Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Situation à Gaza
M. Michel Mercier . - Ma question s'adresse au Premier ministre et porte sur les efforts de la France en faveur de la paix au Proche-Orient. C'est un drame humanitaire que connaît Gaza. Les causes en sont connues, tout comme le partage de responsabilités entre les acteurs. La France a condamné les tirs de roquette du Hamas et la riposte disproportionnée de Tsahal. Mais quand des civils souffrent, l'heure est à l'action. Je salue les efforts déterminés du Président de la République et du Gouvernement pour aboutir au plus vite à un cessez-le-feu total. Cela marque le retour de la diplomatie française et européenne dans le conflit.
Alors que le chef de l'État était encore en déplacement dans la région, vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre, qu'une voie très étroite vers un cessez-le-feu était possible. A l'issue de la série d'entretiens du Président, cette voie ouverte par le plan franco-égyptien se précise-t-elle ?
Avec l'entrée en fonction du nouveau président des États-Unis, la diplomatie américaine va reprendre le dossier. Il reste peu à négocier. Il faut renouer le dialogue pour mettre en oeuvre les accords de paix et le processus d'Annapolis. L'envoi d'une force d'interposition à Gaza sera nécessaire. Quel pourra être le rôle de l'Europe et de la France, dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée, pour la résolution du conflit ?
M. François Fillon, Premier ministre . - (Applaudissements à droite) Tout d'abord, j'adresse tous mes voeux à chaque membre de votre Assemblée.
La situation humanitaire à Gaza est intolérable. Si la France a condamné d'emblée les tirs de roquette sur Israël depuis Gaza et, aujourd'hui, depuis le territoire libanais, rien ne justifie les souffrances imposées aux populations civiles enfermée dans la bande de Gaza. Le gouvernement français ne ménage pas ses efforts pour rechercher une solution pacifique.
Avec l'ensemble des acteurs de la région, nous avons d'abord fait pression sur Israël afin d'obtenir une trêve quotidienne pour évacuer les blessés et acheminer les secours -c'est un minimum. Nous attendons désormais l'ouverture d'un corridor humanitaire.
Nous avons ensuite appuyé tous les efforts de l'Egypte pour obtenir un dialogue politique. Je salue le courage du gouvernement égyptien, qui reçoit dans quelques instants une délégation israélienne au Caire.
S'agissant de la sécurisation de la frontière entre Gaza et l'Égypte, nous demandons que des points de passage soient ouverts et la contrebande d'armes interdite, conditions d'un cessez-le-feu.
Le gouvernement français, qui préside la Conseil de sécurité des Nations unies, tente d'obtenir un accord -vous savez combien c'est difficile car il faut l'unanimité- pour mettre un terme à ces combats. Nous sommes disposés à mettre en place des moyens techniques et, si nécessaire, à envoyer des forces pour assurer un cessez-le-feu.
Nous soutenons les efforts du président Abbas et du président Moubarak, qui a engagé un processus de réconciliation entre les Palestiniens. C'est dans cet esprit que le Président Sarkozy s'est rendu à Damas : la seule façon de parler au Hamas, c'est via ceux qui ont des contacts avec lui, d'où nos efforts pour reprendre contact avec la Syrie.
Il n'y a d'autre solution que de mettre en oeuvre le processus décidé il y a dix ans déjà, et d'aboutir à la constitution d'un État palestinien libre, indépendant et démocratique. La solution est sur la table. Lorsque les combats auront cessé, si le dialogue s'engage, nous sommes disposés à fournir les forces nécessaires pour assurer la sécurité des territoires palestiniens. (Applaudissements à droite et au centre)
Fonctionnement des institutions
M. Jean-Pierre Bel . - Les inquiétudes sur l'évolution de notre démocratie sont légitimes, car les libertés publiques sont au coeur des principes républicains. C'est au Parlement de veiller à ce qu'elles soient respectées, et de demander des comptes à ceux qui détiennent tous les leviers du pouvoir. Trois principes sont fondamentaux pour garantir les droits des citoyens : la liberté d'expression, qui passe par celle de l'audiovisuel et des médias, l'indépendance de la justice, le respect des droits du Parlement.
Les médias, d'abord. Non seulement le Président de la République désignera celui ou celle qui dirigera France Télévisions et Radio France, mais en privant le service public de l'audiovisuel de ressources propres, vous le placez plus encore dans la dépendance du politique.
La justice, ensuite. Le chef de l'État décide, sans autre forme de procès et au mépris des instances d'expertise et de concertation, d'imposer ses vues en annonçant, avant même tout débat au Parlement, la suppression du juge d'instruction.
La représentation nationale, enfin. Alors que la réforme constitutionnelle était censée relever les droits du Parlement, votre seule obsession va à limiter le droit d'expression des parlementaires, en encadrant drastiquement le droit d'amendement, sans même supprimer, ainsi que nous le suggérions, les moyens de passage en force du Gouvernement, article 49-3 et vote bloqué. Le temps de la discussion est souvent celui de la démocratie. Si vous brandissez, en guise d'argument, mon rapport de 2007, ayez au moins l'honnêteté de le citer dans tous ses aspects !
Oui, monsieur le Premier ministre, la presse, la justice, le Parlement, y compris la confrontation avec l'opposition parlementaire, dans une démocratie digne de ce nom, c'est ce qui permet d'équilibrer les pouvoirs et donc de garantir les droits des citoyens. Entendez-vous ces inquiétudes et comment comptez-vous agir pour garantir les libertés publiques dans notre pays ? (Applaudissements prolongés à gauche)
M. François Fillon, Premier ministre . - Oui, monsieur le sénateur, j'entends ces inquiétudes et j'y répondrai avec la plus grande franchise. Comment pouvez-vous un seul instant accuser le Gouvernement et la majorité de porter atteinte, avec la réforme de l'audiovisuel public, aux libertés ? Le mode de nomination du président de France Télévisions ? Mais pour la première fois, elle donnera lieu à une audition publique devant le Parlement. Cela n'avait jamais été le cas auparavant. (Applaudissements à droite) Auparavant, le Président de la République nommait le président du CSA qui nommait, avec son collège, le président de France Télévisions. Procédure plus démocratique ?
Comment, enfin, des hommes et des femmes de gauche peuvent-ils considérer que l'audiovisuel public sera plus dépendant quand ses ressources viendront, non plus de la publicité, mais de financements publics ? (Vives protestations à gauche) Qui oserait dire que les libertés publiques sont par là menacées ? Je suis prêt à parier que personne ne remettra jamais en cause la suppression de la publicité. (Applaudissements sur les bancs UMP)
La réforme de la justice proposée par le Président de la République ne vise à rien d'autre qu'à mieux protéger les droits individuels, qui ne le sont pas suffisamment dans notre pays. Il y a quelques semaines, vous vous émouviez, ici même, de la garde à vue d'un journaliste, menée dans des conditions regrettables. Il y a quelques jours, vous vous inquiétiez du placement en garde à vue, sans raison, d'une infirmière. Notre système judiciaire, qui permet ce genre de chose, est en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Le Président de la République entend séparer la fonction de juge d'instruction de celle de juge chargé de l'enquête, sans porter en rien atteinte à son indépendance. Il entend mettre en place un habeas corpus pour interdire, à l'avenir, ce que vous déploriez il y a peu.
J'ai, monsieur le sénateur, une longue expérience de parlementaire. Jamais, avant cette législature, je n'ai vu les membres du Parlement autorisés à déposer des amendements strictement identiques ne différant que par leurs signataires (vives protestations à gauche) comme cela est le cas à l'Assemblée nationale. Le temps n'est pas si lointain où des parlementaires de l'opposition se voyaient supprimer leur indemnité pour avoir osé mal parler du Président de la République... (Protestations à gauche)
M. Jean-Pierre Michel. - Vous mentez !
M. François Fillon, Premier ministre. - Nous agissons, quant à nous, dans le respect de la Constitution, pour garantir le droit d'amendement. (Applaudissements à droite et au centre)
Emploi et actionnariat
Mme Éliane Assassi . - Les fêtes de fin d'année viennent de s'achever. Mais partout en France, ils ont été des milliers à ne pas faire la fête. Je pense aux salariés des entreprises Renault, mis au chômage partiel et qui subissent un prélèvement de 0,15 % sur leurs salaires de novembre et décembre pour financer leur propre indemnisation de janvier ; aux salariés de l'usine PSA de Rennes, qui subiront pour les trois mois à venir, cinq jours de chômage partiel ; aux salariés de PSA à Sochaux, à Aulnay-sous-Bois qui, par centaines, sont condamnés au chômage technique. Je pense aussi aux salariés du textile, de la métallurgie, de l'industrie pharmaceutique.
Votre Gouvernement, si prompt à réagir et à médiatiser son entreprise de sauvetage des banques à grand coups de milliards d'euros, fait profil bas dès lors qu'il s'agit des salariés. C'est ainsi en toute discrétion, presque en cachette, que Mme Lagarde a signé, le 3 janvier dernier, un décret dont le seul objet est de faciliter, pour l'employeur, le recours au chômage partiel.
Tandis que les actionnaires du CAC 40 ont vu croître leurs bénéfices de près de 12 %, les salariés mis au chômage partiel subissent une baisse de revenus de 40 % en moyenne. L'extension du chômage technique est exclusivement financée par les salariés de notre pays, éternelle variable d'ajustement, et auxquels vous faites payer les conséquences d'une économie assise sur la spéculation. Les grands patrons, les actionnaires, les spéculateurs sont toujours gagnants ! Aux salariés de payer leurs erreurs ! Chez Renault par exemple, 1 % des dividendes des actionnaires suffirait à maintenir le salaire des 20 000 employés du constructeur, concernés par le chômage technique.
M. le président. - Terminez !
M. Alain Gournac. - Terminez ce baratin ! (Marques d'indignation à gauche)
Mme Éliane Assassi. - M. Bocquet, député du Nord, a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de loi -que nous déposerons prochainement au Sénat- tendant à partager prioritairement, avec les salariés concernés par le chômage partiel, les dividendes existants. Entendez-vous appliquer cette proposition, mesure de justice sociale et de reconnaissance de la valeur travail attendue par des milliers de salariés de notre pays ? (Applaudissements à gauche)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services . - Les chiffres publiés en décembre sur les demandeurs d'emploi ne sont en effet pas bons.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ah !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Mais il ne s'agit pas là d'une situation spécifique à notre pays. Tous sont frappés, et certains même plus durement que nous -je pense à l'Espagne et à la Grande-Bretagne- par la recrudescence du chômage.
Il faut réagir. C'est ce que nous faisons.
Outre la relance économique, destinée à créer ou maintenir l'emploi, nous devons protéger nos compatriotes frappés par le chômage, fût-il partiel.
A la demande du Président de la République, nous avons mis en place, dès le 1er octobre, un plan de financement des PME, car ce sont les entreprises qui créent l'emploi. (On approuve à droite)
MM. Jean-Pierre Godefroy et Jacques Mahéas. - Et les salariés !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - C'est une loi universelle reconnue. Le plan de relance de 26 milliards d'euros, dont l'Assemblée nationale délibère, produira ses effets. (On en doute vivement à gauche)
Nous avons aussi agi rapidement pour protéger les salariés frappés par des restructurations, (on estime à gauche que « ça ne marche pas ! ») notamment en étendant le contrat de transition professionnelle dans 25 nouveaux bassins d'emploi. Je regrette que vous ne l'ayez pas évoqué. L'indemnisation de l'inactivité partielle passera de 50 % à 60 % de la rémunération perdue. (Protestations à gauche) Cette mesure, bienvenue pour les salariés, sera financée dans le plan de relance.
Mme Éliane Assassi. - Rien à voir avec la question ! Répondez !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Quant à l'intéressement, le Parlement a voté, il y a quelques semaines, la loi en faveur des revenus du travail...
Mme Éliane Assassi. - C'est la droite qui a voté !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - ... qui encourage la conclusion d'accords en ce sens, avec une conditionnalité sur les charges sociales.
Ainsi, nous agissons dans les deux domaines : la relance de l'activité économique et la protection de nos compatriotes. Je regrette que vous ne vous soyez jamais associés à ces mesures positives pour nos compatriotes ! (Applaudissements à droite)
Mme Catherine Dumas . - Au nom du groupe UMP, je souhaite adresser à Mme la garde des sceaux nos plus chaleureuses félicitations pour la naissance de sa petite Zohra. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite) Je lui renouvelle également notre soutien total à son action réformatrice.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Absolument !
Mme Catherine Dumas. - A l'occasion de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, le Président de la République a annoncé que le juge d'instruction devrait céder sa place à un juge de l'instruction contrôlant le déroulement des enquêtes, sans les diriger.
En effet, le juge d'instruction ne peut simultanément rechercher les coupables et protéger les droits des personnes mises en examen. Le chef de l'État a insisté sur la nécessité de placer le débat contradictoire au coeur de notre système judiciaire, qui doit être plus soucieux des libertés et plus adapté à la police scientifique et technique. En effet, la procédure pénale doit passer du culte de l'aveu au culte de la preuve.
Je souhaite quelques précisions sur les grandes lignes de cette profonde réforme de notre procédure pénale destinée à mieux protéger les droits individuels. (Applaudissements à droite)
M. le président. - L'ensemble du Sénat s'associe aux félicitations qui viennent d'être adressées à Mme la garde des sceaux. Que Zohra, telle l'étoile du berger, la conduise tout au long de sa vie ! (Applaudissements à droite)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je vous remercie pour ces paroles qui me touchent beaucoup. J'ai été très émue par les messages que m'ont fait parvenir des sénateurs siégeant sur tous les bancs. Ce n'est pas un sujet partisan. Je suis particulièrement heureuse de partager avec vous cet immense bonheur.
La question posée par Mme Dumas a déjà suscité de nombreuses interrogations.
Le Président de la République a été élu avec un mandat clair : conduire des réformes ambitieuses. La réforme de la justice en fait partie, notamment celle de la procédure pénale, dont la réforme du juge d'instruction est un volet, au demeurant indispensable.
De nombreux faits divers ont mis en évidence le caractère inadapté de notre procédure pénale. Il est donc absolument nécessaire de réformer le code pénal et le code de procédure pénale, afin de rendre sa cohérence au système et donner au principe du contradictoire la place qu'il mérite.
Qui pourrait prétendre qu'il ne faut pas réformer la procédure pénale ? Qui pourrait estimer satisfaisante la protection des libertés individuelles ?
A la demande du Président de la République et du Premier ministre, j'ai installé dès le 14 octobre une commission présidée par M. Philippe Léger, qui devra remettre des propositions ambitieuses en vue d'une réforme en profondeur du code de procédure pénale. Sur la base de ces propositions, une très large concertation sera notamment ouverte aux parlementaires. La première étape aura lieu dès lundi : je recevrai M. Philippe Léger, puis les membres de la commission et toutes les personnes concernées par cette réforme.
Dans cette affaire, l'intérêt général doit prévaloir sur toutes les polémiques, car il est indispensable -notamment dans les affaires les plus graves, justifiant les peines les plus lourdes- de protéger les droits des personnes mises en cause, tout en accordant une place accrue aux victimes et en permettant aux enquêteurs, comme à la défense, d'être plus efficaces. (Applaudissements à droite)
Suppression des juges d'instruction
M. Jean-Michel Baylet . - Il faut vraisemblablement réformer la justice : des dysfonctionnements récents et fameux l'ont montré. Mais le Président de la République nous a convoqués à Versailles il y a quelques mois pour conforter les droits du Parlement. Or, nous examinons aujourd'hui un texte dont une mesure phare -la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision- est déjà mise en oeuvre. Cela n'est pas exactement un renforcement des droits du Parlement !
La manière dont le Chef de l'État vient d'annoncer la suppression des juges d'instruction est une nouvelle marque de mépris pour le Parlement.
Alors, madame le garde des sceaux, nous avons besoin de quelques éclaircissements. Dites-nous-en davantage ! Qui remplacera le juge d'instruction ? Un « juge de l'instruction », soit. Mais quelles seront ses compétences ? Quelles seront ses prérogatives ? Comment sera menée notre politique pénale ? Jusque là confiée aux procureurs généraux sous l'autorité de la Chancellerie, son homogénéité pourrait être mise à mal dès lors qu'est avancée l'idée d'une indépendance du parquet. Qu'en sera-t-il de la garde à vue, cette espèce de torture des temps modernes qui consiste à coller les gens en prison pour les faire avouer ? Donnera-t-on enfin à la défense les droits qu'elle mérite ? Les avocats de la défense auront-ils rapidement accès à l'ensemble des dossiers ? Toutes ces questions doivent être posées puisque la réforme a été lancée devant l'opinion publique avant d'être exposée au Parlement. Ce serait la moindre des choses dans une démocratie, dans une République et après la réforme constitutionnelle votée cet été.
Madame le garde des sceaux, quelles sont les grandes orientations de la réforme, si tant est que vous les connaissiez ? (Rires à gauche) Pouvez-vous garantir que le débat aura lieu au Parlement, c'est-à-dire à l'Assemblée nationale et au Sénat, et non devant l'opinion publique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et quelques bancs à gauche)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice . - Il n'y a aucun mépris du Parlement, puisque cette réforme sera menée dans la plus grande concertation. Elle est attendue par les Français et voulue par tous les partis politiques. La réforme de la justice, et donc du code pénal et du code de procédure pénale, est au programme de chaque élection, y compris l'élection présidentielle. Je note d'ailleurs qu'un tel débat avait eu lieu à gauche sans qu'un consensus ne soit dégagé sur l'indépendance du parquet. Pourquoi ? Parce que l'on n'a jamais voulu mettre toutes les questions sur la table. Le code de procédure pénale a été réformé à plus de vingt reprises sans aucune cohérence.
M. Paul Raoult. - Qui a fait ces réformes ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Chaque fois qu'une affaire éclate, on polémique, mais on n'évoque pas les vraies questions.
M. Jean-Pierre Bel. - La droite est au pouvoir depuis sept ans !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Le Président de la République a un mandat clair ; la réforme de la justice était à son programme : elle aura lieu. Et, pour réformer le code pénal et le code de procédure pénale, le débat parlementaire est obligatoire.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Comme pour l'audiovisuel ! (Rires à gauche)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Dès lundi, je commencerai les consultations, que je souhaite aussi larges que possible. La commission présidée par Philippe Léger procédera également à un grand nombre d'auditions, notamment de parlementaires ; parlementaires dont vous pourriez être, monsieur Baylet, si vous le demandez. (Applaudissements à droite)
Conflit israélo-palestinien (I)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga . - Les roquettes du Hamas continuent de tomber sur le sud d'Israël, celles du Hezbollah sur le nord du pays et les civils continuent d'être les victimes trop nombreuses des bombardements israéliens et de l'offensive terrestre à Gaza. Au Proche-Orient, la diplomatie internationale se heurte aux réalités meurtrières. Oui, il faut obtenir un cessez-le-feu ; oui, il faut créer des couloirs humanitaires car jamais une guerre n'a atteint une telle intensité. Pas moins de 1,5 million d'êtres humains, dont 700 000 enfants, privés d'eau potable, d'électricité, de médicaments et de vivres, ne peuvent fuir les bombes. Je rends hommage aux agents de l'ONU, de la Croix-Rouge, des ONG qui secourent les victimes et aux journalistes qui bravent le blocus de l'information.
Il est urgent de briser cette spirale de la violence qui, après chaque négociation en trompe-l'oeil et chaque guerre qui la suit, laisse les Israéliens plus inquiets de leur avenir et les Palestiniens plus dominés, appauvris sur un territoire mité par les colonies et soumis au blocus.
Alors que la France préside le Conseil de sécurité, elle doit obtenir une résolution de cessez-le-feu contraignante, j'y insiste, pour les deux parties ; c'est la position du parti socialiste. Ensuite, il faudra, par une nouvelle résolution, définir les sanctions encourues par ceux qui violeraient les résolutions de l'ONU. Je pense, entre autres, à la résolution créant Israël en 1948 et à toutes celles qui devraient garantir les droits du peuple palestinien. De fait, la paix ne passera que par la création d'un véritable État palestinien et la garantie de la sécurité pour Israël. La seule solution est politique.
Madame la ministre, nous demandons que soit inscrit à l'ordre du jour du Sénat un débat sur la situation au Proche-Orient, et ce, dès le début de la semaine prochaine. (Applaudissements à gauche)
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme . - Madame la sénatrice, face au drame humanitaire à Gaza, il est légitime que la représentation nationale souhaite débattre de ce sujet qui touche tous les Français, quelle que soit leur appartenance. Les chiffres sont éloquents : aux victimes israéliennes viennent s'ajouter plus de 700 Palestiniens, dont 220 enfants, sans compter 3 000 blessés. Le bilan économique est également catastrophique. Nous savons tous que la solution est l'édification d'un véritable État palestinien.
Face à cette situation dramatique, personne ne détient la clé du problème, Pour autant, il ne faut pas rester inactif, au risque de manquer à notre responsabilité. Le Président de la République n'a pas failli à sa mission. Répondant à l'attente des Français, il s'est employé à enrayer l'engrenage de la violence. A preuve, son engagement dans le processus de sortie de crise avec la mise au point d'un plan de paix franco-égyptien.
Un débat aura bien lieu au Sénat dans les prochains jours, conformément au souhait de la Conférence des Présidents. (Applaudissements à droite)
M. le président. - Le Sénat se tient en étroit contact avec le Gouvernement pour en fixer la date.
Conflit israélo-palestinien (II)
M. Christian Cambon . - Depuis plus de douze jours, en réponse aux roquettes lancées par le Hamas contre les populations du sud d'Israël, l'armée israélienne bombarde la bande de Gaza avec une rare intensité. Elle a également lancé une offensive terrestre qui a aggravé la situation catastrophique dans laquelle se trouve la population civile.
En réplique, des tirs de roquette depuis le Liban sur le nord d'Israël ont eu lieu cette nuit, qui ont fait craindre une extension du conflit. Lundi et mardi, le Président de la République a mené une mission très importante, saluée à l'unanimité au-delà de notre territoire, afin de rétablir le dialogue et faire cesser les violences de part et d'autre. Cette action a replacé la France et l'Europe au coeur de la négociation. Un plan de paix a été élaboré grâce à une véritable coopération avec le président Moubarak, auquel nous rendons hommage. Nous nous félicitons de l'accueil positif fait à ce plan par l'autorité palestinienne, l'État hébreu et les États-Unis. Nous espérons que le Gouvernement saura le faire fructifier, en coopération avec la nouvelle administration américaine.
Pourtant, l'inquiétude demeure. N'est-il pas temps d'engager un processus de paix avec tous les acteurs de la zone ? Et quelle est la position du Gouvernement quant à la participation de la France au déploiement d'une force de maintien de la paix et à la mise en place d'un contrôle à la frontière entre l'Egypte et la bande de Gaza, pour faire cesser la contrebande d'armes ? (Applaudissements à droite)
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme . - Comme le Premier ministre, je condamne fermement les tirs de roquettes qui ont eu lieu : une escalade serait lourde de conséquences pour toute la région. Nous sommes également préoccupés par l'élargissement des opérations militaires israéliennes dans le sud de la bande de Gaza. Et il est urgent que cessent totalement les tirs de roquettes.
Le Président de la République s'est mobilisé sans relâche et hier encore il s'est entretenu au téléphone avec les dirigeants égyptiens, tchèques, saoudiens, qataris, syriens, turcs et israéliens. Bernard Kouchner préside aujourd'hui les discussions qui se tiennent au Conseil de sécurité.
Cette action a imprimé une dynamique, humanitaire avec l'instauration d'un corridor et les trois heures de trêve quotidiennes, politique avec le plan accueilli favorablement par les parties. L'Égypte recevra sous peu une délégation israélienne afin de discuter des modalités du contrôle de sa frontière avec Gaza.
Quant à un règlement durable du conflit, il exigera les efforts de tous ceux qui souhaitent la paix. Notre pays a toujours dit qu'il était disposé à reprendre sa participation à la mission européenne à Rafah et à l'étendre si nécessaire aux autres points de passage -l'ouverture et le contrôle de tous ces points sont essentiels du point de vue humanitaire et pour la normalisation des relations.
La France accepte aussi d'apporter son concours aux arrangements de sécurité, selon des modalités qui dépendront de l'accord qui interviendra entre les parties au conflit. Le 23 juin dernier à la Knesset, le Président de la République a indiqué que la France était volontaire pour participer à une force internationale destinée à accompagner l'application d'un accord de paix et le retrait de l'armée israélienne des territoires palestiniens. (Applaudissements à droite)
Crise du secteur automobile
M. Martial Bourquin . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) La grave crise industrielle que nous vivons a des conséquences humaines tragiques et je trouve pour le moins inopportun que Mme Assassi, lorsqu'elle les évoque, soit interrompue comme elle l'a été : des millions de Français traversent une situation extrêmement préoccupante, les suppressions d'emplois sont massives. Il est donc déplacé de chahuter notre collègue lorsqu'elle s'exprime sur ce sujet. (Applaudissements à gauche)
En réponse à cette crise, vous avez érigé une succession de digues de sable. M. Chatel a déclaré mardi qu' « acheter une voiture est un acte citoyen » : en d'autres temps, Marie-Antoinette suggérait aux affamés de manger de la brioche... Ceux qui ont peur de perdre leur emploi et s'abstiennent d'acheter une nouvelle voiture sont-ils des demi-citoyens ? Lorsque l'on conserve sa voiture plus de dix ans, ce n'est pas un choix, c'est que l'on ne peut faire autrement ! Qu'a prévu le Gouvernement pour relancer le pouvoir d'achat ?
Mme Éliane Assassi. - Rien !
M. Martial Bourquin. - Que compte-t-il faire pour que les banques appliquent des taux de crédit décents ?
M. le Président. - Veuillez conclure.
M. Martial Bourquin. - Il faut préparer le futur véhicule propre, aider plus sensiblement les pôles de compétitivité. Vous pensez l'économique contre le social ! (« Ce n'est pas une question ! » à droite) Pour Camus, la vraie générosité envers l'avenir, c'est de tout donner au présent. Quand défendrez-vous enfin le pouvoir d'achat des citoyens et nos territoires ? L'espoir et l'avenir sont aussi à ce prix ! (Applaudissements à gauche)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services . - Il n'y a pas d'un côté ceux qui négligent le pouvoir d'achat et de l'autre ceux qui ne pensent qu'à cela. Qui a décidé de verser une prime exceptionnelle de 220 euros aux titulaires du RMI et de l'ASS ? Et de verser dès avril prochain la prime de solidarité active, en anticipation du RSA ? Et de revaloriser le minimum vieillesse ?
La crise affecte le secteur automobile dans toute l'Europe, mais le marché français s'est mieux tenu que les autres.
M. Martial Bourquin. - Tout va bien !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Non, mais c'est une réalité !
Nous ne nous en contentons pas, nous agissons et la mesure de bonus-malus mise en oeuvre a eu des résultats ; la prime à la casse, décidée le 4 décembre, a stimulé la demande.
Il faut aller plus loin, avec des mesures concernant l'offre.
Le Président de la République a confié une mission à Luc Chatel -votre remarque à son sujet est très injuste- qui proposera fin janvier des mesures structurelles en faveur de l'offre ; des états généraux seront organisés à Bercy dès le 20 janvier. Nous sommes conscients de l'effort d'adaptation à accomplir et saurons réagir : regardez ce que nous faisons au lieu de critiquer des mesures efficaces. (Applaudissements à droite)
Crise gazière
M. André Dulait . - Nous traversons une période difficile et tous les producteurs d'énergie sont sollicités. Or le conflit entre la Russie et l'Ukraine risque de retentir sur l'Europe de l'est et la France puisque 40 % du gaz soviétique est vendu en Europe, dont 80 % via l'Ukraine. Nous ne sommes peut-être pas concernés directement, compte tenu de la multiplicité de nos fournisseurs, mais quelle est la position de la France et de l'Europe devant cette situation extrêmement délicate ? (Applaudissements à droite)
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire . - Le Président de la République et le Premier ministre sont particulièrement vigilants sur ce sujet qui a une triple dimension. L'approvisionnement d'abord : je veux rassurer les ménages comme les entreprises car le mix français est extrêmement diversifié, 85 % de notre approvisionnement provenant d'autres sources. Une réunion s'est tenue hier avec le Premier ministre et M. Mestrallet, le président de Suez, qui accentuera ses approvisionnements auprès d'autres fournisseurs.
La sécurité des contrats en Europe ensuite. Le Premier ministre a exposé hier la position française : leur non-respect est inacceptable. Le Président de la République a, en présence de Mme Merkel, appelé Gazprom et la compagnie ukrainienne à trouver un accord ; en tout état de cause, nos contrats d'approvisionnement doivent être honorés.
La sécurité européenne, enfin, dépend de la capacité d'aider assez rapidement tel ou tel pays, des interconnexions et de l'amélioration de l'efficacité énergétique. Nous réfléchissons donc à un développement des infrastructures respectueux de l'environnement. La réponse est à la fois technique, politique et solidaire avec les autres pays européens. Des observateurs devraient partir demain pour surveiller l'approvisionnement ; le Coreper se réunit aujourd'hui à 15 heures pour définir les modalités pratiques et, si nécessaire je serai lundi prochain au Conseil européen de l'énergie convoqué en urgence par la République tchèque. (Applaudissements à droite)
Délinquance informatique
Mme Jacqueline Panis . - Les faits de délinquance se multiplient et de nouvelles formes d'escroquerie se développent sur la grande toile qui permet des échanges à travers le globe.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On nous avait dit le contraire !
Mme Jacqueline Panis. - C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi sanctionnant pénalement les usurpations d'identité numérique, cette lucrative délinquance financière : seules ses conséquences le sont aujourd'hui. Si chacun a entendu une personne abusée par un escroc qui avait obtenu ses coordonnées bancaires via le net, 62 % des parents ignorent que leurs enfants tiennent un blog, et qu'ils peuvent entrer en contact avec des personnes qui se font passer pour des enfants ! C'est pourquoi je me suis réjouie des mesures annoncées avant-hier. Pourriez-vous nous détailler votre plan ? (Applaudissements à droite)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - Jour après jour, nous découvrons des captations d'identité, des récupérations de numéros de cartes bancaires au détriment de personnes trop généreuses ou naïves. Cette explosion de l'escroquerie sur internet -elle augmente de 20 %- est frappante dans un contexte de baisse générale de la délinquance de proximité. Il faut réagir car les victimes sont des personnes fragiles et c'est l'objet du plan que j'ai annoncé. Il faut d'abord prévenir, informer. Nous allons donc distribuer dans tous les services accueillant du public, commissariats, préfectures ou postes, une plaquette qui donnera des exemples d'escroqueries et montrera comment on est sollicité, par exemple pour récupérer un héritage, généralement dans un pays africain.
En outre un numéro de téléphone unique permettra de se renseigner auprès de policiers et de gendarmes pour connaître la marche à suivre.
D'ores et déjà, une plate-forme, opérationnelle depuis le début de cette semaine, recueille les informations données par des consommateurs ayant décelé une tentative d'escroquerie sur internet. Ainsi, nous pourrons agir assez tôt pour bloquer les arnaques en série.
Nous ne devons pas nous contenter d'intervenir au niveau national : j'ai proposé à la Commission européenne de créer une plate-forme adossée à Europol pour signaler les sites illicites.
Ces dispositifs assureront la protection de nos concitoyens, et surtout des plus fragiles d'entre eux. (Applaudissements sur les bancs UMP)