures de formation obligatoire proposées ne soient très insuffisantes pour s'engager dans un regroupement.
Et depuis le 1er janvier, sur ces 120 heures, 30 seulement au lieu de 60 doivent être effectuées avant le début de l'activité.
Il y a aussi la responsabilité civile et pénale : celle de l'assistant maternel qui délègue une tâche à un autre serait engagée en cas de préjudice. L'insécurité juridique est évidente. J'ajoute que les regroupements doivent se faire sur la base du volontariat, c'est un gage de réussite. Les assistants maternels s'engageront ainsi en toute sérénité. Cela n'exonère pas les communes de bâtir des crèches collectives : une évaluation sera nécessaire si la loi est adoptée. Malgré les craintes sérieuses que je viens d'exprimer, l'ensemble des sénateurs du groupe RDSE votera cette proposition de loi pour lui laisser une chance. (MM. Jean Arthuis et Jean-Marc Juilhard applaudissent)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
Après le chapitre Ier du titre II du livre IV du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« Chapitre Ier bis
« Maisons d'assistants maternels
« Art. L. 421-19. - Les maisons d'assistants maternels réunissent les assistants maternels et les mineurs qu'ils accueillent.
« L'agrément défini à l'article L. 421-3 fixe le nombre de mineurs qu'un assistant maternel est autorisé à accueillir simultanément dans la maison d'assistants maternels où il exerce.
« Le nombre d'assistants maternels pouvant exercer dans une même maison ne peut excéder quatre.
« Art. L. 421-20. - Chaque parent peut autoriser l'assistant maternel qui accueille son enfant à déléguer cet accueil à un ou plusieurs assistants maternels exerçant dans la même maison.
« L'autorisation, ainsi que, après leur accord, le nom des assistants maternels auxquels l'accueil est délégué, figurent dans le contrat de travail de l'assistant maternel.
« La délégation d'accueil ne fait l'objet d'aucune rémunération.
« Art. L. 421-21. - La délégation d'accueil ne peut aboutir à ce qu'un assistant maternel accueille un nombre d'enfants supérieur à celui prévu par son agrément, ni à ce qu'il n'assure pas le nombre d'heures d'accueil mensuel prévu par son ou ses contrats de travail.
« Art. L. 421-22. - Les assistants maternels autorisés à déléguer l'accueil des enfants dans les conditions prévues à l'article L. 421-20 s'assurent pour tous les dommages, y compris ceux survenant au cours d'une période où l'accueil est délégué, que les enfants pourraient provoquer et pour ceux dont ils pourraient être victimes.
« Art. L. 421-23. - Lorsqu'une personne souhaite exercer la profession d'assistant maternel dans une maison d'assistants maternels et ne dispose pas encore de l'agrément défini à l'article L. 421-3, elle en fait la demande auprès du président du conseil général du département dans lequel est située la maison. S'il lui est accordé, cet agrément fixe le nombre et l'âge des mineurs qu'elle est autorisée à accueillir simultanément dans la maison d'assistants maternels. Ce nombre ne peut être supérieur à quatre.
« L'assistant maternel déjà agréé qui souhaite exercer dans une maison d'assistants maternels demande la modification de son agrément en précisant le nombre de mineurs qu'il prévoit d'y accueillir. Si les conditions d'accueil de la maison garantissent la sécurité et la santé des mineurs, l'agrément modifié est accordé et précise le nombre et l'âge des mineurs que l'assistant maternel peut accueillir simultanément. Ce nombre ne peut être supérieur à quatre. À défaut de réponse dans un délai de deux mois après réception de la demande, celle-ci est réputée acceptée.
« La délivrance de l'agrément ou de l'agrément modifié ne peut être conditionnée à la signature d'une convention entre le président du conseil général, l'organisme mentionné à l'article L. 212-2 du code de la sécurité sociale et les assistants maternels.
« Art. L. 421-24. - Le ménage ou la personne qui emploie un assistant maternel assurant l'accueil d'un mineur dans une maison d'assistants maternels perçoit le complément de libre choix du mode de garde dans les conditions prévues à l'article L. 531-5 du code de la sécurité sociale. »
Mme Isabelle Pasquet. - La pénurie est telle en matière de places d'accueil des enfants que nous devons tous tenter d'améliorer la situation. C'est ce qui a conduit M. Arthuis à expérimenter les maisons des assistants maternels et à en proposer la généralisation, à la fois pour répondre aux attentes des familles et pour satisfaire les assistants maternels qui veulent rompre avec l'isolement. Toutefois, ces regroupements constituent à nos yeux une solution sinon mauvaise, du moins insuffisante. Ces nouveaux lieux d'accueil collectif concurrencent directement les structures publiques existantes, micro-crèches, qui peuvent accueillir jusqu'à dix enfants ou multi-accueils qui en reçoivent jusqu'à vingt. Mais les maisons des assistants maternels sont des lieux d'accueil « dérégulés » ! A une époque où la concurrence libre et non faussée est idéalisée, où l'on s'interroge sur les modalités d'application de la directive services, nous craignons que les maisons des assistants maternels ne soient le cheval de Troie d'une plus grande dérégulation.
La réforme des collectivités locales, après la réforme de leur financement, va encore appauvrir les communes ; leur demander de mettre à disposition des locaux dont elles sont propriétaires, c'est transférer la compétence des départements vers les communes, déjà bien en difficulté. Enfin, les places qui seront créées ne suffiront pas : il en manque 200 000. Et si les familles modestes veulent recourir à ce mode de garde, quel sacrifice ! En effet, le prix de la journée d'accueil n'est pas proportionnel aux revenus. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet article.
M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission.
I.- Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'assistant maternel qui souhaite, après avoir exercé en maison, accueillir des mineurs à son domicile et ne dispose pas de l'agrément nécessaire à cet effet, en fait la demande au président du conseil général du département où il réside.
III. - Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'assistant maternel peut, après avoir exercé en maison, accueillir des mineurs à son domicile s'il dispose déjà de l'agrément nécessaire.
M. André Lardeux, rapporteur. - Cet amendement vise à réunir les dispositions concernant l'agrément des assistantes maternelles travaillant en maison. Il tend aussi à préciser qu'une assistante maternelle souhaitant travailler à son domicile doit bénéficier d'un agrément spécifique même si elle dispose d'un agrément pour l'exercice collectif. En revanche, l'agrément pour l'accueil à domicile demeure valide en cas d'exercice collectif.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
sans que le nombre maximum d'enfants accueillis simultanément ne soit supérieur à douze
Mme Isabelle Pasquet. - Les maisons d'assistants maternels sont des structures collectives de garde, même si les auteurs s'en défendent. Elles peuvent accueillir seize enfants, contre dix au plus dans les micro-crèches. Or, quelle que soit la bonne volonté des assistants maternels, ils n'ont pas forcément les compétences pour gérer une collectivité. Il ne faudrait pas que leur souhait légitime d'un exercice regroupé se traduise par un accueil de moindre qualité -hygiène, sécurité ou pédagogie... Les professionnels de Mayenne que nous avons rencontrés estiment que le nombre d'enfants ne saurait excéder la douzaine. C'est aussi le cas dans les Alpes Maritimes.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
I. - Alinéa 12
Rédiger comme suit cet alinéa :
« Art. L. 421-23. - Un assistant maternel ne peut exercer au sein d'une maison d'assistants maternels visés à l'article L. 421-19 du code de la sécurité sociale, s'il ne peut justifier d'une expérience professionnelle similaire à son domicile, d'au moins deux ans durant les trois dernières années. A défaut, l'assistant maternel ne peut recevoir d'agrément que pour un enfant.
II. - Alinéa 13, première phrase
Après les mots :
d'assistants maternels demande
insérer les mots :
au président du conseil général du département dans lequel est située la maison des assistants maternels
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Notre hostilité tient en particulier aux faibles exigences -formation, expérience préalable- imposées aux assistants maternels en cas d'exercice regroupé. Nous nous étions déjà opposés aux mesures invalidées par le Conseil constitutionnel ayant pour effet de réduire à 30 heures la durée de formation exigée pour l'agrément de la PMI. Nous ne pouvons pas plus nous satisfaire de la première phrase du douzième alinéa de l'article L. 421-23 : l'exercice au sein d'un regroupement serait possible même sans aucune expérience professionnelle ! La garde de trois enfants à domicile exige une méthode de travail, une organisation, une pédagogie. Elles ne s'acquièrent qu'avec le temps. Vous faites ici peu de cas du rôle de l'assistant maternel dans le développement des jeunes personnes qu'il a sous sa garde. En outre, pour les autres modes collectifs de garde, les normes sont sensiblement plus contraignantes ! Il faut conditionner l'exercice regroupé à une expérience d'au moins deux ans.
Nous voulons aussi préciser que la demande de modification d'agrément, pour pouvoir exercer au sein d'une maison d'assistant maternel, est à adresser au président du conseil général du département où la maison des assistants maternels est située. Le département engage sa responsabilité : il ne saurait être tenu pour responsable à raison d'un agrément délivré par un autre département. Notre proposition est conforme au principe d'autonomie des collectivités locales et territoriales.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 12, dernière phrase
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
trois
Mme Claire-Lise Campion. - Lors de l'examen de la loi de financement, nous nous étions opposés à un agrément pour quatre enfants. Nous ne voulions pas que le souci d'afficher plus de places d'accueil conduise à négliger la qualité de l'accueil. Le Gouvernement a promis 200 000 nouvelles places en trois ans : ne les créons pas n'importe comment ! Les dérogations que peuvent accorder les PMI suffisent.
M. André Lardeux, rapporteur. - Les amendements n°1 et n°21 sont identiques sur le fond.
Il n'y a pas de concurrence entre les modes de garde.
M. Guy Fischer. - Vraiment ?
M. André Lardeux, rapporteur. - Non, en raison de la grave pénurie qui règne. A Evron, où le regroupement a été expérimenté, on n'a rien observé de semblable car les structures n'ont pas les mêmes horaires. La crèche n'ouvre pas à 4 h 30 du matin.
Nous reparlerons de concurrence le jour -lointain- où il y aura autant de places que d'enfants à garder. Le regroupement, lorsqu'il est fondé sur la volonté des assistants maternels de faire équipe, fonctionne bien, comme en Loire-Atlantique. Et son conseil général n'est pas présidé par un élu de la même sensibilité que celui de la Mayenne... En revanche, mais il faudrait nous rendre sur le terrain pour le vérifier, l'expérience n'est pas fructueuse dans les Alpes-Maritimes parce qu'elle aurait été plaquée d'en haut.
On reproche à la commission de ne pas faire assez preuve d'ouverture. Mais limiter le nombre d'enfants à trois par assistant en regroupement contre quatre par assistant à domicile introduirait une rupture d'égalité. L'expérience mayennaise m'a convaincu qu'il faut faire confiance à la PMI et aux élus qui en sont responsables. En matière de normes d'encadrement, je rappelle que sont prévues, en crèche, un encadrant pour cinq enfants qui ne marchent pas et un pour huit enfants qui marchent. Nous sommes donc loin d'être laxistes, sans compter que, compte tenu de l'amplitude horaire -un des grands avantages du regroupement-, les seize enfants ne seront pas présents toute la journée. Laissons donc à la PMI le soin d'apprécier, laissons un peu d'initiative au plan local. Rejet des amendements nos1 et 21.
Concernant l'amendement n°6 rectifié, la commission est défavorable à sa première partie : la PMI veillera à ce qu'au moins un des assistants ait un minimum d'expérience, par exemple à domicile, et l'intérêt des regroupements réside aussi dans l'engagement de jeunes assistants. En revanche, avis favorable à sa seconde partie à condition que vous supprimiez le terme « d'assistants maternels » à la fin de la phrase pour la lisibilité du texte.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - Avis favorable à l'amendement n°26. Il y aura bien deux agréments : un pour les assistants à domicile et un pour les assistants en regroupement. Rejet des amendements nos1 et 21 et de la première partie de l'amendement n°6 rectifié. Pourquoi vouloir rendre plus difficile l'exercice en maison ? (Mme Brigitte Gonthier-Maurin se défend de poursuivre ce but) Le regroupement, parce qu'il autorise l'échange des expériences et des remplacements potentiels, est plus efficace. Comme le rapporteur, nous donnons un avis favorable à la seconde partie de l'amendement n°6 rectifié.
M. le président. - Le groupe CRC-SPG accepte-t-il de rectifier son amendement ? (Mme Brigitte Gonthier-Maurin acquiesce) Ce sera l'amendement n°6 rectifié bis.
Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 13, première phrase
Après les mots :
d'assistants maternels demande
insérer les mots :
au président du conseil général du département dans lequel est située la maison
L'amendement n°26 est adopté.
L'amendement n°1 devient sans objet.
L'amendement n°6 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°21 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 6
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
trois
Mme Claire-Lise Campion. - A mes yeux, la maison d'assistants est une structure collective qui ne dit pas son nom. L'absence de formation à l'accueil collectif, c'est-à-dire à la gestion et à l'animation d'un groupe de seize enfants d'âges différents, l'absence de conventionnement, de référents et de coordination et d'un dispositif de régulation en cas de conflit risque de mettre ces professionnels en grande difficulté. Nos amendements, pensions-nous, auraient pu retenir l'attention de la commission. Les assistants que nous avons rencontrés en Mayenne participent à un regroupement depuis plus de quatre ans et ont insisté sur la pertinence du chiffre de douze enfants. En matière de petite enfance, il ne faut pas seulement raisonner en termes de chiffres et d'affichage.
M. André Lardeux, rapporteur. - Les PMI, dont je sais toute la compétence pour avoir présidé un conseil général pendant plusieurs années, ont de telles exigences pour la garde à domicile que le risque est très faible. Au reste, ce qui nous sépare, a reconnu Mme Campion, est tout à fait relatif. Le regroupement diminue le risque, notamment concernant les abus sexuels auxquels la société est légitimement sensible, une auto-surveillance s'instaurant entre les professionnels. En quelque sorte, ai-je dit en commission, c'est un système autogestionnaire !
M. Jean Arthuis. - Excellent !
M. André Lardeux, rapporteur. - Tout risque lié à la famille des assistantes maternelles, à leur mari ou à leur compagnon par exemple, disparaît également.
La garde hors du domicile améliore aussi la vie de famille des assistantes. En Mayenne, nous avons demandé aux assistantes que nous avons rencontrées si elles recommenceraient à garder des enfants à domicile au cas où la loi empêcherait à l'avenir leur regroupement. « Jamais », nous ont-elles répondu. Ne faisons pas disparaître ce mode de garde !
C'est la majorité actuelle qui a porté en 2005 la durée de la formation de 60 à 120 heures.
M. Guy Fischer. - Désormais réduite de moitié !
M. André Lardeux, rapporteur. - La présente proposition de loi n'y change rien. Nous nous sommes contentés de reprendre une disposition du PLFSS échelonnant la formation, que le Conseil constitutionnel avait censurée comme un cavalier législatif : il nous a paru pragmatique de répartir différemment les soixante premières heures.
Vous avez parlé de hiérarchie, mais ces structures sont autogérées. Les assistantes mayennaises ont créé des associations comportant trois ou quatre membres ; la présidence est tournante. Quant au nombre des assistantes, il était de trois ou de quatre dans les trois regroupements que nous avons visités en Mayenne sur les dix-neuf existants : les assistantes en avaient décidé ainsi. Nous avons également auditionné trois assistantes de Loire-Atlantique, dont deux étaient associées ; elles ne souhaitaient pas s'associer à quelqu'un d'autre, et puisqu'elles travaillent en ville, à Nantes, elles n'avaient pas besoin d'offrir une amplitude horaire très large. Tout est possible. Faisons confiance aux assistantes, à la PMI et aux élus pour trouver au cas par cas la meilleure solution.
Retrait, sinon rejet.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Avis défavorable. L'expérience de la Mayenne montre que les maisons peuvent fonctionner à quatre. Faisons confiance à la PMI et aux collectivités : si dans certains cas la PMI considère qu'un regroupement ne doit pas compter plus de deux ou trois assistants, elle prendra en conséquence ses décisions d'agrément.
Mme Isabelle Pasquet. - M. le rapporteur prétend qu'il revient au même qu'une assistante garde quatre enfants à domicile ou dans une maison d'assistants maternels. Mais faire cohabiter quatre enfants en bas âge ou seize, ce n'est pas pareil ! Douze, c'est un maximum ! Nous n'avons visité que trois regroupements en Mayenne, où les conditions étaient idylliques. Mais la loi a une portée générale : il faut donc mieux réglementer cette pratique. Nous voterons l'amendement.
M. le président. - Je me dois de rester neutre, mais j'insiste sur la nécessité de faire preuve de souplesse.
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi. - J'hésite à intervenir dans ce débat, mais les maisons d'assistants maternels sont fondées sur le volontariat et la confiance ; il est de la responsabilité de la PMI et des conseils généraux d'y faire respecter les principes fondamentaux. Le regroupement des assistants garantit mieux la sécurité des enfants : en tant que président de conseil général je peux en témoigner. La superficie des locaux est adaptée au nombre d'enfants. Je me réjouis que vous considériez la situation en Mayenne comme idyllique, mais je suis sûr que vous feriez les mêmes constats ailleurs.
L'exercice collectif est une consécration de la profession d'assistant maternel. Le regroupement permet un saut qualitatif : le travail dans les maisons est très participatif. Je n'ai pas le sentiment que ces structures présentent un risque particulier ; c'est pourquoi je ne voterai pas l'amendement. Si une association ne fonctionne plus, les assistantes se sépareront. En outre, la surveillance exercée par les familles est d'autant plus efficace qu'elles sont plus nombreuses.
L'amendement n°20 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les assistants maternels désignent parmi ceux qui exercent au sein de la maison des assistants maternels un assistant responsable qui doit justifier d'une expérience professionnelle d'au moins 5 ans.
Mme Isabelle Pasquet. - Lors de l'examen du PLFSS pour 2010, Mme la secrétaire d'État à la famille a souligné que les maisons d'assistants maternels sont des collectivités où des conflits sont voués à se produire. Y travaillent jusqu'à quatre assistantes qui gardent seize enfants et ont affaire à 32 parents. La garde d'enfants qui font l'apprentissage de leur corporalité, de leur caractère et de la vie en société provoque parfois des incidents. Une simple griffure peut prendre des proportions exagérées et susciter des querelles entre parents, entre assistants ou entre les uns et les autres.
Il faudrait donc qu'une tierce personne joue le rôle d'intermédiaire et soit chargée d'apaiser les conflits, comme c'est le cas dans les crèches familiales et les autres structures collectives où les puéricultrices assument des fonctions de direction et arbitrent éventuellement les différends. Mais les auteurs de la proposition de loi et les assistants maternels eux-mêmes s'y refusent, car cela renchérirait l'accueil des enfants ; les départements auraient pu être mis à contribution.
Nous proposons au moins que soit désigné dans chaque maison un assistant maternel référent qui ait cinq ans d'ancienneté et qui serait chargé de l'organisation matérielle du centre et de la gestion des conflits. Ce serait une façon de reconnaître les compétences acquises.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'un des assistants maternels doit obligatoirement avoir une expérience d'au moins 5 ans.
Mme Claire-Lise Campion. - Les maisons d'assistants maternels sont une forme d'accueil collectif. Alors que l'accueil en crèche, en micro-crèche ou en crèche parentale est réglementé, qu'il s'agisse de l'encadrement ou de la qualification professionnelle des intervenants, comment accepter de regrouper des enfants sans avoir les garanties nécessaires ? Cette proposition de loi autorise à exercer en commun des personnes qui n'ont ni les qualifications, ni l'expérience nécessaires pour faire face aux inévitables conflits. Nous avons proposé de limiter le nombre d'assistants habilités à se regrouper ; il nous semble également indispensable qu'un des assistants soit expérimenté.
M. André Lardeux, rapporteur. - Je salue la constance de Mme Campion qui, d'amendement en amendement, nous propose rien moins que de transformer les regroupements en établissements sociaux, ce dont précisément nous ne voulons pas. L'amendement n°2 propose de désigner un responsable entre les assistants maternels : s'il faut bien sûr un référent, ce n'est pas à la loi de l'imposer. En Mayenne, les assistantes maternelles se sont regroupées en association de loi 1901, avec une présidente comme interlocutrice de la PMI, et elles ont eu la sagesse de partager ce poste, par rotation. N'instituons donc pas de chef entre les assistantes maternelles qui se regroupent volontairement ! En Mayenne, cela fonctionne bien -les Mayennais seraient-ils meilleurs que d'autres ?- même si ce n'est pas idyllique et si des tentatives inabouties ont fini par une dissolution. Dans une maison que nous avons visitée, les assistantes ont recouru à une collègue pour remplacer l'une d'elle, malade ; et cette assistante remplaçante, qui ne faisait donc pas partie du regroupement, nous a dit sa surprise agréable des conditions de travail qu'elle y a trouvé, ajoutant qu'elle serait très disposée à s'associer si on le lui proposait. Gardons-nous donc de recréer des établissements, avec leurs règles contraignantes, coûteuses en temps et en moyens ! Avis défavorable à l'amendement n°2.
Vous proposez encore qu'au moins une assistante ait plus de cinq ans d'expérience professionnelle. L'expérience est évidemment nécessaire, et ce sera à la PMI d'y veiller : on imagine mal qu'elle valide un regroupement d'assistantes maternelles tout juste formées ! Du reste, pourquoi devrait-on prendre l'ancienneté pour seul critère ? Pourquoi pas le diplôme ? Et n'encouragerait-on pas à ce qu'une assistante prenne le dessus, en lui donnant un moyen de pression sur les autres ? Je préfère la confiance. Avis défavorable à l'amendement n°19.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Mêmes avis. Ce texte transpose une expérience réussie, ces amendements tentent de la calquer sur les établissements actuels. Or, c'est bien la souplesse et la simplicité de la garde à domicile qu'il s'agit de préserver ! Quant à imposer un critère d'ancienneté dans la profession, ce serait durcir les conditions qui sont faites aujourd'hui aux assistantes maternelles pour la garde à domicile.
Mme Isabelle Pasquet. - Les assistantes maternelles accueillent individuellement des enfants à leur domicile, mais nous parlons bien ici d'un accueil collectif, hors du domicile : les garanties doivent suivre. Vous nous dites vouloir généraliser une expérience, mais une fois la loi votée, des assistantes maternelles pourront l'invoquer, contre l'avis de la PMI. Vous dites encore que les assistantes maternelles, si leur regroupement ne leur convient pas, pourront le dissoudre : mais notre but à nous, c'est que les échecs soient les moins nombreux possibles !
M. Jean Arthuis. - A nous aussi !
L'amendement n°2 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°19.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Le premier alinéa de l'article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Tout assistant maternel agréé doit suivre une formation dont la moitié au moins doit être réalisée avant la demande d'agrément. Un décret précise les conditions d'application de cette disposition. »
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Accueillir seize enfants en collectif, cela nécessite une formation. Inquiet de dépister dès l'enfance ceux qui deviendront des adultes délinquants, M. Sarkozy a eu cette phrase il y a deux ans : « Tout se joue avant l'âge de 3 ans ». Si nous ne partageons certainement pas son approche comportementaliste de la petite enfance, nous sommes d'accord pour dire que les conditions d'accueil sont primordiales pour le développement de l'enfant ! Mais ce que ce texte permet, c'est de faire garder plus d'enfants à moindre coût de formation, et tenir finalement l'engagement de 100 000 assistantes maternelles de plus, tel qu'il figure dans le contrat d'objectif. Vous privilégiez la quantité sur la qualité, nous ne l'acceptons pas !
La formation est également indispensable pour sécuriser les parcours professionnels des salariés que sont les assistantes maternelles. Nous demandons qu'elles puissent accéder à des qualifications plus élevées : diplôme d'auxiliaire de puériculture ou, à défaut, CAP petite enfance, mais aussi qu'une formation d'au moins 60 heures soit nécessaire pour l'accueil en collectif. Nous souhaitons encore que l'acquis de leur expérience puisse être valorisé : qu'en est-il ?
M. le président. - Amendement n°16, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout assistant maternel qui vient d'être agréé dans le cadre d'une maison d'assistants maternels doit suivre, au sein de la formation prévue à l'article L. 421-14, un module de formation spécifique à cet accueil qui doit obligatoirement être suivi avant d'accueillir les enfants. Un décret précise la durée et le contenu de ce module. »
Mme Claire-Lise Campion. - La formation dispensée actuellement aux assistantes maternelles n'est pas suffisante pour l'accueil en collectif, hors du domicile. Les 120 heures qu'elles suivent n'abordent pas le travail en équipe, ni la gestion d'un groupe. La motivation au travail est indispensable, mais elle ne suffit pas. L'accueil d'enfants à domicile exige des compétences relationnelles, des connaissances des enfants, à quoi s'ajoutent, pour l'accueil en collectif, des compétences d'animation d'un groupe d'enfants, de relations avec des parents plus nombreux.
La question de l'accueil est également indissociable de la scolarisation de la petite enfance. Enfin, à alourdir les tâches sans dispenser de formation, ne risque-t-on pas de décourager les vocations d'assistantes maternelles, qui sont déjà en nombre insuffisant ?
M. André Lardeux, rapporteur. - L'amendement n°3 rappelle la législation existante, la disposition ayant été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'elle n'avait pas sa place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Sur ce point, toutefois, nous préférons la rédaction que va défendre M. Juilhard ; la cohérence nous impose donc de donner un avis défavorable.
Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous parlez d'une diminution de la formation : il y aura seulement une répartition différente. Dans une situation où nombreux sont ceux qui cherchent un emploi, les assistants maternels qui ont besoin de travailler pour vivre ne doivent pas être contraints d'attendre.
En revanche, je suis d'accord avec votre préoccupation de promotion sociale et de valorisation des acquis de l'expérience. De ce point de vue, je ne suis pas sûr que la confusion actuelle entre assistants maternels et gardes à domicile soit une bonne chose.
L'amendement n°16 distingue entre garde à domicile et garde en maison d'une manière qui ne nous paraît pas pertinente. En outre, il alourdit les charges publiques et relève donc de l'article 40.
Mme Claire-Lise Campion. - Pas du tout ! Nous ne demandons pas une formation supplémentaire qui excéderait les 120 heures, mais une formation spécifique qui entrerait dans ce cadre.
Accueillir trois ou quatre enfants chez soi ne requiert pas les mêmes compétences qu'en gérer seize dans une maison où l'on peut aussi avoir des conflits avec ses collègues.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
M. Joseph Kergueris. - En voulant accumuler barrières, objections, contraintes, on contredit les principes qui ont fondé l'expérimentation que nous avons soutenue ! Expérimenter, c'est admettre que quelqu'un se lance et se préparer à tirer les leçons de ce qui aura eu lieu ; cela a été fait. A quoi serviraient des expérimentations si l'on adopte ensuite des textes totalement corsetés ?
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'assistant maternel qui effectue la garde d'un enfant en raison d'une délégation dont elle est bénéficiaire, est rémunéré par le ménage ou le parent qui emploie l'assistant maternel à l'origine de la délégation.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - La délégation, qui justifie presque à elle seule cette proposition de loi, sert à sécuriser la pratique des assistants maternels qui exercent au sein des regroupements. Nous ne la jugeons pas sécurisante et elle nous paraît une source de contentieux.
En affirmant que la délégation ne donne pas lieu à rémunération, on veut se protéger contre la qualification de « prêt illicite de main-d'oeuvre ». C'est pour échouer sur un autre écueil : la réalisation d'un travail sans sa contrepartie légitime et juridiquement obligatoire, le salaire. Tout acte de travail donne lieu à rémunération. Or, en gardant un enfant, même dans le cadre d'une délégation, l'assistant maternel délégué reste soumis aux mêmes obligations qu'au titre de son propre travail.
Les employeurs qui profiteraient d'une telle délégation sans rémunérer le salarié, qui réalise un véritable travail durant cette délégation, pourraient être considérés comme dissimulant un salarié à l'Urssaf. L'assistant maternel délégué pourrait faire valoir, plusieurs années après, ses droits à paiement pour les heures de garde qu'il aurait effectuées dans le cadre de cette délégation. Le juge des prud'hommes pourrait requalifier en contrat de travail les relations entre les parents et l'assistant maternel délégué, dés lors que les éléments constitutifs de la relation contractuelle que sont la prestation de travail pour autrui et le lien de subordination juridique sont réunis. Les parents qui n'ont pas rémunéré cet assistant maternel mais uniquement celui qu'ils embauchent régulièrement, pourraient être jugés n'avoir pas respecté le principe « à travail égal, salaire égal », dont la définition est stabilisée depuis l'arrêt Ponsolle rendu par la Cour de cassation le 29 octobre 1996.
On nous a dit en commission que la délégation serait compensée en temps. Cela ne satisfait pas au principe de rémunération en tant que contrepartie en argent du travail ; la proposition de loi ne prévoit d'ailleurs pas une telle compensation en nature.
C'est pourquoi cet amendement, sans doute perfectible, est nécessaire.
M. André Lardeux, rapporteur. - Cette proposition de loi a pour but d'éviter la multiplication des obstacles. On a vu en Mayenne comment cela fonctionnait !
Défavorable à l'amendement, inutile.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Cet amendement va compliquer les choses : il imposerait aux familles de passer des contrats de travail avec chaque assistant maternel ! Très concrètement, il y aura des échanges d'heures.
Mme Isabelle Pasquet. - Je ne veux offenser ni M. Juilhard, ni M. Lardeux, ni M. Arthuis, mais vous conviendrez que ce sujet soulève de nombreuses interrogations, y compris du côté du Gouvernement. Je vous renvoie aux débats que la majorité sénatoriale a eus avec le Gouvernement à ce sujet, puisque pour une fois, nous étions en adéquation avec Mme la ministre.
En effet, la délégation d'accueil, que tend à autoriser cette proposition de loi, reviendrait à autoriser un assistant maternel à confier temporairement la garde d'un ou des enfants dont il est responsable à l'un ou l'une de ses collègues. Cette logique selon laquelle les salariés seraient tous interchangeables entre eux ne peut nous satisfaire. Elle contrevient au fondement même du contrat de travail, lequel est synallagmatique et ne peut concerner que deux acteurs, sans la participation d'un tiers pour la réalisation de l'activité dévolue à la personne avec laquelle on contracte.
Qu'advient-il du principe d'échange des volontés ? Il faudra supposer que tout assistant maternel exerçant en maison est favorable au principe de la délégation. En outre, l'accord des autres assistants au contrat de l'un d'entre eux constituerait une convention d'organisation. Enfin, tout risque de requalification en prêt de main-d'oeuvre illicite n'est pas écarté : il suffit que la différence de rémunération entre l'assistant maternel et le délégataire puisse être la contrepartie d'un tel prêt. L'absence de rémunération pour le délégataire contrevient au principe selon lequel tout travail mérite salaire. Cet article entraînera un important contentieux social au motif qu'un travail dissimulé échappe aux cotisations sociales.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
ni à ce qu'il ne dépasse la durée de travail visée à l'article L. 423-22
M. Guy Fischer. - Avec cet amendement rédactionnel, vous ne pourrez pas m'accuser de corseter le dispositif ! L'alinéa 10 ne précise pas si l'article 423-22 du code de l'action sociale s'applique aux assistants maternels. Le plafond annuel de travail est-il de 2 250 heures ? Il n'est pas souhaitable de dépasser ce plafond, d'où cet amendement de sécurisation juridique des professionnels.
M. André Lardeux, rapporteur. - Je suis d'accord sur le fond mais cet amendement est satisfait : l'article L. 423-22 s'applique tout naturellement. Retrait ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission.
Alinéa 11
Remplacer les mots :
autorisés à déléguer l'accueil des enfants dans les conditions prévues à l'article L. 421-20
par les mots :
qui bénéficient de la délégation d'accueil
M. André Lardeux, rapporteur. - Nous clarifions les responsabilités des assistants maternels en cas de dommage. L'article 1382 du code civil énonce le principe de la responsabilité civile et il faut l'appliquer dans cette nouvelle situation.
L'amendement n°25, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 13, deuxième phrase
Après les mots :
et la santé des mineurs
insérer les mots :
et si la durée de formation spécifique à cet accueil a été suivie
Mme Claire-Lise Campion. - Nous n'avons trouvé aucune référence à une formation spécifique préalable. Or on ne s'improvise pas assistant maternel et le travail en collectivité n'est pas inné : le travail d'équipe requiert une formation aux fonctions professionnelles, à la gestion d'un groupe comme à l'organisation humaine autour des enfants. Ce positionnement s'apprend et se questionne périodiquement. Pourquoi pas ici ?
M. André Lardeux, rapporteur. - Avis défavorable comme à l'amendement n°16.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°17 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
I. - Alinéa 13, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« A défaut de réponse à la demande d'agrément ou de modification d'agrément dans un délai de trois mois après réception de la demande, celle-ci est réputée acquise.
M. Guy Fischer. - Une précision fait défaut : si le président du conseil général dispose de deux mois pour répondre à la demande d'agrément de l'assistant maternel qui a déjà exercé, qu'en est-il pour une première demande d'agrément ? Nous proposons une harmonisation. De plus, un rapport présenté en 2006 par l'Igas montre que, compte tenu de la charge de travail de la PMI, toute réduction des délais aboutirait à des agréments tacites automatiques, d'où notre proposition d'un délai de trois mois.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 13, dernière phrase
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
trois
Mme Claire-Lise Campion. - Là encore, nous sommes dans la précipitation ; vous voulez faire vite au détriment d'une approche réfléchie et de la recherche de la qualité. Le délai de deux mois aboutit à une acceptation tacite en raison de la charge de travail de la PMI, qu'a pointée un rapport de l'Igas en 2006 : elle est en effet compétente pour le contrôle et l'accompagnement des modes de garde, pour le soutien aux pratiques professionnelles et leur analyse... Je rejoins la remarque de M. Lardeux sur les charges supplémentaires pour les départements. Le retour à un délai de trois mois permettra à la PMI de remplir efficacement sa mission.
M. André Lardeux, rapporteur. - Nous avons un point de désaccord, il ne s'agit pas d'une erreur matérielle. Ceci dit, je suis sensible à votre argument d'une harmonisation du dispositif. Avis favorable à l'amendement n°7, qui satisfait le 18.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Il ne faut pas que les règles soient différentes. Avis favorable.
L'amendement n°7 est adopté. L'amendement n°18 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les assistants maternels exercent au sein d'une maison d'assistants maternels sous réserve de la signature d'une convention avec l'organisme mentionné à l'article L. 212-2 du code de la sécurité sociale et le président du conseil général. Cette convention précise les conditions d'accueil des mineurs, ainsi que les conditions d'exercice de l'activité conjointement par plusieurs assistants maternels Elle ne comprend aucune stipulation relative à la rémunération des assistants maternels. Le président du conseil général peut signer la convention, après avis de la commune d'implantation, à la condition que le local garantisse la sécurité et la santé des mineurs.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Cet amendement vise à conditionner la possibilité d'exercer en regroupement à la signature d'une convention tripartite.
En 2009, le sénateur Lardeux l'estimait indispensable pour « lever, ou du moins diminuer, les inquiétudes que suscite le regroupement des assistants maternels ». Ces propos sont d'autant plus d'actualité que la proposition de loi n'oblige pas les assistants maternels à proposer aux parents dont ils sont les salariés un projet éducatif pour les enfants.
En outre, la délégation prévue par la proposition de loi mériterait d'être détaillée. Si elle était adoptée en l'état, les assistants maternels acceptant de se substituer n'auraient aucune garantie de compensation.
J'ai bien entendu les arguments de MM. Lardeux et Arthuis quant au risque de rigidité d'une obligation de conventionnement. Mais peut-on s'exonérer, par exemple, de règles de sécurité et d'hygiène d'autant plus importantes que l'article 3 de ce texte supprime le contrôle sanitaire ? Les partenaires sociaux, bien qu'ils jugent la convention insuffisante, l'estiment indispensable.
Si vous êtes peu sensibles aux mises en garde des associations d'assistants maternels ou de « Pas de bébé à la consigne » (M. Jean Arthuis proteste), qui recommandent d'imposer des critères similaires aux crèches et aux regroupements, peut-être le serez-vous aux arguments d'une fédération qui regroupe 3,5 millions d'adhérents employeurs à domicile, qui estime que la disparition du caractère obligatoire de la convention instaure un système dangereux, complexe, insécurisant. (M. Jean Arthuis manifeste son désaccord)
M. le président. - Amendement n°15, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 14
Remplacer les mots :
ne peut être
par le mot :
est
Mme Claire-Lise Campion. - La convention posait certes des questions. M. Lardeux va jusqu'à estimer qu'elle tuait dans l'oeuf tout projet de développement du système des maisons d'assistants maternels. Elle est certes lourde et perfectible, mais reste le cadre minimal indispensable à la sécurité juridique du dispositif. Les maisons d'assistants maternels représentent certes une innovation, mais elles se rapprochent à bien des égards des systèmes d'accueil collectif. Ceci impose un minimum de règles d'aménagement, d'organisation quotidienne, de gestion matérielle et financière, de détermination des responsabilités.
L'absence pure et simple de conventionnement pourrait avoir cette conséquence que chaque département, voire partie de département, pourra avoir un mode de fonctionnement propre pour ces regroupements. Cela n'est pas souhaitable et semble bien paradoxal alors que M. Juilhard reprend un article censuré par le Conseil constitutionnel tendant à établir un référentiel pour les PMI en vue d'uniformiser leurs pratiques d'évaluation.
Il est certes nécessaire de simplifier et d'alléger la convention et les partenaires sont tous prêts à le faire. Il faut en outre rendre les règles cohérentes : on ne peut pas en instituer pour les micro-crèches accueillant au plus neuf enfants et en exonérer les maisons d'assistants maternels, qui peuvent en accueillir jusqu'à seize.
M. André Lardeux, rapporteur. - Ces deux amendements visent à revenir au conventionnement obligatoire, c'est-à-dire à un système qui a provoqué le débat depuis plusieurs mois. La proposition de loi fait du conventionnement une faculté : laissons vivre les libertés locales. Une solution valable dans un département rural comme la Mayenne peut ne pas l'être dans un autre, urbanisé, comme l'Essonne.
Supprimer l'obligation ne crée pas d'insécurité. S'il fallait conventionner tout ce qui se fait au domicile, on n'en sortirait plus !
L'amendement n°8, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme Claire-Lise Campion. - L'Association des départements de France a mené une enquête dans les départements qui pratiquent déjà le regroupement. M. Lardeux a évoqué la Loire-Atlantique : il apparaît qu'elle s'oppose et s'est opposée -on peut s'en référer au courrier adressé à M. Jean Arthuis- à une convention nationale mais que le président du conseil général estime nécessaire, pour sécuriser et pérenniser l'accueil, de mettre à disposition des conseils généraux des conventions simplifiées.
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi. - Pas besoin de loi pour ça.
M. André Lardeux, rapporteur. - Ceci valait dans le système précédent. Avec la proposition de loi, ce souhait est satisfait.
L'amendement n°15, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'agrément dont bénéficient les assistants maternels exerçant dans une maison d'assistants maternels est renouvelé tous les ans. »
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Anticipant sur le sort fait à notre amendement n°8, nous proposons ici, en repli, de permettre aux services de la PMI de retirer l'agrément pour apporter une meilleure protection aux parents et aux enfants.
Même les assistants maternels l'admettent : la garde regroupée de dix à seize enfants est radicalement différente de la garde à domicile.
M. André Lardeux, rapporteur. - Pourquoi accorderait-on un agrément de cinq ans à domicile et de un an seulement dans une MAM ? Défavorable.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Vous avez évoqué la surcharge de travail dans les PMI et vous chargez encore la barque ? L'agrément peut être retiré à tout moment par la PMI. Ce que vous proposez ici est plus contraignant encore : il faudrait faire une demande d'agrément tous les ans. Défavorable.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les tarifs pratiqués par les assistants maternels exerçant au sein d'une maison des assistants maternels sont affichés de telle sorte que les ménages ou les personnes qui emploient un assistant maternel en soient informés. »
M. Guy Fischer. - Le tarif des assistants maternels n'est pas légalement défini. La convention collective applicable depuis janvier 2005 ne prévoit qu'un minimum de 8,86 euros bruts de l'heure. Mais la profession est régie par l'offre et la demande : les tarifs varient sur le terrain, notamment quand l'offre alternative de crèche est rare, comme dans les petites communes rurales. Les parents devraient être pleinement informés des tarifs de ces groupements et il ne devrait pas être possible que deux parents s'adressant à un même assistant pour leurs enfants dans la même tranche d'âge paient différemment : ce serait discriminatoire. Vous aurez compris qu'il s'agit là d'un amendement d'appel.
Nous regrettons que vous privilégiiez encore une offre individualisée ne prenant pas en compte les revenus des parents. Dans les quartiers populaires, nous savons bien qu'il faut mettre un peu d'éthique dans pareil dispositif, car des rémunérations occultes peuvent exister.
M. André Lardeux, rapporteur. - Je comprends le souci de M. Fischer mais il n'appartient pas au Parlement de renégocier une convention collective. Les partenaires sociaux peuvent éventuellement le faire.
Au demeurant, les tarifs de diffèrent pas tant au sein d'une région donnée, à cela près qu'une assistante maternelle ayant vingt ans d'expérience ne pratique pas nécessairement le même tarif qu'une débutante. Enfin, les parents jouent en l'espèce le rôle d'employeurs qui négocient librement la rémunération de leur salarié.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Il ne s'agit pas d'un tarif mais d'un salaire, par nature librement négocié avec l'employeur. Dans les entreprises, les rémunérations ne sont pas affichées dans les ascenseurs...
L'amendement n°10 est retiré.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - La collectivité locale ou territoriale, qui facilite l'installation d'une maison des assistants maternels visés à l'article L. 421-19, ne peut exiger d'eux, qu'ils n'accueillent que des enfants dont le ménage ou le parent réside dans la collectivité locale ou territoriale où la maison des assistants maternels est installée. »
M. Guy Fischer. - En commission, le rapporteur a estimé que cette disposition ne relevait pas la loi. J'observe toutefois que la mise d'un local à disposition pour une somme symbolique s'apparente à une subvention, ce qui autorise le maire à imposer des contreparties comme celles que nous refusons, même si nous allons peut-être un peu loin...
Nous craignons qu'en l'absence de cet amendement, certains parents modestes ne parviennent pas à trouver un moyen de garde à tarif variable prenant en compte leurs revenus.
M. André Lardeux, rapporteur. - L'amendement est satisfait par la proposition de loi.
L'éventuel loyer est acquitté par l'association, non par les assistants maternels comme personnes physiques. En outre, l'intérêt de la commune est d'accueillir les enfants des personnes qui travaillent sur place, qu'elles y résident ou non, comme à Evron qui compte des entreprises importantes employant des personnes vivant dans les communes d'alentour. Une commune qui limiterait l'accueil en MAM se verrait réclamer de nouvelles crèches collectives, ce n'est pas son intérêt.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Même avis.
Mme Isabelle Pasquet. - Quelle est la légalité de la mise à disposition d'un local appartenant à la commune au profit d'assistants maternels ?
Au nom de la souplesse, vous naviguez entre les règles applicables aux personnes morales et celles dont relèvent les personnes physiques. Comment une commune pourrait-elle légalement confier gratuitement à une ou plusieurs personnes physiques un local qui lui appartient ? Une convention aurait sans doute été plus sûre, mais vous la refusez.
Dans les déserts médicaux, les communes peuvent mettre gratuitement un cabinet à la disposition d'un médecin qui accepterait de s'y installer, mais avec un bail et une convention motivés par l'intérêt général et comportant des contreparties à la charge du bénéficiaire. Rien de tel n'est prévu pour les MAM.
Il aurait sans doute été moins critiquable d'autoriser les collectivités territoriales à mettre les locaux à disposition d'une association. C'est sans doute la solution que vous aviez à l'esprit, mais il n'est guère envisageable d'imposer aux assistants maternels de souscrire une assurance.
En fait, vous optez pour la possible mise à disposition d'un local au profit de personnes physiques salariées y exerçant leur activité professionnelle. Cette solution est à la limite de la légalité. J'ajoute qu'un risque assuranciel existe à propos du local, en raison de la responsabilité des maires.
Dans ce contexte, les assistants maternels devront sans doute constituer une SCI pour acheter les locaux, une option juridiquement solide mais politiquement scandaleuse car elle fait peser sur les salariés le risque et le prix liés à leur volonté de travailler. Transférer la charge de l'outil de production de l'employeur vers le salarié est inacceptable !
M. André Lardeux, rapporteur. - Il ne s'agit pas de subventionner des personnes physiques mais de louer un local à une association.
J'ajoute que les assistants maternels n'exercent pas une profession libérale comme les médecins.
Enfin, trois des quatre MAM constitués en Mayenne ont donné lieu à la constitution d'une SCI par les assistants maternels, qui ont construit un local sur un terrain que la commune avait cédé pour un euro symbolique, étant entendu que le terrain serait repris par la collectivité si une autre activité devait se dérouler dans les locaux en question.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°22 rectifié, présenté par M. Juilhard.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 421-25. - Les assistants maternels accueillant des enfants dans une maison d'assistants maternels et les particuliers qui les emploient bénéficient des mêmes droits et avantages et ont les mêmes obligations que ceux prévus par les dispositions légales et conventionnelles applicables aux assistants maternels accueillant des enfants à leur domicile. »
M. Jean-Marc Juilhard. - Les assistantes maternelles qui travaillent en MAM doivent bénéficier des mêmes droits et avantages et être soumises aux mêmes obligations que ceux prévus par les dispositions applicables aux assistantes maternelles exerçant à domicile.
Ce principe élémentaire de justice sociale devrait susciter un accord unanime.
M. André Lardeux, rapporteur. - En l'absence de cet amendement indispensable, le regroupement perdrait tout intérêt.
L'amendement n°22 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
L'article 2 est adopté.
Article 3
Les maisons d'assistants maternels mentionnés à l'article 1er ne sont pas des établissements au sens de l'article L. 233-2 du code rural.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Isabelle Pasquet. - Cet article exclut les MAM du contrôle exercé par l'inspection sanitaire vétérinaire. Le rapporteur justifie cette disposition par le faible nombre des repas préparés dans ses structures. Certains parents préfèrent préparer le repas de leurs enfants mais d'autres s'en remettent aux assistantes maternelles. Il est donc possible que ne soit jamais contrôlé un établissement où vingt repas sont préparés chaque jour.
Alors que les micro-crèches et les structures de multi-accueil n'échappent pas au contrôle exercé par les services vétérinaires tout en recevant moins d'enfants, vous élaborez ici, touche par touche, une structure d'accueil collectif dépourvue de toute règle d'hygiène et de sécurité.
Vous invoquez la souplesse là où nous voyons une déréglementation, cheval de Troie de la directive Services en matière de garde d'enfants.
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
M. André Lardeux, rapporteur. - Je n'y suis pas très favorable : vous supprimez l'un des fondements de la proposition de loi. Ce contrôle est très disproportionné au regard de la faible quantité des repas préparés -les biberons sont plus nombreux ! La PMI, dans ses contrôles à domicile, exerce sa vigilance sur ce point également.
L'amendement n°12, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté, ainsi que l'article 4.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Juilhard.
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le premier alinéa de l'article L. 421-4 du code de l'action sociale et des familles, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le nombre d'enfants pouvant être accueillis simultanément fixé par l'agrément est sans préjudice du nombre de contrats de travail, en cours d'exécution, de l'assistant maternel.
« Le premier agrément de l'assistant maternel autorise l'accueil de deux enfants au minimum, sauf si les conditions d'accueil ne le permettent pas. Le refus de délivrer un premier agrément autorisant l'accueil de deux enfants ou plus est motivé. »
II. - L'article L. 421-14 du même code est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La durée de la formation obligatoirement suivie par l'assistant maternel avant d'accueillir des enfants ne peut être supérieure au quart de la durée totale de la formation. Le deuxième quart de la formation doit être suivi dans les six mois suivant l'accueil du premier enfant. Des dispenses de formation peuvent être accordées à l'assistant maternel qui justifie d'une formation antérieure équivalente.
2° Le troisième alinéa est supprimé.
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La durée et le contenu des formations suivies par un assistant maternel figurent sur son agrément. »
M. Jean-Marc Juilhard. - Nous reprenons des dispositions adoptées dans la loi de financement de la sécurité sociale puis invalidées par le Conseil constitutionnel. L'amendement prévoit que le premier agrément vaut non plus pour un mais pour deux enfants, sauf conditions d'accueil insuffisantes. La profession n'étant pas couverte par le Smic, une assistante maternelle qui garderait un seul enfant gagnerait moins de 400 euros par mois. Il est indispensable et juste d'autoriser d'emblée l'accueil de deux enfants.
Le temps d'attente avant de pouvoir suivre la formation initiale est de neuf mois environ. C'est une barrière à l'entrée dans la profession. L'amendement tend à la supprimer, en prévoyant 30 heures seulement de formation initiale. Les 30 heures suivantes devront être effectuées dans les six mois suivant l'accueil du premier enfant ; et les 60 heures restantes, dans les deux ans.
Enfin, si la durée et le contenu des formations figurent sur l'agrément, les assistantes maternelles seront incitées à se former régulièrement pour faire valoir leur professionnalisme.
M. André Lardeux, rapporteur. - L'amendement rétablit ce que nous avons voté dans le passé : avis favorable.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Favorable également. Les assistantes débutantes doivent percevoir un salaire raisonnable. Et 30 heures de formation me paraissent correctes.
Mme Isabelle Pasquet. - Ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Elles constituent une déréglementation et Mme Morano avait bien dit qu'elle cherchait à accélérer l'entrée dans la profession... Mais il faut aussi se soucier de la qualité de l'accueil. Nous doutons des difficultés réelles des départements à organiser ces formations : ils s'efforcent plutôt de se désengager et de faire des économies au détriment des assistantes maternelles, qui aspirent à une bonne formation, comme au détriment des enfants. Des accidents peuvent se produire ! Nous voterons contre l'amendement.
Mme Claire-Lise Campion. - Quel est le bien-fondé de cet amendement ? Les assistants maternels peuvent déjà obtenir leur premier agrément pour deux, voire trois enfants. En réalité, l'objectif est surtout d'empêcher les départements de limiter la première demande à un seul enfant. Mais votre rédaction ne règle rien : les PMI, pour décider du nombre d'enfants à accueillir, se fondent sur les connaissances de l'assistant maternel, la configuration de son logement et ses capacités d'adaptation. Rien ne les empêchera de refuser un agrément pour deux enfants sur la base de ces critères.
Enfin, la direction générale de l'action sociale a produit un référentiel de l'agrément à usage des PMI afin d'harmoniser les pratiques au plan national. Le référentiel a été publié par le ministère fin novembre. Il précise certains points souvent sujets à caution -logement, place du conjoint dans l'organisation familiale, délai pour les modifications d'agrément. Laissons à ce référentiel le temps de produire ses effets ! La réduction à 30 heures de la formation initiale va à l'encontre de la demande des assistants maternels et sera vécue comme un recul. Cet élément de reconnaissance et de valorisation professionnelle ne date que de 1992...
L'exposé des motifs de la proposition de loi indique que l'effort public doit se concentrer sur le recrutement et la formation : c'est à ne plus rien y comprendre ! De plus, le rapporteur se soucie du coût supplémentaire de formation occasionné aux départements. Or l'amendement aura un impact financier pour les conseils généraux, tenus de financer l'accueil des enfants durant le temps de formation des assistants maternels : les 30 heures reportées après l'entrée en fonction se traduiront, pour un département comme l'Essonne, par une dépense supplémentaire de 165 000 euros. Et les familles devront se débrouiller pour s'organiser... Nous voterons contre l'amendement.
L'amendement n°23 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Juilhard.
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa de l'article L. 2324-1, le mot : « conditions » est remplacé (deux fois) par les mots : « seules conditions exigibles » et les mots : « par voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « par décret ».
2° L'article L. 2324-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2324-2 - Le médecin responsable du service départemental de protection maternelle et infantile vérifie que les conditions mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 2324-1 sont respectées par les établissements et services mentionnés au même article. »
II. - Le deuxième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Un référentiel approuvé par décret en Conseil d'État fixe les critères d'agrément. »
M. Jean-Marc Juilhard. - Il s'agit là aussi de dispositions votées et invalidées. Cet amendement a pour objet d'harmoniser les critères d'agrément des crèches et des assistantes maternelles.
Les critères appliqués dans l'instruction des demandes d'agrément, malgré les normes nationales codifiées, diffèrent profondément d'un département à l'autre, ce qui crée une inégalité de traitement. Et certaines PMI ont tendance à durcir les critères d'agrément des crèches, ce qui a pour effet de renchérir le coût déjà très élevé de ces structures. Des critères nationaux d'agrément impératifs doivent donc être définis par décret.
L'amendement n°24, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient article additionnel.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission.
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 2324-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2324-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2324-2-1. - L'autorisation mentionnée au premier alinéa de l'article L. 2324-1 prévoit, à la demande du responsable d'établissement ou de service, des capacités d'accueil différentes suivant les périodes de l'année, de la semaine ou de la journée, compte tenu des variations prévisibles des besoins d'accueil ».
M. André Lardeux, rapporteur. - Là encore, ce sont des dispositions adoptées précédemment... Nous instillons un peu de souplesse dans l'agrément des établissements et dans leur gestion ; les conditions d'occupation ouvrant droit aux versements de la CAF seront plus faciles à respecter. Et l'offre d'accueil sera élargie.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Efficacité et souplesse : favorable !
L'amendement n°27 est adopté et devient article additionnel.
Vote sur l'ensemble
Mme Claire-Lise Campion. - Un consensus s'est dégagé de nos débats : quand il manque 300 à 400 000 places, il faut innover en matière d'accueil des jeunes enfants. Le consensus, je le regrette, ne va pas au-delà. Notre volonté de réglementer cette activité pour un accueil de qualité n'a pas été entendue, bien qu'elle soit dans l'intérêt des enfants, des familles et des assistants maternels. Seul semble avoir compté le nombre potentiel d'ouvertures de places. Soit, les engagements du Président de la République sur un droit opposable à l'accueil du jeune enfant étaient irréalisables... La majorité a rejeté tous nos amendements visant à encadrer ce nouveau mode d'accueil collectif : la nécessité qu'un assistant au moins ait une ancienneté professionnelle de 5 ans, une convention nationale devenue optionnelle sans qu'un règlement intérieur ou un projet éducatif ne soient exigés en contrepartie, et la réduction de 60 à 30 heures de la formation dévalorise cette profession en mal de reconnaissance. Résultat, les parents ne pourront pas laisser leurs enfants en toute confiance dans cette structure qui est, de fait, collective. L'innovation ne doit pas se faire ni au prix de la déréglementation ni au mépris de l'intérêt supérieur de l'enfant et des professionnels.
Mme Isabelle Pasquet. - Ce texte s'inscrit dans un mouvement de réduction de la dépense publique : le financement de ces maisons sera assuré par les assistants maternels eux-mêmes avec, peut-être, la participation des communes. D'un point de vue juridique, la formule est instable : le principe de la délégation est contraire au code du travail et les principes constitutionnels tels que ceux de « à travail égal salaire égal » et d'égalité devant les charges publiques ne sont pas respectés. Dans l'intérêt des familles auquel vous vous référez, menons une vaste réflexion avec les partenaires sociaux sur la création d'un grand service public national diversifié -j'y insiste- de la petite enfance. Les familles les plus modestes seront les premières victimes de ce nouveau désengagement de l'État, les maisons d'assistants n'appliquant pas de tarifs proportionnels. Enfin, la généralisation de ces regroupements se fera sans doute au détriment de l'offre publique de garde. Nous voterons contre.
M. Jean-Marc Juilhard. - En tant qu'élu rural, je me réjouis de voter cette proposition de loi qui conservera aux territoires ruraux leur richesse et leur dynamisme. Fort de ce nouvel outil d'aménagement du territoire que sont les maisons d'assistants maternels, les élus pourront développer l'offre de garde, presque inexistante en milieu rural en raison du coût important des crèches pour des communes à faible potentiel fiscal, et retenir les jeunes couples, voire en attirer d'autres. Voilà un bel instrument de lutte contre la désertification rurale ! Je voterai cette proposition de loi avec conviction et allégresse.
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi. - Le vote de notre proposition de loi dans quelques instants est l'aboutissement d'un processus de reconnaissance qui va donner un cadre et un nom aux regroupements d'assistants maternels. Merci au Gouvernement de son attention bienveillante et de son soutien.
Ce riche débat a fait apparaître deux positions. La première, la voie de la réglementation centralisatrice, revient à vouloir confier aux autorités centrales -le ministère, la Cnaf- le soin de dicter par le menu ce qui doit être fait. Cette méthode n'est en rien une garantie et ne nous préserve pas de certaines pratiques en marge de la légalité évoquées tout à l'heure par M. Fischer. La deuxième est l'option de la responsabilité, de la liberté et de la confiance faite aux assistants maternels, aux services de la PMI et au président du conseil général. Pour moi, c'est la voie d'avenir. En votant ce texte, je suis pleinement convaincu que je remplis mon devoir de législateur et que je ne mettrai pas en difficulté le président du conseil général de la Mayenne... (Sourires) Notre souci est de rendre possible l'accueil d'un plus grand nombre d'enfants dans des conditions financières supportables pour les parents qui, pour des raisons économiques, sont tous deux obligés de travailler. Je n'ai pas le sentiment de brader les exigences de qualité et de sécurité.
Je gage que ce nouveau mode d'accueil, dont nous avons dit qu'il était une bonne réponse pour les territoires ruraux, se développera aussi en ville. Monsieur le ministre du logement, on pourrait imaginer de transformer des appartements dans des immeubles collectifs en « maisons ». Mais, si ce texte répond à l'attente des assistants maternels et des collectivités territoriales, notre objectif premier était d'abord le bien-être des enfants.
Merci à la commission des affaires sociales, à sa présidente, à son rapporteur dont les propos ont rendu toute intervention de ma part durant l'examen des articles superfétatoire. Merci, monsieur le ministre, de nous avoir accompagnés. Le Sénat va maintenant se prononcer sur ce texte qui sert également de session de rattrapage pour des dispositions que le Conseil constitutionnel a censurées sur la forme. Nous attendons avec impatience son adoption et son examen par l'Assemblée nationale.
M. André Lardeux, rapporteur. - Merci à MM. Arthuis et Kergueris d'avoir mis toute leur énergie pour obtenir l'examen de cette proposition de loi, merci aux assistants maternels que nous avons rencontrés à Laval, Soulgé et Evron qui nous ont beaucoup appris sur le fonctionnement de ces maisons. Merci à M. Juilhard de son travail, à Mmes Pasquet et Campion de nous avoir accompagnés dans notre déplacement en Mayenne. Je pensais vous avoir presque convaincues. Je regrette, au reste, madame Campion, que vous pensiez que la commission ait complètement fermé la porte à vos propositions. Ce n'était en aucun cas pour des raisons politiques, mais techniques. Vos suggestions auraient empêché tout développement de cette activité. Merci à la présidente de la commission, car nous avons fait un bon travail sur ce texte très attendu. Sans lui, les assistants maternels travaillant déjà en regroupement ne pourront pas continuer à travailler, ils nous l'ont dit.
Cette réforme rendra un grand service aux parents et aux enfants.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Les maisons d'assistants maternels ne peuvent fonctionner que sur la base du volontariat : les politiques ne peuvent imposer de regroupement forcé. Elles reposent aussi sur un contrat de confiance entre les assistants, entre ceux-ci et les familles, entre chacun d'entre nous, la PMI et les élus locaux. Sans préjuger d'une future réforme de l'accueil collectif, cette loi augmentera le nombre d'assistantes maternelles, car beaucoup de femmes qui souhaiteraient embrasser cette profession y renoncent parce que leur logement est inadapté et qu'elles ne peuvent en changer, malgré les mesures prises par M. le secrétaire d'État chargé du logement.
En outre, les assistantes novices intégrées à ces regroupements bénéficieront d'une formation alternée, à la fois théorique et pratique, et d'un tutorat assuré par les plus expérimentées.
Je me réjouis de la richesse de notre débat. Nous avons montré l'exemple d'une réforme initiée par le Parlement, mûrement réfléchie et débattue. Je souhaite que le Sénat l'adopte et que l'Assemblée nationale l'inscrive bientôt à son ordre du jour afin qu'elle soit appliquée rapidement. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Je remercie M. Arthuis d'avoir lancé une expérimentation en Mayenne et d'avoir pris l'initiative de la généraliser en la traduisant dans la loi. Ce texte crée un mode de garde et répond ainsi aux attentes des Français, tout en manifestant un souci louable d'équilibre des finances publiques. Au nom de M. Darcos, je rends hommage à la Haute assemblée pour la qualité de ses travaux et je forme moi aussi le voeu que l'Assemblée nationale examine rapidement cette proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
La séance est suspendue à 20 h 20.
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
La séance reprend à 22 h 20.
Délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre.
Discussion générale
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Que la culture ne soit pas une marchandise comme les autres, un marché comme un autre, nous en sommes convaincus. Qu'elle soit porteuse de valeurs particulières, d'intérêt général, qui échappent à la logique marchande et participe de la qualité de notre vivre-ensemble, c'est ce qui fonde le champ de cette exception culturelle, qui fait la force et de notre culture et de notre économie.
Au sein du champ culturel, le livre occupe une place spéciale, centrale. Il est la propédeutique par excellence de la complexité et de la profondeur. Ce qui implique de prendre en compte sa temporalité propre : nous ne sommes pas dans l'immédiat ni dans le zapping, mais dans la durée et la patience, et ce temps se reflète dans toute la chaîne du livre. Le récit de Borges, Le Livre de sable, est emblématique : si l'on trouve le même élément dans le livre et dans le sablier, c'est bien parce que le livre entretient un rapport particulier au temps. Le livre est fait de l'étoffe du temps ; le livre est même, d'une certaine façon, le temps.
Cette exception culturelle ne signifie nullement que la culture, retirée dans je ne sais quelle tour d'ivoire, ferait exception à la règle économique. Tout montre le contraire, à commencer par la résistance des industries et services culturels à la crise. Pour protéger le livre, les valeurs dont il est porteur et le secteur économique qui les soutient, l'État doit intervenir par la régulation, comme il l'a fait pour protéger le droit des auteurs sur internet avec Hadopi ou favoriser le développement d'une offre légale pour les internautes. Cette politique de régulation remonte à l'époque des Lumières, avec la lutte, déjà, pour fonder et défendre le droit des auteurs face aux contrefaçons.
Plus récemment, la loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre a été une grande loi de régulation : la même règle pour tous, non pour uniformiser, mais pour donner libre cours à la diversité des ouvrages et des regards dont ils sont porteurs. Le paradoxe n'est qu'apparent : l'unité de prix est la meilleure façon d'éviter que les petits éditeurs et les petites librairies ne soient victimes de la force de frappe des puissants. C'est la règle qui confirme l'exception, la régulation qui fonde l'exception culturelle.
Or la loi de modernisation de l'économie, ô combien pertinente, qui a pris effet au 1er janvier 2009, risque de mettre en péril le secteur du livre : elle plafonne à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires le délai maximal de paiement entre les entreprises. Afin de repousser l'échéance, et conformément à la loi qui prévoit la possibilité d'un échelonnement jusqu'au 1er janvier 2012, trois accords interprofessionnels ont été signés entre imprimeurs, éditeurs, libraires, grandes enseignes de distribution et sites de vente en ligne. Un décret du 26 mai 2009 a validé ces accords et étendu la dérogation à tous les acteurs du secteur. Mais ces accords ne font que repousser de quelques mois un plafonnement des délais de paiement inadapté au secteur. Pour éviter cette épée de Damoclès, il fallait modifier durablement la règle.
Le commerce de la librairie pratique des délais de paiement d'une centaine de jours en moyenne, la rotation des stocks étant plus lente et l'exposition au public plus longue. Ces délais peuvent dépasser 150 jours, voire 180 dans certains cas. L'industrie du livre s'inscrit dans un temps long, en contradiction structurelle avec le plafonnement des délais de paiement. Ce temps long a pour corollaire une grande diversité éditoriale : 60 000 nouveautés chaque année, près de 600 000 titres disponibles. Cette diversité est une chance et témoigne du talent de nos auteurs et du dynamisme des éditeurs ; elle est aussi le fruit de l'action des pouvoirs publics en matière de régulation de l'économie du livre et de l'édition.
La réduction des délais de paiement amplifierait les difficultés des librairies et limiterait le nombre de créations et de transmissions de ces commerces. Elle réduirait la durée de vie des livres en librairie, favorisant de ce fait les titres de grande diffusion au détriment des ouvrages de création. L'exception culturelle est ici, comme souvent, au service de l'excellence. Cette fragilisation du secteur de la distribution risquerait en outre d'affaiblir le secteur de l'édition, donc de l'offre éditoriale adressée aux lecteurs.
L'application de la LME au secteur du livre risquerait encore d'entraîner une délocalisation des marchés français de l'impression de livres, puisque les imprimeurs français consentent actuellement aux éditeurs des délais importants, de l'ordre de 125 jours. Les relations commerciales en amont des imprimeurs doivent aussi être prises en compte. A défaut, les imprimeurs se retrouveraient tiraillés entre les délais très longs qu'ils devraient continuer à consentir à leurs clients et les délais très courts qui leur seraient imposés par leurs fournisseurs.
Cette interdépendance des maillons de la chaîne exige une réponse globale et coordonnée, c'est l'objet de ce texte. Car la régulation, loin d'être une décision autoritaire, consiste bien à offrir les conditions de la liberté, dans la plus pure tradition républicaine : c'est sa souplesse qui fait sa force et qui garantit son efficacité.
Ce texte permettra de définir conventionnellement et librement les délais entre tous les acteurs de la chaîne du livre pour l'ensemble des opérations liées aux achats, aux ventes et aux livraisons de livres, y compris pour celles rémunérées sous forme de commissions. L'exception au plafonnement des délais de paiement s'appliquera aussi à l'ensemble des opérations de façon qui concourent à la fabrication de livres, notamment la composition, la photogravure, l'impression, le brochage ou encore la reliure, et concernera également les achats de consommables dédiés à une activité d'impression, de brochage, de reliure ou d'édition de livres.
Tout le monde y a intérêt : les auteurs et les éditeurs, qui verront leurs livres exposés plus longtemps ; les libraires, qui pourront accepter davantage de livres, et notamment des livres plus exigeants et de vente plus lente ; enfin les lecteurs, qui auront un choix plus large.
Au-delà de la régulation, l'État soutient ce secteur clef de l'édition par une mise de fonds continue, par des actions comme la création, l'an dernier, du label de « Librairie indépendante de référence ». Dans le même esprit, le budget alloué par le Centre national du livre au secteur de la librairie a été triplé, et nous avons mis en en place un fonds de soutien spécifique pour la transmission des entreprises de librairie. Avec la mise en place de structures régionales, l'État, au côté des collectivités territoriales, accentue ainsi son soutien à la diffusion du livre.
L'enjeu est considérable : il en va de la viabilité économique du secteur, de la pluralité de l'offre et, conséquemment, de l'accès de chacun à l'offre culturelle.
Le secteur du livre constitue la première industrie culturelle en France, avec un chiffre d'affaires de près de 5 milliards. Cette réussite exemplaire permet au secteur du livre de reposer sur des bases économiques solides : la politique de soutien et de régulation par les pouvoirs publics n'y est pas étrangère.
Aussi, à l'heure où ce secteur se trouve confronté à des mutations technologiques historiques, devons-nous l'accompagner dans sa révolution numérique. C'est pourquoi il est important, comme le Président de la République l'a demandé lors de ses voeux au monde de la culture, que les dispositions de la loi de 1981 puissent être étendues rapidement au livre numérique et que les moyens mis en oeuvre par le Centre national du livre pour soutenir les éditeurs dans la numérisation des ouvrages de fonds, soient augmentés. La mesure d'exemption du plafonnement des délais de paiement favorisera le développement d'une offre numérique légale.
Je suis donc très favorable à ce texte, qui prend en compte la spécificité profonde du livre et de son secteur, celle de la longue durée, qui est le sceau de sa temporalité, et qui l'inscrit dans la logique d'une exception nécessaire et constructive, dans une politique résolue du livre et de la lecture. Oui, le livre doit continuer à faire exception à la règle générale des autres échanges économiques dont traite la LME.
Je me réjouis du consensus exceptionnel qui a prévalu à l'Assemblée nationale, qui a adopté ce texte à l'unanimité le 1er décembre 2009. L'enjeu est, je crois, partagé : l'essor de cet extraordinaire sésame de la culture qu'est le livre. J'espère vivement que vous ferez également droit à cette nécessaire exception culturelle du livre ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Colette Mélot, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Ce texte, adopté l'unanimité par l'Assemblée nationale le 1er décembre dernier, et par notre commission le 16 décembre, traduit l'une des propositions du rapport du groupe de travail du Conseil du livre auquel j'ai participé avec M. Lagauche : je m'en réjouis et je remercie la commission de m'avoir confié ce texte pour mon baptême du feu en tant que rapporteur.
On parle souvent d'exception culturelle, mais cette dernière recouvre des secteurs très divers. Avec les lois Hadopi, nous nous sommes préoccupés des filières musicales et cinématographiques, pour lutter contre le piratage et développer l'offre légale des oeuvres sur internet. Aujourd'hui, nous nous attachons au livre, qui représente un chiffre d'affaires de 3 milliards et près de 70 000 éditions par an. « Les livres sont la lumière qui guide la civilisation » : nous faisons nôtre cette phrase de Franklin Roosevelt.
L'article 21 de la LME, devenu l'article L. 441-6 du code de commerce, plafonne les délais de paiement entre entreprises à un niveau très inférieur aux usages de la filière du livre. A compter du 1er janvier 2009, ces délais de paiement sont passés à 45 jours fin de mois ou à 60 jours calendaires à compter de la date de facturation, et à 30 jours en l'absence de convention entre les parties. La LME prévoit la possibilité de reporter au 1er janvier 2012 le raccourcissement des délais de paiement dans le cadre d'accords interprofessionnels au sein d'une branche. Les professionnels du livre ont exercé cette option, trois accords interprofessionnels ont été signés à cette fin, qui ont reçu un avis favorable de l'Autorité de la concurrence le 9 avril 2009 ; ils ont été validés par un décret du 26 mai 2009 et étendus à l'ensemble des acteurs du secteur du livre, de l'édition et l'imprimerie aux réseaux de distribution.
Mais ces accords prévoient seulement une application progressive de la réduction des délais de paiement : à 180 jours fin de mois au 1er janvier 2009, 150 jours fin de mois au 1er janvier 2010, 120 jours fin de mois au 1er janvier 2011 et à 60 jours fin de mois au 1er janvier 2012. Or, si la LME a des effets vertueux pour l'ensemble de l'économie, protégeant les PME des distributeurs, son impact est dangereux pour la filière du livre où les PME se trouvent plutôt du côté des clients que des fournisseurs, c'est-à-dire des libraires plutôt que des éditeurs et où le prix du livre est réglementé -ceci depuis toujours, exception faite de l'entre-deux-guerres et des années 1978 à 1981.
Hervé Gaymard a rappelé devant notre commission qu'en 1981 Jacques Chirac et François Mitterrand avaient pris parti pour le prix unique du livre, et que la loi du 10 août 1981 avait été adoptée à l'unanimité. Celle-ci s'est révélée pertinente : c'est bien une loi de développement durable sur le plan culturel en permettant la diversité de l'édition, sur le plan économique en maintenant un réseau de librairies supérieur au réseau américain et sur le plan territorial compte tenu des enjeux en termes d'aménagement du territoire et de diffusion de la culture au plus grand nombre.
Le commerce de la librairie se caractérise par des délais de paiement particulièrement longs, 94 jours en moyenne. Cette spécificité économique va de pair avec une offre extrêmement diversifiée et des cycles d'exploitation très longs. Les livres publiés depuis plus d'un an représentent 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié de leur chiffre d'affaires ; 40 % des titres vendus ont plus de cinq ans. Les délais de paiement peuvent s'élever à 180 jours en cas de création ou de reprise d'une librairie, de création d'un fonds éditorial, d'opération commerciale ou de difficultés de trésorerie. La réduction des délais de paiement amplifierait les difficultés de nombreuses librairies et, en favorisant les best-sellers, affaiblirait les éditeurs et appauvrirait l'offre éditoriale. Elle placerait aussi les imprimeries dans un étau entre les délais longs en amont et les délais courts de leurs fournisseurs, alors que les risques de délocalisation sont réels.
La proposition de loi adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 1er décembre dernier a pour objectif d'exempter définitivement la filière du livre du plafonnement des délais de paiement pour revenir au système conventionnel en vigueur avant la loi LME. L'Assemblée nationale l'a modifiée sur trois points : elle a jugé inutile de codifier une exception dont ne sauraient se prévaloir d'autres secteurs ; elle n'a pas maintenu les opérations de vente par courtage dans le champ du texte ; il lui est apparu nécessaire d'inclure l'imprimerie dans le dispositif, en ce qui concerne le secteur du livre, ce dont je me réjouis car ses délais de paiement sont de l'ordre de 125 jours vis-à-vis des éditeurs et de 90 pour ses consommables.
Nous devons confirmer l'urgente nécessité de revenir au système conventionnel dans ce secteur. Grâce à un soutien qui ne s'est jamais démenti et dont la loi de 1981 marque une étape importante, la France peut s'enorgueillir de la vitalité de sa filière livre : la création est riche et le réseau des libraires dense. Mais ses fragilités sont réelles et il faut prendre soin avec vigilance à ne pas la déstabiliser.
Sur ma proposition, la commission de la culture a adopté le texte conforme et a soutenu son inscription rapide à notre ordre du jour. Je me suis interrogée sur le fait qu'il ne soit pas codifié mais l'urgence m'a conduite à écarter cet inconvénient. De même ai-je levé dans mon rapport écrit ce qui pouvait apparaître comme une ambiguïté rédactionnelle. Il y va en effet de l'exception culturelle et de l'accès à la culture.
Le texte ne règle pas tous les problèmes. Il serait utile de réfléchir à la pertinence de la proposition, formulée dans le rapport d'information du 26 septembre 2007, d'un médiateur du livre. Il est également urgent de réduire le taux de mise au pilon qui est aujourd'hui de 22 %.
La révolution numérique est en route. Les mutations technologiques sont plus subreptices et plus lentes que pour la musique, les professionnels n'en doivent pas moins créer rapidement des plateformes de téléchargement. La politique conduite depuis plusieurs années prend en compte ces nouvelles exigences -je sais que vous y êtes sensible, monsieur le ministre. La commission la soutient et le Sénat a adopté à son initiative un amendement au collectif 2009 augmentant les ressources du Centre national du livre pour financer les aides aux librairies de référence et à la numérisation des fonds des éditeurs privés. Nous avons déjà débattu de la numérisation des oeuvres patrimoniales et nous formons le voeu d'une intervention ambitieuse de l'État grâce au grand emprunt. Le rapport de M. Marc Tessier trace des pistes intéressantes.
La commission de la culture recommande l'adoption conforme de ce texte à l'unanimité. Une pièce sans livre est comme un corps sans âme, disait Cicéron. Puissent les citoyens du monde partager cette ambition ! (Applaudissements)
M. Jack Ralite. - La proposition de loi crée une dérogation à l'article 21 de la LME pour le secteur du livre. Le bilan global de cette loi que nous venons de dresser est très contestable. A l'heure de la crise financière, la libéralisation à outrance doit être dénoncée avec vigueur. Elle confond tous les secteurs au mépris du principe de l'exception culturelle. Or les biens culturels ne sont pas des biens comme les autres, mais des oeuvres de l'esprit dont la qualité est la variable d'ajustement.
Le texte d'Hervé Gaymard instaure pour les acteurs du livre une dérogation au plafonnement des délais de paiement, car le cycle économique y est en effet très long ; le secteur s'est empressé de signer deux accords interprofessionnels qu'il entend voir pérenniser. La loi de 1981 confère au livre un régime et une place particuliers dans notre droit. Réguler le secteur par la qualité plutôt que par le prix, c'est favoriser l'égal accès au livre, l'existence d'un réseau diversifié et la vitalité comme la diversité de l'édition. La loi LME est un danger pour le livre et ses acteurs, ainsi que pour la diversité et la qualité de l'offre culturelle française. Elle va à l'encontre de la loi sur le prix unique alors que les délais de paiement sont de 100 jours en moyenne. Les éditeurs permettent ainsi aux libraires de présenter la totalité de la production éditoriale, dont les nouveautés. Les livres publiés depuis plus d'un an représentent 83 % des titres vendus en librairie. La réduction des délais de paiement conduirait à une diminution de la durée de vie des livres et favoriserait les best-sellers au détriment d'ouvrages moins connus, d'où un appauvrissement de l'offre. Des librairies fermeraient comme en Angleterre avec la fin du Book Agreement et les éditeurs spécialisés seraient menacés.
Les récents rapports « Création et internet », et « Numérisation du patrimoine écrit » introduisent des problématiques qui me sont chères. Le 7 janvier, lors de ses voeux au monde de la culture, le Président de la République a repris la proposition d'une extension du prix unique aux ouvrages numériques. L'Autorité de la concurrence s'y est opposée dans un avis invoquant la régulation par le marché. Mais réguler ce secteur par le prix, c'est avantager les grands groupes et permettre des monopoles. L'Autorité de la concurrence agira-t-elle de même pour la taxe Google ? Cette proposition l'atteste, nous sommes tous attachés à ne pas faire du livre un simple bien marchand. Nul ne saurait critiquer l'importance du prix unique pour le livre numérique car ce qui importe est l'immatériel du livre, non son support.
L'initiative publique doit être au coeur de la numérisation du livre, du livre numérique. L'offensive monopolistique de Google, qui bafoue le droit d'auteur et dépossède le grenier de la mémoire humaine par une exclusivité imposée, consentie, cachée sur les ouvrages numérisés, cette offensive peut être stoppée. La démarche européenne, aujourd'hui un peu délaissée, est légitimée par ce rapport : c'est son intérêt. Il s'agit de sortir de situations que Google exploite à son profit et de rendre ses pratiques hors-la-loi -sans pour autant renoncer à la diffusion numérique. Google n'est pas inévitable. Sa force est de faire croire qu'il l'est. Google n'est pas un monstre sacré. A côté de lui, existent d'autres acteurs privés.
La grande presse a beaucoup titré sur Google. Il fallait oser publier, sachant ce que l'entreprise a fait en Chine, ce communiqué dans lequel on lit que les propositions du rapport Tessier s'inscrivent dans une logique de coopération qu'elle a toujours promue. La justice l'a prouvé, il s'agit d'une contre-vérité. Devient insupportable la pratique des autorités, comme la mise en oeuvre ségrégative de la taxe carbone et le tour de passe-passe de Mme Lagarde dans la taxation des bonus bancaires.
Le système de convention collective, c'est une imperfection du texte, présente l'inconvénient d'accorder dans les faits un poids de négociation plus important aux grands groupes qu'aux petits, alors même que l'objectif affiché est de les protéger. Du moins les petits libraires, car on part ici du principe que les éditeurs sont de grands groupes. Or sur les 10 000 éditeurs que compte la France, seuls vingt publient plus de 5 000 titres par an, et plus de la moitié moins de dix titres par an. Les douze plus grands éditeurs concentrent certes 80 % du chiffre d'affaires de l'édition, mais les éditeurs indépendants sont indispensables à la qualité et à la diversité du paysage littéraire de notre pays. C'est une ardente obligation démocratique.
Cette proposition de loi est indispensable : nous la voterons. M. Gaymard a fait des propositions positives, après M. Toubon, M. Cerruti, M. Tessier enfin : vous n'y êtes pas étranger. Si elles venaient en débat, nous les voterions. De grâce, ne laissez pas, ne laissons pas Google polluer le débat de ses arguments suaves, mais truqués et violents. Malraux disait du cinéma qu'il était aussi une industrie. Il faudrait dire aujourd'hui qu'il est d'abord une création, comme l'est le livre. L'éminent directeur de la bibliothèque de Harvard disait vendredi à la BNF, sous les applaudissements d'un grand auditorium comble, que la culture, qui est notre bien commun, ne saurait tomber sous le monopole de Google et que la culture dans toutes ses formes, depuis le papier jusqu'au livre numérique, doit rester un bien public.
Michelet disait que notre siècle, celui des grandes machines, des usines et des casernes a progressé vers la fatalité. Merveille du machinisme : se passer de l'humain. Mais nous ne sommes pas encore assez profondément mécanisés. Le défi est symbolique. Je ne me résoudrai jamais à être le compagnon de l'argent-roi. Le livre et la littérature sont dans le champ de la solidarité. Nous disons : pas touche ! Nous voterons ce texte. (Applaudissements au centre)
Mme Muguette Dini. - Le livre n'est pas un produit comme les autres. Vecteur historique du savoir et de la culture, il ne saurait être traité en simple marchandise. Rien d'étonnant donc à le voir régi par des règles dérogatoires au droit commun. Son marché est régulé, en France, depuis des siècles, sur le fondement d'une logique de qualité et de conseil, et non de prix. La loi du 10 août 1981, dite du prix unique du livre, n'a fait que retranscrire dans l'arsenal législatif de la Ve République la pratique constante d'un prix du livre administré. Un tel sanctuaire économique est-il toujours justifié ? Oui, à n'en pas douter. Mme Mélot a dit combien positif est le bilan de la loi de 1981. Sans cette loi, jamais le secteur de l'édition n'aurait pu conserver la richesse et le dynamisme qui le caractérisent.
La proposition de loi qui nous est soumise, votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, et qui l'a été de même par notre commission de la culture, propose d'exempter l'ensemble de la filière du livre du plafonnement des délais de paiement entre entreprises instaurée par l'article 21 de la loi de modernisation de l'économie. Il s'agit d'autoriser par la loi le secteur du livre à continuer de définir, de manière conventionnelle, les délais de paiement entre fournisseurs et clients. Cet article 21, s'il est parfaitement justifié dans le domaine de la grande distribution, où il permet de protéger les fournisseurs -les petits- des grandes enseignes -les gros- ne saurait valoir pour le livre, où le rapport entre fournisseurs et points de vente est exactement inverse : le petit n'est pas le fournisseur, mais le libraire.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : un tiers des libraires indépendants seraient menacés en cas d'application stricte de la LME, alors qu'ils représentent 25 % des ventes et un lien humain qui ne se chiffre pas. Les délais standards ne correspondent absolument pas à ceux pratiqués dans le secteur du livre, où ils sont, en général, beaucoup plus longs.
L'article 21 de la LME ouvre la possibilité de conclure un accord dérogatoire sectoriel : on comprendra que les acteurs du livre s'en soient saisis. Cet accord a été signé le 18 décembre 2008 et étendu par décret du 26 mai 2009. Il ne s'agit cependant que d'une solution transitoire puisque le secteur devra progressivement réduire les délais et se conformer à la loi d'ici à 2012.
La seule solution est donc celle que propose ce texte : une mesure d'exemption complète en faveur du secteur du livre. C'est sans réserve que le groupe de l'Union centriste le votera. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)
M. Serge Lagauche. - La loi Lang a instauré en France le principe d'un prix unique de vente du livre, fixé par l'éditeur ou l'importateur. Votée à l'unanimité par le Parlement, cette loi a été renforcée en 2003 lors de la transposition en droit français de la directive européenne sur le droit de prêt.
Or, si la loi sur le prix unique du livre a été consolidée, elle a également fait l'objet d'attaques frontales, mais peut-être salvatrices, lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie. Salvatrices, car les interrogations suscitées par le dépôt -puis le retrait- par deux de nos collègues députés d'amendements tendant à réduire le délai pendant lequel les libraires ne peuvent procéder à des rabais importants sur le prix du livre furent à l'origine de la création, au sein du Conseil du livre, du groupe de travail, piloté par M. Gaymard, pour l'évaluation de la loi sur le prix unique du livre. J'ai eu l'honneur, avec Mme Mélot, d'y participer. Ses conclusions sont sans appel : la loi du 10 août 1981 reste pertinente, y compris à l'ère d'internet. Elle a permis la sauvegarde d'un réseau diversifié de diffusion et de distribution des livres, de plus de 3 500 librairies indépendantes, sur l'ensemble du territoire. Le dynamisme du marché du livre ne s'est pas démenti, avec une croissance de plus 3 % en moyenne par an, le nombre d'exemplaires vendus ayant progressé de 50 % entre 1986 et 2007.
La loi sur le prix unique du livre a en outre clairement soutenu la vitalité et la diversité de l'édition, permis la création de nouvelles entreprises innovantes et réactives, indispensables au paysage éditorial français, tout en permettant une offre large et diversifiée.
En instaurant un marché du livre régulé par la qualité et la compétence des libraires, et non par les prix, la loi Lang, qui fait l'unanimité chez les professionnels, a atteint son objectif. N'ayant pas à se battre sur les prix, les librairies, tous réseaux confondus, ont maintenu les ventes d'ouvrages de grande diffusion tout en préservant dans leurs stocks la présence d'ouvrages plus difficiles.
On comprendra que le vote de la loi de modernisation de l'économie fut, pour les professionnels, un coup de semonce. Son article 21 plafonne en effet à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires le délai maximal de paiement entre fournisseurs et distributeurs. L'objectif de la loi de modernisation de l'économie était de favoriser le développement des moyennes entreprises.
Or, si dans la distribution alimentaire, les PME sont pour l'essentiel des fournisseurs, il en va tout autrement dans le secteur du livre. En effet, le circuit des librairies est principalement composé de petites entreprises s'approvisionnant auprès de grands groupes, dont les deux premiers -Hachette livre et Editis- représentent 35 % des ventes, les douze premiers groupes de l'édition française réalisant 80 % du chiffre d'affaires global. La loi de modernisation de l'économie était donc inadaptée.
Une autre caractéristique majeure de l'économie du livre, totalement ignorée à l'article 21 de la loi de modernisation de l'économie, tient à la longueur des délais de paiement, une pratique permettant aux libraires de présenter au public l'ensemble de la production éditoriale. Ainsi, les livres publiés depuis plus d'un an représentent 83 % des titres vendus en librairie, où 40 % des ouvrages sont écoulés plus de cinq ans après leur publication.
Une étude réalisée par le Syndicat national de l'édition montre que le délai de paiement moyen se situe à 94 jours. Spécifique aux livres, la lenteur qui va de l'écriture à la diffusion permet à l'auteur de trouver ses lecteurs, grâce aux conseils avisés des libraires.
Comme je l'ai déjà indiqué dans mon dernier rapport budgétaire sur la création et le cinéma, raccourcir les délais de paiement aggraverait les difficultés de trésorerie rencontrées par de nombreux libraires, qui seraient contraints de privilégier les best-sellers, si vous voulez bien pardonner cet anglicisme. On fragiliserait ainsi la distribution des livres, donc l'ensemble de la chaîne.
La loi de modernisation de l'économie ayant permis à tout secteur d'échelonner la réduction des délais de paiement jusqu'au 1er janvier 2012, trois accords interprofessionnels ont été signés entre fin 2008 et début 2009. Ils ont été validés par un décret du 26 mai, qui a étendu la dérogation à l'ensemble du secteur du livre, depuis l'édition jusqu'au réseau de distribution. Toutefois, ces accords ne permettent qu'une réduction progressive des délais de paiement, qui devront être ramenés à 45 jours fin de mois ou à 60 jours calendaires le 1er janvier 2012.
Or, cette règle aurait rapidement suscité des difficultés. C'est pourquoi le groupe socialiste votera sans hésitation la proposition de loi déposée par M. Gaymard, d'ailleurs cosignée par plusieurs députés socialistes qui avaient déposé un texte analogue. Cette exemption se place dans la continuité de la loi sur le prix unique du livre en confortant l'économie fragile du livre physique.
Pour l'avenir, nous devrons rapidement traiter la numérisation, c'est-à-dire deux sujets : la numérisation du patrimoine et la commercialisation du livre numérique sous droits.
Dans les deux cas, nous devrons aborder les relations avec les opérateurs privés, notamment avec Google, d'autant plus que 80 % des 10 millions de livres qu'il a numérisés sont aujourd'hui sous droits. L'intervention publique s'impose dans le premier cas. A ce propos, notre groupe sera particulièrement attentif aux suites du rapport que vient de remettre M. Tessier sur la numérisation du patrimoine écrit. Dans le second cas, l'action publique doit accompagner celle des éditeurs, à qui le Centre national du livre doit apporter un soutien essentiel.
Pour l'instant, le marché du livre numérique est très restreint : il ne représente que 3 % de l'édition aux États-Unis et à peine 1 % en France. Plus que par le piratage, il est aujourd'hui préoccupé par la constitution de l'offre légale, encore freinée par l'insuffisante interopérabilité des matériels et des ouvrages.
Il est toutefois urgent d'anticiper les évolutions à venir, l'expérience du secteur musical devant servir de leçon. Nous prenons acte à ce propos de l'intérêt manifesté par M. Sarkozy pour le rapport Création et internet, qui vient d'être publié. Il faudra prendre en compte le récent avis formulé par l'autorité de la concurrence, qui refuse d'avaliser la transposition immédiate du prix unique au livre numérique. Présentant ses voeux au monde de la culture, le Président de la République a également préconisé la création d'une plateforme commune à tous les éditeurs et le passage à la TVA de 5,5 %. Nous attendons maintenant les décisions concrètes.
En 2008, le rapport de M. Patino sur le livre numérique proposait déjà de maintenir la valorisation du droit d'auteur par les éditeurs. C'est une question essentielle si l'on veut éviter que le marché ne soit capté par les acteurs multinationaux.
Une guerre des prix fragiliserait évidemment toute la chaîne française du livre. C'est pourquoi il est urgent d'agir auprès de la Commission européenne pour cesser d'opposer les consommateurs aux acteurs des filières économiques.
Montesquieu affirmait : « Les livres anciens sont pour les auteurs ; les nouveaux, pour les lecteurs. » Il faut aujourd'hui concilier les deux, quelles que soient l'ancienneté de l'oeuvre et la nature du support de diffusion. (Applaudissements à gauche et au banc de la commission)
Mme Françoise Laborde. - Une fois n'est pas coutume, nous abordons aujourd'hui un débat important dans la sérénité, la proposition de loi déposée par M. Gaymard ayant suscité l'honorable unanimité de l'Assemblée nationale puis de notre commission de la culture.
Ma voix ne détonnera pas dans ce concert, car ce texte est vital pour un secteur fragile mais primordial dans la vie de la Nation : le livre, donc la création.
En tendant à raccourcir les délais de paiement, la loi de modernisation de l'économie affichait l'objectif estimable de protéger les PME contre les demandes excessives de leurs clients. Le principal secteur bénéficiaire est celui de l'alimentation, où les PME se trouvent surtout du côté des fournisseurs. En revanche, ces dispositions sont particulièrement inappropriées pour le livre, dont elles déstabilisent les entreprises car les délais de paiement traditionnellement longs permettent aux libraires de présenter au public l'ensemble de la production éditoriale. N'oublions pas qu'il s'agit là du premier secteur culturel français, avec un chiffre d'affaires atteignant 3 milliards d'euros. En outre, nous devons impérativement protéger le livre et ses valeurs. C'est pourquoi l'État intervient pour réguler ce secteur. Nous avons déjà légiféré, toujours avec succès et dans un grand consensus politique : la loi du 10 août 1981 a été votée à l'unanimité.
Nous avons tous pris conscience, un peu tard, des difficultés induites par le raccourcissement des délais de paiement, qui obligerait les libraires à privilégier les succès assurés. Ce serait la fin d'une richesse et d'une diversité qui nous sont chers, tout en contribuant à la disparition des librairies indépendantes, dont la rentabilité est déjà l'une des plus faibles dans le commerce de détail. C'est pourquoi nous devons régler durablement cette question.
L'article unique de la proposition de loi permettra de déroger au nouveau droit commun quant aux délais de paiement des fournisseurs pour toute la filière du livre. Notre groupe a toutefois déposé un amendement, car la rédaction de l'Assemblée nationale pourrait laisser croire que la vente de livres n'est pas directement visée, alors qu'elle forme l'objet même du texte initial. Nous paraissons unanimes dans l'interprétation de l'article, mais il faut conforter sa bonne lecture : la dérogation s'applique premièrement aux ventes de livres, par extension aux activités de fabrication et de commercialisation, reprenant ainsi le périmètre couvert par la loi de 1981 relative au prix unique du livre.
Bien sûr, nous sommes conscients de l'urgence à légiférer, ce qui rend souhaitable l'application d'un statut dérogatoire dès ce début d'année.
A l'heure de la révolution numérique, il est fondamental de ne pas délaisser la politique du livre : la viabilité économique de tout le secteur est en cause, mais aussi l'accès de tous à la culture sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi le groupe RDSE votera la proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-François Humbert. - Difficile d'intervenir en dernier, quand tout a déjà été dit... Je me limiterai donc à quelques répétitions, car je souhaite également l'adoption du texte.
Le marché du livre occupe une place majeure en France, où plus de 5 000 points de vente forment un des réseaux de vente les plus denses au monde. Permettant un accès aisé aux livres, il constitue un atout pour l'aménagement du territoire et l'animation culturelle des villes. C'est pourquoi nous devons le protéger.
D'autres l'ont déjà dit : le livre n'est pas une marchandise comme une autre, car ce bien de consommation culturelle contribue à l'édification de la pensée.
Votée à l'unanimité, la loi du 10 août 1981 a institué un prix unique du livre, véritable modèle culturel français repris en Europe et dans le monde. Ce système évite une guerre des prix, ce qui permet aux libraires de présenter une offre diversifiée et aux éditeurs de prendre des risques sur certains ouvrages qui ont besoin de temps pour trouver leur public.
Au prix unique s'ajoutent des délais de paiement longs. Les conventions en vigueur prévoient une centaine de jours, correspondant au temps de la diffusion des livres, car ceux-ci ne trouvent pas leur public instantanément. La loi de modernisation de l'économie a cherché à protéger les PME contre des délais de paiement trop longs ; mais si dans la distribution alimentaire, ce sont les fournisseurs qui sont des PME, dans le secteur du livre, ce sont les détaillants. Une réduction des délais de paiement aurait des conséquences très dommageables pour la filière. Le rapport Gaymard conclut que « priver le secteur de délais de paiement longs réduirait la durée de vie des livres en librairie et en grande surface spécialisée » et favoriserait « les livres à grande diffusion au détriment des ouvrages à tirage plus réduit ». Ce serait contraire à la loi du 10 août 1981.
La LME autorisait des accords dérogatoires, ils ont été conclus dans l'ensemble de la filière du livre. Mais il est temps de sanctuariser ce régime dérogatoire au nom de l'exception culturelle. La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par les députés, notre rapporteur nous recommande une adoption conforme. A l'heure où le secteur du livre doit relever de nouveaux défis et s'adapter au numérique, il faut protéger la filière. Le groupe UMP votera bien évidemment ce texte qui doit nous rassembler, au-delà de nos clivages politiques, pour marquer notre attachement au livre. (Applaudissements à droite)
Mme Claudine Lepage. - Mme Blondin ayant un empêchement, je reprends le flambeau... Ce texte est similaire à la proposition de loi des députés du groupe socialiste, radical et citoyen, tendant à exempter l'ensemble de la filière du livre du plafonnement des délais de paiement, pour revenir au système en vigueur avant la LME. Celle-ci a plafonné le délai à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires et ceux qui contreviennent à la règle s'exposent à des sanctions. Cette disposition est manifestement inadaptée pour le secteur du livre ; il faut aller au-delà des accords dérogatoires. Les cycles d'exploitation sont lents. Les livres parus depuis plus d'un an représentent 80 % des ventes. La centaine de jours de délai de paiement est donc indispensable dans ce secteur et l'application de l'article 21 de la LME aurait des conséquences catastrophiques. Au moins un tiers des librairies seraient menacées. Et les survivants seraient obligés de privilégier les livres de grande diffusion au détriment des petites publications, pour régler leurs factures à temps...
La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre a sauvegardé un réseau de librairies dense et diversifié. La France compte davantage de points de vente de livres que les États-Unis entiers ! Pour préserver la diversité des publications, pour éviter de céder au règne de la rentabilité et du tout libéral, le prix unique du livre a prouvé son utilité. De nombreux pays l'ont aujourd'hui adopté. Il protège le livre du diktat économique et de la concurrence à tous crins. Nous voulons défendre les petites librairies et les petites maisons d'édition de la concurrence des grandes. Car le livre est un vecteur d'accès à la culture, de compréhension du monde et d'évasion. La démocratisation de la culture et l'accès des plus défavorisés au livre, voilà l'enjeu. Les collections de poche facilitent l'accès à la lecture, des jeunes notamment. Internet a lui aussi un grand rôle à jouer pour démocratiser la culture.
Mme Blondin souligne le rôle fondamental que jouent aussi les collectivités territoriales. Le conseil général du Finistère a ainsi voté un plan de développement de la lecture publique qui prend en compte les mutations technologiques ainsi que l'essor de l'intercommunalité. Ce plan a eu un réel impact. Les 220 bibliothèques du réseau touchent 880 000 habitants. Le ministère de la culture a du reste choisi pour 2010 la bibliothèque du Finistère comme l'un des cinq sites pilotes pour la mise en place d'un observatoire de la lecture publique nationale.
Le maillage territorial est ainsi essentiel pour transmettre le goût de la lecture aux jeunes générations. Voilà bien toute l'utilité de cette proposition de loi, maintenir un réseau de librairies indépendantes dense et décentralisé et soutenir la richesse et la diversité culturelles, la liberté d'expression, la création. La lecture est une expérience culturelle irremplaçable. Comme le formule l'écrivain québécois Michel Bouthot : « Un livre, c'est un navire dont il faut libérer les amarres. Un livre, c'est un trésor qu'il faut extirper d'un coffre verrouillé. Un livre, c'est une baguette magique dont tu es le maître si tu en saisis les mots ».
La discussion générale est close.
Article unique
Nonobstant les dispositions prévues aux huitième alinéa et suivants de l'article L. 441-6 du code de commerce, pour les opérations d'achat, de vente, de livraison, de commission ou de façon concourant à la fabrication de livres, ainsi que pour la fourniture de papier et autres consommables dédiés à une activité d'impression, de brochage, de reliure ou d'édition de livres, le délai est défini conventionnellement entre les parties.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Escoffier et les membres du groupe RDSE.
Remplacer les mots :
de commission ou de façon concourant à la fabrication de livres
par les mots :
de commission de livres ou de façon concourant à leur fabrication
Mme Anne-Marie Escoffier. - C'est un amendement rédactionnel. La formulation de l'Assemblée nationale n'a pas la clarté d'expression d'un Boileau et relève plutôt des longues et belles pages de Proust. « Le livre » paraît faire référence à la seule fabrication, excluant l'achat, la vente, les livraisons, bref l'ensemble de la chaîne. Telle n'est pas l'intention du législateur ! Mais je ne doute pas que le rapporteur et le ministre sauront rassurer les professionnels.
Mme Colette Mélot, rapporteur. - J'avais envisagé une clarification rédactionnelle car l'ajout de l'Assemblée nationale est superfétatoire, mais il y a urgence à sécuriser les pratiques commerciales dans le secteur du livre et je n'ai pas voulu retarder l'entrée en vigueur du texte.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Madame, quoique je sois très frappé par l'affrontement que vous imaginez entre Boileau et Proust (on apprécie), mon souci, au-delà de ce conflit de générations entre deux géants de la littérature, est de vous rassurer. Si, par définition, toute rédaction peut être améliorée, la lecture qu'il faut faire de ce texte est tout à fait explicite. Nous voulons que les délais de paiement puissent être définis par conventionnement et librement pour l'ensemble des opérations liées aux achats, aux ventes et livraisons de livres, y compris celles rémunérées sous forme de commissions. Ceci s'appliquera également aux opérations de façonnage concourant à la fabrication de livres -la composition, la photogravure, l'impression, le brochage et la reliure- ainsi qu'aux achats de consommables dédiés à une activité d'impression, de brochage, de reliure ou d'édition de livres.
Adopter cet amendement rédactionnel retarderait l'entrée en vigueur de cette loi très attendue par la chaîne des livres. Car, si la moyenne des délais de paiement est de 100 jours, les délais négociés entre éditeurs et détaillants peuvent être supérieurs à 150 jours, voire à 180, dans de nombreux cas -création ou reprise de librairie, développement d'un nouveau fond éditorial, ouvrages de fond, difficultés conjoncturelles de trésorerie dont nous nous avons débattu tout à l'heure et opérations commerciales de l'éditeur. Nos débats permettront de lever toute ambiguïté. Ainsi donc, nous quittons le domaine de Du côté de chez Swann pour rejoindre celui du Lutrin de Boileau que vous semblez préférer. Retrait ?
Mme Anne-Marie Escoffier. - Monsieur le ministre, j'aurais voulu vous dire avec les vers de Ronsard combien j'apprécie ces explications précises qui rassureront pleinement les professionnels !
L'amendement n°2 est retiré.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Jacques Legendre. - Ce soir, le Sénat, après l'Assemblée nationale, montre qu'il ne saurait imaginer un monde où le livre n'aurait pas toute sa place. Il a pris toutes les dispositions pour que le livre ne soit jamais menacé dans notre pays, ce livre qui est au coeur de notre culture ! (Applaudissements à droite et au centre)
La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Merci aux honorables sénateurs, merci au rapporteur de son analyse précisée et détaillée. Je veux saluer avec émotion un pays ravagé par un séisme épouvantable. La poésie, la peinture, les expressions artistiques, en dépit de conditions de vie déplorables, y assurent le rayonnement de tout un peuple aujourd'hui terriblement éprouvé. Et l'on ne sait aujourd'hui dans quel état sont ses habitants, ses artistes et son patrimoine. Alors que nous avons voulu défendre unanimement l'un des secteurs les plus importants de notre expression culturelle, saluons les créateurs éprouvés d'Haïti, manière de faire un geste de solidarité envers d'autres créateurs. (Applaudissements)
M. le président. - L'assemblée, unanime, s'associe à ces propos.
Accompagnement d'une personne en fin de vie (Suite)
M. le président. - Nous reprenons l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie. Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à l'amendement n°13 rectifié bis au sein de l'article premier.
Discussion des articles (Suite)
Article premier (Suite)
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À l'intitulé du livre VIII, après les mots : « Allocation aux adultes handicapés - », sont insérés les mots : « Allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie - » ;
2° Après le titre II du livre VIII, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :
« TITRE II BIS
« ALLOCATION JOURNALIÈRE D'ACCOMPAGNEMENT D'UNE PERSONNE EN FIN DE VIE
« Art. L. 822-1. - Une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est versée aux personnes qui accompagnent à domicile une personne en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, et qui remplissent les conditions suivantes :
« 1° soit être bénéficiaire du congé de solidarité familiale ou l'avoir transformé en période d'activité à temps partiel comme prévu aux articles L. 3142-16 à L. 3142-21 du code du travail ou du congé prévu au 9° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, au 10° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au 9° de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ou à l'article L. 4138-6 du code de la défense ;
« 2° soit avoir suspendu ou réduit son activité professionnelle et être un ascendant, un descendant, un frère, une soeur, une personne de confiance au sens de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique ou partager le même domicile que la personne accompagnée.
« Art. L. 822-2. - (Supprimé)
« Art. L. 822-3. - (Supprimé)
« Art. L. 822-3-1 (nouveau). - L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est également versée dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1.
« Art. L. 822-4. - L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est versée dans la limite d'une durée maximale de trois semaines dans des conditions prévues par décret. Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, la période de versement de l'allocation inclut, le cas échéant, les journées d'hospitalisation, sans dépasser la durée maximale de trois semaines.
« Le montant de cette allocation est fixé par décret.
« L'allocation cesse d'être due à compter du jour suivant le décès de la personne accompagnée.
« L'allocation peut être versée à plusieurs bénéficiaires, au titre d'un même patient, dans la limite totale maximale fixée au premier alinéa.
« Art. L. 822-5. - Les documents et les attestations requis pour prétendre au bénéfice de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie, ainsi que les procédures de versement de cette allocation, sont définis par décret.
« Art. L. 822-6. - L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est financée et gérée par le régime d'assurance maladie dont relève l'accompagnant.
[ ]
« Lorsque l'intervention du régime d'assurance maladie se limite aux prestations en nature, l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est financée et servie par l'organisme compétent, en cas de maladie, pour le service des prestations en espèces ou le maintien de tout ou partie de la rémunération. »
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Monsieur le président, notre collègue rapporteur, M. Barbier, n'ayant pu revenir aussi tard participer à ce débat, je le remplacerai.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 822-4. - Le nombre maximum d'allocations journalières versées est égal à 21. L'allocation est versée pour chaque jour ouvrable ou non. Lorsque la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, l'allocation continue d'être servie les jours d'hospitalisation.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Le Sénat vient de voter un texte à l'unanimité, qu'il garde le pli ! (Sourires) La version précédente de cet amendement comportant des difficultés rédactionnelles soulevées par M. Barbier, nous l'avons retravaillée et M. Godefroy nous dira si elle lui convient.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 12, première phrase
Remplacer les mots :
trois semaines
par les mots :
vingt et un jours
M. Jean-Pierre Godefroy. - Madame la ministre, une dernière précision : fixer un nombre maximal d'allocations journalières n'empêche pas qu'elles soient prises dans le cadre d'un temps partiel ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Exactement.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Dans ce cas, je me rallie à votre amendement.
L'amendement n°8 est retiré.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - J'ai déjà obtenu la réponse à la question que je voulais poser ! Donc, avis favorable.
L'amendement n°13 rectifié bis est adopté.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque le bénéficiaire a réduit sa quotité de travail et travaille à temps partiel, ce montant est réduit dans des conditions prévues par décret.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - L'allocation journalière d'accompagnement ne doit pas être totalement cumulable avec le revenu tiré d'un temps partiel, sinon les personnes qui interrompent totalement leur activité seront pénalisées. Nous proposons de préciser ce point par décret.
M. le président. - Sous-amendement n°20 à l'amendement n°12 du Gouvernement, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dernier alinéa de l'amendement n° 12
Après les mots :
ce montant
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et la durée de l'allocation sont modulés dans des conditions prévues par décret.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Pour les raisons d'équité qui justifient la réduction de l'allocation en cas de revenu tiré d'un temps partiel, il faut prévoir que cette allocation puisse être servie pour une durée supérieure à 21 jours. En d'autres termes, si l'on prend l'exemple d'un mi-temps, il s'agirait à la fois de réduire l'allocation de moitié et de multiplier par deux la durée de son versement soit 42 jours.
Le sous-amendement n°19 n'est pas défendu.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Favorable au sous-amendement n°20 et donc à l'amendement n°12.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Sagesse. Je comprends que M. Godefroy veuille introduire plus de souplesse dans le dispositif, mais l'amendement rendrait peut-être sa gestion trop complexe.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Notez que nous nous en remettons nous-mêmes à la sagesse du Gouvernement, qui agira par décret...
Le sous-amendement n°20 est adopté, ainsi que l'amendement n°12 ainsi sous-amendé.
L'amendement n°1 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°16, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 17
1° Remplacer le mot :
gérée
par le mot :
servie
2° Compléter cet alinéa par les mots :
, après accord du régime d'assurance maladie dont relève l'accompagné
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Afin d'éviter que plusieurs personnes perçoivent en même temps l'allocation pour accompagner une même personne malade, il faut organiser un circuit de gestion. Cet amendement place au coeur de celui-ci le régime d'assurance maladie dont relève l'accompagné. Les modalités de gestion seront définies par décret comme il est précisé à l'article L. 822-5.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Avis favorable.
L'amendement n°16 est adopté.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 822-7 - L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie n'est pas cumulable avec :
« 1° L'indemnisation des congés de maternité, de paternité ou d'adoption ;
« 2° L'indemnité d'interruption d'activité ou l'allocation de remplacement pour maternité ou paternité, prévues aux articles L. 613-19 à L. 613-19-2 et L. 722-8 à L. 722-8-3 du présent code, aux articles L. 732-10 à L. 732-12-1 du code rural et à l'article 17 de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines ;
« 3° L'indemnisation des congés de maladie ou d'accident du travail ;
« 4° Les indemnités servies aux demandeurs d'emploi ;
« 5° L'allocation parentale d'éducation ou le complément de libre choix d'activité de la prestation d'accueil du jeune enfant ;
« Toutefois, l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est cumulable en cours de droit avec l'indemnisation mentionnée au 3° perçue au titre de l'activité exercée à temps partiel. »
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - L'allocation d'accompagnement est due à condition que l'intéressé ait suspendu tout ou partie de son activité professionnelle. Comme pour l'allocation journalière de présence parentale, cet amendement vise à empêcher le cumul avec d'autres prestations ayant également pour objet de compenser la perte de ressources liée à l'absence d'activité professionnelle.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Avis favorable.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous voterons cet amendement légitime. Toutefois nous regrettons qu'il mentionne les indemnités d'accidents du travail, dont le montant est forfaitaire et modique. Il eût peut-être été préférable de laisser aux personnes concernées le choix de l'allocation la plus favorable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cette règle vaut déjà pour l'allocation de présence parentale. Cet amendement est inspiré par le souci du parallélisme des formes.
L'amendement n°14 rectifié est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de soulager les proches qui prennent en charge un malade en fin de vie à domicile, une expérimentation visant à développer des structures d'hospitalisation de répit est organisée dans certains départements et au sein de structures de soins volontaires, désignés par arrêté du ministre de la santé.
Cette expérimentation est menée pour une période de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
Le Gouvernement remet au Parlement au plus tard six mois avant la fin de cette période, un rapport d'évaluation de la présente expérimentation.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Cet amendement est directement inspiré de la proposition n°16 du rapport d'information de la mission d'évaluation de la loi du 22 avril 2005. Lors des auditions, il est apparu important de soutenir et de soulager les accompagnants. Nous proposons de lancer une expérimentation afin de développer les structures de répit et de lutter contre les risques d'épuisement et d'isolement. Des essais sont déjà en cours, mais cette disposition législative permettrait de les analyser et de les étendre. La restructuration de certains hôpitaux prévue par la loi HPST pourrait s'inscrire dans ce cadre : les hôpitaux locaux et les Ehpad pourront par exemple devenir des lieux d'accueil momentané pour les personnes traversant une maladie longue. Ne laissons pas les proches livrés à eux-mêmes, confrontés à des difficultés de toutes sortes rendues plus criantes par les carences en soins palliatifs et l'insuffisance de l'aide aux aidants.
J'en profite pour souligner l'urgence qu'il y a à publier le décret prévu à l'article L. 162-1-10 du code de la sécurité sociale, qui devra déterminer les conditions de rémunération des professionnels de santé pratiquant des soins palliatifs à domicile.
Soutenir ceux qui accompagnent les mourants est indispensable si l'on veut à la fois favoriser le maintien à domicile et mettre en place une véritable politique d'accompagnement de la fin de vie, efficace et humaine.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Des structures d'accueil et de répit en milieu médicalisé existent déjà pour les familles dans certains départements comme celui de M. Barbier. Elles bénéficient à la fois aux malades, à leurs proches et à l'assurance-maladie puisqu'elles permettent d'éviter des hospitalisations. Toutefois il n'est pas indispensable de leur donner une base législative. Sagesse.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Même avis : je ne vois pas d'inconvénient à inscrire ce genre d'expérimentations dans la loi, mais elles ont déjà lieu et cette mesure n'est pas de nature législative. Le Gouvernement compte allouer 500 000 euros par an à chacun des trois centres qui ouvriront au premier trimestre en Franche-Comté, en Rhône-Alpes et en Midi-Pyrénées. La volonté politique, ce n'est pas d'inscrire des expériences dans la loi, c'est de les réaliser effectivement et de les financer ! Soyez assuré de la détermination du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Il s'agissait d'un amendement d'appel sur un sujet très important. Dans ma commune a été ouvert un établissement destiné à accueillir momentanément les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer et à soulager ainsi leur famille.
L'amendement n°10 est retiré.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au parlement avant le 1er février 2012, un rapport sur les modalités d'organisation de formations pour les accompagnants en lien avec les établissements de santé, les professionnels de santé et les associations.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Dans le même esprit que le précédent, cet amendement prévoit un rapport sur les modalités d'organisation de formations pour les accompagnants, afin que ceux-ci ne soient pas livrés à eux-mêmes face aux difficultés organisationnelles, administratives et psychologiques. Pour favoriser le maintien à domicile, il faut encourager la collaboration entre tous les acteurs de la chaîne de soins et créer des lieux d'accueil et d'écoute au sein des établissements de santé ou auprès d'associations.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Les demandes de rapports me laissent perplexe. En outre, l'amendement est peu précis quant au contenu des formations. Mais il s'agissait sans doute d'un amendement d'appel. Retrait, sinon rejet.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Même avis. Je ne suis nullement défavorable au fond, mais l'amendement est satisfait : nous collaborons déjà en ce sens avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
L'amendement n°11 est retiré.
Article premier bis
Après l'article L. 161-9-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-9-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 161-9-3. - Les personnes bénéficiaires du congé prévu à l'article L. 3142-16 du code du travail, au 9° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, au 10° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au 9° de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et à l'article L. 4138-6 du code de la défense conservent leurs droits aux prestations en nature de l'assurance maladie et maternité de leur régime d'origine aussi longtemps qu'elles bénéficient de ce congé.
« Lors de la reprise de leur travail à l'issue du congé, ces personnes retrouvent leurs droits aux prestations en nature et en espèces de l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès pendant une période fixée par décret.
« En cas de non reprise du travail à l'issue du congé, en raison d'une maladie ou d'une maternité, les personnes retrouvent leurs droits aux prestations en nature et en espèces du régime antérieur dont elles relevaient. Ces dispositions s'appliquent pendant la durée de l'arrêt de travail pour cause de maladie ou du congé légal de maternité.
« Lors de la reprise du travail à l'issue du congé de maladie ou de maternité, les personnes retrouvent leurs droits aux prestations pendant une période fixée par décret. »
M. le président. - Amendement n°17, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 2
Après les mots :
en nature
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et en espèces de l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès de leur régime d'origine aussi longtemps qu'elles bénéficient de ce congé.
II. - Alinéas 3 à 5
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes ayant bénéficié de ces dispositions, conservent leurs droits aux prestations en nature et en espèces d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès auprès du régime obligatoire dont elles relevaient avant et pendant ce congé, dans les situations suivantes :
« 1° Lors de la reprise de leur travail à l'issue du congé ;
« 2° En cas de non reprise du travail à l'issue du congé, en raison d'une maladie ou d'une maternité ;
« 3° Lors de la reprise du travail à l'issue du congé de maladie ou de maternité.
« Les périodes pendant lesquelles les bénéficiaires conservent leurs droits sont fixées par décret et sont applicables, sans préjudice des dispositions de l'article L. 161-8 du présent code. »
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cet amendement vise à garantir la couverture sociale des bénéficiaires de l'allocation, conformément au souhait de la commission. Il permet aux personnes bénéficiant d'un congé de solidarité familial de percevoir de leur régime d'origine les prestations en espèces de l'assurance maladie -maternité, invalidité et décès- aussi longtemps qu'elles bénéficient de ce congé.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Cet amendement approfondit une mesure souhaitée par la commission, qui à cette occasion s'était montrée audacieuse. Avis favorable.
L'amendement n°17 est adopté.
L'article premier bis, modifié, est adopté.
Article 2
I. - Au premier alinéa de l'article L. 3142-16 du code du travail, les mots : « ou une personne partageant son domicile souffre d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital » sont remplacés par les mots : «, un frère, une soeur ou une personne partageant le même domicile souffre d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause ».
I bis. - (Supprimé)
II. - À la première phrase du 9° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, les mots : « ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l'objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : « , un descendant, un frère, une soeur ou une personne partageant le même domicile souffre d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause ».
III. - À la première phrase du 10° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les mots : « ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l'objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : « , un descendant, un frère, une soeur ou une personne partageant le même domicile souffre d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause ».
IV. - À la première phrase du 9° de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, les mots : « ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l'objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : « , un descendant, un frère, une soeur ou une personne partageant le même domicile souffre d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause ».
V. - À la première phrase de l'article L. 4138-6 du code de la défense, les mots : « ou une personne partageant son domicile fait l'objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : «, un frère, une soeur ou une personne partageant le même domicile souffre d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause ».
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Barbier, au nom de la commission.
I. - Alinéa 2
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
I bis. - Le même article L. 3142-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce droit bénéficie, dans les mêmes conditions, aux salariés ayant été désignés comme personne de confiance au sens de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique. »
II. - Alinéas 3, 4, 5 et 6
Remplacer les mots :
ou une personne partageant le même domicile
par les mots :
, une personne partageant le même domicile ou l'ayant désigné comme sa personne de confiance au sens de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - La commission a permis que l'allocation d'accompagnement bénéficie également aux personnes de confiance au sens du code de la santé publique. Cet amendement tire les conséquences de cette mesure en étendant à ces personnes le droit au congé de solidarité familiale.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Excellent travail parlementaire. Avis très favorable.
L'amendement n°18 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Les articles 2 bis, 2 ter et 3 sont adoptés.
Article 4
Le Gouvernement remet chaque année, avant le 31 décembre, un rapport aux commissions parlementaires compétentes faisant état de la mise en oeuvre du versement de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie.
Ce rapport établit aussi un état des lieux de l'application de la politique de développement des soins palliatifs à domicile.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas défendu.
L'article 4 est adopté.
L'article 5 demeure supprimé
Vote sur l'ensemble
M. Jean-Pierre Godefroy. - Cette proposition de loi marque une réelle avancée, même si nous regrettons qu'elle ne concerne pas la fin de vie à l'hôpital. Le Gouvernement et la commission ayant accepté nombre de nos amendements, c'est sans état d'âme que nous voterons ce texte.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Je remercie nos collègues, les membres de la commission, le rapporteur : grâce à ce travail de qualité, nous allons voter à l'unanimité cette proposition de loi qui améliorera la qualité de la fin de vie des personnes accompagnées.
M. le président. - Le groupe CRC a annoncé qu'il aurait bien entendu également voté ce texte.
La proposition de loi est adoptée
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je me réjouis qu'un texte aussi emblématique soit voté à l'unanimité. Je vous remercie pour votre travail en commission, et adresse mes compliments à M. Barbier, retenu par un empêchement majeur. Notre travail a été consensuel mais approfondi ; des amendements de qualité ont enrichi le travail de l'Assemblée nationale, dont je salue le rapporteur. Merci aux membres de la commission, et aux intervenants de tous les bancs. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait ce soir. Merci au président de séance : je sais qu'il doit souffrir de n'avoir pu, en raison de ses fonctions, voter ce texte avec ses collègues ! (M. le président le confirme)
Prochaine séance, mardi 19 janvier 2010, à 9 h 30.
La séance est levée à minuit vingt.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 19 janvier 2010
Séance publique
A 9 HEURES 30
1. Questions orales.
A 14 HEURES 30
2. Projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n°60, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°169, 2009-2010).
Texte de la commission (n°170, 2009-2010).
DE 17 HEURES A 17 HEURES 45
3. Questions cribles thématiques sur le plan de relance et l'emploi.
A 18 HEURES ET LE SOIR
4. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.