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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un rapport

Logement (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 2 ter

Article 14 bis

Article 15 ter

Article 16 bis

Article 20 bis

Vote sur l'ensemble

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés (Urgence)

Discussion générale

Questions d'actualité

Suites du sommet social

M. Gérard Longuet

M. François Fillon, Premier ministre

Situation aux Antilles

M. Daniel Marsin

M. François Fillon, Premier ministre

Taxe professionnelle

M. Jean Boyer

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Situation économique et sociale dans les DOM

M. Claude Lise

M. François Fillon, Premier ministre

Crise à la Réunion

Mme Gélita Hoarau

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer

Crise à la Guadeloupe

Mme Lucette Michaux-Chevry

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Crise économique et sociale

M. François Patriat

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

Statut des enseignants-chercheurs

M. Alain Gournac

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Ouragan Klaus

M. Jean-Louis Carrère

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports

Politique familiale du Gouvernement

M. Antoine Lefèvre

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille

Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés (Urgence - Suite)

Discussion générale (Suite)

Question préalable

Discussion des articles

Article premier




SÉANCE

du jeudi 19 février 2009

71e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

Secrétaires : Mme Anne-Marie Payet, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article 120 de la loi du 30 décembre 1991 de finances pour 1992, le rapport sur les conditions de mise en oeuvre de l'agrément prévu en faveur des investissements réalisés dans certains secteurs économiques des départements et collectivités d'outre-mer en 2007.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Logement (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

Discussion générale

M. Dominique Braye, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Nous voici au terme d'un petit marathon législatif qui a débuté, pour le rapporteur du Sénat, à la fin du mois d'août, suivi, pour la préparation de la CMP, d'un véritable sprint puisque les députés ont adopté le projet de loi une semaine avant sa réunion.

Je voudrais d'abord rendre hommage aux deux présidents des commissions des affaires économiques, MM. Jean-Paul Emorine et Patrick Ollier, qui ont contribué à la construction de ce compromis et aussi au bon climat qui a régné sur tous les bancs tout au long de notre réunion. Je souhaite également saluer l'ouverture d'esprit de M. Michel Piron, rapporteur de l'Assemblée nationale, et remercier les rapporteurs pour avis, Mme Brigitte Bout et M. Philippe Dallier, qui m'ont accompagné tout au long des débats au Sénat.

Notre tâche n'était pas mince : parti de 27 articles, le projet de loi en comptait, après le vote de notre assemblée, près de 70. Après l'examen par l'Assemblée nationale, nous devions nous prononcer sur 114 articles restant en discussion. La commission mixte devait donc réaliser un travail considérable dans des délais plus que resserrés. Cela dit, je crois que le compromis auquel nous sommes parvenus est satisfaisant.

D'abord, je me réjouis que les députés se soient rangés au point de vue du Sénat sur l'article 17 qui proposait de revenir sur le mode de calcul des obligations des communes au titre de l'article 55 de la loi SRU. Ce texte constitue, en soi, une performance, puisque c'est la première fois depuis longtemps qu'une loi sur le logement ne revient pas sur ce dispositif, dont les grands équilibres sont, je l'espère, désormais stabilisés.

Ensuite, l'Assemblée nationale a opportunément complété ou modifié les dispositifs qui n'étaient pas totalement satisfaisants à l'issue des délibérations du Sénat. Je pense en premier lieu au prélèvement sur les ressources financières des bailleurs sociaux qui ne construisent pas suffisamment, dont nous avions repoussé la date d'application au 1er janvier 2011. Sur ce point, les députés sont revenus à une date plus raisonnable, le 1er janvier 2010, tout en prévoyant un système transitoire en 2010 pour limiter les inconvénients de ce prélèvement que certains jugeaient trop précoce.

Je pense en second lieu à l'élargissement des missions de l'Anah, notamment en matière d'humanisation des centres d'hébergement. Le Sénat, comme en première lecture, soutient cette mesure à condition que les moyens dont l'agence disposera pour assumer cette nouvelle mission soient garantis.

A l'article premier, qui concerne les conventions d'utilité sociale, la CMP en est restée à l'économie générale voulue par le Sénat tout en retenant la modification proposée par le président Ollier prévoyant une modulation obligatoire du système des surloyers, dans les zones tendues.

Sur l'article 3, la CMP a entériné les grands équilibres de la réforme du 1 % logement en retenant la formule proposée par le rapporteur de l'Assemblée nationale prévoyant que la répartition des ressources de ce 1 % sera désormais effectuée par décret pris après concertation -j'y insiste- avec les partenaires sociaux. De même, le Gouvernement sera tenu d'engager, tous les trois ans, une concertation avec ces partenaires sociaux sur les emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction. Par ailleurs, conformément à ce que nous avait proposé notre collègue Philippe Dallier, ces répartitions de crédits feront l'objet d'un document de programmation triennal et d'une proposition annuelle qui seront joints aux projets de loi de finances. De la sorte, nous avons concilié la nécessité de préserver une marge de manoeuvre aux partenaires sociaux tout en trouvant une formule intelligente associant le Parlement à l'orientation de ces ressources.

Au chapitre premier bis consacré à la copropriété, nous avons d'abord rétabli la dispense pour les organismes HLM de constituer des avances pour provisionner les gros travaux dans les copropriétés issues de la vente HLM. Ensuite, nous avons amélioré la disposition adoptée par les députés sur la vente des parkings en donnant aux copropriétaires une priorité pendant deux mois en cas de cession d'un lot exclusivement à usage de stationnement au sein de la copropriété. Nous avons aussi amélioré la procédure d'état de carence des copropriétés permettant les acquisitions pour cause d'utilité publique par les collectivités. Enfin, nous avons renforcé les conditions de majorité pour la suppression du poste de gardien ou de concierge et de son logement.

Sur le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, les députés n'avaient apporté que deux modifications substantielles en prévoyant la création de fonds locaux de requalification des quartiers anciens dégradés, et en ouvrant le bénéfice du « Malraux » aux restaurations d'immeuble dans ces quartiers. La commission mixte a conservé ces deux précisions.

Sur la partie « urbanisme », la commission mixte paritaire a validé toutes les dispositions nouvelles introduites par le Sénat à l'initiative de votre commission, afin de donner aux élus des outils supplémentaires de maîtrise du foncier ou d'améliorer les outils existants : élargissement du droit de préemption urbain sur les cessions de parts de SCI, suppression du droit de délaissement en contrepartie de l'obligation de construire des logements sociaux, renforcement des liens entre PLU et PLH, ou encore modification de l'assiette de la taxe sur les terrains rendus constructibles afin de retenir la plus-values effectivement réalisée et non le prix de vente.

La principale modification apportée par la CMP a concerné l'article 10 ter, introduit par l'Assemblée nationale et qui supprimait la zone C du plan d'exposition au bruit de l'aéroport d'Orly. La commission a rétabli les règles d'urbanisme existantes dans le périmètre de l'actuelle zone C, avec un assouplissement permettant au préfet de prévoir, dans les secteurs de renouvellement urbain, un accroissement limité de la population. Elle a également adopté une disposition empêchant toute extension ultérieure de la zone C.

J'en viens aux améliorations des dispositifs fiscaux existants. En définitive, la CMP a maintenu l'augmentation de 45 à 60 % du taux de déduction forfaitaire pour les bailleurs qui conventionnent leurs logements au niveau de ressources des occupants d'appartements à loyers « très sociaux ». Elle a également étendu aux logements « intermédiaires » conventionnés avec l'Anah le taux de 70 % de déduction dans le cas où ces logements sont mis à la disposition d'une association utilisant ces logements pour la sous-location ou l'hébergement de personnes défavorisées.

Le Sénat avait souhaité exclure les personnes de plus de 70 ans de l'application des mesures dites de mobilité qui devraient permettre d'instiller un soupçon de fluidité dans le parc locatif social. Les députés avaient ramené, dans des conditions de transparence discutables, cet âge à 60 ans. Vous ne serez donc pas étonnés que la CMP ait, en définitive, décidé de retenir l'âge de 65 ans...

Au sujet des locataires aux ressources au moins deux fois supérieures aux plafonds HLM, la commission a approuvé l'exclusion proposée par les députés pour les personnes occupant un logement faisant, en cours de bail, l'objet d'une convention. En revanche, nous avons précisé que cette exclusion ne s'appliquerait qu'aux locataires installés préalablement à l'entrée en vigueur de la convention et non aux occupants suivants.

Enfin, les députés avaient limité le montant du « loyer plus surloyer » au niveau des loyers plafonds prévus pour les mécanismes d'amortissement « Robien ». Initialement réservé sur ce dispositif, je me suis en définitive rallié à la solution proposée par le rapporteur de l'Assemblée nationale, qui prévoyait un plafonnement ad hoc par décret.

Je serai naturellement extrêmement vigilant, en particulier sur les surloyers.

Les chapitres 5 et 6 ont été améliorés. Le Sénat avait souhaité des détecteurs de fumée dans tous les logements et le président Emorine a efficacement relayé le travail de M. Beaumont, rapporteur de la proposition de loi sur ce sujet. Les frais d'entretien des détecteurs normalisés -la nouvelle expression générique- incombera aux propriétaires des logements saisonniers, des foyers, des logements de fonction et des meublés. Le décret fixera les mesures de sécurité à mettre en oeuvre dans les parties communes car c'est là que prend le tiers des incendies domestiques. Les sociétés d'assurances auront l'obligation de baisser leurs tarifs en cas d'installation et d'entretien de détecteurs. Enfin, leur installation sera obligatoire dans les trois ans après la publication de la loi.

Résumer une centaine d'articles en une dizaine de minutes tenait de la gageure. La commission mixte paritaire a retenu un texte équilibré que je vous invite à adopter. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christine Boutin, ministre du logement.  - J'adhère totalement au texte de la commission mixte paritaire. Les débats qui ont eu lieu au Sénat en octobre et tout récemment à l'Assemblée nationale ont été passionnants et d'une grande justesse. Ils se sont déroulés dans un climat de respect réciproque. Je remercie les rapporteurs qui ont su faire partager leurs positions sur ces sujets complexes. Vous avez voulu construire avec le Gouvernement un projet partagé et l'ancienne parlementaire que je suis a la conviction que le travail législatif doit s'effectuer dans cet esprit.

Les défis que la France est appelée à relever nous y incitent. Nous devons réunir nos forces et nos compétences, agir collectivement pour maintenir un haut niveau de production de logements, car 10 000 logements construits de moins, c'est 20 000 chômeurs de plus. Il est indispensable de lutter contre tous les types d'exclusion afin de faire vivre la mixité et l'égalité des chances, ces valeurs que porte la République.

Nous avons la volonté d'y parvenir et les dispositions innovantes du projet, associées au plan de relance, nous donnent des outils efficaces et instaurent une nouvelle culture de la responsabilité, du résultat et de l'efficacité. Les bailleurs sociaux devront engager une réflexion stratégique en relation avec les collectivités locales ; la gouvernance du 1 % est refondue : il appartiendra au Gouvernement et aux partenaires sociaux de mettre fin aux dysfonctionnements mis en évidence par la Cour des comptes, dont j'avais lu les conclusions avec satisfaction. Ce projet et le plan de relance donneront ainsi les moyens d'amplifier encore l'effort de construction de logement ; ce sera notre priorité pour répondre à la crise.

Pour aider les plus fragiles à accéder au logement et à s'y maintenir, nous réformons entièrement un dispositif peu lisible et inadapté. Vous avez aussi consolidé juridiquement le droit au logement opposable en tenant compte des spécificités de l'Ile-de-France. Des mesures très concrètes favoriseront les initiatives en faveur des exclus, ainsi de l'intermédiation locative.

Rien ne pourra se faire sans les acteurs locaux : d'où la nouvelle impulsion que donne ce projet. Je veux en effet tous les mobiliser, car ils sont le fer de lance de cette nouvelle dimension de la politique du logement. Ils auront à leurs côtés l'ensemble des acteurs du logement.

Nous devons tous oeuvrer à relever le défi de la crise immobilière. Je remercie la commission mixte paritaire qui a travaillé dans des délais très courts mais a retenu un texte très abouti, que nous devons maintenant mettre en oeuvre. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Françoise Laborde.  - Je veux d'abord dénoncer les conditions de travail imposées à notre Assemblée : le rapport de la commission mixte paritaire n'est pas disponible ni consultable en ligne.

La France s'enfonce dans une crise du logement sans précédent. On ne construit pas assez, et l'on construit trop cher, de sorte que 3,5 millions de Français sont mal logés et que 6,5 millions connaissent une situation de grande fragilité. Ces chiffres alarmants soulignent l'inefficacité des politiques publiques conduites jusqu'ici. Qui plus est, la mobilité sociale est très inégale, les plus modestes étant assignés à résidence dans des quartiers en difficulté et dans des logements dégradés. La crise économique accroît encore ces situations dramatiques.

Le début 2008 avait été prometteur : mise en oeuvre du droit au logement opposable, premier rapport Pinte, nomination d'un délégué général, annonce d'une nouvelle loi. L'habitat allait-il être le grand chantier prioritaire annoncé par le Président de la République ? Hélas ! La laborieuse mise en oeuvre du droit au logement ne garantit pas un toit aux publics prioritaires. Le nombre de recours demeure bien faible -il est vrai que la communication est restée confidentielle... Au déficit d'information et aux hésitations s'ajoute l'incertitude sur les logements mobilisables.

La loi Droit opposable au logement restera lettre morte si on ne construit pas plus. La majorité en a-t-elle la volonté ? Elle privilégie les logements intermédiaires et tente de remettre en cause l'article 55 de la loi SRU. La vigilance des sénateurs a vaincu ses velléités et les députés ont eu la sagesse de ne pas y revenir.

Votre texte contenait certes des mesures intéressantes, mais nous les avons améliorées.

Mme Christine Boutin, ministre.  - C'est le travail parlementaire.

Mme Françoise Laborde.  - Il n'en envoie pas moins des signaux négatifs alors qu'il faudrait mobiliser tous les acteurs du logement : c'est la volonté politique qui fera bouger les lignes. L'État ne peut s'affranchir de l'effort qu'il demande aux autres ; il doit être exemplaire mais le plan de relance est insuffisant...

Mme Christine Boutin, ministre.  - 1,8 milliard !

Mme Françoise Laborde.  - La politique menée ces dernières années a provoqué une spéculation sur le foncier et un renchérissement des logements. Dès lors, vos propositions sont perçues comme une mainmise sur le magot du logement social. Le RDSE n'est pas opposé à une mutualisation des moyens des organismes HLM ni à une réforme du 1 % logement, mais ce n'est pas en encadrant les bailleurs sociaux et en écartant les acteurs locaux que vous obtiendrez des résultats. Les articles 2 et 3 atténuent cet excès d'autoritarisme et le prélèvement sur les organismes HLM interviendra progressivement.

Nous aurions néanmoins préféré, comme le Sénat l'avait souhaité, que ce prélèvement soit reporté à 2011. L'exigence d'une concertation avec les partenaires sociaux sur l'emploi des fonds du 1 % logement est bienvenue, à condition que le Gouvernement ne cherche pas, par ce texte, à compenser le désengagement financier de l'État. De même, pour que le plan national de requalification des quartiers anciens dégradés n'entraîne pas une gentrification, l'État devra veiller à ce que les plus démunis aient accès aux logements réhabilités. Plusieurs amendements en ce sens ont été adoptés. Mais, en matière de mixité sociale, les bonnes intentions ne suffisent pas ; a fortiori, lorsque des fonds publics sont mobilisés. D'ailleurs, je regrette que la CMP ait entériné le choix des députés d'abaisser l'objectif de production de logements sociaux de 30 000 à 25 000.

Je me réjouis que des mesures visant à améliorer la mixité sociale aient été retenues par la CMP ; je pense à celles introduites par le Sénat, notamment le droit de préemption urbain au bénéfice de l'État dans les communes qui, sciemment, mènent une politique discriminatoire en matière d'habitat et la faculté accordée aux maires d'inscrire dans les PLU des zones réservées au logement social, mais aussi au recentrage des dispositifs Robien et Borloo sur les zones les plus tendues. En revanche, la remise en cause du droit au maintien dans les lieux me laisse perplexe : pourquoi les plus modestes devraient-ils être privés de leur logement, dernier refuge de la cellule familiale dans une société où l'individualisme prévaut, quand bien même ils le sous-occupent ? Des amendements ont limité cette remise en cause, notamment pour les plus de 65 ans, ce qui est heureux, compte tenu de la situation critique des personnes âgées qu'a soulignée le rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement.

Dans le contexte actuel, la diminution du plafond de ressources pour l'attribution des logements sociaux risque de plonger beaucoup de nos concitoyens dans la précarité, malgré le report de la mesure dans trois mois. Certes, madame la ministre, vous avez consenti une application différée de trois mois. Mais, à cette date, la crise sera-t-elle derrière nous ? Cet optimisme tranche avec le pessimisme affiché par le Gouvernement pour justifier les restrictions imposées aux Français. Enfin, pourquoi attendre l'hiver pour se préoccuper des sans-abri ? Les parlementaires ont enrichi ce volet du texte, considérant que la question de l'hébergement d'urgence est étroitement liée à celle du manque de logements.

Pour conclure, comme tous les Français, les membres du groupe RDSE souscrivaient aux objectifs du Gouvernement : construire des logements, favoriser l'accession populaire à la propriété, ouvrir l'accès au parc de logements HLM, lutter contre l'habitat indigne. Hélas !, nos espoirs ont été déçus face à un projet de loi initial dépourvu de toute ambition. Malgré les enrichissements apportés par le débat parlementaire, le compte n'y est pas. Pas de signes tangibles, dans ce texte, d'une vraie mobilisation de l'État en faveur du logement, d'un investissement massif dans le locatif social ; bref, pas de mesures qui auraient un impact à court ou moyen terme sur les difficultés rencontrées par les Français. C'est pourquoi la très grande majorité des membres du RDSE et l'ensemble des radicaux de gauche ont décidé de voter contre. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Madame Laborde, je tenais à vous informer que le rapport de la CMP a été distribué ce matin.

Mme Françoise Laborde.  - Certes, mais il n'était pas disponible cette nuit à 1 heure du matin...

Mme Odette Terrade.  - Exact !

M. le président.  - Il a été distribué ce matin, et j'ai demandé aux huissiers de vous en faire parvenir un exemplaire, ainsi qu'à tous les sénateurs présents qui le souhaitent. (Les huissiers distribuent le rapport de la CMP dans l'hémicycle)

M. Michel Teston.  - Appelé à suppléer M. Repentin qui n'a pu être présent, je ne manquerai pas de vous exposer très exactement son point de vue. A l'issue d'un débat fort en rebondissements, nous voici appelés à nous prononcer définitivement sur un projet de loi qui porte bien mal son nom. De fait, il s'agit plutôt d'un projet de démobilisation de l'État ! Pour pallier l'incurie du Gouvernement, vous organisez le pillage des organismes HLM, le pillage de la Caisse de garantie du logement locatif social, le pillage du 1 %. (Exclamations au banc de la commission) Madame la ministre, malgré vos efforts pour nous en convaincre, l'État ne se mobilise pas pour le logement. Nous aurions aimé une seconde lecture, mais désormais l'examen en urgence est la règle. Nous voterons contre, malgré les avancées adoptées à votre corps défendant. Citons la suppression de l'article 17 et l'introduction de l'article 14 bis, que vous avez accepté à l'Assemblée nationale après l'avoir combattu au Sénat. Nous voterons contre parce que le texte désorganisera la construction sur les territoires. Le recentrage du « Robien » est vidé de sa substance par l'adoption du « Scellier » en loi de finances ainsi que par les perspectives de modification des PLU combinées au texte sur la relance. Nous voterons contre parce que les concessions que vous avez faites à la majorité sont scandaleuses. Vous avez entériné un bouclier fiscal logement en soutenant les amendements Lamour et Goujon ! (M. Dominique Braye, rapporteur, proteste)

Mme Christine Boutin, ministre.  - D'habitude, le Sénat est plus nuancé...

M. Michel Teston.  - Vous insultez les locataires de bonne foi, les classes moyennes, que vous chassez sans ménagement du parc social. Nous voterons contre ce texte, enfin, parce que vous l'avez truffé de cavaliers. Quel rapport entre la ratification de l'ordonnance qui prévoit d'appliquer le code des communes aux communes de Polynésie et ce texte ? Pire, un amendement est proposé en CMP qui modifie la représentation dans les conseils d'administration des organismes interdépartementaux de HLM à la seule fin qu'un élu de votre département prenne la présidence de son organisme !

Mme Christine Boutin, ministre.  - Faux !

M. Michel Teston.  - Ce texte, qui aurait pu être amélioré, s'est terriblement aggravé. Nous voterons contre ! (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.  - Au moins, c'est court !

Mme Muguette Dini.  - A l'issue des débats, mon groupe juge que le texte, globalement satisfaisant, est bienvenu, alors que la crise du logement, malgré les réformes successives, est accentuée par la dégradation de la conjoncture économique. Nous souscrivions, dès le départ, à ses objectifs, et nous nous réjouissons d'avoir obtenu satisfaction sur trois points que nous considérions comme cruciaux, à commencer par la suppression de l'article 17 qui comptabilisait l'accession sociale à la propriété dans le quota de logements sociaux et, partant, remettait en cause l'objectif de l'article 55 de la loi SRU. Ensuite, bien que nous ne soyons pas opposés à la rotation dans les logements sociaux organisée à l'article 20 du projet de loi, nous souhaitions qu'elle ne s'applique pas dans les quartiers sensibles afin d'en finir avec les ghettos. Enfin, nous nous réjouissons du fléchage du financement du 1 % logement vers les salariés les plus modestes et du rétablissement de la possibilité pour les pouvoirs publics d'abonder le fonds de garantie universelle du risque locatif.

En outre, je veux souligner deux acquis de ce texte : les structures intercommunales dotées de la compétence personnes âgées pourront louer des logements à des bailleurs sociaux, qui les sous-loueront à des personnes âgées ; les HLM et les SEM de construction pourront confier à un cabinet d'études une mission portant sur la réalisation des études et l'exécution des travaux, lorsque l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage est rendue nécessaire pour des raisons techniques.

En revanche, notre groupe regrette que la CMP ait rejeté notre proposition de reporter au 1er janvier 2011 l'entrée en vigueur du dispositif créant un prélèvement sur les bailleurs sociaux investissant peu et que seule une concertation préalable des organisations syndicales soit nécessaire concernant l'emploi du 1 % logement. Ce n'est pas conforme à l'idée que nous nous faisons de la démocratie sociale.

Cependant, les débats se sont déroulés dans un esprit d'écoute et de collaboration constructive.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Merci !

Mme Muguette Dini.  - Nous voterons donc le texte, bien que des efforts considérables restent à accomplir, notamment en matière de production de logements très sociaux. A cet égard, la diminution du budget dans un contexte aussi dégradé est un mauvais signal. Aussi veillerons-nous, madame la ministre, à ce que l'État ne se désengage pas et nous continuerons à vous faire des propositions ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Odette Terrade.  - Nous voici donc arrivés, après quelques péripéties, au bout des discussions de ce texte.

Je commencerai par quelques observations de caractère formel.

D'abord, l'urgence déclarée semblait traduire la volonté gouvernementale de faire face à une crise aggravée du logement. Notre première lecture s'est déroulée entre le 14 et le 21 octobre. Nous sommes aujourd'hui le 19 février, si bien que le débat engagé juste avant la trêve hivernale des expulsions s'achèvera cinq mois plus tard, à la fin de celle-ci. Voilà qui relativise l'urgence invoquée. Mais nous ne nous plaignons pas du retard pris par ce texte auquel nous nous sommes opposés dès la première lecture pour des raisons de fond.

J'observe également que les 27 articles du projet initial sont devenus 70 après la première lecture au Sénat, le texte modifié par l'Assemblée nationale en comportant 139. Même avec les ajustements opérés par la CMP, le volume du texte aura donc quintuplé. Cette enflure trouve évidemment sa source dans l'impréparation du projet de loi, que nous avions soulignée en octobre. On nous dit pourtant que c'était la cinquième ou sixième mouture du texte !

En première lecture au Sénat, le Gouvernement a déposé 16 amendements. Il a récidivé 23 fois devant l'Assemblée nationale, dans la plupart des cas pour insérer un nouvel article. Aujourd'hui encore, le Gouvernement propose cinq modifications...

M. Charles Revet.  - C'est pour la bonne cause !

Mme Odette Terrade.  - ...à un texte qui nous a été remis en séance grâce à la bienveillance du président.

Comme il est d'usage en pareil cas, les commissions ont été priées de proposer d'autres dispositions complétant le texte initial. Ainsi, 80 % des 180 amendements présentés par le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale ont été adoptés, amendements qui avaient souvent pour caractéristique d'abriter un souhait ministériel. Cela mérite d'être souligné au moment où nous examinons les nouvelles modalités du débat parlementaire. A contrario, seuls huit des 125 amendements déposés par les collègues députés ont été retenus. Avec 36 amendements adoptés sur 235 déposés, nos collègues députés socialistes n'ont guère été mieux lotis. Il faut dire qu'en octobre, seule une trentaine d'amendements déposés par l'opposition sénatoriale avait été prise en compte.

En définitive, 681 amendements ont été déposés au Sénat, plus d'un millier à l'Assemblée nationale, et, pour faire bonne mesure, la CMP en a encore examiné 174 avant-hier. Cette manière de faire n'est pas respectueuse des droits du Parlement car elle dissimule jusqu'au dernier moment des mesures parfois significatives. Elle permet aussi d'éviter l'appréciation critique du Conseil d'État sur bien des points. Enfin, le Gouvernement instrumentalise les commissions, transformées en troupes auxiliaires chargées de soutenir les dispositions les plus sujettes à caution. Tout cela réduit l'initiative parlementaire à sa plus simple expression. Voulez-vous une preuve ? Seule une vingtaine d'amendements issus de la majorité sénatoriale ont été adoptés.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Le rapporteur est totalement autonome, il ne se sent pas du tout petit soldat du Gouvernement.

Mme Odette Terrade.  - Je l'espère !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Vous venez de dire le contraire !

Mme Odette Terrade.  - Voilà qui préjuge étrangement des nouvelles modalités de discussion du projet de loi, car les détournements de procédure et le refus de prendre en compte la diversité des approches l'emportent sur la volonté à faire en sorte que la loi exprime l'intérêt général.

De l'intérêt général, il est évidemment question dans cette loi au titre séduisant. Il est vrai que, depuis le mois d'octobre, la situation du logement a gagné en urgence, ne serait-ce qu'en raison du décès de plusieurs personnes sans domicile fixe, victimes de la vague de froid qui a frappé le pays dès le mois de décembre.

Au moment où le Gouvernement s'évertuait à expliquer comment faire plus avec moins de crédits, ce texte prit aussi un sacré coup de froid lorsque le collectif budgétaire de fin 2008 a retiré 120 millions d'euros à la rénovation urbaine. Selon l'exposé des motifs, il s'agissait « d'ajuster la subvention versée à l'agence nationale de rénovation urbaine (Anru) », qui disposait d'une ample trésorerie disponible, tout en réduisant de 14,7 millions les besoins de paiement sur les grands projets de ville. Rappelons que l'annulation de 120 millions venait en déduction de crédits de paiement inscrits dans la loi de finances initiale pour 227,3 millions d'euros.

Les habitants des quartiers sensibles peuvent toujours attendre la réfection des ascenseurs, la rénovation des cités où la construction de nouveaux logements sociaux : l'intérêt général commandait que l'État mette de côté 120 millions d'euros.

Mais cette fameuse situation de trésorerie de l'Anru, qui lui permet de supporter sans broncher un tel manquement de l'État, ne trouve-t-elle pas sa source dans la non-utilisation des crédits disponibles pour réhabiliter, rénover et reconstruire la ville ? Où est passé le plan Marshall des banlieues ?

Décembre fut donc difficile, puisque vous aviez accepté de payer un lourd tribut à la régulation budgétaire, sur le dos des plus modestes. Janvier fut-il plus heureux ? Il devenait impératif d'agir, puisque la loi sur le droit au logement opposable (Dalo) commençait à montrer ses limites. Il faut effectivement changer de braquet quand on voit qu'à Paris ou dans la petite couronne, 1 % des demandes au titre de la loi Dalo sont prises en compte ! Si bien que 1 157 millions d'euros de nouvelles autorisations d'engagement ont été inscrits dans le plan de relance, mais seulement 760 millions au titre des crédits de paiement, soit 5 milliards des ex-francs français.

Et voici que l'on retrouve 200 millions d'euros dans le collectif budgétaire de janvier. Qu'en dit l'exposé des motifs ? Que le programme national de rénovation urbaine, dont la mise en oeuvre est assurée par l'Anru, vise à rénover certains quartiers prioritaires de la politique de la ville, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable. Il est ajouté qu'un financement complémentaire de 350 millions d'euros en autorisation d'engagement et de 200 millions d'euros en crédits de paiement, accordé dans le cadre du plan de relance, abondera des subventions en faveur de projets gelés pour des raisons financières, le montant total des travaux correspondant à cette enveloppe exceptionnelle étant estimé à 1 150 millions d'euros. Il était précisé enfin que les projets devaient être exemplaires en termes de qualité environnementale et favoriser la mixité sociale. Allez, encore un effort, et vous ajouterez une éco-conditionnalité des aides à la rénovation urbaine ! On peut comprendre que l'on veuille permettre aux locataires de moins dépenser pour leur chauffage mais on trouvera aussi, dans ces conditions, de bonnes raisons pour ne pas accorder de financement...

Surtout, en décembre, on nous disait que l'Anru pourrait supporter le désengagement de l'État, pour avouer en janvier que certains investissements étaient gelés faute de financement !

Soyons clairs : ce n'est pas la première fois que les crédits de la rénovation urbaine subissent un tel tour de passe-passe budgétaire. C'est l'action de l'Anru qui est ainsi mise en question. D'où le retard de la rénovation urbaine, l'exercice de rattrapage tenté en janvier ne devant pas faire illusion.

Depuis longtemps, la seule logique qui anime le Gouvernement en ce domaine consiste à ne pas satisfaire les attentes de la population, tout en accentuant une politique de l'offre qui a montré son inadéquation à la demande. C'est ainsi que le collectif de décembre, après avoir taillé dans le vif les crédits de la rénovation urbaine, a introduit un nouveau dispositif d'incitation à l'investissement immobilier privé, après les désastreux dispositifs Robien et Borloo, qui ont fait construire des logements vacants dont la mise sur le marché à des tarifs élevés contribue à la hausse des loyers dans le voisinage !

On me dira que tout cela ne figure pas dans le texte. Hélas ! Nous sommes en plein dedans. En effet, à quoi sert l'article premier, sinon à imposer aux bailleurs sociaux une politique patrimoniale différenciée organisant une forme de ségrégation et à les contraindre de vendre certains logements pour se financer ?

A quoi sert l'article 2, qui oblige les organismes HLM à solliciter les locataires pour compenser le désengagement de l'État ? A quoi sert l'article 3, qui « rackette » les organismes collecteurs de l'ancien « 1 % logement », devenu la caisse où l'État puise pour se désengager encore plus ?

A quoi sert l'article 4, sinon à faire payer par le secteur HLM l'échec des politiques d'incitation à l'offre locative privée, puisque les bailleurs sociaux pourront désormais acquérir les logements que les promoteurs ne réussissent pas à vendre ?

De même, à quoi sert la philosophie générale de l'article 20, toujours aussi discriminatoire et honteux ? Il avoue l'échec d'un Gouvernement qui n'a peut-être pas la capacité financière, et sûrement pas la volonté politique d'une construction audacieuse de logements sociaux. On désigne donc de commodes boucs émissaires à la vindicte populaire : les logements sociaux seraient occupés par des ménages aux ressources excessives qu'il faudrait faire décamper au plus tôt. Les chiffres les plus fantaisistes ont circulé sur le nombre de locataires susceptibles de vider les lieux. Allez donc expliquer à un jeune couple de salariés vivant en province ou à de jeunes fonctionnaires sans enfants vivant en région parisienne qu'ils sont trop riches pour se voir attribuer un logement social ! Laissez-les aux prises avec les emprunts immobiliers refusés par les banques et les loyers du secteur privé qui consomment jusqu'au tiers de leurs ressources !

En première lecture, le président Fourcade, qui connaît l'état du marché immobilier, notamment en Ile-de-France, avait démontré qu'un nombre croissant de ménages moyens privés du droit au logement social risquaient de ne pas pouvoir louer dans le secteur privé. L'article 21 sur l'abaissement des plafonds de loyers consacre d'ailleurs cette logique.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Encore une fois, vous défendez les riches !

Mme Odette Terrade.  - Vous vous méprenez, monsieur le rapporteur. En revanche, les vrais riches, vous les défendez bien !

En prétendant lutter contre l'exclusion, ce texte organise une nouvelle exclusion, car il frappe les couches salariées moyennes, sans résoudre les problèmes de logement.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Ce n'est pas possible d'entendre cela !

Mme Odette Terrade.  - Vous voulez libérer plusieurs dizaines de milliers de logements sociaux de leurs occupants pour éviter d'en construire des neufs.

Paradoxalement, le plan de relance du Gouvernement va commencer par réduire le nombre de logements sociaux disponibles. En effet, la Caisse des dépôts et consignations va participer au Fonds stratégique d'investissement. Or, comme elle a besoin d'argent frais, elle va vendre 35 000 logements sociaux à sa filiale immobilière Icade, après les avoir déconventionnés.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Il ne faut pas tout mélanger !

Mme Odette Terrade.  - Quelles seront les conséquences de cette opération de grande envergure destinée à utiliser l'argent du logement social au profit de grands groupes du bâtiment ? Avec cette loi, nous allons assister à la fois à la dissolution d'un patrimoine social important et à l'exclusion du droit au logement social d'un nombre croissant de foyers !

Quand quelques spécialistes budgétaires s'indignent de constater que 70 % des ménages peuvent demander un logement social, il faut les ramener à un peu plus de raison. Grâce aux politiques de déflation du coût du travail et de réduction du pouvoir d'achat des retraites, 50 % des foyers fiscaux ne paient pas d'impôt sur le revenu. Au demeurant, ce chiffre va sans doute encore augmenter, après les annonces du Président de la République d'hier soir. Que 20 % des 50 % restants puissent avoir accès au logement social n'a rien de scandaleux et respecte le principe de mixité sociale. Cantonner ce type de logements aux ménages non imposables reviendrait à stigmatiser le logement HLM et la population qui y réside.

Le véritable problème tient à l'insuffisance du nombre de logements sociaux et aux difficultés pour accéder au secteur privé. Pourquoi construire aussi peu de logements sociaux en 2009 et continuer à encourager des programmes de logements défiscalisés à la rentabilité incertaine ?

Alors que notre pays reste une des premières puissances économiques mondiale, ce projet de loi marque un nouveau recul en matière de droit au logement, notamment en ce qui concerne les sans-domiciles fixes, les sans-abris et les victimes des habitats insalubres et indignes. Ainsi, l'hébergement d'urgence va être assimilé au logement. Une procédure Dalo pourra aboutir à l'attribution d'une place dans une structure d'hébergement, ce qui est un comble ! Ensuite, les communes ne se conformant pas aux exigences en matière de construction de structures d'accueil pourront reporter sur l'intercommunalité cette charge. Dès lors, les communes résidentielles adhérant à une structure intercommunale comprenant des villes populaires s'étant conformées à leurs obligations légales pourront s'exonérer du moindre effort ! Les centres d'accueil pour sans-abris, c'est bon pour Vénissieux ou Vaulx-en-Velin et, du coup, ils deviennent inutiles pour les communes du Mont-d'Or !

J'en viens au cas spécifique de l'Ile-de-France où la proportion des ménages dont les ressources excèdent les plafonds HLM est la plus importante. N'oubliez pas ce fait, au moment où vous vous apprêtez à réduire ces plafonds : moins les ménages auront accès au logement social, plus les loyers dans le secteur privé vont augmenter ! La région capitale est déjà en tête, et de loin, en matière de procédures Dalo. Or, ce projet de loi va autoriser le relogement et même l'hébergement dans les huit départements de l'Ile-de-France. Ainsi, demain, un ménage mal logé à Pantin et dont l'un des membres travaille à Neuilly-sur-Seine pourra être relogé à Étampes ou à Provins ! N'y a-t-il pas là travestissement, voire perversion, du dispositif adopté en janvier 2007, époque propice à toutes les promesses électorales ?

Je n'ai, par souci de concision (exclamations à droite et sur les bancs de la commission), consacré que peu de temps au texte de la commission mixte paritaire. Nous refusons une politique du logement qui tourne le dos au droit au logement et qui privilégie le profit au détriment des locataires. Or, le logement n'est pas une marchandise. Le jour où la politique du logement du Gouvernement respectera les principes d'égalité, de justice sociale, et permettra de lutter contre les discriminations dont souffrent les plus vulnérables, nous voterons les textes qui nous seront présentés. Pour l'heure, tel n'est pas le cas, et c'est pourquoi nous ne voterons pas le texte de la commission mixte paritaire...

M. Charles Revet.  - C'est une erreur !

Mme Odette Terrade.  - ...dont le titre est manifestement trompeur. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je vous remercie pour votre concision. (Sourires)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Comme Mme Terrade, je vais faire un effort de concision. Je veux vous interroger, madame la ministre, sur les diligences que vous allez prendre à propos des zonages des constructions de logements locatifs dans le parc privé.

En ces temps de crise, il faut avoir à l'esprit que le secteur du bâtiment est un levier considérable pour sauvegarder l'emploi. Par conséquence, toute modification des incitations fiscales doit être examinée avec attention. Pour répondre aux besoins actuels, il faudrait sans doute construire entre 400 et 500 000 logements sociaux par an. Pour 2008, nous serons sans doute en deçà de 370 000 constructions neuves. Veillons donc à ne pas freiner ce mouvement.

Certes, il faut revoir le dispositif actuel : la loi Robien à certainement suscité quelques dérives et des investisseurs se sont égarés dans des programmes de constructions qui ne répondaient pas aux besoins de nos concitoyens. Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative voté fin 2008, nous avons mis en place une mesure pour recentrer ces aides fiscales afin que d'ici un an, elles puissent se substituer à celles en vigueur, notamment le Robien. Mais nous avons eu connaissance d'un avant-projet du Gouvernement qui a suscité des inquiétudes et des protestations. Nous voudrions être sûrs que ce dispositif ne se limite pas à l'état des stocks de logements non occupés. Certes, certains programmes n'ont pas correspondu aux attentes de la population.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - C'est marginal !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je veux m'assurer que le Gouvernement retiendra des critères plus subtils que le simple état des stocks. De grâce, ne vous en tenez pas à lui seul : sinon, les nouveaux logements seraient inadaptés à la demande et ils auraient du mal à trouver des occupants. Toute explication de votre part, madame la ministre, sera la bienvenue. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Christine Boutin, ministre.  - Sans polémiquer, je veux rappeler des chiffres incontestables : en cette période de crise, nous avons construit 110 000 logements sociaux. En 2000, alors que la croissance était au rendez-vous, seuls 40 000 l'ont été. Voilà la vérité ! (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet.  - Il fallait le rappeler !

Mme Christine Boutin, ministre.  - J'en viens aux amendements : avant d'être ministre, j'ai longtemps été parlementaire et, comme vous, j'ai souvent eu l'impression que le Gouvernement ne nous écoutait pas assez et ne nous permettait pas d'améliorer ses textes.

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

Mme Christine Boutin, ministre.  - C'est pourquoi j'ai voulu tenir compte des observations faites sur tous les bancs des deux assemblées pour améliorer ce projet de loi. Il s'agit peut-être d'une méthode novatrice, mais c'est ainsi que je conçois mes responsabilités ministérielles et je tiens à vous remercier pour votre aide : grâce à vous, ce texte a été enrichi.

Je ne peux laisser dire que le texte initial avait oublié la lutte contre l'exclusion. Vous connaissez mon engagement personnel. J'ai seulement fait en sorte que M. Pinte, que le Premier ministre et moi-même avions missionné sur le sujet, fasse d'abord ses propositions. Je n'ai pas voulu me parer des plumes du paon... Je remercie encore le Sénat pour le travail accompli. (Applaudissements à droite)

Un mot enfin au président Arthuis pour apaiser ses inquiétudes sur le zonage. Pour procéder au recentrage et définir les périmètres, il fallait bien s'appuyer sur un document technique. C'est ce document qui a été adressé aux fédérations de promoteurs, mais je le dis solennellement : il ne traduit en rien l'analyse du ministère du logement. Dès que le projet de zonage sera arrêté, je le soumettrai aux associations d'élus et à tous ceux qui ont déjà manifesté leur intérêt. Je regrette que ce qui n'est qu'un document de travail ait suscité tant d'inquiétudes. Mon objectif n'est évidemment pas de contraindre l'effort de construction, mais de l'encourager. (Applaudissements à droite ; Mme Muguette Dini applaudit aussi)

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Je souhaite répondre à mon tour au président Arthuis. Le nombre de logements inadaptés au marché est très faible. On compte 5 000 logements sous le régime Robien qui ne sont ni loués ni vendus et auront sans doute du mal à l'être, chiffre qui doit être mis en rapport avec celui des logements produits et occupés. On a fait beaucoup de battage médiatique autour de cette situation, qui est pourtant moins préoccupante que celle des années 1990. La perfection n'est pas de ce monde. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain...

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42-12 de notre Règlement, aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement. Le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statuera sur les cinq amendements du Gouvernement puis par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Article 2 ter

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Remplacer les II et III de cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. - Dans la première phrase du dernier alinéa des articles L. 2335-3, L. 5214-23-2 et L. 5215-35 et dans la première phrase du second alinéa de l'article L. 5216-8-1 du code général des collectivités territoriales, la date : « 31 décembre 2009 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2014 ».

Mme Christine Boutin, ministre.  - Le Gouvernement lève le gage. Il s'agit de la prolongation de la compensation pour perte de taxe foncière aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Avis favorable, en espérant qu'une prochaine loi de finances ne viendra pas remettre cette disposition en cause...

M. le président.  - La commission des finances y veillera certainement...

L'amendement n°1 est adopté.

Article 14 bis

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Supprimer les II et III de cet article.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Il s'agit là encore d'une levée de gage.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Favorable.

M. Michel Teston.  - Nous voterons pour, nous avions nous-mêmes défendu cette idée.

L'amendement n°2 est adopté.

Article 15 ter

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Supprimer le II de cet article.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Levée de gage...

M. Dominique Braye.  - Avis favorable.

Mme Odette Terrade.  - Nous voterons contre. Voilà un nouveau cadeau à l'investissement privé. Il est anormal que nous découvrions les amendements du Gouvernement à la dernière minute...

M. le président.  - Sans levée de gage, le dispositif ne peut s'appliquer...

L'amendement n°3 est adopté.

Article 16 bis

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Supprimer le II de cet article.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Nouvelle levée de gage.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Avis favorable. Il est bon que le Gouvernement accède ainsi au souhait du Parlement.

L'amendement n°4 est adopté.

Article 20 bis

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

I. - Supprimer le 1° du I de cet article.

II. - Dans le I du texte proposé par le 3°du I de cet article pour l'article L. 481-2 du du code de la construction et de l'habitation, remplacer la référence :

L. 442-8-3-1

par la référence :

L.442-8-4

Mme Christine Boutin, ministre.  - Cet amendement de coordination permet aux sociétés d'économie mixte, comme le texte le prévoit pour les autres bailleurs sociaux, de mettre leurs logements en location ou en colocation à des étudiants ou des apprentis.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Avis favorable. Je félicite le Gouvernement de sa vigilance.

L'amendement n°5 est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Brigitte Bout.  - Nous examinons les conclusions de la CMP dans un contexte de crise économique et financière majeure, et d'abord de crise du bâtiment, du crédit et de l'immobilier. Cette situation rend impérative l'adoption des mesures proposées par ce texte.

Entre 2003 et 2007, pas moins de six textes de loi ont été consacrés, en totalité ou en partie, à la politique du logement. Le présent projet de loi se fonde sur une approche nouvelle, celle de l'efficacité. Enrichi par les mesures du plan de relance adoptées par le Parlement le 29 janvier dernier, il donnera aux différents acteurs les moyens d'agir et permettra à l'État de suivre les objectifs grâce à des mesures ciblées, pragmatiques, rapidement opérationnelles, qui autoriseront une meilleure gestion des dispositifs existants de soutien au logement.

Le Sénat a apporté sa contribution en complétant le texte de 43 nouveaux articles. Au nom du groupe UMP, je rends hommage à notre excellent rapporteur de la commission des affaires économiques pour sa compétence, la qualité de son travail et, éventuellement, son sens de l'écoute... (Rires) Je remercie également M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour son importante contribution.

Ce texte revêt une importance cruciale. Je salue la démarche courageuse du Gouvernement qui, allant à l'encontre des routines et des préjugés, vise à gérer plus rationnellement le parc social et à lutter contre les injustices qui y perdurent. Le texte issu des travaux de la CMP résulte d'un travail fructueux entre les deux assemblées ; il doit permettre de sortir au plus vite de la crise du secteur immobilier. Le groupe UMP le votera.

Je ne peux conclure sans remercier Mme le ministre pour l'attention qu'elle a bien voulu porter aux propositions du Sénat et pour l'engagement total dont elle fait preuve dans la lutte contre l'exclusion et pour le droit au logement. (Applaudissements à droite ; Mme Muguette Dini applaudit aussi ; Mme le ministre remercie)

A la demande de la commission, les conclusions de la CMP, modifiées, sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 186
Contre 153

Les conclusions de la CMP, modifiées, sont adoptées.

(Applaudissements à droite, au centre et au banc des commissions)

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de quatre projets de loi autorisant l'approbation de conventions internationales selon la procédure simplifiée : le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions et sur les donations (ensemble un protocole) ; le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République arabe syrienne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ; le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et à prévenir l'évasion fiscale ; et le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'État du Qatar amendant la convention du 4 décembre 1990 en vue d'éviter les doubles impositions et l'accord sous forme d'échange de lettres du 12 janvier 1993.

Les projets de loi sont successivement adoptés.

Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés (Urgence)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.

Discussion générale

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Nous sommes à un moment charnière de l'histoire des transports ferroviaires en France et en Europe. Les services de fret ferroviaire ont été ouverts à la concurrence le 31 mars 2006 conformément à une directive européenne de 2004. Sept entreprises autres que la SNCF circulent désormais sur le réseau ferré national ; leur part de marché est passée de 5 % en 2007 à près de 10 % en 2008. Le 13 décembre 2009, les services de transports internationaux de voyageurs seront à leur tour ouverts à la concurrence.

Abstraction faite des effets de la crise économique, l'ouverture à la concurrence a entraîné une hausse sensible du trafic dans tous les pays : en France, le trafic de fret a augmenté de 3,5 % entre 2006 et 2007, de 10 % entre 2007 et 2008. Nous sommes convaincus qu'elle aura le même effet dans le domaine du transport international de voyageurs. Elle permettra le développement de nouvelles activités et la création de nouveaux emplois sur le territoire national : dans chaque gare, il faudra mettre en place des services d'accueil et de billetterie.

Nous avons voulu définir précisément les modalités de cette évolution en nous fondant sur les recommandations toujours intéressantes et novatrices de M. le sénateur Haenel, que le Premier ministre avait placé en mission auprès du ministre des transports. L'ouverture à la concurrence doit avoir lieu dans des conditions équilibrées et transparentes. Il est donc nécessaire de mettre en place un dispositif de régulation efficace, qui garantisse à tous les opérateurs un accès équitable au réseau ferré. Ce sera le rôle de la nouvelle Commission de régulation des activités ferroviaires, que M. le président Emorine propose opportunément de rebaptiser « Autorité de régulation des activités ferroviaires » (Araf) afin d'éviter la sonorité disgracieuse de l'acronyme « Craf ».

La nouvelle autorité disposera d'un pouvoir de régulation, d'investigation et de sanction. Elle instruira les plaintes des différents acteurs du secteur, auxquels le droit de saisine sera largement ouvert, et pourra prendre l'initiative d'enquêtes. En cas de manquement, elle pourra infliger des sanctions pécuniaires allant jusqu'à 3 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, voire 5 % en cas de récidive. Elle sera également consultée sur tous les textes réglementaires touchant aux chemins de fer.

L'ouverture à la concurrence devrait encourager chez les opérateurs une approche plus commerciale. C'est pourquoi, dès lors que les services de transports de voyageurs seront assurés par une entreprise unique sans mise en concurrence préalable, le ministre chargé des transports demandera à l'Araf un avis sur les tarifs pratiqués.

L'organisation de la nouvelle autorité sera comparable à celle de la Commission de régulation de l'énergie : elle sera composée d'un collège de sept commissaires nommés pour six ans et irrévocables et de services dirigés par un secrétaire général comprenant des juristes comptables et des économistes. Son effectif devrait avoisiner soixante personnes et son budget 8 millions d'euros.

L'Araf jouera un rôle central dans le fonctionnement de notre système ferroviaire qu'elle contribuera à dynamiser. C'est là un des objectifs majeurs de notre politique ferroviaire ambitieuse et volontariste : j'en veux pour preuve la réforme de la tarification des sillons sur le réseau ferroviaire national ou le contrat de performance de Réseaux ferrés de France qui attribue à cette entreprise 13 milliards d'euros entre 2008 et 2015 pour régénérer le réseau : je pense en particulier à la ligne Paris-Granville, madame Goulet.

M. Charles Revet.  - Il y a des privilégiés !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Cet effort répond aux objectifs de la loi relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, comme l'augmentation de 25 % de la part du fret ferroviaire d'ici 2012. Pour atteindre cet objectif, il faudra développer de nouveaux services ; c'est pourquoi l'article 2 du projet de loi prévoit la création d'opérateurs ferroviaires de proximité.

Ceux-ci permettront la création d'une offre locale de transport de fret, comme le souhaitent les collectivités territoriales.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas une pétition de principe, c'est un constat : sans opérateurs de proximité, pas de dynamisme du fret ferroviaire ! L'Allemagne compte plus de 150 opérateurs ferroviaires de proximité, dont la moitié sont propriétaires de l'infrastructure, qui représente de 5 à 50 kilomètres de rails. Ils sont très présents dans les ports et le coût d'entretien de ces infrastructures est deux à trois fois plus faible qu'en France, sur des lignes comparables. Au Canada, 27 % du trafic de marchandises se font par l'intermédiaire des opérateurs ferroviaires de proximité. Aux États-Unis, où les entreprises ferroviaires sont parmi les plus profitables du pays, il existe plus de 550 opérateurs de shortline. Ces lignes, naguère déficitaires, sont désormais rentables grâce à une structure différente : peu d'employés, exécutant une grande variété de tâches, accords de travail moins contraignants, coûts d'équipement, investissements et frais de structure moindres.

Pour optimiser les moyens techniques et humains, les opérateurs ferroviaires de proximité pourront recevoir de RFF des missions de gestion de l'infrastructure sur des lignes à faible trafic réservées au transport de marchandises. Sur ces lignes, où il n'y a pas besoin de rouler à 100 à l'heure, ils assureront également des services de traction ferroviaire. De très nombreux acteurs économiques, dans les domaines agricoles, agro-alimentaires ou des carrières, attendent une offre ferroviaire compétitive et fiable, qui drainerait des flux diffus et diversifiés vers les opérateurs longue distance.

Il va de soi que la sécurité sur ces lignes sera toujours assurée par RFF. Et l'Établissement public de sécurité ferroviaire contrôlera les nouveaux opérateurs.

Nous avons longuement travaillé ici sur les grands ports maritimes, M. Revet en sait quelque chose.

M. Charles Revet.  - Merci.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Ces opérateurs ferroviaires de proximité permettront de développer les dessertes ferroviaires de nos ports, conformément aux engagements pris dans la loi de réforme portuaire et dans la loi de programme du Grenelle.

Quelques mots sur les autres dispositions relatives au secteur ferroviaire figurant dans ce projet de loi.

L'État et d'autres personnes publiques, comme RFF, pourront accéder aux informations économiques et aux données de trafic nécessaires à la conduite de leurs études et à l'élaboration de nouveaux projets. Une disposition technique mais très utile prévoit la reconnaissance mutuelle du matériel et facilite l'accès au réseau français des locomotives, wagons et voitures circulant dans un autre pays européen. Il convient aussi de définir les relations entre le gestionnaire d'infrastructure et les entreprises ferroviaires, en tenant compte de l'arrivée de nouveaux gestionnaires dans le cadre des contrats de partenariat. Il s'agit enfin de fixer la composition du conseil d'administration de RFF et de valider ses décisions.

Des modifications institutionnelles seront nécessaires pour garantir l'équité et la transparence dans l'attribution des sillons. Au sein de RFF, une plate-forme commerciale sera créée. Forte d'une centaine de personnes, elle fera le lien avec les entreprises ferroviaires et répartira les capacités entre les plages-travaux et les entreprises clientes du réseau.

Pour aller dans le sens souhaité par M. Haenel, qui aurait sans doute voulu aller plus loin...

M. Hubert Haenel.  - Il ne faut jamais aller trop vite dans ce domaine !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - De la réforme vient la révolution... Je proposerai un amendement créant au sein de la SNCF un service spécialisé, séparé du reste de l'entreprise, qui devra gérer le trafic et la circulation sur le réseau ferroviaire national. Ce service regroupera 14 400 agents en charge de la production et de la gestion des sillons, comme les horairistes, les régulateurs et les agents de circulation, également appelés aiguilleurs. Ces agents appartiendront toujours à la SNCF, ils ne changeront pas de statut, mais cette structure disposera d'un budget propre et son directeur sera nommé en conseil des ministres.

Pour les voyageurs, l'ouverture à la concurrence concerne uniquement les services internationaux, le cabotage n'étant accepté que s'il ne constitue pas l'objet principal du service international. Il est vrai que les frontières ne sont jamais loin, Kehl de Strasbourg, Vintimille de Menton, Figueras de Perpignan...

L'ouverture à la concurrence du transport domestique de voyageurs, comme les services TER, n'est donc pas prévue par le droit européen. Cela étant précisé, des élus régionaux de droite comme de gauche se sont exprimés en faveur de l'ouverture à la concurrence des TER.

M. Jean-Louis Carrère.  - Pas en Aquitaine !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Elle n'a pas raison en tout ! M. Darcos vous en parlera bientôt. (Sourires) J'ai la chance d'avoir été le condisciple du président Rousset.

L'exemple de nos voisins européens invite à y réfléchir. En Allemagne, la régionalisation ferroviaire de 1993 a donné aux Länder la possibilité de choisir leurs opérateurs ferroviaires par appel d'offres. Grâce à quoi, l'offre ferroviaire des Länder est passée de 502 millions de trains par kilomètre en 1994 à 633 en 2007. Cette ouverture a également profité à DB, qui a continué à se développer, et elle réduit considérablement les coûts facturés aux Länder, qui ont réinvesti l'argent économisé dans le service public.

Dans la deuxième partie de son rapport, M. Haenel propose de mettre en place un comité réunissant l'ensemble des parties prenantes pour examiner les questions que soulèverait une éventuelle ouverture à la concurrence des TER, en particulier celles de la propriété et de la mise à disposition du matériel roulant, du transfert du personnel affecté à ces services, du calendrier et, le cas échéant, de la modification des conventions actuelles, sachant que de nombreuses régions ont récemment renouvelé leurs contrats avec la SNCF. J'ai écrit au président Rousset, de l'Association des régions de France ; il ne m'a pas répondu. J'ai écrit au président Ries, du Groupement des autorités responsables de transports publics ; il ne m'a pas répondu non plus.

M. Jean-Louis Carrère.  - Cela viendra !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je n'en doute pas !

Je leur demandais de me faire part de leurs positions sur ce sujet. Si des régions en font la demande à l'État, nous pourrons leur donner la possibilité de libéraliser leurs services TER par une modification législative de la Loti sur laquelle vous auriez à vous prononcer. Je rappelle que la régionalisation que M. Haenel a impulsée en 1992 était fondée sur le volontariat.

Je terminerai cet exposé par les autres dispositions de ce projet de loi. L'article 23 adapte le code de la voirie routière aux dispositions de la convention passée entre la France et l'Italie, visant à sécuriser le trafic dans le tunnel routier du Mont-Blanc, dix ans après la catastrophe de 1999. Elles modifient en outre les contrats de concession des autoroutes ayant réalisé d'importants travaux de sécurisation de leurs tunnels. Le troisième paragraphe intègre à la concession autoroutière de la société ATMB une portion de route nationale afin d'engager des travaux de mise aux normes de sécurité et de respect de l'environnement de cette enclave, sans en changer le statut.

L'article 24 porte sur la définition du temps de travail du personnel navigant de l'aviation civile. Des décrets successifs ont tenté d'établir une correspondance entre le « temps de vol » défini par le code de l'aviation civile et la « durée légale du travail » fixée par le code du travail. L'articulation entre ces deux codes, peu claire, a donné lieu à plusieurs contentieux. Il fallait donc clarifier cette correspondance afin de rendre les règles plus lisibles et d'assurer au personnel navigant une plus grande sécurité juridique. En outre, cet article encadre précisément la rémunération des heures supplémentaires.

Reste que ce projet de loi est avant tout ferroviaire. Le paysage ferroviaire est en train de se modifier en profondeur ; il change, il se développe, s'ouvre à la concurrence et l'arrivée de nouveaux entrants nous oblige à faire évoluer nos institutions, notre gestion des infrastructures et, plus généralement, l'organisation de notre système ferroviaire. Ce projet de loi intervient après que vous avez voté un programme historique de création de nouvelles lignes à grande vitesse. Bien sûr, la crise fait souffrir le fret ferroviaire, qui a perdu 25 % en un an, mais il reste d'avenir.

Le chemin de fer sera le transport du XXIe siècle, il change, se développe, s'ouvre à la concurrence et l'arrivée de nouveaux « entrants » nous oblige à faire évoluer nos institutions, notre gestion des infrastructures et, plus généralement, l'organisation de notre système ferroviaire. C'est ce à quoi s'attache ce projet de loi.

Je remercie MM. Haenel et Grignon pour leurs excellents rapports (applaudissements à droite) ainsi que la commission des affaires économiques et son président, Jean-Paul Emorine, pour le travail accompli. Et je vous conseille à tous de lire ces rapports qui sont de qualité : c'est le cas de tous les rapports du Sénat, mais particulièrement de ceux des sénateurs alsaciens... (Sourires et applaudissements à droite)

M. Philippe Richert.  - Bravo !

M. Francis Grignon, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Il y a deux semaines, nous examinions le projet de loi de programmation relatif au Grenelle de l'environnement dont un des axes fort est la relance du transport ferroviaire. Le débat a été l'occasion de constater le chemin parcouru en quelques années, voire en quelques mois. Lors de la remise des conclusions de la mission d'information de la commission des affaires économiques sur le financement des transports, que j'avais l'honneur de présider, il y a seulement un an, il était encore presque tabou de dénoncer l'insuffisance des financements accordés au réseau ferré, et en particulier à sa régénération. Ce n'est qu'à demi-mot que l'on évoquait la possibilité de confier à des opérateurs locaux la gestion des petites lignes de fret afin de les rendre de nouveau utilisables, grâce à une exploitation plus souple et plus économique. Et je ne parle même pas du tabou parmi les tabous qu'était la question du partage des rôles entre RFF et la SNCF pour la gestion de l'ensemble du réseau. Aujourd'hui, les choses ont bien changé : il y a eu des actes comme le contrat de performance pluriannuel entre l'État et RFF, il y a eu de nouveaux efforts d'analyse et de propositions avec le second audit de l'École polytechnique de Lausanne, le rapport de la Cour des comptes du printemps dernier et, surtout, le rapport d'Hubert Haenel au Premier ministre.

Aujourd'hui, nous sommes tous conscients que l'enjeu est de réengager le cercle vertueux du développement ferroviaire dans notre pays.

M. Charles Revet.  - Il y a du travail...

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Mieux exploiter le réseau lui permettra d'accueillir plus de circulation ; plus de trains qui roulent, c'est aussi plus de redevances reversées par les transporteurs aux gestionnaires du réseau pour mieux exploiter celui-ci, et ainsi de suite.

Le rapport d'Hubert Haenel a identifié les principaux goulots d'étranglement qui bloquent ce développement au niveau de l'exploitation des réseaux : la programmation du financement pluriannuel des travaux mais aussi la façon dont les circulations sont actuellement gérées. La concurrence peut être une opportunité supplémentaire d'enclencher ce cercle vertueux : l'arrivée de nouveaux opérateurs est une réelle chance d'augmenter le trafic et la performance d'ensemble du système, donc de diminuer le coût pour l'usager et, par conséquent, d'augmenter la fréquentation des lignes.

Encore faut-il que cette concurrence soit régulée. Le Président de la République s'est déclaré en faveur d'une autorité de régulation ferroviaire en juin 2007 dans son discours à Roissy, soit un an avant que la Commission européenne ne nous fasse part de ses observations à ce sujet. La mise en place de cette régulation publique est l'objet essentiel de ce projet de loi puisque le titre III consacré à la nouvelle Commission de régulation des activités ferroviaires, la Craf, comprend 18 des 25 articles que compte ce texte.

Votre commission a examiné ce projet de création d'une commission de régulation avec trois exigences. La première portait sur le respect de nos obligations européennes, car cette autorité indépendante est l'objet d'un des trois griefs de la mise en demeure adressée à la France en juin 2008 pour non-transposition de la directive de février 2001.

Notre deuxième exigence a été de nous assurer que le système proposé était adapté au secteur ferroviaire et qu'il ne s'agissait pas d'un simple décalque de la régulation existante pour l'énergie ou les télécommunications. A la différence de ces secteurs, le transport ferroviaire est une industrie lourde, soumise à de fortes contraintes techniques liées au réseau ainsi qu'à une exigence omniprésente de sécurité. Une conception abstraite de la concurrence qui ne prendrait pas en compte ces spécificités risquerait fort d'être dangereuse, ce qui serait contraire au but recherché. C'est pourquoi nous avons réécrit entièrement l'article 9, article central du projet de loi, qui concerne les pouvoirs de règlement des litiges de la Craf, afin de renforcer l'impératif de sécurité en le séparant de la régulation économique stricto sensu.

Enfin, notre troisième exigence a été de renforcer la Commission de régulation en lui donnant les moyens de son ambition : nous avons adopté plusieurs amendements étendant son contrôle non seulement à l'accès au réseau mais aussi aux infrastructures de services susceptibles d'être utilisées par les opérateurs ferroviaires, à commencer par les gares. De même, en plus de son droit de veto sur le montant des péages ferroviaires, nous avons inscrit à l'article 8 que la Commission sera consultée sur la règle du jeu du transport ferroviaire -je veux parler du « document de référence du réseau », le fameux DRR. Surtout, nous avons voulu mieux assurer l'indépendance de cette nouvelle instance en lui conférant une personnalité juridique autonome, corollaire de l'autonomie financière que nous proposons également. La Craf ne sera pas financée par le budget général de l'État mais, comme l'établissement public de sécurité ferroviaire créé en 2006, .elle percevrait une fraction des péages payés par les entreprises ferroviaires pour utiliser le réseau.

Ces amendements de la commission aux articles 4 et 14 s'accompagnent aussi d'un changement de nom, visant à affirmer l'autorité de la nouvelle instance, qui n'est pas seulement une commission administrative. Nous proposons que la Craf s'appelle désormais « autorité de régulation des activités ferroviaires », nouveau nom qui sera repris dans tous nos amendements.

Un autre amendement important, parmi les 32 qu'a déposés la commission, transpose les exigences du troisième paquet ferroviaire de 2007, mettant en place le certificat de conduite ferroviaire européen, c'est-à-dire le permis de conduire des cheminots de l'Union européenne, ce qui constitue l'ébauche d'un cadre social européen du transport ferroviaire. Aucun obstacle technique ne s'oppose en effet à cette transposition, d'autant que, par ailleurs, le projet de loi transpose dans son article premier d'autres dispositions du troisième paquet ferroviaire, notamment la plus emblématique de toutes : le début de l'ouverture à la concurrence du trafic de voyageurs. Le premier paquet ferroviaire européen en 2001 avait surtout traité de l'accès aux infrastructures, le deuxième avait, en 2004, annoncé l'ouverture à la concurrence du fret, le troisième concerne essentiellement le transport de voyageurs. Il est notamment prévu que, fin 2009, la concurrence soit instaurée pour le transport de voyageurs entre plusieurs pays européens. Le service domestique reste à l'écart de cette ouverture puisque le « cabotage », c'est-à-dire le service intra-national, ne devra constituer qu'une partie accessoire des transports transnationaux.

Tout cela permet à la France de participer à la mise en place de l'Europe ferroviaire, en corrigeant les aspects de son droit national qui posaient des difficultés. Sur les trois griefs formulés dans la mise en demeure de l'été dernier, deux trouvent aujourd'hui une réponse dans ce projet de loi avec la création d'une autorité de contrôle et de régulation indépendante et avec la fixation du niveau des péages désormais soumise à l'avis conforme de cette autorité indépendante.

En revanche, le troisième grief ne trouve pas de réponse dans ce texte : il concerne la gestion des droits d'utilisation du réseau, les« sillons », qui devrait être exercée de façon indépendante de tous les opérateurs ferroviaires. Or cette gestion est aujourd'hui déléguée par RFF à un des opérateurs, la SNCF. C'est l'héritage de la loi de 1997 qui pose de nombreux problèmes juridiques comme organisationnel. A à quoi bon voter une loi de transposition si c'est pour ne pas faire le travail jusqu'au bout ? A quoi bon créer une autorité de régulation si le système à réguler est lui-même déséquilibré ?

Parmi les solutions proposées, notamment lors du débat relancé par l'excellent rapport d'Hubert Haenel, la réponse la plus cohérente est de s'inscrire résolument dans la perspective d'un transfert de la SNCF à RFF des 14 000 agents de la SNCF aujourd'hui chargés de la gestion des capacités et des circulations.

M. Charles Revet.  - C'est la logique.

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Une telle évolution nécessite bien sûr des étapes dans la mesure où il faut, au préalable, que ces services soient bien identifiés au sein de la SNCF et qu'ils soient bien séparés d'un point de vue opérationnel pour ce qui est des locaux, des systèmes informatiques et de la protection des informations commerciales. En réponse aux pressantes interrogations de la commission des affaires économiques, le ministre nous avait annoncé en décembre qu'il y travaillait et que cela se concrétiserait dans ce projet de loi. Effectivement, un amendement n°131 a été déposé à l'article premier, distinguant dans une structure indépendante les services de la SNCF travaillant à la gestion du réseau. Cette solution ne ferme pas la porte à des évolutions ultérieures et la création en parallèle de l'autorité de régulation indépendante pourrait lui permettre de produire tous ses effets dès lors qu'elle s'accompagnerait d'une réorganisation des services concernés, dans le sens d'une séparation rigoureuse d'avec la SNCF, entreprise qu'il convient de placer dans une position strictement identique à celle de ses concurrents.

Votre commission s'est aussi penchée sur l'ouverture éventuelle à la concurrence des actuels trains express régionaux (TER), permettant aux régions d'en confier l'exploitation à d'autres opérateurs que la SNCF. En Alsace, nous sommes particulièrement motivés parce que nous voyons ce qui se passe de l'autre côté du Rhin... Il nous a semblé que rien ne militait aujourd'hui pour un changement de la loi puisque cette activité est encore hors du champ de toute ouverture européenne en principe au moins jusqu'en 2019.

Il n'est pas interdit d'y réfléchir dans le cadre de délégations de service privé. Vous nous avez apporté des assurances...

M. Charles Revet.  - Et c'est une bonne étape.

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Le Sénat attendait beaucoup de ce débat, le premier depuis longtemps sur l'avenir des transports ferroviaires. La qualité et l'intensité des échanges en commission en ont souligné l'importance. Tous les sénateurs sont en effet extrêmement attentifs aux transports ferroviaires, même s'ils n'ont pas la même appréciation de l'impact des directives. Je me félicite donc de la discussion de ce texte, même si nous aurions préféré qu'il fût exclusivement consacré aux transports ferroviaires. L'essentiel est là et nous avons un bon texte, qui se justifie au-delà de nos obligations européennes. La commission en recommande l'adoption sous réserve de ses amendements. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Odette Terrade.  - Peut-on connaître le déroulement de ce débat ? Le texte n'est inscrit à l'ordre du jour qu'aujourd'hui, à la veille d'une interruption de nos travaux. Nous souhaitons pourtant qu'on prenne tout le temps nécessaire à son examen.

M. le président.  - La Conférence des Présidents a prévu que le débat reprendrait cet après-midi après les questions au Gouvernement et se prolongerait ce soir. Je ne puis cependant dire combien de temps requerront les quelque 120 amendements.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - La question est légitime. Le débat se poursuivra cet après-midi après les questions d'actualité et le soir -je vous prie d'ailleurs de m'excuser car je serai en déplacement : M. Karoutchi me remplacera au banc du Gouvernement. Si la nuit ne suffit pas, le Gouvernement en parlera à la Conférence des Présidents. Nous souhaitons que ce texte important fasse l'objet d'un examen sans précipitation.

Mme Mireille Schurch.  - La grande manifestation du 29 janvier qu'ont approuvée 70 % des Français a exprimé une grande inquiétude, voire de la colère. On annonce 290 000 licenciements en 2009 et ni le plan de relance ni les annonces du Président de la République hier n'ont rassuré. Les 320 milliards du premier plan ne sont allés qu'aux banques, lesquelles, comme les grandes entreprises du CAC 40, continuent à annoncer des profits. Les 13,9 milliards de bénéfice de Total ont quelque chose d'indécent.

Mme Nathalie Goulet.  - Et les salariés ?

Mme Mireille Schurch.  - Nombre de salariés sont victimes de la crise mais le Gouvernement poursuit sa politique contre les droits sociaux. Il traite l'hôpital comme une entreprise, diminue les services publics, met à mal le statut des enseignants-chercheurs, supprime des postes de Rased et poursuit une réforme du lycée qui ne rencontre que l'incompréhension. Poursuivant la réforme de la carte judiciaire, il va supprimer 44 tribunaux des affaires sociales.

De cette fragilisation du monde du travail, de cette liberté factice d'aller gagner 200 euros par mois en Tunisie au service de votre ancien employeur, nous ne voulons pas ! Nous prônons une société solidaire dans laquelle on puisse affirmer son individualité. Voilà ce que notre législation doit traduire en organisant les services publics de la santé, de l'éducation et de la recherche, l'accès à l'eau et à l'énergie, ainsi que le droit à la mobilité. Ce dernier est essentiel pour l'accès aux services publics. La suppression programmée du tribunal des affaires sociales de l'Allier obligera les accidentés du travail et les invalides à faire 120 km pour défendre leur dossier tandis que la disparition de l'antenne montluçonnaise de la direction départementale de la jeunesse et des sports obligera les jeunes intéressés par le Bafa à se rendre à Moulins. Comment défendre ses droits dans ces conditions et comment se projeter dans l'avenir ?

Le projet ne répond pas à ces objectifs. Sous prétexte de transposition d'une directive, vous ouvrez encore plus le secteur à la concurrence. Dans ce contexte de grave crise, était-il si urgent de transposer le troisième paquet ferroviaire ? On l'a vu depuis 2006, le privé n'investit que sur les lignes rentables mais, pour rester compétitive, la SNCF va fermer 262 gares et l'on poursuit en justice les élus qui cherchent à s'y opposer. Nous ne sommes pas naïfs, ce projet annonce la lente agonie du service public des transports. Il ne règle pas les questions essentielles pour l'avenir.

Le Gouvernement fustige volontiers les grévistes mais en 2007, ils n'ont été responsables que de 3 % des perturbations : 97 % sont dues à des pannes sur les voies ou sur les matériels. Ce sont donc les coupes budgétaires qu'il faut dénoncer ! Le Gouvernement propose d'ouvrir à la concurrence pour que le privé puisse réaliser des bénéfices mais même le Medef le constate, l'état actuel du réseau interdit des initiatives portant sur les wagons isolés, ainsi que l'a montré l'échec de Proxirail dans le Centre. Dans ces conditions, il est illusoire de vouloir mettre fin à l'exclusivité de la SNCF sur les lignes à faible trafic. Le transport par wagon isolé, qui répond à l'intérêt général, est assuré par un opérateur de proximité ou par la SNCF et son groupe.

Je suis sceptique sur les partenariats public-privé pour financer les infrastructures ferroviaires. La Caisse de dépôts a rappelé la difficulté à trouver des crédits remboursables à court terme ; qu'en sera-t-il à trente ans ? On se rappelle que les premières compagnies privées ferroviaires ont fait faillite : le temps de l'investissement sur de telles infrastructures n'est pas celui du marché. La propriété et le contrôle publics sont indispensables à des infrastructures de qualité et respectueuses de l'environnement. Les partenariats public-privé ne doivent pas aboutir à traiter la sécurité comme un coût comme les autres. Pourquoi pas des emprunts publics qui ne seraient pas inclus dans la dette parce qu'il y va de l'avenir de la planète ? Les Européens ont bien su mettre de côté les critères de convergence face à la crise et un sujet aussi crucial ne doit pas être à la merci du marché et de la concurrence. L'autorité de régulation ferroviaire n'apporte aucune réponse en matière d'aménagement équilibré du territoire. L'ouverture à la concurrence n'a pas eu d'effet positif sur les prix. L'exemple britannique n'est pas encourageant mais il souligne les difficultés d'établir des correspondances entre les trains des différentes compagnies.

Peut-être les prix baisseront-ils sur les axes les plus fréquentés. Mais quid des lignes secondaires ? Les trains Corail, Lunea et autres trains interrégionaux dont le taux de rentabilité n'est peut-être pas faramineux assurent un lien indispensable entre les territoires. D'après M. Guillaume Pepy, l'entretien de ces lignes coûte 100 millions à la SNCF, qu'elle puise sur les bénéfices réalisés sur le TGV. La logique libérale privant l'entreprise de ces revenus, ces lignes pourraient être supprimées et le trafic reporté sur la route, ce qui est contraire aux objectifs du Grenelle de l'environnement et d'un aménagement équilibré du territoire. Si elles sont maintenues, la SNCF sera placée dans une situation inéquitable à moins que la libéralisation s'accompagne d'une compensation ou que des investissements soient également exigés des opérateurs. Sans quoi, la SNCF continuera d'être accusée de ne pas rendre un service public performant, ce qui justifiera à terme sa privatisation. De fait, ouvrir le secteur à la concurrence au moment où la SNCF doit consentir d'importants investissements, n'est-ce pas fausser les règles du jeu aux dépens de la SNCF ? Prenons le temps de la réflexion, investissons sur le réseau, confirmons la SNCF dans son rôle de gestionnaire délégué unique plutôt que d'agir de façon dogmatique, avec suppressions de lignes et réductions de personnel à la clé.

Au vrai, ce projet de loi met en péril le financement de l'ensemble du réseau. Il accentuera la désertification ferroviaire de l'Auvergne, du Limousin, du Centre et des régions de montagne pour saturer des lignes déjà surchargées. Cette politique est inacceptable tant pour les cheminots que les usagers et les élus locaux, de même que la privatisation de tronçons routiers nationaux et la réduction des droits du personnel navigant.

Partisans d'une société solidaire et du mieux-disant social, nous proposerons, par nos amendements, de garantir l'existence d'un transport public ferroviaire et de considérer les infrastructures de transport, gares et autres facilités essentielles, comme des biens publics. Ensuite, pour des transports sûrs, il est indispensable que les mêmes règles s'imposent à tous les opérateurs, notamment en matière de condition de travail des personnels, et que l'établissement public de sécurité ferroviaire soit indépendant de l'autorité de régulation. Enfin, nous suggérerons un plan d'urgence pour moderniser les infrastructures que l'État pourrait financer en lançant des emprunts publics ou, à l'instar de l'Allemagne, en reprenant la dette du propriétaire du réseau, soit celle de RFF. Construisons une Europe sociale ferroviaire qui réponde aux besoins des populations et des territoires dans le respect du Grenelle de l'environnement et des conditions de travail de tous les salariés du secteur ! (Applaudissements à gauche)

M. Hubert Haenel.  - (Applaudissements à droite) Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir évoqué les devoirs de vacances sur les transports ferroviaires (sourires) que j'ai effectués durant l'été 1997 ! J'ai également été missionné, à votre demande, à deux reprises par le Premier ministre. Ce texte est l'occasion de vérifier le sort qui sera réservé à mes propositions. « C'est un grand tort d'avoir raison avant les autres », avait l'habitude de dire Edgar Faure... Avant d'en venir à mon propos, je veux également féliciter mon compatriote M. Francis Grignon, dont la compétence et la rigueur sont reconnues par tous.

Mme Isabelle Debré.  - Très bien !

M. Hubert Haenel.  - Le système ferroviaire français, issu de la réforme de 1997, n'est ni transparent ni performant. Ce constat, posé par les parlementaires depuis des années, a été confirmé par la Cour des comptes en 2008 et l'École polytechnique de Lausanne en 2005. Le 24 juin dernier, la commission européenne a envoyé à la France, comme à 24 autres États membres, une mise en demeure pour mauvaise transposition des trois paquets ferroviaires adoptés depuis 1991. Premier grief, l'absence d'indépendance des fonctions essentielles. De fait, RFF et la SNCF ne sont pas indépendantes aux plans juridique, organisationnel et décisionnel, comme le prévoyait la directive de 1991. La loi de 1997 créant RFF a imposé au propriétaire de réseau de déléguer la quasi-totalité de la gestion à la SNCF, qualifiée officiellement de gestionnaire d'infrastructure délégué. Or les services de la SNCF qui assument cette fonction, communément appelés SNCF Infra, ne sont pas indépendants de la SNCF. Cette dernière n'est donc pas dans une position d'égalité avec ses concurrents potentiels.

M. Pierre Hérisson.  - Absolument !

M. Hubert Haenel.  - Deuxième grief, la tarification ferroviaire française. Le montant des redevances acquittées par les utilisateurs du réseau est fixé par le ministère chargé des transports, autorité de tutelle de l'entreprise publique qu'est la SNCF, et non de manière indépendante par le gestionnaire du réseau. Enfin, l'ouverture à la concurrence aurait dû s'accompagner de la création d'une autorité de régulation, comme en matière d'énergie et de transports, indépendante de tous les opérateurs et dotée de pouvoirs coercitifs pour veiller au respect des règles de concurrence.

Ce texte devrait permettre à la France de se mettre en plus grande conformité avec le droit communautaire. Outre que l'avis conforme de l'autorité de régulation sera requis pour la fixation du montant des péages, ce texte assure l'indépendance de l'autorité de régulation, désormais appelée la commission de régulation des activités ferroviaires et, bientôt je l'espère, l'autorité de régulation des activités ferroviaires. Ce texte répondra aux exigences communautaires à condition que le Sénat suive le rapporteur. L'autorité de régulation ferroviaire doit être puissante, robuste, comme l'a souhaité la Cour des comptes. « Elle doit disposer », écrivait-elle dans son rapport d'avril 2008, « d'autant plus de pouvoirs et de moyens que le gestionnaire de l'infrastructure est proche de l'entreprise ferroviaire SNCF. Si la gestion de l'infrastructure était confiée à une filiale de la SNCF, une partie des personnels de RFF pourrait intégrer les équipes de cette autorité, ce qui permettrait de conserver une capacité de contre-expertise extérieure à la SNCF ». Cette autorité s'assurera que les conditions techniques et administratives d'accès n'entravent pas la concurrence, notamment en matière d'attribution des capacités ferroviaires, d'accès aux différentes prestations liées à l'infrastructure et aux facilités essentielles telles que les services en gare. Si l'attribution des sillons est la condition indispensable aux circulations ferroviaires, la concurrence peut également être faussée par des formes de discrimination plus subtiles...

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

M. Hubert Haenel.  - Pour accomplir ses missions, la Craf doit pouvoir enquêter sur pièces et sur place, mais aussi prononcer des sanctions.

Outre les observations de principe que j'ai formulées quant à la participation de la Craf à l'élaboration du document de référence du réseau, il est souhaitable que la discussion parlementaire dote cette autorité de tous les moyens lui permettant d'être la clé de voûte d'un système reconfiguré. Avec l'ouverture à la concurrence d'autres services en réseau, la France a déjà l'expérience de ce type de régulateur. Nous savons quels moyens lui permettent de fonctionner en toute indépendance.

La transformation de la Craf en Araf n'est pas indifférente, car la rédaction initiale propose d'instaurer un organisme de régulation a minima, mais nous savons tous qu'un ministre peut subir des arbitrages... Heureusement, les amendements de notre rapporteur donnent consistance au dispositif.

Le projet de loi ne répond pas aux griefs de la Commission européenne portant sur l'absence de séparation entre RFF et la SNCF Infrastructure. En toute logique, les 55 000 personnes employées par celle-ci auraient dû être transférés en 1997 à celle-là.

M. Charles Revet.  - Bien sûr !

M. Hubert Haenel.  - Les reproches de Bruxelles ne portent que sur les 14 400 agents de SNCF Infrastructure chargés de définir le programme annuel des circulations, dit « graphique de circulation », depuis l'instruction des demandes jusqu'à l'aiguillage, en passant par l'octroi des sillons. En effet, la directive dispose explicitement que l'octroi des sillons doit être effectué de façon indépendante car il touche directement à l'égalité entre les opérateurs. L'amendement n°131 du Gouvernement devait sans doute satisfaire cette exigence. Il est tardif, puisque le projet de loi ayant été déposé en septembre, il ne nous est arrivé que le 13 février.

Mme Isabelle Debré.  - Mieux vaut tard que jamais !

M. Hubert Haenel.  - L'organisation issue de la loi de 1997 a souvent été qualifiée d'usine à gaz ne permettant ni la transparence, ni le développement. La nouvelle rédaction permettra peut-être de reculer pour mieux sauter car elle met en place une organisation d'administration à la française, c'est-à-dire particulièrement compliquée. Cette construction inédite ne réglera pas les problèmes récurrents depuis la loi de 1997. Pourra-t-elle satisfaire la Commission européenne ? Je suppose que vous avez quelques garanties en ce sens...

Le nouveau service spécialisé préfigure-t-il une quasi-filialisation ? Je comprends que M. le rapporteur voie un avantage à cette séparation au sein de la SNCF, puisqu'elle facilitera l'éventuel rattachement de la nouvelle entité à RFF ou la création d'une véritable filiale de la SNCF.

M. Charles Revet.  - Dans ce cas, le cordon ombilical subsisterait.

M. Hubert Haenel.  - A juste titre, notre rapporteur s'est bien gardé de sous-amender votre texte car cela n'aurait fait qu'ajouter de la complexité à un système qu'il faudra sans doute revoir sous peu. Je ne serais pas surpris que le premier rapport de l'Araf demande à simplifier ce que nous allons maintenant adopter.

On aurait pu envisager une autre solution, en créant l'autorité de régulation forte souhaitée par la Commission, à charge pour elle de proposer d'ici dix-huit mois à deux ans, le système qui lui paraîtrait le mieux garantir une gestion indépendante du réseau. Car c'est ce que demande Bruxelles.

Monsieur le ministre, quand l'Araf sera-t-elle mise en place ?

Vous avez confié une mission de préfiguration à un brillant ingénieur général des Ponts-et-chaussées -ils sont d'ailleurs tous brillants. Où en est son travail ?

L'expérimentation ne semble pas à l'ordre du jour, mais M. le ministre a ouvert l'horizon car il n'est pas réaliste de penser que rien ne se passera au cours des dix prochaines années. Le rapporteur nous a confié, avec son sourire habituel, que l'on ne pourrait sans doute pas attendre 2019 avant d'ouvrir les TER à la concurrence.

M. Charles Revet.  - Bien sûr !

M. Hubert Haenel.  - Mme Kosciusko-Morizet a dit qu'il faudrait d'abord amender la loi d'orientation sur les transports intérieurs (Loti). Mais la question se posera nécessairement le jour où le règlement sur les obligations de service public (règlement OSP) aura une pleine application, c'est-à-dire en 2019. Faut-il d'ici là suivre la politique de l'autruche ? Je ne le crois pas car la concurrence est à nos portes.

Ne serait-il pas souhaitable de s'interroger sur l'ouverture des lignes TER à la concurrence ? Monsieur le ministre, envisagez-vous une évaluation sur ce sujet ? Vous avez évoqué la création d'un groupe de travail.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - En effet.

M. Hubert Haenel.  - En son temps, M. Bernard Bosson, un de vos prédécesseurs, avait créé un groupe de travail sur la régionalisation ferroviaire. Sa présidence avait été confiée à un parlementaire, en l'occurrence votre serviteur. Je pense que notre excellent collègue Francis Grignon pourrait assumer cette fonction. Le secrétariat était assuré par la directrice des transports terrestres de l'époque, Mme Anne-Marie Idrac. Ce groupe de travail pluraliste réunissait les représentants des régions concernées, des administrations centrales de l'État et de la SNCF. Il conviendrait en outre d'associer tous les acteurs de la régionalisation.

M. Charles Revet.  - Le travail est préparé !

M. Hubert Haenel.  - Nous sommes là pour ça ! C'est le sens de la coproduction législative, n'est-ce pas, M. Mercier ?

A condition que les amendements du rapporteur, et quelques autres venant de divers bancs, soient adoptés, le groupe UMP du Sénat votera ce projet de loi. (Applaudissements à droite et sur les bancs UC)

M. Yvon Collin.  - Nous examinons aujourd'hui un texte dont l'apparence souvent technique dissimule de véritables enjeux.

Le train est à l'origine de la plus grande révolution industrielle en Europe. Il demeure aujourd'hui un outil fondamental de développement économique et joue un rôle essentiel pour le désenclavement des territoires ruraux.

C'est pourquoi je regrette l'urgence déclarée sur ce projet de loi, sans même parler des reports et autres décalages dans l'inscription à l'ordre du jour.

Nos engagements européens imposent de répondre aux griefs de la Commission européenne mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, car celle-ci aggrave les risques d'accidents, sur chemin de fer comme pour le travail parlementaire.

L'introduction par voie d'amendement de dispositions venant réparer la transposition imparfaite du deuxième paquet ferroviaire vient brouiller la visibilité que nous devrions avoir sur l'organisation des transports.

Bien que nous connaissions tous la capacité de mobilisation des cheminots, vous n'avez pas hésité à inscrire la séparation brutale entre la SNCF et ses agents chargés de gérer les capacités de circulation. Mais la création de la Craf, ou Araf, ne suffirait-elle pas à satisfaire la Commission européenne ?

Le sujet suscite des inquiétudes bien compréhensibles puisque les transports concernent la mobilité, mais aussi l'accessibilité, la fracture territoriale et des enjeux environnementaux. Ce secteur mobilise des moyens publics colossaux, qu'il faudra accroître même dans un cadre plus libéral car la libéralisation est redoutée pour des raisons qui ne sont pas idéologiques.

La concurrence est souhaitable lorsqu'elle diversifie l'offre et réduit les tarifs. Mais aucun partenaire privé ne s'occupera des lignes peu rentables qui ont pour seule vocation de répondre aux soucis légitimes d'aménagement du territoire.

M. Michel Mercier et Mme Nathalie Goulet.  - Granville !

M. Yvon Collin.  - L'État et les collectivités locales seront toujours sollicités en tant que régulateurs. C'est pourquoi nous avons transposé ces directives a minima : les pouvoirs publics doivent en effet garder une certaine mainmise sur les transports. Nous conserverons donc deux entités juridiques distinctes, RFF et la SNCF qui, dans les faits, restent très liées.

La commission des affaires économiques est déterminée à remettre de l'ordre dans cette situation...

M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission des affaires économiques.  - Absolument !

M. Yvon Collin.  - ...avec sans doute un peu trop de zèle en ce qui concerne le cabotage. Prenons acte de l'ouverture incontournable à la concurrence des services ferroviaires de transport international de voyageurs au 1er janvier 2010.

Il serait toutefois souhaitable, monsieur le ministre, de prendre des engagements sur l'avenir du maillage ferroviaire de notre territoire. Ces derniers temps, on entend surtout parler des lignes à grande vitesse : elles contribuent certes au développement économique des régions mais elles ne permettent pas leur désenclavement car elles ne sont pas suffisamment reliées au réseau secondaire qui se dégrade de plus en plus. Il ne sert à rien de développer les gares TGV si les usagers ont du mal à les atteindre.

Nous ressentons un décalage entre le discours national qui valorise une politique ferroviaire dynamique et la réalité locale, qui voit la suppression de lignes et d'arrêts en gare. Dois-je rappeler le dossier de la ligne Paris-Limoges-Toulouse ? Soutenus par les élus, les habitants des bassins de Gourdon, Souillac, Caussade et Montauban se sont battus pour conserver leurs trains, leurs gares et leurs arrêts parce que le désengagement de la SNCF et de son principal actionnaire, l'État, était vécu comme une menace d'isolement territorial. Mes collègues parlementaires lotois ont obtenu, enfin, le rétablissement d'arrêts en gares de Gourdon et de Souillac.

Alors que la région Midi-Pyrénées améliore le réseau ferré, elle subit dans le même temps des suppressions de lignes. Le Paris-Carmaux, le train de nuit Paris-Rodez, la déclassification de la gare de Cahors sont autant de sujets brûlants pour la région. Et je n'évoque pas la situation du Cantal de mon collègue Jacques Mézard, que vous allez recevoir prochainement, monsieur le ministre.

Ce texte va-t-il garantir la survie de lignes qui permettent d'aménager le territoire dans un cadre totalement concurrentiel ? Le règlement européen OSP (Obligations de services publics) assurera-t-il le maintien d'un service ferroviaire de proximité ? De nombreuses questions agitent les élus car la mobilisation des usagers contre les fermetures de gare est, pour beaucoup, le combat d'une vie : une gare, c'est le symbole de l'enracinement des hommes sur un territoire.

C'est pourquoi, notre vigilance de législateurs avisés et d'élus de terrain doit nous conduire à la plus grande prudence. L'excellence de nos territoires passe par le désenclavement et l'accessibilité sans lesquels il n'y a pas d'attractivité touristique et économique possible. Nos concitoyens qui ont choisi de résider dans les territoires ruraux ne doivent pas être les grands oubliés du Gouvernement. (Applaudissements au centre)

M. Jacques Blanc.  - Je veux tout d'abord saluer l'excellent travail de notre rapporteur et de M. Haenel.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - C'est vrai !

M. Charles Revet.  - C'est mérité.

Mme Isabelle Debré.  - Et reconnu !

M. Jacques Blanc.  - L'Europe, loin de bloquer le processus, nous permet d'aller de l'avant et de donner plus de chances au ferroviaire. Le rôle de l'État évolue, la gouvernance change mais la régulation est là et je me réjouis de la transposition de cette directive.

Parler de l'international ne doit pas nous conduire à oublier les réseaux secondaires. Nous avons en effet besoin de maintenir et même de développer un certain nombre de lignes voyageurs, comme Clermont-Nîmes, avec les gares de Langogne et Mende, et de liaisons marchandises comme Neussargues-Béziers, puisque ce sont des artères de la vie économique.

Vous qui avez été ministre de l'agriculture, vous comprendrez, monsieur le ministre, que je saisisse l'occasion pour demander de revenir sur l'article 54 de la loi sur le développement des territoires ruraux qui permet aux départements de faire appel à des particuliers pour transporter des élèves vivant en zones rurales. Le président Emorine avait à juste titre estimé, lors de l'examen de cet article, qu'il serait difficilement applicable. Il ne s'agit pas d'éliminer les organismes professionnels de transport mais de permettre de réduire les coûts de transport pour les collectivités concernées. Nous allons rectifier notre amendement pour permettre à la commission de lui donner un avis favorable.

Rendons hommage à l'Europe, qui nous oblige à préparer l'avenir, regardons ce que nous pouvons faire en matière de TER, assurons les liaisons dans les espaces ruraux et permettons aux départements ruraux de pouvoir transporter les enfants sans que cela leur coûte trop cher ! (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à midi quarante.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Suites du sommet social

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements à droite) Monsieur le Premier Ministre, le dialogue social n'est pas simplement une nécessité, c'est un devoir impérieux dans une crise dont on ne connaît ni l'ampleur ni la durée. Il est indispensable pour assurer notre cohésion, dans un pays qui ne peut seul régler les problèmes du monde.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Oh là là...

M. Gérard Longuet.  - Ce dialogue social repose sur un diagnostic partagé. Le chemin à parcourir est immense. Le Gouvernement et le Président de la République l'ont entamé en confiant à Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'Insee, une mission sur le partage de la valeur ajoutée, une mission sur un conseil de suivi de la crise, des politiques économiques et sociales, une nouvelle gouvernance de l'entreprise pour assurer la transparence, et donc une éducation économique.

Monsieur le Premier ministre, vous qui avez écrit « La France peut supporter la vérité », quelle est la politique du Gouvernement pour que cette vérité soit un bien commun, partagé ? Au-delà du jeu de rôles des partenaires sociaux...

M. René-Pierre Signé.  - Ce n'est pas un jeu de rôles !

M. Gérard Longuet.  - ...l'opinion doit avoir conscience de la vérité de la situation. Ce diagnostic partagé doit avoir de la profondeur dans le temps...

M. René-Pierre Signé.  - Arrêtez !

M. Charles Gautier.  - La question !

M. Gérard Longuet.  - ...sans oublier la dimension internationale et européenne nécessaire pour nous situer face à nos partenaires qui sont, hélas, aussi nos concurrents.

M. Jean-Louis Carrère.  - La question !

M. Gérard Longuet.  - Quelle sera la politique du Gouvernement pour que la France soit lucide sur elle-même ? (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - Il n'en a pas !

M. François Fillon, Premier ministre .  - Depuis le début de cette crise, dans des circonstances inédites, nous essayons d'apporter des réponses réactives à des réalités, non pas à des fantasmes ou des émotions. (Mme Éliane Assassi s'exclame)

Notre pays a réagi globalement mieux à la crise financière que d'autres. Nous devons maintenant faire face à une crise économique liée à une baisse des investissements, de l'activité et des exportations, non de la consommation, qui a augmenté de 0,3 % au troisième trimestre et de 0,5 % au quatrième. (Mme Nicole Bricq s'exclame) D'où nos mesures de relance de l'activité, à travers le soutien à l'investissement.

Nous faisons face désormais aux conséquences du ralentissement économique sur l'emploi. Les vrais victimes de la crise, ce sont les Français qui perdent leur travail ou voient leur temps de travail, et donc leur salaire, diminuer. Nous avons donc décidé hier, avec les partenaires sociaux, de porter à 75 % du salaire brut, 90 % du salaire net, l'indemnisation de l'activité partielle. S'y ajoutent des dispositifs spécifiques pour ceux qui ont travaillé moins de quatre mois, ainsi que pour les familles les plus modestes. La réduction d'impôt ambitieuse pour les revenus se situant entre 1 200 et 3 500 euros est une mesure de justice pour ceux qui n'ont jamais droit à rien. En matière de relance par la consommation, c'est bien plus juste qu'une baisse uniforme de la TVA ! (Protestations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il faut baisser la TVA sur les produits de première nécessité !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Si nécessaire, nous adapterons notre réponse, comme nous venons de le faire pour le secteur automobile. Le dialogue social peut être rude, mais c'est une réalité. J'en veux pour preuve le record de signatures d'accords conventionnels depuis un an, les derniers en date concernant l'assurance chômage et la formation professionnelle. (Applaudissements à droite et au centre)

M. René-Pierre Signé.  - Ce n'est pas si brillant !

Situation aux Antilles

M. Daniel Marsin .  - Monsieur le Premier ministre, depuis un mois, la Guadeloupe traverse une crise pour laquelle on ne voit, à l'heure actuelle, aucune issue. Pire, depuis trois jours, le mouvement de protestation se double d'une situation insurrectionnelle, presque une guérilla, marquée par des affrontements entre jeunes et forces de l'ordre, des pillages de magasins, des voitures brûlées, des barrages routiers, des tirs à balles réelles, des blessés graves et, depuis hier, un mort. Je m'incline devant sa mémoire.

Comment en est-on arrivé là ? Les élus de la Guadeloupe n'ont cessé d'alerter le Gouvernement ; j'ai moi-même, à la suite du déclenchement du mouvement par le LKP, souligné le sérieux et la portée de ses revendications. Plus personne ne peut ignorer le profond malaise de la population guadeloupéenne ; il est l'expression d'une crise économique et sociale, mais aussi identitaire, qui appelle une réponse globale. Il faut des mesures d'urgence pour que nos compatriotes puissent faire face à la vie chère ; il faut aussi, dans un second temps, que le Gouvernement et ses successeurs témoignent de davantage d'intérêt, de considération et d'intérêt pour l'outre-mer. Il est temps d'en finir avec les vieux clichés.

Comme les Français de métropole, mais dans une tout autre proportion, les Guadeloupéens subissent une telle dérive des prix qu'ils sont certains d'être spoliés par une oligarchie économique et un système d'approvisionnement qui a bénéficié de la passivité, sinon de la caution, des services de l'État. Ce n'est plus acceptable. Il importe de mettre à plat le dossier de la formation des prix outre-mer et de faire cesser l'exploitation outrancière dénoncée par le LKP. Là où un travailleur métropolitain au Smic peut acheter 625 paquets de pâtes, son homologue guadeloupéen ne peut en acheter que 425... Les 200 euros supplémentaires réclamés par le LKP correspondent au rattrapage de cette injustice.

Après un mois de crise, de manifestations et de blocages, quelle réponse allez-vous apporter, autre que policière, aux Guadeloupéens, monsieur le Premier ministre ? Que comptez-vous faire pour renouer le fil du dialogue ? Confirmez-vous devant le Sénat les annonces que vous avez faites ce matin ? (Applaudissements sur les bancs RDSE et sur quelques bancs à droite)

M. François Fillon, Premier ministre .  - La crise sociale que traverse la Guadeloupe est ancienne et tire son origine de l'organisation économique de l'île -cela vaut d'ailleurs pour les autres départements d'outre-mer. Elle est aggravée, mais aggravée seulement, par la crise mondiale. La violence s'est récemment déchaînée avec des barrages et des attaques contre des commerces ou des entreprises, et un meurtre a été commis, dont les responsables seront poursuivis et jugés ; rien ne justifie que l'on tire ainsi sur un homme qui exerçait en toute légalité ses fonctions de syndicaliste. Jusqu'alors, le mouvement s'était déroulé de façon pacifique, en utilisant les moyens que permet la Constitution.

Dès le premier jour, le Gouvernement a cherché à résoudre la crise. (Mouvements divers à gauche) Le secrétaire d'État à l'outre-mer s'est rendu en Guadeloupe et a réussi à négocier avec le collectif 131 des 132 revendications de celui-ci, qu'il s'agisse du prix de l'essence, désormais inférieur à ce qu'il est en métropole, de la mise en oeuvre anticipée du RSA dès 2009 ou du gel des loyers. Il est vrai que les négociations ont buté sur la question des salaires. Le Gouvernement était prêt à relayer la revendication du collectif sur ce point, à aider à une médiation, mais en aucun cas, l'État ne saurait se substituer aux entreprises privées et payer à leur place. Ce serait irresponsable.

Depuis plusieurs jours, des médiateurs sont sur place -leur présence est justifiée par l'absence de tradition de dialogue social dans l'île- et travaillent avec le patronat comme avec le collectif ; ils ont mis au point une réponse qui a été portée à 15 heures sur la table des négociations. Il s'agit d'une proposition nouvelle, qui consiste en une augmentation significative des salaires à la charge des entreprises, assortie d'un mode de calcul spécifique pour le RSA, en Guadeloupe comme dans les autres départements d'outre-mer.

Il nous faudra ensuite -ce sera l'objet de la réunion qui se tient aujourd'hui sous la présidence du Président de la République- engager la réflexion pour donner aux départements d'outre-mer des structures économiques et peut-être institutionnelles à même de prévenir de nouvelles crises. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Devant l'inquiétude de nos collègues d'outre-mer et pour marquer l'attention que porte le Sénat aux difficultés de leurs territoires, la Conférence des Présidents, avec l'accord de tous les groupes, a décidé de constituer une mission commune d'information chargée d'évaluer la situation outre-mer et de faire toutes propositions utiles pour trouver des solutions à moyen et long terme. (Applaudissements au centre et à droite)

Taxe professionnelle

M. Jean Boyer .  - Le Président de la République a annoncé, le 5 février, la suppression de la taxe professionnelle, décision qui a interrogé nombre d'observateurs, au premier rang desquels les élus locaux. Lundi dernier, le Premier ministre a promis qu'en dépit de cette suppression, les ressources des collectivités territoriales seraient préservées. Que penser de cet enchaînement d'annonces ?

La taxe professionnelle est une ressource fiscale essentielle pour de nombreuses collectivités et un levier majeur au service du développement économique. Les annonces successives du Président de la République et du Premier ministre soulèvent deux questions. Sur la forme d'abord : la suppression de la taxe professionnelle a été décidée sans attendre les conclusions du comité Balladur, qui doit entre autres faire des recommandations en matière de fiscalité locale. On est loin de ce processus de codécision dont on parle tant...

Il est difficile de chiffrer précisément la perte de revenus à compenser : 8, 11 ou 22 milliards d'euros ? En outre, l'abolition de la taxe professionnelle sur les équipements bruts mobiliers et non sur les biens fonciers risque de créer une forte distorsion entre les collectivités.

Les mesures de compensation prévues, comme l'instauration de la taxe carbone, paraissent insuffisantes. A l'heure où l'État fait appel aux collectivités territoriales pour investir afin de lutter contre la crise, il donne l'impression d'ignorer leurs besoins. Pouvez-vous donc nous indiquer précisément quelles dispositions vous comptez prendre à cet égard ?

Notre assemblée se préoccupe, vous le savez, des relations entre l'État et les collectivités territoriales. Celles-ci doivent être justes et transparentes, afin que chacun assume pleinement ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs de l'Union centriste)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - (Applaudissements à droite) La France est le seul pays d'Europe à soumettre les entreprises à un impôt qui pénalise celles qui investissent et profite à celles qui importent.

M. Didier Boulaud.  - La taxe professionnelle existe en Allemagne !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Il y a déjà longtemps que le Président de la République s'est engagé à supprimer cette taxe.

M. René-Pierre Signé.  - Pas si longtemps !

M. Didier Boulaud.  - Qui a inventé la taxe professionnelle ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Elle a été inventée il y a des années, et je constate que la gauche n'y a jamais touché lorsqu'elle était au pouvoir. (On le conteste sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. Strauss-Kahn a supprimé la part salariale de cette taxe !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je tiens à rassurer M. Boyer : le manque à gagner d'environ 22 milliards d'euros occasionné pour les collectivités locales par la suppression de la taxe professionnelle sera intégralement compensé. D'autres impôts seront mis en place, qui garantiront l'indépendance financière des collectivités.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Lesquels ?

M. René-Pierre Signé.  - Les contribuables paieront l'addition !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Nous attendons les conclusions de la commission Balladur pour faire un choix entre les différentes possibilités qui s'offrent à nous. (On ironise à gauche) Nous le ferons naturellement en concertation avec les associations d'élus locaux et le Parlement.

M. Didier Boulaud.  - Concertation, piège à...bidon !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Nous aurons donc l'occasion d'en débattre très prochainement. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mme la ministre n'a pas répondu à la question !

Situation économique et sociale dans les DOM

M. Claude Lise .  - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, même s'il ne semble pas vouloir répondre aux élus d'opposition de l'outre-mer. (M. François Fillon, Premier ministre, s'en défend) La Guadeloupe est en proie depuis un mois à un mouvement social d'une ampleur inédite, qui est en train de s'envenimer : on déplore déjà la mort d'un homme, et je veux adresser à sa famille, à ses proches et au peuple guadeloupéen tout entier un message de sympathie et de solidarité. La Martinique connaît elle aussi, depuis plus de dix jours, un mouvement syndical et citoyen sans précédent. Si l'on y ajoute les événements de la Guyane et de la Réunion, on constate que dans aucun des départements d'outre-mer, la population ne peut supporter plus longtemps les effets d'une crise sociale qui se caractérise par un taux de chômage cinq fois supérieur à celui de la métropole et qui constitue un triste record en Europe, ainsi que par un coût de la vie insupportablement élevé.

Cette crise ne peut être considérée comme un simple effet de la crise financière et économique mondiale. Les racines en sont anciennes et plusieurs d'entre nous n'ont cessé de lancer des cris d'alarme qui n'ont jamais été entendus. Il s'agit d'une véritable révolte des citoyens d'outre-mer contre la condition qui est la leur, dans des sociétés qui subissent encore l'héritage du passé colonial et sont marquées par beaucoup trop d'abus, d'injustices, de discriminations et d'atteintes à la dignité des personnes.

Je ne reviendrai pas sur les erreurs commises par le Gouvernement dans la gestion de cette crise ni sur le silence assourdissant du Président de la République.

M. René-Pierre Signé.  - Assourdissant en effet !

M. Claude Lise.  - Ce qui importe, c'est de savoir si le Gouvernement a enfin pris la mesure des enjeux et compris la nécessité de trouver une issue pacifique à la crise, en renonçant à la répression dont on connaît les conséquences... Le Gouvernement reconnaît-il que le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer est gravement inadapté ? Il faut réécrire ce texte en menant au préalable une large concertation, dégager de nouvelles marges financières et répondre d'urgence à certaines revendications légitimes des collectifs de Guadeloupe et de Martinique en ce qui concerne le pouvoir d'achat, le contrôle des prix et le logement social.

Le Gouvernement respectera-t-il les engagements qu'il a pris avec les syndicats et le patronat, notamment en Guadeloupe -le président Gillot y insiste-, par le préaccord du 8 février dernier sur la revalorisation des bas salaires en contrepartie d'allégements de charges sociales pour les TPE ? Au-delà de l'urgence, le Gouvernement est-il prêt à engager une réflexion approfondie avec les élus et les forces vives de nos territoires pour repenser le mode de développement des DOM, leurs rapports avec l'État et leur organisation institutionnelle ? (Applaudissements à gauche)

M. François Fillon, Premier ministre .  - Je n'ai jamais refusé de répondre à l'opposition : j'ai eu plusieurs fois l'occasion de m'entretenir avec vous, je me suis rendu à deux reprises dans votre département et je crois avoir tenu mes engagements. (Applaudissements à droite, protestations à gauche)

Nous partageons le constat que vous venez de dresser, et c'est bien pour cela que nous avons mis en chantier le projet de loi pour le développement de l'outre-mer, qui sera débattu ici même dans quelques semaines. (Mme Éliane Assassi ironise) Les problèmes que connaissent les DOM ne datent pas d'hier : leurs structures économiques et peut-être institutionnelles doivent être profondément réformées.

Vous m'interrogez, monsieur Lise, pour savoir si le Gouvernement est prêt à agir : nous allons justement tenir dans quelques instants une réunion à laquelle vous allez vous-même participer. Nous jouerons cartes sur table, et nous verrons si les élus de l'outre-mer sont prêts eux aussi à accepter le changement. (Protestations à gauche)

M. Dominique Braye.  - Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Nous mettrons en oeuvre des mesures d'urgence pour surmonter la crise en Guadeloupe, et ces mesures seront étendues aux autres départements d'outre-mer.

Vous m'avez également demandé si le Gouvernement était prêt à compenser intégralement les hausses de salaires par l'impôt.

M. Didier Boulaud et Mme Nicole Bricq.  - Il n'a jamais dit cela !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Comment peut-on soutenir une pareille idée ?

Avec une telle demande (on proteste vivement, sur les bancs socialistes, que tel n'était pas le propos de M. Lise) -c'est bien à cela que cela revient !-, vous facilitez la négociation du patronat qui n'a plus qu'à attendre que l'État apporte sa contribution. (Mêmes mouvements) En aucun cas, l'État n'acceptera que la croissance des salaires dans les entreprises privées soit prise en charge par l'impôt ; cela relève des seules relations entre les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Crise à la Réunion

Mme Gélita Hoarau .  - Avant de poser ma question, permettez-moi d'exprimer ma solidarité et celle de mon groupe à la famille et aux proches de Jacques Bino, le syndicaliste guadeloupéen tué récemment.

Monsieur le Premier ministre, la crise qui frappe les DOM est particulièrement grave et profonde, elle touche de larges couches sociales. Les plus frappés sont, à la Réunion, les 52 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, qui doivent faire face au taux de chômage le plus élevé de la République et de toutes les régions de l'Union européenne et qui voient leur pouvoir d'achat s'éroder régulièrement par un coût de la vie qui ne cesse de croître.

Cette population déshéritée attend des mesures d'urgence, comme une baisse substantielle et durable des prix des produits de première nécessité. Le Gouvernement est-il prêt à prendre les mesures qui s'imposent, notamment à lutter contre les monopoles et leurs surprofits ? Ce qui a été possible en métropole peut l'être à la Réunion, en répercutant au profit du consommateur les marges arrière des grandes surfaces. C'est nécessaire mais la solution durable serait un approvisionnement de l'île à partir des pays de la zone, à des coûts de départ deux à trois fois plus bas et à une distance quatre fois moindre.

Cette population attend aussi une baisse des loyers et du prix des transports en commun, ainsi que la gratuité des transports et cantines scolaires. Le Gouvernement est-il disposé à ouvrir ces chantiers avec les intéressés et les organismes concernés ?

Dans l'immédiat, il faut aussi répondre à l'attente de nos milliers de jeunes diplômés sans emploi qui voient la majeure partie des cadres de la fonction publique et du privé recrutés à l'extérieur. Leur frustration est grande.

Il est urgent de satisfaire ces revendications si vous voulez éviter que la désespérance ne se transforme en colère et en révolte. Mais il faudra aussi revaloriser les minima sociaux et les petites retraites.

La sortie de crise est aussi liée à l'élaboration d'un projet de développement global et durable. Ayons le courage, monsieur le Premier ministre, de remettre en cause les recettes utilisées jusqu'à présent dans les DOM et d'écouter les forces vives de nos pays et les institutions qui portent des projets comme le Plan régional de développement durable de la région, en cohérence avec le projet « île verte » et le projet « Réunion 2030-Gerri ». (Applaudissements à gauche)

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer .  - A toutes vos questions, le Gouvernement répond oui.

Oui, le Gouvernement est prêt à mettre à plat la situation économique de l'outre-mer.

Oui à l'effort de solidarité renforcée, avec le RSA qui, outre-mer, va toucher 120 000 travailleurs.

Oui pour les cantines scolaires, dont la part financée par la puissance publique va augmenter de 20 %, à condition que ces cantines utilisent des produits locaux plutôt que d'importer de Nouvelle-Zélande la nourriture de la Réunion ou des Antilles. (Applaudissements à droite)

Oui, nous allons consacrer 54 millions à l'aide aux intrants agricoles pour améliorer la production locale.

Oui, la réunion de tout à l'heure vous montrera que le Gouvernement est déterminé à apporter des réponses à cette crise dont les racines sont profondes. Oui, nous ferons ensemble entrer l'outre-mer dans le XXIe siècle ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Crise à la Guadeloupe

Mme Lucette Michaux-Chevry   - (« Ah » à droite) La situation de la Guadeloupe est particulièrement préoccupante. Il règne dans mon département un climat insurrectionnel qui n'est pas acceptable sur le territoire de la République. Chacun a ses responsabilités dans la situation actuelle. L'État n'a pas su rétablir les liens entre l'île et la France métropolitaine. En 1952, le ministre de l'intérieur d'un gouvernement de gauche a fait tirer sur les travailleurs de la canne qui demandaient des hausses de salaire légitimes. (Voix à droite : « Mitterrand ! ») En 1960, c'est un gouvernement de droite qui a fait déporter des Guadeloupéens qui réclamaient l'indépendance.

Les responsabilités sont aussi du côté des collectivités territoriales. Dans mon département, comment accepter la disparition de la commande publique, le fait que le problème des ordures ménagères ne soit pas réglé, le manque d'eau, le problème des 50 pas géométriques qui demeure pendant, comme celui du fret. Quand je dirigeais le conseil général, j'ai écrit au ministre Christian Paul pour évoquer la question de la Sara et le prix scandaleux du carburant ; il a découvert cette réalité et a dû arrêter le douanier qui ne la connaissait pas.

Les responsabilités sont aussi du côté de la population, qui considère le revenu minimum d'insertion comme un salaire normal, ou de ceux qui ont développé un habitat social qui défigure cette belle île.

Les Guadeloupéens souffrent quand des métropolitains voudraient débarrasser la République de ces îles. « Qu'on leur donne l'indépendance » disent-ils. Mais vous, madame la ministre de l'intérieur, vous connaissez bien la réalité de l'outre-mer. Dites-nous comment vous allez rétablir un espace de droit sur tout le territoire national et comment vous pensez renouer les liens d'affection qui attachent ces terres lointaines à la France. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Une crise, c'est un défi, c'est un risque, mais c'est aussi une opportunité. C'est un défi, car cela nous oblige à remettre sur le tapis des questions négligées pendant des années, voire des décennies. C'est un risque, bien entendu, comme nous l'avons vu avec la mort de ce syndicaliste tué d'une balle à chasser le sanglier par des gens qui tenaient un barrage, ce qui est un véritable drame dont j'ai dit à la famille combien je le ressentais.

Mais c'est aussi une opportunité, une formidable occasion d'agir ensemble si on en a la volonté. Il y a, outre-mer, beaucoup de bonne volonté et de talent et, pour être allée souvent en Guadeloupe comme ailleurs en outre-mer, je connais la richesse humaine et technique des hommes et des femmes de ces départements.

M. Didier Boulaud.  - Elle raconte sa vie...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je connais aussi le problème de ces jeunes, trop nombreux à être au chômage et dont l'énergie et la créativité sont perdues pour tout le monde.

Oui, cette crise doit être l'occasion d'exprimer une vraie volonté, au-delà de la démagogie et du n'importe quoi de certains. (Protestations à gauche ; applaudissements à droite)

Nous voulons réunir toutes les bonnes volontés, quels que soient les bancs sur lesquels elles s'expriment, pour agir ensemble.

M. Didier Boulaud.  - Bla bla bla !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - C'est le sens de la réunion que le Président de la République va tenir dans quelques instants, c'est le sens du Conseil interministériel pour l'outre-mer qu'il crée. Il faut ensemble définir une politique de développement social, économique et culturel. Mais, surtout, il faudra appliquer les décisions prises. (Protestations à gauche) Oui ! J'ai tout de même augmenté de 17 % le budget de l'outre-mer cette année ! Mais les administrations ne suivent pas. Et c'est cela qu'il faut changer pour que cette crise devienne une opportunité pour tous. (Applaudissements à droite)

Crise économique et sociale

M. François Patriat .  - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. La crise financière, dites-vous, est exogène et la crise à la Guadeloupe est ancienne. Mais est-ce une raison pour vous exonérer de vos responsabilités ? Il y a vingt mois, c'était pour vous le temps des certitudes ; c'est aujourd'hui le temps de l'inquiétude. Les certitudes, elles étaient dans la loi Tepa qui devait permettre, en travaillant plus, de gagner plus. Aujourd'hui, allez demander à un intérimaire licencié ou à un des innombrables nouveaux chômeurs s'ils gagnent plus ! Aujourd'hui, les seules certitudes, ce sont les 100 milliards de déficit de la France et c'est l'augmentation du nombre des chômeurs.

L'inquiétude, c'est celle des entreprises, des citoyens, des collectivités. C'est l'inquiétude des entreprises de sous-traitance automobile comme Michel-Thierry, équipementier ariégeois -département de notre collègue Bel- où l'on attend plusieurs centaines de licenciements. C'est l'inquiétude des collectivités locales auxquelles on va supprimer la taxe professionnelle et qui redoutent la réforme annoncée. C'est l'inquiétude des citoyens pour lesquels on ne débloque que 2,5 milliards, soit 14 % de ce qu'on a accordé aux banques.

Le Gouvernement va-t-il prendre la mesure de la désespérance sociale et des difficultés des entreprises et mettre enfin en oeuvre un vrai plan de relance social et économique, tant pour les citoyens que pour les entreprises ? (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'excuser Mme Lagarde, retenue à une importante conférence économique aux États-Unis. (Protestations et rires ironiques à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Nous voilà rassurés !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Il faut faire preuve de réactivité. Le Gouvernement a fixé le cap. L'ensemble des mesures prises depuis six mois représente 65 milliards réinjectés, comme vous le demandez, dans l'économie.

M. Didier Boulaud.  - Y compris le bouclier fiscal ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Car outre le plan de relance, il y a eu aussi le plan pour l'automobile et le plan en faveur des PME. Nous avons essentiellement joué sur l'investissement. Mais parallèlement, nous prenons des mesures de justice en faveur des plus défavorisés et des classes moyennes. Oui, la crise est mondiale ! Qui oserait prétendre le contraire ? Oui, il y a eu 50 000 chômeurs de plus en France en décembre. Mais il y en a eu 200 000 de plus en Espagne et un million de plus aux États-Unis ! Cela prouve que les mesures prises nous ont permis de mieux résister à la crise. (Protestations à gauche)

La réalité, c'est que le Gouvernement et le Président de la République sont parfaitement réactifs et que leurs mesures en faveur des investissements, des plus défavorisés ou des classes moyennes sont efficaces ! (Protestations à droite ; applaudissements à droite)

Statut des enseignants-chercheurs

M. Alain Gournac .  - Ma question porte sur le projet de décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs.

M. Didier Boulaud.  - Encore un succès !

M. Alain Gournac.  - En août 2007, nous avons adopté la loi sur les libertés et responsabilités des universités afin de leur conférer une réelle autonomie et de donner un nouvel élan à notre système universitaire dans un contexte de forte compétition mondiale.

Nous avons d'excellents enseignants-chercheurs...

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Qu'est-ce que vous en savez ?

M. Alain Gournac.  - ...mais leur statut n'avait pas évolué depuis 1984. Vous souhaitez plus de souplesse, plus de reconnaissance et plus de transparence dans les évaluations. Cependant, le projet de statut suscite des craintes et les enseignants-chercheurs s'interrogent. Vous avez nommé une médiatrice, Mme Cécile Bazy-Malaurie, qui présidait le comité de suivi de la loi LRU. Pouvez-vous nous préciser comment se déroulera cette concertation et quelles garanties le décret apportera aux enseignants-chercheurs ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Il y a vingt-et-un mois, le Président de la République m'a confié une mission...

M. Yannick Bodin.  - Ce n'est pas votre faute...

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - ...donner aux universités les moyens de faire la course en tête.

M. Didier Boulaud.  - La course en sac !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je la remplis : vingt universités sur quatre-vingts sont autonomes depuis le 1er janvier et sont libres d'élaborer leur stratégie. Mais il n'y pas d'autonomie sans une bonne gestion des ressources humaines. (Approbation à droite, dénégations à gauche) Toute la communauté universitaire sait que le statut des enseignants-chercheurs doit évoluer : le texte date de 1984.

MM. Yannick Bodin et René-Pierre Signé.  - Pourquoi sont-ils dans la rue ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Les états généraux l'ont montré. Mais des inquiétudes se sont exprimées et, comme j'ai toujours placé mon action sous le signe de la concertation, j'ai nommé une médiatrice, Mme Bazy-Malaurie, afin de retravailler le texte. Elle lèvera tous les malentendus (marques de scepticisme à gauche) et proposera une nouvelle rédaction. Les principes fondateurs en seront l'indépendance des universitaires, qui a valeur constitutionnelle, et une évaluation nationale de toutes leurs activités, par leurs pairs au sein des sections du Conseil national des universités : en dépit des fausses rumeurs, il n'y aura pas d'évaluation locale. (Applaudissements à droite)

Ouragan Klaus

M. Jean-Louis Carrère .  - Le 24 janvier, l'ouragan Klaus a ravagé les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Pour les départements concernés, c'est un désastre économique, écologique, paysager et humain. Les communes, les conseils généraux, le conseil régional d'Aquitaine ont déjà manifesté leur totale solidarité. En revanche, pour ce qui concerne l'État, les mesures annoncées à Sabres, dans les Landes, restent très insuffisantes. Si les 25 millions annoncés pour l'agriculture des trois régions semblent satisfaire les professionnels, le compte n'y est pas pour la filière bois : 600 millions de prêts bonifiés pour le stockage et la vente de bois, 300 millions pour la reconstitution et 60 millions pour les aires de stockage.

Le Gouvernement n'a pas pris la juste mesure du désastre qui nous frappe pour la deuxième fois. Le calcul a été établi sur 137 000 hectares alors que l'inventaire de l'IFN compte 750 000 hectares touchés dans les Landes de Gascogne, dont 300 000 à plus de 20 %. Non, les sylviculteurs ne trouvent pas leur compte et ils sont meurtris par l'absence totale de réponse de l'État. La filière forestière attend une aide plus importante : il faut définir et sécuriser les modalités d'un plan plus ambitieux. Certes, Mme la ministre de l'intérieur a annoncé des compensations pour les communes dont les ressources forestières ont été sévèrement affectées, mais quand le Gouvernement répondra-t-il à l'attente de la population et saura-t-il exprimer véritablement la solidarité nationale ? (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports .  - Cette tempête a été aussi terrible que celle de 1999, même si elle a été moins meurtrière parce que la prévention a été améliorée.

M. René-Pierre Signé.  - Elle a été de moindre étendue.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Nul ne peut affirmer que la prévention n'a pas été meilleure. Nous avons appliqué le dispositif mis en place sous le gouvernement Jospin en 1999, qu'à l'époque nous avions jugé adapté. Le Président de la République s'est déplacé...

M. Jean-Louis Carrère.  - En Gironde !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - ...le Premier ministre aussi. Il faut maintenant aller jusqu'au bout : 7 millions d'allégements de charges, 3 millions pour les reports, 6 millions pour les pertes de production, 6 millions pour l'élevage, 3 millions pour les abris...

M. Jean-Louis Carrère.  - Mais la forêt ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Pour la forêt, ce sont en effet 590 000 hectares qui sont touchés dans les Landes de Gascogne et 150 000 en Midi-Pyrénées. S'agissant des chablis, sur 600 millions de prêts, 500 millions bénéficieront d'une garantie publique : l'État apportera sa garantie pendant un an et M. Barnier m'a prié de vous dire qu'il tiendra ses engagements. En outre, 60 millions sont prévus pour les plates-formes de stockage et 300 millions pour le reboisement. La ministre de l'intérieur a également annoncé des compensations pour les communes forestières.

Nous prenons, je le redis, les mêmes mesures que le gouvernement Jospin en 1999. L'État sera solidaire et agira en partenariat avec les collectivités et, chaque fois qu'un guichet unique sera mis en place, comme M. Raffarin l'avait fait en 1999 dans sa région, nous pourrons gagner du temps. Vice-président du conseil régional d'Aquitaine, vous savez qu'une réunion se tient aujourd'hui à Bordeaux. (Applaudissements à droite)

Politique familiale du Gouvernement

M. Antoine Lefèvre .  - Ma question s'adresse à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.

Le 13 février dernier, le Président de la République a présenté à l'Élysée les grandes lignes de la politique familiale du Gouvernement. A cette occasion, il a annoncé une adaptation de notre droit aux nouvelles réalités de la famille et réaffirmé que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale était un objectif majeur du quinquennat. Il a également proposé une amélioration du congé parental pour une meilleure insertion professionnelle des femmes et invité les partenaires sociaux à être plus actifs sur ce terrain.

Ces orientations ont été concrétisées dès le sommet social d'hier, les partenaires sociaux ayant placé le soutien aux familles confrontées à la crise économique au coeur des négociations. Madame le ministre, pourriez-vous préciser les propositions que le Gouvernement a formulées pour soutenir les familles dont le développement harmonieux est garant de l'avenir de la Nation ? (Applaudissements à droite)

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille .  - Monsieur Lefèvre, comme pour nombre de vos collègues, la famille est au coeur de vos préoccupations. J'en veux pour preuve la visite que M. Brice Hortefeux a effectuée dans une halte-garderie de votre département. (Exclamations sarcastiques à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quelle preuve !

M. René-Pierre Signé.  - C'est que, en halte-garderie, M. Hortefeux s'y connaît !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Les familles sont au coeur de toutes les dispositions que le Gouvernement a prises pour lutter contre la crise économique. Le plan de sauvetage des banques tend à sauvegarder leur épargne...

Mme Nicole Bricq.  - Sans blague !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Le plan de relance vise à les préserver du chômage. (Marques d'incrédulité à gauche) Hier, lors du sommet social, le Président de la République a choisi de s'occuper des familles les plus fragilisées par la crise. (Même mouvement) Ainsi, le chômage partiel sera-t-il indemnisé à hauteur de 75 % du salaire brut.

Les jeunes, qui ne peuvent prétendre à l'indemnisation du chômage, toucheront une prime exceptionnelle de 500 euros s'ils justifient de deux mois d'activité. (Brouhaha à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Insuffisant !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Nous supprimons les deux tiers prévisionnels de l'impôt sur le revenu pour l'année 2008...

M. Charles Gautier.  - Tout est dans tout, et réciproquement !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - ...ce qui correspondra à un gain de pouvoir d'achat de 200 euros.

Pour soutenir les familles, nous avons également mis en place des aides exceptionnelles : une prime de 150 euros sera versée aux bénéficiaires de l'allocation de rentrée scolaire et des bons d'achat de services à la personne seront distribués à des ménages ciblés...

M. Yannick Bodin.  - Formidable !

Mme Nicole Bricq.  - Ce n'est vraiment pas sérieux...

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - ...aux foyers comptant des enfants handicapés ainsi qu'aux chômeurs qui ont besoin de faire garder leurs enfants pour retrouver ou redémarrer un travail.

M. le président.  - Je vous prie de conclure.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Ces bons seront également distribués aux 660 000 familles qui bénéficient de l'allocation personnalisée d'autonomie. Comme vous le constaterez, monsieur le sénateur, l'ensemble de ces aides sociales et économiques est centré sur les familles ! (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 16 h 25.

Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés (Urgence - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.

Discussion générale (Suite)

M. Michel Teston.  - Depuis le début des années 1990, l'Union européenne a adopté plusieurs directives pour tenter d'enrayer le déclin du mode de transport ferroviaire, qui se répartissent en trois paquets relatifs aux infrastructures, à l'ouverture à la concurrence internationale pour le fret puis pour les voyageurs. La transcription en droit français d'une partie de ces directives est déjà intervenue.

Ainsi, pour séparer la gestion de l'infrastructure ferroviaire de celle de l'exploitation des services de transport, la France a créé RFF. Elle a même été plus loin que la seule séparation comptable exigée par l'Union européenne.

Des spécifications techniques communes ont été définies en matière de signalisation et de construction de moteurs pouvant capter plusieurs types de courant électrique. Enfin, le monopole de la SNCF sur le service intérieur de marchandises a été supprimé le 1er janvier 2006.

Nous transcrivons aujourd'hui une série de dispositions du troisième paquet ferroviaire ainsi qu'une partie d'une directive relevant du premier paquet. Les services internationaux de transport voyageurs seront ouverts à la concurrence à partir du 13 décembre 2009 et il sera possible, sous certaines conditions, de prendre et de déposer des voyageurs dans les gares françaises situées sur le trajet d'un service international. En revanche, ce texte ne prévoit ni l'ouverture à la concurrence des services régionaux de transport de voyageurs, aucune directive européenne ne l'imposant aux États membres, ni le règlement relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit règlement OSP.

Ce projet de loi crée les conditions de développement des opérateurs ferroviaires de proximité, ce qui se traduira par la fin du monopole de la SNCF pour l'entretien des lignes à faible trafic réservées aux transports de marchandises. Il prévoit en outre la création d'une autorité administrative indépendante, chargée de garantir un accès équitable et non discriminatoire des opérateurs aux réseaux.

Les deux derniers titres du projet de loi contiennent des dispositions relatives à des concessions routières et aux conditions de travail des personnels navigants de l'aviation civile.

Nous estimons que ce projet de loi doit être précisé, qu'il comporte trois oublis majeurs et, qu'à l'instar de la directive qu'il transcrit, il est inspiré par la croyance absolue que seule l'ouverture à la concurrence est de nature à développer les services internationaux de transport de voyageurs, croyance que nous ne partageons pas.

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Ah bon ?

M. Michel Teston.  - S'agissant des dessertes intérieures de cabotage, il convient de préciser les critères sur lesquels l'autorité administrative compétente pourra s'appuyer afin qu'une entreprise ferroviaire ne développe pas un service de transport de passagers transfrontalier pour s'implanter sur les liaisons intérieures.

Il faut également indiquer que RFF demeure l'unique gestionnaire du réseau ferré national et que la notion de « gestionnaire d'infrastructure » s'applique automatiquement à RFF, mais que les gestionnaires transitoires que sont les opérateurs de partenariats public-privé (PPP) n'ont pas vocation à conserver cette qualité à l'issue du contrat.

Pour préserver l'unité du réseau ferré national, nous rappellerons qu'un opérateur de proximité ne peut en aucun cas devenir propriétaire d'une partie du réseau.

Enfin, il serait logique que les concessionnaires compensent les préjudices que la réalisation de lignes à grande vitesse entraîne pour les communes qu'elles traversent.

Premier oubli majeur, les mots « service public » ont disparu du projet de loi. Nous proposerons de compléter par ces termes le 4° de l'article premier. En outre, le projet de loi ne transpose pas la directive 2007/59 qui institue le permis de conduire européen, garant d'un haut niveau de sécurité quel que soit l'opérateur. Enfin, rien n'est prévu pour le remboursement progressif de la dette de RFF. Pourquoi ne pas profiter de ce texte pour clarifier les relations entre RFF et la SNCF, mises à mal depuis la loi de 1997 ? En effet, l'indépendance est peut-être « Bruxello-compatible », mais les relations commerciales entre les deux entités sont contraintes.

Le rapport de M. Haenel sur l'organisation ferroviaire évoque « un constat de carence de l'État en matière de gouvernance et de financement du système ferroviaire ». Le rapport de la Cour des comptes, le rapport Mariton sur les péages ferroviaires estiment également qu'il est urgent de simplifier le système et de rembourser la dette de RFF. A l'instar de ce qui a été fait en Allemagne, en Autriche et en Italie, le mieux serait de mettre en place une holding coiffant RFF et la SNCF, ce qui suppose toutefois que l'État reprenne la dette de RFF, d'au moins 27 milliards.

Ce texte, comme la directive qu'il transpose, part du principe qu'il n'y a point de salut pour les services internationaux de transport de voyageurs hors de la concurrence. Cette marche forcée, amorcée au début des années 1990, n'a jamais été remise en question, malgré des expériences peu concluantes, notamment en Grande-Bretagne. En outre, comme l'illustrent les nouvelles lignes directrices communautaires sur les aides d'État aux entreprises ferroviaires du 22 juillet 2008, cette libéralisation s'accompagne de moult dérogations et entorses au principe de libre concurrence... A compter de l'hiver 2010, la concurrence va se déchaîner sur les lignes jugées rentables. Les prix baisseront, mais la qualité des services aussi ! L'emploi pourrait également en pâtir. Les opérateurs historiques seront en difficulté mais devront assurer le transport sur les lignes peu ou pas rentables. L'ouverture à la concurrence n'est donc pas une solution. Pourquoi avoir sacrifié sur l'autel du libéralisme l'incitation à la coopération entre les grands opérateurs ? Des services comme Eurostar, Thalys, Lyria ou Alleo fonctionnent bien.

Nous espérons aboutir à un accord concernant la certification des conducteurs de train, mais pourra-t-on clarifier les relations entre RFF et la SNCF et mettre en place un échéancier crédible pour la reprise progressive de la dette de RFF ? En tout état de cause, nous sommes opposés à un texte marqué par une croyance aveugle dans les vertus de la concurrence. Nous tâcherons néanmoins d'éviter le vote de dispositions sur lesquelles il sera très difficile de revenir, en espérant que l'Union européenne saura changer radicalement d'orientation. Il n'est jamais trop tard pour bien faire ! (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je comprends que la Haute assemblée souhaite poursuivre le débat sur ce texte avec le ministre concerné plutôt qu'avec le ministre chargé des relations avec le Parlement, mais je ne peux malheureusement être présent ce soir. Avec l'accord de M. Karoutchi, je vous propose donc de poursuivre le débat jusqu'à 19 heures et de reprendre l'examen du texte le lundi 9 mars.

M. le président.  - Je n'y vois aucun obstacle.

M. Charles Revet.  - C'est la sagesse.

M. Michel Mercier.  - Je supplée à cette tribune M. Biwer, rentré dans son département de la Meuse, et M. Boyer, rentré en Haute-Loire. C'est une première preuve de la grande inégalité face à la desserte ferroviaire : s'il y avait plus d'un train par jour pour Bar-le-Duc, si l'on pouvait rejoindre la Haute-Loire sans passer d'abord par Lyon puis attendre une correspondance hypothétique pour le Puy, ils seraient là à ma place ! Mais je représente un département qui compte quatre gares TGV, preuve que, quand on veut, on peut organiser un trafic de grande qualité ! Dès que vous aurez réalisé la ligne TGV Austerlitz - Orléans-Blois-Clermont-Ferrand-Roanne-Lyon, vous pourrez changer de portefeuille, monsieur le ministre ! (Sourires)

Nous sommes pour l'essentiel d'accord sur l'économie du texte ; notre groupe défendra quelques amendements pour plus de justice tarifaire. Ne souhaitant pas retarder l'examen des articles, je n'en dirai pas plus. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.  - Bref et efficace !

M. Yves Daudigny.  - Est-ce parce que les marchandises ne votent pas que le fret ferroviaire est délaissé ? (Sourires) Les entreprises implantées hors des grands axes ferroviaires et tributaires de livraisons de faible quantité sont totalement abandonnées. A l'heure de la crise, des promesses environnementales et des plans de relance axés sur l'investissement, il est aberrant qu'un projet de loi sur les transports ferroviaires ne traite pas de cette question !

Confronté localement à ces problèmes, j'ai pris le train en marche lors de l'examen de l'article 10 du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du Grenelle.

Un accord a été signé en 2004 entre l'entreprise et la SNCF, mais le problème structurel demeure ; le service de wagon isolé assuré depuis trente ans par l'opérateur historique est proposé désormais à de telles conditions que l'entreprise n'aura le choix qu'entre le recours au transport routier, la délocalisation ou la fermeture.

Au regard des objectifs fort louables du Grenelle de l'environnement, la question des wagons isolés n'est considérée que dans la perspective de la création d'opérateurs ferroviaires privés dits de proximité ; est ainsi confirmée l'abandon par la SNCF de cette activité et, plus largement sans doute, du fret ferroviaire lui-même. Entre 2000 et 2007, le nombre de tonnes transportées par kilomètre est tombé de 56 à 40 milliards, et a encore diminué de 7 % en 2008 ; 85 % du fret est aujourd'hui transporté par camions et la SNCF, au travers de sa filiale Geodis, est devenue le premier transporteur routier de France. En septembre 2007, un mois et demi avant le Grenelle, la branche fret annonçait une perte de 260 millions d'euros et la fermeture de 262 gares qui assuraient l'activité de wagons isolés. Le 16 octobre 2007, le directeur général délégué du fret à la SNCF se voulait rassurant et relativisait l'impact de ces fermetures, mettant en avant les solutions de remplacement et les économies réalisées qui pourraient ainsi être réinvesties ; c'est dire malheureusement que la SNCF, entreprise désormais soucieuse de l'équilibre de ses comptes au détriment de son rôle d'aménageur du territoire, avait fait le choix de la rentabilité. Quant aux solutions de remplacement, elles sont à ce jour soit routières, soit inexistantes.

La libéralisation a-t-elle produit les effets attendus ? Rien ne prouve qu'elle ait permis une augmentation du transfert route-rail. Les entreprises installées loin des grandes lignes auront nécessairement recours, pour de faibles livraisons, au mode de transport le plus fiable et le moins cher, ce qui n'est plus le cas du service de wagons isolés, devenu coûteux et aléatoire. On nous donne souvent l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou l'Espagne en exemple, où la libéralisation a entraîné une augmentation du fret ferroviaire, mais comparaison n'est pas raison, d'autant qu'en Allemagne, pour ne citer qu'elle, la dette de la Deutsche Bahn a été reprise en totalité par l'État fédéral dans les années 1990... Le rapport de Bruxelles sur la mise en oeuvre du premier paquet ferroviaire montre d'ailleurs que l'hégémonie de la route n'a pas été entamée. Un bilan s'imposait, que nous avons demandé sans succès le 29 janvier lors de l'examen du Grenelle de l'environnement ; on nous avait alors renvoyés au texte que nous examinons aujourd'hui...

La solution des opérateurs ferroviaires de proximité est ainsi incertaine. L'article 2 vise à créer une offre locale là où des lignes structurellement déficitaires sont menacées de fermeture, sur le modèle des short lines américaines. Les opérateurs seraient chargés de la gestion du trafic, du fonctionnement et de l'entretien des lignes à faible trafic de marchandises, RFF restant responsable de la sécurité. L'annonce, début septembre 2007, de la fermeture de 262 gares jusqu'alors dédiées au wagon isolé avait provoqué un émoi légitime ; le 26 septembre suivant, à Orléans, était signé le protocole d'accord pour la création du premier opérateur de fret de proximité, Proxirail, pour assurer le transport par wagons isolés que la SNCF venait de décider d'abandonner...

Les opérateurs ferroviaires de proximité sont-ils viables ? Personne ne peut le dire aujourd'hui, dès lors que les conditions de leur viabilité, d'un éventuel financement public, de l'emploi, des normes de sécurité ne sont pas établies. L'impératif premier de ces opérateurs est de disposer d'un réseau capillaire opérationnel, lequel doit être remis en état au prix d'investissements massifs. C'est le préalable qu'a lui-même posé le président de RFF lors d'un débat tenu le 4 février dernier à l'initiative de notre collègue député M. André Marcon ; ces investissements ne pourront être réalisés sans des aides publiques initiales importantes, étant entendu, selon le président de RFF, que « l'on ne peut pas attendre une quelconque rentabilité de ces 4 000 kilomètres de voies qui ne supportent pas de trafic de passagers, dont 10 % sont totalement inutilisés et donc en mauvais état. L'ensemble coûte 100 millions d'euros de frais de gestion annuels et ne rapporte qu'un million d'euros de recettes. » Comment ne pas s'interroger sur la légitimité du transfert à l'État et aux collectivités territoriales du coût des choix stratégiques de la SNCF ?

L'allégement des normes de sécurité semble d'autre part considéré comme une nécessité pour ne pas dissuader d'éventuels opérateurs privés, au motif que ces normes pourraient constituer une distorsion de concurrence. Sécurité moindre, coûts réduits, main-d'oeuvre moins qualifiée : low cost et dumping social seraient-ils les seules perspectives de la libéralisation ?

Aucune de ces questions n'est traitée dans le présent texte, qui n'offre pas la vision d'ensemble nécessaire. Le fret ferroviaire, et particulièrement celui de wagon isolé, est financièrement déficitaire, mais il est économiquement utile à nos territoires, écologiquement indispensable et humainement profitable. Il faut faire un choix. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Patriat.  - J'associe à mon propos M. Bourquin, qui n'a pu être présent aujourd'hui. Ce projet de loi d'apparence technique marque une nouvelle étape de la libéralisation du transport ferroviaire. Il entérine l'ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs. Je centrerai mon propos sur les paradoxes de la politique européenne de concurrence dans le secteur ferroviaire.

Le service public des transports ferroviaires a toujours été à part dans la finalisation d'un espace communautaire, ce que rappelle fort justement le rapport de M. Hubert Haenel sur la libéralisation des transports ferroviaires dans l'Union européenne. Nous sommes, dans ce domaine, encore loin d'un espace commun. Il faut du temps pour aplanir les nombreuses contraintes techniques touchant aux infrastructures, au matériel, à l'informatique ou aux conditions de travail des personnels. Or ce qu'on nous propose aujourd'hui n'est que la transposition en droit interne de dispositions initiées dans les années 1990. Les objectifs de l'Union ont pourtant depuis gagné en réalisme, la concurrence n'est plus une fin en soi ; l'Europe s'est engagée dans la bataille de l'environnement, la promotion de transports ferroviaires de qualité, attractifs pour les usagers et les entreprises, la promotion aussi de l'intermodalité, du rééquilibrage entre le rail et la route, d'une croissance plus verte. Pourquoi dès lors cette transposition administrative a minima ?

Ce projet de loi aurait pu être un texte majeur pour donner un nouvel élan à l'Europe des transports ferroviaires. II n'en est rien. Il n'évoque pas ou si peu les personnels ferroviaires ; Mme Bernadette Bourzai avait par exemple déploré, en commission, que le rapport Haenel ne dise rien de la certification des conducteurs de train. Le texte est muet sur ce point. Nous voilà embarqués dans le train de la concurrence ; a-t-il même un conducteur ? Nous manquons d'une étude d'impact sérieuse de cette loi sur l'ensemble de la politique des transports.

Ce texte est une occasion manquée, environnementale et sociale. Où est l'articulation nécessaire avec le Grenelle de l'environnement ? Il semble que les objectifs de développement durable, de péréquation et d'aménagement du territoire, de qualité de service, de respect du citoyen et du consommateur, de formation et de mobilité des personnels soient passés à la trappe au seul profit de celui-ci : l'ouverture à la concurrence à tout prix. Mais quel prix !

Les transports internationaux de voyageurs sont le volet le plus rentable du transport ferroviaire ; des opérateurs européens ont déjà fait savoir leur grand intérêt pour ce secteur. On les comprend !

Ce n'est pas l'arrivée de nouveaux opérateurs en elle-même qui nous fait craindre une distorsion de concurrence, mais le fait que ces nouveaux entrants n'aient pas la charge d'entretenir la totalité d'un réseau plus ou moins rentable selon les endroits, de contribuer à l'aménagement du territoire, de rendre attractifs le fret ferroviaire et l'intermodalité, ni de faire vivre l'Europe des transports durables.

Le nouveau gendarme du rail créé par ce texte rendra seulement des arbitrages internes et n'aura pas pour rôle de définir une véritable politique commune de transport ferroviaire. La perte de marchés rentables pour les opérateurs historiques les contraindra à réduire leurs dépenses sur les plus petites lignes, voire à fermer celles-ci, et à diminuer la qualité d'entretien du réseau au détriment de la sécurité des usagers et des employés et au risque de voir se multiplier les ralentissements sur les voies, qui conduiront les consommateurs à délaisser le rail pour la route.

Qui compensera ces pertes ? RFF est englué dans des dettes abyssales ; la SNCF n'a même pas la certitude de pouvoir se positionner sur les marchés européens ; l'État a montré sa frilosité par son timide plan de relance ; les régions ont déjà excédé leurs attributions en finançant très largement les TER. La priorité n'est pas de se précipiter à marche forcée vers la concurrence mais d'améliorer l'interopérabilité et d'investir massivement pour promouvoir le transport ferroviaire durable.

Je formulerai quelques propositions. Les coûts environnementaux et sociaux doivent être internalisés et pris en compte dans le calcul d'un droit d'entrée des nouveaux opérateurs. L'État doit apurer une partie des dettes de RFF afin d'éviter une distorsion de concurrence trop importante et de permettre l'entretien des infrastructures ; en Allemagne et en Suisse, l'État a consenti un effort similaire. Il faut également mettre en oeuvre la stratégie de Göteborg : je suis favorable à un grand emprunt européen afin d'investir dans les infrastructures ferroviaires, de développer le fret et d'harmoniser les structures ferroviaires européennes.

S'il y a une concurrence à promouvoir, c'est la concurrence du rail et de la route ! II n'est plus possible de fermer les yeux sur des cohortes de camions qui engorgent les routes des pays centraux de l'Union européenne et constituent un véritable drame pour l'environnement et la sécurité routière, ni sur les conditions de travail des chauffeurs routiers qui pourraient devenir des partenaires essentiels d'une politique de ferroutage ambitieuse. Les perspectives financières pour la période 1999-2006 ne prévoyaient que 5 milliards d'euros pour la politique européenne des transports ! Tant que nous n'aurons pas instauré une taxe sur le transport routier, les chemins de fer ne disposeront pas des moyens nécessaires pour être un véritable service d'intérêt général, économiquement attractif.

Nous ne voterons pas ce texte, transposition a minima d'une directive vieille de vingt ans qui ne répond nullement aux exigences économiques, sociales et environnementales du moment. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je remercie les orateurs de leurs interventions. M. Jacques Blanc a opportunément rappelé la dimension européenne de cette réforme, et M. le rapporteur évoqué le « cercle vertueux de la concurrence et du trafic » : en effet, la concurrence n'est pas un objectif en soi, mais elle permettra d'accélérer le report modal.

M. Collin a eu raison de souligner que la libéralisation du secteur ne doit pas se faire au détriment de l'aménagement du territoire, notamment dans les régions comprises entre les deux grands axes TGV actuels.

Mme Schurch s'est émue du fait que le développement des grandes lignes puisse conduire à l'abandon des axes moins importants ; nous veillerons au contraire à préserver la couverture ferroviaire du territoire, dans un souci de péréquation.

La commission des affaires économiques souhaite rebaptiser « Autorité de régulation des activités ferroviaires » (Araf) la commission de régulation instaurée par ce texte : la dénomination prévue ne me satisfaisait pas et je félicite la commission d'avoir été plus imaginative que le Gouvernement. La création de cette autorité, monsieur Haenel, a été précédée d'une mission de préfiguration afin qu'elle puisse disposer immédiatement des moyens humains nécessaires pour fonctionner.

Nous sommes très favorables à la réunion d'un comité des parties prenantes, suggérée par M. Haenel dans son rapport afin de réfléchir à des expérimentations dans le domaine du transport régional.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - J'indique à M. Daudigny que les opérateurs de proximité peuvent appartenir au secteur privé ou au secteur public, comme l'opérateur maritime public à La Rochelle ; les communautés de communes peuvent jouer leur rôle ainsi que les chambres de commerce. (M. Charles Revet marque une nouvelle fois son approbation)

M. Patriat a rappelé la nécessité d'une fiscalité européenne sur le secteur routier pour financer les infrastructures ferroviaires et soutenir le report modal. Nos efforts pour promouvoir la création d'une « Eurovignette » n'ont pas encore abouti malgré le soutien de parlementaires français de tous bords -je salue en particulier le travail de M. Gilles Savary à Strasbourg- mais nous avons fait des progrès. Certains pays souhaitent que le produit de cette vignette soit versé au budget général de l'État, d'autres, comme la France, qu'il soit affecté directement au financement du report modal.

J'aurai l'occasion de revenir sur tous ces points au cours de la suite de la discussion. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°61, présentée par Mme Schurch et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération du projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (n°501, 2007-2008) (Urgence déclarée).

Mme Odette Terrade.  - Le Gouvernement se livre à un grand écart : il y a quelques semaines nous débattions de la loi relative au Grenelle de l'environnement, qui devait représenter, selon les mots de M. le ministre d'État, « une rupture puissante, forte et radicale » dans le secteur des transports. Mais la révolution annoncée n'est pas au rendez-vous. Le Gouvernement propose aujourd'hui de libéraliser le transport international des voyageurs à partir du 13 décembre 2009. Comment croire que la loi du marché suffira à développer le transport ferroviaire ? Comment modifier l'équilibre entre la route et le rail et moderniser le réseau tout en continuant d'affaiblir l'opérateur historique en charge du service public ?

Le Gouvernement poursuit donc la politique de libéralisation des services publics alors que la crise actuelle devrait l'inciter au pragmatisme, voire à une révision de sa doctrine. La course au profit comme unique modèle de développement des entreprises encourage le dumping social et fiscal et conduit à la déconnexion des marchés financiers et de l'économie réelle. L'idée fallacieuse de la main invisible comme unique régulateur du marché et l'absence d'harmonisation fiscale et sociale au niveau européen ont fait renoncer les pouvoirs publics à répondre aux besoins collectifs de la population.

L'ouverture à la concurrence, selon ses partisans, devait permettre d'offrir aux usagers un meilleur service à un meilleur prix. La démonstration est faite du contraire : les usagers des services de téléphonie, d'énergie et de transports en savent quelque chose... Les prix ont augmenté et le service s'est détérioré ; les seuls bénéficiaires sont les actionnaires des nouveaux opérateurs et des opérateurs historiques privatisés, qui ont réalisé de juteux profits... Les accidents répétés sur les voies ferrées outre-Manche devraient nous inciter à la prudence. L'Allemagne, elle, semble avoir renoncé à privatiser la Deustche Bahn.

En France, la libéralisation du fret ferroviaire a conduit à la disparition de milliers d'emplois, de 262 gares et de dessertes jugées peu rentables. Plus d'un million de camions supplémentaires sont venus encombrer nos routes. Le budget de la SNCF pour 2009 prévoit la suppression de 1 600 emplois, dont 1 400 dans le secteur du fret.

Mais vous persévérez dans cette voie, comme si la seule réponse aux dérives du libéralisme consistait à accélérer les réformes libérales : c'est sidérant !

La transposition d'une directive n'est pas une obligation juridique.

Si le Gouvernement français souhaitait réellement mettre en oeuvre une autre politique des transports, fondée sur le développement du service public, il pourrait se faire entendre par la Commission. On a bien vu récemment que la détermination de la France et de l'Allemagne avait permis de suspendre l'application du pacte de stabilité. D'autre part, il faut quand même rappeler que cette directive entérine des choix fait par le Gouvernement français au sein des institutions européennes. Bref, rien ne nous oblige à adopter en urgence des dispositions qui n'entreront en vigueur qu'à la fin de l'année. Pour toutes ces raisons, nous demandons qu'un bilan de la libéralisation du secteur soit entrepris et que, dans l'attente, un moratoire soit décrété sur les directives libérales.

Pourquoi donc un tel zèle de la part de notre Gouvernement à poursuivre dans l'erreur, y compris en allant plus loin dans le démantèlement du secteur ferroviaire que la directive européenne ne l'impose ? La création des opérateurs de proximité n'est en aucun cas la traduction d'une exigence communautaire, ni de la mise en demeure du 28 juin 2008 de la commission. Or, ces fameux opérateurs de proximité auraient à leur charge non seulement le service de transport mais également la gestion du réseau. C'est donc l'unité du réseau national que vous remettez en cause. Les collectivités risqueront d'être dans l'obligation de participer à la création de ces opérateurs pour éviter l'abandon de lignes jugées trop peu fréquentées ou trop dégradées.

Le texte actuel s'en tient à une séparation comptable au sein de la SNCF selon que les activités relèvent de gestion de l'infrastructure ou de l'exploitation de service de transports. La lettre de grief de la commission n'impose pas davantage. La création de l'ENCF que le ministre propose par voie d'amendement affaiblit encore un peu plus la SNCF, dont le découpage progressif annonce la privatisation future.

L'ouverture à la concurrence des transports régionaux proposée par M. Haenel ne répond, elle non plus, à aucune obligation communautaire puisque les transports régionaux relèvent soit du cabotage clairement encadré par la directive de 2007, soit du règlement OSP qui laisse le choix aux autorités organisatrices de conserver ou non le monopole de la SNCF. Mme Kosciusko-Morizet a rappelé très clairement que « l'objet de ce règlement n'est pas d'anticiper l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires intérieurs. (...) Les autorités organisatrices ne pourront se prévaloir du règlement pour mettre en concurrence les transports régionaux. » Vous semblez pourtant vouloir quand même ouvrir cette possibilité en la cantonnant à l'expérimentation sur la base du volontariat des régions. Cette ouverture n'est pas opportune et ferait peser des risques importants sur la sécurité des voyageurs. L'unité du réseau, de sa gestion, comme l'unité d'exploitation par la SNCF, constitue la seule garantie d'un système performant et sûr sur l'ensemble du territoire.

Nous voyons bien la tentation des nouveaux opérateurs de considérer les règles de sécurité comme des entraves à leur compétitivité. Lors de son audition, le représentant d'Euro Cargo Rail nous indiquait que la compétitivité des entreprises ferroviaires ne devait pas être remise en cause par l'établissement public de sécurité ferroviaire ; de même, le directeur général de Veolia transport a souhaité que la commission de régulation vérifie que les règles de sécurité imposée par l'EPSF n'aient pas pour objectif d'évincer la concurrence.

Le fait même que l'EPSF soit placé sous la tutelle de l'autorité de régulation nous inquiète. Nous ne sommes pas favorables à la mise en place de telles autorités. Outre qu'elles symbolisent la libéralisation, leur forme, leur mission, leur pouvoir sont contestables. Ces ovnis juridiques ne correspondent ni à notre conception de l'indépendance, ni à celle de la transparence. Elles ne sont pas légitimes puisque leurs membres sont nommés et qu'ils ne sont pas responsables des décisions prises dans le cadre de leurs pouvoirs exorbitants. En créant une telle autorité, les pouvoirs publics cherchent à se dédouaner des questions de sécurité, d'aménagement du territoire, de la mise en oeuvre du service public ferroviaire, à se délester de leur responsabilité politique en s'en remettant à des experts présentés comme indépendants. La mission de contrôle des activités ferroviaires n'avait ni les mêmes fonctions, ni le même statut.

D'un point de vue juridique, confier le pouvoir réglementaire, même s'il reste marginal, ainsi que des pouvoirs décisionnels et juridictionnels, c'est donner la possibilité à cette autorité d'être le juge de ses propres réglementations. Pourtant, la commission veut doter cette autorité de la personnalité morale et de l'autonomie financière.

Il serait invraisemblable que le refus d'homologation par le ministre de la réglementation proposée par cette autorité doive être motivé. C'est le ministre qui dispose de la responsabilité politique. Le professeur Claude Champaud est très clair sur la définition de ces autorités : bien qu'administratifs, ces organismes doivent moins veiller au respect du bien public qu'à la préservation des intérêts privés dont la sauvegarde est d'intérêt général.

L'essentiel, dont il n'est pas du tout question dans ce projet de loi, c'est le service public ferroviaire ; l'urgence n'est pas d'une libéralisation accrue mais d'une implication de la puissance publique pour le rendre plus performant et accessible à tous.

Alors que le Grenelle devait faire de la question des transports une priorité de l'action publique, ce texte laisse les intérêts privés définir le niveau de l'offre de service. Une mission d'information sur le financement des infrastructures de transports terrestres a dressé un état des lieux accablant, comme avait déjà fait l'audit de l'école polytechnique de Lausanne : si rien n'est fait, entre 30 à 60 % des infrastructures ne seront plus utilisables dans quelques années. Y compris dans votre logique libérale, cela pose problème : si le réseau est vétuste, aucun opérateur privé ne trouvera intérêt à proposer ses services et l'avantage concurrentiel de la route sera encore renforcé.

La mission d'information sur les transports terrestres insistait sur la nécessite d'une reprise rapide de la dette de RFF pour lui permettre d'investir dans les réseaux. La Cour des comptes allait dans le même sens en avril 2008. C'est quand même ahurissant ! Le Gouvernement a trouvé des milliards, à deux reprises, pour les banques et rien pour RFF ! Je ne reviens pas sur la privatisation des concessions d'autoroutes, décision qualifiée d'erreur historique par la mission d'information parce qu'elle prive l'Afitf de ressources pérennes, ni sur la diminution drastique des crédits affectés à la mission Transport dans la loi de finances. La seule subvention aux infrastructures a été divisée par deux depuis 2002. L'État se défausse sur les régions et sur le secteur privé pour la réalisation des infrastructures, grâce aux contrats de partenariat, et pour l'exploitation du service par l'ouverture à la concurrence généralisée.

Les partenariats public-privé ne peuvent constituer une alternative : le financement des infrastructures d'intérêt général doit être prévu sur le long terme et dégagé des aléas des marchés financiers. Or on va confier les infrastructures non rentables au secteur public et celles qui seront jugées rentables au secteur privé. Autrement dit, on privatise les profits et on socialise les pertes.

L'ouverture à la concurrence des transports de voyageurs ne répond pas aux défis environnementaux. Les grandes lignes internationales, financièrement rentables, risquent d'être privilégiées au détriment de l'aménagement du territoire et le mécanisme de péréquation financière entre axes rentables et axes non rentables de voler en éclat. La concurrence va s'exacerber sur les axes saturés et dans les périodes horaires de haute fréquence en favorisant des conflits d'intérêts dans l'attribution des sillons et des surenchères financières pour leur acquisition, dont le voyageur fera les frais par le biais d'augmentations des tarifs. En outre, la concurrence va jouer sur les normes sociales, comme cela est devenu monnaie courante au sein de l'Union européenne.

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter cette question préalable, parce que la libéralisation n'est pas une réponse au problème majeur que connaissent les transports aujourd'hui : celui du désengagement massif de l'État de ses missions de service public, notamment en termes d'investissement. En pleine crise sociale, il ne faut pas priver nos concitoyens de la garantie collective assumée par la puissance publique mais faire jouer les solidarités nationales pour garantir leurs droits et notamment celui à la mobilité. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Teston.  - Nous aussi sommes inquiets des conséquences de ce projet de loi ; nous voterons donc cette motion.

M. Francis Grignon.  - Je reconnais à nos collègues une grande cohérence idéologique : ils s'opposent à toute idée d'ouverture, même progressive, à la concurrence. Mais la France est sous le coup d'une mise en demeure sur la base de la directive de 2001, négociée par le gouvernement Jospin, dont le ministre chargé des transports s'appelait Gayssot... C'est pour nous une obligation pour éviter une procédure en manquement, avec les lourdes amendes qu'elle pourrait entraîner. Même si l'Union européenne n'existait pas, nous devrions dynamiser notre réseau ferroviaire pour de simples considérations nationales.

Mieux vaut donc essayer d'améliorer ce projet de loi que le rejeter en bloc !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je suis de l'avis du rapporteur. L'ouverture à la concurrence serait néfaste pour le client ? Non ! L'exemple de l'Allemagne le montre, où le trafic a explosé, avec d'ailleurs la contribution de la SNCF et de Veolia. On s'est beaucoup moqué des chemins fer privatisés de Grande-Bretagne, sans considérer qu'au début des années 70, ils étaient complètement obsolètes. Aujourd'hui, ils disposent du matériel le plus moderne d'Europe, le trafic augmente, y compris celui du fret.

Et où en serions-nous si le trafic aérien n'avait pas été libéralisé ? Nos compatriotes antillais pourraient-ils choisir entre trois compagnies pour aller chez eux ? Et ceux de la Réunion entre deux ? Le trafic de tous nos aéroports de l'Ouest aurait-il autant augmenté sans les low-coast ? Et celui de Marseille ? Après la disparition de Swissair, les aéroports de Genève et de Mulhouse-Bâle auraient disparu sans ces compagnies. C'est bien grâce à la concurrence que le trafic se développe et que ceux de nos concitoyens qui n'auraient jamais pu se l'offrir prennent maintenant l'avion.

Songez aussi au défunt monopole de la SNCM vers la Corse ! Maintenant, avec deux opérateurs, et bientôt un troisième, les tarifs baissent. La concurrence contribue donc à la démocratisation de tous les transports.

Les opérateurs ferroviaires de proximité sont le moyen de faire revenir le fer dans des endroits d'où il a disparu. Seulement 10 % des conteneurs arrivés au Havre quittent le port par le fer, contre 60 % à Hambourg parce qu'il y existe une cinquantaine d'opérateurs de proximité.

Sur le TER, le Gouvernement serait prêt à accepter ce que propose le rapport de M. Haenel, sous réserve d'une modification de la Loti, et ce serait une expérimentation sur la base du volontariat. Si M. Haenel n'avait pas proposé son expérimentation dans les années 90, on en serait encore aux omnibus, à l'époque où la SNCF gérait la disparition des trafics de proximité et on ne bénéficierait pas du dynamisme des TER.

Oui, madame Terrade, la sécurité est un impératif et c'est pourquoi nous avons mis en place l'établissement public : on est dans le régalien ; la sécurité, c'est l'affaire de l'État et de l'État seul !

A la demande du groupe CRC-SPG, la motion est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 139
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion des articles

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Puisque nous avons décidé de lever la séance à 19 heures, je propose de dissocier, à l'article premier, l'examen de l'amendement n°49 des 26 amendements suivants afin d'éviter leur mise en discussion commune. (Assentiment)

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par Mme Schurch et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La France, par l'intermédiaire du Secrétaire d'État chargé des Transports, demande aux instances européennes la réalisation d'un bilan contradictoire sur l'impact en terme d'emplois, d'aménagement du territoire et de la qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire.

Le Secrétaire d'État demande également la réalisation d'un bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire. Dans l'attente, le Gouvernement s'engage par un moratoire à ne pas transposer de nouvelles directives.

Mme Mireille Schurch.  - Ce projet de loi s'inscrit dans le droit fil des politiques communautaires de destruction des services publics nationaux. La majorité parlementaire soutenant sans ciller toutes les opérations de libéralisation et de privatisation des services publics, nous ne sommes guère étonnés que vous commenciez votre rapport, monsieur le rapporteur, en saluant l'ouverture progressive à la concurrence du transport ferroviaire. Nous ne sommes pas aussi optimistes que vous. A ce jour, aucune étude n'apporte la preuve que la libéralisation a amélioré le service ferroviaire pour les usagers ou pour les personnels. Au contraire, nos concitoyens constatent que cette libéralisation des secteurs publics a des effets néfastes sur l'emploi, la péréquation tarifaire, l'accessibilité et l'investissement. Dans les pays européens les plus avancés dans la libéralisation des transports, le bilan social et environnemental est largement négatif. Sur le plan national, aucun bilan du plan fret ferroviaire et de la qualité du service public ferroviaire n'a été établi. Pourtant, selon les chiffres donnés tant par la SNCF que par les syndicats, ce plan s'est traduit par une perte de capacité du réseau et une régression du trafic des marchandises. De plus, les personnels s'inquiètent de réductions d'effectifs qui mettent en danger la qualité du service et la sécurité des voyageurs. Les derniers mouvements des conducteurs de trains, que vous avez stigmatisés comme des revendications de privilégiés en les opposant aux usagers, visaient à obtenir de nouveaux postes et, donc, à améliorer le service rendu.

M. Fillon, dans son discours du 18 juin, faisait de l'Europe sociale la priorité de la présidence française. Force est de constater que le Président de la République n'a rien entrepris en faveur des services publics et de l'intérêt général. Sur le plan environnemental, l'encre du grenelle I n'est pas encore sèche que, déjà, vous proposez un projet de loi incompatible avec les ambitieux objectifs affichés pour la réduction des gaz à effet de serre.

Ce texte et les précédents contribueront à développer la concurrence sur les axes rentables, à abandonner les lignes dites « déficitaires », mais nécessaires à l'aménagement du territoire. Combien de camions supplémentaires sillonneront les routes pour relier les grands axes ferroviaires et les zones où les lignes seront laissées à l'abandon ? Votre politique réduisant le maillage du territoire, nos concitoyens sont condamnés à utiliser leurs voitures.

Dans l'attente de la réalisation des bilans que nous réclamons, devant l'urgence sociale et environnementale, nous demandons au Gouvernement de s'engager à ne plus transposer de nouvelles directives.

La France, qui est au coeur de l'Europe, doit tout mettre en oeuvre pour que l'Union porte une attention particulière à l'activité ferroviaire, mais pas au détriment des usagers, du personnel ni de l'environnement. Nous devons promouvoir un autre mode de développement, dont ces bilans seraient une première étape. Comment notre Assemblée pourrait-elle refuser les moyens de se former un jugement ?

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Nous ne serons jamais d'accord sur la concurrence mais puis-je vous rappeler que d'Alsace, je peux observer les succès de Veolia dans les trains express régionaux ? La SNCF remporte des succès en Europe, ainsi pour le TGV en Italie. La concurrence n'est-elle bonne qu'en dehors de nos frontières ? Non, elle est source d'enrichissement pour tout le monde, et d'abord pour la SNCF. Étant donné nos obligations européennes, je donne un avis défavorable à cet amendement.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mme Schurch et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement soumet à ses partenaires européens le projet d'insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les directives européennes existantes et futures.

Mme Mireille Schurch.  - La réglementation communautaire a déjà montré ses effets négatifs. Le troisième paquet ferroviaire mettrait en danger les opérateurs historiques. Le rejet de la constitution européenne et la manifestation du 29 janvier ont déjà donné l'occasion aux Français d'exprimer leur refus de la déréglementation à tout va, de l'ultralibéralisme et du démantèlement des services publics. Cependant, l'Union européenne ne dévie pas de sa route. Nous voulons introduire une clause de réversibilité dans les directives. Nous avons toujours défendu le rôle de la puissance publique et la crise vient de confirmer l'échec de la régulation par le marché.

M. Francis Grignon, rapporteur.  - L'ouverture est régulée et progressive. Avis défavorable à cet amendement qui relève plus d'un projet de résolution que de la loi.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°44 n'est pas adopté.

Article premier

La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs est ainsi modifiée :

1° Le huitième alinéa de l'article 5 est complété par les dispositions suivantes :

« Pour l'exercice de ces missions, l'État et les autres personnes publiques précédemment mentionnées ont accès aux informations relatives au trafic ferroviaire et aux données économiques nécessaires à la conduite d'études et de recherches de nature à faciliter la réalisation des objectifs assignés au système de transports. L'utilisation de ces informations est faite dans le respect du secret des affaires sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal. » ;

2° L'article 13-1 est modifié comme suit :

a) Le premier alinéa est complété par la phrase suivante : « Les dispositions du présent alinéa ne concernent pas la construction ou la modification substantielle des véhicules de transport public guidé ou ferroviaire. » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « Leur mise en exploitation commerciale » sont remplacés par les mots : « La mise en exploitation commerciale de ces systèmes » ;

c) Après le deuxième alinéa, il est inséré l'alinéa suivant :

« L'autorisation de mise en exploitation commerciale d'un véhicule de transport ferroviaire ou guidé délivrée par l'autorité compétente d'un autre État membre de l'Union européenne, ou celle d'un État appliquant, en vertu d'accords auxquels la France ou l'Union européenne sont parties, des règles techniques et de sécurité équivalentes à celles de l'Union européenne, emporte autorisation de son exploitation commerciale dès lors qu'elle a été délivrée en application de règles communautaires, ou de règles reconnues par l'autorité compétente comme étant de nature à garantir la sécurité. » ;

d) A la fin du cinquième alinéa sont ajoutés les mots suivants : « ainsi que les modalités de reconnaissance des règles mentionnées au troisième alinéa. » ;

3° Les articles 13-1 et 13-2 sont ainsi modifiés :

a) Aux articles 13-1 et 13-2, les mots : « un expert ou un organisme » sont remplacés par les mots : « un organisme » ;

b) A l'article 13-1, les mots : « ouvrages » et « de l'ouvrage » sont respectivement remplacés par les mots : « systèmes » et « du système » ;

c) Au premier alinéa de l'article 13-2, les mots : « ces ouvrages » sont remplacés par les mots : « ces systèmes » ;

4° L'intitulé de la section I du chapitre I du titre II est remplacé par l'intitulé suivant : « De l'organisation du transport ferroviaire » ;

5° A la section I du chapitre Ier du titre II, il est inséré deux articles 17-1 et 17-2 ainsi rédigés :

« Art. 17-1. - I. - Au sens du présent article, le réseau ferroviaire est composé du réseau ferré national et des lignes ferroviaires ouvertes à la circulation publique qui lui sont reliées, y compris les lignes d'accès aux ports et aux terminaux desservant ou pouvant desservir plus d'un utilisateur final.

« Au sens du présent article, on entend par « capacités de l'infrastructure », la possibilité de programmer des sillons sollicités pour un segment de l'infrastructure pendant une certaine période, et on entend par « sillon », la capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train donné d'un point à un autre à un moment donné.

« II. - La gestion de l'infrastructure ferroviaire est comptablement séparée de l'exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires. Aucune aide publique versée à une de ces activités ne peut être affectée à l'autre.

« III. - En ce qui concerne les entreprises ferroviaires, des comptes de profits et pertes et soit des bilans, soit des bilans financiers annuels décrivant l'actif et le passif sont tenus et publiés pour les activités relatives à la fourniture des services de transport ferroviaire de fret.

« Les concours publics reçus par les entreprises ferroviaires au titre des missions de service public de voyageurs qui leur sont confiées ne peuvent être affectés à d'autres activités et doivent figurer dans les comptes correspondants.

« IV. - Les entreprises ferroviaires autorisées à exploiter des services de transport ont un droit d'accès à l'ensemble du réseau ferroviaire, dans des conditions équitables et sans discrimination, comprenant l'accès aux infrastructures y compris aux infrastructures de services lorsqu'il n'existe pas d'autre possibilité économiquement viable, ainsi qu'à la fourniture de prestations complémentaires ou connexes.

« L'utilisation de l'infrastructure donne lieu à la passation d'un contrat entre le bénéficiaire d'un sillon et le gestionnaire d'infrastructure, et à la perception d'une redevance par ce dernier. Les capacités de l'infrastructure disponible ne peuvent, une fois affectées à un candidat, être transférées par le bénéficiaire à une autre entreprise ou un autre service. Tout transfert de capacités d'infrastructure à titre onéreux ou gratuit est interdit et entraîne l'exclusion de l'attribution ultérieure de capacités.

« Toutefois, d'autres personnes que les entreprises ferroviaires peuvent être autorisées à demander l'attribution de sillons, en vue de les mettre à la disposition d'une entreprise ferroviaire. Une telle mise à disposition des sillons qui leur sont attribués à une entreprise ferroviaire ne constitue pas un transfert prohibé au sens de l'alinéa précédent.

« Les redevances perçues pour l'accès aux infrastructures de services sont égales au coût directement imputable à l'exploitation du service ferroviaire. Les redevances pour les prestations complémentaires ou connexes offertes par un seul fournisseur sont liées au coût de la prestation calculé d'après le degré d'utilisation réelle.

« V. - Le gestionnaire d'infrastructure publie un document de référence du réseau qui décrit les caractéristiques de l'infrastructure mise à disposition des entreprises ferroviaires et contient les informations nécessaires à l'exercice des droits d'accès au réseau.

« Le gestionnaire d'infrastructure d'un réseau sur lequel une seule entreprise circule et n'effectue que des services de marchandises est dispensé d'établir le document de référence du réseau jusqu'à ce qu'un autre candidat demande à utiliser la capacité dudit réseau.

« VI. - Tout candidat demandeur de sillons peut conclure avec le gestionnaire d'infrastructure un accord-cadre précisant les caractéristiques des capacités d'infrastructure ferroviaire qui lui sont offertes pour une durée déterminée tenant compte, le cas échéant, de l'existence de contrats commerciaux, d'investissements particuliers ou de risques.

« VII. - Les entreprises ferroviaires qui exploitent des services avant le 1er janvier 2010 peuvent conclure avec le gestionnaire d'infrastructure des accords-cadres pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois, sur la base des caractéristiques des capacités utilisées à condition que ces entreprises justifient d'investissements spéciaux ou de contrats commerciaux avant cette date.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.

« Art. 17-2. - A compter du 13 décembre 2009, les entreprises ferroviaires exploitant des services de transport international de voyageurs peuvent, à cette occasion, assurer des dessertes intérieures à condition que l'objet principal du service exploité par l'entreprise ferroviaire soit le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États membres différents.

« L'autorité administrative compétente peut s'opposer à la création de ces dessertes ou les limiter, sous réserve que la Commission de régulation des activités ferroviaires ait par un avis motivé, estimé que la condition précitée n'était pas remplie.

« Toute autorité organisatrice de transport ferroviaire compétente peut également s'opposer à la création de ces dessertes ou les limiter, sous réserve que la Commission de régulation des activités ferroviaires ait, par un avis motivé, estimé que ces services compromettent l'équilibre économique d'un contrat de service public.

 « Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. » ;

6° Au troisième alinéa de l'article 18 sont ajoutés les mots : « , sous réserve des dispositions du premier alinéa de l'article 17-2 ; ».

Mme Mireille Schurch.  - Le réseau ferré est victime d'un sous-investissement chronique, tout les rapports le constatent mais alors que les articles 9 et 10 du Grenelle préconisent une limitation de l'investissement routier et un report modal vers les transports alternatifs, le plan de relance du 3 janvier consacre 400 millions à la route ou à l'autoroute contre 300 millions au rail -drôle de façon de promouvoir la régénération...

La privatisation des autoroutes a privé l'Afitf de ressources. Quelle erreur stratégique ! On a proposé une sanctuarisation des crédits pour les infrastructures et vous avez reconnu qu'il fallait trouver de nouveaux financements. L'éco-redevance ne suffira pas. Vous avez souhaité que la totalité des dividendes de la SNCF aille à l'Afitf ; c'était l'objet d'un de nos amendements qui a été déclaré irrecevable parce qu'il aurait augmenté les charges publiques. Nous renouvelons pourtant cette proposition parce qu'il y a urgence si nous voulons vraiment réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre.

Mme Bernadette Bourzai.  - Depuis le milieu des années 1990, l'Union européenne a entrepris la constitution d'un marché intérieur des transports ferroviaires. En procédant par paquets, elle a diminué les polémiques et mis en avant des sujets plus consensuels mais nous n'avons pas été dupes et nous nous sommes prononcés contre la libéralisation sans fin et la concurrence pour la concurrence. La bataille sur les échéances est trompeuse car des dispositions essentielles n'ont pas été reprises, ainsi du permis de conducteur européen de trains, pourtant essentiel (M. Michel Teston le confirme) ; le cabotage n'est pas aussi encadré que le permettait la directive ; les dispositions relatives à la péréquation ne sont pas reprises. Vous allez au-delà des textes européens, déjà ultralibéraux.

Il est troublant que M. Haenel rende son rapport sur la libéralisation des transports ferroviaires au moment où nous discutons de ce projet qui ne traite nullement des problèmes nationaux qu'il décrit, à commencer par la séparation juridique entre RFF et la SNCF malgré une imbrication fonctionnelle, ou encore la reprise de la dette. La création d'un service spécialisé n'est manifestement pas à la hauteur de l'enjeu. Notre collègue ne propose pas de rembourser la dette de RFF mais d'expérimenter une libéralisation des transports régionaux. Mais, avant toute expérimentation, ne conviendrait-il pas d'évaluer l'existant ? Les régions ont modernisé le matériel roulant, encore faut-il que le réseau permette de le faire rouler rapidement. Alors que ce projet s'inscrit dans un contexte politique particulier, mieux vaudrait transposer les directives de manière équilibrée en utilisant les possibilités que le droit communautaire offre pour maintenir les services publics que de libéraliser sans le dire.

M. Michel Teston.  - Le Gouvernement me paraît avoir agi bien rapidement, voire cavalièrement, à propos des péages : en modifiant le décret le 20 novembre, les péages à RFF ont été réformés en catimini alors même qu'un débat se poursuivait depuis plusieurs années.

De fait, les modalités techniques de cette réforme pourraient avoir des incidences considérables sur les finances des régions. Certes, avec 2,7 milliards de recettes pour un coût de 6,2 milliards en 2007, la réforme des péages, qu'entérine le décret avec l'institution d'une redevance d'accès, d'une redevance de réservation et d'une redevance de circulation, était inéluctable. Problème : rien ne garantit que les collectivités et les lignes les plus fragiles soient préservées. Pourtant, dès avril 2008, l'Association des régions de France soulignait la nécessité d'accompagner la réforme d'un mécanisme de compensation bénéficiant aux régions qui, par leurs investissements, concourent à la réduction des coûts d'entretien et d'un mécanisme de péréquation pour maintenir les lignes à vocation d'aménagement du territoire. L'adoption de ce décret laisse pour le moins perplexe : l'augmentation des tarifs, couplée à une compensation réduite à l'existant via la dotation globale de décentralisation fait craindre le pire... Si le Gouvernement avait transposé le principe de péréquation contenu dans la directive 2007/58/CE, passe encore... Mais rien ! Monsieur le ministre, quel est l'objectif de cette réforme ? Rétablir une redevance correspondant au coût réel des péages ? Réduire la dette de RFF ? Introduire un mécanisme de péréquation entre les lignes les plus rentables et les autres ?

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par Mme Schurch et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Mireille Schurch.  - Nous voulons supprimer cet article premier. La directive communautaire prévoit seulement la réalisation d'une étude d'ici 2012 pour préparer une ouverture plus large ; processus que la présidence française de l'Union n'a pas engagé, bien que le syndicat européen des transports l'ait demandé à trois reprises, notamment lors de la manifestation du 13 novembre dernier. La libéralisation du transport de voyageurs menace l'existence d'un service public des transports. En témoigne la volonté du Gouvernement de supprimer cette notion de l'intitulé de la section I du chapitre I du titre II de la loi d'orientation des transports intérieurs. Le découpage des activités de gestion et d'exploitation, qui signe la fin du modèle de l'entreprise intégrée -atout pour notre pays et gage pour la sécurité-, compromet l'avenir de la SNCF et, si la notion de cabotage fait l'objet d'une interprétation extensive par la commission de régulation, le maintien des lignes secondaires. De fait, les opérateurs s'emparant des lignes les plus rentables, la SNCF, privée de ses ressources, abandonnera progressivement les lignes jugées inutiles. A preuve, le fret. Enfin, nous doutons des bénéfices de cette ouverture à la concurrence pour les usagers. Par souci de rentabilité, les entreprises privées risquent de pratiquer le dumping social, comme elles l'ont fait partout en Europe, et de rogner sur les normes minimales de sécurité qui entravent prétendument leur compétitivité. Cette politique ne favorisera pas le rééquilibrage modal, l'un des objectifs du Grenelle de l'environnement. Notre groupe promeut une Europe ferroviaire sociale pour des transports durables !

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Madame Schurch, les travaux de la mission d'information sur les transports, que j'ai eu l'honneur de présider, ont conclu à la nécessité de sanctuariser les moyens de RFF et de régénérer le réseau. Nous poursuivons donc les mêmes buts, mais nous différons sur les moyens pour les atteindre. Puissions-nous un jour nous rejoindre ! Concernant l'amendement n°49, la commission y est naturellement défavorable : il faut transposer le troisième paquet ferroviaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Même avis.

Monsieur Teston, la refonte des péages est effectivement un sujet important. Sachez, tout d'abord, que les gouvernements, quelle que soit leur couleur, se plieront désormais régulièrement à cet exercice. Loin d'avoir été pris en catimini, le décret a été précédé d'un grand débat dans la presse et d'une concertation avec l'Association des maires de France, l'Union des transports publics et ferroviaire ainsi que les grandes entreprises du secteur. Quel est notre but ? Fixer la redevance à son prix réel étant entendu que, pour éviter de mettre certains clients en difficulté, l'État compensera la différence. Cette ressource permettra de corriger les déséquilibres constatés dans l'aménagement du territoire et de donner davantage de moyens à RFF. Au reste, avec les opérations de régénération comprises dans le plan de relance, nous changeons de braquet, ce qui nous permettra, je l'espère madame Goulet, de tripler bientôt la ligne Paris-Granville !

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Grignon, au nom de la commission.

Remplacer la seconde phrase du second alinéa du 1° de cet article par deux phrases ainsi rédigées :

Lorsque la divulgation de ces informations est susceptible de porter atteinte au secret des affaires, leur détenteur peut demander que leur diffusion à ces personnes publiques soit assurée par le ministre chargé des transports. Dans ce cas, celui-ci désigne les services habilités à procéder à cette diffusion, en précise les conditions et modalités garantissant le respect de ce secret et arrête la nature des informations pouvant être rendues publiques.

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Les données économiques de trafic, couvertes par le secret des affaires, sont indispensables aux personnes publiques pour développer les infrastructures de transport, par exemple pour construire un parking auprès d'une gare. Nous encadrons les risques de divulgation en prévoyant qu'un service sera habilité par le ministre des transports pour organiser la diffusion des informations, le ministère des transports ayant défini a priori les catégories de données publiques.

L'amendement n°1, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°82, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le deuxième alinéa du c du 2° de cet article par les mots :

et sous réserve de réciprocité de ces accords sur le marché de l'État tiers en question

M. Michel Teston.  - Pourquoi étendre le principe de reconnaissance mutuelle, pratiqué entre les membres de l'Union européenne, aux pays qui appliquent « des règles techniques et de sécurité équivalentes à celles de l'Union européenne » alors que la directive 2008/57/CE ne l'exige pas ? Comment l'Établissement français de sécurité ferroviaire pourra-t-il évaluer que ces règles sont bien comparables ? Cette décision est-elle opportune ? Début janvier, un dirigeant d'un grand constructeur européen déclarait dans le Financial Times qu'il faut refuser d'acheter des trains aux Chinois et de leur ouvrir notre marché car il n'y a pas de réciprocité.

La Chine souhaite privilégier sa technologie, comme pour la future ligne à grande vitesse Shanghai-Pékin, tandis que ses constructeurs essaient de prendre pied à l'étranger au détriment des trois géants du secteur de construction ferroviaire : Alstom, Bombardier Transportation, et Siemens.

En Europe, il existe un précédent : dans le secteur de la construction navale, la reconnaissance mutuelle a finalement été abandonnée, à cause des difficultés soulevées par les sociétés de contrôle des entreprises de constructions chinoises et hongkongaises. C'est pourquoi il convient d'assortir la reconnaissance mutuelle d'une condition de réciprocité.

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Nous avons eu un long débat en commission sur ce thème.

Ce projet de loi permet à un matériel roulant de passer les frontières sans avoir besoin de faire l'objet d'une obligation de mise en exploitation à chaque franchissement d'une frontière nationale : ce système de reconnaissance mutuelle permet de mettre en place un espace de libre circulation ferroviaire.

Il n'est pas question ici d'exportation de matériel d'un pays vers un autre mais simplement de la sécurité des équipements.

Je comprends la préoccupation de nos collègues, mais leur proposition contredit nos obligations communautaires.

En effet, lorsqu'il s'agit d'un autre pays de l'Union, la directive nous impose d'accepter le matériel qui y est mis en exploitation.

Lorsqu'il s'agit du matériel d'un pays ayant signé un accord avec l'Union européenne, nous ne pouvons pas imposer de conditions nationales pour restreindre l'application d'un acte juridique qui engage les 27 États membres. De surcroît, aucun accord de ce type n'a encore été signé par la Commission européenne. Lorsque le cas se présentera, il conviendra de veiller à ce que la Commission exige la réciprocité.

Le cas d'un accord bilatéral signé directement entre la France et un pays tiers n'est plus envisageable dans la mesure où les autorisations de circulation de matériel roulant relèvent désormais du niveau communautaire.

Il revient au Conseil et au Parlement européen de veiller à ce que la Commission respecte le principe de réciprocité dans les accords de reconnaissance qu'elle pourrait signer avec des pays tiers. Ceci pourrait d'ailleurs faire l'objet d'une résolution européenne présentée par notre commission.

Si vous maintenez votre amendement, je ne pourrais donc qu'y être défavorable.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage l'avis de M. le rapporteur.

Nous ne sommes pas, par principe, opposés aux amendements de l'opposition et, à d'autres occasions, nous donnerons des avis favorables.

M. Michel Teston.  - Si nous votions cet amendement, nous donnerions un argument supplémentaire au Gouvernement pour qu'il incite l'Union à faire valoir notre point de vue.

L'amendement n°82 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Grignon, au nom de la commission.

Dans le dernier alinéa (d) du 2° de cet article, remplacer le mot :

cinquième

par le mot :

quatrième

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Rectification d'une erreur matérielle.

L'amendement n°2, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par Mme Schurch et les membres du groupe CRC-SPG.

Dans le 4° de cet article, après le mot :

ferroviaire

insérer les mots :

et du service public ferroviaire

Mme Mireille Schurch.  - Depuis de nombreuses années, la logique capitaliste nous a fait perdre de vue le nécessaire développement équilibré et solidaire de notre territoire. Or, nous devons préserver le service public ferroviaire parce qu'il y a urgence écologique. Le Grenelle I encourage le recours au ferroviaire.

Il nous revient donc, en tant que législateurs, de manifester notre attachement au maintien de cette activité collective. Il y a 350 ans, la notion de « service public » apparaissait dans un édit relatif aux transports. Le réseau ferré n'aurait pas existé sans l'intervention publique et les gares ont permis d'aménager nos communes : ce sont des biens publics qui permettent de développer la politique intermodale.

Il est inacceptable qu'il ne soit plus fait mention de la notion de « service public ».

M. le président.  - Amendement identique n°83, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Michel Teston.  - Alors qu'il a été décidé de réduire le droit d'amendement, il est urgent de réfléchir au poids des mots que nous utilisons, ou que nous n'utilisons pas. Nous proposons donc de revenir sur une omission de ce projet de loi. Alors que la loi 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs organisait un véritable service public des transports, cette notion a disparu dans ce texte même si l'exposé des motifs y fait plusieurs fois référence.

Alors que la commission des transports du Parlement européen prépare une ouverture des marchés nationaux d'ici à 2017, alors que certains souhaitent expérimenter la libéralisation du transport de voyageur au niveau régional, il est de notre devoir de garantir l'intégrité du service public du transport ferroviaire.

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Vous avez l'un et l'autre tout à fait raison : ce chapitre de la Loti correspond vraiment à un service public. Avis favorable.

Les amendements identiques nos42 et 83 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par Mme Schurch et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer le texte proposé par le 5° de cet article pour l'article 17-1 de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.

Mme Mireille Schurch.  - L'article 17-1 reprend en partie les dispositions du décret du 7 mars 2003 pris sur le fondement des deux premiers paquets ferroviaires. Il affirme le principe de séparation comptable des activités d'opérateurs de transports et de gestionnaire d'infrastructure. Aujourd'hui, certaines missions de RFF, comme l'entretien des équipements de sécurité ou la gestion des circulations de train, sont réalisées par la SNCF. Seul le personnel de l'entreprise publique détenait en effet ces compétences et le législateur a considéré qu'il était incohérent de séparer la gestion de l'infrastructure des matériels roulants. Quand cela s'est produit, comme en Grande-Bretagne, il y a eu des catastrophes. Il faut conserver un système ferroviaire intégré. Même si le texte de loi qui nous est soumis ne prévoit qu'une séparation comptable, les discussions au sein de la commission des affaires économiques ont démontré que cette approche était déjà dépassée : il est en effet déjà question d'un nouvel établissement public. Une telle évolution ferait éclater encore un peu plus le système ferroviaire et découperait l'entreprise publique SNCF.

D'autre part, ce texte prévoit que d'autres personnes que des entreprises ferroviaires peuvent demander l'attribution de sillons comme les chargeurs, ce qui va susciter une concurrence entre ces chargeurs et les entreprises ferroviaires alors qu'ils devraient travailler ensemble. En outre, les chargeurs risquent de demander à l'entreprise ferroviaire qu'ils auront choisie de réduire leurs coût, ce qui irait dans le sens d'un moins disant social.

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par Mme Nathalie Goulet.

Dans le premier alinéa du I du texte proposé par le 5° de cet article pour l'article 17-1 de la loi n°82-4153 du 30 décembre 1982, après les mots :

ouvertes à la circulation publique

insérer les mots :

ou désaffectées

Mme Nathalie Goulet.  - Je ne suis pas spécialiste du rail mais dans mon département, je rencontre un certain nombre de difficultés avec des voies ferrées ou des gares désaffectées, comme la célèbre station de Bagnoles-de-l'Orne.

Je propose donc que des collectivités puissent réhabiliter des tronçons de voies ferrées désaffectées.

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par Mme Nathalie Goulet.

Après le premier alinéa du I du texte proposé par le 5° de cet article pour l'article 17-1 de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il comprend aussi les lignes même non ouvertes au public qui desservent des exploitations minières ou des carrières.

Mme Nathalie Goulet.  - Je ne suis pas intervenue dans la discussion générale afin de consacrer plus de temps à la présentation de mes amendements. Il s'agit ici des carrières. Nous en reparlerons à l'article 2, monsieur le ministre, car vous suivez depuis 2002 un douloureux dossier et vous vous êtes engagé à trouver une solution.

La privatisation d'une partie des lignes qui desservent les carrières est Grenello-compatible.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Grignon, au nom de la commission.

I. - Remplacer le premier alinéa du IV du texte proposé par le 5° de cet article pour l'article 17-1 de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les entreprises ferroviaires autorisées à exploiter des services de transport ont, dans des conditions équitables et sans discrimination, un droit d'accès à l'ensemble du réseau ferroviaire, y compris pour l'accès par le réseau aux infrastructures de services, ainsi que, lorsqu'il n'existe pas d'autre possibilité d'accès dans des conditions économiques raisonnables, aux services que ces infrastructures permettent de leur fournir.

« Un décret en Conseil d'État précise pour les gares et toutes autres infrastructures de services la nature des prestations minimales ou complémentaires dont toute entreprise ferroviaire autorisée à réaliser des services de transport peut demander la fourniture, et en tant que de besoin, les principes de tarification applicables à ces prestations. »

II. - Supprimer la première phrase du quatrième alinéa du même texte.

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Nous ajoutons l'accès par le réseau aux infrastructures de services et nous prévoyons qu'un décret en Conseil d'État fixe le niveau de services offert aux entreprises.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du IV du texte proposé par le 5° de cet article pour l'article 17-1 de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982, remplacer le mot :

donne

par les mots :

et l'attribution d'un sillon donnent

II. - Dans la même phrase, remplacer les mots :

d'un sillon

par les mots :

de ce sillon

M. Michel Teston.  - La directive 95-19 CE a posé les règles d'exploitation des infrastructures. Le gestionnaire attribue les sillons à la manière des couloirs aériens. Le contrat porte aussi sur la réservation d'un sillon donné, moyennant une redevance. De la clarté du projet de loi découlera la clarté des contrats...

M. le président.  - Amendement n°111 rectifié, présenté par MM. Revet, Detcheverry, Pierre, Beaumont, Détraigne, Bailly, Bizet et Bécot.

Dans la première phrase du deuxième alinéa du IV du texte proposé par le 5° de cet article pour l'article 17-1 de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982, remplacer le mot :

donne

par les mots :

et l'attribution d'un sillon donnent

M. Charles Revet.  - Il s'agit de couvrir non seulement le cas d'attribution d'un sillon à une entreprise ferroviaire mais également celui des candidats autorisés.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par Mme Schurch et les membres du groupe CRC-SPG

Compléter le troisième alinéa du IV du texte proposé par le 5° de cet article pour l'article 17-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs par une phrase ainsi rédigée :

Cette mise à disposition doit cependant s'enquérir de l'application par l'entreprise ferroviaire des garanties sociales et réglementaires du travail en vigueur dans le secteur.

Mme Mireille Schurch.  - L'entreprise ferroviaire doit pouvoir vérifier que les garanties sociales et réglementaires du travail sont appliquées afin de responsabiliser les nouveaux donneurs d'ordre qui sous-traitent les sillons. Les conditions de travail sont une garantie de la sécurité sur le réseau. Si notre réseau est le plus sûr du monde, comme l'a rappelé M. Pépy, c'est notamment grâce aux temps de repos, qui garantissent que cheminots et aiguilleurs sont vigilants et réactifs.

M. le président.  - Amendement n°112 rectifié, présenté par MM. Revet, Detcheverry, Pierre, Gélard, Beaumont, Détraigne, Bailly, Bizet et Bécot.

Dans le premier alinéa du V du texte proposé par le 5° de cet article pour l'article 17-1 de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982, remplacer les mots :

et contient

par les mots :

, les tarifs des prestations offertes, les règles de répartition des capacités, ainsi que

M. Charles Revet.  - Il s'agit de se conformer à la directive.

M. le président.  - Sous-amendement n°141 à l'amendement n°112 rectifié de M. Revet, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Au début du dernier alinéa de l'amendement n°112 rectifié, avant les mots :

, les tarifs des prestations offertes,

insérer les mots :

, de manière détaillée

M. Michel Teston.  - La description doit être détaillée, et pas simplement générique.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Au premier alinéa du V du texte proposé par le 5° de cet article pour l'article L. 17-1 de la loi d'orientation des transports intérieurs, après les mots :

et contient

insérer les mots :

les tarifs des prestations offertes, les règles de répartition des capacités, ainsi que 

Mme Bernadette Bourzai.  - Il s'agit de mettre le droit en conformité avec les exigences de clarté imposées par la directive. L'amendement n°112 rectifié, sous-amendé, revient au même.

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°48, qui s'oppose à la transposition des dispositions européennes relatives à la transparence dans la gestion du réseau.

L'article 17A de la loi du 30 décembre 1982 ne fait que délimiter le champ de compétence de l'autorité de régulation ferroviaire, ni plus, ni moins. L'amendement n°73 n'aurait pas pour effet de faciliter l'intervention des collectivités. Retrait, sinon rejet. Idem pour l'amendement n°72.

L'amendement n°84 vise le contrat d'attribution du sillon, or le deuxième alinéa concerne le contrat d'utilisation. C'est un malentendu : retrait, sinon rejet.

L'amendement n°5, dont je partage l'objectif, demande aux autorités organisatrices de faire un travail qui relève du ministre des transports ; d'autre part, il crée une différence de traitement selon que le sillon a été demandé directement par une entreprise ferroviaire ou mis à sa disposition par un tiers. Avis défavorable.

Défavorable au sous-amendement n°141 : le document de référence est déjà précis, et le sera encore davantage. Le sous-amendement risque d'introduire une ambiguïté quant au niveau de détail exigé. Le projet de loi et l'avis de l'autorité de régulation suffisent.

Favorable à l'amendement n°112 rectifié. Défavorable à l'amendement n°11 rectifié, identique à l'amendement n°84. Favorable à l'amendement n°85, identique à l'amendement n°112 rectifié.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Même avis, mais je demande le retrait des amendements nos85 et 112 rectifié, qui sont d'ordre réglementaire.

M. Charles Revet.  - Quand ces précisions interviendront-elles ? Il s'agit de nous mettre en conformité avec la directive !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Votre amendement est satisfait par le décret du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferroviaire national.

M. Francis Grignon, rapporteur.  - J'insiste. Si on veut une bonne concurrence, il faut une règle du jeu sanctuarisée.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je m'en remets à la sagesse de la Haute assemblée. (On s'en félicite sur de nombreux bancs)

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

M. Charles Revet.  - L'amendement de Mme Goulet soulève un vrai problème...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - C'est exact.

M. Charles Revet.  - ...que nous avons l'occasion de résoudre. Quand on regarde une carte de la France ferroviaire, on s'aperçoit -nos aînés ont été sages- que notre pays est parfaitement quadrillé. Il est vrai qu'on a abandonné certains secteurs dans les années 70, mais le réseau a heureusement été préservé. C'est une chance extraordinaire au moment où nous souhaitons, avec le Grenelle de l'environnement, donner une nouvelle dynamique au transport collectif, notamment ferroviaire. Quand on sait le temps qu'il faut pour maîtriser les emprises foncières...

Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut remettre certains secteurs en service si la clientèle est là. Pour avoir rapporté plusieurs textes sur le sujet, je sais le retard qu'a pris la France dans le transport de proximité, notamment le tram-train, alors qu'il existe aux abords des grandes villes des réseaux abandonnés qui pourraient être réactivés après travaux ou, ailleurs, des tronçons désaffectés qui appartiennent encore à RFF. J'ai dans mon département l'exemple de la ligne Fécamp-Le Havre par Yvetot... Il faut garder la possibilité d'attribuer des sillons ; c'est ce que permet l'amendement n°73.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je crois qu'il y a un malentendu. Le Parlement a voté une disposition semblable dans le Grenelle de l'environnement. Avant même ce vote, j'avais donné des instructions à RFF pour cesser les retranchements. Il y a des exemples dans tous les départements, y compris le mien. Il ne faut pas se précipiter pour faire une voie piétonne ou cavalière tant qu'on n'est pas sûr que la ligne ne retournera pas au transport ferroviaire.

M. Charles Revet.  - Y compris pour la circulation publique, ce qui implique l'attribution de sillons...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Mais il est ici question d'autre chose : de la définition du réseau ouvert à la circulation publique. Je peux vous assurer que le Gouvernement a les mêmes intentions que vous.

M. Laurent Béteille.  - Je partage l'avis de M. Revet. Nous connaissons tous des cas de ratage, le plus célèbre étant celui du chemin de fer de petite ceinture à Paris, qui nous a valu une extraordinaire pagaille sur les boulevards des maréchaux pour créer la ligne de tramway. Il faut être très attentif à cette question.

Mme Nathalie Goulet.  - L'autorité de régulation aura-t-elle la tutelle des tronçons désaffectés ?

M. Francis Grignon, rapporteur.  - Non !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Non. J'ai longtemps représenté l'Association des maires de France au conseil d'administration de RFF, je connais bien les procédures. Quand on remet en service une ligne retranchée, elle est à nouveau soumise aux règles de la circulation publique, sauf si elle est exploitée à des fins privées, par exemple par une collectivité à des fins touristiques.

Mme Nathalie Goulet.  - Je retire mes amendements.

Les amendements nos72 et 73 sont retirés.

L'amendement n°3 est adopté.

M. Michel Teston.  - J'ai entendu les explications du rapporteur ; dès lors qu'il y a deux types de contrat, je n'insiste pas.

L'amendement n°84 est retiré.

L'amendement n°111 rectifié est retiré.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

Le sous-amendement n°141 n'est pas adopté.

L'amendement n°112 rectifié est adopté.

L'amendement n°85 devient sans objet.

M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission des affaires économiques.  - Je rappelle qu'en accord avec le Gouvernement et les groupes politiques, le Sénat siégera le lundi 9 mars, à 15 heures et le soir, pour poursuivre et achever l'examen de ce texte.

M. le président.  - La Conférence des Présidents le confirmera.

Prochaine séance, mardi 3 mars 2009 à 10 heures.

La séance est levée à 18 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 3 mars 2009

A 10 heures

1. Questions orales.

A 15 heures et le soir

2. Projet de loi pénitentiaire (n°495, 2007-2008).

Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°143, 2008-2009).

Rapport supplémentaire de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°201, 2008-2009).

Texte de la commission (n°202, 2008-2009).

Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°222, 2008-2009).

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