Outre-mer
Mme la présidente. - Nous abordons l'examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
Interventions des rapporteurs
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances. - Il y a cinq mois a été promulguée la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom), dont le coût global peut être évalué à 300 millions d'euros. Toutefois, l'impact financier de ce texte sur le budget de la mission est assez limité car 23 mesures d'application, soit la quasi-totalité, ne sont pas encore parues. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quand elles seront prises ? Elles sont attendues impatiemment en outre-mer et il n'est pas souhaitable de laisser les acteurs économiques trop longtemps dans l'incertitude. En outre, plus des deux tiers du coût de la Lodeom correspondent à des dépenses fiscales.
La mission « Outre-mer » représente 2,17 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,02 milliards d'euros en crédits de paiement dans le projet de budget adopté par l'Assemblée nationale. Les dépenses fiscales s'élèvent à 3,46 milliards d'euros, soit 6,6 % de plus qu'en 2009 du fait des dispositifs votés dans la Lodeom, mais cette hausse est moins forte que l'année précédente, où elle était de 17,4 %.
La plupart des crédits budgétaires en faveur de l'outre-mer ne se trouvent pas dans cette mission : le document de politique transversale fait apparaître pour 2010 13,56 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 13,37 milliards en crédits de paiement. La mission en représente donc moins de 15 %. Le document de politique transversale n'est d'ailleurs toujours pas exhaustif : deux programmes manquent encore pour appréhender l'effort global de l'État en faveur de l'outre-mer. Nous attendons, madame la ministre, que vous vous rapprochiez des autres ministères afin d'obtenir un document complet dès l'année prochaine.
Le premier conseil interministériel de l'outre-mer, présidé par le chef de l'État, a été l'occasion d'annoncer un plan de modernisation après le vaste débat qui a eu lieu dans le cadre des états généraux de l'outre-mer. Avec 137 mesures, ce plan est destiné à favoriser la concurrence pour faire baisser les prix, faciliter le développement économique endogène, rénover les relations avec la métropole, développer les responsabilités locales et renforcer l'égalité des chances. Je me réjouis de voir que les propositions formulées par la mission commune d'information du Sénat sur la situation des départements d'outre-mer ont été très largement reprises car nous souhaitons qu'elles ne restent pas lettre morte. Madame la ministre, quel est le calendrier de réalisation de ce plan ? Certaines de ces mesures feront-elles l'objet d'un projet de loi ?
Parmi les propositions formulées par la mission commune d'information, présidée par notre collègue Serge Larcher et dont Éric Doligé était le rapporteur, je retiens la transformation du ministère de l'outre-mer en une structure interministérielle, éventuellement rattachée au Premier ministre. Non seulement les crédits de la mission sont très limités au regard de la politique en faveur de l'outre-mer, mais la tutelle du ministère de l'intérieur ne nous semble pas adaptée à la diversité des statuts de l'outre-mer. En outre, la collaboration avec les autres ministères est très difficile car ces derniers n'accordent que peu d'importance aux problématiques ultramarines. Il est nécessaire que vous puissiez, madame la ministre, avoir un droit de regard et assurer le suivi des crédits qui ne dépendent pas de votre ministère.
Dans ce contexte, le projet de budget 2010 de la mission « Outre-mer » apparaît comme un budget de transition. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances. - Je forme les même voeux pour votre sort, madame le ministre, pour que vous soyez, à la tête d'un département à part entière, rattachée au Premier ministre. A force de le dire, cela peut se faire ! Les crédits de la mission « Outre-mer » augmentent sensiblement pour la deuxième année consécutive. La hausse initiale était de 6,4 % en autorisations d'engagement et de 6,3 % en crédits de paiement. L'Assemblée nationale a majoré les premières de 83 millions d'euros et les seconds de 33 millions en vue de l'application des 137 mesures décidées par le conseil interministériel de l'outre-mer.
La hausse prévue dans le projet initial porte principalement sur le programme « Emploi outre-mer », dont les crédits augmentent de près de 10 % afin de mieux rembourser aux organismes de sécurité sociale les exonérations spécifiques à certains territoires. Ces compensations représentent 1,1 milliard d'euros et plus de la moitié des crédits de la mission. Cette hausse est bienvenue, mais elle ne suffira pas à compenser à l'euro près les pertes subies par les organismes de sécurité sociale, auprès desquels la dette accumulée s'élèvera à plus de 600 millions d'euros à la fin de l'année.
Les crédits destinés au service militaire adapté (SMA), dispositif dont notre collègue François Trucy a montré l'efficacité dans un rapport récent, sont également en hausse. Le Président de la République a annoncé que les effectifs qui en bénéficient devraient passer progressivement d'environ 3 000 à 6 000. Toutefois, selon nos informations, l'augmentation des crédits et des personnels ne suivrait pas et nous craignons que la qualité de la formation n'en pâtisse. Ce serait regrettable car 80 % des jeunes issus du SMA trouvent ensuite un emploi ou une formation qualifiante. Madame la ministre, pouvez-vous lever nos inquiétudes sur ce sujet ?
« Conditions de vie outre-mer », le second programme de cette mission très hétérogène, comporte notamment les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) dédiée au logement en outre-mer. La Lodeom prévoit un recentrage sur le logement social du dispositif de défiscalisation, qui pourra en outre s'articuler avec des crédits de la LBU. Ce nouveau mécanisme devra entrer en application très progressivement, après concertation avec les bailleurs sociaux. Les crédits de la LBU ne diminuent pas : espérons que les craintes de nos collègues ultramarins seront apaisées. Il faut par ailleurs se réjouir de la hausse de 6 % des crédits consacrés à la résorption de l'habitat insalubre, mais regretter le report à 2011 de la création du groupement d'intérêt public censé régler les problèmes d'indivision dans les DOM. Madame la ministre, de nombreuses voix s'étaient élevées lors du vote de la Lodeom pour demander qu'il y soit procédé rapidement.
Est-il possible d'accélérer les choses ?
C'est également une année de transition pour les mesures en faveur de la continuité territoriale : le fonds de continuité territoriale créé dans la Lodeom regroupera et rationalisera les aides existantes -désormais sous condition de ressources.
Des crédits supplémentaires ont été votés à l'Assemblée nationale pour tirer les conséquences des décisions du conseil interministériel. Le logement social bénéficie d'une rallonge, pour la résorption de l'habitat insalubre et la construction de nouveaux logements. Un fonds de garantie pour l'agriculture et la pêche est créé, pour favoriser l'accès des entrepreneurs de l'agriculture, de la filière du bois et du secteur de la pêche aux financements bancaires, ce qui soutiendra l'emploi. L'Agence française pour le développement (AFD) dans l'outre-mer disposera de crédits supplémentaires pour conforter les politiques publiques locales par des prêts à taux bonifiés aux PME et aux collectivités. Enfin, une dotation spéciale d'équipement scolaire est prévue, pour financer en Guyane la construction et l'extension d'établissements scolaires, afin de prendre en compte les évolutions démographiques.
Les indemnités temporaires de retraites (ITR) en outre-mer ont été réformées à l'initiative de notre commission des finances dans le collectif budgétaire de décembre dernier. Les économies budgétaires mettront toutefois du temps à apparaître, la fin des entrées dans le dispositif se situant en 2028.
Les majorations de traitement des fonctionnaires coûtent plus de 1,3 milliard d'euros à l'État -aucun chiffrage n'existe en ce qui concerne les collectivités territoriales. Or, ces majorations ne suivent pas les réels écarts de prix entre l'outre-mer et la métropole. Elles ont des effets pervers sur le niveau des prix et la situation financière des collectivités territoriales. L'Insee doit rendre une étude comparative des prix exhaustive en 2010 et nous serons attentifs aux préconisations de la mission commune. Je regrette que le conseil interministériel n'ait pas traité de cette question.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Hélas...
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. - Il y aura d'autres réunions !
M. Éric Doligé. - La commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - A la fin d'une année très difficile sur le plan social et économique outre-mer, c'est avec satisfaction que la commission des affaires sociales a constaté la progression des crédits. Dans ce budget, certains points sont très positifs : nouvelle aide au fret pour réduire les prix des importations, dispositions en faveur de l'agriculture, prêts à taux bonifiés. D'autres peuvent encore être améliorés, service militaire adapté par exemple, car le nombre de stagiaires n'augmentera guère en 2010 et le Gouvernement a décidé de réduire de douze à dix mois la durée de la formation ; je vous le rappelle, il s'agit de jeunes particulièrement marginalisés dont la réinsertion prendra du temps ! La commission des affaires sociales souhaite que le Gouvernement revienne sur ses intentions. De même la politique du logement exige un véritable plan Marshall, il serait pleinement justifié par l'ampleur de la crise. C'est que 26 % des logements sont insalubres outre-mer ! Et les prix du secteur libre y sont aussi élevés qu'en Ile-de-France. J'ajoute que 80 % de la population est éligible à un logement social en Guyane ou à La Réunion.
La santé me paraît insuffisamment dotée. Le Gouvernement a bien annoncé, en juillet dernier, un plan santé outre-mer, mais on n'en voit aucune traduction budgétaire. Pourtant, l'espérance de vie est nettement plus faible outre-mer qu'en métropole, les phénomènes d'addiction beaucoup plus répandus, au tabac, à l'alcool ou aux drogues. La commission des affaires sociales demande la mise en oeuvre rapide du plan santé, conformément aux conclusions de la mission d'information.
Pour que le RSA soit en place outre-mer au 1er janvier 2011, le Gouvernement doit prendre une ordonnance avant fin juin prochain. (M. Jean-Paul Virapoullé renchérit) Où en est « l'expertise complémentaire » qui justifiait ce décalage avec la métropole ? Je souhaite qu'une attention particulière soit accordée à Mayotte, qui deviendra l'an prochain le 101e département français. Un amendement du Gouvernement prévoit, c'est heureux, de ne pas minorer la prime pour l'emploi des sommes versées au titre du RSTA et d'exonérer le RSTA de l'impôt sur le revenu.
Le niveau très élevé des prix outre-mer persiste et le Président de la République a pris un certain nombre d'engagements lors du conseil interministériel du 6 novembre. Fixons un calendrier et des procédures précis, car les attentes de nos concitoyens sont bien légitimes. De nombreuses questions restent posées mais la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits 2010. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. - L'année 2009 a été exceptionnelle, marquée par une crise historique dans les deux départements antillais, l'adoption de la Lodeom et le lancement d'une grande réflexion sur l'avenir de l'outre-mer -la population a été associée aux états généraux. Le conseil interministériel s'est appuyé sur leurs travaux pour présenter 137 mesures. Notre Haute assemblée a créé une mission commune d'information qui a formulé 100 propositions très pertinentes, dont plusieurs reprises par le conseil interministériel.
Le budget 2010 pour l'outre-mer était donc très attendu : hélas il n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Après le vote en seconde délibération à l'Assemblée nationale, les crédits de la mission augmentent de plus de 10 % en autorisations d'engagement et de plus de 8 % en crédits de paiement. Mais la hausse est liée au remboursement des exonérations de charges patronales aux organismes de sécurité sociale -sans que la dette de l'État à l'égard de ceux-ci ne soit réduite... Le logement reste une priorité budgétaire et les députés ont abondé la LBU, mais le compte n'y est toujours pas. Je regrette le manque de moyens destinés à l'insertion dans l'environnement régional, sujet qui me tient particulièrement à coeur. Enfin, j'ai souligné dans mon rapport le rôle central des collectivités d'outre-mer dans le soutien à l'activité économique. Les collectivités départementales des DOM y consacrent plus de crédits que les départements de l'Hexagone. Ce budget n'est pas à la hauteur des attentes exprimées en 2009 par les populations d'outre-mer, ni des annonces faites par le Président de la République. La commission de l'économie a émis cependant un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois. - C'est une gageure d'exposer le problème de l'outre-mer en cinq minutes d'autant que mon appréciation diverge de celle de M. Lise. Le périmètre de ce budget s'est enfin stabilisé : nous le demandions depuis longtemps ! Les crédits de l'outre-mer sont en augmentation, dans une période pourtant difficile où la crise fait encore sentir ses effets. Mais l'élément le plus notable est dans la nouvelle approche retenue. Il se produit une réelle prise de conscience de la nécessité de rénover en profondeur les politiques destinées à l'outre-mer.
La loi d'orientation et de développement économique de l'outre-mer a été adoptée. Les états généraux de l'outre-mer ont été mis en place ainsi qu'un conseil interministériel de l'outre-mer dont les décisions, annoncées par le Président de la République lui-même, sont audacieuses et prometteuses. Nous pouvons tous nous féliciter de la volonté affirmée de transparence, de concurrence, de vérité des prix, de proximité et de responsabilité. Cela va donner un coup de fouet salutaire au développement économique et social de l'outre-mer. Faire baisser des prix anormalement élevés, améliorer les circuits de distribution, favoriser la production locale à qualité et à coût compétitifs, développer de grands projets structurants, rénover le dialogue social, mieux insérer les collectivités ultramarines dans leur environnement régional -tout cela va créer des emplois et améliorer le niveau de vie.
On passe d'une logique de rattrapage à une logique de valorisation des atouts de l'outre-mer. C'est reconnaître explicitement la richesse que représente l'outre-mer pour la République. Une richesse, pour perdurer, doit être entretenue et valorisée. Aussi importe-t-il de lever toutes les entraves qui bloquent encore cette marche en avant. Il est grand temps de publier les décrets nécessaires à l'application de la loi d'orientation. II serait utile de donner une dimension plus large à la continuité territoriale : elle doit couvrir tous les aspects de la vie quotidienne pour prendre tout son sens. Pourquoi faut-il encore dix jours pour qu'une lettre arrive dans des territoires pourtant desservis tous les jours par des avions en provenance de Paris ?
L'organisation institutionnelle des collectivités et départements mérite toute l'attention de l'État. La prochaine consultation populaire en Martinique et en Guyane va dans ce sens. Restent toutefois de nombreuses questions pendantes comme l'état civil de Mayotte, les ressources financières des communes de Polynésie ou l'organisation institutionnelle de Wallis-et-Futuna, sans parler de l'immense source de connaissances sur notre planète que sont nos Terres australes et antarctiques.
Les orientations fixées par le conseil interministériel de l'outre-mer à la suite des états généraux vont dans la bonne direction. Elles reprennent d'ailleurs les mesures préconisées par la mission d'information du Sénat présidée par Serge Larcher et dont le rapporteur est Éric Doligé. Nous pouvons ainsi nous féliciter de voir reconnues la qualité des travaux de notre Haute assemblée ainsi que sa clairvoyance ; Catherine Nay a écrit que « dans toute vie, il existe un moment où une porte s'ouvre pour laisser entrer l'avenir ». Pour l'outre-mer, cette porte vient de s'ouvrir ! C'est pourquoi la commission vous recommande d'adopter ces crédits.
Mme la présidente. - Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote. Aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. Le Gouvernement dispose au total de 40 minutes.
Orateurs inscrits
Mme Odette Terrade. - Depuis l'an dernier, l'outre-mer français a connu un certain nombre d'évolutions significatives.
Le référendum mahorais ouvre le champ des espoirs, celui des illusions et sans doute celui des déceptions à venir pour les habitants de la Grande île et de la Petite île.
Autre évolution institutionnelle, dans le cadre de textes discutés en procédure accélérée, la séparation des deux îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy de la collectivité guadeloupéenne. Contre l'avis majoritaire des Guadeloupéens, nous venons de faire apparaître, au sein de la collectivité nationale, une collectivité qui, installée dans le moins-disant social et fiscal, fait de l'inégalité sociale un des éléments de son développement économique, et d'autre part, une collectivité qui n'est que le domaine privé réservé à quelques personnes fortunées.
L'évolution institutionnelle est encore à l'ordre du jour, puisque la Martinique et la Guyane vont se poser la question de la mono-départementalisation et donc celle de savoir s'il ne convient pas de fusionner conseil régional et conseil général dans une seule collectivité. La différence des modes d'élection de ces institutions constitue un point qu'il conviendra de résoudre au mieux des intérêts de la population, mais aussi du pluralisme des opinions.
Tout ce débat institutionnel pèse d'assez peu de poids devant le mouvement social d'importance que l'outre-mer a connu au début de l'année et qui a conduit le Gouvernement à manoeuvrer en recul, concédant notamment les termes de l'accord Bino, du nom de ce syndicaliste de la CGT Impôts de Guadeloupe assassiné dans des conditions encore inexpliquées. Cet accord prévoyait l'attribution d'une prime aux salariés les plus mal rémunérés, le RSTA. On avait passé sous silence que les sommes perçues au titre du RSTA seraient imputables sur la prime pour l'emploi, et, modifiant le revenu fiscal de référence, réduiraient les allégements de taxe d'habitation. Sachant que les trois quarts des contribuables d'outre-mer sont non imposables, cela revenait à donner 3 millions aux salariés en exonération sur le revenu et à leur en reprendre 108 sur la prime pour l'emploi ! Je vous donne quelque chose de la main droite, mais ma main gauche en reprend bien plus dans votre poche.
Nous avons déposé, en première partie de la loi de finances, un amendement corrigeant cela et nous apprécions que le Gouvernement se soit senti obligé de supprimer l'imputation du RSTA sur la prime pour l'emploi. Il faut dire que, depuis, le mouvement contre la « profitation » reprend du côté de Pointe-à-Pitre.
La loi d'orientation peine à entrer en application puisque aucun décret n'a encore été pris. Sur le plan budgétaire, pas de bouleversement sensible. Les crédits de l'outre-mer se fixent à moins de 2 milliards en crédits de paiement, avec une hausse de 113 millions dont la plus grande part est consacrée à la progression de la prise en charge d'exonérations de cotisations sociales pour les entreprises. Face à ces 113 millions, on crée 252 millions supplémentaires de dépenses fiscales. Les choix restent les mêmes : avant de répondre aux besoins sociaux des habitants de l'outre-mer, on privilégie l'aide fiscale qui ne s'adresse qu'à quelques ménages fortunés qui ne résident pas toujours outre-mer.
Une politique volontaire permettrait à l'outre-mer français d'atteindre une indépendance énergétique qui rendrait les coûts de production locaux moins dépendants des produits pétroliers.
Vous ne prenez pas en compte la situation dramatique des collectivités territoriales ultramarines, qui vont subir de plein fouet les effets de la suppression de la taxe professionnelle. L'état du cadastre va rendre difficile une juste appréciation de la matière imposable au titre de la future cotisation locale d'activité et plus encore des retombées de Ia contribution complémentaire, dont il faudra sans doute prévoir qu'elle intègre une forme de quote-part outre-mer.
Nous ne voterons évidemment pas ce budget. (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Marsin. - Outre-mer, 2009 aura été une année de crise et de rupture ; 2010 devrait être l'année de la relance, celle de la refondation ou encore celle de la réconciliation des citoyens ultramarins avec les décideurs, locaux et nationaux. La crise domienne semble avoir surpris tout le monde alors que nous n'avions cessé d'attirer l'attention sur les signes avant-coureurs. Cette crise a nécessité des mesures d'urgence pour accroître les revenus des personnes disposant de bas salaires, combattre la vie chère et arrêter ce que d'aucuns appellent la « profitation ». Notre Assemblée a contribué au règlement du conflit en votant des dispositions permettant la maîtrise des prix et la mise en place du RSTA.
La mise en oeuvre de ces mesures décidées dans l'urgence pose problème. Je me réjouis de la disposition votée par notre Assemblée, mardi dernier, visant selon le ministre du budget lui-même, à lever un malentendu en supprimant l'imputation du RSTA sur la prime pour l'emploi et en exonérant de l'impôt sur le revenu les primes complémentaires versées par les collectivités territoriales.
Sur le suivi et la maîtrise des prix ainsi que le coût du carburant, pouvez-vous nous dire où nous en sommes, au lendemain de deux jours de mobilisation en Guadeloupe ?
Au-delà de ces mesures d'urgence, une démarche plus profonde a été engagée au travers des états généraux lancés par le Président de la République et de la mission d'information sénatoriale, dont le rapport constitue une mine de propositions et d'informations exceptionnelles. Ces travaux de grande qualité ont alimenté les décisions du conseil interministériel de l'outre-mer, qui s'est tenu le 6 novembre, soit bien après l'élaboration de ce budget.
Dès lors, le budget ne peut retracer l'ensemble des crédits conséquents et, malgré sa hausse de 6 %, il a donc un caractère provisoire -il ne comprend pas non plus les crédits de la Lodeom, faute de décrets d'application.
L'emploi est un sujet délicat : le chômage bat des records, qui varie de 22 à 30 %. L'exonération de charges prévue par la Lodeom doit permettre le développement de l'emploi mais le compte n'y est pas ; 92,4 millions de plus ne suffiront pas pour couvrir les besoins : il manque 54 millions et la dette de l'État envers la sécurité sociale va s'accroître. Comment faire si les crédits ne sont pas au rendez-vous ?
La formation et l'insertion sont des enjeux cruciaux quand les jeunes sont dans la détresse et que 55 % d'entre eux connaissent le chômage. Le SMA sert de modèle, mais comment doubler le nombre de ses bénéficiaires sans une augmentation parallèle des crédits ? Enfin, allez-vous adapter à l'outre-mer le plan jeunes annoncé en septembre dernier par le Président de la République qui veut qu'aucun jeune en difficulté ne soit plus laissé seul ?
Les besoins en logement sont énormes. En 2008, il y a eu 14 500 demandes en Guadeloupe mais seulement 1 367 logements construits. A ce rythme, il faudrait onze ans pour répondre à la demande. Vous avez dit qu'il s'agit d'abord de capacité à construire des logements mais celle-ci est entravée par toute une série de points de blocage : coût moyen des prêts consentis aux opérateurs sociaux, impossibilité pour les communes d'attribuer des subventions pour surcharge foncière... Je compte sur vous pour les lever rapidement.
Si j'ai noté que les crédits de la LBU sont stables, quelle est l'opérationnalité de la défiscalisation des opérations de logements sociaux en l'absence des textes d'application de l'article 35 de la Lodeom ?
Je veux insister sur la nécessité de recapitaliser nos communes, afin qu'elles puissent agir. Où en est le plan de relance outre-mer et ne faut-il pas réaffecter les crédits qui n'auraient pas été mobilisés pour leur destination initiale ?
J'insiste à chaque fois sur la continuité territoriale. J'avais souhaité un rapport du Gouvernement mais l'Assemblée nationale a préféré graver dans le marbre de l'article 49 de la Lodeom l'égalité des droits, la solidarité nationale et l'unité de la République. Le message est fort. Encore faut-il ouvrir rapidement le chantier. Il faut envisager un tarif résident et assurer la vérité et la transparence dans le transport des biens.
Après la prise de conscience suscitée par la situation tendue, il y a eu le temps de la réflexion. Celui de l'action est maintenant venu. A défaut, nous irions au-devant d'autres crises alors que nos concitoyens aspirent à l'apaisement. D'autres conseils interministériels seront nécessaires et le budget devra être ajusté : attendre serait une erreur ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Adrien Giraud. - Je suis heureux de vous saluer, madame, à l'occasion de ce premier budget. Nous avons été d'autant plus sensibles à vos visites à Mayotte que vous connaissez la situation des femmes et leur combat pour Mayotte française. L'année qui s'achève aura en effet été celle de l'aboutissement d'une ancienne revendication et de la consultation sur le statut de notre territoire dans la République. La loi organique du 3 août dernier a prévu l'accession de notre collectivité au statut de département français d'outre-mer à compter de 2011. Le résultat de la consultation est éloquent : 95,2 % de votes positifs. Cela crée des devoirs, dont celui de mettre en oeuvre une politique active de rattrapage afin de réaliser les promesses de la départementalisation si longtemps souhaitée. La feuille de route du Gouvernement, le pacte pour la départementalisation de Mayotte publié en décembre 2008, énumère les étapes. Nous attendons la loi ordinaire qui précisera les modalités et les moyens.
L'éducation est le principal fondement de nos progrès. Nous manquons de classes dans le premier degré en raison d'une progression démographique malheureusement aggravée par une immigration massive. On ne parvient pas aujourd'hui à scolariser tous les enfants vivant sur le sol de Mayotte et les bâtiments existants sont vétustes, d'où la surcharge des classes et de mauvaises conditions d'enseignement. Il convient de renforcer la dotation spéciale d'équipement scolaire. C'est d'ailleurs la suggestion du Président Sarkozy : le 6 novembre, à l'Élysée, il a recommandé l'octroi de crédits supplémentaires pour remédier à une situation très pénalisante.
Le manque d'établissements dans la filière technique et l'absence d'université induisent une charge de bourses de plus en plus importante. La collectivité départementale ne peut plus faire face, aussi faut-il considérer sérieusement et de manière urgente la création d'un pôle universitaire. Les conclusions du dernier conseil interministériel n'ont pas, sur ce point, répondu à nos attentes.
Tous les rapports ont identifié la question foncière comme un des principaux points de blocage. On a besoin d'une nouvelle politique foncière avec les moyens de constituer des réserves foncières et d'aménager les terrains et les villages. Des mesures fortes sont donc attendues. La création d'un établissement foncier représente à cet égard une véritable avancée. En revanche, la rigidité des règles de gestion des pas géométriques énoncées dans le décret paru au Journal officier du 11 septembre n'est pas de nature à répondre au problème du logement social pour les plus modestes et il est urgent de le réviser.
On a besoin de 2 750 logements chaque année, 2 200 neufs et 550 en réhabilitation. Nous n'en construisons pas assez ; la nouvelle politique de l'habitat aidé rencontre de nombreux obstacles. Les programmes n'apparaissent pas adaptés aux besoins. L'accession très sociale butte sur la disponibilité des terrains. Si le cadastre vient d'être réalisé, 20 000 dossiers sont en cours de régularisation et le problème de la zone des pas géométriques reste entier pour la plupart des villages. Les opérations d'aménagement à engager supposent la mise à disposition de terrains. Le pacte pour la départementalisation prévoit un fonds de développement économique et social, en remplacement de l'actuel fonds mahorais de développement.
Or la création de ce nouveau fonds, qui permettra de mettre en oeuvre de la départementalisation, a été renvoyée au plus tôt à 2013. Dans ces conditions, quel sens donner aux paroles prononcées par le Premier ministre, lors de sa récente visite à Mayotte : « développement d'abord, égalité sociale ensuite » ?
Si la population de Mayotte a bien compris que la question sociale ne serait posée qu'après 2012, elle a également bien noté l'engagement de « revalorisation significative » pour les personnes handicapées et pour les personnes âgées dès cette année. Que prévoyez-vous, madame la ministre, pour améliorer le sort de ces allocataires particulièrement défavorisés ?
Enfin, alors que nous allons débattre de la réforme des collectivités territoriales, nous devrons nous pencher sur les finances communales à Mayotte. Le code des impôts devait être étendu à Mayotte le 31 décembre 2007, mais l'échéance a été repoussée fin 2013. Si rien n'est fait dès maintenant pour lancer cette réforme, cette échéance ne sera pas tenue. Or, la situation difficile des finances des collectivités locales de Mayotte ne permet plus d'éluder un tel chantier.
En revanche, je me félicite que le conseil interministériel de l'outre-mer ait prévu que la représentation permanente de la France à Bruxelles se doterait d'un pôle en charge de l'outre-mer. Nous espérons que ce nouveau service instruira nos dossiers, notamment dans le domaine des fonds structurels, et permettra à Mayotte de devenir une région ultrapériphérique de l'Europe : les aides financières et techniques de la Communauté nous sont indispensables.
Mais en contrepartie de ces concours européens, l'outre-mer n'arrive pas les mains vides : nos espaces maritimes et nos ressources halieutiques tropicales contribuent à l'équilibre de nos échanges. Surtout, nous portons aujourd'hui, au nom de la France, un message de liberté et de fraternité plus que jamais nécessaire au monde d'aujourd'hui et de demain. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jacques Gillot. - Il y quelques semaines, l'allocution du Président de la République laissait espérer l'avènement d'une nouvelle ambition pour l'outre-mer, nouvelle ambition nourrie par la reconnaissance des apports séculaires de nos territoires et de nos populations à la Nation, nouvelle ambition porteuse d'espérance pour ces centaines de milliers d'ultramarins qui aspirent tout simplement à vivre un nouvel avenir au sein d'une République ouverte à leur différence ; nouvelle ambition empreinte d'audace et de la volonté de renouveler le pacte qui nous unit à la France.
Je suis parmi ceux qui ont accueilli ce discours avec circonspection, en attendant sa traduction dans les actes et dans les chiffres. A la lecture de votre budget, madame la ministre, la déception est à la mesure de l'espoir suscité. En effet, ce budget ne connaît pas de modifications sensibles par rapport aux années précédentes. La hausse d'un peu plus de 6 % ne correspond qu'à la compensation des mesures de défiscalisation. Et même si l'ensemble des dotations budgétaires en faveur de l'outre-mer ne figure pas dans ce budget, l'augmentation des crédits véritablement disponibles ne tient compte que de l'inflation. En effet, 80 % des 118 millions d'augmentation sont consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales.
En définitive, nous avons la détestable sensation que, contrairement à ce qu'affirment les campagnes de communication, les populations des outre-mers n'ont pas été suffisamment entendues. Le Gouvernement n'a pas entendu la demande de transparence des consommateurs sur la question cruciale du prix des carburants. Les outre-mers, et la Guadeloupe en particulier, attendent la mise en place d'une véritable réforme qui leur garantisse un prix juste, établi sur des bases transparentes, équitables et respectueuses de l'emploi local. Nous appelons de nos voeux cette réforme de la transparence depuis plus d'un an et elle n'est toujours pas mise en oeuvre, alors qu'on nous annonce déjà une prochaine hausse des tarifs. Pire encore, la nouvelle scélérate d'un décret octroyant 50 millions de compensation aux compagnies pétrolières a provoqué des ravages dans nos opinions publiques, poussant nombre de Guadeloupéens à scander leur mécontentement dans les rues.
Le Gouvernement n'a pas davantage entendu l'aspiration criante de l'outre-mer pour l'emploi. Certes, vous apportez un début de réponse en augmentant les crédits dévolus au service militaire adapté (SMA). Mais je regrette que pour atteindre le doublement des effectifs, le Gouvernement ait prévu de réduire la durée du SMA de douze à dix, voire six mois, au détriment de la qualité de la formation. Quoi qu'il en soit, le dispositif du SMA ne peut répondre, à lui seul, aux attentes des jeunes de l'outre-mer. La Guadeloupe a l'impression que le Gouvernement n'entend pas la détresse de ces 56 % de jeunes de 15 à 24 ans frappés par l'échec scolaire, la désocialisation et le chômage à laquelle il conviendrait de répondre avec un vrai plan d'urgence pour la formation et l'emploi.
De même, vous ne semblez pas entendre cette demande lancinante de centaines de milliers de foyers ultramarins qui aspirent à bénéficier du revenu de solidarité active (RSA) avant janvier 2011. Comble de l'injustice, déjà privés de l'application du RSA par une comparaison intellectuellement peu honnête avec le RSTA, vous avez refusé l'expérimentation du RSA des jeunes à l'outre-mer !
Ce budget ne traduit pas non plus d'ambition en faveur du logement. Dans le droit fil de la loi d'orientation pour le développement économique de l'outre-mer (Lodeom), vous donnez la priorité à la défiscalisation du logement social en y affectant 110 millions. Pour autant, la création de ce dispositif ne modifie pas significativement les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) et il y a fort à craindre que la complexité de ce dispositif en réduise l'efficacité.
Non, madame la ministre, ce projet de budget ne traduit pas la volonté du Président de la République de mettre enfin de côté une perception quelque peu passéiste et jacobine de l'outre-mer. Il ne prévoit aucune rupture fondamentale avec la logique éculée du replâtrage systématique et il ne prend pas la mesure des enjeux de nos territoires et des aspirations profondes de nos populations.
Madame la ministre, nous aurions souhaité être entendus ! Nous aurions souhaité être entendus sur la question de la continuité territoriale pour qu'il soit enfin tenu compte des spécificités d'un archipel confronté à la double insularité. Nous aurions souhaité être entendus sur les difficultés auxquelles sont confrontées nos collectivités et dont l'autonomie d'action est menacée par la suppression de la taxe professionnelle. Nous aurions souhaité être entendus sur la relance de l'activité touristique, priorité affichée par votre ministère, et qui se traduit paradoxalement par une diminution de plus de 10 % des crédits consacrés au plan de relance. Nous aurions souhaité être entendus sur l'abondement plus important du fonds exceptionnel d'investissement destiné au rattrapage des équipements structurants. Nous aurions souhaité un véritable plan de développement des secteurs porteurs comme l'agro-nutrition, les énergies renouvelables et la biodiversité.
Nous aurions tout simplement souhaité que ce budget traduise l'ambition et l'audace nécessaires à une réforme en profondeur des relations qui unissent l'outre-mer à la République. Mais, une fois encore, l'action n'est pas au rendez-vous de l'incantation, et c'est pourquoi je n'approuverai pas en l'état ce budget. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Bécot. - En premier lieu, je me réjouis, au nom de mes collègues du groupe UMP, de votre promotion au rang de ministre.
En second lieu, je salue les propos que vous avez tenus, madame le ministre, le 24 septembre au salon du tourisme Top Résa. Vous avez, en effet, appelé à un « électrochoc » pour que « le tourisme puisse enfin se développer outre-mer », affirmant que vous comptiez vous impliquer aux côtés des collectivités. Vous avez assurément pris la mesure du problème actuel des Antilles françaises. Je crains, en effet, que dans un futur proche, Cuba ne devienne une destination privilégiée.
Inscrire le secteur touristique comme l'un des axes prioritaires de l'outre-mer était indispensable alors que le chômage reste très élevé, en particulier chez les jeunes. L'adhésion la plus large possible de la population, des acteurs économiques et des élus est indispensable à la réalisation de cet objectif. L'État devra, quant à lui, accompagner ce développement.
Sous d'apparentes similitudes, l'outre-mer constitue un ensemble hétérogène du fait des disparités géographique, historique et culturelle, de la multiplicité des cadres institutionnels et de la diversité des situations. Ainsi, la Guadeloupe, la Martinique et la Polynésie française ont réussi à se forger une notoriété touristique. Cela est moins vrai pour La Réunion et la Guyane. De même, si le tourisme occupe une place croissante dans l'activité économique de la Nouvelle-Calédonie, il demeure encore marginal à Mayotte, Wallis-et-Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Une opération promotionnelle de grande ampleur a été lancée. Des mesures immédiates ont été prises, avec le soutien aux professionnels du tourisme. Des mesures de relance des destinations ultramarines ont été prises dans le cadre de la loi pour le développement économique de l'outre-mer du 27 mai 2009. D'autres dispositions ont suivi, notamment dans le cadre de la loi de développement et de modernisation des activités touristiques du 24 juillet. Ces deux lois récentes ont consacré le secteur du tourisme comme une priorité pour l'outre-mer, ce qui permettra à de nombreuses entreprises de bénéficier d'aides importantes qui devront être complétées par des plans de formation du personnel. En outre, des partenariats restent à trouver pour réhabiliter les parcs hôteliers existants.
Une grave crise sociale a frappé les départements d'outre-mer en 2009. Ce mouvement a eu diverses conséquences dont le coût est encore mal évalué. C'est pourquoi le secteur du tourisme doit y être soutenu.
Mes collègues du groupe UMP soutiennent l'action que vous menez avec le ministre du tourisme, Hervé Novelli : c'est pourquoi nous voterons vos crédits pour 2010. (Applaudissements à droite)
Mme Gélita Hoarau. - Nous examinons ce budget vingt jours après que le comité interministériel pour l'outre-mer, qui devait tirer les conclusions des états généraux organisés à la suite des graves évènements qui ont secoué les départements ultramarins, révélant la gravité de la situation économique et sociale outre-mer, a défini des mesures pour les DOM.
A La Réunion, le taux de chômage, déjà très élevé, a augmenté de 21 % en un an ; la crise du logement est telle que plus de 30 000 demandes restent sans réponse, l'île compte plus de 120 000 illettrés, et plus de 52 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté tel que défini en métropole.
Les déclarations du Président de la République rejoignent un constat unanime : les solutions jusqu'ici retenues ont montré leurs limites ; il faut ouvrir un nouveau cycle historique marqué par une « relation renouvelée avec la métropole ».
Le comité interministériel a défini 137 mesures pour sortir l'outre-mer d'une relation d'assistanat et l'aider à entrer dans un développement endogène. Mais il est une condition préalable, madame la ministre, c'est de répondre aux exigences sociales immédiates de la population. On ne peut pas demander à une population qui compte autant d'illettrés, 30 % de chômeurs et des milliers de familles que le défaut de logement marginalise, de s'engager dans un effort de développement durable. Il faut d'abord des solutions concrètes. Il en existe.
L'Unesco relève qu'un pays comme les Seychelles a su éradiquer l'illettrisme. C'est une question de volonté politique et de moyens. Même chose pour le logement social. Si la proposition faite par le Président de la République de céder aux collectivités des terrains de l'État pour en construire est de bon sens, l'adoption, en revanche, de la proposition de loi visant à réformer le droit de préemption serait lourde de menaces pour la maîtrise du foncier par les collectivités. C'est un vrai plan Marshall qu'il nous faut, élaboré à partir des préconisations des acteurs.
Sur l'emploi, les participants aux états généraux ont fait des propositions pour pérenniser les activités d'aide à la personne et celles liées à l'environnement, qui constituent un gisement de milliers d'emplois. Pourquoi ne pas s'engager dans cette voie alors que le Président de la République préconise lui-même la mise en place d'un Gerri social ?
Pour développer le nombre d'emplois occupés par des ultramarins, les dispositions statutaires de la fonction publique, a-t-il déclaré, pourraient être assouplies. C'est une attente non seulement des catégories délaissées mais des diplômés, qui peinent à trouver un emploi. Il serait malheureux que doive se répéter tous les ans le constat que faisait l'an dernier M. Doligé, qui relevait que sur 1 000 personnes recrutées par l'éducation nationale, 900 étaient métropolitaines alors que l'île compte assez d'étudiants à bac+5 qui veulent devenir enseignants.
Alors que certains ont joué le jeu du dialogue, alors que le Président de la République a ouvert des voies, le temps est venu des décisions concrètes sur tous ces problèmes, car d'autres dangers nous attendent, parmi lesquels les incertitudes sur le marché sucrier de l'après 2013, à quoi s'ajoutent les menaces sur les grands travaux déjà programmés, comme celui du « tram-train », qui résoudrait les problèmes de circulation dans l'île, apporterait une bouffée d'oxygène aux entreprises et de l'emploi à des milliers de travailleurs. La Réunion ne demande pas plus que ce que l'État fait déjà pour d'autres régions. Un accord de principe serait de nature à ranimer la confiance...
La Réunion doit aussi se tourner vers son avenir, pour répondre aux défis liés à la démographie, à la mondialisation, au changement climatique, aux nouvelles technologies. Elle propose des solutions crédibles comme l'autonomie énergétique portée à la fois par la région, l'État et La Réunion économique ; l'autosuffisance alimentaire ; la coopération régionale renforcée ; l'économie de la connaissance. Ces solutions, qui doivent être mises en oeuvre sans tarder, impliquent un engagement sans faille de tous et une volonté politique partagée.
Le comité interministériel a ouvert des voies. Il faut maintenant arrêter un programme concret, fixer les étapes et les moyens mais aussi répondre à l'urgence sociale.
C'est cela le sens que je donne aux relations rénovées de l'outre-mer avec la métropole. Est-ce bien dans cette voie, madame la ministre que le Gouvernement compte s'engager ? (Applaudissements à gauche.)
M. Claude Lise. - Pour examiner ce budget, il faut avoir bien conscience de la situation des collectivités ultramarines. Pour la Martinique, le tableau que je brossais le 20 octobre dernier n'a fait que s'assombrir. Au 1er novembre, 315 entreprises sont en redressement ou en liquidation, le chômage touche 40 000 personnes, soit 24 % de la population active, et les projections font craindre un taux de 27 % en fin d'année et de 30 % à la fin du premier trimestre 2010, niveau inconnu depuis plus de vingt ans et dont on ne peut que craindre les conséquences, notamment pour les jeunes.
Parmi les secteurs les plus sinistrés, celui du BTP ; mais aussi celui du tourisme. A cela s'ajoutent les difficultés croissantes des collectivités territoriales, victimes d'un terrible effet ciseau entre la diminution de leurs ressources et la croissance des besoins, notamment en matière sociale et en équipements publics. Alors que depuis de nombreuses années, elles portaient 85 % de l'investissement public, elles ne peuvent plus aujourd'hui jouer leur rôle à la fois de moteur dans l'économie locale et d'amortisseur de la crise sociale. Croyez, madame la ministre, que j'aurais préféré vous tenir un autre discours, car je ne sous-estime nullement la force de votre engagement en faveur des outre-mer et suis de ceux qui se sont réjouis de la nomination d'une ultramarine rue Oudinot. Mais au regard d'une telle situation, ce budget est décevant. Il ressemble étrangement aux précédents, jusque dans l'artifice utilisé pour le présenter en augmentation. Que pèsent les crédits de la ligne budgétaire unique, même abondés en seconde lecture par l'Assemblée nationale ? Que sont 6 millions d'euros en crédits de paiement pour l'ensemble de l'outre-mer, quand pour la seule réhabilitation de 1 500 logements vétustes de propriétaires occupants en Martinique, il manque, pour 2010, 11 millions ? Plus de 400 entreprises sont concernées. Les crédits actuels ne leur permettent de mobiliser que la moitié de leur capacité de réhabilitation. On objecte souvent que les opérateurs ne pourraient pas consommer davantage de crédits, faute de foncier. L'argument ne tient pas : les besoins, tant en matière de réhabilitation qu'en matière de financement des surcharges foncières imposées par le relief et les risques sismiques, sont énormes.
Les crédits de l'insertion régionale, déjà très insuffisants, sont en réduction de 3,5 %. Où sont les signes que l'on était en droit d'attendre et auraient témoigné d'une réelle prise de conscience de la gravité de certaines situations ? Où sont les signes du changement de politique annoncé par le Président de la République ? Le temps presse. Si l'on ne prend pas d'urgence les mesures nécessaires, on va vers une catastrophe économique et sociale. Je vous demande d'user de votre position au sein du Gouvernement pour obtenir la mise en oeuvre d'un vrai plan de sauvetage, élaboré en étroite concertation avec les acteurs économiques et sociaux et les élus. Il devra rendre aux collectivités territoriales leur capacité de jouer leur rôle.
Il faut aussi que sortent très vite les décrets de la Lodeom : défiscalisation dans le domaine du logement social, aide à la rénovation hôtelière, aide aux intrants et aux extrants... sans oublier celui de l'article 32, qui doit sauver un grand nombre de petites entreprises.
Je vous demande enfin, madame la ministre, d'intervenir auprès du ministère du travail pour qu'avant la mise en oeuvre du contrat unique d'insertion dans les DOM des dispositions soient prises pour éviter l'aggravation des difficultés budgétaires des conseils généraux.
Nous sommes à la veille d'importantes consultations qui vont permettre aux citoyens de Guyane et de Martinique de se prononcer sur le degré de responsabilité qu'ils entendent assumer localement. Le Gouvernement doit donner des signes de sa volonté d'assumer ses propres responsabilités à leur égard, ceci en veillant à préserver l'objectivité des campagnes électorales, tout en donnant des preuves de sa volonté de voir les atouts de leurs territoires transformés en véritable levier de développement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Anne-Marie Escoffier. - La discussion de ce soir traduit l'attachement de la Nation pour les territoires d'outre-mer, géographiquement lointains mais proches par plusieurs siècles d'histoire commune.
Ce débat intervient après une année exceptionnelle, ne serait-ce que par l'ampleur de la crise sociale aux Antilles, que nos rapporteurs ont analysée avec talent et compétence. Ce projet de budget est le premier depuis la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom). Il intervient après que le conseil interministériel de l'outre-mer a tiré les conséquences des états généraux qui viennent de s'achever. Enfin, la mission sénatoriale sur les DOM, envoyée à l'initiative du Président Larcher, a formulé une centaine de suggestions qu'il faut maintenant traduire en actes. Un suivi particulier est donc de mise, notamment en matière fiscale.
Est-ce tout cela qui donne un aspect de transition à ce budget ? Sans doute. Est-ce la traduction d'une nouvelle approche de l'outre-mer, plus conforme à l'intérêt des DOM-TOM et à celui de la métropole ? Peut-être. Est-ce enfin parce que la majorité des crédits budgétaires en faveur de l'outre-mer n'apparaissent pas dans la mission éponyme ? Assurément !
Pourtant, malgré la très utile politique d'exonération des charges sociales, ce projet ne semble pas à la hauteur des enjeux et des annonces du Gouvernement, puisque les masses budgétaires n'augmentent que de 6,4 % en autorisations d'engagement et de 6,3 % en crédits de paiement. Ce sera sans doute insuffisant pour appliquer la Lodeom. Le Gouvernement semble apprécier correctement la situation outre-mer, mais j'aurais préféré une ambition plus affirmée notamment en matière de chômage, de formation professionnelle, de logement et d'infrastructures de transport.
Les DOM-TOM sont encore fragiles et les ultramarins sont légitimement inquiets à l'heure où la crise mondiale les frappe plus durement que leurs concitoyens de métropole. Rappelons que le taux de chômage s'établit en moyenne à 25 % outre-mer, où il concerne un jeune sur deux. Le taux d'illettrisme est encore trop élevé, alors que les infrastructures publiques sont insuffisantes. Et le coût de la vie est prohibitif.
M. Marsin a rappelé que les ultramarins attendaient beaucoup. Veillons à ne pas les décevoir à l'heure où la représentation nationale examine cette importante partie de la loi de finances et affirme son attachement à l'outre-mer. (Applaudissements au centre et sur les bancs socialistes)
M. Jean-Paul Virapoullé. - Le contexte de cette discussion est marqué par le souvenir des mouvements sociaux qui se sont déroulés dans les quatre départements d'outre-mer. Il y eut ensuite les états généraux, puis la feuille de route tracée par le Président de la République après la mission de Serge Larcher et d'Éric Doligé.
Malgré la crise, le budget de l'outre-mer augmentera de 6,4 % en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Cette évolution traduit un engagement soutenu de l'État, dans le cadre de la feuille de route fixée pour les années qui viennent par le titulaire de la légitimité suprême, qui s'est prononcé après une concertation avec les élus, coordonnée par le préfet Samuel à qui je rends hommage. Les décisions prises sont au coeur de nos préoccupations.
J'aborderai trois thèmes : la décolonisation économique, l'application de la Lodeom, l'égalité des chances.
Tout d'abord, la décolonisation économique.
On peut formuler des reproches envers le Gouvernement, mais il a eu le courage de solliciter la Haute autorité de la concurrence en vue d'une radioscopie de la formation des prix outre-mer. Des excès ont ainsi été mis en évidence, puisque vivre à La Réunion coûte 56 % plus cher qu'en métropole, sans aucune justification, surtout pas liée au transport !
Mais cette tare coloniale est une chance : si nous en avons le courage, la volonté partagée des élus et du Président de la République nous permettra d'augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens simplement grâce à la baisse des prix. Le Président de la République nous invite à renforcer la concurrence, à combattre les ententes illicites et à donner un pouvoir véritable à l'Observatoire des prix, à créer des centres uniques d'approvisionnement...
Au-delà des 16 milliards d'euros issus de la solidarité nationale, il y a les milliards issus de l'égalité sociale. Grâce à la décentralisation, nous sommes au pied du mur après le travail du Gouvernement sur la formation des prix et la feuille de route fixée par le Président de la République afin que des prix acceptables améliorent le niveau de vie.
A nous d'avoir le courage, dès les prochains mois, de supprimer les excès constatés. C'est ce que j'appelle la décolonisation économique, qui doit nous faire passer d'une économie de rente fermée sur elle-même à une économie en expansion.
J'en viens au logement social.
Nous avons voté ici l'amendement -que j'ai eu l'honneur de présenter- qui adapte à l'outre-mer le dispositif Scellier. Sur place, les socioprofessionnels ont demandé que le plafond soit porté au niveau du Borloo populaire, que les surfaces prises en compte dans la défiscalisation soient augmentées, enfin que l'État cède gratuitement des terrains qu'il possède. Pour préserver l'aménagement du territoire, ne touchez pas au droit de préemption des collectivités territoriales ! Si vous entrez cette année dans un jeu gagnant-gagnant, nous ne présenterons pas les mêmes revendications l'année prochaine parce que le logement social aura été relancé.
Le tourisme est le deuxième secteur qui pleure en raison de décisions prises sur la défiscalisation et l'exonération de charges sociales dans les agences. Je vous ai écrit en espérant que le décret corrige cette erreur.
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) sont l'avenir de l'outre-mer, car elles permettent de rompre l'isolement, de combattre l'illettrisme et de valoriser l'atout jeunesse. Je souhaite que le décret sur la défiscalisation allonge la liste des activités couvertes par ce dispositif au titre des NTIC.
Je remercie le Président de la République pour avoir brisé le tabou de la régionalisation des emplois de cadres B et C dans la fonction publique, ce qui correspond à une demande très répandue dans l'opinion et ouvrirait des perspectives sur place pour de nombreux jeunes. Je propose qu'un groupe de travail se constitue afin que tous les ministères concernés publient les décrets, arrêtés et circulaires -et prennent peut-être des initiatives législatives- permettant de concrétiser les prescriptions du chef de l'État, conformes aux souhaits des élus de tous bords dans les quatre DOM.
L'article 349 du traité de Lisbonne est entré en application. Le Président de la République a annoncé qu'une cellule serait chargée d'adapter les directives européennes et de piloter le développement des DOM depuis Bruxelles. N'y mettez pas un fonctionnaire, mais une véritable structure en relation avec les élus, afin que l'indispensable adaptation des directives transforme l'outre-mer en chance pour l'Europe !
La lutte contre la fracture numérique porte aujourd'hui la tare de l'économie coloniale, avec monopoles, oligopoles et ententes illicites qui nous asphyxient. Le triple play coûte 29 euros en métropole ; le Président de la République veut l'étendre aux familles modestes d'outre-mer. Moi aussi. Que fait-on ?
Il y aura un commissaire par département pour y appuyer le développement endogène. Je suggère de créer auprès de vous une cellule de coordination à laquelle les parlementaires pourront s'adresser pour transformer leurs souhaits en réalité.
Les fonds d'investissement de proximité sont défiscalisés à 50 %. Ce serait chouette que vous déposiez un amendement à la loi de finances rectificative que nous examinerons dans quelques jours afin que ces structures puissent booster l'économie ultramarine !
Cet engagement a été pris à l'Élysée : les secteurs innovants ont besoin d'argent frais pour se développer.
Enfin, n'avons-nous pas eu la main un peu lourde en votant l'amendement de Mme Payet qui ferme les débits de tabac dans les galeries marchandes et les supermarchés ? On va détruire des emplois sans pour autant réduire la consommation de tabac !
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. - Ils sont vraiment peu nombreux !
M. Jean-Paul Virapoullé. - Mieux vaudrait se contenter d'interdire l'installation de nouveaux commerces de ce type.
Quand nous voyons les bassins de misère qui nous entourent, nous mesurons notre chance de bénéficier de la solidarité nationale et européenne. A nous de travailler main dans la main avec l'État pour un développement endogène de l'outre-mer. (Applaudissements à droite)
M. Georges Patient. - Depuis les événements de Guyane de novembre 2008, le Gouvernement n'a pu rester indifférent à la crise des outre-mer. Il a tenté de répondre aux revendications légitimes des ultramarins, avec la Lodeom ; en annonçant la consultation des électeurs de Martinique et de Guyane sur la transformation de ces deux DOM en collectivités d'outre-mer ; ou avec les annonces du chef de l'État à la suite du conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre dernier. Pour l'heure, on en demeure au stade des bonnes intentions. Hormis la fixation de la date des consultations populaires, peu de dispositions sont appliquées, voire applicables. On est loin des plans de relance à l'intention de la métropole, immédiatement mis en oeuvre. De nombreux décrets d'application de la Lodeom n'ont toujours pas été publiés...
J'attendais beaucoup de la loi de finances pour 2010, mais les crédits pour les outre-mer ne font que suivre l'inflation. Même si ce budget ne représente que 12 % des crédits consacrés aux outre-mer, il se devait de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens. Certes, les crédits augmentent de 6,4 % en autorisations d'engagement et de 6,3 % en crédits de paiement, au profit principalement du programme n°138 « Emploi outre-mer », mais cette hausse ne traduit qu'un meilleur remboursement aux organismes de sécurité sociale des exonérations de cotisations -sachant qu'il manquera 55 millions ! Ces exonérations sont pourtant le principal dispositif de soutien à l'emploi, et ont été confortées par la Lodeom.
De même méritent d'être consolidées les actions en faveur des moins de 30 ans, qui représentent 34 % de la population et sont touchés à 50 % par le chômage. Les crédits en faveur des contrats aidés relèvent désormais de la mission « Travail et emploi », qui subit une baisse de plus de 748 millions. Pouvez-vous nous assurer que ces emplois seront maintenus ?
Il faudra amplifier les efforts budgétaires en faveur du SMA, essentiel en termes d'insertion et de qualification professionnelle. Ses résultats sont bons mais la hausse des crédits et des effectifs d'encadrement ne sera pas proportionnelle à celle du nombre de bénéficiaires. Enfin, l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer voit sa subvention stagner à 7,9 millions, alors qu'elle se voit confier de nouvelles missions.
Comment endiguer le phénomène de l'habitat insalubre avec des crédits en baisse quand on sait que les logements insalubres représentent 7 à 10 % du bâti dans les DOM, contre 2,5 % en métropole ? La Guyane est la plus touchée. Plus de 30 000 personnes vivent dans ce type d'habitat. Le taux de construction illicite est estimé à 30 %, mais à près de 50 % des constructions nouvelles. Pourquoi si peu de constructions de logements en accession très sociale ? Le dispositif rencontrait pourtant un grand succès, notamment en Guyane. Comment répondre aux 62 000 demandes de logements d'une population domienne éligible à 80 % au logement social quand la production annuelle n'excède pas 4 000 unités ? Pour 2010, le Gouvernement s'est fixé un objectif de 5 443 logements mais le nouveau dispositif de défiscalisation ne fait pas l'unanimité. N'aurait-il pas mieux valu accroitre la LBU plutôt que d'instaurer une nouvelle dépense fiscale à l'efficacité contestable ?
Le fonds exceptionnel d'investissement, créé par la Lodeom, a bénéficié en 2009 de 165 millions d'engagements ; en 2010, de 40 millions seulement. Les collectivités locales assurent pourtant 72 % des investissements publics. Le conseil interministériel s'est montré discret sur la question des finances des collectivités. Est-ce un signe de la raréfaction des crédits de l'État ? Aurons-nous de mauvaises surprises quand il faudra chiffrer les mesures annoncées par le chef de l'État ? Sur les crédits votés in extremis, en seconde délibération, à l'Assemblée Nationale, on ne compte que 33 millions de crédits de paiement, dont 15 millions pour une dotation d'équipement scolaire pour la Guyane. Quid de sa permanence et de ses critères d'attribution ?
Je regrette que l'on ne revienne pas sur le plafonnement de la dotation superficiaire des communes de Guyane ; vous n'y étiez pas défavorable, me semble-t-il. J'espère que mon amendement à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » sera reçu favorablement. En l'état, il m'est difficile de voter ce budget. Je préfère attendre le collectif budgétaire qui nous apportera, je l'espère, des moyens à la hauteur des enjeux. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Magras. - Ce débat m'offre l'occasion de vous exposer les problématiques propres à Saint-Barthélemy. Je me félicite de l'augmentation des crédits de la mission, tant les attentes de l'outre-mer sont fortes. II convenait de renforcer l'existant pour répondre au surcroît de la demande. Je suis convaincu que, dans le contexte actuel, l'État fait de son mieux pour l'outre-mer. Encore faut-il le faire bien : seule l'optimisation des ressources permet de faire de la dépense publique un levier de création de richesses et de bien-être. La réduction des écarts entre autorisations d'engagements et crédits de paiements favorise la lisibilité de l'action de l'État en évitant l'accumulation des retards de paiements. Certes les crédits sont importants, mais les résultats ne pourront être atteints que si les actions sont ciblées.
Si Saint-Barthélemy n'est pas concernée par la mission « Outre-mer », il demeure que l'action, pour être efficace, doit être conduite dans un cadre institutionnel. La mise en place d'une nouvelle collectivité impose de nombreux ajustements et une collaboration étroite avec l'État. Nous attendons toujours le décret permettant de mettre en place le centre de formalités des entreprises, guichet unique pour les acteurs économiques. De même, les décrets de ratification des sanctions pénales prévues par les codes des contributions et de l'urbanisme ne sont toujours pas parus. Les sanctions pénales en vigueur dans les codes nationaux restent donc applicables à Saint-Barthélemy.
La collectivité a usé de son droit d'édicter des sanctions pénales pour les adapter aux dispositions prévues par les codes locaux. Ainsi, lorsque la vignette automobile a été supprimée en métropole, elle a été maintenue par le code des contributions de Saint-Barthélemy. J'ai déposé une proposition de loi visant à ratifier les sanctions pénales directement par la voie parlementaire. Madame la ministre, la voie parlementaire est-elle suffisante ? Il semble que la procédure prévue par la loi organique n'exclue pas une intervention directe du législateur. Le cas échéant, soyez assurée que je ne contournerai l'étape gouvernementale que pour réduire les délais.
Il est une disposition qui me tient particulièrement à coeur et pour laquelle j'avais présenté des amendements lors de l'examen de la Lodeom. Il s'agit d'étendre le dispositif de continuité territoriale aux déplacements des sportifs, dans le cadre régional et vers la métropole, par symétrie avec le dispositif destiné aux étudiants. Du fait de l'exiguïté du territoire de Saint-Barthélemy, il est impossible de disposer de tous les services sur l'île. La collectivité mène une politique volontariste pour développer la pratique sportive chez les jeunes, mais avec une population de 8 450 habitants, il est mathématiquement impossible de diversifier les compétiteurs. De fréquents déplacements sont donc nécessaires. Cet impératif pourrait être financé par le Fonds d'échange à buts éducatif, culturel et sportif (Febecs).
Enfin, la collectivité de Saint-Barthélemy a demandé au Gouvernement d'enclencher un processus de changement de statut européen. Il s'agit tout d'abord d'harmoniser le régime de spécialité législative en droit français avec celui du droit européen. Ensuite, Saint-Barthélemy souhaite conserver son statut de territoire extra-douanier. En outre, le niveau de son PIB par habitant ne lui permet pas d'attendre de l'Europe le même niveau de financement que les régions ultrapériphériques (RUP). Enfin, les contraintes imposées par l'Europe sont souvent exorbitantes pour un très petit territoire et elles freinent les relations commerciales avec les pays voisins.
La collectivité a donc estimé que le statut d'association était le plus adapté. Je ne doute pas de l'appui du Gouvernement pour nous accompagner dans notre démarche afin que ce processus aboutisse dans les meilleurs délais. II va sans dire que j'adopterai les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements à droite)
M. Serge Larcher. - Tout d'abord, madame la ministre, permettez-moi de vous féliciter pour votre promotion. Vous serez plus à même de peser sur les arbitrages budgétaires ! Nous aurions préféré un rattachement au Premier ministre, mais c'est déjà quelque chose de très intéressant pour l'outre-mer.
Au début de cette année, de nombreux compatriotes d'outre-mer défilaient en criant leur mécontentement, et parfois leur désespoir. Par la puissance et la durée de leur mobilisation, dans un climat parfois quasi-insurrectionnel, ils ont réussi à forcer l'écoute du Gouvernement. Des protocoles d'accords ont été signés et le débat sur la Lodeom a été avancé. Nous avons voté ce texte dans l'urgence, et pourtant nous attendons toujours l'application de mesures présentées comme des leviers du développement pour l'outre-mer. Qu'en est-il de la défiscalisation dans le logement social, des zones franches d'activités, de l'aide au fret et du fonds exceptionnel d'investissement ?
Pour répondre aux accords sur les salaires signés avec les collectifs, le Gouvernement a instauré un complément de revenu, le RSTA. Nous nous sommes inquiétés du fait que cette loi de finances prévoyait d'imputer le RSTA sur le montant de la prime pour l'emploi. Je suis heureux que vous ayez satisfait mon amendement de suppression de cette disposition.
Plusieurs rapports ont été initiés sur les questions de la vie chère et du prix des carburants. Dans un esprit constructif et consensuel, le Sénat a adopté un rapport sur la situation des DOM qui dresse un état des lieux sans concession et formule 100 propositions. Dans le même temps, le Président de la République a convoqué les états généraux de l'outre-mer. Après le tumulte est né un immense sentiment d'espoir, mais les difficultés n'ont fait que s'aggraver du fait de l'arrêt pendant plusieurs semaines d'une économie déjà fragile. C'est dire avec quelle attention nous attendions les décisions du premier conseil interministériel de l'outre-mer, et avec quel intérêt nous avons étudié le budget de la mission. C'est dire aussi combien nous sommes aujourd'hui étonnés et déçus par le caractère pusillanime de ce texte.
Le premier conseil interministériel a présenté un nombre important de mesures, qui recoupent largement les 100 propositions du rapport sénatorial. Toutefois, ses conclusions relèvent plutôt de la synthèse programmatique. Les modalités de réalisation des mesures préconisées sont rarement précisées, les évaluations des coûts sont très rares et aucun échéancier n'est prévu. Quant aux crédits de la mission, ils ne traduisent nullement les annonces et ne peuvent répondre à la gravité de la crise économique et sociale des collectivités d'outre-mer.
Il aurait pu en être autrement puisque ce budget augmente de 6,4 % et continue à afficher comme priorités l'emploi et le logement. Quatre-vingts pour cent de cette hausse sont réservés à l'action « Abaissement du coût du travail », destinée à compenser des exonérations de charges patronales et à couvrir les impayés de l'État auprès des organismes de sécurité sociale -sans pour autant enrayer l'accroissement de la dette, qui devrait atteindre 609 millions d'euros à la fin de l'année. Les crédits consacrés au SMA augmentent également, mais insuffisamment pour répondre à l'engagement présidentiel de doubler en trois ans le nombre de jeunes bénéficiant de ce dispositif. Pour des raisons budgétaires, la durée de ce service passera de douze à huit, puis six mois, au risque de nuire à la qualité de la formation. Nous resterons donc vigilants quant à l'évolution de ce dispositif qui demeure la mesure phare du Gouvernement pour l'emploi des jeunes outre-mer, d'autant que la situation de l'emploi s'est encore dégradée au deuxième trimestre et que les crédits en faveur des contrats aidés, gérés par la mission « Travail et emploi », subissent une nouvelle baisse de 748 millions d'euros.
Les crédits consacrés au logement social sont, pour le moins, décevants. A première vue, les crédits de paiement de la LBU augmentent de 2 %, mais ils diminuent en réalité de 1,7 million d'euros. Ils ne permettront pas de faire face aux besoins considérables de nos collectivités. En outre, j'émets de grandes réserves sur l'efficacité du dispositif très complexe de défiscalisation locative vers le logement social issu de la Lodeom. Non seulement les textes réglementaires le concernant ne sont toujours pas publiés, mais cette usine à gaz génère une forte évaporation fiscale. Enfin, les organismes de logements sociaux, déjà en difficulté, devront absorber en 2010 la dette de 17 millions d'euros contractée par l'État.
Madame la ministre, comment comptez-vous, dans ces conditions, relancer le logement social outre-mer et encourager la résorption de l'habitat insalubre ? Seule une augmentation conséquente de la LBU permettrait de répondre à moindre coût aux enjeux du logement social. Des crédits supplémentaires en faveur du logement social, de 20 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 6 millions en crédits de paiement, ont bien été votés à l'Assemblée nationale, mais cela ne comblera pas l'énorme retard de nos collectivités en la matière.
Enfin, je voudrais vous interroger, madame la ministre, sur un sujet à mes yeux très urgent. La crise économique et sociale qui touche nos territoires ne peut se résoudre sans le vecteur essentiel de croissance que sont les collectivités locales. Or celles-ci traversent une crise sans précédent. Les communes, en particulier, très affectées par l'effondrement des recettes d'octroi de mer, ne pourront supporter de nouvelles restructurations budgétaires. La commande publique est en panne et les plans de relance sont hypothéqués. Cette situation appelle des réponses urgentes et d'exception, mais je n'ai entendu aucune annonce qui pourrait leur apporter un peu d'oxygène. Le ministre du budget a repoussé mon amendement qui reprenait une proposition offrant d'annuler les dettes sociales des communes. Enfin, estimez-vous normal de verser aux communes d'outre-mer la même DGF qu'à celles de l'Hexagone ? Pourquoi ne pas rajouter une part d'ultra-périphéricité ?
Sur ce point comme sur les autres, je veux croire, madame la ministre, que vous répondrez à nos appels. Nous avons beaucoup attendu de ce projet de budget mais, telle la soeur Anne des contes, nous n'avons rien vu venir ! (Applaudissements à gauche)
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. - La crise va perdurer sans doute jusqu'en 2011, mais l'effort budgétaire et financier de l'État pour l'outre-mer augmente de 4 %. Les crédits spécifiques de la mission, en hausse de 6,2 %, ne représentent que 12 % de l'enveloppe globale, mais c'est tout de même la deuxième mission budgétaire en faveur de l'outre-mer. Pour Mayotte, 2010 sera un exercice budgétaire de transition entre deux statuts. Nous avons quatre préoccupations : mener à terme le processus institutionnel en cours, améliorer la situation budgétaire et financière des collectivités territoriales, renforcer le rattrapage économique, social et culturel amorcé en 2008 et renforcer le statut européen de Mayotte.
La loi organique du 3 août 2009 a créé le département de Mayotte, qui deviendra effectif en avril 2011, à l'issue du renouvellement de son organe délibérant. En 2010, des lois ordinaires devront être adoptées, loi électorale sur la composition et le mode d'élection de la future assemblée du département, loi institutionnelle qui définira l'organisation administrative et les modalités du transfert des compétences. Le Parlement sera saisi du projet de loi électoral avant mars 2010. Qu'en est-il des autres textes ?
La chambre territoriale des comptes de Mayotte juge la situation financière et budgétaire locale « très dégradée ». Le déficit du budget du conseil général a été réévalué à 92,4 millions d'euros. Le plan drastique de redressement préconisé sur trois ans ne pourra que détériorer le climat social. L'image du nouveau département en pâtira. Les 75,3 millions d'euros de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » constituent une bouffée d'air, mais ne résorberont pas les déficits... Une subvention exceptionnelle, éventuellement complétée par un recours à l'emprunt, serait souhaitable.
Les travaux préparatoires à la mise en place de la fiscalité locale en 2014 sont urgents : l'adressage, le numérotage et la dénomination des rues progressent, tout comme la constitution de l'état civil, mais il n'en va pas de même pour les travaux d'évaluation des bases locatives. Nous sommes dans le flou concernant les crédits mobilisés et le calendrier.
Au titre du soutien au rattrapage économique, social et culturel, le Pacte prévoit, pour 2009, la revalorisation de l'allocation spéciale vieillesse et de l'allocation pour adultes handicapés à hauteur de 25 % de leur montant national sur cinq ans. Or, les crédits correspondants ne sont inscrits nulle part dans le projet de budget. Qu'en est-il ?
Je me réjouis que 40 % du budget de Mayotte soit consacré à l'enseignement scolaire avec la perspective d'accueillir en 2010-2011 tous les enfants de 3 ans en maternelle. Mais les crédits affectés aux constructions scolaires du premier degré permettront à peine d'absorber la poussée démographique. Les classes élémentaires et maternelles continueront d'alterner, matin et après-midi. Le fonds d'aide à l'équipement communal, annoncé par le Président de la République, doté de 123 millions d'euros en 2010, interviendra à Mayotte et en Guyane. Chez nous, il faut à la fois achever les chantiers en cours pour la prochaine rentrée 2010-2011 et préparer l'avenir avec un plan de construction étalé et financé sur plusieurs années. C'est la condition pour que chaque maître accueille ses élèves dans sa propre classe.
En 2009, l'exécution du contrat de projets 2008-2014 s'est améliorée, après un démarrage laborieux en 2008 -le taux d'exécution n'était que de 11,3 %. Les 82 millions d'euros seront affectés à la pose de câbles sous-marins pour l'accès au haut débit et la TNT et aux travaux à l'aéroport de Pamandzi : le choix des candidatures pour la concession est arrêté, on peut donc espérer une livraison de l'aérogare en 2012 et de la piste longue en 2015, comme prévu initialement.
L'absence de décrets bloque l'entrée en vigueur des mesures de la Lodeom, l'aide au fret, le projet initiative-jeune et l'extension du champ de compétence de l'Anah. En revanche je salue la décision de compléter par une circulaire le décret en Conseil d'État portant réglementation des prix des produits de première nécessité. Où en sont les ordonnances relatives à l'action sociale et à la constitution de droits réels sur le domaine public de l'État ? Je suggère, pour examiner les modalités d'application des décrets relatifs à la zone des 50 pas géométriques, que l'on nous envoie une mission de l'inspection générale d'administration, comme ce fut le cas aux Antilles pour la loi de 1996.
Il est urgent de remplacer l'actuel atlas du BRGM par les plans de prévention des risques naturels et d'inscrire les crédits correspondants sur la mission « Écologie, développement et aménagement durables ». Quant au renforcement du statut européen de Mayotte, madame la ministre, les Mahorais vous sont reconnaissants pour votre forte mobilisation, notamment lors de la XVe conférence des présidents des régions ultrapériphériques. La transformation en RUP semble acquise, sous réserve de l'évolution du droit interne de notre île. L'ordonnance supprimant la justice cadiale et la tutelle matrimoniale, relevant l'âge du mariage des filles et plaçant l'homme et la femme à égalité devant la succession doit être publiée avant la réunion de mai 2010. Ainsi, Mayotte participera au débat sur l'octroi de mer et aux négociations sur la prochaine programmation des fonds structurels européens, au sein de la représentation française -et son nouveau « pôle outre-mer »- à Bruxelles. Le Pacte propose aux Mahorais de construire la première étape de la départementalisation de Mayotte sur 25 ans : égalisation progressive des droits sociaux, rattrapage en matière d'infrastructures et d'équipements collectifs, amélioration des conditions de vie, de santé, d'éducation. Ce n'est donc pas uniquement la mission « Outre-mer » qui doit être mobilisée pour préparer la départementalisation, mais tous les instruments financiers existants ou en cours de création, le fonds exceptionnel d'investissement, le fonds de développement économique, social et culturel, la dotation spéciale de construction scolaire prochainement renforcée par le fonds d'aide à l'équipement communal, une part peut-être du grand emprunt national et enfin, les fonds européens. Pour accompagner les collectivités d'outre-mer dans la voie que chacune d'elles a choisie au sein de la France, madame la ministre, je sais pouvoir compter sur vous. C'est pourquoi je voterai votre budget. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Etienne Antoinette. - De ce budget, on a tout dit cet après-midi. Ceux qui votent pour saluent les avancées, la création du RSTA par exemple, et excusent la faiblesse de certaines lignes budgétaires en invoquant la crise économique mondiale, la fragilité des finances de l'État ou des décisions encore toutes récentes au conseil interministériel... Ceux qui votent contre dénoncent un budget en trompe-l'oeil, où les prétendues augmentations servent à combler des retards de paiement de l'État à la sécurité sociale -sans pour autant annuler la dette... En matière de formation, de logement, ou de coopération économique régionale, les efforts ne sont toujours pas à la mesure des défis.
Comment comprendre que les crédits de l'action « Insertion économique et coopération régionales » diminuent de 3,5 % alors que le Président de la République l'a présentée comme un axe de travail privilégié ? Les dix mesures annoncées de ce chapitre seraient-elles purement symboliques ?
L'écart est frappant, entre l'acuité des besoins, la vigueur des promesses -et les traductions budgétaires. Il faut sortir de la dialectique du verre à moitié vide et du verre à moitié plein. Nous n'en sommes plus là. Nous n'en sommes même plus à devoir souligner ce que l'outre-mer coûte à la République en transferts sociaux et en dépenses fiscales, ou ce qu'il lui rapporte en biodiversité, en richesse marine, en puits de carbone. Ces guerres de positionnement relèvent d'un autre temps, celui d'avant la crise sociale de cet hiver, qui a levé le voile sur des réalités scandaleuses, parfois inconcevables, et pourtant désormais indiscutables.
Il y a eu le vote de la loi d'orientation pour agir en pompier disait le ministre de l'époque en engageant les sénateurs à travailler jour et nuit dans l'urgence : on attend toujours les décrets d'application. Il y a eu la mission sénatoriale d'information, les états généraux, le conseil interministériel du 6 novembre, qui devait apporter un renouvellement radical dans la manière d'aborder le développement des outre-mer. Comme disent les enfants chez nous : « Tout ça pour ça ! »
Le premier acte fort du Gouvernement après tous ces bouleversements, le dernier de l'année 2009, le plus symbolique de sa politique, se résume à ajouter quelques milliers d'euros par ci et à en retrancher quelques autres par là. Il a même voulu reprendre d'une main ce qu'il avait donné de l'autre en imputant le RSTA sur la prime pour l'emploi ; il a fallu la ténacité des sénateurs pour qu'il recule, par peur, sans doute, de nouveaux soulèvements. Dans ces conditions, quelle est la crédibilité des engagements énoncés par le Gouvernement ?
Ce budget pose la question de la sincérité des démarches engagées -et elles ont été nombreuses en 2009- pour que de « nouvelles relations » s'établissent avec l'État, qu'une « nouvelle page » s'ouvre dans notre histoire commune. Et ce document budgétaire garde l'esprit du précédent, celui de l'ancien régime, pourrait-on dire.
Quelle est la fiabilité des promesses sur une question aussi sensible que la continuité territoriale, si le ministère change de discours aussi souvent que de ministre ?
Quelle est l'opérationnalité des décisions annoncées après un an de travaux, d'inspections, de missions, d'études, de rapports, de débats, sans que les moyens nécessaires soient budgétisés ? L'État, quand il veut, peut ! Les postes des trois « commissaires au développement endogène » sont-ils créés et budgétisés ? Et celui du conseiller du pôle outre-mer à Bruxelles ? Et ceux des cinq hauts fonctionnaires en charge de la cohésion sociale et de la jeunesse ? Va-t-on déshabiller Pierre pour habiller Paul ? Comment seront financés les dispositifs annoncés pour lutter contre l'illettrisme, créer les internats d'excellence, développer les Erasmus régionaux ou l'assistance technique aux collectivités locales ?
Où sont les moyens dégagés pour la cour d'appel de plein exercice de Cayenne et le tribunal de grande instance de Saint-Laurent-du-Maroni, pour lesquels les avocats se sont à nouveau mis en grève ? Preuve de nos retards infrastructurels, la Guyane est paralysée depuis ce matin par la fermeture de deux ponts qui rattachent l'île de Cayenne au continent.
La réponse à ces questions ne se trouve pas dans ce budget, déjà obsolète au regard des objectifs affichés par le Président de la République, à moins de convenir que tout cela ne démarrera qu'en 2011, voire 2012, voire après les prochaines crises sociales.
Je ne conteste pas le chemin parcouru en 2009 en termes de prise de conscience de nos problèmes Mais sans traduction concrète, sans moyens effectifs, sans renouvellement des organisations, les bases du changement seront vite sapées. Un système de santé conforme aux standards des pays développés, des logements décents pour tous, des résultats scolaires normalisés, un taux d'activité équivalent à celui de la métropole, des économies locales compétitives, voilà les défis. Quand va-t-on vraiment commencer à les relever ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Denis Detcheverry. - On aura beaucoup parlé de l'outre-mer cette année. D'abord avec le cri de désespoir lancé par les Antilles, suivi en Guyane et à La Réunion, mais aussi dans les COM, même si on les entendait moins. Le Président de la République n'a pas été sourd à cet appel. Il a eu le courage de lancer les états généraux de l'outre-mer, du jamais vu ! On pouvait juger qu'en étant le décideur final, l'État se comporte comme un parent qui voudrait imposer l'orientation de son enfant au prétexte qu'il paie ses études. Mais j'ai été satisfait du discours de Nicolas Sarkozy et des mesures annoncées à l'issue de ce premier Ciom. L'excellent rapport Larcher-Doligé abonde dans le même sens, avec des propositions judicieuses et ambitieuses.
Je ne peux qu'approuver la volonté de moderniser l'outre-mer et de redéfinir ses relations avec la métropole, tout comme ce qui favorisera une meilleure insertion régionale. J'approuve aussi la possibilité de changer de statut au regard de l'Union européenne et la mise en place d'un pôle outre-mer à la représentation française à Bruxelles. Je ne peux qu'approuver les mesures en matière de gouvernance. Ainsi éviterons-nous peut-être des inepties comme le feuilleton cauchemardesque du transport maritime de fret à Saint-Pierre-et-Miquelon.
J'ai apprécié que le Président de la République insiste sur la nécessaire reconnaissance des syndicats locaux majoritaires lors des élections professionnelles, mieux à même que les syndicats nationaux d'apprécier la situation locale. Qu'en est-il, d'ailleurs, du rapport que j'avais demandé et que votre prédécesseur s'était engagé à déposer dans l'année, à propos de la retraite complémentaire pour les fonctionnaires servant outre-mer ?
J'en arrive au budget. Un petit regret : l'aide aux entreprises pour le fret est limitée à l'Union européenne alors qu'on dit vouloir faciliter l'insertion des départements d'outre-mer, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans leur environnement régional. J'ai voulu déposer un amendement qui étende cette aide pour les produits à destination des pays voisins ; on m'a opposé l'article 40 alors que cela ne constituerait pas une augmentation de dépenses de l'État mais une baisse.
Comme j'approuve la politique du Gouvernement, je voterai ce budget 2010. Je ne vais pas comparer au centime près les colonnes de chaque action ; ce n'est pas de plus d'argent que nous avons besoin. Nous sommes trop tournés vers la métropole, pas assez maîtres de notre destin. Des décisions nous sont imposées par Paris, qui sont parfois totalement inadaptées, et on ne nous envoie pas les hauts fonctionnaires qu'il faudrait. Ce n'est pas parce que Saint-Pierre-et-Miquelon est le plus petit territoire de France que la situation à gérer serait simple, entre le Canada et l'Europe. Il nous faut des personnes expérimentées, de même qu'il est plus judicieux d'envoyer en ZEP des enseignants expérimentés que des jeunes sortant d'IUFM. Mais j'arrête là cette comparaison, de crainte qu'on ne me dise encore que les Saint-Pierrais et Miquelonnais seraient des enfants terribles, ingérables. Je suis las d'entendre cela dans les ministères. Nous manquons d'outils pour fixer un cap et une stratégie. Quand je demande de l'aide à l'État, on me répond ; « Débrouillez-vous, c'est votre compétence ». Nous avons les compétences, mais pas les moyens. Les fonctionnaires sont sous les ordres de l'État et mis « à disposition de la collectivité autant que de besoin ». Inutile de dire que quand le préfet et le président du conseil territorial ne sont pas en harmonie, les choses n'avancent pas.
Il est grand temps de clarifier les compétences et les moyens alloués à chacun. J'ai demandé qu'une mission parlementaire soit menée par le Sénat : qui mieux que notre Haute assemblée, représentante des collectivités, saura faire de justes propositions en ce domaine ?
Je me tourne maintenant vers mes collègues d'outre-mer. Les états généraux et la mission menée ici ont mis en évidence de nombreux points communs entre tous nos territoires.
Malgré nos différences, nous devons nous regrouper pour avoir plus de poids et être plus crédibles auprès des instances nationales et européennes. Certains ont rencontré des Canadiens francophones dont les communautés étaient perdues dans l'immensité anglophone comme nous sommes perdus dans l'immensité de trois océans. Nous serons de meilleurs interlocuteurs pour la ministre que je félicite à nouveau de sa promotion. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. - Le Sénat est particulièrement attentif à la situation des collectivités d'outre-mer. J'ai personnellement apprécié la qualité de nos échanges du 20 octobre sur le rapport de votre mission commune d'information. Depuis lors, le Président de la République a présidé le 6 novembre le premier conseil interministériel et annoncé des mesures importantes dont un bon nombre figurait dans votre rapport d'information. Il a donné la feuille de route pour l'outre-mer. C'est l'aboutissement d'un parcours riche et dense ouvert par les états généraux. Pour la première fois, les ultramarins ont pu prendre la parole et ils ont été entendus. Les 137 mesures concrètes et détaillées marquent la volonté du chef de l'État de rénover la relation qui unit l'État et l'outre-mer. Les deux tiers de vos propositions trouvent ici leur traduction, qu'il s'agisse de la lutte contre la cherté de la vie, du développement de la filière agricole, du soutien au tourisme ou encore du dialogue social car on ne doit plus arriver aux excès de l'hiver dernier. Je suis très attentive à leur suivi au niveau national et local et j'ai annoncé à La Réunion qu'un adjoint au délégué général à l'outre-mer en serait chargé.
Le Gouvernement a traduit cela dans le budget. Dès le 13 novembre, il a inscrit en faveur de l'outre-mer 123 millions en autorisations d'engagement et 53 millions en crédits de paiement afin d'abonder les moyens du logement social (20 millions), de l'équipement scolaire de la Guyane et de Mayotte (15 millions), du soutien aux collectivités et aux PME (38 millions) et du fonds de garantie pour les agriculteurs et les pêcheurs (10 millions).
Notre volonté de mettre rapidement en oeuvre ces décisions est claire ! Certaines ont une incidence budgétaire, d'autres une incidence fiscale, d'autres encore appellent une intervention législative. Je l'ai dit devant la commission des lois, plutôt que de déposer une loi pour l'outre-mer, le Gouvernement envisage des dispositions ponctuelles dans des projets sectoriels, ainsi de la modernisation de l'agriculture ou encore du Grenelle II. Nous verrons alors si un texte reste nécessaire.
Mon ministère consent un très important effort budgétaire pour les exonérations de charges sociales patronales car c'est indispensable pour soutenir l'emploi outre-mer. MM. Doligé, Lise et Marsin m'ont interrogée sur ce point. Le PLF prévoit déjà 1,1 milliard, soit une augmentation de 92 millions et 520 millions sont inscrits au collectif 2009 au titre du remboursement des organismes de sécurité sociale. Ces deux chiffres conjugués permettront d'éteindre la dette pour 2009 et de ne pas en générer une nouvelle en 2010.
Le Président de la République a annoncé le doublement du SMA en trois ans. Je veux vous rassurer, il n'y aura pas de SMA au rabais. Pour accueillir 6 000 volontaires, nous élargirons les critères aux jeunes diplômés d'un CAP ou d'un BEP éloignés de l'emploi et adapterons la durée de formation mais, pour les jeunes non diplômés, nous conservons les douze mois de formation : le coeur de métier est maintenu, de même que la qualité de la formation. Si l'on constatait une baisse du taux d'insertion, qui est aujourd'hui de 79 %, nous procèderions à des modifications. L'année 2010 ne marque qu'une étape et les crédits préparent la montée en puissance du dispositif.
Vous savez ma conviction sur le logement social : l'offre est largement insuffisante et la qualité de l'habitat existant est dégradée, voire indigne. Nous devons donc nous mobiliser. Ce ne sont pas les moyens qui manquent, monsieur Lise, et vous ne pouvez pas dire que le compte n'y est pas quand le taux d'engagement des crédits n'est que de 20 % à La Réunion, 72 % en Guadeloupe et de 60 % en Guyane. Non, ce n'est pas un problème de crédit. La LBU sera d'ailleurs abondée de 20 millions en autorisations d'engagement et la dépense fiscale pour le logement social se montera à 110 millions. La somme LBU-défiscalisation, ça fonctionne ! S'agissant de leur articulation, j'ai obtenu de Matignon un arbitrage pour une harmonisation de leurs bases respectives. Nous voulons appuyer le dispositif : c'est aussi l'objet de la déconcentration de l'agrément en deçà de 10 millions, qui interviendra début 2010. Le plafond de ressources pour la loi Scellier outre-mer passera à 49 600 euros pour un couple avec deux enfants et les varangues seront prises en compte, comme l'a souhaité M. Virapoullé. Le conseil interministériel pour l'outre-mer a levé d'autres freins, notamment à la prise en charge de la surcharge foncière.
Vous attendez les décrets d'application sur le logement social, M. Massion y a insisté. Quarante mesures d'application font l'objet d'une vingtaine de décrets. Il avait fallu attendre dix mois pour la loi Girardin. Le décret sur la bagasse a été signé La semaine dernière, celui sur l'article 32 et dix autres décrets sont partis vers les collectivités. Nous avons attendu car compte tenu de certaines de leurs remarques, il nous a paru pertinent de les amender : c'était pour la bonne cause. Nous avons obtenu aujourd'hui les bases communes de la LBU et de la défiscalisation ; c'est aussi la révision de l'aide à la rénovation de l'habitat et l'intégration des agences de voyage dans les zones franches. Restent les décrets sur le fret et sur la continuité territoriale, qui interviendront avant la fin de l'année. Les engagements pris sont tenus.
Vous m'avez interrogé sur le GIP pour le foncier. Nous avons mis en place les crédits de préfiguration : il faut un peu de concertation.
Lors de la discussion de l'article 11 du projet de loi de finances, le Gouvernement a pris l'engagement de ne pas imputer le RSTA sur la prime pour l'emploi.
Madame Payet, le Gouvernement a toujours dit qu'il ne voulait pas affaiblir le RSTA et qu'il tiendrait parole. Le RSTA est nécessaire et il ne faut pas faire de la récupération politique sur ce sujet. Pour éviter toute ambigüité, le RSTA reste une prestation sociale et lorsque le RSA sera mis en place, il suivra les règles de droit commun : se posera alors la question de l'imputation de la prime pour l'emploi.
Conformément aux préconisations du rapport du député René-Paul Victoria, nous souhaitons, M. Hirsch et moi-même, procéder à une évaluation du RSTA et du RSA en 2010. Nous examinerons également les modalités d'application du contrat unique d'insertion (CUI) outre-mer.
M. Cointat m'a posé des questions précises : je sais toute l'importance qu'il tient à la tenue d'un état civil à Mayotte. Des moyens supplémentaires ont été apportés : deux magistrats ont été nommés, deux assistants de justice ont été recrutés et les équipes dans les communes ont été renforcées. Nous traiterons 1 400 dossiers par mois ce qui permettra de résorber le stock de dossiers en attente d'instruction ou d'audience en moins d'une année. Concernant la situation financière des communes de Polynésie, j'accorde une grande importance à leur autonomie financière. C'est pourquoi dans les instruments financiers qui prendront la suite de la dotation globale d'équipement (DGE), je demanderai au gouvernement polynésien que des engagements soient pris pour transférer vers les communes une véritable fiscalité communale.
Plusieurs sénateurs sont intervenus sur l'état des finances des collectivités locales. La conjoncture n'est certes pas bonne et le Sénat a apporté un éclairage utile sur la nature et l'étendue de ces difficultés. Mais tous les ennuis ne datent pas de la crise. Depuis plusieurs années, un tiers des communes de la Guadeloupe est sous le contrôle de la chambre régionale des comptes. L'annulation généralisée des dettes sociales proposée dans le rapport n'est pas une excellente idée : elle pénaliserait les bons gestionnaires et elle enverrait un mauvais message aux élus qui ne se sentiraient plus tenus par leurs obligations sociales. Seul le protocole de restructuration financière proposé par l'État permettra de répondre à ces difficultés. En contrepartie, les créanciers annuleront au cas par cas les majorations et pénalités de retard qui s'élèvent souvent à plusieurs milliers d'euros. Ce redressement contractualisé est la seule démarche vertueuse pour parvenir à un apurement budgétaire, dans le respect de la libre administration des collectivités.
Lors du conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre, le Gouvernement a répondu aux difficultés financières croissantes des communes. Le plan quinquennal de recensement des bases fiscales permettra d'augmenter de façon significative le produit de la fiscalité. Il est également prévu d'accroître le produit de la taxe sur les tabacs qui alimentera un fonds d'aide à l'équipement communal qui sera lui-même réparti entre les communes du département au prorata de la population scolarisée. La Guyane et Mayotte percevront une dotation d'équipement scolaire de 15 millions dès 2010. Le conseil interministériel a également décidé de renforcer l'appui technique offert aux communes en permettant à l'État de participer à la création d'agences régionales d'assistance technique. Les capacités de maîtrise d'ouvrage des communes seront ainsi renforcées. Le conseil interministériel a aussi rappelé que l'Agence française de développement devait accompagner les communes en difficulté. Enfin, l'Assemblée nationale a prévu un rapport sur l'état des finances des communes dans la perspective du projet de loi de finances pour 2011.
M. Bécot a rappelé l'importance du secteur touristique pour le développement des outre-mers. Comme je l'ai dit lors de mon déplacement aux Antilles avec Hervé Novelli, il s'agit d'une priorité gouvernementale. Pour la prochaine saison touristique, nous avons prévu un plan de communication doté d'un million et nous délivrerons des bonifications qui permettront à plus de trois millions des bénéficiaires des chèques vacances d'aller aux Antilles. De plus, le moratoire des dettes sociales et des garanties de prêts prévu dans le plan Corail a été repoussé.
M. Virapoullé m'a interrogée sur les agences de voyages et sur les technologies de l'information et de la communication. Ces secteurs qui étaient déjà éligibles au titre de la loi Girardin en matière d'exonérations de charges le resteront. Nous avons obtenu ce matin l'intégration des agences de voyage dans les secteurs prioritaires qui donnent le droit à un régime bonifié.
M. Jean-Paul Virapoullé. - Très bien !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. - Les prix d'accès à internet doivent baisser de façon significative. La situation actuelle n'est pas satisfaisante, compte tenu de l'argent public investi dans les infrastructures. Ce sera une de mes priorités pour l'année prochaine. Les observatoires de prix auront d'ailleurs un rôle important à jouer dans ce domaine.
Concernant la fonction publique, il faudra être attentif à respecter les principes généraux du droit et ceux à valeur constitutionnelle. C'est pourquoi les juristes de la délégation générale à l'outre-mer et à la direction générale de la fonction publique travaillent en étroite relation pour produire les textes juridiques inattaquables.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur le futur fonds d'investissement de proximité dans les départements d'outre-mer. Il figurera sans doute dans une loi de finances rectificative, à moins qu'il ne soit encore temps de le prévoir dans le collectif de fin d'année.
M. Jean-Paul Virapoullé. - Très bien ! Il faut le créer !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. - J'en viens à la mesure sur les débitants de tabac voulue par Mme Payet : il nous faut maintenant travailler sur le décret d'application. Nous procèderons sans doute outre-mer comme en métropole.
Mme Hoarau a évoqué le projet de tram-train. Je vous renvoie aux déclarations que je viens de faire à La Réunion. L'État a toujours accompagné ce projet très coûteux, mais il n'est pas responsable de la situation actuelle qui est due à la collectivité régionale qui doit faire des choix, au regard de ses capacités financières.
M. Marsin m'a interrogée sur la mise en oeuvre du plan jeune outre-mer. Il s'agit effectivement d'un défit à relever. Ce plan sera décliné dans les DOM en insistant sur deux aspects : l'orientation des jeunes et la création d'internats d'excellence. Prochainement, un sous-préfet en charge de la cohésion sociale et de la jeunesse sera nommé dans ces départements. Il mettra en place le plan illettrisme élaboré par Luc Chatel.
Sur la continuité territoriale, vous souhaitez mettre en place un tarif résident. Pour l'heure, le Gouvernement a choisi de créer un fonds de continuité territoriale afin de concentrer les ressources jusqu'alors dispersées entre des opérateurs d'État et des collectivités territoriales. L'agence de la mobilité au service de nos outre-mers suivra la mise en place de ce dispositif. Ce fonds doit bénéficier d'abord et avant tout à nos compatriotes de l'outre-mer dont les ressources sont les plus faibles.
Je souhaite revenir sur les propos du sénateur Gillot qui estime que les paroles ne se sont pas suivies par des actes. Je viens de lui faire la démonstration du contraire. Le budget a été abondé moins d'une semaine après la réunion du conseil interministériel. L'assouplissement des visas interviendra dès le 1er décembre. Je ne peux laisser dire que les ultramarins n'ont pas été entendus. Sur la question des carburants, le Gouvernement a engagé une réforme. Je proposerai très prochainement aux collectivités de la Martinique et de la Guadeloupe une commission mixte car il faudra au niveau local faire des choix sur le modèle de distribution. Il faut maintenir le pouvoir d'achat tout en sauvegardant l'emploi. Le Gouvernement a prévu que les observatoires saisiront directement l'autorité de la concurrence pour agir sur les prix.
Le plan jeunesse va s'appliquer mais il faudra avoir le courage de faire le bilan des formations mises en place et qui ne relèvent pas de l'État. Il y aurait sans doute beaucoup à dire... Nous ne sommes pas tournés vers le passé : nous voulons une nouvelle relation où chacun s'assume et exerce ses responsabilités. Nous aurions aimé, à l'issue de la crise, que les collectivités fassent des propositions. Je n'ai rien vu venir. L'État fonde sa relation avec l'outre-mer sur trois grands principes : la reconnaissance, le respect et la responsabilité. L'État n'a donc pas de leçons à recevoir.
Je sais que les élus d'outre-mer mesurent l'engagement de l'État à leur côté. (M Christian Cointat applaudit)
J'ai noté, madame Terrade, vos préoccupations, qui me semblent être le prolongement des préoccupations des collectifs... Le Gouvernement est mobilisé pour le respect des engagements qui ont été pris dans les protocoles de sortie de crise. Mais il ne peut le faire que dans le cadre de notre loi républicaine, quand les collectifs sont engagés dans une démarche qui ne répond pas au modèle de société qui est le nôtre. Gardons-nous, monsieur Gillot, monsieur Antoinette, de polémiquer sur les carburants. Gardons-nous d'allumer, comme le font les collectifs, de nouveaux foyers de tension qui seraient préjudiciables à l'économie et à la sauvegarde de l'emploi.
L'action de l'État, monsieur Patient, monsieur Antoinette, ne se mesure pas seulement à l'importance de l'enveloppe budgétaire. Tout le monde sait que certaines collectivités ne sont de toute façon pas en mesure d'engager un effort pour l'équipement public. Au point que nous avons permis que les opérateurs sociaux se substituent aux communes pour des opérations foncières liées à la construction de logements. Il faut aller plus loin, je vous l'accorde, mais il serait bon, pour ce faire, d'éviter de perdre du temps dans des problèmes de gouvernance, comme cela a été le cas avec la SHM de Guyane.
Le Gouvernement s'est engagé, monsieur Giraud, aux côtés des élus mahorais, vers la départementalisation. Vos soucis vont à l'éducation, au foncier, au logement. Je vous rappelle que l'effort du plan de relance pour la dotation d'équipement scolaire s'est élevé à 6 millions, qui s'ajoutent aux 15 millions du Ciom, dont profitera aussi Mayotte. Je partage votre souci d'avancer sur la création d'un établissement public foncier, clé du règlement de bien des problèmes économiques et sociaux. Le décret sur la zone des 50 pas géométriques vient d'être adopté. Peut-être pouvons-nous le revisiter, mais il répond à la demande des élus mahorais. La nouvelle politique du logement peine, il est vrai, à démarrer. Les critères sont, dites-vous, mal définis. Soit, mais se pose aussi la question de la mobilisation des acteurs. Les évolutions, en tout état de cause, sont inéluctables, eu égard à la pression démographique et à la situation du foncier. Le Gouvernement s'est engagé à créer un fonds de développement économique et social. Cet engagement sera tenu et le représentant de l'État engagera dès 2010 une concertation. Le Gouvernement est pleinement conscient des enjeux du passage au système de droit commun : il prépare l'échéance du 1er janvier 2014.
La feuille de route prévoit, monsieur Ibrahim, une procédure cadre. Le mode de scrutin pour les élus sera prévu dans un texte que vous examinerez avant la fin du premier trimestre 2010, la nouvelle assemblée devant se mettre en place en 2011. Nous respecterons le pacte de départementalisation. Je suis attentive à la situation financière du conseil général. Nous travaillons en lien avec l'AFD pour l'aider à mettre en place un plan de redressement, et j'ai dit au président Douchina qu'une mission conjointe AFD-DGOM se rendra sur place. Vous m'interrogez sur la date de réévaluation des prestations : leur augmentation, significative, est prévue à l'échéance 2011, et les crédits correspondants seront inscrits en loi de finances. Pour 2010, le taux de revalorisation sera identique à celui de la métropole.
Le Gouvernement souhaite comme vous la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique de l'Union européenne. J'ai obtenu des autorités de Bruxelles que le dossier soit inscrit dès 2011.
M. Magras m'a interrogée sur le décret relatif au centre de formation de Saint-Barthélémy. Il est vrai que les délais sont longs, car il doit être validé par le Conseil d'État, qui a demandé la signature d'une convention donnant compétence à l'établissement public. En ce qui concerne les décrets de ratification des sanctions pénales prévues par les codes des contributions et de l'urbanisme de Saint-Barthélemy, fruits d'une délibération du conseil territorial de Saint-Barthélemy qui date de février 2009, la procédure de contreseing du décret sur l'urbanisme est en cours. En revanche, sur la question des sanctions pénales, l'avis est défavorable, le Gouvernement travaillant à l'heure actuelle sur cette question pour l'ensemble de l'outre-mer. Quant aux conditions d'intervention du Conseil national du sport, je relaierai votre demande auprès de Mme Yade.
Merci à M. Detcheverry d'avoir rappelé les avancées du conseil interministériel. Que le Sénat s'empare de la question du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon en y mandatant une mission d'information me paraît une très bonne idée. Quant à l'engagement du Gouvernement sur la présentation d'un rapport relatif aux retraites complémentaires, je le réitère. Il sera publié d'ici à la fin de l'année. Sur l'aide au fret, j'ai entendu vos remarques. Je pense que dans sa forme actuelle, elle soutient l'activité économique via, en particulier, les exportations vers l'Union européenne. Sachez enfin que je suis, avec mes services, très attentive au dialogue qui nous a permis d'avancer sur la question de la desserte maritime internationale.
C'est sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations que je vous demande d'adopter le budget de la mission « Outre-mer » pour 2010. (Applaudissements à droite, au centre et au banc des commissions)
Examen des crédits
Article 35 (État B)
Il est ouvert aux ministres, pour 2010, au titre du budget général, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement s'élevant respectivement aux montants de 381 203 968 005 € et de 379 741 845 043 €, conformément à la répartition par mission donnée à l'état B annexé à la présente loi.
M. Serge Larcher. - Je renonce à l'intervention que j'avais préparée pour vous répondre avec humeur. Nous sommes au Sénat, chambre qui représente les collectivités. Je comprends mal la charge permanente menée contre les élus que nous sommes tous. Les maires et les présidents de conseils généraux ultramarins ne sont pas des inconscients ni des irresponsables. Ils gèrent au mieux leurs collectivités, dans l'intérêt bien compris de la population. Mais quand tiendra-t-on compte de la situation spécifique outre-mer ? Les dotations de l'État ne tiennent pas compte de la réalité. Savez-vous qu'il y a neuf fois plus de personnes âgées en Martinique que dans l'Hexagone, que le nombre d'attributaires de minima sociaux y est bien plus élevé ? Or, la DGF globale des communes est la même que dans l'Hexagone. Oublie-t-on le niveau de nos prix ? Et l'on vient nous reprocher, ensuite, de tenter de répondre aux demandes des syndicats ?
N'oublions pas le rôle de « buvard social » joué par les communes : dans un contexte marqué par l'ampleur du chômage, elles ont compromis leur situation financière pour distribuer du pouvoir d'achat aux familles. Elles l'on fait non par fantaisie, mais par obligation. Traditionnelles locomotives du développement via la commande publique, les communes sont aujourd'hui en panne. Le plan Cocarde ne suffira pas à rétablir leur situation. C'est ce qui est écrit dans le rapport, dont il ne suffit pas de reconnaître l'excellence !
Les dettes sociales des communes ne sont pas payées, cependant que l'État ne joue pas son rôle. Les préfets auraient dû intervenir auprès des maires. Que fait-on ? Nous verrons si, grâce au plan Cocarde, les communes peuvent sortir de l'ornière dans vingt ou trente ans. La situation est dramatique.
J'en viens aux décrets d'application de la Lodeom. Vous raisonnez comme à l'époque de Mme Girardin, alors que la crise n'autorise pas à attendre. Interpellés par nos populations, nous vous appelons à faire vite. Si la Lodeom est la solution, il faut publier les décrets d'application sans plus attendre.
Le logement social est un problème. Vous êtes venue en Martinique et en Guyane. L'État fournit un effort, mais il en faudrait dix fois plus ! Vous dites que les autorités locales ne doivent pas se reposer exclusivement sur l'État. Or, elles font ce qu'elles peuvent pour l'accompagner. Nous sommes là non pour nous opposer, mais pour travailler ensemble.
Quand les jeunes représentent la moitié des chômeurs, le SMA ne peut suffire à rendre l'espoir : c'est bien, mais cela reste insuffisant, car la situation urge outre-mer !
Les états généraux et le Sénat ont élaboré des solutions réalistes. Vous dites que l'on ne peut tout faire. Nous le comprenons, mais il faut au moins donner des signes forts montrant que l'on va dans la bonne direction. Or, vous présentez un budget provisoire, une mesure pour rien comme on dit en musique. Le groupe socialiste votera contre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Les crédits de la mission sont adoptés.
Article 54 quater
Le Gouvernement présente, lors de la discussion du budget 2011, un rapport indiquant les mesures qu'il entend prendre ou proposer pour répondre à la situation financière préoccupante des communes d'outre-mer, dont les villes capitales, pour leur permettre d'assumer pleinement les charges et responsabilités qui leur incombent.
Dans le cas des villes capitales de l'outre-mer, ce rapport vise plus particulièrement à identifier les mesures de nature à compenser les conséquences financières des charges dites de centralité dont la réalité est aujourd'hui établie comme le montrent les rapports transmis aux autorités de l'État.
Mme la présidente. - Amendement n°II-50, présenté par M. Lise, au nom de la commission de l'économie.
Rédiger comme suit cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2010, un rapport indiquant les mesures qu'il entend prendre ou proposer pour répondre à la situation financière préoccupante des collectivités territoriales d'outre-mer, dont les villes capitales, et leur permettre d'assumer pleinement les charges et responsabilités qui leur incombent, notamment en matière sociale.
Dans le cas des villes capitales, ce rapport vise plus particulièrement à identifier les mesures de nature à compenser les conséquences financières des charges dites de centralité dont la réalité est aujourd'hui établie par les rapports transmis aux autorités de l'État.
M. Claude Lise, au nom de la commission de l'économie. - L'Assemblée nationale a introduit l'article 54 quater pour que le Gouvernement présente à l'appui du projet de finances pour 2011 un rapport consacré aux communes d'outre-mer, notamment aux « villes capitales », qui supportent des « charges de centralité ».
La commission de l'économie souhaite étendre le champ du rapport à l'ensemble des collectivités territoriales d'outre-mer, car leur situation est alarmante. La rédaction actuelle de l'article ne vise pas les conseils généraux, malgré les graves difficultés qu'ils rencontrent.
Rappelons que les dépenses sociales sont particulièrement lourdes, avec proportionnellement quatre à cinq fois plus d'allocataires du RMI qu'en métropole et sept fois plus d'allocataires du minimum vieillesse.
Il serait utile que le rapport examine la situation financière de toutes les collectivités territoriales ultramarines, afin d'élaborer des mesures complétant celles du comité interministériel.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Je vous rappelle que, pour la première fois, nous avons mis en place un comité de suivi à l'issue d'une mission sénatoriale. Il y a là un signal très important adressé à l'outre-mer.
Madame le ministre, vous avez rappelé que le comité interministériel avait pris 137 décisions. Nous en avions suggéré une centaine, que le Président de la République aurait pu mentionner puisqu'il en a repris les deux tiers. Je vous le dis pour que vous puissiez le lui rapporter directement. Le Sénat peut être fier de son travail. Nous suivrons avec beaucoup d'attention le sort des 137 mesures décidées.
La commission des finances accepte l'amendement. Il est certes nécessaire de connaître précisément et à brève échéance les nombreuses difficultés rencontrées par les communes, mais l'élargissement souhaité par les auteurs de l'amendement ne devrait pas induire de charge excessive, puisqu'il y a outre-mer moins de collectivités territoriales que dans un département moyen de métropole.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. - Le comité interministériel a pris en compte la situation préoccupante de l'outre-mer. Il a en particulier décidé un grand effort d'aide à l'investissement des collectivités territoriales, qui doivent faire face à la poussée démographique.
Il est utile d'examiner la situation des communes, mais il serait peut-être préférable que les autres collectivités territoriales fassent l'objet d'un rapport distinct en raison des aspects statutaires et fiscaux... Sagesse.
L'amendement n°II-50 est adopté et devient l'article 54 quater.
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 22 heures.