Lutte contre la fracture numérique
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, présentée par M. Xavier Pintat.
Discussion générale
M. Xavier Pintat, auteur de la proposition de loi. - Je remercie le Gouvernement d'avoir accepté de consacrer cet ordre du jour à une question essentielle pour l'aménagement numérique de notre territoire national.
Parmi les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés, le déploiement des moyens d'accès à l'internet à très haut débit figure en bonne place. Nombreux sont ceux qui y voient l'un des principaux piliers de l'après-crise, tant les effets de son déploiement seront profonds. Il doit bouleverser les façons de s'informer, de se former, de travailler, de communiquer. Il en sera ainsi avec la visioconférence et le télétravail, qui ne concerne encore que 10 % des Français, contre 40 % des Japonais. Il en ira de même pour l'enseignement, le très haut débit ouvrant une capacité inédite de se relier au monde dans des conditions d'ergonomie et de rapidité inégalées. Dans le domaine de la santé, également, le très haut débit permettra des interventions chirurgicales à distance. En matière d'accès au service public, d'administration, de domotique, la métamorphose sera radicale, contribuant de manière décisive au désenclavement des territoires. Les possibilités ouvertes aux travaux scientifiques et d'ingénierie en seront fantastiquement accrues.
Le plan de développement de l'économie numérique du Gouvernement a bien répertorié le vaste éventail des applications des technologies de communication numérique. C'est l'ensemble du fonctionnement économique, social, administratif, culturel de notre pays qui bénéficiera du saut technologique que va constituer le très haut débit par rapport aux réseaux à haut débit actuels, dont les limites de capacité constitueront très rapidement des goulets d'étranglement inacceptables. L'ambition, portée par le plan « France Numérique 2012 » de faire de la France l'un des leaders en matière de très haut débit est incontournable. Je vous remercie, madame la ministre, de votre investissement personnel dans ce grand chantier pour lequel vous marquez votre ferme intention de fédérer avec intelligence les acteurs -opérateurs, pouvoirs publics et collectivités territoriales.
Mes remerciements vont également au président de notre commission, Jean-Paul Emorine, et à son vice-président, Pierre Hérisson, qui a remarquablement présidé nos débats, pour leur expertise et leur discernement.
Je veux également saluer le travail considérable accompli par le rapporteur, Bruno Retailleau, ainsi que l'ensemble de mes collègues qui ont soutenu cette proposition : le groupe UMP et son président Gérard Longuet, avec une mention spéciale pour Jacques Blanc, qui a été le premier à soutenir cette initiative, sans oublier nos collègues issus d'autres groupes, en particulier Nathalie Goulet et Aymeri de Montesquiou.
L'enjeu est tel que nous devons tout faire pour permettre à l'ensemble de nos territoires de bénéficier du très haut débit dans un délai raisonnable. Comme l'électricité, il fera bientôt figure de service vital, rendant insupportable toute fracture territoriale. Nos entreprises doivent pouvoir faire le choix de s'implanter dans les villes petites et moyennes, et même en milieu rural, en y bénéficiant d'accès efficients et compétitifs à internet, abolissant en quelque sorte les distances géographiques et permettant de conjuguer qualité de vie et performance économique.
Une grosse entreprise installée à Paris souhaitera que ses sous-traitants, pour plus de réactivité, disposent d'un accès à très haut débit.
La France n'en est qu'au début de ce déploiement.
On ne compte aujourd'hui pour 18 millions d'abonnés au haut débit, que 180 000 abonnés au très haut débit, dont les prises ne concernent de surcroît que les grandes zones urbaines, dans lesquelles sont présents plusieurs opérateurs et pour lesquelles la question pertinente est celle des modalités du déploiement vertical, c'est-à-dire du câblage des immeubles dans des conditions respectueuses de l'intérêt des résidents et du droit de la concurrence. Pour les zones moins denses la contrainte est celle de tous les réseaux filaires, celle des surlongueurs par abonnés qui caractérisent les territoires à faible densité démographique et en compromettent la rentabilité pour des investisseurs. La lever suppose une volonté politique semblable à celle qui a permis, à partir des années 1930, d'irriguer l'ensemble de notre pays en énergie électrique, grâce à l'implication des collectivités responsables de la distribution d'électricité et à l'appui du dispositif de péréquation financière que constitue le fonds d'amortissement des charges d'électrification.
Le dispositif que je vous propose comporte trois composantes.
La première concerne l'indispensable mise en cohérence du déploiement de la fibre optique, dont nous savons qu'il s'agira d'une opération coûteuse. Le partage des infrastructures entre réseaux de communications électroniques mais aussi avec d'autres réseaux publics, au premier rang desquels la distribution d'électricité dont le partenariat avec le secteur des télécommunications résulte de l'histoire, de la géographie et des évolutions techniques, doit aider à maîtriser les coûts. Je propose, dans cette perspective, l'élaboration de schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique, pour un inventaire de l'existant destiné à définir des besoins prioritaires afin de tracer des orientations de développement.
Il me semble important, s'agissant des investissements nouveaux à programmer, de faire très clairement du très haut débit la priorité absolue.
Consentir des moyens importants pour le développement de la desserte sur des débits de type ADSL reviendrait à distraire une partie substantielle de nos financements sur des ouvrages qui deviendront rapidement obsolètes et devront donc être remplacés avant même d'avoir été amortis.
Deuxième composante : le portage territorial de l'élaboration des schémas. Si nous voulons favoriser une desserte satisfaisante des zones grises et des zones blanches en très haut débit, il importe de retenir une vision large permettant d'inclure la logique de solidarité. C'est pourquoi je propos de retenir comme périmètre d'élaboration de chacun des schémas une aire géographique correspondant au moins à celle d'un département, ou à un ensemble démographique cohérent. Cela induit que le schéma soit élaboré par une personne publique de taille suffisante. Afin de tenir compte de la compétence concurrente des divers niveaux de collectivités locales et de leurs de groupements pour exercer les attributions définies en matière de communications électroniques par le code général des collectivités territoriales, votre commission propose que les syndicats mixtes, qui permettent de regrouper des collectivités de natures très différentes, mais aussi les départements ou les régions en tant que tels, assurent l'élaboration de ces schémas, solution de sagesse permettant de s'adapter à la diversité des approches locales.
Troisième composante, fondamentale : la mise en place d'un fonds d'aménagement numérique des territoires, destiné à contribuer au financement de certains travaux de réalisation des ouvrages prévus par les schémas directeurs. L'objectif est de permettre l'accès de l'ensemble de la population aux communications électroniques à très haut débit à un coût raisonnable. Je remercie la commission des précisions qu'elle a apportées sur ce point, en particulier en ce qui concerne le rôle du régulateur, pour la détermination des zones éligibles aux aides du fonds.
La définition juridique de ce fonds va être renforcée au bénéfice de tous les secteurs géographiques et des populations dont la desserte serait impossible sans un tel dispositif. Je souhaite que celui-ci puisse rapidement bénéficier de sa première dotation financière et le lancement du grand emprunt national permettra peut être d'y parvenir afin de ne pas retarder le déploiement de la fibre optique au-delà des zones denses ou très denses.
M. le président. - Au nom du président du Sénat, je vous informe que pour la première fois sous la Ve République, la Haute assemblée vient, à l'instant précis, de dépasser les 1 000 heures de séance depuis l'ouverture de la session ordinaire le 1er octobre. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission de l'économie. - Je ne sais pas s'il faut vraiment applaudir ! (Sourires)
M. le président. - Je suis désolé de vous avoir interrompu mais nous avons considéré qu'il s'agissait d'un moment solennel dont vous deviez être informés.
M. Xavier Pintat, auteur de la proposition de loi. - La commission souhaite obliger le maître d'ouvrage ouvrant une tranchée a y accueillir des infrastructures de communications électroniques à la demande d'une collectivité ou d'un groupement de collectivités. Cela me semble très opportun à condition de préciser que cela doit se faire avec le souci de la cohérence entre réseaux d'initiative publique puisque le maître d'ouvrage de la tranchée peut être une collectivité.
D'importantes dispositions relatives à la couverture du territoire par la TNT ont également été ajoutées par notre commission : elles ont d'autant plus leur place dans ce texte qu'un accès performant à internet fait partie des dispositifs alternatifs susceptibles de pallier l'insuffisance de la couverture de certains territoires par la TNT. Quoi qu'il en soit, ce traitement des zones d'ombre numérique ne devra pénaliser ni les abonnés, ni les collectivités.
L'aménagement numérique en très haut débit de notre territoire est un défi exaltant. L'enthousiasme que nous sommes nombreux à partager dans ce domaine aura raison des difficultés à résoudre, et je me réjouis que notre débat de ce jour puisse y concourir. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission de l'économie. - La révolution numérique qui va en s'accélérant a deux caractéristiques. D'abord, elle est planétaire car elle contribue à l'aplatissement de notre monde, comme aurait dit Thomas Friedman. On l'a vu aussi récemment avec le rôle qu'a joué internet dans l'élection américaine et aussi, malheureusement, lors des évènements d'Iran. Ensuite, il ne s'agit pas simplement d'une mutation technologique, mais d'une rupture radicale qui transforme l'ensemble des activités humaines, comme notre façon de travailler, de communiquer, de nous former, de nous soigner. Elle transforme aussi notre système économique : le plan France numérique 2012 estime qu'elle contribuera à un tiers de la croissance mondiale en 2015.
Au moment où la France traverse une crise économique profonde, l'économie numérique sera un des leviers essentiel de ce nouveau modèle de croissance et elle permettra de créer de la valeur et des emplois.
Notre pays a correctement négocié la première étape de la révolution numérique avec le haut débit : avec plus de 18 millions de foyers connectés, nous avons un des taux de pénétration les meilleurs d'Europe. En revanche, cette étape sera très rapidement dépassée du fait du très haut débit : les nouveaux usages consomment de plus en plus de débits. Nos vieux réseaux seront donc très vite obsolètes et il faudra mettre en place une nouvelle génération de réseaux.
Notre pays est cependant très fragile car son taux de ruralité est l'un des plus élevé du monde : 50 % de la population française vit dans des communes de moins de 10 000 habitants. D'après les statistiques, 31 % de notre population est rurale et plus de 70 % du territoire est concerné. On ne peut laisser toutes ces régions sur le bord de la route. Or, on risque de se retrouver avec deux internet : un des villes et un des champs. Cette proposition de loi est donc bienvenue car elle rappelle que le très haut débit est l'infrastructure essentielle de la société de l'information de demain.
J'en arrive aux deux dispositifs importants en matière de planification : les schémas d'aménagement numérique à l'échelle minimum du territoire départemental permettront de faire une péréquation entre les zones denses et les autres. Avec la création d'un fonds, l'État ne pourra pas se désintéresser du déploiement du très haut débit.
Notre commission a travaillé dans des délais très courts : elle a tenu à conserver l'esprit de la proposition de loi tout en l'enrichissant. Elle a d'abord cherché à réduire la fracture actuelle du haut débit. La TNT a certes connu un grand succès puisque 88 % de la population est désormais couverte et qu'elle est adoptée par les deux tiers de nos compatriotes. La loi sur la télévision du futur fixait un objectif de 100 %, dont 95 % par l'hertzien de terre et le reste grâce à d'autres moyens. Aujourd'hui, le CSA souhaite aller au-delà puisqu'à cet objectif de 95 % il a ajouté un correctif cible départemental de 91 % à partir duquel il demande la numérisation des petits émetteurs qui couvrent des zones de 500 habitants. La position du CSA est attaquée par certaines chaînes qui voudraient réduire le nombre d'émetteurs numérisés. Nous proposerons de donner force législative au dispositif préconisé par le CSA.
La création d'un fonds est également nécessaire pour permettre l'équipement des ménages situés en zones d'ombre et qui ne pourront recevoir l'hertzien de terre. Nous n'avons pu proposer sa création dans ce texte, pour cause d'article 40, mais je crois que le Gouvernement fera des propositions en ce sens. Un autre fonds existe déjà qui traite de la fracture sociale pour les personnes exonérées de redevance audiovisuelle.
J'en viens à la fracture numérique de l'outre-mer : il n'est pas normal que nos compatriotes ultramarins paient beaucoup plus cher des services de moindre qualité qu'en métropole. Un certain nombre d'amendements de nos collègues de ces territoires viendront enrichir le texte.
Le deuxième défi est celui du très haut débit. Comment anticiper l'apparition d'une nouvelle fracture numérique plus grave encore que la première ? La mise en place du réseau du XXIe siècle est essentielle pour la société de l'information de demain. L'enjeu est considérable en termes de coût -30 à 40 milliards- mais aussi de croissance et d'emploi : la Commission européenne a évalué le déploiement du très haut débit en Europe à un million d'emplois et à 0,6 % de croissance supplémentaire. L'enjeu est enfin considérable en termes de menace : si on ne régule pas le marché, 60 % de la population française n'aura pas accès au très haut débit. Ces enjeux sont donc suffisamment importants pour que le très haut débit soit décrété grand chantier national : toute la population devra être couverte à l'horizon 2020. Il ne peut y avoir d'investissement aussi massif sans stratégie nationale volontariste. Nous avons tenté de poser des principes d'action et un cadre général de déploiement.
Pour ce qui concerne les principes d'actions, l'État devra définir et piloter cette stratégie. Il devra également coordonner tous les acteurs. Enfin il devra mobiliser les ressources financières car il ne sera pas possible de déployer sur tout le territoire un réseau de ce type sans son intervention financière.
Dans tous les grands réseaux, ce sont les opérateurs privés qui ont lancé le mouvement, y compris pour le chemin de fer au XIXe siècle. Mais à un moment ou à un autre, l'État est venu coordonner ce mouvement. Le régulateur aura un rôle prépondérant pour favoriser la concurrence mais aussi l'investissement afin d'inciter les opérateurs à déployer la fibre sur tout le territoire. Les collectivités auront un rôle essentiel à jouer, d'autant qu'elles ont déjà une expérience en ce domaine. Enfin, il faudra avoir recours à toutes les technologies disponibles : la fibre optique, mais aussi les technologies hertziennes de nouvelle génération.
Nous avons rappelé ces principes d'action dans le rapport.
Pour ce qui concerne le déploiement, la donnée cardinale est la densité démographique. Tous les acteurs sont tombés d'accord pour dire qu'il fallait s'en tenir à trois zones.
La zone I concerne 5 millions de foyers ; la seule force du marché y assure la diversité des réseaux. Dans la zone II, qui recouvre 6 à 12 millions de foyers, il convient de favoriser la coopération et la mutualisation. Mais en zone III, l'intervention publique est impérative.
Dans la première zone, la concurrence est le gage d'une couverture rapide ; 4 millions de foyers se trouvent déjà à proximité d'un réseau de fibre optique. La LME a posé les principes de la mutualisation et le régulateur a décidé que les infrastructures de génie civil déployées -50 à 80 % des coûts d'accès- serviraient aussi aux opérateurs alternatifs. Il faut viser la neutralité technologique et déployer une architecture multifibre ou monofibre. L'important est d'éviter à la fois une remonopolisation en phase terminale -la sous-boucle locale- et des comportements de passagers clandestins par des opérateurs au détriment d'autres.
Pour la zone II, l'Arcep doit définir un droit d'utilisation le plus couvrant possible : il faut privilégier les co-investissements ou la répartition du territoire pour la gestion de la boucle locale, selon des modèles eurocompatibles. Mme la ministre a annoncé un mécanisme faisant intervenir la CDC, cela n'est pas exclusif de propositions par le régulateur. En zone III, il faudra mobiliser toutes les technologies ; l'intervention publique sera déterminante, dans la planification, dans la réglementation -un amendement repris par la commission traite ainsi du droit à tranchée. Nous avons souhaité maintenir le fonds d'intervention afin de concrétiser l'action indispensable de l'État.
Lors de l'avènement du chemin de fer, du téléphone, de l'électricité, l'État a soutenu, organisé le financement et la péréquation. Nous n'avons pas souhaité une taxe sur les opérateurs, plus sûr moyen de freiner net le déploiement de la fibre optique ; en revanche, l'affectation d'une part de l'emprunt national, d'une part des recettes des ventes de fréquences, ou la sollicitation des fonds européens me semblent de bonnes pistes.
Notre message au Gouvernement est clair : il n'y aura pas de grand réseau en zone rurale sans intervention de l'État. Nous sommes au début d'un très vaste chantier, sachons apprendre de ce qui se fait ailleurs, soyons fermes sur les objectifs et souples sur les modalités. Faisons de la France une grande nation numérique, ne laissons aucun territoire au bord du chemin. Les Français sont attachés au principe d'égalité, qui ne signifie pas égalitarisme. Que l'État se fasse garant de ce principe ! (Applaudissements à droite)
M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission de la culture. - La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a souhaité se saisir des dispositions relatives à la couverture du territoire en télévision numérique terrestre, introduites par le rapporteur Retailleau. La loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation audiovisuelle et à la télévision du futur a fixé pour les chaînes de la TNT un objectif de couverture de 100 % de la population, tous modes de diffusion confondus et 95 % de la population pour la seule diffusion hertzienne terrestre. Le CSA a fixé en janvier 2007 le calendrier du passage au numérique et le schéma d'extension de la couverture de la TNT entre 2008 et 2011, validé par le Premier ministre. Un grand chantier s'ouvre, les Français accéderont à de nouveaux programmes de télévision, que nous espérons de meilleure qualité et plus variés. Le CSA a choisi de fixer un taux de couverture par département pour la TNT par voie hertzienne. En effet, la couverture TNT atteignait 87 % fin 2008, mais moins de 60 % en Franche-Comté ou dans la partie alpine de la région Rhône-Alpes.
Il s'agissait donc d'assurer une couverture harmonieuse de la TNT, tout en tenant compte des contraintes économiques des chaînes. Le taux de couverture retenu est ambitieux : 91 % de la population de chaque département pour les chaînes historiques, 85 % pour les nouveaux entrants.
En application de la loi de modernisation de l'économie (LME) d'août 2008, le CSA a ensuite publié une liste des zones qui devront être couvertes par la TNT au plus tard le 30 novembre 2011 : 1 626 zones pour les chaînes historiques en clair, 1 423 zones pour Canal+ et les nouveaux entrants de la TNT. Cet équilibre est satisfaisant : le nombre de personnes ayant accès à la télévision par la voie hertzienne augmente globalement, des zones auparavant non desservies en analogique le seront prochainement en numérique, l'équité territoriale est assurée. Toutefois, ne nous voilons pas la face, des zones d'ombre subsistent et certaines zones auparavant desservies en analogique ne le seront plus en numérique, ce qui cause une vive émotion dans ces territoires.
Pour résoudre ces difficultés, le législateur a prévu dans la loi de septembre 1986 un accompagnement social, via un fonds d'aide à l'équipement des foyers. L'aide est allouée sous condition de ressources. Des textes récents prévoient aussi pour les zones d'ombre deux offres satellitaires gratuites, regroupant toutes les chaînes de la TNT, sans abonnement. L'équipement de réception coûte au maximum 250 euros.
Toutefois, une faiblesse subsiste : le taux départemental n'a pas de base juridique. Or il semblerait que plusieurs chaînes aient contesté devant le juge la légalité des listes établies par le CSA. La commission des affaires économiques a donc introduit des articles premier A et premier B pour combler cette lacune. C'est une bonne initiative. Soit dit en passant, il serait dangereux de vouloir augmenter encore le nombre de sites TNT. Outre le coût extrêmement élevé pour les chaînes, notamment France Télévisions, il y a le risque de décaler de plusieurs mois le calendrier d'extinction de la TNT. Soyons raisonnables, reconnaissons que le hertzien ne couvrira jamais l'ensemble du territoire. L'État doit donc compenser ces inégalités territoriales : le soutien à l'achat d'une parabole ou à la réception du réseau câblé et de l'ADSL, est donc une nécessité. L'article premier D impose à fort juste titre au Gouvernement un rapport sur le soutien financier à apporter, non seulement aux personnes dégrevées de redevance habitant dans une zone d'ombre, mais à un plus large public -sous conditions de ressources bien sûr.
La commission de la culture donne un avis favorable à l'adoption de la présente proposition de loi. Toutefois, deux interrogations subsistent, madame la ministre : le décret d'application de l'article 102 de la loi de 1986, relatif à l'achat subventionné de paraboles, n'est pas encore publié. Quand le sera-t-il ? Vous avez évoqué en commission l'idée de soutenir davantage la population en zones d'ombre. Sous quelles formes l'envisagez-vous ? (Applaudissements à droite)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. - Je remercie et félicite l'auteur de cette préposition de loi qui s'inscrit dans le cadre du déploiement des réseaux à très haut débit et du passage à la télévision tout numérique. Je félicite aussi M. Retailleau pour son travail en commission et M. Hérisson pour avoir mené avec efficacité les débats sur les amendements.
Avec plusieurs milliards d'investissements potentiels, la fibre optique est un défi industriel majeur pour la compétitivité de nos entreprises comme pour le rayonnement de notre culture. L'État est conscient de l'enjeu que représente le très haut débit dans les zones rurales et la présence ici de Michel Mercier aujourd'hui à mes côtés (applaudissements à droite et au centre) est une preuve de notre détermination à trouver des solutions efficaces.
Le Gouvernement s'attache à mettre en oeuvre la LME, laquelle a défini le cadre de déploiement de ces réseaux. Notre territoire sera découpé en trois zones, non pour opposer ou stigmatiser tel ou tel territoire, mais pour définir les outils adaptés à chacun afin qu'ils bénéficient le plus rapidement possible du très haut débit. Les schémas directeurs proposés dans le texte issu de la commission seront un outil essentiel de ce déploiement.
Dans la zone I, les opérateurs privés devraient investir, chacun dans leur boucle locale en fibre optique et ne mutualiser que la partie terminale, généralement dans les immeubles. En juin, l'Arcep a mis en consultation publique deux projets de décision et un projet de recommandation, définissant le cadre règlementaire applicable, lequel devrait être définitif à l'automne. Votre commission des affaires économiques a proposé pour cette zone plusieurs mesures de complément auxquelles le Gouvernement est favorable
Dans la zone II, les opérateurs devront mutualiser les investissements pour éviter une dispersion nuisible à leur rentabilité. Les différents acteurs vont être amenés à coopérer, afin de mutualiser les investissements et d'éviter une dispersion nuisible à leur rentabilité. C'est pourquoi j'ai proposé, dans le cadre du volet numérique du plan de relance présenté en mai dernier en conseil des ministres, une action spécifique de l'État. La Caisse des dépôts et consignations a été mandatée pour structurer une enveloppe de fonds propres avec des acteurs privés d'un montant minimum de 250 millions par an pendant trois ans, afin de développer les réseaux très haut débit dans les zones de moindre densité. Je discute actuellement avec les différents acteurs, pour les convaincre de se joindre tous dans cet effort de mutualisation. Là encore, votre commission des affaires économiques a proposé un cadre législatif définissant les conditions réglementaires associées à ce co-investissement.
Dans la zone III, seules des subventions publiques permettront aux réseaux très haut débit de se développer et il convient d'y préparer une meilleure mutualisation des infrastructures -utilisation des réseaux électriques ou mutualisation des tranchées. Les fréquences du dividende numérique aideront aussi au développement de ces services dans la zone III, permettant des économies substantielles. En commission vous avez élaboré plusieurs propositions que le Gouvernement soutient. Vous avez aussi validé le principe d'un fonds d'aménagement du territoire. Ne nous méprenons pas : la priorité du Gouvernement est de libérer les investissements dans les réseaux à très haut débit, notamment ceux du secteur privé. Rien ne serait pire que de les freiner. Il faut néanmoins anticiper et éviter une nouvelle fracture numérique. L'enjeu de notre discussion d'aujourd'hui sera de trouver un juste équilibre entre cette nécessaire anticipation et la coordination entre fonds publics et fonds privés.
Le texte de votre commission aborde les enjeux structurants de la télévision numérique terrestre dans le cadre de l'extinction de la télévision analogique au 30 novembre 2011. Il reflète l'inquiétude des élus sur la non-couverture de leur territoire en TNT, alors que la couverture hertzienne terrestre passera de 99 % à 95 % de la population. Le Gouvernement s'est engagé à ce que tous les Français reçoivent les dix-huit chaînes gratuites nationales de la TNT, y compris les cinq chaînes en haute définition. Et une partie des foyers auront accès à la TNT via les deux offres gratuites de télévision par satellite.
Le Gouvernement a mis en oeuvre un dispositif d'accompagnement vers le tout numérique et, d'abord, une aide pour les foyers défavorisés et les publics sensibles, tant financière que technique, permettra d'éviter une fracture numérique sociale. Un site d'information sur internet, une charte de confiance pour les prestataires, un centre d'appels assisteront l'ensemble des foyers dans ce passage vers la TNT. Les aides pour les personnes défavorisées tiendront évidemment compte du mode de réception -satellite, antenne râteau-, s'adaptant ainsi aux budgets d'installation requis. Enfin, une réunion du Comité stratégique pour le numérique se tiendra mercredi sous la présidence de François Fillon, réunion qui fixera le calendrier complet de passage vers le tout numérique et qui examinera ma proposition d'une aide spécifique aux personnes défavorisées dans les zones blanches de la TNT.
Monsieur Thiollière, le décret 102 est en cours d'examen par le Conseil d'État et il sera rapidement publié. (Applaudissements à droite)
M. Raymond Vall. - Je remercie pour leur travail MM. Hérisson, Pintat et M. Retailleau qui, avec sa coutumière éloquence a souligné l'inquiétude des élus face à ce nouveau défi. Mais, lorsqu'on nous parle de cet enjeu, j'ai l'impression que nous n'appartenons pas tous au même monde. Si tous, nous avons pris conscience du problème, moi, je n'ai pas trouvé ici de réponse à ma question : comment financer la résorption de cette fracture ? Les entreprises délocalisent leurs services d'ingénierie ou de communication commerciale auprès des aéroports et des TGV, ne laissant que les unités de production dans les zones défavorisées. Dès lors, comment ferons-nous face à la désertification économique qui s'annonce ?
Pourquoi cette pudeur, cette réticence à parler de péréquation ? Ce texte n'apporte aucune précision ! La région Midi-Pyrénées doit déjà payer 1,5 milliard pour le TGV, 500 millions pour RFF et financer les grandes infrastructures routières dont l'État s'est désengagé en remplaçant les contrats de plan par les PDMI...
Il nous faut des réponses précises et des propositions claires sur cette question de fond : comment les fonds publics financeront-ils la réduction d'une fracture qui affecte 30 % de la population et 70 % du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE, sur certains bancs socialistes et sur certains bancs à droite)
M. Michel Teston. - Cette proposition de loi vise à lutter contre la fracture numérique en rationnalisant le déploiement de la fibre optique. Nous saluons cette initiative tout en regrettant que ce texte soit examiné, presque en catimini, en fin de session extraordinaire, qui plus est un lundi et, probablement cette nuit.... Sur un sujet aussi crucial, je m'étonne que le Gouvernement ne soit pas à l'origine d'un texte. Je ne vise pas ici Mme Kosciusko-Morizet, qui n'en est chargée que depuis quelques mois, mais les gouvernements successifs qui, depuis sept ans, n'ont jamais demandé au Parlement de légiférer sur une fracture que dénoncent pourtant depuis longtemps les populations, les experts et les élus. Ici même, nous avons régulièrement alerté les gouvernements lors de l'examen des lois de finances initiales et, pour ma part, depuis la Lolf, j'ai abordé chaque année ce thème dans mes interventions sur les crédits des missions concernées.
Selon l'Arcep, le nombre d'abonnés au haut débit au troisième trimestre 2008 était de l'ordre de 17 millions.
Le haut débit n'est présent que dans les zones les plus denses, si bien que la France n'est qu'au neuvième rang européen, loin derrière les Pays-Bas et la Suède. Or, compte tenu de l'importance qu'a prise l'information tant pour l'attractivité des territoires que pour l'égalité des chances, il est essentiel de développer l'accès de tous au haut, puis au très haut débit mais aussi à la téléphonie mobile et à la télévision numérique terrestre.
En 2005, l'Union Européenne a adopté un « Plan Numérique pour 2010 » dont l'un des objectifs était l'accès de 90 % de la population et des entreprises à internet en 2010. Louable intention... qui ne s'est pas concrétisée. Depuis la crise, l'Union européenne se donne un objectif de couverture de 100 % entre 2010 et 2013 avec une priorité accordée aux zones les moins bien desservies, ce qui nécessite d'importants investissements. Dans cette perspective, plusieurs mesures sont envisagées, de l'utilisation des fonds agricoles européens à la révision des aides d'État, en passant par l'utilisation du dividende numérique.
En France, en décembre 2007, Mme Lagarde et M. Novelli ont lancé une consultation afin d'accélérer le déploiement du très haut débit et de développer la fibre. Le Gouvernement a ensuite présenté le plan « France numérique 2012 » qui prévoit l'accès de tous à 512 kilobits par seconde pour 35 euros mensuels et l'accès de tous à la télévision numérique terrestre. Si ses objectifs ne peuvent que faire consensus, ce plan ne prévoit aucun financement de l'État, qui se défausse sur les collectivités territoriales.
La proposition de notre collègue Pintat est donc opportune. Elle vise particulièrement le développement de la fibre optique et prévoit la mise en place de schémas directeurs territoriaux, l'implication de syndicats mixtes dans l'aménagement numérique, la mise en place d'un fonds d'aménagement numérique. La commission l'a complétée afin de réduire la fracture numérique existante tout en prévenant l'apparition de la fracture numérique dans le très haut débit.
Notre groupe approuve l'introduction de dispositions relatives à la télévision numérique terrestre mais souhaite aller plus loin que le rapporteur et inscrire dans la loi une couverture minimale de 95 % de la population de chaque département. Nous voulons aussi que les maires dont les communes ne seront pas desservies en numérique hertzien soient assez informés pour pouvoir effectuer les bons choix de technologie alternative.
S'agissant de l'installation de fibres surnuméraires, nous vous proposerons de remplacer « coûts spécifiques » par « coûts supplémentaires », afin de bien préciser que l'opérateur demandeur prend à sa charge l'intégralité des coûts additionnels induits par la pose des fibres surnuméraires, en sus de la quote-part équitable des coûts d'équipements de l'immeuble.
Concernant les schémas directeurs territoriaux, nous préférons la rédaction du rapporteur à celle de la proposition de loi, sachant qu'il faudra prendre en compte l'évolution prévisible des structures territoriales et l'importance accrue du rôle des régions en matière d'attractivité du territoire. Les départements aussi doivent pouvoir faire l'objet de schémas de secteurs.
Le fonds d'aménagement numérique ? Il serait difficile d'y être opposé mais les dispositions proposées manquent de précision. Nous vous proposerons donc d'écrire clairement dans la loi qu'il s'agit d'un fonds de péréquation -dont, encore une fois, le financement risque de manquer. Un fonds dont les ressources ne sont ni précises ni pérennes perd de son intérêt...
Ce texte fait surtout l'impasse sur un élément essentiel de la lutte contre la fracture numérique : la mise en place d'un véritable service universel. Avec le progrès technologique et les évolutions des modes de vie, la définition de celui-ci doit évoluer. Les dispositions de l'article L.35-1 du code des postes et des communications électroniques s'appliquent principalement à la téléphonie fixe. Il importe désormais que chacun puisse accéder à la téléphonie mobile ainsi qu'à l'internet à haut et très haut débit.
La commission des finances nous a opposé l'article 40.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. - Vous n'êtes pas la seule victime de l'article 40 ! Nous aussi...
M. Michel Teston. - Dans ces conditions, j'évoquerai cette question essentielle dans une intervention sur article.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. - Bien sûr.
M. Michel Teston. - Bref, ce texte comporte des avancées, mais il manque de précision et d'ambition. Nous ne nous opposerons pas à son adoption ; quant à savoir si nous le voterons, tout dépendra du sort réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Bruno Retailleau, rapporteur. - Quel suspens ! (Sourires)
M. Hervé Maurey. - Je félicite M. Pintat pour sa proposition de loi pertinente, concrète et réaliste. M. Retailleau a une fois de plus prouvé sa compétence et sa capacité à rendre accessible un sujet très technique. J'apprécie également l'initiative qu'a prise le Gouvernement avec le plan France numérique 2012. Je suis très heureux de voir, à côté de Mme Kosciusko-Morizet, le nouveau ministre « de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ».
Mme Nathalie Goulet. - Quel beau ministère !
M. Hervé Maurey. - Le déploiement du très haut débit est susceptible de créer un million d'emplois dans l'Union européenne et 0,6 % de croissance supplémentaire. Il est en outre un excellent outil d'aménagement du territoire. Sa présence peut faire accéder un territoire rural peu favorisé à des activités économiques modernes ; son absence pourra en accélérer le déclin. Le rapporteur a donc raison de souligner que le déploiement du très haut débit n'est pas un luxe.
La seule question est donc celle du coût. On parle de 40 milliards, sachant que les opérateurs ne sont intéressés que par les zones les plus denses. Le risque n'est donc pas nul de voir 80 % du territoire et 60 % de la population laissés de côté. Il faudra donc des financements publics à hauteur au moins de 10 milliards. Dans ces conditions, la création d'un fonds d'amortissement est une bonne chose. Reste à savoir comment le financer. Pour que l'on fasse appel aux opérateurs, il faudrait déjà qu'on ne leur demande plus de compenser la suppression de la publicité à la télévision.
Le produit de la taxe de 0,9 % permettrait de raccorder chaque année en fibre optique 380 000 foyers... J'ai donc déposé un amendement pour supprimer ce prélèvement et prévoir que les opérateurs abonderont le fonds. Il ne serait pas davantage anormal que les départements denses fassent de même au titre de la solidarité territoriale.
M. Jean-Pierre Plancade. - Qu'en pense le président du conseil général du Rhône ? (Sourires)
M. Hervé Maurey. - La question du très haut débit pour tous -l'échéance est à au mieux dix ans- ne doit pas en faire oublier d'autres auxquelles il faut répondre de toute urgence. La TNT par exemple : des élus et des citoyens découvrent chaque jour qu'ils ne recevront plus la télévision après le passage de l'analogique au numérique, ce qui est inacceptable ; l'objectif 100 % doit être tenu, comme la commission entend s'en assurer. La téléphonie mobile aussi, dont malheureusement le texte ne traite pas : selon les estimations officielles, 3 000 communes ne reçoivent pas la téléphonie mobile de deuxième génération, mais elles sont sans doute plus nombreuses encore. Nous verrons si l'échéance 2012 sera tenue. L'objectif de couverture par la téléphonie 3G n'est que de 98 %, mais il ne sera pas atteint ; l'Arcep ne devra pas hésiter à prendre des sanctions. Là encore, je préférerais voir les opérateurs assumer leurs responsabilités que concourir pour la quatrième licence, qui leur servira de prétexte précisément pour ne pas les assumer.
M. François Marc. - C'est cela, la concurrence !
M. Hervé Maurey. - Nous sommes tous d'avis pour dire qu'un débit de 512 kbits est insuffisant, mais on oublie que certains territoires n'en disposent même pas.
M. Paul Blanc. - C'est vrai !
M. Hervé Maurey. - N'y ont pas accès 550 000 de nos concitoyens. Il y a quelque chose d'inconvenant à parler de très haut débit quand certains n'ont même pas le haut débit.
M. Jean-Pierre Plancade. - Absolument !
M. Hervé Maurey. - Comment feront les bacheliers pour s'inscrire à l'université, ou les élus ruraux pour prendre connaissance des informations transmises par les préfectures ? J'espère que l'objectif du haut débit pour tous en 2012 sera tenu. Je souhaite comme le rapporteur qu'on puisse augmenter les débits existants à chaque fois que cela est possible.
La commission a bien voulu accepter mon amendement relatif au droit aux tranchées pour les collectivités territoriales, je l'en remercie. Son texte est important, mais je regrette qu'on ne soit pas allé plus loin et qu'on n'ait pu mettre en place un service universel en téléphonie mobile et en haut débit -un de mes amendements sur le sujet a, lui, connu les foudres de l'article 40.
M. François Marc. - A quoi servons-nous ?
M. Hervé Maurey. - Je souhaite que le Gouvernement ait la même ambition que la Grande-Bretagne, qui aura bientôt un service universel à 2 mégabits.
M. Jean-Pierre Plancade. - Très bien !
M. Hervé Maurey. - Il est temps que les pouvoirs publics montrent que le numérique est pour eux une priorité et qu'ils y mettent les moyens. (Applaudissements au centre et sur les bancs du RDSE)
M. Jean-Claude Danglot. - Le titre de cette proposition de loi laisse penser qu'elle a été élaborée avec le souci de l'intérêt général. Malgré les efforts de la commission, les délais qui nous ont été imposés ne permettent pas un travail législatif efficace. Et l'avis de la commission des affaires culturelles est resté bien discret, alors que de nombreux points suscitent de vifs débats, surtout depuis l'adoption de la loi dite Hadopi 2. La fracture numérique mérite mieux qu'une discussion précipitée, en fin de session extraordinaire, car elle est le reflet des inégalités sociales et territoriales du pays ; les réseaux ne peuvent avoir pour seule ambition de rendre l'économie plus compétitive.
Commission et Gouvernement avancent des arguments techniques pour justifier des dispositions que nous n'avons cessé de combattre. Ce texte est une nouvelle illustration du désengagement de l'État au profit du marché, outre qu'il transpose certaines dispositions du paquet Télécom européen marquées par l'ultralibéralisme. La dérégulation des secteurs d'intérêt général au nom du dogme de la concurrence libre et non faussée ne fait que renforcer les grands groupes privés au détriment des citoyens, notamment de ceux d'entre eux déjà éloignés des centres d'activité ou des savoirs.
Les dispositions relatives à l'accès au haut et très haut débit placent les collectivités territoriales au pied du mur. Ou bien elles acceptent de financer le progrès malgré la baisse de leur DGF et la réforme de la taxe professionnelle, ou bien elles seront stigmatisées comme hostiles au progrès et oublieuses de l'attractivité territoriale. Elles devront faire plus avec moins de ressources... et l'appui du secteur privé qui, grâce au dispositif de défiscalisation des investissements, sera le vrai gagnant.
Les chiffres officiels ne sont que le reflet des inégalités entraînées par le recul des missions régulatrices de l'État. Nous dénonçons de longtemps cette tendance à la dérégulation et à la course à la rentabilité. On le sait : l'extinction de la diffusion analogique se fera avant que tout le territoire ne soit couvert par le numérique, laissant pour compte les plus âgés et les plus fragiles de nos concitoyens. Le bilan du GIP France Télé Numérique en termes de soutien à l'équipement des ménages n'est guère brillant -mais sans doute les principales chaînes tiendront-elles un jour les engagements pris en 2007 ! Le déploiement de la fibre optique devait être la solution, mais l'abandon du modèle de péréquation, qui prévalait avec l'opérateur public devenu historique, a interdit d'achever le plan câble. Au lieu de remettre au coeur du dispositif un pôle public qui soutiendrait le développement des réseaux, le Gouvernement offre une nouvelle occasion aux grands groupes privés de capter le dividende numérique et de renforcer leurs positions oligopolistiques, tandis que collectivités et usagers devront payer.
A ces solutions inégalitaires, à ce énième rapport commandé à l'Arcep, nous opposons, non pas de nouveaux schémas territoriaux mais un véritable service universel du numérique, le rétablissement d'un fond de péréquation alimenté par les opérateurs qui ont, grâce aux ententes, accumulé de substantiels bénéfices : en un mot une intervention publique forte au bénéfice des territoires ruraux, de montagne ou des quartiers périphériques. Cette intervention ne doit pas être la dernière ligne de l'emprunt national, ni reposer sur le seul engagement de la Caisse des dépôts. La lutte contre la fracture numérique passe aussi par une réflexion sur les contenus, les logiciels libres, les droits d'auteurs ou la place des médias associatifs ou locaux. La fracture territoriale et sociale produite par un accès insuffisant à la technologie ne sera pas réduite par un recours accru au marché et à la libre concurrence. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Blanc. - Merci et bravo à M. Pintat, dont les qualités personnelles et l'expérience à la tête de la Fédération nationale des autorités concédantes et des régies nous permettent aujourd'hui de remplir pleinement notre mission de représentants des collectivités territoriales. Merci et bravo à nos éminents rapporteurs. Je salue la présence de Mme la secrétaire d'État mais aussi celle du redoutable nouveau ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. (Sourires) Il ne peut en effet y avoir d'aménagement du territoire sans engagement résolu à lutter contre la fracture numérique.
Le président du conseil général de Lozère a par exemple constitué un syndicat mixte associant six départements et trois régions le long de l'A75, afin d'amener la fibre optique jusque dans nos campagnes : elle a été installée le long des lignes électriques à haute tension. Je participe aux réunions comme président du syndicat départemental de l'électrification et la semaine dernière nous avons étudié un projet d'enfouissement de 80 kilomètres de lignes supplémentaires où seraient insérés des fuseaux. Le coût du projet s'élève à 1,4 million d'euros ; pour un petit département comme la Lozère, c'est inabordable, à moins d'être aidé par l'État !
Trop longtemps nos campagnes ont souffert de l'enclavement ; certaines paraissaient condamnées au déclin et à la désertification. En les désenclavant grâce à la technologie numérique, nous pouvons leur rendre un avenir ! Les conséquences de cette évolution au plan économique, culturel, sanitaire et social sont incalculables. Dans les campagnes, les parents souhaitent que leurs enfants maîtrisent les technologies de l'information, en commençant par jouer, car c'est un facteur d'avenir ! Il ne faut pas manquer le coche.
Grâce à la délimitation des trois zones, nous éviterons de faire payer les villes pour les campagnes ou inversement. (M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, le confirme) Voyez comme les choses se sont passées pour l'électricité : on a eu recours à des opérateurs privés, puis au monopole public, et aujourd'hui on revient à des modes de production plus diversifiés. Dans certaines zones, la concurrence jouera : les opérateurs consentiront des investissements importants et devront dégager des profits. Il ne faut pas les décourager ! Mais il est indispensable de définir un prix unique, comme pour l'électricité : on bénéficie aujourd'hui pour le même prix d'un débit de 2 Mb en Lozère et de 100 Mb à Issy-les-Moulineaux !
Dans les zones denses, les règles de la concurrence s'appliqueront normalement. Dans les zones moyennement denses, il faudra organiser les choses. Mais les zones sous-denses, comme la Lozère, doivent absolument être mutualisées, avec le soutien de l'État et de l'Union européenne ! Celle-ci a fait du développement numérique l'un de ses objectifs, et elle a consenti des fonds importants à cet effet dans le cadre du plan de relance.
A terme, dans les zones denses, pourquoi ne pas créer un mécanisme financier similaire à ceux qui ont existé dans le passé ? Espérons en tout cas que le fonds sera alimenté par le biais du grand emprunt ou d'autres crédits.
Ce sujet dépasse les clivages partisans. Les solutions retenues sont adaptées aux temps modernes : il y a 50 ans, on aurait créé un monopole, aujourd'hui on emploie des moyens divers selon la nature des territoires. Certes, nous avons besoin du privé et de la concurrence. Mais nous ne voulons pas qu'au nom d'une idéologie l'État se désengage. Bien au contraire, nous souhaitons que celui-ci remplisse ses nouvelles missions de régulateur, chargé d'organiser la mutualisation des moyens et la solidarité.
Notre pays est exemplaire dans le domaine de l'aménagement du territoire : nous réussissons à maintenir dans nos campagnes un grand nombre d'agriculteurs et d'artisans. Le développement durable, ce n'est pas seulement respecter la nature, c'est préserver l'équilibre de vie de la population !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. - Absolument.
M. Jacques Blanc. - Les citadins ont besoin des campagnes, non seulement pour s'aérer pendant les vacances, mais pour vivre dans un environnement équilibré. Le développement durable, c'est répondre aux attentes angoissées des hommes et des femmes de notre pays, qui ont souvent perdu leurs repères spirituels et ont besoin de lieux préservés pour se ressourcer. Aujourd'hui le progrès technologique permet de relancer l'aménagement du territoire : sachons gagner ce formidable pari ! (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)
M. Jean-Paul Virapoullé. - Les technologies de l'information et de la communication constituent un secteur d'activité essentiel pour l'outre-mer. Il n'y a pas beaucoup de secteurs d'avenir dans les DOM : l'agriculture, la pêche, le bâtiment et les travaux publics qui occupent une grande partie de la population sont des activités traditionnelles. Mais les technologies de l'information peuvent servir de levier pour la jeunesse de ces territoires. A la Réunion, malgré les nombreux handicaps, elles seront en 2010 le premier secteur économique, devant le BTP.
Ces technologies rompent l'isolement de ces contrées situées à 10 000 kilomètres de la métropole. Elles contribuent au développement des échanges culturels avec le monde. Or ces territoires peuvent dans certains domaines servir d'exemples à la métropole et à l'Europe : songez à la réussite du melting pot ethnoculturel réunionnais, modèle de société pacifiée !
Revenons à la question du développement économique. Beaucoup d'intervenants ont dit que les technologies de l'information pouvaient contribuer à l'aménagement du territoire : c'est évident ! En outre-mer, il faut développer le télétravail, et je propose de lancer à la Réunion un chantier d'expérimentation. Nous avons du retard : l'Allemagne compte 20 % de télétravail, la métropole 7 % et l'outre-mer 1 %, soit presque rien. Or le télétravail peut contribuer à la préservation de l'environnement en réduisant la circulation routière et le bétonnage de notre belle île. En développant ce mode de travail, on lancerait un cycle de développement durable et vertueux.
Il est indispensable d'améliorer le rapport qualité-prix-débit des communications, même s'il n'est peut-être pas possible de l'aligner exactement sur celui de la métropole à plus de 10 000 kilomètres de là. Aujourd'hui, on bénéficie pour 29, 90 euros d'un débit de 20 Mb en métropole ; pour 10 euros de plus, on n'obtient qu'un débit de 1 Mb à la Réunion, et de 128 kb en Guadeloupe. Dans ces conditions, faire croire qu'internet peut aider au développement de l'économique est un leurre.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Pour relier la Réunion à internet, il a fallu créer le réseau Safe, qui a coûté extrêmement cher. L'État a donc consenti à l'opérateur un monopole jusqu'en 2006. A cette date, l'Arcep a mis fin au monopole : désormais la libre concurrence joue dans le secteur de la téléphonie mobile et, dans une moindre mesure, dans celui d'internet. Je ne répéterai pas ce que M. Retailleau a dit excellemment dans son rapport.
Le ministère de l'outre-mer et vous-même, madame Kosciusko-Morizet, avez commandé à l'Arcep un rapport qui sera remis à la fin de l'année. Il faudra alors rendre des arbitrages. Faut-il que les régions continuent à investir dans des câbles pour relier, par exemple, la Réunion à Madagascar, ou faut-il qu'elles achètent des capacités sur les câbles des grands consortiums ? Comment aligner le rapport qualité-prix-débit outre-mer sur celui qui est observable en métropole ? Quels services existant ici peuvent être créés là-bas pour favoriser le développement de l'économique numérique ?
Je voudrais pour finir évoquer la question du fonds créé par cette proposition de loi, que la commission a privé des ressources qui lui étaient initialement affectées. Je raisonne en paysan : à quoi sert un fonds sans argent ? (Marques d'amusement au banc des ministres)
M. Jean-Pierre Plancade. - C'est une question majeure !
M. Jean-Paul Virapoullé. - Si ce fonds n'est pas alimenté, il sera impossible d'assurer la couverture des zones blanches.
Comme tout fonctionne avec des euros, il en faut dans la caisse !
M. Jean-Pierre Plancade. - Quel bon sens !
M. Jean-Paul Virapoullé. - S'agissant de la télévision, l'extension de la TNT aux DOM est dans les cartons du Gouvernement : quand sera-t-elle effective ?
S'agissant de la téléphonie mobile, j'ai déposé un amendement de justice économique visant à appliquer le règlement communautaire sur l'itinérance aux appels depuis l'outre-mer vers la métropole, qui sont ruineux.
Enfin, dans votre plan de relance de l'économie numérique, avez-vous pensé à l'outre-mer ? Si ce n'est pas le cas, nous sommes prêts à travailler avec vous ! Le Président de la République a souhaité une révolution numérique : nous comptons en être des acteurs. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. - (Applaudissements à droite et au centre) Cette proposition de loi vient à point nommé. M. Retailleau, expert en la matière, en a souligné tout l'intérêt. Vos interventions sont autant de motivations à lutter contre la fracture numérique. J'ai la chance de travailler en bonne intelligence avec Mme Kosciusko-Morizet sur ce sujet, essentiel pour le ministre chargé de l'espace rural et de l'aménagement du territoire que je suis.
L'attente est immense. J'ai rencontré hier, à un concours de labour dans mon département, quatre jeunes qui s'installaient dans une ferme : leur seule question était de savoir s'ils auraient le haut débit ! Aujourd'hui, il n'est pas de vie possible sans les NTIC. Le Gouvernement entend agir, avec vous, pour lutter contre la fracture numérique, car l'accès aux nouvelles technologies est la clé de la compétitivité et de l'attractivité de nos territoires.
Certains territoires ruraux connaissent aujourd'hui un regain de vitalité. Il faut garantir un accès correct aux nouvelles technologies pour répondre à la demande de ces nouveaux habitants. L'internet, c'est la télémédecine, le télétravail, l'accès à la culture... Nous sommes prêts à aller de l'avant. L'accès universel à un débit suffisant est l'objectif du label « Haut débit pour tous », qui sera mis en place par Mme Kosciusko-Morizet d'ici la fin de l'été. Ce service minimum offrira aux foyers des zones les plus reculées, grâce au satellite, un débit de 512 kilobits pour moins de 35 euros par mois. C'est un premier pas.
Ce texte va dans le sens d'une augmentation du débit. Nous déterminerons les outils adaptés à partir du rapport que l'Arcep rendra d'ici la fin de l'année.
Vous avez évoqué le grand emprunt : sachez que la seule dépense que nous proposerons au titre de l'aménagement du territoire est la construction d'un réseau de fibre optique sur l'ensemble du territoire.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. - Très bien !
M. Michel Mercier, ministre. - Le secrétariat d'État à l'économie numérique organisera une journée d'étude en septembre : nul doute que les sénateurs qui le souhaitent y seront conviés ! (Mme la secrétaire d'État le confirme)
Le Gouvernement s'est engagé à résorber la fracture numérique outre-mer, mais attend les conclusions des états généraux. L'amendement de M. Virapoullé visant à réduire le coût des communications mobiles est un premier pas. Je m'engage à discuter avec vous des conclusions du rapport de l'Arcep sur le sujet, et à mettre en oeuvre les propositions de nature législative.
Je félicite le rapporteur d'avoir inscrit dans ce texte les dispositions relatives au passage à la télévision numérique qui consacrent les exigences du CSA en matière d'obligation de distribution. Le texte de la commission est une bonne base de départ. Le Gouvernement a prévu un accompagnement vers le tout numérique pour les foyers les plus défavorisés, qui tiendra compte des modes de réception. Il faut néanmoins aller plus loin. Le comité stratégique pour le numérique, qui se tiendra mercredi sous la présidence du Premier ministre, examinera une proposition d'aide spécifique pour les personnes défavorisées en zone blanche.
En matière de téléphonie mobile, il existe partout des zones blanches, y compris dans mon département, monsieur Maurey ! Il y a eu des avancées en 2001 et en 2003, mais il reste beaucoup à faire. Dans les zones grises, il faut à la fois mutualiser les installations et développer la concurrence, pour avoir les meilleurs tarifs et les meilleurs services.
J'ai compris que, pour beaucoup, le fonds d'aménagement numérique des territoires restait mystérieux...
M. Éric Doligé. - C'est un euphémisme !
M. Michel Mercier, ministre. - Considérez qu'il est déjà bien de l'avoir créé : ce n'était pas si facile à obtenir... Reste à trouver les moyens adéquats pour l'abonder. Un impôt nouveau n'est pas forcément la meilleure solution.
Je pense qu'il faut mieux utiliser les fonds européens. Le Gouvernement est prêt à faire pression au niveau européen pour que l'installation des réseaux de fibre optique soit éligible aux fonds structurels.
Quel est le coût ? Beaucoup de chiffres ont été cités. On a parlé de 30 à 40 milliards. Le Ciact (Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires) de ce matin estime que la réalité sera plus proche de 25 milliards, grâce à la réutilisation d'une partie des réseaux existants et à la mutualisation des travaux de génie civil. Annoncer des chiffres exorbitants, c'est la meilleure façon de ne rien faire. Il faut mutualiser, pour que les communes rurales de soient pas en fin de réseau mais dans la boucle. Avec Mme Kosciusko-Morizet, nous y travaillons.
Ces équipements représentent un combat essentiel pour l'avenir, qui aidera à nous sortir de la crise dans l'ensemble de nos territoire. C'est pourquoi je félicite à nouveau M. Pintat d'avoir déposé cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 96-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Dans les trois mois suivant la promulgation de la loi n° du relative à la lutte contre la fracture numérique, le Conseil supérieur de l'audiovisuel publie une liste complémentaire à celle des sites publiée en application de l'article 96-2. Cette liste comprend l'ensemble des sites existants propriété des collectivités locales, régulièrement autorisés et diffusant actuellement la télévision hertzienne terrestre en mode analogique.
« Le Conseil peut toutefois déroger à cette obligation pour les sites apportant une couverture utile inférieure à 250 habitants. »
M. Pierre-Yves Collombat. - Je vois qu'il n'y a ici que des défenseurs du monde rural : je suis donc confiant sur l'issue réservée à mon amendement, qui tente d'apporter une réponse modeste et prosaïque pour éviter que le territoire, après le déploiement du numérique, ne soit pas moins bien couvert qu'il ne l'était avec l'analogique.
A l'heure actuelle, ce sont 98 % à 99 % du territoire qui sont couverts par l'analogique. C'est essentiellement dans les territoires ruraux et les zones de montagne que résidaient des zones blanches, et c'est pourquoi les collectivités ont engagé des efforts pour les réduire. Or, la liste des réémetteurs à équiper, publiée à la fin de l'année dernière par le CSA, est loin d'apporter la couverture souhaitable en numérique. La loi dit 95 % du territoire. Pas moins de 91 % par département, a-t-on entendu dire. Or, nous savons tous que dans les zones de montagne, on ne les atteint pas. Je demande simplement que la situation ne soit pas pire après qu'avant.
Le coût, m'objecte-t-on, serait exorbitant pour les infortunés opérateurs. On a évoqué 850 millions d'euros par chaîne et par an. N'est-ce pas tolérable sachant que le coût de diffusion des petites installations sera très inférieur à ce qu'il est actuellement ?
M. le président. - Il est temps de conclure.
M. Pierre-Yves Collombat. - Mon argumentation vaudra pour d'autres amendements.
On va m'objecter que celui-ci est satisfait, puisque la loi prévoit une couverture à 100 %. Mais n'y a-t-il pas quelque inconvenance à considérer les ruraux des territoires privés de TNT, qui sont des citoyens au même titre que les autres, comme des populations défavorisées et à traiter ce problème de principe à coups de bricolages, de fonds sociaux sans le sou, qui consisteront in fine à refiler, comme trop souvent, le bébé aux collectivités, notamment les plus pauvres ? Mainteneurs de la ruralité, vous ne pouvez tous que voter l'amendement ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Bruno Retailleau, rapporteur. - Cet amendement ouvre une série qui porte sur le même chapitre. Comment généraliser le numérique aux auditeurs existants ? La loi inscrit dans le marbre un objectif de 100 %, dont 5 % sur des technologies alternatives.
Nous proposons d'aller au-delà, en cristallisant dans la loi le correctif départemental proposé par le CSA et qui fera que dans les départements les moins bien desservis, on numérisera les petits émetteurs couvrant de petites zones de moins de 500 habitants. Qui plus est, un accord est en cours pour la création d'un fonds qui ne ferait pas des ruraux des défavorisés mais vise à rétablir l'équité en adressant aux populations des zones blanches un financement pour s'équiper, notamment par satellite.
Avec l'analogique déjà, une quinzaine de départements étaient couverts à moins de 91 %. Il existe déjà une offre Eutelsat mais dans laquelle 1 à 2 millions de foyers ne sont couverts que par parabole.
Les propositions de la commission sont très ambitieuses et vont dans votre sens : elles visent à rétablir l'équité. Nous ne pouvons donc être favorables à votre amendement.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Tous les bancs partagent le même objectif : faire que tous aient accès au numérique, dans des conditions justes et équitables.
Votre amendement impose que soient entièrement pris en compte par les chaînes les équipements satellitaires pour l'ensemble des foyers non couverts par la TNT. (M. Pierre-Yves Collombat le conteste) La charge serait bien supérieure au chiffre que vous annoncez, je l'estime à plus de 100 millions, alors que les chaînes traversent déjà des difficultés financières.
En revanche, votre préoccupation, très légitime, d'une couverture minimale par département est prise en compte par l'article premier A nouveau, introduit par la commission, et auquel le Gouvernement est favorable.
Nous réfléchissons en outre à un dispositif de soutien spécifique, et qui n'est pas un soutien « social », pour les foyers en zone d'ombre de la TNT. Défavorable.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je comprends mal ce refus. Je n'ai pas parlé de couverture satellitaire, mais du passage au numérique des petits émetteurs. Le coût n'a rien d'astronomique. Quant à la « couverture minimale », c'est une expression purement cosmétique sans portée. Au lieu de promettre monts et merveilles, le plus simple serait quand même d'adapter ce que les collectivités locales ont construit !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - C'est nettement plus cher de numériser les petits émetteurs que de payer des paraboles !
L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.
La séance est suspendue à 19 h 30.
présidence de M. Roger Romani,vice-président
La séance reprend à 21 h 35.