Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Rappel au Règlement

Sénatrice en mission

Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

Justice

Interventions des rapporteurs

Interventions des orateurs

Examen des crédits

Article 35 (État B)

Travail et emploi

Interventions des rapporteurs

Interventions des orateurs

Examen des crédits

Article 35 (État B)

Article 79

Article 80

Article additionnel

Défense

Interventions des rapporteurs

Interventions des orateurs

Questions et réponses

Examen des crédits

Article 35

Article 59 decies




SÉANCE

du lundi 1er décembre 2008

32e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

Secrétaires : M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Anne-Marie Payet.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Rappel au Règlement

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce rappel au Règlement se fonde sur l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, source de la Constitution et, partant, du Règlement du Sénat. M. Vittorio de Filippis, journaliste et ancien directeur du journal Libération, a été interpellé à son domicile le vendredi 28 novembre à 6 heures 40, en exécution d'un mandat d'amener délivré par un juge. Il a été arrêté devant ses enfants, menotté et emmené au commissariat du Raincy. Libération, dans son édition du 29 novembre, rapporte le témoignage de M. de Filippis sur cet épisode.

M. Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du quotidien, a écrit que les conditions de cette interpellation étaient volontairement humiliantes. Si l'on en croit les récits que l'on lit dans la presse, c'est le moins que l'on puisse dire ! D'après Libération et Le Monde, un fonctionnaire de police aurait dit à M. de Filippis, devant son fils : « Vous, vous êtes pire que la racaille ! ».

Je rappelle que ce qui a donné lieu à cette interpellation est une plainte en diffamation au sujet d'un commentaire hébergé par le site internet du journal, le 27 octobre 2006. Me Jean-Paul Lévy, avocat de M. de Filippis, a déclaré que c'était la première fois qu'il voyait un directeur de publication faire l'objet d'une interpellation et d'un mandat d'amener. Il a rappelé qu'en matière de presse, la détention n'existait pas. Et il s'est indigné du traitement effarant réservé à son client.

Me Yves Baudelot, avocat du journal Le Monde, a renchéri : « C'est invraisemblable et inacceptable : si l'on permet des perquisitions et des interpellations de cette nature, on contourne la loi ». La Société civile des personnels de Libération a, quant à elle, dénoncé « des méthodes judiciaires intolérables » et réclamé une enquête.

De nombreuses personnalités se sont émues de cette affaire. Le Syndicat national des journalistes s'est inquiété de « la démesure avec laquelle sont désormais instruits certains délits de presse ». L'association Reporters sans frontières a elle aussi vivement réagi.

Devant cette émotion intense et justifiée, je souhaite poser trois questions à Mme la garde des sceaux, qui se trouve parmi nous ce matin. Pensez-vous que la présence sur le site d'un journal du commentaire d'un internaute constitue de la part de la rédaction un acte de diffamation méritant un tel traitement ? Considérez-vous que les méthodes employées lors de cette interpellation sont compatibles avec les objectifs du projet de loi sur le secret des sources, que vous nous avez présenté ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Hélas oui !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Enfin, avez-vous demandé l'ouverture d'une enquête, ou allez-vous le faire ? Si oui, comptez-vous rendre publiques les conclusions de cette enquête ?

M. le président.  - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement. Mme la ministre vous répondra tout à l'heure.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je m'étonne du mutisme du Gouvernement. Les libertés fondamentales sont en jeu, et notre rôle de parlementaires est de veiller à leur respect.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je partage les inquiétudes de M. Sueur et je souhaite moi aussi connaître l'avis de Mme la ministre.

M. le président.  - Madame la ministre, si vous le souhaitez, vous avez la parole.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - J'avais l'intention de répondre tout à l'heure : il n'y a pas lieu de dénoncer le mutisme du Gouvernement.

En ce qui concerne la procédure, elle est parfaitement régulière : un mandat d'amener a été délivré par un juge d'instruction à la suite d'une plainte déposée par une partie civile. Ni le Gouvernement ni le parquet ne sont à l'initiative de cette interpellation. Le mandat d'amener est une procédure à laquelle un juge d'instruction peut recourir, en particulier si la personne mise en cause n'a pas déféré aux convocations qui lui ont été préalablement adressées, comme c'est le cas dans cette affaire.

Nous sommes dans un État de droit, où la justice est indépendante. Nous avons eu plusieurs fois l'occasion d'en parler ici : le ministre de la justice peut délivrer des instructions au parquet, pas aux magistrats. Je ne l'ai jamais fait, et il ne me revient pas de juger, ni même de commenter une procédure judiciaire.

Quant aux conditions de garde à vue, le Président de la République a beaucoup fait pour les améliorer lorsqu'il était ministre de l'intérieur. Il a limité le recours à la fouille au corps, au nom de la dignité des personnes.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Avez-vous lu la presse ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Lors de la campagne présidentielle, il s'est engagé à améliorer la protection du secret des sources des journalistes en l'inscrivant dans la loi de 1881. Le projet de loi dont nous avons débattu a pour objet d'apporter des garanties en la matière et de mieux encadrer les procédures judiciaires dans le cas où un journaliste serait mis en cause.

J'ai demandé au parquet de se faire communiquer le dossier de M. de Filippis pour s'assurer qu'aucune irrégularité n'a été commise. Je vous communiquerai bien évidemment les informations dont je disposerai. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

Sénatrice en mission

M. le président.  - Par courrier en date du 28 novembre, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l'article L.O. 297 du code électoral, Mme Sylvie Desmarescaux, sénateur du Nord, en mission temporaire auprès de M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Cette mission portera sur l'évolution des droits sociaux attachés au statut de bénéficiaire de minima sociaux dans le cadre de la création du revenu de solidarité active. Acte est donné de cette communication.

Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen du projet de loi de finances pour 2009.

Justice

M. le président.  - Le Sénat va maintenant examiner la mission « Justice ».

Interventions des rapporteurs

M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances.  - La mission « Justice » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2009, de 6,654 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 2,6 %. Dans un contexte budgétaire tendu, cette progression des crédits illustre l'importance accordée à la justice depuis plusieurs années.

Le programme « Justice judiciaire » compte 2,83 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 3,8 %. Grâce aux efforts conjugués des magistrats et de la Chancellerie, la hausse des frais de justice est désormais contenue : en 2009, une dotation de 409 millions d'euros est prévue pour les couvrir, contre 405 millions d'euros en 2008.

Reste le problème du nombre insuffisant de greffiers dans les juridictions. Le ratio actuel de 2,5 fonctionnaires de greffe par magistrat montre la faiblesse du soutien logistique apporté aux magistrats, tant pour le rendu des décisions de justice que pour la gestion des juridictions. L'augmentation des effectifs de magistrats entre 2003 et 2007, conforme à la loi d'orientation et de programmation pour la justice, n'a de sens que si elle s'accompagne d'un effort encore plus important en faveur des greffiers.

Ce projet de loi de finances permet également de faire le point sur la réforme de la carte judiciaire et son coût. Depuis plusieurs années, tout le monde convenait de la nécessité de réformer la carte judiciaire mais aucune réorganisation n'avait été entreprise depuis 1958. En dépit des évolutions démographiques, économiques et sociales du pays, la carte judiciaire n'avait fait l'objet, depuis lors, que d'adaptations ponctuelles.

Cette situation freinait la modernisation de la justice.

Toutefois, la réforme a un coût initial. En 2009 lui seront consacrés 37 millions sur le programme « Justice judiciaire » auxquels il faut ajouter 55 millions mobilisés sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Son coût total, chiffré à 427 millions sur cinq ans, est inférieur à celui de 800 millions initialement prévu mais n'intègre pas le réaménagement du TGI de Paris évalué à près d'un milliard...

Le programme « Administration pénitentiaire » enregistre une hausse de 4 % de ses crédits de paiement. Faut-il rappeler le caractère inacceptable des conditions de détention en France ? La vétusté des prisons et, surtout, le manque de places sont accablants. Le taux de population carcérale, qui atteignait 126,5 % au 1er juillet 2008, peut atteindre 200 % dans certains établissements. On ne peut donc que se réjouir de la création de 4 588 places en 2009, dont certaines à la maison d'arrêt du Mans. Néanmoins, si le nombre de détenus reste stable, les 11 569 places que l'on prévoit de créer entre 2009 et 2012 ne suffiront pas. Pour accompagner ces ouvertures de places, 894 équivalents temps plein sont créés au sein de l'administration pénitentiaire en 2009.

S'agissant des conditions d'accueil des détenus, soulignons la grave insuffisance de psychiatres intervenant en établissement pénitentiaire. Au nom de la commission, je demande donc instamment que l'on crée de nouveaux postes pour accompagner les créations de places. Le transfèrement de détenus pose également problème. En attendant l'indispensable remise à plat de cette mission actuellement confiée à la police et la gendarmerie, je présenterai un amendement.

Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », dont les crédits de paiement diminuent de 2,1 %, est marqué par un recentrage sur la prise en charge des mineurs délinquants en 2009. Au regard des critères de performance, soulignons que le taux d'occupation des centres éducatifs fermés progresse de 71 % à 75 % entre 2007 et 2008, l'objectif étant d'atteindre 80 % en 2011. En outre, un chiffre souligne à lui seul l'importance de la protection judicaire de la jeunesse : 66 % des jeunes pris en charge n'ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année suivant la clôture de la mesure.

Au sein du programme « Accès au droit et à la justice », dont les moyens diminuent de 4,3 % en crédits de paiement, l'aide juridictionnelle enregistre une baisse de 4,6 % qui pourrait être compensée par un rétablissement de crédits de 13 millions au titre du recouvrement de l'aide juridictionnelle. Par ailleurs, cette hypothèse se fonde sur un nombre de bénéficiaires identique en 2009 à l'an passé, soit 886 000. Pour autant, la commission, comme elle l'a répété à de maintes reprises, estime indispensable une réforme de ce dispositif. Puisse 2009 être l'année de la prise de décision !

La création du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus » s'expliquait par l'introduction, au sein de la Chancellerie, à partir du 1er janvier 2009, du logiciel Chorus, lequel gèrera l'ensemble de la dépense, des recettes non fiscales et de la comptabilité de l'État. Ce programme est doté de 238 millions de crédits de paiement. La commission se réjouit que, conformément à ses souhaits répétés, les crédits attribués à la Commission nationale informatique et libertés, rattachés à ce programme jusqu'en 2008, aient enfin été transférés au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Ce programme disparaîtra au 31 décembre 2009, date à laquelle les crédits de la mission seront gérés par Chorus.

Pour la justice, 2009 sera une année de continuité dans l'effort budgétaire consenti pour rattraper les retards, continuité dans la modernisation de la justice pour la rendre plus proche et plus lisible, continuité, enfin, dans le souci de répondre au problème de la surpopulation carcérale et des conditions de détention, trop souvent indignes de notre République.

La commission des finances propose l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Le programme « Administration pénitentiaire », qui représente 37 % des crédits de cette mission, enregistre une hausse de 4 % de ses crédits de paiement, après une augmentation de 6,4 % entre 2007 et 2008. Les autorisations d'engagement, quant à elles, progressent de 30,2 % en raison du renouvellement des marchés des établissements à gestion déléguée et de la notification des établissements dont la livraison est prévue en 2010. En termes d'emplois, 894 ETPT sont créés en 2009, soit 775 pour les personnels de surveillance dans les nouveaux établissements pénitentiaires et 104 postes répartis entre les métiers du greffe et de l'éducatif pour accompagner le développement des aménagements de peine au moyen, notamment, du bracelet électronique. Ainsi, le budget de l'administration pénitentiaire augmentera-t-il de 5,6 % entre 2008 et 2009 afin de couvrir les besoins de personnel et la subvention pour charge de service public versée à l'École nationale de l'administration pénitentiaire sera abondée de 5 millions.

Comme vous le savez, après le plan Chalandon de 1987 qui prévoyait la création de 13 000 places de détenus et de 25 établissements et le plan Méhaignerie qui fixait pour objectifs 4 000 places et 6 établissements supplémentaires, la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002 a prévu la création de 13 200 places et d'une quinzaine d'établissements parmi lesquels sept pour les mineurs, dont les premiers ont ouvert cet automne. Entre 2007 et 2008, on a créé 1 497 places supplémentaires ; le mouvement s'accélérant avec la création de 4 590 places en 2009 du fait des ouvertures des centres pénitentiaires de Rennes, Bourg-en-Bresse, Béziers, Poitiers-Vivonne et Nancy-Maréville, du centre de détention du Havre, de la maison d'arrêt de Le Mans-Coulaines et du quartier de courte peine de Seysses.

La commission des lois ne peut donc qu'être favorable à l'adoption des crédits de ce programme. Toutefois, elle regrette que l'examen du projet de loi pénitentiaire ait été encore différé. Sous l'impulsion de son président, elle a donc pris l'initiative de l'étudier dès le 17 décembre pour une inscription rapide à l'ordre du jour. Par ailleurs, le budget de la mission n'anticipe pas sur l'adoption de ce texte, ce qui ne laissera guère de marges de manoeuvres au Parlement, dont les propositions peuvent tomber sous le coup de l'article 40 de la Constitution. Aussi, voulais-je proposer un amendement afin de dégager une enveloppe budgétaire limitée qui permettrait, notamment, la création d'une allocation carcérale d'insertion que nous appelons de nos voeux. Le contexte budgétaire contraint m'y a fait renoncer. Espérons que cela ne soit pas au prix d'une mise à l'écart du Parlement ! Je m'interroge, par ailleurs, sur la modestie de certains objectifs. On prévoit pour 2011 un taux de formation professionnelle des détenus de 9,3 %, identique à celui de 2008. De même, le taux de détenus ayant une activité rémunérée enregistre une baisse sensible. Est-ce conforme à notre volonté de mener une politique de réinsertion ambitieuse ?

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous invite à adopter les crédits de ce programme. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Ce budget et la loi de programmation pour 2009-2012 marquent un coup d'arrêt à la progression des crédits accordés à la protection judiciaire ces dernières années. Après avoir augmenté de 8,6 % en 2007 puis de 1,6 % en 2008, ils diminueront de 2,2 % en 2009 pour représenter 11,8 % des crédits de la mission.

Ils diminueront ensuite de 1 % en 2010 et de 1,4 % en 2011. Au-delà de cette diminution globale, le projet de loi de finances opère un important redéploiement de moyens afin de recentrer l'action de la protection judiciaire de la jeunesse sur les mineurs délinquants : les crédits de paiement alloués à la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs diminueront de 40 %, tandis que ceux alloués à la prise en charge des mineurs délinquants augmenteront de 18 %. Ce redéploiement concernera 805 équivalents temps plein travaillés, le plafond d'autorisation d'emplois étant fixé à 8 951 équivalents temps plein travaillé, contre 9 027 en 2008. D'ici un à deux ans, seules les mesures judiciaires d'investigation concernant les mineurs en danger et les jeunes majeurs seront encore prises en charge par l'État.

Cette réduction des crédits destinés à la prise en charge des jeunes majeurs découlerait de la loi du 5 mars 2007 qui attribue aux conseils généraux la compétence en matière de protection des mineurs en danger et des jeunes majeurs. Elle devrait s'accompagner d'une réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 et de l'abrogation du décret du 18 février 1975 relatif à la prise en charge des jeunes majeurs.

Cette évolution va dans le sens des recommandations de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs de 2002 ; elle n'en suscite pas moins, par son ampleur, des interrogations et des inquiétudes. Exprimées notamment par l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, par l'Assemblée des départements de France et par l'Uniopss, ces inquiétudes concernent aussi bien la continuité que l'homogénéité du suivi des mineurs en danger et des jeunes majeurs. La commission des lois tient à ce que les jeunes en danger et les jeunes majeurs bénéficient d'un même niveau de protection sur l'ensemble du territoire.

La modernisation de la protection judiciaire de la jeunesse se poursuit, avec la diversification des modes de prise en charge, la rationalisation des moyens et le développement de l'évaluation. Je ne ferai que quelques remarques, inspirées par les déplacements que j'ai effectués cette année.

Si les structures de prise en charge des mineurs ont été diversifiées, reste la question de leur bonne articulation, tant géographique que fonctionnelle. Je déplore ainsi qu'aucun centre éducatif fermé n'ait été créé dans les Bouches-du-Rhône et que l'Ile-de-France n'en compte qu'un, à Savigny-sur-Orge. Ce centre, que j'ai visité, constitue l'un des cinq centres éducatifs fermés ayant bénéficié à titre expérimental de moyens supplémentaires pour améliorer la prise en charge des mineurs atteints de troubles mentaux. Cela devait se traduire par le recrutement de deux infirmiers, d'un second psychologue et d'un psychiatre. Un second psychologue à temps plein a bien été embauché mais le psychiatre n'effectue qu'une vacation hebdomadaire d'une demi-journée et l'on n'a pu recruter aucun infirmier faute de candidature valable. Il ne faudrait pas que les cinq centres retenus pour l'expérimentation soient chargés d'accueillir tous les jeunes atteints de troubles psychiatriques graves ! On m'a raconté qu'à peine placé dans le centre par un magistrat qui souhaitait mettre un terme à son séjour en hôpital psychiatrique, un jeune avait séquestré et menacé le personnel de direction. Cet exemple et la tentative de suicide d'un mineur placé dans le centre la veille de ma venue témoignent des efforts considérables qui restent à accomplir.

Le bilan d'ensemble des 37 centres éducatifs fermés n'en est pas moins satisfaisant : 61 % des mineurs qui y sont accueillis ne commettent pas de nouvelle infraction dans l'année de leur sortie. L'un de ceux que j'ai rencontrés à Savigny-sur-Orge venait d'achever un stage dans une chocolaterie ; il m'a dit : « le CEF, c'est un point d'arrivée pour un nouveau départ ». J'y vois un motif d'espoir qui se confirme quand on voit les choses avec un certain recul, et qu'on se débarrasse de toute considération partisane. Je ne saurais conclure sans rendre un hommage particulier aux éducateurs qui accomplissent un travail approfondi auprès de ces personnes difficiles.

La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Le nombre total d'équivalents temps plein travaillé du programme « Justice judiciaire » diminue de 54, en raison du transfert de la Cour nationale du droit d'asile vers la justice administrative. Mais, par un effet lolfien, cette baisse cache des créations : 59 emplois de magistrats, 9 de greffiers en chef, 50 de greffiers. Le nombre d'équivalents temps plein travaillé de magistrats s'établira donc à près de 7 900 en 2009, ce qui peut être considéré comme satisfaisant.

La justice n'était pas le domaine où la mise en oeuvre d'une logique de performance apparaissait la plus naturelle. S'agissant des délais de jugement, toutes les procédures n'obéissent pas aux mêmes délais.

Mme Nathalie Goulet.  - Hélas !

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.  - La mesure d'un délai moyen doit donc être interprétée avec précaution. La commission des lois comprend bien sûr les économies qui peuvent être réalisées grâce au recours à la visioconférence. Faut-il pour autant en faire un objectif de performance à part entière ? Il est certes utile de la déployer, mais pas de façon systématique, en dehors de considérations d'opportunité que seul le juge peut apprécier.

Pour les chefs de cour, la perspective de bénéficier de marges de manoeuvre supplémentaires s'ils réalisaient des économies constituait en 2006 une véritable incitation. Ils sont aujourd'hui déçus : la Lolf leur semble plutôt avoir permis à l'administration centrale d'étendre son emprise sur la gestion des juridictions. Pourtant, et c'est un point très positif, les magistrats ont opéré un véritable changement de culture, comme l'illustre le succès du plan de maîtrise des frais de justice. Après avoir augmenté de 42,7 % entre 2003 et 2005, ces frais n'augmentent plus depuis 2007 que de 2 % par an. La passation de marchés publics pour les analyses génétiques a rationalisé les dépenses mais les magistrats prescripteurs ont également eu un rôle déterminant.

L'esprit de la Lolf risque d'être détourné : la fongibilité reste l'apanage du responsable de programme, les services administratifs régionaux semblent accaparés par la production de statistiques financières et les crédits délégués sont trop souvent fléchés par l'administration centrale. L'informatisation du ministère devrait améliorer les choses, après qu'auront été surmontées les perturbations causées par la mise en place de Cassiopée.

Un rapport de MM. Jolibois et Fauchon prônait dès 1996 une réforme réaliste de la carte judiciaire, qui n'avait pas été modifiée depuis la réforme engagée par Michel Debré en 1958. Vous avez décidé de suivre un calendrier accéléré. La future carte judiciaire, qui devrait être achevée en 2011, comprendra 863 juridictions, contre 1 190 aujourd'hui. Elle permettra aux magistrats et fonctionnaires de la justice d'avoir le niveau de technicité requis en appartenant à des juridictions jugeant un nombre suffisant d'affaires chaque année. Les exigences de collégialité et de continuité du service public de la justice seront mieux respectées. La philosophie générale de la réforme, à défaut de la méthode, ne peut donc qu'être approuvée.

Cependant, la réforme de la carte judiciaire ne doit pas aboutir à transposer la pénurie de personnel des tribunaux supprimés vers les tribunaux d'accueil. Le regroupement des tribunaux ne fera pas disparaître les dossiers ! La question se pose en particulier pour les tribunaux d'instance, qui seront confrontés à la mise en oeuvre de la réforme des tutelles adoptée en 2007. J'ajoute que les 100 000 heures supplémentaires recensées chez les greffiers montrent que ceux-ci n'ont pas encore atteint un effectif pléthorique.

Cette réforme doit s'accompagner d'une réflexion approfondie sur la politique d'accès au droit et à la justice. La suppression de plusieurs tribunaux d'instance pose le problème de l'accès à la justice d'une population vulnérable et démunie, par exemple en matière de surendettement. Il faut donc développer les maisons de la justice et du droit.

Encore faudrait-il assurer leur fonctionnement : une vingtaine sont aujourd'hui fermées ou n'ouvrent qu'à mi-temps, par manque de personnel. La mise en place des vidéoconférences sera-t-elle adaptée ? Sur des questions complexes et difficiles à formuler pour des non-juristes, rien ne peut remplacer le dialogue direct.

Une délégation de la commission des lois s'est rendue à Mayotte en septembre dernier. Des Mahorais se trouvent étrangers en France et chez eux parce que la commission de révision de l'état civil manque de moyens. Il faut deux ans et demi pour qu'elle délivre les actes nécessaires pour aller étudier en métropole ou à l'étranger : que dirions-nous s'il fallait attendre de deux à quatre ans l'extrait de naissance nécessaire à l'obtention d'un passeport ? Le sous-effectif du tribunal de première instance de Mayotte fait que le dernier magistrat qui y a été affecté n'a pu être nommé à la présidence de la commission alors que 14 000 dossiers sont en instance depuis décembre 2007. La commission des lois recommande donc de nommer un vice-président. La question de l'état civil à Mayotte engage la crédibilité de l'État : la commission des lois vous recommande la plus grande vigilance.

Après ces remarques, elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements au centre)

Interventions des orateurs

M. Pierre Fauchon.  - L'analyse d'un budget ne saurait être un examen purement comptable, si important soit-il. La justice ne forme-t-elle pas le troisième pouvoir, si réel en dépit des controverses juridiques ? L'intensité, la complexité des missions judiciaires n'ont d'égales que la difficulté de les traiter convenablement et d'apporter sans retard des réponses appropriées aux innombrables questions qui lui sont posées. C'est extrêmement difficile en ces temps de lois laborieusement élaborées et sans cesse modifiées, ainsi que de remise en cause générale -et quasi systématique- des valeurs des droits et des obligations.

Au-delà de budgets relativement satisfaisants, quels sont les moyens de la justice ? La commission des lois y accorde depuis longtemps la plus grande attention. On a bien voulu rappeler un rapport que j'avais présenté avec Charles Jolibois en 1996, au siècle dernier... Notre société ne saurait attendre en effet de sa justice des résultats que ses moyens ne lui permettent pas d'atteindre, malgré le dévouement d'un grand nombre de magistrats, mais pas de tous. Je leur rends hommage mais l'exigence de résultats ne saurait ignorer cette insuffisance de moyens. Nous avions jugé prioritaire une réforme de la carte judiciaire, point de passage obligé pour s'adapter au volume de contentieux et corriger des disparités héritées de l'histoire et que déploraient les magistrats -je me souviens d'une comparaison avec Nancy par le président du tribunal de Meaux.

Nous nous réjouissons qu'il se soit enfin trouvé un ou plutôt une - ceci explique sans doute cela- garde des sceaux pour s'attaquer résolument à ces problèmes. Je souhaite l'élaboration de cartes comparant l'appareil judiciaire et les flux de contentieux tels qu'ils sont. Elle faciliterait la compréhension de la réforme et relativiserait les plaintes sur l'insuffisance de dialogue préalable, qui masquent parfois le peu de sérieux de certaines résistances. Je regrette que les cours d'appel ne soient pas concernées alors que leur dispositif remonte parfois à l'Ancien Régime. J'ajoute encore qu'un recours systématique aux audiences foraines permettrait de préserver une certaine proximité.

La réforme de la carte judiciaire a laissé le premier plan à un climat psychologique relativement tendu, d'autant que la presse est plus prompte à jeter de l'huile sur le feu qu'à passer du baume sur les prurits. S'il ne nous appartient pas de commenter cette problématique, plusieurs aspects nous touchent directement, soit qu'ils rouvrent des débats anciens tels que le statut du parquet, soit que, dans le prolongement de la révision constitutionnelle adoptée à la majorité que l'on sait, ils stimulent la réflexion sur le Conseil supérieur de la magistrature.

S'agissant du statut du parquet, une partie des difficultés récentes trouve son origine dans la confusion entre les fonctions de procureur et celles de juges. Sans doute leurs carrières sont-elles confondues, mais les juges, parce qu'ils sont chargés -et eux seuls- de rendre la justice, sont investis d'une dignité dont les procureurs ne sauraient se prévaloir. Cette distinction fondamentale a été quelque peu oubliée lors d'une convocation à la Chancellerie que seuls ceux qui refusent toute autorité peuvent interpréter comme un abus d'autorité : l'indépendance du juge n'est pas l'autonomie dans un service public et la Chancellerie n'est pas le tribunal de la Sainte Inquisition et nous n'en sommes plus au temps où les magistrats étaient propriétaires de leurs charges...

Notre Assemblée avait naguère voté une réforme du parquet le plaçant sous l'autorité d'un procureur général à l'abri de toute suspicion et il faudra peut-être revenir à cette idée, pour que l'action publique échappe au soupçon de politisation sans renoncer aux exigences de cohérence et d'efficacité.

Beaucoup d'entre nous ont été surpris en prenant connaissance du communiqué par lequel le Conseil supérieur de la magistrature a cru pouvoir critiquer une initiative de la Chancellerie qu'il a jugée précipitée. Cela ne me semble pas dans ses attributions. (Mme Nicole Borvo-Seat s'étonne) Sans doute tout magistrat mis en cause a-t-il le droit d'être assisté et défendu, et j'ai entendu l'intervention de M. Sueur que vous avez soutenue, madame Borvo Cohen-Seat, mais telle n'est pas la fonction du Conseil supérieur de la magistrature et aucun républicain ne peut admettre une initiative qui a comme un parfum de remontrances. Il faudra se le rappeler lorsque nous débattrons de la loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature. Alors, tout en respectant les prérogatives du Gouvernement et sans oublier les prérogatives dues aux juges, nous apporterons notre contribution à l'oeuvre de justice, ainsi rendue plus conforme aux attentes des Français. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je ne polémiquerai pas avec M. Fauchon, même s'il m'a interpelée.

Vous nous présentez, madame, un budget d'ampleur modeste, 6,6 milliards. Il augmente de 2,65 % et, alors que l'État supprime 30 600 emplois, vous en créeriez 952. Il s'agit en réalité de 22 équivalents temps plein de magistrat, comme dit la loi organique relative aux lois de finance que je n'ai pas votée, et d'un glissement bénéfique aux greffiers avec la transformation de 150 emplois de catégorie C...

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Une promotion.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Sans doute, mais qui ne change pas le nombre, pourtant insuffisant, des agents. Tout en appelant à voter les crédits, les rapporteurs pour avis ont d'ailleurs été assez critiques.

Votre priorité est de dépenser mieux. Qu'est-ce à dire ?

Cela signifie-t-il incarcérer davantage ? Supprimer les tribunaux d'instance, ce qui rendrait l'accès au droit plus difficile ? Nous désapprouvons l'affectation des moyens au sein de ce budget, reflet d'orientations parfois incohérentes qui continuent de provoquer des drames humains insupportables. Votre politique a échoué, qu'il s'agisse de la lutte contre la récidive ou de celle contre la délinquance des mineurs. La loi sur les peines plancher devait avoir un effet dissuasif, mais le nombre de détenus explose alors que les actes de délinquance régressent -vous le soulignez à l'envi-, sauf les actes les plus violents. Les instructions de la Chancellerie aux parquets de faire appel lorsque les juges n'appliquent pas les peines minimales remettent en cause la liberté de ceux-ci.

Quant à la délinquance des mineurs, les conclusions de la commission Varinard confirment nos craintes : la primauté de l'éducatif est remise en cause. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse concentre déjà ses moyens sur le contrôle, la probation, l'accompagnement de l'incarcération ; la baisse de ses crédit traduit cette logique qui est de privilégier les mesures pénales au détriment des mesures éducatives, celles-ci étant progressivement abandonnées aux départements et aux associations, avec des risques évidents d'inégalités sur le territoire. L'incarcération des mineurs augmente, l'enfermement au sein des centres éducatifs fermés aussi. Suicides et tentatives de suicide en prison doivent nous interpeller. En juin 2007, les procureurs ont reçu instruction de recourir systématiquement à la présentation des mineurs devant la justice et de ne pas hésiter à interjeter appel lorsque leurs réquisitions de placement en détention provisoire ne sont pas suivies. Lorsqu'un adolescent s'est suicidé en octobre à la maison d'arrêt de Metz, établissement considéré comme une prison modèle, vous avez dû réagir ; mais c'est le procureur, qui n'avait fait qu'appliquer ces instructions, qui a été désigné comme responsable. La Commission nationale de déontologie de la sécurité vient en outre de rendre un rapport accablant après le suicide, en février dernier, d'un adolescent à la prison de Meyzieu, mettant en avant de graves dysfonctionnements de l'administration pénitentiaire. Il serait dès lors provocateur d'abaisser l'âge de la majorité pénale à douze ans, comme le propose la commission Varinard, ce qui rendrait possible l'incarcération d'enfants de cet âge.

Les adultes ne sont pas épargnés : 90 suicides ont été enregistrés depuis le début de l'année, dont celui, il y a quelques jours, d'un jeune homme de 27 ans condamné à une courte peine. De tels drames pourraient être évités si le corps judiciaire n'était pas soumis à la pression d'une politique pénale centrée sur l'emprisonnement.

Votre priorité reste le renforcement du parc pénitentiaire, ce qui n'est pas une mauvaise chose au regard de la surpopulation de nos prisons, mais les nouvelles places seront vite occupées. L'augmentation de la population pénale est continue : un nouveau record a été battu le 1er juillet 2008, avec 64 250 détenus. Où allons-nous ? Le chiffre de 80 000 détenus en 2017 a même été évoqué, repris d'ailleurs par le centre d'analyse stratégique dans sa note de veille du 17 septembre 2007. Le Gouvernement refuse de voir les conséquences de ce cercle vicieux et fait adopter des lois toujours plus répressives. Dès qu'une voix s'élève pour critiquer votre politique pénitentiaire, comme celle de Mme Herzog-Evans, qui vient de démissionner de la commission chargée d'accorder un label européen à certaines prisons, on tente de la faire taire. Les rapports successifs des commissaires européens aux droits de l'homme ne suscitent guère d'émotion à la Chancellerie. La situation est pourtant intolérable et dénoncée comme telle par les parlementaires français.

Il est temps de changer de politique pénale. Or le projet de loi pénitentiaire, en total décalage avec vos actes, est insuffisamment ambitieux et manque de moyens.

Je m'associe à l'hommage rendu aux personnels de votre ministère, personnels pénitentiaires ou de la protection judiciaire de la jeunesse et magistrats, sans cesse attaqués, y compris par le Gouvernement lui-même. (Applaudissements à gauche)

M. Laurent Béteille.  - Ce budget est à la hauteur des ambitions et des objectifs que vous vous êtes assignés depuis votre entrée en fonctions. Dans un contexte très contraint, il augmente de 2,6% : c'est bien une des priorités du Gouvernement, ce dont le groupe UMP se félicite. Il est un des seuls, sinon le seul, à enregistrer des créations d'emplois, 952 au total ; 5 130 nouvelles places de prison seront ouvertes l'an prochain dans le cadre de la loi programme de 2002.

Ce budget volontaire et cohérent permet de poursuivre la modernisation de la justice. A une politique pénale plus ferme répond une politique pénitentiaire plus ambitieuse, plus soucieuse des conditions de détention et des nécessités de la réinsertion des détenus. Une politique pénale n'est en effet légitime que si elle repose sur le strict respect de la personne humaine en détention. Nous dénonçons depuis des années la situation dans les prisons françaises, à laquelle heureusement le Gouvernement a commencé à s'attaquer. Le taux de surpopulation carcérale a atteint 126 % au 1er juillet et dépasse 200 % dans certains établissements. Ce budget permet la poursuite du programme immobilier ; sept établissements nouveaux ouvriront leurs portes en 2009, soit 5 130 places. Pouvez-vous nous confirmer qu'ils seront bien livrés dans les délais ?

Le groupe UMP se félicite de l'augmentation de plus de 4 % des crédits de paiement du programme « Administration pénitentiaire ». Elle permettra de poursuivre les efforts engagés afin de rendre nos prisons plus dignes et de les mettre en conformité avec les normes européennes. Nous souhaitons que le projet de loi pénitentiaire soit rapidement inscrit à l'ordre du jour du Parlement ; il est grand temps d'améliorer les dispositifs de réinsertion et d'assurer un meilleur respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Vous pouvez d'ores et déjà compter sur notre soutien.

La courageuse réforme de la carte judiciaire, première étape de la modernisation de notre justice, permettra à celle-ci, conformément à l'engagement du Président de la République, de gagner en qualité, en efficacité et en crédibilité tout en restant proche des citoyens. Un tiers des juridictions sera regroupé et des juridictions spécialisées devraient voir le jour. Les moyens nécessaires sont au rendez-vous, avec 427 millions d'euros.

Une justice qui se modernise, c'est aussi une justice qui se met à l'heure du numérique, en matière civile en tout cas ; il faut être plus prudent en matière pénale. Elle doit être capable de dématérialiser les pièces et de fluidifier leur transmission. L'informatisation des juridictions a longtemps été lacunaire ; quelle est, madame la garde de sceaux, le calendrier de mise en service des principaux projets informatiques de la Chancellerie ? De quelle manière amélioreront-ils le fonctionnement de la justice ?

Je salue enfin la priorité accordée à la prise en charge des mineurs délinquants.

Madame le garde des sceaux, vous avez créé, à titre expérimental, des centres éducatifs fermés psychiatriques pour les mineurs. Pouvez-vous nous dresser un bilan de cette expérimentation et nous dire si vous entendez la poursuivre ?

Sous réserve de ces observations et pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera ce budget qui porte la marque de votre détermination à oeuvrer pour une justice ferme, humaine, ouverte à tous et modernisée. (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - La justice est une des missions les plus régaliennes de l'État en même temps qu'elle est le rempart protecteur dont chaque citoyen peut bénéficier, y compris et surtout le plus modeste. L'examen de ses crédits ne saurait donc se résumer à un simple alignement de chiffres mais doit être une confrontation d'idées, ce ministère ne gérant pas des productions mais des destins humains.

C'est pourquoi je voudrais aborder aujourd'hui la question de l'incarcération. En ce début de XXIe siècle, la surpopulation des prisons est indigne d'une démocratie moderne. Dans certaines maisons d'arrêt -par exemple celle de Rodez, que je connais-, les condamnés se retrouvent à sept ou huit dans une cellule prévue pour cinq, dans une insoutenable promiscuité entre les personnes en détention provisoire et celles purgeant de courtes peines.

Certes, nous ne sommes pas revenus au temps du bagne de Cayenne, dont je n'oublie pas que la France doit la suppression à une éminente figure du groupe auquel j'appartiens, Gaston Monnerville, à l'époque où, peu avant la guerre, celui-ci exerçait les fonctions de sous-secrétaire d'État aux colonies, avant de devenir plus tard le charismatique président de notre Haute assemblée. Comment oublier que ce fut dans ce même hémicycle, à quelques mètres de nous, qu'un pair de France, sous la Monarchie de juillet, en se rendant au Palais du Luxembourg, fut si frappé par le spectacle d'un forçat enchaîné conduit par les gendarmes, qu'il imagina aussitôt en séance son personnage de Jean Valjean des Misérables. C'était Victor Hugo, futur sénateur de la Seine, et grand militant de l'abolition de la peine de mort.

Les rédacteurs du code pénal napoléonien ont vu dans la privation de liberté une panacée contre la délinquance, avec pour double objectif l'élimination des condamnés mis à l'écart de la société et la dissuasion pour ceux qui voudraient les imiter. Cette idée était conforme à une tradition répressive qui faisait de la justice, d'abord rendue au nom de Dieu, ensuite du souverain, enfin de l'État, un instrument punitif et non éducatif.

Force est de constater que l'emprisonnement n'a pas rempli ces deux rôles. Du fait de la surpopulation carcérale et des capacités criminogènes avérées de la prison, celle-ci n'a pas empêché la délinquance de progresser et n'a nullement guéri les condamnés libérés puisque les récidivistes sont nombreux, ce qui impose de chercher, pour les petits délinquants tout au moins, toutes les alternatives à l'incarcération.

Il ne suffit pas d'élargir les possibilités de recours à des mesures alternatives, il faut aussi renforcer leur efficacité. D'abord, il serait bon d'améliorer la prise en charge des condamnés et d'inciter les magistrats à prononcer, dans des délais utiles, c'est-à-dire avant que le prévenu arrive en fin de peine, des alternatives à l'incarcération, des conversions de peine, des régimes de semi-liberté. Les peines de substitution ne sont efficaces qu'au prix d'une meilleure prise en charge des condamnés par les services pénitentiaires d'insertion et de probation ou de l'intensification des liens entre les services du milieu ouvert et du milieu fermé.

Dans le même esprit, on peut relancer certaines mesures insuffisamment prononcées, comme l'ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve, adapté à la petite délinquance, ou la peine de jour-amende. Ne pourrait-on envisager, enfin, de donner à cette peine son plein caractère d'alternative à l'emprisonnement, en prévoyant que le condamné devra procéder spontanément au paiement de la somme fixée ? C'est une piste à explorer, en conservant toujours à l'esprit que la semi-liberté est toujours préférable à l'incarcération totale puisqu'elle évite la rupture des liens sociaux, professionnels et familiaux.

L'élargissement du champ d'application des alternatives à l'incarcération englobe aussi les mesures susceptibles d'être prises par le juge de l'application des peines, qu'il s'agisse des conversions de peine ou de l'exécution de celle-ci en milieu ouvert : remplacement de la contrainte par corps par un travail d'intérêt général (TIG) ; autorisation de prononcé d'un TIG pour les mineurs de 13 à 16 ans ; création de la possibilité d'une libération conditionnelle avec TIG. Dans la même logique, il conviendrait d'accroître les compétences du juge d'application des peines, magistrat le plus au contact des condamnés, et de lui confier de nouveaux pouvoirs d'exécution des peines. Alors, et alors seulement, une peine pourrait être un instrument de réinsertion sociale.

La prévention vaut mieux que la répression et une bonne politique judiciaire n'a pas seulement pour but d'éviter la surpopulation carcérale. L'aspect pédagogique de la peine doit être toujours recherché en priorité, autant que l'amélioration de la prise en charge des délinquants. Gouvernement, Parlement, administration, associations, magistrats, avocats, tous doivent y réfléchir, repenser les procédures, revisiter la réglementation, laisser les parties concernées s'exprimer, dépoussiérer l'attirail des peines et les rendre plus efficaces. A titre d'exemple, les projets individualisés d'exécution de la peine devraient associer davantage les détenus ; c'est une voie parmi d'autres pour améliorer l'individualisation administrative et judiciaire des peines.

Sous l'impulsion de son président de l'époque, Guy Cabanel, le groupe RDSE, en digne garant des traditions humanistes de la République radicale, s'est longtemps consacré à la recherche de solutions novatrices. L'inexorable augmentation de la population carcérale impose d'innover. A cet égard, la surveillance électronique demeure probablement la solution d'avenir qui améliore les chances de réinsertion.

J'ai noté avec intérêt vos souhaits, madame la garde des sceaux, en matière d'aménagement des peines d'emprisonnement. Le placement sous surveillance électronique mobile, la semi-liberté et le placement extérieur, le recours à la libération conditionnelle ou aux suspensions de peine, autant de mesures que j'approuverai si elles deviennent effectives. Mais il faudra davantage que des formules pour changer les mentalités et seule une réelle volonté politique, comme celle naguère manifestée par notre très estimé collègue Robert Badinter dans son combat pour l'abolition de la peine de mort, pourra venir à bout d'un système dont on mesure aujourd'hui les limites et dont les conséquences pour la réinsertion des détenus est désastreuse.

Je mesure l'effort budgétaire de votre ministère mais l'enjeu est bien plus vaste ; il est celui de destins humains ; il est celui de la dignité d'hommes et de femmes, parfois d'enfants, que nous devons remettre debout ; il est enfin celui de l'équilibre à trouver entre la répression des crimes et l'éducation des peines ; c'est la définition même de la justice. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et sur certains bancs à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a le texte et il y a le contexte...

Le contexte d'abord : je ne peux me satisfaire des réponses que vous avez apportées sur cette grave affaire qui affecte les libertés publiques et le droit de la presse.

L'adresse et les coordonnées précises de ce journaliste, de son journal et de son avocat figuraient au dossier. Par conséquent, quelle était la nécessité de l'interpeller à 6 h 40 du matin, de le menotter, de lui interdire d'appeler son avocat et de lui infliger les traitements décrits dans la presse ?

Ou bien l'expression « Pire que la racaille » a été prononcée par un fonctionnaire de police ou bien elle ne l'a pas été. Si elle l'a été, cela appelle une enquête. Sinon, cela appelle que vous défendiez ce fonctionnaire.

Le porte-parole de l'UMP, le député Lefebvre, a jugé « surréaliste » le traitement réservé à ce journaliste, ajoutant : « La méthode utilisée dans une simple affaire de diffamation semble tellement disproportionnée qu'elle nous paraît devoir donner lieu à une enquête ». Le porte-parole de l'UMP viole-t-il l'indépendance des magistrats ?

Votre collègue Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a déclaré souhaiter « que la lumière soit faite sur les conditions dans lesquelles ce journaliste a été présenté devant la justice ». Elle a donc demandé une enquête. Mme Albanel viole-t-elle le principe de l'indépendance des magistrats ?

Tout juge d'instruction est libre d'employer les moyens qu'il a à sa disposition. Mais il doit rester dans le cadre de la loi et des principes de la Constitution. Je vous rappelle l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : «Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.». 

Jamais il n'y a eu de mandat d'amener pour une affaire de diffamation -qui ne peut donner lieu à des peines d'emprisonnement. Cette façon de procéder menace gravement la liberté de la presse et les droits fondamentaux. Et je ne comprendrais pas, madame la garde des sceaux, que vous ne diligentiez pas une enquête sérieuse.

On constate une perte de confiance chez nombre de magistrats et de fonctionnaires à l'égard de leur ministre. Ils sont perplexes devant les incohérences de la politique pénale. Ainsi, vous réclamez plus de sévérité pour les mineurs ; puis vous fustigez les magistrats qui ont emprisonné le mineur qui s'est suicidé. Le CSM vous a répondu le 27 novembre dernier et 534 magistrats ont signé un texte dénonçant les incohérences de votre politique pénale : injonctions paradoxales, choix de peines plancher puis d'aménagements de peines, mutations de procureurs contre leur gré -des procureurs généraux ont été invités à solliciter leur mutation ! Le malaise est manifeste, que comptez-vous faire pour rétablir la confiance ?

J'en viens à votre projet de budget, qui supprime 22 postes de magistrats. A quoi s'ajouteront 217 départs à la retraite. Il y aura 250 recrutements à l'ENM en 2009, 140 en 2011, 40 en 2012. On déplore un déficit flagrant du nombre des fonctionnaires de justice, or vous vous bornez à un tour de passe-passe, la promotion de 150 agents de catégorie C en greffiers de catégorie B, sans création de postes. La catégorie B en perd 8, sans compter les 280 départs à la retraite. Le rapport Lamanda sur la récidive des condamnés dangereux, demandé par M. Sarkozy, recommande de renforcer le secrétariat des services d'application des peines : on en est loin ! Comment faire une meilleure justice avec moins de personnel et de magistrats ? Comment réduire les délais de jugement ?

Je déplore aussi un manque de clarté dans les crédits affectés à la réforme de la carte judiciaire : quelle est la part des indemnisations du personnel ? Et celle des aménagements immobiliers ? Quant à la suppression des tribunaux de grande instance, je signale que mon département a perdu deux tribunaux d'instance ! Ils seront remplacés, nous dit-on, par des maisons de la justice et du droit ; mais sans greffier, elles n'auront pas de crédibilité : qui va payer ces postes ? Les collectivités n'en ont pas les moyens, ni la compétence, la justice étant une prérogative régalienne de l'État.

Enfin, je regrette que le plafond de ressources pour l'accès à l'aide juridictionnelle demeure aussi bas, 884 euros. Les crédits correspondants sont en baisse.

Nous ne voterons pas ce budget en raison de trois graves lacunes : les moyens, la cohérence de la politique pénale, la confiance. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Anziani.  - La gravité s'impose, pour examiner les crédits de l'administration pénitentiaire, compte tenu des événements survenus ces derniers mois dans les prisons. Certes, une politique pénitentiaire est nécessairement une politique de sanction. Mais quel sort devons-nous réserver aux détenus ? Un sort juste. Trop souvent, ils subissent une double peine. A la privation de liberté prévue par la loi s'ajoutent l'humiliation, l'abaissement de la personne, l'abandon des détenus à la violence et à la loi du plus fort -au fond, la négation de l'homme... Les suicides sont l'illustration la plus dramatique de cette réalité qui a valu à la France la condamnation émanant de diverses instances internationales : Comité européen de prévention de la torture, Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, rapport du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe -Thomas Hammarberg dénonce les conditions de vie inacceptables, la surpopulation, l'absence de vie privée, la vétusté des locaux, l'hygiène pauvre ainsi que les suicides nombreux, « symptômes des défaillances structurelles du système pénitentiaire ». Tout est dit.

Nous pourrions poser un principe soufflé par le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe : « Le plein respect des droits de l'homme ne doit pas souffrir des considérations sécuritaires ». Malheureusement, les choix opérés dans ce budget sont fort éloignés de cette préoccupation. Pour le personnel pénitentiaire, ce projet de budget est en trompe-l'oeil. Vous prévoyez des effectifs supplémentaires pour les prochaines années. Mais le parc pénitentiaire va considérablement s'accroître et de nouvelles missions seront confiées à l'administration !

Madame le ministre, une incohérence fondamentale prive l'effort budgétaire de son efficacité : vous refusez de tirer les conséquences pénitentiaires de votre politique criminelle, en particulier l'essor des peines plancher. On compte 2 122 détenus de plus en un an. Ils sont aujourd'hui 63 185, pour 51 000 places. La misère pénitentiaire trouve là une de ses causes ! Le taux d'occupation atteint 126 %, voire plus...

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Parfois 200 %.

M. Alain Anziani.  - Votre obsession répressive vous conduit à remplir les prisons mais vous ne créez pas de places supplémentaires. Voilà votre incohérence. La conséquence est mécanique : les détenus les plus fragiles se suicident, les chances de réinsertion des autres sont compromises et la récidive augmente.

Peines alternatives, aménagement des peines, libérations conditionnelles : vous ne proposez rien ! Madame la ministre, une réforme pénitentiaire d'ampleur est indispensable. Une proposition de loi socialiste a été déposée en ce sens à l'Assemblée nationale.

Vous dites votre politique fondée sur le sens de la peine. Mais quel peut être ce sens, lorsque la prison devient l'école du crime ? Quelle est l'efficacité de la politique pénale, lorsque l'homme retrouvant sa liberté, rempli de haine par ses conditions de détention, est finalement encouragé à la récidive ?

N'assurant ni la réhabilitation, ni la réinsertion, vous vous limitez à gérer les flux, par le jeu des alternatives à la détention et des aménagements de peine. Certes, vous améliorez les statistiques, ce qui évitera une nouvelle condamnation à notre pays, mais vous ne dotez pas notre société d'une politique pénitentiaire ambitieuse et humaine.

D'autres voies auraient pu être explorées, notamment en matière psychiatrique, puisque 60 % des détenus souffrent de troubles mentaux et 15 % sont atteints de pathologies lourdes. Selon l'Observatoire international des prisons, « les suicides des détenus atteints de troubles psychiatriques sont fréquents ». Un cas de ce type a valu à la France une condamnation, prononcée par la Cour de Strasbourg en des termes particulièrement sévères. Cet avertissement récent doit conduire à envisager au plus vite la création de places d'internement psychiatrique adapté, afin que la prison ne soit plus un mouroir psychiatrique. Il y a quelques années, Michel Foucault a dénoncé l'amalgame entre folie et criminalité. Il est temps d'agir !

Enfin, je salue le courage de notre collègue M. Lecerf, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, qui a demandé la création d'un revenu carcéral minimum. Cette disposition a malheureusement été retirée en commission. Elle ne lui rapportera pas de voix ni de popularité, mais j'espère que le Gouvernement n'opposera pas l'article 40 quand nous la discuterons.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre les crédits de l'administration pénitentiaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Virginie Klès.  - Ce budget est décevant. Malgré la satisfaction que vous procure l'augmentation des crédits de paiement -en hausse de 2,6 % - et la création de 952 emplois, je formulerai des critiques justifiées et argumentées.

Ce n'est pas l'opposition française, mais le Conseil de l'Europe qui a classé la France au 35e rang parmi ses 43 pays membres, quant au budget annuel de la justice par habitant. Ce retard est inadmissible pour le pays qui se dit encore celui des droits de l'homme. Les crédits que vous présentez aujourd'hui permettront à peine de suivre la surpopulation carcérale ! Vous devriez remédier à ce classement et définir un budget cohérent, efficace et ambitieux, mais vous n'empruntez pas la meilleure voie pour atteindre ce triple objectif. Je le montrerai à partir de deux exemples : les objectifs assignés à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) -qui affaiblissent dangereusement les mesures éducatives- et la réforme de la carte judiciaire -inquiétante pour l'élue locale que je suis, soucieuse d'une justice plus efficace sur l'ensemble du territoire. Je n'aborderai même pas les réticences suscitées de tous bords par l'organisation territoriale imposée...

Conformément à une tradition instituée par le Gouvernement précédent, et que vous avez reprise, vous préférez la réponse strictement pénale -avec 60 % des crédits- au détriment des mesures éducatives et de l'action en milieu ouvert. La prise en charge des mineurs et des jeunes majeurs en danger dispose de 20 % des ressources budgétaires. Ce déséquilibre s'aggrave, puisque l'an dernier, les deux chiffres s'établissaient respectivement à 50 % et 30 % des crédits.

Le Gouvernement justifie ces orientations budgétaires par l'évolution de la délinquance des mineurs, en prétendant que les mineurs délinquants sont toujours plus nombreux, plus jeunes et plus violents, ce que les statistiques de la police et de la justice ne confirment pas. En effet, parmi les personnes mises en cause par la police ou la gendarmerie, la part des mineurs est passée de 22 % en 1998 à 18 % en 2007. Parallèlement, la répartition par classe d'âge des condamnations judiciaires est parfaitement stable. Enfin, parmi les 203 700 adolescents mis en cause par la police en 2007, soit à peine 5 % de la population mineure, seulement 1,3 % étaient impliqués dans des actes criminels.

Devant l'Assemblée nationale, vous avez invoqué à juste titre la difficulté à gérer une politique pénale face à l'opinion publique. Certes, il est malaisé de faire face à l'émotion télévisuelle, mais c'est le piège dans lequel il ne faut pas tomber. Le devoir des politiques consiste à ramener chaque sujet à ses justes proportions, sans dériver vers la gestion émotionnelle, affective et subjective du fait divers. Il s'agit de délinquance, de victimes et d'auteurs, mais aussi de personnes en devenir d'adultes.

Examinons la réalité telle qu'elle est, non comme les communicants suggèrent de la présenter.

Avec une baisse de 4,2 %, le désengagement de l'État en matière de PJJ me semble particulièrement inquiétant. La dernière circulaire d'orientation budgétaire impose ainsi un recentrage sur l'action pénale. A terme, votre projet de budget renvoie vers les collectivités territoriales tout le secteur civil et éducatif, de même que la santé et l'insertion sociale, ce qui ne laisse pas d'être préoccupant vu l'absence de la moindre précision chiffrée.

En tant qu'élue locale, ce nouveau transfert de charges m'alarme, au moment où les collectivités territoriales subissent des dépenses sociales obligatoires, qui augmenteront encore à cause de la conjoncture.

Nous sommes nombreux à le ressentir : pour ce Gouvernement, le primat de l'éducatif sur le répressif n'est plus qu'un lointain souvenir ! Pourtant, ouvrir une école, c'est fermer une prison écrivait Victor Hugo.

Loin de toute considération angélique, je m'interroge : où figurent les nécessaires coopérations, synergies et mutualisations entre PJJ, éducation nationale, santé, cohésion sociale et réduction des pauvretés ? Elles sont indispensables à l'efficacité de la dépense publique !

Où en sont les grands plans banlieues annoncés par le Gouvernement à grand renfort d'effets de manche, de budgets gelés aussitôt votés et de coopération interministérielle fantôme ? Où sont les dizaines de milliers de places promises dans les dispositifs dits « deuxième chance » ? Quels liens fonctionnels et budgétaires avez-vous organisés entre la PJJ et ces dispositifs, vers lesquels des milliers de jeunes pourraient être adressés avec une réelle chance d'insertion si le Gouvernement tenait ses promesses ? Je souligne que leurs coûts d'encadrement sont très inférieurs à ceux des centres fermés, dont vous prônez pourtant le développement, bien que leur nécessité reste à démontrer.

Le budget de la PJJ traduit des priorités gouvernementales vouées à l'échec, car les causes de la délinquance des mineurs ne seront pas traitées.

J'en viens à la gestion immobilière de la carte judiciaire. Son coût global va grever les moyens d'une politique judiciaire ambitieuse, d'autant plus que l'efficacité ne semble pas au rendez-vous, qu'il s'agisse du délai de traitement des dossiers ou des prix de revient. Une fois encore, l'efficacité de la dépense publique est en cause.

Vous répétez à l'envi que vos réformes ne sont pas improvisées, plus de dix textes ayant été publiés depuis votre arrivée à la tête de la Chancellerie. Hélas, cet empilement désorganise l'institution judiciaire et assombrit son avenir. Au-delà de la présentation globale, un examen attentif révèle de nombreuses failles pour 2009.

Une réforme utile de notre justice exigerait des moyens qui font défaut dans ce projet, que nous ne voterons donc pas. (Applaudissements sur les bancs socialistes.)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - M. Sueur m'a posé une question. Je suis attachée, comme lui, à l'indépendance des juges.

L'affaire en question a été déclenchée par une constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction ; l'initiative est étrangère au parquet et au garde des sceaux. La personne mise en cause a, à trois reprises, reçu une convocation, elle n'a déféré à aucune. Agissant en toute indépendance, le juge d'instruction a donc délivré un mandat d'amener, ce qui est toujours possible en pareil cas.

Or la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence, votée à l'initiative d'un gouvernement socialiste, a mis fin à la procédure de mise en examen par voie de courrier : la personne mise en cause doit pouvoir s'exprimer et se justifier devant le juge. C'est la raison pour laquelle elle doit déférer aux convocations qui lui sont adressées, faute de quoi le juge peut délivrer contre elle un mandat d'amener. Cette procédure a pour objet, entre autres, de protéger les droits de la défense ! Dans ce cas, la personne n'est pas mise en garde à vue mais emmenée directement au tribunal d'instance.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Doit-elle également être insultée et traitée de racaille ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Vous n'y étiez pas !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je lis la presse !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je réponds à votre question sur la procédure. Celle-ci est parfaitement régulière et je n'ai pas à la commenter, sauf à remettre en cause l'indépendance des magistrats. Je vous répète d'ailleurs que le parquet a demandé officiellement communication du dossier ce matin.

Le projet de loi sur la protection des sources des journalistes vise à consacrer leur liberté d'expression. Il répond à un engagement du Président de la République. Le rapport Guinchard préconise par ailleurs que la diffamation ne relève plus du domaine pénal.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est bien dommage !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - La procédure que vous critiquez ne pourra donc plus être appliquée dans les cas de diffamation.

Ne mélangez donc pas tout, monsieur Sueur : les instructions au parquet, l'indépendance de la justice, la confiance en l'institution judiciaire... Je vous estime trop pour penser que vous aimez la polémique ou la caricature.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce sont deux choses distinctes.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il entre dans les prérogatives statutaires et constitutionnelles du garde des sceaux de délivrer des instructions au parquet. Le Président de la République a été élu pour appliquer une politique pénale, et c'est ce que nous faisons, et le garde des sceaux peut donner des instructions au parquet pour l'application de cette politique. Mais le Gouvernement n'a jamais transmis d'instructions aux magistrats du siège ni remis en cause l'indépendance de la justice. Nous sommes très attachés à ce principe qui garantit que la justice est la même pour tous, sur tout le territoire. Si vous avez des griefs à formuler, soyez précis, mais finissez-en avec ces accusations brumeuses !

Revenons-en au budget. Pour la deuxième année consécutive, comme l'a souligné M. du Luart, la justice est une priorité du Gouvernement. Malgré un contexte économique difficile, les crédits du ministère de la justice progressent de 177 millions d'euros, pour atteindre 6,66 milliards d'euros. Notre ministère est le seul à pouvoir créer de nouveaux emplois en 2009 : 952 exactement.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - C'est vrai.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Cet effort budgétaire s'accompagne d'une profonde réforme de la justice, conforme aux attentes des Français. Pendant trop longtemps, on a considéré qu'il suffisait de plus de moyens pour améliorer les services publics. La réalité a montré le contraire. Afin de mieux protéger nos citoyens, j'ai entrepris de moderniser notre justice en l'adaptant aux enjeux de notre société.

Ce budget permettra à la justice de mieux remplir ses missions essentielles : protéger, sanctionner et servir. Protéger d'abord. Nous avons beaucoup fait pour que les victimes retrouvent leurs droits et leur dignité. Un juge des victimes a été institué le 1er janvier dernier et il a déjà fait l'objet de 300 saisines. Le service d'aide des victimes d'infraction est opérationnel depuis le 1er octobre. Il vient en aide aux 72 000 victimes qui se voient allouer des dommages et intérêts mais qui ne sont pas indemnisées par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions et doivent elles-mêmes accomplir les démarches. En 2009, les crédits de l'aide aux victimes s'établiront à 11 millions d'euros, soit une progression de 15,8 % depuis 2007.

Nous réformerons l'aide juridictionnelle pour qu'elle réponde mieux aux besoins des justiciables les plus modestes. La réforme tiendra compte des recommandations de votre commission des finances et de la commission Darrois. En 2009, monsieur Sueur, dix points d'accès au droit seront ouverts dans des quartiers difficiles.

Nous agissons aussi en faveur de l'égalité des chances. Toutes les écoles du ministère ont ouvert en 2008 une classe préparatoire intégrée pour les étudiants méritants et socialement défavorisés.

La protection, c'est aussi une prise en charge plus digne des détenus. Nous avons défini une politique pénitentiaire ambitieuse. La construction de prisons modernes améliorera les conditions de vie des détenus et les conditions de travail des personnels. Pas moins de huit établissements pénitentiaires ont été créés en 2008, dont trois pour mineurs. Le 20 novembre dernier, j'ai inauguré le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, établissement de nouvelle génération. Sept nouveaux sites ouvriront en 2009, dont celui du Mans, offrant 5 130 places. Monsieur Béteille, je souhaite, comme vous, que le calendrier soit respecté. C'est le cas pour l'instant, grâce aux partenariats public-privé. L'administration pénitentiaire sera renforcée par le recrutement de 1 087 agents, dont 917 surveillants.

La politique pénitentiaire permet aussi de lutter contre la récidive en favorisant la réinsertion des détenus. C'est le sens de notre politique d'aménagement des peines : alors que 2 000 peines seulement étaient aménagées chaque année entre 2002 et 2007, plus de 6 000 le sont aujourd'hui. Pas moins de 500 emplois de conseillers d'insertion et de probation seront créés d'ici 2012, dont 170 en 2009 ; 2 500 bracelets électroniques seront mis en service l'année prochaine, ce qui portera leur nombre à 6 500. Avec les 63 000 places de détention, nous nous donnons les moyens, monsieur Anziani, d'en finir avec le problème de la surpopulation carcérale. Je vous rappelle qu'entre 2002 et 2007, le nombre de places de prison a diminué de 4 %, sans que l'on mette au point des solutions alternatives, alors même que la délinquance connaissait une progression sans précédent !

Le projet de loi pénitentiaire que je présenterai à votre commission des lois le 10 décembre prochain tend à mieux préserver la dignité des personnes détenues. Le Parlement aura toute sa place dans l'élaboration de cette réforme, monsieur Lecerf. La réinsertion des détenus passe d'abord par l'activité professionnelle. Madame Escoffier, vous avez tracé des pistes intéressantes en matière d'aménagement des peines. Comme vous, nous souhaitons qu'il n'y ait plus de sorties sèches. L'usage du bracelet électronique sera étendu.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - C'est nécessaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Monsieur Lecerf, vous avez parlé de la formation professionnelle des détenus. L'évolution de la population carcérale est telle qu'il nous faudra être plus incitatifs dans ce domaine et changer les modalités de cette formation. Nous souhaitons mettre en place des expérimentations avec les régions. Le nombre de détenus ayant une activité rémunérée augmente : ils sont 40,8 % en 2008 alors qu'ils étaient moins de 35 % en 2007. Notre objectif est de porter ce taux à 41,5 % en 2009.

La deuxième mission de la justice, c'est de sanctionner ceux qui ne respectent pas les lois. C'était l'objet de la loi du 10 août 2007 : plus de 16 000 récidivistes ont déjà été condamnés, dont 50 % à des peines plancher. Contrairement à ce que vous dites, madame Borvo Cohen-Seat, les résultats se font sentir sur le terrain : la délinquance générale a diminué de 4,2 % ces douze derniers mois, le nombre d'atteintes aux biens de 6,8 % et le nombre d'agressions contre les personnes est stable, après une baisse constante entre mars et septembre 2008. C'était la première baisse depuis 1995 !

L'indépendance des juges n'a nullement été réduite. Vous vous plaignez, madame Borvo Cohen-Seat, que le parquet fasse appel lorsque la décision rendue n'est pas conforme à ses réquisitions. Mais c'est parfaitement conforme à l'État de droit ! Toutes les parties auraient la possibilité de faire appel, sauf le parquet ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je n'ai pas dit cela.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - S'agissant de la justice des mineurs, nous allons créer un code pour les mineurs, adapté aux réalités d'aujourd'hui.

Le texte concernant la justice des mineurs datait de 1945, certaines de ses dispositions étaient obsolètes et la procédure éclatée entre plusieurs codes. Avec cette réforme, nous aurons un code, ce qui facilitera le travail des magistrats. La commission du recteur Varinard, à laquelle ont participé de nombreux sénateurs -ce dont je les remercie-, me remettra son rapport le 3 décembre. L'objectif que nous nous sommes fixé est d'améliorer le suivi des jeunes délinquants et la protection de la société en apportant une réponse adaptée à chaque délinquant.

A propos de justice des mineurs, madame Klès, les chiffres globaux que vous avez cités ne montrent pas la progression inquiétante de la part des 13-16 ans parmi les criminels : cette part est passée de 30 à 60 % entre 1997 et aujourd'hui. Les centres éducatifs fermés ont fait leur preuve. A preuve, 61 % des mineurs ne récidivent pas au bout d'un an et 84 % réintègrent un cursus scolaire. Le 14 novembre, j'ai inauguré le 37e centre à Mulhouse et sept ouvriront en 2009. Dans cinq centres sera expérimentée une prise en charge pédopsychiatrique renforcée, avec des postes de psychologues, de psychiatres et d'infirmières doublés par rapport aux centres classiques, afin de répondre aux plus graves troubles de comportement. Monsieur Béteille, pour vous répondre, j'indique que cette expérimentation, dont nous mesurons déjà toute l'utilité, sera évaluée par la direction de l'hospitalisation du ministère de la santé.

Monsieur Alfonsi, le recentrage de la protection judiciaire de la jeunesse en 2009 -lequel, je vous le rappelle, madame Klès, est le résultat de la loi du 5 mars 2007 adoptée par le Parlement- ne fera pas obstacle à ce qu'elle continue d'apporter son aide aux magistrats dans la protection des mineurs et d'assurer une prise en charge des mineurs en danger sur l'ensemble du territoire. Nous avions, en effet, un problème d'articulation avec la loi sur la protection des mineurs qui confiait cette mission aux conseils généraux.

Enfin, concernant la modernisation de la justice, je rappelle que la réforme de la carte judiciaire était nécessaire et attendue. M. Fauchon l'a souligné en évoquant les travaux qu'il a effectués avec M. Jolibois, et l'on aurait pu également citer les travaux de M. Arthuis. En regroupant un tiers des 1 200 juridictions, nous facilitons le travail des magistrats et des personnels, autrefois isolés, et l'accueil des citoyens pour un coût de 427 millions -385 pour l'immobilier, 21,5 pour les primes de restructuration aux personnels et 20 pour les avocats. Monsieur Sueur, rassurez-vous, il y aura bien 385 millions d'autorisations d'engagement mais, comme il s'agit d'opérations immobilières, elles sont étalées sur cinq ans. La réforme sera conclue avant le 31 décembre 2010, conformément à l'objectif initial, et appliquée de manière anticipée dans les juridictions qui y sont prêtes. Ainsi, au 1er janvier 2009, on passera de 185 à 135 tribunaux de commerce. De même, les tribunaux prud'homaux ont-ils été regroupés avant les élections prud'homales du 3 décembre.

Avec cette réforme, l'organisation territoriale est plus claire et la justice plus efficace d'autant que seront créées, dans les zones les plus éloignées des juridictions, cinq nouvelles maisons du droit et de la justice en 2009 sur le modèle du Loiret, cher à M. Sueur. Monsieur Détraigne, soyez certain que je répondrai aux questions légitimes que vous avez posées dès qu'un bilan aura été tiré de ces expérimentations.

Autre réforme, celle du contentieux avec la déjudiciarisation de certaines infractions et actes civils tels que le divorce par consentement mutuel, la médiation pour les conflits familiaux de l'après-divorce et les procédures simplifiées pour les primo-délinquants et certains petits délits routiers. La proposition de loi de M. Béteille, ainsi que celle du député Warsmann, s'inscrivent pleinement dans cette volonté de simplifier la justice, de même que l'utilisation accrue des nouvelles technologies par les tribunaux, ce qui facilite le travail des personnels. La numérisation des contenus et le développement de la visioconférence se poursuivront en 2009 avec un budget informatique en hausse de 7,6 % en 2009.

Par ailleurs, les moyens des tribunaux, conformément aux souhaits de MM. du Luart, Détraigne et Sueur, sont renforcés avec 59 postes de magistrats et 150 postes de greffiers supplémentaires. Ce n'est pas un tour de passe-passe, c'est une réalité !

M. Jean-Pierre Sueur.  - On verra bien...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - A cet égard, monsieur Détraigne, le tribunal de Mamoudzou à Mayotte bénéficiera de deux magistrats supplémentaires pour contrôler l'état civil à Mayotte.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - En outre, nous travaillons également, avec les ministres de l'intérieur et de l'outre-mer, à la simplification du droit à Mayotte pour raccourcir les délais de traitement.

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le ministère, depuis le 1er septembre, s'est doté d'une organisation plus rationnelle en supprimant deux sous-directions. Son budget sera de 249 millions en 2009 et les départs en retraite non remplacés. A propos des relations entre la Chancellerie et les juridictions sur le terrain, je vous remercie, monsieur Fauchon, d'avoir indiqué que se rendre au ministère n'est pas être convoqué devant le tribunal de la Sainte Inquisition...

M. Pierre Fauchon.  - C'est un plaisir !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Nous avons créé un service des ressources humaines. C'est une première dans l'histoire de la Chancellerie ! Auparavant, les magistrats pouvaient, durant toute une carrière, ne rencontrer aucun responsable du ministère. En moins d'un an, le service a déjà mené 500 entretiens avec des magistrats.

Nous avons également prévu de réduire les directions régionales de la protection judiciaire de la justice, afin qu'elles correspondent aux neuf directions régionales de l'administration pénitentiaire.

Enfin, la réforme de la justice passe par une réforme de la formation dispensée à l'École nationale de la magistrature, plus ouverte aux compétences humaines et à l'international. Une telle évolution a été adoptée par le conseil d'administration de l'école, conformément aux préconisations du Sénat.

Enfin, madame Borvo, ce budget n'est pas sécuritaire...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est pas le terme que j'ai employé !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Pour que la justice donne véritablement une seconde chance aux détenus, il faut qu'elle sache mieux lutter contre la récidive. Nos concitoyens ont le droit de vivre en toute sécurité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout à fait !

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Mme Borvo Cohen-Seat est d'accord !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Pourquoi ne pas avoir voté une des dernières avancées démocratiques majeures, la création d'un contrôleur général des lieux de détention ?

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je l'ai votée !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Pour conclure, le budget de la justice pour 2009 est ambitieux. Il correspond à une nouvelle façon de gouverner : réformer, ce n'est pas toujours dépenser plus, mais mieux répartir les moyens. C'est un budget d'action pour mettre en phase la justice avec la société. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

Examen des crédits

Article 35 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-1, présenté par M. du Luart, au nom de la commission des finances.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Il s'agit de doter l'action « Soutien et formation » du programme « Administration pénitentiaire » de 2 millions, ponctionnés sur l'action « Soutien » du programme « Justice judiciaire ».

Actuellement, le transfèrement des détenus est assuré par la gendarmerie et la police, ce qui mobilise respectivement 1 000 équivalents temps plein et 2 700 équivalents temps plein. La situation actuelle correspond à un transfert indu de charges, comme l'a encore montré la révision générale des politiques publiques en 2008. Pour éviter des transfèrements de détenus et des déplacements de magistrats dans les établissements, nous proposons de développer la visioconférence dans les établissements qui ne sont pas équipés de cette technologie.

Ces 2 millions sont prélevés sur le programme immobilier de la justice judiciaire. Le projet de budget les affecte à l'établissement public chargé du réaménagement du palais de justice de Paris. Cette question tend à devenir un serpent de mer : le choix du site tourne à la valse-hésitation alors qu'un site s'impose : l'Hôtel-Dieu.

M. Pierre Fauchon.  - Très bien ! (Applaudissements)

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Bref, nous proposons de financer le non-déplacement des détenus par le non-déplacement du tribunal de Paris. (Sourires)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Fin 2008, 80 % des détenus seront dans des sites équipés pour la visioconférence, et ils seront 90 % dans un an. La Chancellerie s'est engagée à réduire de 5 % en 2009 le nombre d'extractions. Nous progressons donc dans le sens que vous souhaitez, qui est aussi celui d'une plus grande sécurité pour les personnels.

S'agissant du lieu du tribunal de Paris, je tiens à vous dire que toutes les options sont explorées. Supprimer les crédits qui y sont affectés serait renoncer au projet.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Votre réponse me satisfait sur la visioconférence : c'est le bon sens même. J'aurais aimé que vous évoquiez aussi le déplacement des magistrats dans les établissements...

Dans la mesure où vous nous assurez que toutes les options sont ouvertes pour le tribunal de Paris, je veux bien, à titre exceptionnel, retirer cet amendement, mais nous serons très vigilants : on ne peut renvoyer cette affaire aux calendes grecques.

L'amendement n°II-1 est retiré.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je reviens sur les transfèrements. Faut-il vraiment qu'ils restent dans la mission « Sécurité » ? Quand on voit la manière dont votre ministère a pris en charge la question des frais de justice, on se dit qu'il serait judicieux de lui confier la responsabilité des transfèrements. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avec la charge, il faut transférer les moyens ! Beaucoup d'extractions ne sont nécessitées que pour notifier des actes. Il faudra donc aussi avancer sur la question de la signature électronique.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Il va de soi que nous souhaitons le transfert des moyens vers votre mission. La plus-value sera pour vous. La commission des finances veut avancer sur ce point.

M. le président.  - Amendement n°II-52 rectifié, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaireDont Titre 2

1 786 2781 786 278

1 786 2781 786 278

Administration pénitentiaireDont Titre 2

1 786 278

1 786 278

Protection judiciaire de la jeunesseDont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations ChorusDont Titre 2

Conduite et pilotage de la politique de la justice Dont Titre 2

TOTAL

1 786 278

1 786 278

1 786 278

1 786 278

SOLDE

0

0

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.  - Nous voulons poursuivre les efforts de création d'emplois de magistrats et de greffiers, afin de donner aux tribunaux d'instance les moyens de faire face à la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs et de donner aux maisons de la justice et du droit les effectifs dont elles ont besoin.

Les crédits sont retirés de l'action « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » et portent sur les dépenses liées à la sécurisation des établissements pénitentiaires : le taux d'évasion est un des plus faibles d'Europe et il n'est pas satisfaisant d'appliquer de façon indifférenciée aux détenus d'un établissement les règles de sécurité visant la minorité des détenus à risques.

Les emplois créés sont destinés aux tribunaux d'instance, confrontés à la réforme de la protection juridique des majeurs qui suppose la révision obligatoire des mesures de tutelle tous les cinq ans, ainsi qu'aux maisons de la justice et du droit, dont beaucoup ne peuvent fonctionner ou n'assurent qu'un service partiel.

M. le président.  - Amendement n°II-53 rectifié, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont Titre 2

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

213 722

213 722

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

213 722

213 722

Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus

Dont Titre 2

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont Titre 2

TOTAL

213 722

213 722

213 722

213 722

SOLDE

0

0

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.  - Cet amendement renforce les moyens alloués à l'accès au droit et à la justice dans le cadre de la mise en oeuvre de la carte judiciaire afin d'assurer l'ouverture de nouvelles maisons de la justice et du droit et d'améliorer l'équipement de celles qui existent.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - J'ai beaucoup de considération pour mon collègue Détraigne. (Rires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ça commence mal !

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Mais son amendement va directement à l'encontre de celui que je viens de présenter.

La réforme de la protection juridique des majeurs est à l'origine d'un accroissement des charges pesant sur les tribunaux d'instance mais l'évaluation n'en a pas été faite. Cela pose d'ailleurs une nouvelle fois le problème de l'évaluation du coût des lois que le Parlement est amené à voter.

Or cet amendement est gagé sur les crédits de l'administration pénitentiaire. Vous comprendrez donc que je demande l'avis du Gouvernement sur le premier amendement. Quant au second, si les maisons du droit sont très importantes pour accueillir, conseiller et écouter, elles obtiennent déjà un indice de satisfaction de 95 % et le gage étant ce qu'il est, je souhaite également entendre le Gouvernement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les créations d'emplois vont d'abord aux tutelles, en raison de leur réforme, ainsi qu'à l'aménagement des peines. Nous développons une politique volontariste sans utiliser les grâces collectives, dont l'effet était désastreux. On a vraiment misé sur l'aménagement des peines. Ainsi 150 secrétaires administratifs libéreront les greffiers qui pourront se consacrer à leur vraie mission. La réforme de la carte judicaire libère également des emplois : 247 emplois seront ainsi redéployés.

Cinq nouvelles maisons de la justice et du droit vont être créées. Il s'agit véritablement d'une nouvelle génération de maisons, dotées de bornes interactives et où l'on pourra déposer des requêtes pénales et des dossiers aux affaires familiales. On y disposera d'un accès au greffe du TGI, des visioconférences seront possibles dans ces guichets universels.

Les crédits de l'accès au droit augmentent de 85 % ; ils auront doublé depuis 2007. Les dotations atteindront 9 millions. Or 2 millions de crédits, monsieur Détraigne, cela représente 85 emplois de surveillants : on devrait fermer des établissements pénitentiaires ou renoncer à en ouvrir. On ne peut se le permettre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est sûr !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Enfin, l'administration pénitentiaire inclut l'insertion et la probation. Je demande donc le retrait de ces amendements.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Mme Borvo Cohen-Seat approuve la ministre. Je souhaite le retrait des amendements.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.  - Je l'aurais compris même si vous n'aviez pas été aussi explicite.

J'ai bien entendu les explications de la ministre sur les emplois de fonctionnaires...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut des greffiers !

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.  - Le ratio magistrats-greffiers n'est pas adéquat et M. du Luart a commencé son propos en soulignant que nous n'étions pas au niveau à cet égard. J'ai également bien entendu ce que vous avez dit de l'équipement informatique des maisons du droit et de la justice mais j'insiste sur le fait qu'il peut être difficile pour un non-praticien du droit d'expliquer une affaire complexe et je ne suis pas sûr qu'une borne interactive suffise... Il faudra donc être très vigilant à la réalité du service rendu et revoir les choses si le taux de satisfaction chutait brutalement. A défaut, il y aurait un éloignement de la justice.

Bien entendu, la commission des finances n'ayant pas maintenu son amendement, il me serait très difficile, dans le contexte actuel, de maintenir les miens. Je les retire donc.

M. Jean-Pierre Sueur.  - A titre exceptionnel.

Les amendements nosII-52 rectifié et II-53 rectifié sont retirés.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - En effet, les deux plateaux de la balance étaient également chargés par les amendements. Il me semble toutefois que les systèmes d'information mis en place dans les juridictions laissent quelques marges de progression assez sensibles, ainsi que dans les caisses des règlements pécuniaires des avocats. A l'occasion d'une vérification sur place et sur pièces conduite au tribunal de grande instance du Mans, la commission des finances a constaté des ruptures de chaîne et un encombrement du bureau du greffe : il faut deux mois pour enregistrer les affaires pénales parce que les officiers de police judiciaire n'utilisent pas des logiciels compatibles. On peut formuler la même observation sur la notification des jugements ou à propos de liens avec la trésorerie générale pour les amendes. Il y a d'énormes efforts à consentir pour unifier l'ensemble des systèmes d'information. Les greffiers seraient alors plus efficaces et les délais plus brefs.

Pouvez-vous me confirmer que les crédits sont suffisants pour les équipements et la formation des greffiers comme des magistrats ? Votre ministère avait jadis tenté de préserver son indépendance en demandant aux magistrats de devenir informaticiens : l'expérience a montré qu'il vaut mieux faire appel à de bons informaticiens.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Vous avez tellement raison que, lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai voulu informatiser pour éviter toutes les photocopies nécessaires à la constitution d'un dossier, et qu'on recommence le lendemain si une seule pièce manque. Certains dossiers atteignent les 47, voire les 120 tonnes. J'ai donc souhaité qu'on numérise les procédures mais on m'a expliqué que la tâche était compliquée parce que chaque direction avait son système et qu'il fallait d'abord laisser du temps aux directeurs pour qu'ils se parlent. Un peu d'autorité a fait avancer les choses. J'ai passé une convention avec la Caisse des dépôts et consignations et toutes les juridictions sont désormais équipées. Les greffiers ne passeront bientôt plus leurs journées à faire des photocopies : ils donneront un cd-rom et consulteront des microfiches au lieu de descendre aux archives. Une cinquantaine de juridictions, telle Angoulême, sont d'ores et déjà opérationnelles.

A Narbonne, par exemple, tout est transféré et ordonnancé informatiquement. Beaucoup de temps est ainsi gagné. L'effort sera poursuivi en 2009 avec la généralisation de l'application Cassiopée. On peut suivre aujourd'hui à distance l'avancement des procédures, les jugements civils et pénaux sont en ligne, les avocats n'ont plus systématiquement à se déplacer ; c'est d'ailleurs un des volets de la réforme de la carte judiciaire.

M. le président.  - Je mets aux voix les crédits de la mission « Justice ». Je n'ai été saisi dans les délais que d'une seule explication de vote. (MM. Jean-Pierre Sueur et Pierre Fauchon se désolent)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La passion que met Mme la garde des sceaux à défendre sa politique ne l'autorise pas à déformer mes propos. Je n'ai pas mis en cause le rôle du parquet mais les pressions qui s'exercent sur lui. Ai-je parlé de politique « sécuritaire » ? J'ai voulu souligner que vous privilégiez l'enfermement -ce qui n'est pas contestable. La sécurité est un droit fondamental pour tous les citoyens mais il est loin d'être respecté et on pourrait longtemps parler des causes de l'insécurité...

J'ai voté des deux mains la création d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté, que je réclamais depuis longtemps. Je me suis inquiétée de la faiblesse de ses moyens et j'ai dit mon espoir qu'il ne soit pas absorbé par le futur défenseur des droits, contre l'institution duquel j'ai voté parce que ses fonctions sont trop floues.

Il est de bon ton de dire que les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier. Ce constat vaut pour tout le monde, y compris pour les gardes des sceaux. Mais un enfant reste un enfant, ne serait-ce qu'au regard du droit international. Que les choses soient claires : je m'oppose à l'enfermement des enfants. Les enfants de la bourgeoisie restent enfants de plus en plus tard, nourris et protégés par leurs parents, et on voudrait que ceux du peuple soient des adultes de plus en plus tôt !

Je voterai contre les crédits de la mission « Justice ».

M. le président.  - Je précise à M. Sueur les règles de notre discussion...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas la peine. Tout ce que j'ai à dire, c'est : pas de moyens, pas de cohérence et pas de confiance !

M. Pierre Fauchon.  - Et la responsabilité ?

Les crédits de la mission « Justice » sont adoptés.

La séance est suspendue à 13 h 5.

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

La séance reprend à 15 h 15.

Travail et emploi

Mme la présidente.  - Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Interventions des rapporteurs

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Ces crédits s'élèvent à 11,8 milliards, en diminution de 5,2 % par rapport à l'an dernier.

La mission est désormais composée de quatre programmes. Le programme 102, « Accès et retour à l'emploi », doté de 6,34 milliards, vise à lutter contre le chômage et l'exclusion durable du marché de l'emploi en subventionnant les emplois non marchands à hauteur de 1,21 milliard et les emplois marchands pour 158 millions. Les autres dépenses sont destinées, d'une part, à la réussite de la fusion de l'ANPE et de l'Unedic, pour un montant de 1,7 milliard, les coûts supplémentaires de fusion étant estimés à 350 millions ; d'autre part, aux allocations de solidarité, pour un montant de 1,4 milliard, soit une diminution de 200 millions. On voit que toutes les dépenses au sein de ce programme ne créent pas d'emplois durables...

L'annonce de la création de 100 000 emplois aidés supplémentaires, pour un coût de 250 millions, me laisse perplexe, le chiffre me semblant largement sous-évalué. En effet, si l'on divise 250 millions par 100 000, on trouve 2 500 euros par personne et par an, soit moins de 200 euros par mois...

Le programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », doté de 5,81 milliards, doit prévenir l'impact des restructurations et permettre aux personnes, aux entreprises et aux territoires de s'adapter et de gérer au mieux leur nécessaire reconversion.

Le plan de cohésion sociale a fixé pour l'apprentissage un objectif ambitieux de 500 000 apprentis d'ici à la fin de l'année 2009 mais le manque de centres de formation, la réticence des chefs d'entreprise à prendre des apprentis et surtout la faible motivation des jeunes à entrer en apprentissage, alors que le collège unique les pousse à passer le bac qui ne les mène trop souvent qu'au chômage, font douter de sa réalisation.

On ignore à combien de jeunes ce programme a permis de trouver un emploi. Un rapport annuel de performances devra désormais être établi à la fin de chaque exercice, qui devrait nous permettre d'en savoir plus en 2009.

La formation professionnelle souffre d'un système de financement trop complexe et trop lourd, dont la structure, éclatée en de multiples organismes, mériterait d'être rationnalisée. Alors que la formation continue coûte trop cher, il serait bon d'intégrer la formation professionnelle au collège dès 14 ans.

Au sein de ce programme, l'action « Développement de l'emploi », dotée de 1,5 milliard de crédits, en progression de 14 %, s'articule autour d'un réseau d'aides, d'allégements de charges sociales et de déductions fiscales dont l'efficacité mériterait d'être mesurée : on verrait par contraste que les dispositifs les plus coûteux ne sont pas toujours les plus utiles...

Le programme 111, « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », doté de 86 millions, vise à améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel. Il s'appuie sur la nouvelle Direction générale du travail, créée au mois de mars 2006 dans le cadre de la réforme de l'inspection du travail.

Le programme 155, « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail », doté de 792 millions, est un programme support. En augmentation de 8,3 %, il ne regroupe pourtant que partiellement l'ensemble des moyens humains et matériels dévolus aux autres programmes de la mission puisque ne sont pas pris en compte les emplois des principaux opérateurs, dont le nombre excède 44 000 emplois en équivalent temps plein travaillé, soit près de quatre fois les emplois requis par la mission. L'augmentation de près de 700 emplois s'explique par la fusion des inspections du travail, des transports et de l'agriculture. En tout, 50 000 personnes sont mobilisées pour gérer ce budget. Un contrôle systématique ne serait pas inutile...

La fusion ANPE-Assedic, bienvenue, entraîne la création d'un nouvel opérateur Pôle emploi, qui regroupera 42 000 personnes et 1 500 locaux. Cette fusion coûtera 350 millions, dont il faut espérer quelques gains de productivité.

Mentionnons aussi la fusion des contrats aidés, regroupés en un « contrat unique d'insertion », décliné en contrat initiative emploi (CIE) pour le secteur marchand et en contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) pour le secteur non marchand, dont le coût pour l'État, qui prend en charge jusqu'à 95 % des salaires versés au titre des CAE, reste très élevé au regard du faible taux de réinsertion dans l'emploi -30 % pour le secteur non marchand contre plus de 50 % pour le secteur marchand, preuve que l'efficacité de ces emplois aidés est plus que relative et qu'il y aurait des économies à faire...

Le coût réel du budget de l'emploi est bien supérieur au montant des crédits de la mission, qui ne reflète qu'un quart des dépenses globales de l'État au titre de la politique de l'emploi, lesquelles s'élèvent à près de 55 milliards, dont 10,24 milliards de dépenses fiscales -3,9 milliards au titre de la prime pour l'emploi, alors que les chômeurs pourraient sans nul doute être incités à travailler par d'autres moyens-,1,5 milliard de réduction d'impôts pour emploi d'un salarié à domicile, à quoi il convient d'ajouter les allégements généraux de cotisations patronales, comptabilisés au titre de la loi de financement de la sécurité sociale, pour un montant estimatif de 26,5 milliards, parmi lesquels 23,4 milliards au titre de la réduction des charges jusqu'à 1,6 Smic, sans limitation de durée, lourde erreur, car chaque aide nouvelle vient ainsi s'additionner aux autres, autant de charges qu'il faut financer par l'emprunt, qui accroît sans fin notre déficit budgétaire et notre dette.

Les allégements de charges, cumulés, représentent 33 milliards par an. Autant que le budget de la Défense ! En quinze ans, ils auront coûté plus de 200 milliards, presque autant qu'un budget annuel. Songeons aux impôts que l'on aurait pu s'épargner !

N'est-il pas temps de réduire ces dépenses, quelles que soient les conséquences pour l'emploi ? Car il faut choisir entre la dette qui nous mine et le chômage, que l'on peut combattre autrement, plus efficacement et pour moins cher. Songeons que les politiques de l'emploi nous coûtent 55 milliards. C'est presque le budget de l'éducation nationale, sur lequel il y aurait au reste beaucoup à dire !

Ces dépenses énormes pourraient être réduites et rendues plus efficaces. Car le problème de l'emploi est fait de deux composantes : les chômeurs, mais aussi les entreprises qui n'embaucheront que si elles ont des produits à vendre et pas seulement si l'État paie à leur place les charges sociales et une partie des salaires, ce qui n'est pas son rôle.

Au lieu de payer aux entreprises des charges de fonctionnement, l'État serait mieux inspiré de leur accorder des crédits d'investissement pour développer leurs activités, créer de nouveaux produits et rechercher de nouveaux marchés, ce qui les amènera à embaucher sans que cela coûte rien à la collectivité.

Les emplois ne poussent pas dans les champs comme les asperges ! Notre production se réduit, les délocalisations se multiplient, le crédit se restreint : une garantie de l'État pour le financement des investissements serait véritablement bienvenue ! Imaginez le nombre d'emploi que créeraient 5 ou 10 milliards de crédits en avances remboursables aux entreprises ! Plus besoin d'emplois aidés, d'allégements de charges, de réduction des déficits...

Si l'on adoptait la « flexisécurité » pour faciliter les embauches, si l'on améliorait la formation scolaire et professionnelle, en les adaptant aux besoins des entreprises grâce à une indispensable sélection, si l'on supprimait le financement de la sécurité sociale par des salaires dont l'État prend en charge une trop grande part, on aurait une politique de l'emploi efficace, avec des dépenses publiques réduites. Cela vaudrait la peine d'y réfléchir pour commencer à l'appliquer dès l'année prochaine, si le Gouvernement veut bien l'étudier.

En attendant, je vous demande de voter ce budget, en examinant cependant l'efficacité des allégements de charges. (Applaudissements à droite)

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Ce budget nous est présenté dans un contexte difficile : après cinq années de baisse, le taux de chômage augmente depuis le deuxième trimestre et cette hausse devrait se poursuivre l'an prochain. Je salue la réactivité du Gouvernement qui, face à la crise, a su prendre des initiatives pour en atténuer les conséquences !

M. Guy Fischer.  - Allons donc !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Certains, en commission, ont qualifié ce budget d'indigent en constatant qu'il était en légère baisse par rapport à l'an passé. Je ne partage pas du tout cette vision des choses ! Un bon budget n'est pas nécessairement en hausse ! L'essentiel, c'est de savoir fixer les priorités et définir les réformes propres à améliorer l'efficacité de nos politiques publiques !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Je me félicite que le Gouvernement, alors que d'autres tireraient prétexte de la crise pour ne plus rien faire, ne baisse pas les bras et maintienne le cours des réformes nécessaires !

De grands chantiers sont en cours. La fusion de l'ANPE et des Assedic en un grand Pôle emploi qui sera doté de 4,5 milliards : une très bonne chose.

M. Guy Fischer.  - L'ANPE est en grève !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - La réforme de la formation professionnelle, ensuite : les partenaires sociaux ont jusqu'à la fin de l'année pour trouver des solutions pour mieux cibler les publics qui ont le plus besoin de formation, faute de quoi le Gouvernement reprendra l'initiative. La réforme des services déconcentrés de l'emploi et de la formation professionnelle, avec les administrations économiques : les entreprises auront enfin un interlocuteur administratif unique. La création de « nouvelles aides à la création d'entreprise », par la fusion des dispositifs Eden et chèques conseils qui va soutenir les créateurs et les repreneurs d'entreprise.

Le Gouvernement actionne encore deux leviers importants. Le recours aux emplois aidés dans le secteur non marchand : 100 000 contrats seront ajoutés l'an prochain, pour 250 millions, ce qui n'est nullement contradictoire avec la politique conduite depuis cinq ans...

M. Guy Fischer.  - A peine !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Il est tout à fait logique de recourir aux contrats aidés en période de basses eaux et d'en réduire le nombre quand le niveau est bon ! (On se gausse à gauche)

Second levier, l'extension du contrat de transition professionnelle (CTP) à de nouveaux bassins d'emploi. Monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

Notre politique de l'emploi repose également sur des allégements de charges sociales pour les bas salaires. M. Dassault doute de leur efficacité...

M. Jean Desessard.  - Il n'est pas le seul !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - La Cour des comptes a suggéré de réserver ces allégements aux PME, ou encore de les focaliser sur les salaires inférieurs à 1,3 Smic. Il ne faut pas négliger l'impact négatif qu'aurait un tel changement sur l'emploi peu qualifié...

M. Jean Desessard.  - C'est surtout pour la grande distribution que ce serait un problème...

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - La limitation aux PME entraînerait des effets de seuil et celui de 1,3 Smic risquerait de jouer contre les hausses de salaires. Or, nous voulons dynamiser les politiques salariales, c'est le sens du projet de loi relatif aux revenus du travail.

Un réaménagement de l'allégement général de cotisations doit être envisagé avec prudence. On pourrait simplifier le régime de certaines exonérations ciblées, en évaluant précisément chacune d'elles.

La commission des affaires sociales attend avec impatience d'examiner la grande réforme de la formation professionnelle annoncée pour l'an prochain et nous approuvons les initiatives du Gouvernement en matière de sécurisation des parcours professionnels.

En attendant, la commission vous propose d'adopter ce budget. (Applaudissements à droite et au centre)

Interventions des orateurs

Mme Annie David.  - Nous traversons une crise économique mondiale que ni le plan américain ni le plan européen -si tant est qu'il existe réellement- ne semblent pouvoir arrêter. Les premières victimes en sont les salariés. Les crédits baissent, sous couvert de restriction budgétaire, alors qu'il y a quelques semaines, le Gouvernement a trouvé les ressources nécessaires pour pérenniser le système bancaire. L'année 2009 s'annonce difficile : il y a déjà plus de 2 millions de chômeurs mais, de l'aveu même de la majorité et du Gouvernement, le budget de cette mission baisse de 5 % ! Tous les programmes sont en baisse, à l'exception du Pôle emploi qui doit sa hausse à la fusion de l'ANPE et des Assedic. Les crédits de l'action « Coordination du service public de l'emploi, indemnisation des demandeurs d'emploi et rapprochement de l'offre et de la demande », baissent de 6,7 % : la nouvelle institution n'aura pas suffisamment de moyens pour le projet personnalisé dont vous vantiez tant les mérites, monsieur le secrétaire d'État ! Comme la fusion coûte cher, vous voulez vendre le patrimoine immobilier des deux établissements fusionnés. Des établissements vont fermer et le service s'éloigner de ceux qui en ont le plus besoin !

Je déplore la baisse de crédits destinés à l'insertion des publics les plus éloignés de l'emploi. Lors de la généralisation du RSA, nous avons dénoncé l'insuffisance des moyens pour l'insertion de ces publics, M. Hirsch nous disait alarmistes mais ce budget nous apporte la confirmation de nos inquiétudes !

Ce budget permettra tout juste un accompagnement social du chômage : l'augmentation du nombre de contrats aidés ne peut être qu'une mesure temporaire, et vous le savez bien ! Leur nombre augmente mais vous diminuez les crédits du Fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes, créé en 2004 et que vous présentiez alors comme une mesure emblématique. Vous lui ôtez 15 millions au seul motif qu'ils ne sont pas utilisés ; mais s'ils ne le sont pas, c'est parce que les jeunes les plus en difficulté, qui sont la cible de ce fonds, ne sont pas suffisamment informés ! Quant aux contrats de transition professionnelle, ils ne sont également qu'une mesure d'accompagnement social du chômage : les salariés conserveront pendant douze mois 80 % de leur salaire mais ils ne seront pas sûrs de conserver leur emploi. Comment allez-vous étendre la mesure à d'autres bassins d'emplois alors que de l'aveu même du rapporteur spécial, les crédits de paiement passent de 22,5 à 8,2 millions ?

Le 26 novembre, le Président de la République a estimé qu'il valait mieux un chômage partiel qu'un chômage total : nous n'acceptons pas une telle démission ! Les salariés veulent garder leur emploi. Que le Gouvernement exige des actionnaires et des grands patrons des entreprises concernées qu'ils réintroduisent dans l'entreprise le montant des millions qu'ils se partagent plutôt que de tolérer des licenciements. Le chômage partiel ne protège pas les salariés embauchés par les entreprises sous-traitantes, ni les personnels intérimaires : votre proposition ne leur sera d'aucune utilité.

Je dénonce encore votre décision de réduire de 40 % les crédits de l'Afpa. Seul l'accès à une formation qualifiante peut garantir un retour à l'emploi. En supprimant l'allocation de fin de formation, destinée aux demandeurs d'emploi arrivés en fin de droit, et en réduisant les crédits alloués à la validation des acquis de l'expérience, vous empêchez que les partenaires sociaux concluent leurs négociations dans de bonnes conditions. Quant à la participation du service public de l'emploi à la formation professionnelle, vous voulez confier ses missions au secteur privé lucratif.

Là encore, ce seront les salariés, notamment les chômeurs, qui subiront les conséquences d'une crise qui sert de prétexte à votre Gouvernement pour mener une politique de rigueur.

Les exonérations de cotisations sociales constituent un formidable scandale qui coûtera 33 milliards en 2009, et 200 en total cumulé depuis dix ans. Pourtant, ces exonérations ne protègent pas du chômage, elles ne favorisent ni le maintien ni la création d'emplois. A quoi s'ajoutent les dépenses fiscales, pour un montant de 10 milliards. Ces exonérations, sociales ou fiscales, ne sont qu'un poids à la charge des comptes sociaux, et, en raison de leur compensation partielle, à la charge de l'État. C'est pourquoi il faut en conditionner certaines à des pratiques salariales différentes et en supprimer d'autres, à commencer par celles incluses dans la loi Tepa, par exemple celles liées aux heures supplémentaires, qui coûtent à l'État plus de 3 milliards, ne créent pas d'emploi, empêchent même d'en créer, sans pour autant accroître sérieusement le revenu des salariés. Et ces sommes exorbitantes sont à mettre en parallèle avec les 50 millions que vous souhaitez ponctionner à l'Agefiph, sous prétexte que cette association aurait un confortable matelas ! Vous aviez d'autres solutions pour augmenter vos recettes...

Nous ne pouvons cautionner un budget qui ne protège pas l'emploi ni n'instaure une réelle sécurité des parcours professionnels, la sécurité emploi-formation qu'attendent les organisations syndicales pour l'ensemble des salariés, et qui est radicalement différente de votre flexisécurité. Nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - C'est du sérieux !

M. Jean Desessard.  - C'est du costaud !

Mme Françoise Henneron.  - Ces derniers mois, notre pays a connu une baisse exceptionnelle du chômage, ramené à 7,2 % au second trimestre, niveau jamais atteint depuis vingt-cinq ans, grâce à l'action résolument réformatrice du Gouvernement. La mission « Travail et emploi » maintient la priorité donnée à l'emploi, avec des crédits de 11,7 milliards. Mais la crise bancaire et financière mondiale se traduit déjà par des difficultés sur le marché du travail. Le chef de l'État et le Gouvernement ont immédiatement réagi pour garantir la liquidité du système financier et trouver une stratégie européenne. Puis, le 28 octobre, le Président de la République a présenté un plan gouvernemental de mobilisation pour l'emploi, il a annoncé la poursuite des réformes engagées avec, notamment, la généralisation des contrats de transition professionnelle, de nouvelles règles pour l'indemnisation des chômeurs, le recours à 100 000 contrats aidés supplémentaires et la mise en place du Pôle emploi.

Le service public de l'emploi va être profondément rénové grâce à la fusion de l'ANPE et de l'assurance chômage en un Pôle emploi auquel ce projet de loi de finances alloue 1,36 milliard. Rappelons les trois objectifs de cette fusion : simplifier les démarches des demandeurs d'emploi ; rénover l'offre de services ; déployer plus d'agents au service des usagers. Jusqu'à présent, le demandeur d'emploi avait plusieurs interlocuteurs et devait souvent passer plusieurs entretiens identiques. Avec la fusion il lui sera possible de trouver à un même endroit tous les services : l'accueil, l'inscription comme demandeur d'emploi, l'indemnisation, la formation et l'accompagnement dans la recherche.

On compte près de 2 millions de demandeurs d'emploi, alors que plus de 400 000 offres ne sont pas satisfaites. La rénovation du service public de l'emploi sera utile à la fois aux chômeurs et aux entreprises en ce qu'elle améliorera la mise en relation de l'offre et de la demande de travail, à l'image de ce qui existe déjà dans d'autres États européens : les Jobcenters Plus en Grande-Bretagne ou l'Institut national pour l'emploi en Espagne. En France, la durée moyenne du chômage des 25 à 54 ans est de plus de 16 mois, contre 12 en moyenne pour les pays de l'OCDE et moins de 9 pour les pays du G7. Pourtant, la France est l'un des pays de l'OCDE qui consacre le plus de moyens à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, ce qui prouve qu'une réorganisation était nécessaire et pas seulement une augmentation des moyens. Nous vous faisons toute confiance, monsieur le ministre, pour mener à bien cette tâche.

A côté de son activité traditionnelle de formation, l'Afpa (Association pour la formation professionnelle des adultes) fournit des prestations relevant directement des missions du service public de l'emploi : par exemple elle oriente environ 200 000 demandeurs d'emploi par an vers une reconversion ; elle pilote l'expérimentation du contrat de transition professionnelle. Elle bénéficie d'une subvention de 109 millions pour 2009. L'Afpa n'est pas directement visée par la loi de février 2008, qui se borne à prévoir sa présence au Conseil national de l'emploi. Cependant, un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat a permis de lancer le débat sur le transfert au nouvel opérateur des activités d'orientation jusqu'ici assurées par l'Association.

Le Président de la République a annoncé que la réforme de la formation professionnelle serait l'un de ses grands chantiers, notre système étant « à bout de souffle tant dans son organisation que dans son financement » et « la formation n'allant pas à ceux qui en ont le plus besoin ».

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - C'est vrai !

M. Guy Fischer.  - Il y en a qui veulent récupérer les fonds...

Mme Françoise Henneron.  - C'est également le constat fait par une mission d'information présidée par notre collègue Jean-Claude Carle, dans son rapport de juillet 2007. Nous devrions voir aboutir cette réforme en 2009. Pourriez-vous nous dire où en sont les négociations et dans quels délais vous pourrez présenter un texte législatif ?

Les contrats aidés permettent un retour durable à l'emploi en mettant le chômeur au travail dans le secteur marchand ou non marchand. Ces contrats seront profondément réformés cette année car la loi généralisant le RSA a prévu un contrat unique d'insertion qui pourra prendre deux formes : le contrat d'accompagnement dans l'emploi pour le secteur non marchand et le contrat initiative emploi pour le secteur marchand. Il s'agira d'un outil mobilisable de façon indifférenciée pour tous les exclus du marché du travail, quel que soit leur statut. Il permettra un meilleur accompagnement du parcours d'insertion et ses possibilités de renouvellement seront assouplies. La rigidité qui caractérisait les anciens contrats aidés disparaît, on tient compte, dorénavant, de la diversité des difficultés d'insertion. La durée de ces contrats sera différente selon qu'ils concerneront un salarié de plus de 50 ans, un handicapé ou un bénéficiaire de minima sociaux. Le projet de loi de finances prévoit près de 1,62 milliard de crédits de paiement pour l'ensemble des contrats aidés. A ces crédits s'ajoutera une enveloppe destinée aux 100 000 contrats aidés supplémentaires annoncés par le Président de la République, le 28 octobre. Les bénéficiaires auront droit à un suivi personnalisé pour une offre d'emploi et une formation, immédiatement à la sortie du contrat aidé. Je me réjouis de cet effort budgétaire qui portera à 330 000 le nombre de bénéficiaires des contrats aidés.

Au total, la politique de l'emploi mobilisera près de 55 milliards, soit une augmentation de 10 %. Ce budget traduit une politique ambitieuse et tournée vers l'avenir à laquelle notre groupe apporte son soutien. (Applaudissements à droite)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - (Applaudissements à gauche) Il est loin le temps où vous vous en donniez à coeur joie, vociférant sur la dame des 35 heures, l'accusant de tous les maux économiques de la France travailleuse, la rendant presque responsable de la crise qui nous guettait ! Le temps de prendre du recul sur une réforme fondamentale et culturelle -travailler mieux pour vivre mieux- que vous aviez réussi à faire passer pour un infamant détournement des valeurs travail et profit, le temps de prendre du recul, et la plupart de ceux qui ont eu la chance d'y goûter, semblent convaincus des vertus de cette façon de vivre. Comme en leur temps, les congés payés avaient été décriés avant de marquer un tournant décisif dans le progrès de la société contemporaine, de même on s'habitue aux 35 heures et, ne vous en déplaise, à une autre façon de travailler pour vivre. Le temps de prendre ce recul, le temps pour la nouvelle majorité de détricoter cet ouvrage au lieu de l'adapter et de l'améliorer, distribuant au passage quelques deniers supplémentaires, monnaie sonnante et trébuchante, boucliers et parachutes... et une crise secouait le monde entier, tombant à point nommé pour que vous changiez de refrain. Parce que la rengaine des 35 heures, origine de nos maux, du recul de la France, du chômage et de la morosité générale, démantelées au nom de la valeur travail et du pouvoir d'achat par une batterie de lois toutes aussi prometteuses les unes que les autres, les Français, lassés, commençaient à en douter sérieusement. Heureusement, avec la crise provoquée par de méchants banquiers et de vilains capitalistes dépourvus d'éthique, vous disposez d'un nouveau bouc émissaire. Avec la crise, vous pouvez justifier l'échec des mesures précédentes et -en bon père de famille- serrer la ceinture et faire trimer davantage. Il n'est plus temps de travailler plus pour gagner plus, de faire des heures supplémentaires pour augmenter son pouvoir d'achat... Foin de toutes ces fadaises d'avant la crise ; il s'agit désormais de gérer de façon responsable, rationnelle, objective !

Désormais la valeur travail et l'emploi redeviennent des variables d'ajustement d'un budget fragilisé. Vous baissez les crédits de la mission de 5,8% !

Il y a bien deux visions du monde. Votre Gouvernement se mue en comptable apothicaire quand il s'agit de revaloriser les salaires, le Smic, de grappiller quelques millions d'euros sur des allocations utiles, de stigmatiser de vilains profiteurs. Mais où iront les 169 millions d'euros de l'allocation de fin de formation (AFF) supprimée ? Et qui paiera cette note : les partenaires sociaux, les conseils régionaux ? Comment les Français concernés vivront-ils ? Peut-être pourront-ils prétendre au RSA...

Les crédits du Fonds de solidarité passent de 1,67 à 1,47 milliard d'euros en 2009. Pour les banquiers -et pour éteindre le feu qu'ils ont allumé- on trouve des milliards sans délai. Pour le travail et l'emploi, c'est une autre affaire. Pourtant, bien avant la crise internationale, on enregistrait une destruction nette d'emplois ; les plans sociaux s'enchaînaient, les délocalisations s'amplifiaient, l'emploi intérimaire fléchissait. Mais vous envisagiez déjà de baisser les crédits. Vous procédez à l'extension des contrats de transition professionnelle (CTP) à 25 bassins d'emploi supplémentaires sans aucune rallonge budgétaire. Vous assouplissez l'accès au chômage technique pour les industriels, mais après un mois de chômage, la totalité de l'allocation est versée par l'Assedic : c'est un transfert de charges vers l'Unedic. Quant au plan d'action pour l'emploi annoncé par le Président de la République, il ne procède qu'à des redéploiements de crédits. Les 100 000 contrats aidés supplémentaires s'ajoutent aux 230 000 initialement prévus, contre 308 000 en 2008. La progression n'est pas significative ! Les excédents diminueront au moment où l'Unedic aidera les entreprises par un report de l'appel de cotisations. Si les 1,5 million de PME concernées en profitent, l'Unedic devra emprunter et supporter une charge d'intérêts de 12 millions d'euros : est-ce son rôle de se substituer aux banques ?

Vous n'hésitez pas à puiser dans la sémantique de la gauche, au mépris du sens, pour vanter par exemple « la sécurisation du parcours professionnel ». Quelle sécurisation, quand se multiplient les CDD et les emplois précaires ? La fusion du congé individuel de formation (CIF) et du droit individuel à la formation (DIF), réclamée par le patronat, réduira la maîtrise par le salarié de son droit à la formation.

En ce qui concerne l'Afpa, monsieur Wauquiez, vous avez clairement exposé la doctrine gouvernementale devant les préfets le 9 septembre dernier. Sous couvert de décentralisation et de règles communautaires, vous allez transférer le patrimoine foncier : sa rénovation et son entretien seront finalement à la charge des régions...

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.  - Non !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - L'Afpa sera progressivement démantelée : les formations immédiatement profitables seront confiées au secteur privé et les formations de remise à niveau subventionnées, parce que non rentables.

Les crédits de l'insertion sont seulement reconduits en 2009, alors que le nombre des entreprises d'insertion augmente -des entreprises à part entière, soumises aux mêmes contraintes sociales et fiscales que les autres, mais qui font le pari d'embaucher des personnes en situation très précaire. Recrutant des personnes jugées improductives, elles s'obligent à déployer imagination et techniques de production originales, pour être compétitives et favoriser l'insertion de leurs salariés. L'aide accordée représente un effort modeste car un euro ainsi investi par l'État lui en rapporte 2,10. A l'issue du Grenelle de l'insertion, les entreprises d'insertion, les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification et le Medef ont choisi de collaborer afin de renforcer l'emploi des personnes en difficulté. Le Gouvernement devait s'y associer ! Bien des entreprises concernées ont des carnets de commandes pleins mais ne peuvent plus embaucher sur des postes d'insertion. Depuis plusieurs mois, elles interpellent le Gouvernement, en vain. Elles ont pourtant prouvé leur efficacité, puisque plus de 53 % de leurs salariés en insertion retrouvent un emploi durable ensuite. Dégagez les moyens nécessaires pour favoriser l'emploi dans ces entreprises socialement responsables !

Pour encourager l'insertion, l'alternance, la mobilité, la variété et même la relocalisation, il faut dégager des crédits et revenir sur les exonérations aux grandes entreprises. C'est aux petits patrons qu'il faut donner la main, les grands n'ont pas besoin de vous ! Les travailleurs, les chômeurs, les titulaires d'un emploi précaire ou à temps partiel, les allocataires de toutes sortes, les « fins de droits », mais aussi tous ceux qui pensent leur vie professionnelle autrement parce qu'ils n'ont pas le choix ou parce que le monde a changé : c'est auprès de ceux-là qu'il faut investir. C'est là que la mutation économique s'opère ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Alors que la crise économique s'annonce sévère, je suis frappé par l'indigence de la mission « Travail et emploi », dont les crédits sont en baisse de 5,3 %. Le ralentissement, sensible dès le début de 2008, s'est accéléré depuis cet été. Et 2009 sera selon tous les experts une année de récession. Depuis le deuxième semestre 2008, le chômage remonte et l'on atteint à nouveau en octobre le seuil de 2 millions -plus de 3 millions si l'on intègre tous les chômeurs indemnisés. Quant au sous emploi -le temps partiel subi- il concerne 1,4 million de personnes, dont une majorité de femmes. L'OCDE prévoit une augmentation du chômage à 8,2 % en 2009 et 8,7 % en 2010. Déjà, les plans sociaux suscités par la crise ou l'utilisant comme prétexte -délocalisations déguisées- se multiplient : Hewlett-Packard, Renault, caisses d'épargne, PSA, Sanofi-Aventis, Camif, La Redoute, Doux, Tyco Electronics, Adecco, Crédit agricole, SFR-Cegetel, Altadis, Amora, etc. Le Président de la République ayant annoncé un plan d'action pour l'emploi, on aurait pu croire que les crédits budgétaires de la mission « Travail et emploi » en seraient le bras armé. Mais pas du tout. M le secrétaire d'État répond que cela ne le gêne pas d'avoir un budget en diminution : il s'agit quand même d'un très mauvais signe !

Nous nous inquiétons des conséquences de cette crise sur l'assurance chômage. En 2007, les comptes avaient commencé à se redresser avec un excédent hors fonds de réserve de 3,2 milliards d'euros. Les excédents prévus pour 2008 doivent être revus à la baisse ; ils seront au mieux de 3 milliards. En cas de scénario noir avec une contraction du PIB de 1 % et 250 000 chômeurs de plus, ils tomberaient à 2,4 milliards d'euros en 2009 et un milliard en 2010. Est-il vraiment judicieux de supprimer l'allocation versée aux demandeurs d'emploi en fin de droits qui suivent une formation en vue d'une embauche dans un secteur « en tension » ?

Au titre de l'aide au secteur hôtels-cafés-restaurants, 550 millions d'euros sont inscrits dans votre budget. A ce jour, la promesse non tenue de M. Chirac, de baisser au taux réduit la TVA du secteur, a coûté au moins 2,6 milliards d'euros. Beaucoup plus que le différentiel de TVA !

Par ailleurs, la contrepartie promise se fait attendre car ni l'emploi illégal, ni les bas salaires, ni les conditions de travail déplorables n'ont disparu. Ainsi, l'augmentation salariale observée entre 2004 et 2007, soit 9,8 % en l'occurrence, ne se différenciait pas notablement des 8,4 % constatés dans le reste des services. Cette activité bénéficie pourtant de généreux allégements de cotisations patronales sur les bas salaires, outre la réduction « avantages en nature nourriture », l'ensemble coûtant 150 millions d'euros aux organismes de sécurité sociale.

Le total des aides avoisine 3 milliards d'euros. C'est ce que souhaitait M. Hirsch pour le RSA et il n'a eu que la moitié. Des sommes colossales ont été attribuées pour un résultat nul.

Dès le 1er janvier, certaines activités de l'Afpa seront soumises à appel d'offres, si bien que la subvention versée par l'État diminuera de 150 millions d'euros. Pourquoi cette précipitation alors qu'une grande loi sur la formation professionnelle est annoncée pour le début de l'année prochaine ? Nous craignons que l'Afpa ne soit démantelée...

M. Guy Fischer.  - Assassinée !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - ...des centres de profit gérant les activités rentables confiées au secteur privé ou à certaines branches, cependant que les remises à niveau continueront à percevoir une subvention. Il vaudrait mieux laisser l'Afpa poursuivre sa mission en ce moment où se profile une augmentation massive du chômage.

Avant de conclure, je reviens sur un point auquel vous n'avez pas répondu en commission. Il s'agit de la mesure, adoptée par la majorité sénatoriale à l'initiative de M. Jégou, rendant imposables les indemnités journalières perçues par les accidentés du travail, malgré le principe général excluant la fiscalisation des réparations de préjudices corporels. Les victimes des accidents du travail ont droit à réparation mais ce sont les seules aujourd'hui à devoir se contenter d'une compensation forfaitaire. Je rappelle qu'il n'y a pas d'exonération des franchises médicales : les intéressés doivent acquitter les franchises et acquitter un impôt sur les indemnités ! Ma question est simple : allez-vous demander une seconde délibération ? (M. le secrétaire d'État estime avoir clairement exclu cette possibilité lors de son audition)

Indéniablement, les crédits de la mission ne sont pas à la hauteur des enjeux présents et futurs. Le Gouvernement continue à privilégier la réduction du coût du travail et poursuit le transfert sur les ménages du financement de la protection sociale. Nous ne l'acceptons pas ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Je pourrais ironiser sur les déclarations fanfaronnes du Gouvernement quant aux effets bénéfiques du paquet fiscal pour l'emploi, si le marché du travail n'était aussi préoccupant. En effet, après le record d'août, nous pourrions dénombrer deux millions de chômeurs avant la fin de l'année.

Je pourrais ironiser sur les prévisions économiques, optimistes hier, alarmistes aujourd'hui, si les perspectives n'étaient pas aussi inquiétantes pour les salariés. Malgré la révision de ses hypothèses, le ministère des finances reste optimiste par rapport à la Commission européenne, pour qui la croissance devrait être nulle en 2009. D'après l'Unedic, on compterait alors 74 000 demandeurs d'emploi supplémentaires.

Je pourrais ironiser à propos des politiques d'exonération de charges, censées combattre les délocalisations mais qui profitent surtout à la grande distribution, activité non délocalisable par excellence, si cela ne révélait un gaspillage de fonds publics portant atteinte aux commerces de proximité.

Je pourrais ironiser sur la faible capacité d'un parlementaire à peser sur les choix budgétaires, par rapport à un Président de la République omniprésent mais qui n'annoncera son plan d'action que le 4 décembre, quand nous aurons presque terminé l'examen du budget.

Je pourrais ironiser, enfin, sur le fait que votre seule réponse face au chômage consiste à rétablir 100 000 emplois aidés que vous aviez supprimés l'année dernière. Mis en place par le gouvernement de M. Jospin, ils ont subi depuis 2002 une réduction drastique pour des raisons purement idéologiques. Quel aveu d'impuissance ! L'alpha et l'oméga de votre politique de l'emploi consistent à faire le dos rond face à la crise, en attendant qu'elle passe. Ce n'est pas une politique tournée vers l'avenir. Et le rapporteur défend cette politique du yo-yo...

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Absolument !

M. Jean Desessard.  - ...consistant à relancer les contrats aidés quand tout va mal pour y mettre fin quand la situation se rétablit. Mais ces contrats sont gérés par des associations. Comment pourraient-elles faire face à de telles variations et reprendre leur activité à partir de rien ?

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Il ne faut pas tout supprimer !

M. Jean Desessard.  - La politique incohérente du Gouvernement met en difficulté les entreprises d'insertion alors qu'elles sont économiquement dynamiques, socialement efficaces et utiles pour l'environnement.

Lors du Grenelle de l'insertion, le Gouvernement s'est engagé à doubler le nombre de postes en entreprise d'insertion au cours des cinq années à venir. Pourtant, il réduit l'aide au poste en 2009. En outre, il crée une confusion entre les ateliers et chantiers d'insertion intervenant dans le secteur non concurrentiel et les entreprises d'insertion. Ces deux formules, complémentaires mais distinctes, doivent être dissociées budgétairement : la fongibilité peut conduire l'administration à ne pas choisir entre les deux dispositifs. Pourtant, plus de la moitié des salariés en entreprise d'insertion retrouvent un emploi à l'issue de leur CDD, contre moins d'un tiers après un contrat aidé.

En commission, vous m'avez dit que le budget prévu pour 2009 correspondait aux crédits utilisés en 2008. Or, les entreprises d'insertion recherchent aujourd'hui de la main-d'oeuvre pour honorer les contrats qu'elles ont remportés. Elles auraient donc utilisé l'intégralité de ses crédits, n'étaient les lourdeurs administratives que vous alourdissez encore.

A leur utilité publique en faveur de la formation professionnelle s'ajoutent l'action sociale auprès des salariés les plus éloignés de l'emploi et souvent une action protégeant l'environnement via l'entretien des espaces verts ou le recyclage des déchets. Il vaudrait donc mieux encourager leur création plutôt que de leur infliger des procédures lourdes et complexes d'agrément et de conventionnement.

Depuis un an et demi, votre Gouvernement n'a rien fait de concret pour l'emploi. En particulier, la défiscalisation des heures supplémentaires augmente la masse de travail des salariés en poste au détriment de ceux qui en sont privés, comme l'a très justement fait observer la commission des finances dans son rapport. Les heures supplémentaires concentrent les emplois au lieu de partager le travail.

Nous devons sortir du dogme productiviste faisant passer l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés par l'accroissement exponentiel de la production. La vraie question porte sur le partage des richesses et du travail car nous vivons dans un monde limité.

En ce vingtième anniversaire de la création du RMI, je rappellerai cette phrase ponctuant la campagne publicitaire de l'époque : « Ne fermons pas la porte à ceux qui sont dehors ». Alors que notre pays a besoin d'une politique ambitieuse et durable soutenant l'emploi et l'insertion, vous favorisez l'exploitation de ceux qui ont un emploi en les contraignant à travailler le dimanche, tard le soir ou jusqu'à 70 ans. Tout cela ferme la porte de l'emploi à plus de deux millions de chômeurs !

Les sénateurs Verts ne voteront pas ce budget. (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.  - Ce budget traduit les trois priorités majeures de la politique du travail.

La première priorité concerne le développement du dialogue social et l'effectivité du droit. C'est pourquoi 90 millions d'euros financent les élections prud'homales de mercredi, qui seront déterminantes pour conforter les organisations syndicales. Nous avons tous besoin de syndicats plus forts.

A ce stade, 78 654 personnes ont déjà voté par internet, et nous avons tout mis en oeuvre pour que ces élections soient un succès, en permettant aux salariés d'opter pour le vote physique, le vote par correspondance ou le vote en ligne. Les crédits destinés à la formation des conseillers prud'homaux augmenteront de près de 30 %.

La mise en oeuvre de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail se traduira par un effort budgétaire important. Cette loi instaure une appréciation de la représentativité des syndicats de salariés en fonction de leur audience électorale. L'application informatique qui permettra de compiler les résultats électoraux dans les entreprises, afin de les consolider au niveau des branches et au niveau interprofessionnel, sera conçue et déployée grâce à une dotation de 2 millions en autorisations d'engagement. Une dotation annuelle de 7 millions d'euros de crédits de paiement a d'ores et déjà été prévue pour les exercices 2010 et 2011.

Enfin nous allouons à la formation syndicale les sommes prévues par les conventions triennales passées avec les partenaires sociaux : elles représentent environ 80 millions d'euros au total, soit près de 25 millions par an.

La deuxième priorité de notre action, c'est la santé et la sécurité au travail. Monsieur Godefroy, je vous rappelle que le Gouvernement était défavorable à l'amendement de M. Jégou. Son avis n'a pas varié, et il attend les conclusions de la commission mixte paritaire.

L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) et l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) voient leurs moyens préservés. Nous avons confié à l'Anact la gestion du Fonds pour l'amélioration des conditions de travail (Fact), afin de la rendre plus proche du terrain. Les moyens de ce fonds seront accrus : ils passeront de 1,3 million d'euros en 2008 à 2 millions en 2009, pour atteindre 4 millions en 2011, comme je m'y étais engagé devant les partenaires sociaux lors de la première conférence sur les conditions de travail.

Nous devons également renforcer et moderniser l'intervention de nos services pour la mise en oeuvre et le contrôle de la politique du travail. Comme vous l'avez souligné, monsieur Dassault, ce budget traduit très fidèlement les engagements pris au titre du plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail, avec la création de 160 postes d'agents de contrôle. Le plan renouvelait également la gestion des services de l'inspection. Chaque année depuis 2006, des appels à projets sont lancés auprès des directions régionales pour qu'elles conçoivent, en concertation avec les agents et leurs représentants, des programmes régionaux de modernisation et de développement de l'inspection du travail, répondant aux différents enjeux de la politique du travail en fonction du contexte local.

Comme vous l'écrivez dans votre rapport, monsieur Dassault, la révision générale des politiques publiques est à l'oeuvre. La fusion des services des inspections du travail, dont on parle depuis longtemps, devient réalité. Cette réforme simplifiera l'accès des salariés et des employeurs à l'information sur le droit du travail et assurera une meilleure couverture du territoire. Ce budget inclut l'intégration dans notre ministère de 387 emplois en provenance des Transports et 296 en provenance de l'Agriculture. Le regroupement physique des agents au sein de mêmes locaux interviendra rapidement.

Nous avons également créé des directions régionales chargées des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi. Les expérimentations menées dans cinq régions ont donné des résultats très positifs.

Les agents souhaitent passer à la vitesse supérieure ; ils nous demandent de leur donner des perspectives précises sur l'avenir de nos services. Les Français eux aussi attendent des administrations qu'elles s'adaptent à leurs besoins. C'est la raison pour laquelle, nous avons décidé d'accélérer le rythme de la réforme, qui devrait être achevée le 1er janvier 2010.

Tout cela témoigne de l'ambition réformatrice du Gouvernement, que je vous remercie d'avoir reconnue, monsieur Gournac.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Eh oui !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - En somme, ce budget permettra d'atteindre les objectifs d'une politique du travail moderne, adaptée à notre temps. Je vous remercie de votre confiance. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.  - Après la présentation vigoureuse et dynamique de Xavier Bertrand, je tenterai de vous exposer les principales orientations de la politique de l'emploi et de répondre à vos interrogations.

En cette période de crise, il nous faut concilier deux exigences : la nécessité de remédier aux situations d'urgence, et d'apporter soutien et réconfort aux plus fragiles ; mais aussi l'obligation de résister à la tentation de surseoir aux réformes de structures pour privilégier des artifices conjoncturels qui ne seraient que de la poudre aux yeux.

La politique de l'emploi doit d'abord pourvoir aux besoins urgents, et apporter des réponses à la conjoncture économique. Je sais que M. Gournac, en tant qu'élu local, est très impliqué dans les actions de soutien aux salariés. Nous disposons de trois instruments, qui se fondent sur le même raisonnement : en période de crise, le plus grave n'est pas de perdre son emploi, mais de perdre l'espoir d'en retrouver un. Notre volonté n'est pas de créer des sécurités illusoires, visant à prémunir les salariés contre des licenciements parfois inéluctables, mais d'aider les personnes licenciées à rebondir. C'est l'objectif de ce que j'appellerai « l'assurance professionnelle ».

La convention de reclassement personnalisé constitue le premier étage de la politique d'accompagnement des salariés licenciés. Mais ce dispositif ne fonctionne pas : le taux d'adhésion volontaire est faible, et le taux de retour à l'emploi insuffisant.

Mais il existe un deuxième étage : le contrat de transition professionnelle, qui s'est révélé très utile dans les territoires les plus fragiles, à Valenciennes, Sandouville ou Niort. L'expérimentation que nous avons menée sur sept sites a montré l'efficacité du dispositif : 80 % des salariés y ont adhéré volontairement, et plus de six sur dix ont retrouvé un emploi en moins d'un an. Lors d'un déplacement en compagnie du Président de la République à Valenciennes, nous avons recueilli le témoignage d'un salarié licencié d'une entreprise de fruits et légumes, qui souhaitait se reconvertir dans le secteur du bâtiment. D'après lui, il est impossible de se réorienter ainsi tout seul, sans aide ni formation. Mais si l'on tend la main aux personnes qui en ont besoin, alors tout est possible ! Un amendement à ce projet de loi de finances permettra de consolider ce dispositif, qui tient à coeur à M. Gournac.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Oui, parce que j'y crois !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Le deuxième instrument conjoncturel dont nous disposons, c'est le soutien au chômage et à l'activité partiels. Commençons par un constat de bon sens : tout vaut mieux que de perdre son emploi ou de voir disparaître son entreprise. Une PME qui fait faillite ne revient pas. Nous devons permettre aux salariés de traverser sans trop de mal des périodes de faible activité. L'enveloppe consacrée à l'indemnisation de l'activité partielle a été portée de 19 à 39 millions d'euros. J'ai d'ailleurs demandé aux partenaires sociaux de se saisir de cette question, afin d'apporter de la souplesse à ce dispositif, et d'améliorer l'indemnisation.

Le troisième instrument, ce sont les contrats aidés. Nous allons en créer 100 000 de plus, financés par une enveloppe de 250 millions d'euros. Soyons clairs sur la philosophie des contrats aidés. Ils visent d'abord à accompagner ceux de nos concitoyens qui ne peuvent trouver un emploi dans le secteur compétitif, quelle que soit la conjoncture économique : c'est un impératif de solidarité nationale. Mais ils ont aussi pour objet, dans une période de tension sur le marché du travail, d'empêcher les travailleurs licenciés de dériver vers le chômage de longue durée. Nous assumons parfaitement, monsieur Desessard, de recourir aux contrats aidés !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Bien sûr ! Il n'y a pas de honte à cela !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Nous avons d'ailleurs anticipé la crise, puisque dès le mois de juillet, nous avons décidé de créer plus de 60 000 emplois aidés. Cela permet aujourd'hui à ce dispositif de monter en puissance.

Mais il ne s'agit pas de commettre les mêmes erreurs que M. Jospin, qui avait créé 550 000 contrats aidés dans une période de très forte croissance ! Car notre but n'est pas de faire du chiffre, d'expurger un certain nombre de personnes des statistiques du chômage en les plaçant dans des voies de garage. Notre but, c'est de les accompagner et de les aider à retrouver du travail, à l'issue du contrat aidé. J'ai donc demandé à mes services d'en finir avec une pratique qui consistait à ne plus s'occuper des gens une fois signé le contrat aidé, en les laissant retourner dans leur galère au terme du contrat. Il nous faut anticiper, et favoriser une réinsertion durable des salariés dans le monde du travail.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Très bien !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - J'en viens aux priorités du budget de 2009. Je dirai d'abord un mot des choix budgétaires du Gouvernement. Certes, les dotations sont en diminution, mais cela résulte des réformes de l'année dernière sur les préretraites et le contrat de professionnalisation. Un amendement a été voté pour abonder les crédits qui devraient encore croître conformément aux engagements du Président de la République : le budget se trouve ainsi conforté à hauteur de 400 millions.

La formation professionnelle reçoit 26 milliards et le budget pour l'emploi atteint 4,5 milliards. Cependant, l'efficacité d'une politique ne se mesure pas à l'aune des lignes budgétaires : un bon budget cible les priorités et évalue chaque mesure. Je m'engage à répondre au président Arthuis afin de revenir devant vous avec une évaluation de la politique de l'emploi. Précisément parce qu'il s'agit de nos compatriotes les plus fragiles, nous devons faire en sorte que chaque euro réponde à un besoin.

Les allégements de charges ? Il y a une divergence. Je crois profondément en cette politique car nous avons les coûts les plus élevés pour les salaires les plus modestes. Tous les avis d'experts sont concordants : les allégements de charges ont créé ou préservé 800 000 emplois. Je ne me livrerai donc pas à une apologie des 35 heures et je n'en rappellerai pas le coût : 90 % des allégements profitent à des salariés gagnant entre 1 et 1,35 Smic. Dans ces conditions, le débat sur le recentrage est-il le bon ? Ne provoquons pas des effets de seuil au risque de créer des trappes à bas salaires. Les allégements de charges bénéficient en priorité aux salaires modestes...

M. Jean Desessard.  - Pourquoi ne les augmentez-vous pas ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - ...et aux PME. Cette politique préserve l'emploi des plus fragiles, ceux pour lesquels des augmentations de salaires auraient des effets catastrophiques.

J'ai répondu en commission sur la fiscalité des indemnités journalières. Le débat sera tranché en commission mixte paritaire mais le Gouvernement maintient son opposition à la fiscalisation.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Très bien !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - La politique en faveur des jeunes, madame David, obtient un financement de 340 millions, notamment pour les contrats autonomie. En tendant la main aux jeunes les plus éloignés de l'emploi et en les accompagnant, on obtient des résultats.

Nous reviendrons avec M. Paul Blanc sur la situation des handicapés. Il en est de même du Pôle emploi, que je remercie Mme Henneron d'avoir évoqué. M. Desessard et Mme Jarraud-Vergnolle ont insisté sur les entreprises d'insertion. S'agissant du remboursement de l'État à la sécurité sociale, l'Acoss n'avait pas bien ciblé ses calculs et demandait trop à l'État : il est normal que chacun assume ses responsabilités. En revanche, vous avez raison, cet outil précieux doit gagner en souplesse.

Les réformes structurelles, c'est d'abord Pôle emploi. Il est temps de se doter d'un service public efficace. Alors, oui, nous demandons de gros efforts aux agents de l'ANPE et des Assedic ; oui, tout le monde doit, dans cette période, améliorer le service aux demandeurs d'emploi ; oui, nous voulons que ces agents exemplaires et motivés soient en ordre de bataille car il ne s'agit pas de ralentir mais d'accélérer.

La formation professionnelle ensuite. Non, les outils ne sont pas suffisants pour les salariés modestes ni pour les PME mais, non, nous ne voulons pas d'un éclatement de l'Afpa car l'échelon régional serait trop réduit. Aux crédits de fonctionnement, exactement reconduits, s'ajoutent 175 millions pour les appels d'offres.

Le dernier chantier est celui de l'indemnisation du chômage. Même si les partenaires sociaux ont déjà beaucoup de dossiers sur la table, on ne peut se contenter d'un constat. Nous devons au contraire aller chercher les emplois et en améliorer la qualité, qu'il s'agisse des emplois verts, des services ou de l'hôtellerie.

Par le passé, en période de chômage, on a trop recouru à des expédients pour obtenir un effet statistique. Ne retombons pas dans cette ornière. Je préfère employer l'argent à l'emploi des seniors qu'aux préretraites, à l'emploi des jeunes plutôt qu'à un allongement factice des études. Nous avons besoin d'une autre politique, d'une politique active de soutien à l'emploi. (Applaudissements à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je rends hommage au ministre, que j'ai été heureux d'entendre sur les charges sociales proclamer sa conviction qu'il faut réduire les coûts et améliorer la compétitivité des entreprises et des territoires. Nous aurons l'occasion de revenir sur les allégements de charges avec le budget des sports au prétexte que des sportifs de haut niveau seraient séduits par des clubs étrangers.

M. Jean Desessard.  - Quel gaspillage !

M. Guy Fischer.  - A 250 000 euros par mois...

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - J'ai soulevé le cas des gérants de fonds communs de placement de capital risque qu'il faudrait retenir de partir à Londres ou à Dubaï... Je veux également vous rendre attentif au fait que les salariés de l'automobile sont eux aussi exposés à la mondialisation. Il y a, bien sûr, dans le débat politique des sujets tabous mais accepter les tabous, est-ce le meilleur moyen de surmonter les difficultés auxquelles nous sommes confrontés ? Il serait donc judicieux, monsieur le ministre, d'envisager de financer autrement la protection sociale. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Desessard.  - Mais pas la TVA sociale ?

Examen des crédits

Article 35 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-165, présenté par le Gouvernement.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - J'ai déjà fait référence à ce que j'appelle l'assurance professionnelle. Cet amendement abonde de 46 millions le contrat de transition professionnelle et les dépenses de chômage partiel.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - C'est une excellente chose mais la commission, qui est favorable à l'amendement, souhaiterait savoir quels bassins en profiteront et sur quel budget vous prendrez ces 46 millions.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Nous sommes favorables à cet amendement. Le Gouvernement peut-il toutefois nous indiquer sur quels critères les dix-huit bassins supplémentaires seront retenus ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Ces 46 millions, monsieur Dassault, sont prélevés sur les provisions au sein du budget de l'emploi.

M. Jean Desessard.  - Je n'ai rien compris !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Avec les CTP et leur extension, nous nous dotons d'une force de réaction rapide. Les sept contrats actuels, dont Valenciennes, Saint-Dié ou Vitré, sont confortés. Pour les dix-huit autres, je déposerai la semaine prochaine un amendement qui précisera les critères selon lesquels ils seront choisis, des critères simples tels que l'importance des restructurations en cours et des pertes d'emplois. Jusque là, pour éteindre un incendie économique sur un territoire, il fallait passer devant le Conseil d'État, puis le conseil des ministres, puis le Parlement avant de mettre en place un dispositif adapté. Nous pourrons demain répondre immédiatement aux situations difficiles.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je comprends que cet amendement ne dégradera pas le solde (M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État le confirme). La situation sur le terrain peut évoluer rapidement. Dresser aujourd'hui la liste des nouveaux bassins d'emplois concernés n'est sans doute pas de bonne méthode. J'imagine que vous nous préciserez lors de l'examen des articles non rattachés les critères qui permettront de s'adapter aux circonstances. (Même mouvement)

L'amendement n°II-165 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-125 rectifié, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Cet amendement affecte à l'Afpa 75 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement, pris sur le programme 155.

L'Afpa va être mise en concurrence, ses missions d'audit lui ayant déjà été retirées. La situation est confuse. Plutôt que de poursuivre ce qui apparaît à beaucoup comme le démembrement de l'Afpa, mieux vaut prendre un peu de temps pour négocier un nouveau contrat de progrès et éclairer les personnels sur l'avenir. Du temps aussi pour que les régions ne soient pas mises devant le fait accompli. Le procédé est éprouvé qui consiste à transférer des compétences aux collectivités territoriales sans les moyens correspondants ; iI est alors facile de dénoncer leur mauvaise gestion !

Il faut prendre du temps enfin pour préciser la position de l'Afpa au regard de la concurrence. Le Gouvernement se retranche derrière un avis du Conseil de la concurrence et une réglementation européenne ; mais celle-ci est nuancée, qui prévoit que les services économiques d'intérêt général -les services publics en bon français- peuvent bénéficier de subventions et donc ne pas être soumis à la concurrence. Personne ne conteste que l'Afpa accomplit une mission de service public ; elle n'a donc pas à faire les frais d'une politique idéologique de désengagement qui va à contre-courant des nécessités de l'heure. (Applaudissements à gauche)

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Nous avons sollicité Bruxelles, l'Inspection générale des finances, la Cour des comptes, le Conseil de la concurrence : tous les avis convergent, la mise en concurrence en matière de formation professionnelle est une obligation. On peut en penser ce que l'on veut, l'état du droit est celui-là. Si l'amendement était adopté, le budget risquerait d'être annulé et ces 75 millions seraient soustraits aux appels d'offres et à travers eux, peut-être à l'Afpa. J'ajoute que des recours sont pendants, dont le dénouement, si nous ne nous soumettons pas à la règle, pourrait mettre en péril la pérennité du financement de l'Afpa. L'amendement aurait un impact catastrophique.

Vous prenez en outre ces 75 millions sur le programme 155, qui inclut les frais de personnel et de fonctionnement : je ne pense pas que vous souhaitiez sabrer dans ces dépenses...

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous vous en chargez ! C'est votre spécialité !

L'amendement n°II-125 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-126 rectifié, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Il s'agit d'abonder de 10 millions les crédits de l'Agence pour l'amélioration des conditions de travail (Anact), pris sur le programme 155.

La politique du Gouvernement et de sa majorité en matière de pénibilité et d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles est pleine de contradictions. La majorité sénatoriale vient de s'illustrer en fiscalisant les indemnités journalières consécutives à un accident du travail, ce qui soulève un tollé justifié ; nous espérons que cette disposition scandaleuse disparaîtra en CMP. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, le signe du peu de considération pour les victimes d'accident, mais aussi pour les salariés qui courent des risques au travail. La négociation sur la pénibilité, que le patronat a fait traîner, n'a pas abouti ; le Gouvernement ne s'en est guère ému. La prévention des accidents et des maladies professionnelles a fait l'objet, dans le cadre de l'accord des partenaires sociaux du 12 mars 2007, de deux conférences, en octobre 2007 et juin 2008, qui ont traité des troubles musculo-squelettiques, du stress au travail, du harcèlement, et des risques psychosociaux. Or, depuis les grandes directives européennes des années 1990, l'effort de prévention s'est beaucoup dilué.

La prévention est affaire de formation et de moyens pour améliorer concrètement les conditions de travail, particulièrement dans les PME et TPE dépourvues de représentants du personnel et de CHSCT, où les risques sont les plus importants.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avis défavorable. La gestion des crédits confiés à l'Anact n'est pas encore optimale ; nous prévoyons une montée en puissance dans les trois ans, 3 millions en 2010 et 4 en 2011. Attendons de voir comment la nouvelle enveloppe sera dépensée, l'objectif étant qu'elle le soit en totalité.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - J'avais prévu de le dire dans mon intervention : Mme Lagarde s'était bien opposée à l'amendement fiscalisant les indemnités journalières.

L'amendement n°II-126 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Je mets aux voix les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Mme Annie David.  - Un mot d'abord sur l'organisation de nos travaux. Nous terminons à peine l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui nous a beaucoup occupés ; et le rapport écrit de M. Gournac sur cette mission n'a été disponible que samedi matin... Nous avons ainsi été privés d'un travail en profondeur, d'autant que la mission manque de lisibilité et qu'aucun comparatif avec les années antérieures ne nous a été fourni.

Après le texte abusivement intitulé « Projet de loi en faveur des revenus du travail » et celui sur le RSA, ce budget poursuit le désengagement de l'État de la politique sociale. Malgré une situation économique catastrophique, vous persévérez dans une politique toujours plus généreuse d'exonérations de charges, dont on sait pourtant l'inefficacité en termes d'emploi.

Le maintien d'une diminution de 5 % des crédits prouve assez que le Gouvernement n'entend pas satisfaire les besoins du plus grand nombre mais du capital et de ceux de ses amis qui en tiennent les rênes. Aux uns le chômage, la flexibilité, le temps partiel subi, les horaires atypiques et, bientôt, le travail du dimanche ; aux autres les parachutes dorés. C'est le retour au XVIIIe siècle, quand le salarié devait s'estimer bien content que son patron lui donne un emploi et un toit. Je croyais l'époque révolue. Je croyais qu'au seuil du XXIe siècle, le respect était une valeur partagée. Il n'en est rien.

Ce sont encore les salariés mis au chômage technique qui feront les frais du ralentissement de l'activité. Pour les intérimaires, ce sera tout simplement le chômage. La relance de l'économie passe au contraire par l'augmentation du pouvoir d'achat, donc la revalorisation des salaires, des pensions et des minima. Ce n'est pas ce que vous proposez et c'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.

Article 79

I.  -  Il est institué en 2009, au bénéfice du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, une contribution de 50 millions d'euros à la charge de l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, assise sur les ressources du fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés, mentionné à l'article L. 5214-1 du code du travail, en vue du financement de la rémunération des stagiaires de formation professionnelle handicapés.

Cette contribution est versée en deux échéances semestrielles, la première avant le 1er juin 2009 et la seconde avant le 1er décembre 2009. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à cette contribution sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.

II.  - Au 3° de l'article L. 6222-2 du code du travail, les mots : « et dont l'âge maximal, fixé par décret, ne peut être supérieur à trente ans » sont supprimés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-127, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Cet article prélève 50 millions sur le budget de l'Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées). Le fait est devenu coutumier et l'association vous sert depuis longtemps de structure de trésorerie.

Il était déjà paradoxal de prévoir une augmentation de la rémunération des stagiaires handicapés sans abonder les crédits en conséquence. Vous allez plus loin, vous ponctionnez l'Agefiph, dont la relative prospérité n'est due qu'au refus des entreprises de s'acquitter de leurs obligations d'embauche de personnel handicapé alors même que vous venez de signer avec elle une convention qui vise à développer ses activités. Où est la cohérence ?

L'amendement déposé par M. Paul Blanc et Mme Hermange montre que la majorité partage nos préoccupations, même si nous ne souscrivons pas à leur choix de puiser ailleurs un complément : est-il prudent, par les temps qui courent, d'attirer l'attention du Gouvernement sur le budget du FIPHFP (Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique) ?

Nous regrettons l'absence d'une politique nationale d'envergure pour l'insertion professionnelle des handicapés. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-149, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Annie David.  - Ce prélèvement, 10 % du budget annuel de l'Agefiph, permet à l'État de se défausser de ses obligations en lui faisant financer, au détriment de ses actions de formation, des missions qui ne relèvent pas de sa compétence, au motif que le budget de l'association serait excédentaire. On connaît le raisonnement : c'est celui que vous avez déjà avancé pour les mutuelles complémentaires. Moyennant quoi, vous faites supporter à l'association de nouvelles charges en l'obligeant, selon votre technique habituelle, à opérer elle-même les arbitrages.

Le paradoxe est qu'il y a six mois, estimant que l'Agefiph pouvait faire un effort supplémentaire, le Gouvernement a engagé une négociation qui s'est conclue par la signature d'une convention triennale. La ponction que vous opérez aujourd'hui constitue un manquement grave à cet engagement conventionnel, qui lance un très mauvais signal aux partenaires. La parole de l'État ne vaut donc désormais que quelques mois...

Sans compter que l'incertitude dans laquelle vous plongez l'association est incompatible avec la programmation à moyen terme décidée par son dernier conseil d'administration. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-148 rectifié, présenté par M. Paul Blanc, Mmes Hermange, Debré, Procaccia, Bout, MM. Gilles, Cantegrit, Mmes Goy-Chavent, Giudicelli, Bernadette Dupont, M. Milon, Mme Henneron, MM. Juilhard et Lardeux.

Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer le montant :

50 millions

par le montant :

25 millions

M. Paul Blanc.  - Mme Jarraud-Vergnolle a presque défendu notre amendement, à ceci près que nous divergeons sur le fond. Il est normal que l'Agefiph participe à la rémunération des stagiaires handicapés : cela fait partie de ses missions. Mais ponctionner l'Agefiph au motif qu'elle disposerait d'un bas de laine n'est pas équitable : elle n'est pas seule dans ce cas. Nous avons donc déposé cet amendement d'appel : ne serait-il pas juste de partager l'effort entre l'Agefiph et le Fonds de la fonction publique ?

Depuis la réforme de la Constitution, que j'ai votée, les parlementaires sont requis pour assurer le suivi des lois qu'ils ont adoptées. Ce que je fais, comme rapporteur de la loi de février 2005. J'étais, il y a dix jours, au centre de rééducation professionnel de Millau, où j'ai rencontré un paraplégique qui, ne pouvant plus, comme il le souhaitait, se destiner à la boulangerie, a pu devenir, grâce au centre, contrôleur des impôts. N'est-il pas normal, au vu de cet exemple, de considérer que le FIDHFP doit participer ? Une répartition équitable du financement est souhaitable.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - La commission est défavorable aux deux amendements de suppression. Elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°II-148 rectifié.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Défavorable aux amendements de suppression de l'article : il est normal que l'Agefiph participe au financement des salaires des stagiaires.

M. Paul Blanc, dont j'apprécie un engagement dont j'ai pu mesurer la sincérité au sein de l'Association des élus de la montagne, souhaite voir l'effort équitablement réparti. J'ai vérifié la situation des deux organismes. L'Agefiph dispose d'un fonds de trésorerie de 415 millions, qui équivaut à près d'une année complète d'action. C'est considérable. Personne ne contestera le fait qu'il ne soit pas souhaitable de laisser ainsi dormir des fonds destinés aux handicapés. Le FIPH a aussi un fonds de roulement, mais de 230 millions seulement. Nous demandons 50 millions à l'Agefiph mais également 35 millions au FIPH pour le financement de mesures en faveur des travailleurs handicapés du secteur privé. L'an dernier, nous n'avions rien demandé à l'Agefiph tandis que le FIPH était sollicité pour 70 millions.

L'effort pèse donc sur les deux organismes, il est proportionné aux réserves de chacun d'eux : retrait, sinon rejet de l'amendement n°II-148. Mais je m'engage, monsieur le sénateur, à ce que nous examinions ensemble de très près quel usage sera fait de ces fonds.

M. Paul Blanc.  - Je vous entends, mais permettez-moi de ne pas être d'accord. Le FIPH fait certes un effort pour Cap emploi, mais celui-ci est bien financé par l'Agefiph. Ensuite, si davantage de travailleurs handicapés intègrent la fonction publique grâce à la formation, les cotisations baisseront, et ce sera très positif ! Car ces fonds n'ont pas vocation à durer : si les employeurs, y compris publics, respectaient la règle des 6 %, nous ne discuterions pas de ces réserves ! On a le sentiment que certains veulent pérenniser ces fonds, mais ce n'est pas du tout l'esprit de la loi de février 2005. Je maintiens mon amendement.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Je le regrette, tout en comprenant vos arguments. N'oublions pas, cependant, qu'en intervenant sur Cap emploi, le FIPH est en dehors de son périmètre. Je m'engage, monsieur le sénateur, à ce que nous regardions de très près quel aura été l'impact des fonds sur les actions de formation.

M. Paul Blanc.  - Je vais retirer mon amendement. (Exclamations à gauche, on manifeste son contentement à droite) Mais je veux un engagement solennel, monsieur le ministre, que les fonds iront bien aux actions pour les personnes handicapées. Les frais de fonctionnement absorbent 7,5 millions et la publicité un million, c'est inacceptable ! Ces sommes seraient plus utiles en servant directement aux personnes handicapées ! Je retire, contraint et forcé - et avec beaucoup d'amertume.

L'amendement n°II-148 est retiré.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Je mesure votre geste à sa juste valeur, sachant ce qu'il vous coûte. Nous nous connaissons bien, nous travaillons ensemble dans des cercles où la parole donnée doit être tenue : je m'engage solennellement, monsieur le sénateur, à suivre avec vous l'usage qui sera fait de ces fonds !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Je suis d'accord, pour une fois, avec M. Paul Blanc : le FIPH n'a pas vocation à durer, l'objectif est bien l'emploi des personnes handicapées et l'État a la charge de leur dispenser une formation en attendant. Il est regrettable que le FIPH ait été utilisé pour pallier l'impéritie de l'État, sans beaucoup de transparence. Les travailleurs handicapés ont besoin de sécuriser leur parcours professionnel ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Annie David.  - Les fonds ne seraient effectivement pas récoltés si les employeurs respectaient les 6 %, mais ce seuil n'est jamais atteint. L'éducation nationale même a comptabilisé les accompagnants de personnes handicapées, parmi les travailleurs handicapés. Beaucoup reste à faire pour que les travailleurs handicapés aient toute leur place dans notre société !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Les versements à l'Agefiph doivent aller intégralement aux personnes handicapées, ou bien ils n'ont pas de raison d'être. C'est ce que nous avions voulu en votant la loi, nous avions même prévu une majoration de la pénalité, après trois ans. Si les entreprises embauchaient 6 % de personnes handicapées, l'Agefiph disparaitrait. L'éducation nationale a montré le mauvais exemple avec les assistantes de vie, comptabilisées comme travailleurs handicapés : c'est incompréhensible ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Michel Mercier.  - Certains corps de la fonction publique peuvent intégrer facilement des travailleurs handicapés, d'autres pas. Mon conseil général vient de recevoir une facture de un million pour ne pas avoir embauché suffisamment de personnes handicapées dans ses services de sapeurs-pompiers professionnels, ce n'est pas si facile !

M. Guy Fischer.  - Il y a des postes administratifs !

Mme Catherine Procaccia.  - Peut-être au standard téléphonique...

M. Michel Mercier.  - Nous avons déjà 181 sapeurs-pompiers professionnels en reclassement. Avec la pénalité, ça commence à faire beaucoup !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - C'est la même chose dans les Yvelines !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Ce débat nous rappelle que l'examen des amendements est bien le moment fort de la discussion budgétaire. Nous voulons tous faire le maximum pour les travailleurs handicapés, mais faut-il pour autant graver cette action dans le marbre de la loi ? Ce n'est pas sûr. L'accès à la fonction publique est fondé sur le concours, ce principe se concilie difficilement avec le respect d'un quota de 6 %. Un maître d'ouvrage public doit prévoir l'accès aux toilettes pour les personnes handicapées, dans un équipement sportif qui manifestement ne sera pas utilisé par des personnes handicapées : cela confine à l'absurde !

Nous devons donc concilier l'objectif de solidarité et la faisabilité financière. L'Agefiph et le FIPH disposent de 650 millions, cette somme a contribué au renchérissement du travail dans notre pays, elle a été un accélérateur de délocalisation de l'emploi. Nous devons être cohérents !

M. Paul Blanc a excellemment présenté le problème, mais il faut une solution raisonnable. Quant à la menace d'une punition, elle ne suffit pas à l'embauche de travailleurs handicapés, nous le savons bien. Les fonds de roulement ont pu être investis en bons du Trésor et financer le déficit, ce n'est pas là leur vocation ; mais supprimer l'article 79, ce serait déraisonnable !

Les amendements identiques n°sII-127 et II-149 ne sont pas adoptés.

L'article 79 est adopté.

Article 80

I.  -  La sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est abrogée à compter du 1er janvier 2009.

II.  - Les allocataires qui, à la date mentionnée au I, bénéficient de l'allocation prévue par l'article L. 5423-7 du code du travail continuent à la percevoir jusqu'à l'expiration de leurs droits. Les coûts afférents au maintien du bénéfice de cette allocation restent à la charge du fonds de solidarité mentionné à l'article L. 5423-24 du même code.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-128, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - L'article 80 supprime la prise en charge par l'État de l'allocation de fin de formation (AFF) qui permet aux demandeurs d'emploi en fin de droits de percevoir une indemnisation jusqu'au terme de leur formation. Le Gouvernement entend réaliser ainsi une économie de 169 millions au motif que certains chômeurs sont tentés de retarder leur retour en activité pour prolonger leur période de formation rémunérée. Cette suppression fait suite à celle de l'allocation équivalent retraite...

Il faut savoir que l'AFF se monte -si l'on peut dire- à 442 euros par mois. On est assez loin des remboursements du bouclier fiscal... Avec cet article 80, le Gouvernement prend les devants pour limiter ses engagements et en transférer la charge sur l'assurance chômage. Nous nous opposons à ce nouveau désengagement.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-150, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SDG.

Mme Annie David.  - Cet article 80, c'est un nouveau désengagement de l'État : vous entendez mettre fin à l'allocation de fin de formation destinée aux demandeurs d'emploi en fin de droit mais poursuivant une formation. Dans le contexte de crise et d'explosion du chômage, ce désengagement est inacceptable. Mais il était prévisible compte tenu de la modification que vous aviez apportée en décembre 2006, limitant le versement de cette allocation aux seules formations concernant les métiers en tension. A ce propos, les sommes théoriquement incluses dans le budget du Pôle emploi pour la formation seront-elles réservées aux seules formations relatives aux métiers en tension ou respecterez-vous les choix exposés par les salariés dans leur projet personnalisé ?

Par ailleurs, nous craignons que le Pôle emploi ne satisfasse pas l'intégralité des demandes de formation. C'est à toute la formation professionnelle que vous entendez vous attaquer et votre acharnement à l'encontre de l'Afpa le prouve. Vous commencez par diminuer son budget de 40 % et on sait que la direction de l'Afpa multipliera bientôt les formations de courte ou de très courte durée au détriment des formations qualifiantes de longue durée. Certains modules de formations seront supprimés, d'autres réduits et ce, malgré la forte demande, ce qui provoque l'inquiétude des petites et très petites entreprises. Les artisans de la vallée de l'Arve, par exemple, dont la spécialité est le décolletage, s'inquiètent de la fermeture annoncée de la formation Afpa dans ce domaine...

Parallèlement, le ministère du travail se désengage de la certification, ce qui permettra aux entreprises privées ne pouvant pas proposer des formations certifiées de concurrencer l'Afpa. Car le but de tout cela, c'est la mise en concurrence de l'Afpa, comme l'atteste votre volonté de procéder à des appels d'offres. Vous nous répondrez que la législation européenne vous y oblige puisque, dans un avis du 18 juin 2008, le Conseil de la concurrence a estimé que la formation professionnelle était une activité économique, dans toutes ses composantes. En conséquence, l'Afpa doit être qualifiée d'entreprise au sens du droit communautaire et être soumise à toutes les règles du droit de la concurrence. Il est grand temps d'arrêter de vous cacher derrière une Europe libérale, qui prend les mesures que vous l'avez autorisée à prendre, en adoptant les traités de Maastricht, de Nice ou de Lisbonne.

Vous le savez, aucune structure ne peut concurrencer l'Afpa, seule à proposer des formations de longue durée, qualifiantes et reconnues comme telles, proposant à la fois la formation et des services gratuits associés, comme l'hébergement, le suivi médical ou la restauration, mais aussi un accompagnement personnalisé des stagiaires. Les résultats sont là : sept stagiaires sur dix accèdent à un emploi dans les six mois qui suivent leur formation, 74 % estiment avoir atteint leur objectif, 73 % des entreprises clientes estiment que le projet contracté a été réussi et 81 % des stagiaires obtiennent un titre professionnel à l'issue de leur formation. Ce ne sont donc pas les missions que vous entendez mettre en concurrence mais plutôt les financements publics que vous entendez partager avec le privé.

Je voudrais des précisions sur les 220 sites de l'Afpa, dont les situations sont très diverses : les terrains appartiennent aux communes, à l'État ou, parfois, à l'association alors que le bâti appartient souvent à l'État. Il serait question de transférer la propriété de ces biens immobiliers et de leurs terrains à l'Afpa, avec les frais d'entretien, de rénovation et de maintenance que cela suppose et qu'elle n'est pas en mesure de financer. Où en sont ces projets et entendez-vous doter l'association des moyens supplémentaires correspondant à ces nouvelles dépenses ? (Applaudissements à gauche)

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Il est légitime de partager les tâches pour que chacun assume ses responsabilités.

L'amendement n°II-128, identique à l'amendement n°II-150, n'est pas adopté.

L'article 80 est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°II-38, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances.

Après l'article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport évaluant l'efficacité des allègements généraux et ciblés de cotisations sociales au regard de la politique de l'emploi.

Ce rapport s'attachera notamment à exposer :

a) le bilan et le coût de ces dispositifs depuis leur mise en oeuvre ;

b) les méthodes envisageables pour en réduire la charge sur les finances publiques ;

c) les dispositifs alternatifs de soutien à l'emploi et aux entreprises.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - L'efficacité des allégements de cotisations sociales au regard de la politique de l'emploi doit être évaluée. En quinze années d'application, ces exonérations auront représenté plus de 200 milliards au total. Or, on ne sait pas si elles servent à quoi que ce soit ! Le débat n'est pas tranché et les études disponibles du Conseil d'orientation pour l'emploi, du Centre d'analyse stratégique, de la révision générale des politiques publiques ainsi que l'avis de la Cour des comptes ne font pas consensus. C'est bien beau de dépenser de l'argent, mais où le prend-on ? Tout cela aggrave l'endettement.

M. Jean Desessard.  - Adressez-vous au Gouvernement !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - Vous, vous croyez que l'argent tombe tout seul, vous ne savez pas comment ça marche !

M. Jean Desessard.  - Et les banquiers, vous croyez qu'ils savent comment ça marche ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - Eux, ils n'ont plus d'argent ! (Rires)

Au regard de la dégradation des comptes publics, tant de l'État que de la sécurité sociale, un bilan devient urgent. C'est pourquoi je propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport exposant le bilan et le coût de ces dispositifs depuis leur mise en oeuvre ; les méthodes envisageables pour en réduire la charge sur les finances publiques ; les dispositifs alternatifs de soutien à l'emploi et aux entreprises. Car le soutien à l'emploi, ce n'est pas seulement le soutien aux chômeurs, c'est aussi le soutien aux entreprises pour qu'elles investissent, vendent et, ensuite, embauchent.

Il s'agit certes d'un rapport de plus. Mais l'importance des montants en jeu, plus de 33 milliards par an jusqu'en 2012, justifie que cette politique soit clairement évaluée. On additionne toujours les allégements sans jamais en supprimer aucun. Toujours plus ! On n'ose pas supprimer ! Il y a un moment où il faut arrêter !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - J'irai plus loin qu'un rapport : je soumettrai au Parlement, à la rentrée, un programme d'évaluation chiffré de l'ensemble de la politique de l'emploi de façon à revenir devant la commission des finances avec des données, y compris sur ces exonérations de charges.

M. Jean Desessard.  - Vous aurez changé de ministère et on n'aura rien du tout !

L'amendement n°II-38 est adopté et devient article additionnel.

Défense

Mme la présidente.  - Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Défense ».

Interventions des rapporteurs

M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances.  - En 2007, j'avais qualifié le budget de la défense pour 2008 de budget d'attente et de transition. Nous attendions les résultats de la révision des programmes, le Livre blanc, la restructuration des armées et la loi de programmation militaire. En 2007 je saluais une professionnalisation réussie, témoignage de la qualité de nos militaires et de la persévérance qu'ils apportent aux tâches les plus ardues. Et nous nous réjouissions tous qu'une loi de programmation militaire soit enfin respectée de bout en bout. C'était faire bon marché de deux lacunes manifestes, qui ont conduit à des sous-effectifs chroniques et un sous-investissement en matériel militaire. Le financement des Opex a pesé chaque année sur les crédits du titre V, annulés, reportés. Si bien qu'après deux lois de programmation non exécutées entièrement, une « bosse programmatique » s'est formée. Le besoin de financement atteint 21 milliards d'euros ! Le retard des investissements en matériel justifiait à lui seul une révision drastique de la programmation. Monsieur le ministre, comment avez-vous pu aboutir à reprogrammer une bosse de seulement 1,7 milliard pour la période 2009 - 2010 ? Le problème sera-t-il alors définitivement réglé ?

La situation explique pourquoi le Gouvernement nous propose une révision draconienne du format de nos armées et de son organisation. Approuver le projet de budget de la défense pour 2009 signifie que nous comprenons la loi de programmation que vous nous présenterez bientôt. En effet, la révision des programmes est achevée, le Livre blanc tire les conclusions de l'adoption d'une stratégie moderne : on a enfin admis que le modèle d'armée 2015 et les moyens prévus pour l'atteindre ne sont pas à notre portée.

La restructuration des armées que vous conduisez avec une détermination remarquable est le fruit de ces réalités. Je ne dis pas que la France n'est plus à même de financer tout ce qui a été voulu ; mais en visant il y a quelques années un modèle aussi ambitieux pour 2015, les gouvernements n'ont pas été réalistes. Il fallait rectifier le tir ! Peut-on s'obstiner à vouloir détenir dans tous les domaines la meilleure qualité et en abondance ? La réponse est non. Vous avez eu le mérite de vous engager sur la voie indispensable d'une révision majeure.

Pour autant, la masse des crédits mis à la disposition de votre ministère est considérable et ne diminue pas. Aux 30,4 milliards d'euros de crédits budgétaires s'ajoute 1,6 milliard de ressources exceptionnelles, soit une augmentation de 5,3 % ! Le budget de la défense est le troisième, il absorbe 1,6 % du PIB. Les ressources exceptionnelles proviennent pour un milliard d'euros de cessions immobilières, laissées entièrement, à titre dérogatoire, à disposition du ministère de la défense. Les programmes de cessions ne pouvant avoir d'effet immédiat, un montage financier est mis en place, une structure -à laquelle participe la CDC- empruntera et assurera le relais qui vous permettra de disposer du produit des cessions en 2009. Le système est ingénieux mais êtes-vous assuré de son bon fonctionnement ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense. - Aucun problème !

M. François Trucy, rapporteur spécial.  - L'autre part des ressources exceptionnelles, soit 0,6 milliard d'euros, provient de la vente de fréquences hertziennes en particulier celle du réseau Felin, dont l'armée n'a dites-vous plus besoin. Êtes-vous assuré de leur vente et de leur paiement en 2009 ?

La restructuration des armées comporte une baisse considérable des effectifs, 54 000 emplois à temps plein entre 2009 et 2014. Progressive, elle touchera toutes les armes et s'effectuera d'une manière linéaire ; en 2009, ce sont 8 250 emplois qui seront supprimés. Gérer de telles réductions tout en maintenant les disponibilités opérationnelles, la formation et des recrutements de qualité sera très difficile -et pourtant essentiel à la réussite de la restructuration. Si les armées y parviennent, elles n'auront en tout cas plus aucune marge de manoeuvre. Toute exigence supplémentaire du Gouvernement sur la période causerait une atteinte directe et dramatique à l'opérabilité de nos forces. Le Sénat sera extrêmement vigilant. Quelle garantie pouvez-vous nous apporter, monsieur le Ministre ? La création des bases de défense, importante innovation, nous intéresse vivement. Qu'en attendez-vous ? Et comment pourrez-vous conduire cette réforme dans la réforme ?

Pour conserver une armée jeune, moderne, bien équipée, disponible, faut-il davantage de départs et des recrutements constants, ou moins de recrutements ? Les conséquences de ce choix sont très importantes ! Telles sont les principales interrogations que partagent les trois co-rapporteurs spéciaux. La commission des finances a donné un avis favorable au vote de vos crédits pour 2009. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial de la commission des finances.  - S'agissant de l'équipement des forces, le Livre blanc comporte la contraction de deux grands programmes d'armement, celui des frégates multimissions, 11 bâtiments commandés désormais contre 17 initialement, et celui des Rafale, 286 contre 297 à l'origine.

Pour financer les engagements, il faut des moyens exceptionnels, supérieurs aux crédits budgétaires. Les 1,6 milliard de ressources exceptionnelles en 2009 serviront à financer la « bosse ».

M. Didier Boulaud.  - C'est une bosse de chameau, non de dromadaire ! Il y en a deux !

M. Jean-Louis Carrère.  - Et il n'est pas certain qu'elles nous portent chance !

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial.  - Sur la période, 3,5 milliards d'euros sont à trouver. Je signale que des amendements ont été adoptés par la commission des finances à l'initiative de M. Arthuis et de Mme Bricq. Ils réservent 15 % du produit des cessions au désendettement de l'État.

M. François Trucy, rapporteur spécial.  - Mais pour la défense, l'affaire est réglée !

M. Josselin de Rohan.  - Vous êtes en retard !

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial.  - Il faudra 310 millions d'euros pour les frégates, 220 pour le Rafale, 120 pour les missiles balistiques M-51.

Je souligne qu'aucun engagement supplémentaire n'est prévu l'année prochaine en matière de Fremm, alors que les décisions nouvelles représentent la moitié des crédits de paiement complémentaires demandés pour le programme Rafale et la totalité des 120 millions inscrits au titre du missile M-51. Globalement, l'évolution des besoins du paiement correspond pour moitié à des coups déjà partis, confirmant la rigidité croissante des dépenses de défense. Cette évolution sera amplifiée en 2009, puisque les engagements atteindront le niveau inédit de 20 milliards d'euros, contre 10 milliards habituellement.

Ce doublement s'explique, à concurrence de 4 milliards d'euros, par 60 Rafale s'ajoutant aux 120 déjà commandés, à concurrence de 2 milliards d'euros pour les trois Fremm s'ajoutant aux 8 déjà engagés pour solder ce programme, à concurrence d'un milliard d'euros pour l'acquisition d'un sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda. Un sous-marin ayant déjà été commandé, il faudra en construire encore quatre pour atteindre l'objectif de six. Ainsi, le doublement des autorisations d'engagement correspond à des ambitions que nous avons autorisées depuis longtemps.

Le projet de loi de finances pour 2009 comporte ainsi une « bosse de paiement » d'un milliard découlant de coups déjà partis, auquel s'ajoute un milliard correspondant à 30 nouveaux Rafale. En revanche, la « bosse » des engagements non concrétisés passera de 35 à 40 milliards d'euros. Nous sommes au début d'une nouvelle période. Tout se déroulera-t-il comme prévu ? Peut-être retrouverons-nous les « bosses » que nous avions dû repousser devant nous d'année en année pendant la période 1999-2002...

M. Didier Boulaud.  - Sisyphe...

M. Hervé Morin, ministre de la défense.  - Qui était ministre de la défense ?

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial.  - La majorité de la commission des finances recommande d'approuver les crédits du programme n°146.

Avec mon collègue Jacques Gautier, qui siège à la commission des affaires étrangères, nous entamerons bientôt un contrôle sur le programme A400M. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - La commission des affaires étrangères n'en a pas encore délibéré !

M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Sur les quelque 40 milliards inscrits à la mission de défense pour 2009, plus de 10 milliards correspondent à des dépenses d'investissement. Les dépenses de fonctionnement, que je rapporte, avoisinent donc 30 milliards d'euros, comprenant 20 milliards au titre des dépenses de personnel, dont environ 5 milliards pour les pensions.

En ce domaine, le fait marquant est bien sûr le début de la restructuration des armées, inscrite dans le projet de loi de programmation militaire 2009-2014, déjà traduit dans le projet budgétaire bien que nous ne l'ayons pas encore examiné. Ainsi, la masse salariale de la mission « Défense » devrait passer de 11,4 milliards d'euros en 2008 à 9,8 milliards à l'horizon de la prochaine loi de programmation militaire, sous l'effet de réductions d'effectifs devant économiser 1,5 milliard d'euros par an.

J'aborderai successivement le caractère très ambitieux des réductions d'effectifs et les dispositifs accompagnant la restructuration.

Pas moins de 54 000 emplois sur 300 000 doivent disparaître de 2008 à 2014, soit 8 000 par an dès 2009, en tenant compte des 5 000 suppressions prévues pour 2008. Pour les deux tiers, soit environ 36 000 postes, cette évolution proviendrait de la révision générale des politiques publiques, donc des gains de productivité ; les autres 18 000 emplois s'expliquent par la révision à la baisse des contrats opérationnels, c'est-à-dire des objectifs fixés à l'armée conformément au Livre blanc.

Initialement, la RGPP devait économiser 52 000 emplois, notamment grâce à de nombreuses externalisations. Pourquoi ces préconisations n'ont-elles pas été entièrement suivies ? Est-ce par crainte de ne pas dégager des économies espérées ?

Concrètement, les gains de productivité porteront sur les fonctions de soutien. Ainsi, les opérations les plus lourdes assurant le maintien en condition opérationnelle des matériels seront concentrées sur quelques sites bien équipés, cette évolution devant économiser environ 10 000 emplois. En outre, la création de 85 bases de défense devrait permettre de mieux mutualiser les fonctions de soutien, là encore pour économiser une dizaine de milliers de postes. Ces bases de défense devront comprendre au moins 1 800 personnes, l'optimum étant atteint avec 2 500 à 4 000 personnes.

J'en viens aux 18 000 emplois supprimés à la suite du Livre blanc, qui réduisent les capacités opérationnelles sans porter atteinte aux capacités de projection. Certes, la loi de programmation actuelle prévoit la projection de 50 000 hommes dans des circonstances exceptionnelles, mais on n'a jamais réellement essayé d'atteindre ce niveau : en réalité, l'armée de terre s'est limitée à la projection de 30 000 hommes, objectif repris dans le nouveau projet de loi de programmation militaire 2009-2014. Monsieur le ministre, comment est-ce possible malgré la réduction d'emplois hors RGPP ?

Si l'on raisonne par armée, les forces terrestres perdront 25 000 emplois sur 150 000, contre 15 000 sur 65 000 dans l'armée de l'air et 6 000 emplois sur 50 000 dans la marine. Arithmétiquement, l'armée de l'air devrait fournir un effort double de celui demandé à la marine, mais la RGPP prévoyait initialement de supprimer 4 000 emplois dans les forces navales, qui devront donc obtenir des gains de productivité supérieurs à ceux identifiés au départ. Monsieur le ministre, êtes-vous sûr que la marine soit à même de les atteindre sans réduire sa capacité opérationnelle ?

J'en viens à l'accompagnement des restructurations, en distinguant l'accompagnement de l'incidence locale et la politique du personnel.

L'examen de la loi de programmation militaire ayant été repoussé à 2009, certaines dispositions législatives ont dû être intégrées à la présente discussion budgétaire afin d'entrer en vigueur sans tarder.

Ainsi, l'article 32 bis du projet de loi de finances, adopté avec deux modifications de précision proposées par M. Marini, autorise la cession, pour un euro symbolique, d'immeubles appartenant au ministère de la défense au profit de la vingtaine de communes concernées par un contrat de redynamisation des sites de défense.

En outre, l'article 72, annexé à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui doit être examinée vendredi, tend à créer un fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées, doté de 5 millions d'euros pour 2009 afin d'apporter une aide au fonctionnement.

J'ajoute que la loi de finances rectificative étendra deux dispositifs d'exonération fiscale et sociale : le crédit de taxe professionnelle, destiné aux zones d'emploi en grande difficulté, et le « dispositif Warsmann » comportant des mesures d'exonération réservées aux bassins d'emploi à redynamiser.

Au total, l'accompagnement territorial des restructurations devrait coûter 150 millions d'euros par an, soit une centaine de millions d'exonérations et une cinquantaine de millions au titre des crédits budgétaires -répartis entre les missions « Défense » et « Politique des territoires ». Ces crédits seront en partie consacrés aux plans locaux de redynamisation conduits en faveur de certains départements, la plus grande part allant aux 24 contrats de redynamisation de sites de défense correspondant à la vingtaine de communes les plus touchées.

Je constate, à ce propos, que la circulaire du 25 juillet envoyée par le Premier ministre aux préfets, relative à ces contrats de redynamisation, fixe la liste des communes concernées en indiquant les montants alloués à chacune, le total atteignant 135 millions d'euros, alors que la somme de 225 millions est indiquée par ailleurs. Comment expliquer l'écart de 90 millions ? Doivent-ils encore être répartis ?

Pour terminer, j'aborderai les mesures législatives accompagnant la politique du personnel.

En effet, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels à la mission « Défense ». L'article 59 decies instaure un pécule pour les militaires quittant l'armée entre 2009 et la fin de 2014. L'article 59 undecies crée une nouvelle « indemnité de départ volontaire » pour les ouvriers d'État.

Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, que la réduction planifiée des effectifs de la défense et les redéploiements territoriaux ne découragent nos concitoyens de devenir ou de rester militaires, suscitant ainsi des difficultés de recrutement ?

Ma dernière question est un « marronnier » puisqu'elle concerne les opérations extérieures. Ces crédits seraient de seulement 510 millions d'euros en 2009, alors que la moyenne annuelle est supérieure à 600 millions et que les dépenses de 2008 sont actuellement estimées à 852 millions. Les crédits prévus vous semblent-ils réalistes ?

Malgré ces interrogations, ce budget nous paraît satisfaisant. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Au sein du programme « Environnement et prospective de la politique de défense », notre commission s'est d'abord réjouie de la progression significative des dotations de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Nous y voyons une première traduction des orientations arrêtées par le Livre blanc, visant à renforcer nos moyens de connaissance et d'anticipation. Cet effort était devenu indispensable car la France comptait parmi les pays dont les services de renseignement n'avait pas vu leurs moyens augmenter après le 11 septembre 2001.

La loi de programmation a prévu une progression de 15 % en six ans des effectifs de la DGSE, ce qui doit lui permettre de couvrir ses besoins en analystes, ingénieurs, techniciens et linguistes et de poursuivre ses investissements dans le domaine du renseignement technique. Nous souhaitons que la nouvelle organisation annoncée autour du conseil national et du coordinateur du renseignement permette réellement de mieux coordonner les différents services et de mieux planifier les moyens. Le Parlement doit être associé à la politique de renseignement, qui ne doit pas rester dans les seules mains du Président de la République.

Le programme 144 couvre également la recherche de défense. Les crédits d'études-amont, fixés à 660 millions d'euros, progressent légèrement, sans que l'on puisse parler d'une véritable rupture. Rappelons que l'on évalue à un milliard d'euros les crédits nécessaires pour maintenir à long terme nos capacités technologiques. Les crédits de recherche duale, quant à eux, restent inchangés.

En ce qui concerne les études stratégiques, je souhaite, comme M. de Rohan, que nous menions une réflexion plus poussée sur l'avenir de l'Otan, au moment où la révision du concept stratégique de l'Alliance fait naître beaucoup d'interrogations et où notre pays envisage d'accroitre son implication dans l'organisation.

En ce qui concerne le programme 212 « Soutien de la politique de défense », il apparaît que la politique immobilière sera, dans les années à venir, une variable déterminante pour l'équilibre financier de la mission. On attend l'année prochaine un milliard d'euros de recettes exceptionnelles sur le compte d'affectation spéciale « Immobilier », grâce à une contribution de la Société nationale immobilière et à la vente de la plupart des immeubles parisiens du ministère. Je tiens à souligner le caractère inédit et exceptionnel de cette procédure destinée à financer des opérations courantes. Pour que l'équilibre financier soit assuré, le produit des cessions devra être intégralement versé au compte d'affectation spéciale, conformément aux engagements du Gouvernement. Il faudra très rapidement créer la société de portage et conclure un accord sur le périmètre concerné et le prix de vente. Souhaitons que cette vente puisse s'effectuer dans de bonnes conditions financières, ce que la conjoncture actuelle ne laisse pas présager. Nous ne sommes pas sûrs qu'il soit possible de réunir les recettes attendues en temps opportun. Il s'agit là d'un facteur de fragilité pour l'ensemble de la mission.

Toutefois, la commission des affaires étrangères et de la défense a donné un avis favorable aux crédits des programmes que je viens de présenter. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Mme la présidente.  - La parole est à M. Pintat. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous pouvez applaudir vos copains de Gironde, après la dégelée qu'ils ont prise hier ! (Rires)

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - La loi de programmation pour les années 2003 à 2008 a réalisé un effort de redressement très important en faveur de l'équipement militaire. Les dépenses d'équipement sont passées de 12 milliards d'euros par an dans la période 1998-2001 à plus de 15,5 milliards d'euros par an au cours des trois dernières années. Le projet de loi de programmation que vous avez déposé le 29 octobre dernier, monsieur le ministre, accentue cet effort puisqu'il prévoit de porter progressivement ces dépenses à 18 milliards d'euros par an en 2014 afin d'atteindre les objectifs fixés par le Livre blanc.

Toutefois, l'augmentation des crédits au cours des trois années à venir reposera essentiellement sur des ressources exceptionnelles. La vente de fréquences hertziennes est destinée à financer directement des dépenses d'équipement liées aux systèmes de communication. Les ventes immobilières contribueront indirectement à l'effort d'équipement grâce aux redéploiements entre programmes.

Sera-t-il possible, monsieur le ministre, de créditer à hauteur de 600 millions d'euros dès 2009 le compte « Fréquences » ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Assurément.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.  - Je ne doute pas que les armées soient prêtes à libérer rapidement des fréquences mais votre ministère est-il maître de la procédure et du calendrier ? Qui, au nom de l'État, traitera avec les opérateurs et décidera des conditions de vente ? Dans quels délais cette opération pourra-t-elle être réalisée ?

Comptez-vous utiliser le volant de crédits reportés des exercices précédents pour compenser l'annulation de certains crédits d'équipement et l'absence de financement complémentaire des frégates multi-missions ?

J'en viens au programme « Équipement des forces ». Le Livre blanc a réaffirmé le rôle central dans notre stratégie de défense de la dissuasion, dans ses deux composantes. Le renouvellement de nos moyens de dissuasion est en cours : on attend pour l'année prochaine l'arrivée du nouveau missile air-sol à moyenne portée ASMPA et pour 2010 celle du M-51. Dans le domaine spatial, le Livre blanc a tracé des perspectives claires à moyen terme : la pérennisation de nos capacités actuelles, l'acquisition de capacités nouvelles dans les domaines de l'écoute, de la surveillance de l'espace et de l'alerte avancée. Il est heureux que le programme Musis, successeur d'Hélios, soit mené en coopération avec l'Italie, bien que celle-ci n'ait pas encore arrêté le montant de sa participation.

M. Hervé Morin, ministre.  - Cela viendra.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.  - Ce PLF prévoit également le renforcement de nos capacités de télécommunications spatiales. La commission souhaiterait avoir des précisions sur l'externalisation, actuellement à l'étude, de ces télécommunications.

M. Hervé Morin, ministre.  - A l'étude seulement.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.  - Le produit de la cession du système Syracuse III a-t-il déjà été intégré aux prévisions de recettes exceptionnelles pour les trois années à venir ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Non.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.  - Compte tenu des efforts consentis pour améliorer notre équipement, et malgré la difficulté de dégager les recettes nécessaires, la commission a émis un avis favorable sur ces programmes. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Je me limiterai à deux observations.

Le budget du programme 146 « Équipement des forces » -je parle principalement des crédits consacrés aux équipements conventionnels et à la Délégation générale pour l'armement- présente deux caractéristiques essentielles. Il marque la fin de présentations budgétaires flatteuses, mais parfois trompeuses. En effet, j'observe que dans le même temps les crédits de paiement augmentent de 7,7 % et les autorisations d'engagement doublent d'une année sur l'autre, ce qui est peut-être beaucoup, dans le cadre d'un budget global de la défense en augmentation de près de 5,4 %, grâce à des recettes exceptionnelles. Mais toutes les cibles des programmes conventionnels sont sensiblement réduites : le nombre de Rafale a été ramené de 294 à 286, celui des frégates multi-missions de 17 à 11, celui des véhicules blindés de combat d'infanterie de 700 à 630 et celui des missiles navals dotés d'un système de croisière à longue portée (Scalp navals) de 250 à 200. L'avion de transport stratégique n'a pas encore été lancé et la construction d'un second porte-avions, gagée par 3 milliards d'autorisations d'engagement dans le dernier budget, est reportée à 2011-2012.

Des cibles qui diminuent, des crédits qui augmentent, c'est la bosse, la grosse bosse de 35 milliards qu'il fallait résorber. La mise en cohérence des ambitions et des moyens est positive.

Toutes les réformes en cours traduisent un réel changement d'orientation : l'armée aura un format plus réduit mais sera mieux équipée, plus réactive et plus efficace. Ce budget de commencement marque dix ans après la première étape de la professionnalisation. Nous devons saluer les efforts qu'ont à consentir les militaires.

Marquant la fin de l'idée selon laquelle les forces participent à l'aménagement du territoire, sous réserve de contreparties auxquelles le Lorrain que je suis est particulièrement sensible, ce budget est également marqué par des hypothèques. Il manque 200 millions sur 2008 pour le financement des frégates et le collectif ne prévoit rien : comment comptez-vous vous y prendre ? Le besoin de financement des Opex pour 2008 s'élève à 380 millions et le collectif ne prévoit que 259 millions : les autres ministères seront-ils mis à contribution pour les 121 millions restants ? Si on y ajoute les incertitudes sur les comptes d'affectation spéciale « Fréquences » et « Immobilier », la somme des incertitudes atteint 2 milliards sur un crédit de 6 milliards. Je ne voudrais pas que l'équipement serve de variable d'ajustement. Ces incertitudes ne seraient pas admises d'une collectivité locale, mais l'État n'en est pas une et la majorité de la commission considère qu'il faut voir le bon côté des choses et voter ces crédits. (Applaudissements sur certains bancs socialistes ainsi qu'au centre et à droite)

M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - L'année 2009 marque la mise en oeuvre du Livre blanc de la défense et de la révision générale des politiques publiques. Nous en attendons beaucoup. L'armée sera resserrée mais mieux équipée, le personnel sera moins nombreux mais mieux rémunéré et l'outil recentré sur ses missions opérationnelles. Dans le contexte actuel, la réforme nourrit la réforme et les économies de personnel doivent être réinvesties dans la défense. Si l'on diminuait les effectifs sans réformer l'organisation, c'est l'outil tout entier que l'on mettrait en péril.

Sur la période 2009-20011, vous prévoyez la suppression de 8 400 équivalents temps plein. Pour 2009, le programme 178 est placé sous forte tension. Les suppressions d'effectifs ne dégagent pas de moyens suffisants pour compenser les facteurs d'augmentation que sont le point d'indice, les statuts particuliers ou la contribution employeur au compte d'affectation spéciale des pensions. L'équilibre des dépenses de personnel repose sur un glissement vieillesse technicité fortement négatif, ce qui suppose que les baisses d'effectifs s'effectuent en premier lieu par des départs importants et non par de moindres recrutements. Bien que les diminutions d'effectifs aient été plus importantes que prévu en 2008, les dépenses de personnel ont été entièrement consommées. Le signal envoyé aux candidats est brouillé : on a besoin de recruter mais on annonce des diminutions d'effectifs. Si la déflation d'effectifs s'opérait au détriment des recrutements, cela se traduirait par un déséquilibrage de la pyramide des âges, un embouteillage des cadres et un gonflement des soutiens, c'est-à-dire une désorganisation des structures opérationnelles. Nous devons y être très vigilants.

La commission se félicite de la progression des dotations pour les Opex. Elle est attachée à ce que leur budgétisation soit la plus importante possible car ces opérations relèvent désormais d'un fonctionnement normal : elles ne sont plus ni imprévisibles ni ponctuelles mais plus dures, plus durables et plus éparpillées géographiquement. Ne pourrait-on, en liaison avec le ministère des affaires étrangères, passer en revue les théâtres d'opération et les marges de manoeuvre ?

Le programme 178 se caractérise par la récurrence de la question des Opex : elles font courir le risque d'une déflation d'effectifs plus importante que prévu et d'une mise en cause des programmes d'équipement afin de rester dans l'enveloppe. La loi de programmation prévoit que cela ne doit pas être le cas. Comment, monsieur le ministre ?

Consciente des enjeux de la réforme, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Les crédits de fonctionnement du programme 178 correspondent au maintien en condition opérationnelle des matériels, le MCO. Le titre III atteint 6,31 milliards en autorisations d'engagement et 5,7 milliards en crédits de paiement, soit respectivement 17,8 et 4,7 % d'augmentation. Cette progression est destinée aux marchés de MCO à tranches pluriannuelles, dont les quatre cinquièmes iront à l'entretien programmé des matériels aéronautiques et terrestres et le cinquième restant à celui des matériels de dissuasion. Je me félicite de cette évolution mais regrette que nous soyons conduits à examiner ce budget avant la loi de programmation militaire, dont il constituera la première étape.

La restructuration s'appuie sur une maîtrise des coûts de logistique, de transports, d'achats, de communication et d'informatique afin de renforcer les crédits destinés à l'opérationnel. Ces fonctions de support relèvent du titre III et font l'objet d'une réflexion d'ensemble dont je salue les responsables.

On a redressé les taux de disponibilité, qui étaient parfois inférieurs à 50 %. On avait créé en 2000 un service de soutien à la flotte, en 2002 une structure interarmées de maintenance dont l'action est prolongée par un service industriel aéronautique. En 2009 sera créé un service unique de soutien à caractère industriel qui se substituera à la direction générale du matériel de l'armée de terre et qui s'ajoutera à la politique de rationalisation du parc.

La restructuration des implantations touchera particulièrement l'armée de terre : sur 82 unités supprimées et 30 transférées, elle en perdra une cinquantaine contre dix pour l'armée de l'air, la marine renonçant à la base de Nîmes-Garons. Parallèlement seront créées 80 à 90 bases interarmées. Ce resserrement s'accompagnera d'une évolution des commissariats fondus en un service d'administration générale et de soutiens communs.

Les importantes restructurations du poste de dépense le plus important, le MCO, n'ont pas jugulé la hausse des coûts depuis 2002. La sous-traitance n'a pas produit les économies escomptées. Il faudra ou la réduire ou en améliorer la qualité.

Relever les défis actuels pour passer à une autre étape de la professionnalisation est donc un enjeu majeur. Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères a adopté ces crédits à la majorité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Hervé Morin, ministre.  - Pas à l'unanimité ? Le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a eu une autre attitude.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis.  - Nous sommes au Sénat.

M. Didier Boulaud.  - Ils ne connaissaient pas le décret d'annulation.

Interventions des orateurs

M. André Dulait.  - Les années 2008 et 2009 marquent un tournant dans la vie des hommes et des femmes engagés au service de notre pays ; ce budget traduit la mise en oeuvre des conclusions du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, présenté par le Président de la République le 17 juin dernier. Je me réjouis de l'effort consenti, en particulier en faveur de l'équipement de nos forces, dont les crédits progressent de 10 %.

Je salue, au nom du groupe UMP, l'augmentation de 5,4 % des crédits du budget 2009, preuve de la détermination du Gouvernement à poursuivre la réforme de nos forces armées. C'est un budget réaliste et sincère. La programmation triennale 2009-2011 donnera au ministère une visibilité accrue sur ses actions et une garantie accrue sur les montants alloués.

Notre pays doit faire face à des menaces de plus en plus diffuses et de plus en plus difficiles à identifier. Plus que jamais, nous avons besoin d'une armée mieux équipée et encore mieux formée. L'ère de la guerre dite classique semble révolue. A ce titre, le Livre blanc est novateur : il instaure un continuum entre les problèmes de sécurité et la politique de défense, dont les axes majeurs doivent être la réactivité et l'anticipation.

Je tiens à souligner l'avancée fondamentale que constituent les Crash Programmes, en particulier le système Félin. Il était temps que la panoplie du soldat du futur dépasse le stade du projet.

Nous devons acheter « sur étagère » car les besoins du temps réel ne peuvent souffrir une attente de huit à douze mois : c'est là un des points forts de votre budget, monsieur le ministre.

Les forces armées connaissent aujourd'hui leur deuxième réforme. La professionnalisation des personnels militaires fut, de fait, une première étape. Peu de corps de la fonction publique peuvent se prévaloir d'avoir su mener une réforme d'une telle profondeur. (M Hervé Morin, ministre de la Défense, approuve)

Les sénateurs UMP sont favorables à une restructuration qui doit conduire à de meilleurs résultats, pour autant que l'on garde présent à l'esprit la spécificité de l'armée, son essence même qui va jusqu'au sacrifice de la vie des hommes qui la composent.

M. Jean-Louis Carrère.  - Comme la gendarmerie.

M. André Dulait.  - L'émotion de la Nation devant les cercueils est bien naturelle, mais gardons-nous d'outrager, en parlant d'inexpérience, ceux qui continuent à combattre et ont à coeur d'honorer leur mission. C'est elle qui concrétise le lien entre l'armée et la Nation. Depuis trop longtemps, le rapport des Français à leurs armées a été empreint d'une certaine indifférence. Il est temps qu'ils redeviennent fiers de leurs soldats au quotidien et pas uniquement pendant les périodes de deuil.

Alors que plus de 54 000 postes militaires doivent être supprimés à l'horizon 2014, il est essentiel d'anticiper le retour à la vie civile des soldats. Garantie par le statut général des militaires, la reconversion constitue un axe majeur de la politique du ministère de la défense. Le plan d'accompagnement des restructurations doit demeurer à la hauteur de la réforme engagée. La reconversion des personnels militaires requiert une politique de formation en amont et un accompagnement spécifique. Souhaitons que le dispositif rénové d'accès aux emplois réservés mis en place en mai dernier porte ses fruits et que des passerelles soient établies avec d'autres corps de la fonction publique. En servant l'armée, ces personnels ont appris ce qu'est le service de l'État : leur affectation dans d'autres corps de fonctionnaires civils peut revêtir un sens fort.

Nos soldats peuvent apporter beaucoup à la société civile. Au cours de leur expérience unique, sur les théâtres d'opération, ils ont pu s'imprégner de valeurs telles que le dépassement et la maîtrise de soi, qui doivent être transmises aux générations futures pour lesquelles elles constituent des références humaines indispensables. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - « Il n'est de richesse que d'hommes » disait, après Jean Bodin, le général de Gaulle. Le sens du devoir n'est pas un vain mot pour ces hommes et ces femmes, nos soldats, prêts à servir l'intérêt général jusqu'au sacrifice suprême. Hommage leur soit rendu.

Nous nous réjouissons de l'effort consenti, dans un contexte pourtant contraint, pour leur donner les moyens de remplir leurs missions. Ce budget, en augmentation de 5 %, porte à 47 798 milliards, sur différents programmes, les crédits du ministère de la défense, qui avaient trop longtemps joué le rôle de variable d'ajustement. Il témoigne de l'engagement du Président de la République et constitue la juste traduction du Livre blanc et de la réforme engagée par la révision générale des politiques publiques.

Un bémol, toutefois, monsieur le ministre, sur les réserves, et en particulier la réserve citoyenne, symbole du lien de notre armée à la Nation, dont je regrette qu'elle ne soit pas mieux associée à la montée en puissance de notre défense.

Dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne, la France a réaffirmé son ambition de relancer l'Europe de la défense, notamment dans le règlement des conflits. Ainsi, l'Europe renoue avec une des raisons de sa création.

L'exemple du Darfour et l'opération Eufor au Tchad sont caractéristiques. La résolution 1778 du Conseil de sécurité, qui autorise le déploiement d'un volet militaire européen de sécurisation et de protection, préfigure le rôle croissant de notre pays au sein de la communauté européenne. Nous avons sur place plus de 1 700 hommes qui travaillent en coordination avec les forces des Nations Unies, les forces de sécurité tchadiennes et centrafricaines.

Face à l'insécurité grandissante et à la multiplication des menaces, notre action doit être multilatérale. Nous devons exiger un effort soutenu de nos partenaires européens. La France est le quatrième contributeur au budget européen, elle se classe au cinquième rang pour les effectifs engagés sur les théâtres d'opérations, elle est un acteur majeur de la force de réaction de l'Otan. Il est primordial que les pays géographiquement concernés soient associés -comme c'est le cas avec la force hybride de l'Union africaine des Nations Unies ou dans le cadre de l'opération Pamir en Afghanistan- mais aussi responsabilisés. Alors que la France procède à une véritable restructuration de ses forces, elle ne peut se cantonner au rôle de pacificateur, qui suscite parfois des réactions hostiles, pendant que d'autres pays s'implantent massivement dans l'économie des pays concernés, sans se soucier d'autres considérations. C'est ainsi que notre influence recule en Afrique, où les attentes sont pourtant fortes à l'égard de la France, de la francophonie, de l'Europe. Nous devons développer nos capacités structurantes et donner ainsi à l'Europe de la défense les moyens de nos ambitions. La mise en place d'une stratégie européenne de sécurité est indissociable de la réforme que nous engageons. Dans un monde où les menaces sont fragmentées, l'interdépendance entre gestion des crises à l'extérieur et sécurité intérieure est un fait indéniable.

Un mot, enfin, sur notre action en matière de désarmement. Dans moins de deux jours, la France signera la convention d'Oslo sur l'abolition des armes à sous-munition. Je salue, monsieur le ministre, cette initiative courageuse. Trop de nos soldats ont déjà été victimes des mines antipersonnel. Il est temps de faire disparaître des armes qui sont une honte pour l'humanité. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Voici donc le premier budget d'application d'une loi de programmation... que nous n'avons pas encore examinée. C'est regrettable.

M. Hervé Morin, ministre.  - C'est déjà arrivé...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Est-ce une raison pour récidiver ?

Une présentation flatteuse, comme l'augmentation des crédits de paiement et des autorisations d'engagement en matière d'équipement, occulte la réduction globale de notre effort de défense, ainsi que l'ont mis en lumière les rapporteurs. Nous ne consacrerons, en 2009, hors gendarmerie et pensions, que 1,6 % du PIB à notre défense. C'est très peu !

Et si j'en crois les rapporteurs, nous serons à 1,5 % en 2012 et à 1,4 % en 2020, loin derrière les Britanniques, loin surtout des engagements du candidat Sarkozy qui avait assuré maintenir notre effort de défense à 2 % du PIB.

Les chiffres restent de surcroît soumis à de nombreux aléas, qui pèsent principalement sur le programme 146, « Équipement des forces ». Le premier tient au poids des charges afférentes aux exercices antérieurs.

Ensuite, l'évaluation du montant des cessions affectées aux équipements est aléatoire : des cessions immobilières sont réalisées à l'euro symbolique pour les villes qui souffrent de la restructuration, et la commission des finances a d'ores et déjà prévu que 15 % des cessions iront au désendettement de l'État. Enfin, la budgétisation des Opex est très inférieure aux 850 millions qu'elles coutent cette année.

Les rapporteurs spéciaux comparent notre niveau d'équipement à celui de la Grande-Bretagne, mais il n'y a pas lieu de pavoiser, compte tenu de l'obsolescence ou de la faible disponibilité de beaucoup de nos matériels.

Le modèle d'armée que nous calibrons à la baisse -5 600 emplois supprimés l'an prochain, 54 000 sur la durée de la loi de programmation- correspond-il à l'intérêt de la défense nationale ? J'en doute très fort. Mise à part la dissuasion, convenablement dotée, nous évoluons vers une petite armée de métier essentiellement dédiée à des opérations de projection lointaine. Quand, en 1996, M. Chirac a suspendu le service national, je n'y étais pas favorable !

M. Hervé Morin, ministre.  - Moi non plus !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le service national assurait un lien étroit avec la Nation, fournissait une réserve de puissance et de mobilisation en cas de circonstances exceptionnelles, et une ressource abondante, diversifiée et peu chère. C'est grâce au service national que nous avons pu, pendant des décennies, consacrer 60 % du budget aux équipements, contre 40 % aujourd'hui.

Les objectifs du plan armée 2015 n'ont pas été atteints, le Président Sarkozy a décidé de diminuer les effectifs, pour une armée plus petite, mais mieux équipée. Telle est la logique de la loi de programmation. Correspond-elle aux besoins de la défense nationale ? Je ne le crois pas. La France court un risque d'effacement à l'échelle planétaire ; l'effacement de la France est d'abord dans les esprits de nos compatriotes ; il peut résulter aussi de l'absorption de notre pays dans un Empire : c'est l'idéologie « occidentaliste » que M. Balladur expose dans son petit livre trop peu lu et intitulé Pour une Union occidentale ; l'effacement de la France peut encore résulter du triomphe des communautarismes, ferments de la guerre civile. L'Europe n'est pas à l'abri de conflits, on l'a vu dans les Balkans et dans le Caucase ; ces conflits peuvent dégénérer, si nous ne savons pas développer un véritable partenariat entre l'Europe et la Russie.

Un autre risque tient à la mondialisation, qui a tant rétréci la planète que nous pourrions être entrainés dans toutes sortes de conflits ; le ressentiment accumulé au fil des siècles contre les Européens peut se cristalliser soudainement, et se répercuter au sein même de la société française.

La meilleure façon de parer à ce risque est de maintenir l'idée de valeurs universelles et de ne pas entrer dans le schéma du « choc des civilisations » du professeur Huntington. Le Nord est pluriel, le Sud aussi, mais l'humanité est une : tel devrait être le message de la France !

L'idée de rejoindre l'organisation militaire intégrée de l'Otan est une grave erreur. Monsieur le ministre, à quoi sert l'Otan depuis la disparition de l'Union soviétique ? L'élargissement jusqu'à la Russie est contraire à l'intérêt de la France et à l'intérêt européen bien compris. Le Président de la République a soutenu à Bucarest, au sommet de l'Otan, le projet de déploiement des systèmes antimissiles en République tchèque et en Pologne, ce n'est guère cohérent avec le souci manifesté en Géorgie de maîtriser le conflit.

Le Président de la République dit vouloir une Europe de la défense efficace : qu'est-ce à dire, monsieur le ministre ? Il n'y a rien à gagner à réintégrer la structure militaire de l'Otan, sinon une implication toujours plus grande dans les Opex et 115 millions de plus de contribution.

A long terme, notre défense est confrontée à deux risques. Le contournement de notre dissuasion, d'abord : le bouclier spatial mettra les pays européens à la merci de décisions dont il serait illusoire de penser qu'elles ne seraient pas américaines. La seule riposte est de nous doter de nos propres moyens d'informations et de missiles performants, tant il est vrai que le glaive, toujours, l'emporte sur le bouclier.

M. Hervé Morin, ministre.  - C'est ce que nous faisons !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Deuxième risque, les guerres asymétriques. La puissance même de nos armes nucléaires peut être un obstacle à leur efficacité dissuasive. Le général de Gaulle, qui n'avait pas d'oeillères, aurait sans doute préservé toutes les possibilités de riposte. Il ne faut pas se placer dans le schéma de guerres préventives, a fortiori nucléaires, comme cinq chefs d'état-major de l'Otan se sont hasardés à le faire, au risque de mettre à mal la non-prolifération. Il faut mieux perfectionner notre capacité à frapper loin ; malheureusement, les programmes prennent du retard, nous n'aurons de capacité de frappe conventionnelle à distance qu'à partir du milieu de la prochaine décennie.

Autre risque, celui d'être entraîné dans un très grand nombre d'Opex coûteuses, avec pour conséquence de retarder l'exécution de nos programmes majeurs d'équipement. Nous avons nos obligations de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, nous avons aussi des responsabilités en Afrique. L'opération Licorne a évité une guerre civile en Côte d'Ivoire et je ne suis pas de ceux qui pensent utile de diminuer le nombre de nos bases en Afrique : la présence française y est un facteur de stabilité et d'affermissement des jeunes démocraties. En revanche, la question se pose au Kosovo, où nous soutenons à grands frais un micro-État non viable dans la perspective incertaine d'une adhésion à l'Union européenne. Pourquoi ne pas inverser la perspective, proposer une intégration régionale avant l'intégration européenne ? Au Tchad, la question d'une intervention d'abord humanitaire se pose, mais je crains qu'on doive cette situation plutôt à M. Kouchner qu'à vous-même, monsieur le ministre. (Sourires) En Afghanistan, si l'intervention se justifiait en 2001, elle a été délégitimée par la guerre d'Irak et l'intention du président Obama d'accroître les effectifs américains peut conduire à un enlisement plus profond, car chacun sait bien que le problème régional passe par la fragile démocratie pakistanaise. J'aimerais que le Président de la République se souvienne de son premier mouvement qui était le bon : celui du candidat à la présidence, qui déclarait que la présence française en Afghanistan n'était pas déterminante.

Les Opex coûtent bien davantage qu'on ne les évalue, elles affectent la disponibilité des matériels : 60 % des crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle des matériels sont consommés par sept régiments, les 74 autres se partagent le reste ! La priorité aux Opex se traduit par l'obsolescence accélérée des matériels restés en France. Des programmes ne voient pas le jour, par exemple l'hélicoptère de transport NH90, que j'avais lancé et qu'on attend toujours... (Sourires)

M. Hervé Morin, ministre.  - Le contexte a changé...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Bien des programmes ont dû être diminués, ou bien laissent encore trop de questions en suspens, qu'il s'agisse des hélicoptères, des frégates ou des drones.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - S'il y a bien un domaine où la politique européenne de la défense pourrait prendre corps, c'est celui de l'espace.

Monsieur le ministre, ce budget s'inscrit dans une programmation qui sacrifie à la constitution d'une petite armée de projection, je ne puis le voter. Nous reprendrons ce débat en examinant la loi de programmation qui, en bonne méthode, aurait dû précéder la loi de finances ! (Applaudissements à gauche)

M. Didier Boulaud.  - La France se doit de faire face à ses responsabilités, vis-à-vis de la communauté internationale. Notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies nous incite à nous impliquer sans relâche au service de la paix et de la sécurité internationale. Je rends hommage aux soldats français qui remplissent toutes les missions que le pays leur confie.

Notre effort de défense et de prévention des menaces est plus que jamais nécessaire. Je suis convaincu qu'une extrême rigueur est indispensable pour affronter les défis du monde actuel, défendre nos intérêts et pour garantir la sécurité de nos compatriotes. Or, monsieur le ministre, ce budget ne nous prépare pas à affronter efficacement ni les menaces ni les périls en gestation !

Ce budget est un pari téméraire, il repose sur une architecture fragile, sur des hypothèses douteuses et sur un héritage calamiteux.

L'héritage du gouvernement précédent, qui était aussi celui de votre majorité d'aujourd'hui, pèse lourd -même si nous voyons que vous mettez beaucoup de pudeur à n'en point trop parler pour assumer une solidarité gouvernementale obligée !- Nous déplorons que la loi de programmation militaire 2003-2008 n'ait pas été respectée, tant pour les effectifs que pour les programmes d'armement. Nous pourrions nous réjouir d'avoir eu alors raison ? « Que faisiez-vous au temps chaud ? ...Eh bien ! dansez maintenant. » La question est trop sérieuse. Le passif de la gestion précédente conditionne les possibilités budgétaires d'aujourd'hui.

Votre prédécesseur, faisant preuve de son habituel entêtement, je peux même parler de sa mauvaise foi, tant la réalité était aveuglante, en niant la réalité d'une programmation qui allait dans le mur, d'un modèle d'armée 2015 éculé qui, sous nos yeux, sombrait dans le néant et d'un carnet de commandes militaires pharaonique et hors d'atteinte, vous a conduit au bord d'un précipice que votre bonne volonté ne saurait, hélas, faire disparaître ! L'exemple le plus frappant étant le deuxième porte-avions, promis juré par la ministre de la défense et qui n'a pas survécu... pour ne pas dire qu'il a déjà coulé malgré les crédits d'études trompe-l'oeil jetés à l'aveuglette pour amuser la galerie, en toute fin de vie de loi de programmation.

Nous l'avons dit et répété : il fallait redresser le tir et revenir à la dure réalité, Nous n'avons nullement été écoutés voire même entendus et la majorité parlementaire d'alors, la même qu'aujourd'hui, celle qui fait encore semblant de ne rien entendre, avait approuvé des budgets, année après année, qui confortaient l'illusion budgétaire. Les dégâts de ces années d'aveuglement financier vont coûter cher, très cher, à notre défense. Des retards ont été pris qui ne sont plus rattrapables ou à des coûts prohibitifs. Nos soldats n'ont, hélas !, parfois même pas pu compter sur les matériels nécessaires. L'armée l'a d'ailleurs reconnu en ce qui concerne les drones, qui ont été l'une des principales victimes, mais pas les seules, de la loi de programmation militaire 2003-2008. Sans parler de la situation devenue on ne peut plus critique du transport et du ravitaillement, pourtant indispensables au soutien de nos forces sur des théâtres d'opération éloignés des principales voies maritimes d'accès.

Or, votre budget, monsieur le ministre, désormais encadré par la RGPP et avec la perspective d'une prochaine programmation militaire qui revoit à la baisse les mirages de la précédente, est prisonnier de ce lourd héritage. Quant à la loi de programmation militaire 2009-2014, elle aurait dû être débattue et votée avant notre présente discussion. Nouvelle marque d'impréparation, d'une improvisation qui continue son chemin, ou nouvelle preuve d'incohérence ? En tous cas, c'est une nouvelle mauvaise manière faite au Parlement dont, par ailleurs, le pouvoir actuel ne cesse de vouloir faire croire aux Français qu'il le tient en si haute estime qu'il a révisé la Constitution pour lui garantir un rôle de premier plan dans les institutions de la République ! Vous allez devoir, monsieur le ministre, travailler d'arrache-pied pour réparer les dégâts de la bosse financière alimentée par vos propres amis entre 2002 et 2007. L'un des ministres importants du gouvernement d'alors..., je veux parler de l'actuel Président de la République, est sans doute l'un des mieux placés pour vous aider à réparer les dégâts puisqu'il fut l'un des ministres des finances qui ont cautionné les dérives constatées aujourd'hui.

Car votre budget est un budget à l'architecture fragile construit sur des hypothèses douteuses. C'est un budget en trompe-l'oeil qui, ne tenant pas compte de la catastrophique situation de nos finances, annonce des engagements qui ne pourront pas être tenus. Il s'engage avec la RGPP et la « carte militaire » dans une démarche qui ne semble pas pouvoir compter sur les financements nécessaires à sa réussite. La fermeture de 82 unités, le transfert de 33 autres, la suppression totale de 54 000 emplois militaires et civils, d'ici à 2014, et, dans le même temps, le renforcement opérationnel de 65 régiments et bases militaires, afin d'atteindre la masse critique recherchée, constituent un effort sans équivalent dans les autres administrations françaises et nous doutons fort que les financements prévus suffisent à la réussite de la manoeuvre. J'espère simplement que les calculs financiers de cette vaste réforme n'ont pas été faits par ceux-là mêmes qui nous avaient promis des économies avec la professionnalisation... J'attends, sincèrement, que ces restructurations, qui seront réalisées dans les cinq ou six années à venir, répondent au contrat opérationnel résultant du Livre blanc. Je ne voudrais pas qu'on reproduise la mauvaise expérience du fameux « modèle d'armée 2015 ».

La bonne exécution du budget 2009 dépendra d'abord de celle du budget 2008. Or, il semblerait que le niveau des reports de charges jette d'ores et déjà une ombre funeste sur le tableau idyllique présenté par le ministère de la défense. Nous avons auditionné les quatre chefs d'état-major et leur inquiétude, quant à l'exécution du budget 2008, résonne encore à nos oreilles comme une antienne attristée. Le ministère sera-t-il autorisé à consommer tout ou partie des crédits de paiement reportés sur le programme « équipement des forces » ?

En théorie, le projet de budget tend à améliorer le rapport entre dépenses opérationnelles et dépenses administratives, et leurs parts respectives de 60 et 40 % devraient s'inverser. C'est une bonne chose, mais nous vérifierons en fin de programmation. Avec 30,4 milliards de crédits de paiement et 1,6 milliard de ressources exceptionnelles, ce projet de budget semble raisonnablement ambitieux. Or, ces fameuses ressources exceptionnelles -1,6 milliard tout de même !- se décomposent en 600 millions de cessions de fréquences hertziennes et un milliard de cessions immobilières du ministère de la défense. Comme dirait le président Jean Arthuis, ce montage constitue « une débudgétisation difficilement supportable et un manque de sincérité ».

Les emplois supprimés réduiront-ils les capacités opérationnelles de nos armées ? Comment surmonterons-nous la déjà trop faible disponibilité opérationnelle de certains matériels, comme les aéronefs ? Comment faire pour que la France puisse assumer sans risque de rupture ou de surchauffe ses nombreuses opérations extérieures ? Comment faire face à l'augmentation prévisible du coût des Opex en 2009 ? Les « ressources exceptionnelles », je les considère comme exceptionnellement aléatoires...

Autre hypothèse dangereuse : la croissance du coût des Opex, estimées à un milliard en 2009. Or, les crédits inscrits en loi de finances ne correspondent déjà probablement qu'à la moitié des dépenses réelles des opérations extérieures. Étant donné les engagements extérieurs de la France, en particulier en Afghanistan, il y a en urgence deux problèmes à résoudre en 2009 : l'amélioration de l'entraînement de nos forces et le maintien en condition opérationnelle de nos matériels.

Je souhaite aussi que, dès 2009, on prête la plus grande attention à la façon dont le Gouvernement compte aborder la question de la réduction des effectifs. Ajouter du chômage au chômage n'est pas ce qu'on peut faire de mieux au moment où notre économie est mise en péril par la crise de l'ultralibéralisme et du capitalisme débridé. Cette restructuration exigera d'importants dispositifs d'accompagnement des personnels. Aussi, il importe de maintenir un recrutement attractif, en particulier pour les militaires du rang. Les suppressions de postes -militaires et civils- ne seront acceptées que si elles s'inscrivent dans le cadre d'une redéfinition des missions et d'un accompagnement social adapté.

Enfin, on ne pourra pas demander indéfiniment à nos armées de faire plus et mieux avec moins de personnel et moins de moyens. Ce projet de budget se fixe des objectifs ambitieux, pour ne pas dire trop ambitieux. Aussi je vous appelle à un peu plus de réalisme, pour plus d'efficacité aussi. Les sénateurs socialistes ne sauraient cautionner un budget trop fragile et par trop insincère Et qui s'inscrit dans une politique d'alignement atlantiste irraisonné difficilement justifiable après huit années d'une calamiteuse politique « bushiste ». Il traduit la seule volonté présidentielle d'un retour hasardeux dans toutes les structures de l'Otan, sans justification réelle, hormis l'alignement idéologique que j'ai évoqué. Il cautionne l'engagement accru en Afghanistan que nous dénonçons encore et encore, et il traduit le peu d'entrain dont a fait preuve la présidence française pour soutenir la défense européenne, malgré beaucoup d'agitation médiatique. Aussi nous ne voterons pas votre projet de budget 2009, en attendant de pouvoir débattre de la loi de programmation 2009-2014 dont il aurait dû être la première traduction. (Applaudissements à gauche)

présidence de M. Roger Romani,vice-président

M. Joseph Kergueris.  - Sans vouloir être impertinent, on se trouve placé devant un exercice paradoxal. On nous propose de voter la première année d'une loi de programmation militaire qui n'a pas encore été soumise à notre approbation. Considérant que ce projet de loi s'inspire du Livre blanc et de nos débats du 26 juin dernier, nous pouvons néanmoins examiner ce projet de budget. Merci, toutefois, de nous faire sortir rapidement de cet embarras en nous présentant au plus vite cette loi de programmation.

En décidant, il y a 50 ans, de nous doter d'une force de dissuasion nucléaire, le général de Gaulle a donné à notre pays une garantie ultime contre une agression étrangère majeure, sans doute peu imaginable de nos jours, mais toujours possible. La France est et demeure une puissance nucléaire, il ne faut pas y renoncer, c'est une priorité. Ce budget ne la remet pas en cause et c'est très bien ainsi

Le Gouvernement n'a pas perdu de vue l'indispensable modernisation de nos forces aériennes. Nous maintenons 300 avions de combat, ce qui permet la mise en ligne de 270 appareils. Nous possédons quatre systèmes de détection et de contrôle avancé de type AWACS. Notre flotte de ravitaillement et de transport comprend 14 avions de type MRTT et environ 70 avions de transport En 2009, nous ne passerons commande que de 286 Rafale alors que le programme en prévoyait 294. Et c'est sans doute regrettable car nous devons demeurer attentifs à l'évolution de notre armée de l'air, arme majeure des guerres modernes.

J'en viens à notre marine. L'élu breton que je suis apprécie cette phrase du cardinal de Richelieu : « Les larmes des souverains sont remplies de souvenirs de la marine oubliée ». Je forme le voeu que la nôtre ne le soit pas. Avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et six sous marins d'attaque à propulsion nucléaire, nous avons atteint un plancher à ne pas franchir ; sinon nous mettrons en jeu notre crédibilité. Nous devons revenir à un schéma de six sous-marins lanceurs d'engins, conformément au triptyque : missions, réserves et réparation. Et nous ne pouvons nous contenter d'un seul groupement aéronaval. Un De Gaulle, si illustre, soit-il, ne peut à lui tout seul remplacer un Foch et un Clemenceau. Nous ne pouvons avoir dix-huit mois durant un porte-avions à la révision en cale sèche... Et les chantiers navals bretons attendent impatiemment ce deuxième porte-avions. Ce budget revoit à la baisse le nombre de nos frégates multi-missions, qui passe de 18 à 11, ce qui est, là encore, regrettable. Mais si le Breton a le pied marin, il n'en a pas moins les pieds sur terre.

Vous avez engagé, monsieur le ministre, une indispensable modernisation de notre armée terrestre. Nous devons nous protéger avec une force professionnelle, équipée et mobile. Toutefois, ne négligeons pas pour autant ce qui fait la richesse de notre armée : la force alpine a besoin d'être partie prenante à cette modernisation. Nous voyons en Afghanistan à quel point la guerre de montagne demeure une réalité.

Ne négligeons pas le risque d'un conflit conventionnel en Europe, comme en Géorgie cet été. Ne négligeons donc pas le char Leclerc, fleuron de notre armée et de notre industrie. L'objectif de rééquilibrage des finances publiques est louable, mais l'effort de défense ne saurait en pâtir excessivement. Notre position de puissance nous crée des obligations ; mutualisons les services et les dépenses mais soyons attentifs à la situation des personnes qui donnent tant à notre pays. Accompagnons-les, dans leur métier comme dans leur retour à la vie civile.

Vos propositions budgétaires sont en deçà de ce que laissait espérer le Livre blanc. Nous serons au moins vigilants sur les programmes engagés. Notre groupe apportera son soutien à votre budget de la défense. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Michelle Demessine.  - Ce budget ambigu suscite bien des interrogations. On pourrait, sur le plan de la stricte technique budgétaire, le voir comme un bon budget. (M. le ministre remercie) Dans un environnement contraint, vous dégagez des économies pour financer le rééquilibrage des forces et améliorer les conditions d'emploi et de travail.

Mais en y regardant de plus près, votre logique est contestable. Elle repose sur des hypothèses incertaines et traduit une politique à laquelle nous nous opposons. Un grand nombre des mesures de ce budget sont issues de la révision générale des politiques publiques ou des orientations stratégiques définies dans le Livre blanc et à préciser dans la prochaine loi de programmation... que nous n'avons pas encore examinée !

Le budget de la défense est l'un des premiers budgets -le premier en matière d'investissement, avec l'équipement des forces. Mais pourra-t-il être exécuté alors que la crise mondiale a bouleversé les données ? Vous réduisez certes de façon drastique les dépenses de fonctionnement, pratiquez une saignée de 54 000 postes dans les effectifs et contractez les implantations. Mais les territoires sinistrés, les emplois supprimés, les programmes industriels étalés ou annulés -porte-avions, blindés de combat, hélicoptères Tigre ou frégates multimissions- induiront aussi des coûts importants.

Vos réformes auront également des incidences sur le volume et la structure des forces, sur les équipements, sur les personnels civils et militaires, sur le soutien, sur le maintien en position opérationnelle. Nous serons vigilants durant l'exécution afin de vérifier si les économies sont réelles et entièrement réinvesties dans l'investissement en équipement, comme vous vous y êtes engagé. Nous suivrons avec attention les mesures d'accompagnement social. Je comprends les inquiétudes du personnel civil, moins aisément reclassable que les militaires. Il convient de garantir des débouchés, dans la fonction publique territoriale et les armées.

Les ressources extrabudgétaires sont aléatoires et il nous semble bien aventureux de prétendre réduire la « bosse » grâce à la vente d'actifs immobiliers sur un prix évalué avant la crise. Et n'allons pas brader les fréquences hertziennes !

Votre politique, telle qu'elle est traduite dans ce budget, accorde une trop grande place à la dissuasion nucléaire. Vous ne vous bornez pas à une modernisation, vous développez encore les armements nucléaires qui absorbent 23 % des crédits d'équipement. Nous sommes opposés à la construction d'un quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins et des missiles M-51. La dissuasion nucléaire n'est plus la clé de voûte de notre sécurité, les armes nucléaires ne sont plus adaptées aux menaces actuelles, au terrorisme. En outre, vos choix ne contribuent pas à limiter la prolifération, ils alimentent une course aux armements. Des initiatives diplomatiques en faveur du désarmement doivent au contraire être prises à l'ONU et à la prochaine conférence de révision du traité de non-prolifération nucléaire à New York.

Pour lutter contre le terrorisme et la prolifération nucléaire, il faut surtout développer beaucoup plus que vous ne le faites les capacités de renseignement et d'observation. Mais, outre la dissuasion nucléaire, votre priorité va aux forces projetables sur les théâtres d'opération extérieurs. Cela explique sans doute que le coût des Opex ait explosé en 2008 : 800 millions dépensés contre 440 prévus. Vous avez obtenu une rallonge pour 2009 mais ces opérations devraient être financées sur la réserve interministérielle, non par le seul budget de la défense. Surtout, quelle est la légitimité d'interventions de maintien de la paix qui risquent, comme en Afghanistan, de se transformer en actions de guerre contre un ennemi difficilement identifiable ? Voilà pourquoi nous avions refusé le renforcement de nos troupes dans ce pays : il changeait la nature de notre présence sur place. Sans mandat de l'ONU, les opérations extérieures portent atteinte aux valeurs de la charte des Nations unies et au multilatéralisme. Il est urgent de savoir, pour chaque opération, si le coût est en rapport avec nos priorités et nous vous demandons d'associer le Parlement à la réflexion que vous menez touchant les redéploiements et notre présence sur certains théâtres d'opérations.

Le Président de la République conditionne notre retour dans l'Otan à des progrès tangibles de l'Europe de la défense. C'est un leurre, destiné à masquer notre alignement sur la ligne américaine. L'Otan est devenue une organisation sans doctrine, servant exclusivement les intérêts américains. La politique d'élargissement frénétique menée vers les pays de l'ancien bloc soviétique est vécue comme une provocation en Russie. Il en va de même du bouclier antimissiles, qui est loin de faire consensus au sein des pays de l'Alliance atlantique.

Où en est la relance de l'Europe de la défense, une priorité de la présidence française ? Le bilan est maigre. Du reste, il ne pourra y avoir de progrès tant que vous n'aurez pas réussi à convaincre les Britanniques de l'utilité de la politique européenne de sécurité et de défense -et d'autres pays à organiser leur défense hors de l'Otan.

L'Agence européenne de défense, qui doit impulser la coopération entre les industries, ne jouera qu'un rôle mineur. Vous privilégiez les regroupements, les fusions et les prises de participation qui brisent l'identité des entreprises et compromettent la maîtrise nationale du secteur. Nous en avons de nombreux exemples inquiétants, notamment le sort promis à DCNS et à la Société nationale des poudres et explosifs.

Le plan de charge de DCNS est assuré pour plusieurs années mais les contrats de construction de sous-marins comprennent 80 % des transferts de technologie ce qui, à terme, aura des répercussions sur l'emploi en France. Lors du dernier comité d'entreprise, plusieurs scénarios d'étalement de programmes ont été présentés, qui auront aussi des conséquences sur l'emploi. Mais surtout, la privatisation de DCNS figure clairement dans la prochaine loi de programmation, puisque la possibilité de créer des filiales permettra à l'État de ne plus être majoritaire, abandonnant ainsi toute souveraineté nationale sur nos industries d'armement. Vous pouvez donc être assuré de notre ferme opposition à ces mesures lorsque nous discuterons la prochaine loi de programmation militaire.

Un budget traduisant une politique, le groupe CRC-SPG s'oppose à la vôtre en votant contre les crédits.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - Je voudrais dire quelques mots après ces interventions que j'ai écoutées avec beaucoup d'attention, en me concentrant sur celles de mon ami Jean-Pierre Chevènement et de M. Boulaud.

M. Jean-Louis Carrère.  - Qui n'est pas un ami !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - Je ne crois pas que l'on puisse parler de petite armée destinée à faire des opérations extérieures, comme l'a dit Jean-Pierre Chevènement, mais je pense qu'au cours des années à venir, lorsque nos forces seront engagées, ce sera nécessairement à l'extérieur du territoire national. C'est une conséquence de « l'arc des crises ».

Monsieur Boulaud, nous sommes en Afghanistan...

M. Jean-Louis Carrère.  - Hélas !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - ...à la suite d'une décision prise conjointement pendant la cohabitation...

M. Jean-Louis Carrère.  - Une décision dévoyée !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - ...par le Premier ministre et le Président de la République alors en fonction, et récemment ratifiée par les assemblées parlementaires.

Logiquement, M. Boulaud doit souhaiter le retrait de troupes d'Afghanistan. Mais elles y sont pour permettre l'émergence d'un État afghan. Nous pourrons alors nous retirer de ce pays où nous combattons le terrorisme et l'obscurantisme rétrograde.

Les Opex sont la conséquence de nos responsabilités en tant que membre du Conseil de sécurité. Le monde dans lequel nous vivons nous les impose. Faudra-t-il les mener partout ? Comme M. Chevènement, j'espère que nous pourrons réduire la voilure en Côte d'Ivoire et au Kosovo, mais l'instabilité de l'Afrique risque de conduire à de nouvelles interventions pour y maintenir la paix. Au Tchad, nous évitons des affrontements encore plus graves.

Monsieur Chevènement, nous avons tous deux -mais pas dans les mêmes conditions- effectué notre service militaire. L'armée de 2008 a besoin de spécialistes que la conscription ne procure pas. D'autre part, lorsque le gouvernement auquel vous participiez a décidé que la France interviendrait en Irak, il n'a pas été question d'y envoyer des appelés. D'ailleurs, aucun chef d'État ne pourrait envoyer des conscrits à l'extérieur.

Monsieur Boulaud, vous avez évoqué un « héritage calamiteux ». Je souhaite que la défense de la Nation fasse l'objet d'un consensus large et durable, mais vous m'obligez à rappeler que des décisions calamiteuses pour la défense ont été prises par...

M. Jean-Louis Carrère.  - Le gouvernement du Front populaire !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - ...le gouvernement de M. Jospin. L'inventaire sera fait lorsque nous discuterons la loi de programmation militaire, je vous le promets ! La « bosse budgétaire » d'aujourd'hui s'explique par cinq ans de laminage du budget de la défense et de report des programmes. Ainsi, la loi de programmation militaire n'a pas été exécutée. Les retards pris à cette époque atteignaient 8 milliards d'euros. Lorsqu'on prononce un réquisitoire, il faut être sûr de ne rien devoir se reprocher. Or, vos votes ont soutenu ce gouvernement, comme les miens ont soutenu ceux de MM. Raffarin et Villepin, qui ont consacré des efforts considérables à rattraper partiellement le retard accumulé, ce dont je leur sais gré.

Le ministre de la défense a obtenu que toutes les économies réalisées sur son budget lui soient réaffectées, ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait pu se faire accorder.

Enfin, j'espère que les ressources exceptionnelles permettront de réaliser la programmation des équipements, mais la conjoncture est menaçante. Je souhaite que nous votions ce budget lucide et courageux.

M. le président.  - Je vous propose de poursuivre la discussion du budget pour en finir vers 21 heures 45. (Assentiment)

M. Hervé Morin, ministre de la défense.  - (Applaudissements à droite) Ce projet budgétaire s'inscrit dans un contexte économique difficile, au point que certains observateurs doutent de son réalisme. Cette mission participe pourtant à la relance de l'activité économique. J'y vois la justification des choix faits en faveur de l'équipement, grâce un immense effort sur les dépenses de fonctionnement.

J'ai obtenu qu'une décision exceptionnelle permette d'utiliser toutes les économies de fonctionnement pour l'investissement ou l'amélioration de la condition militaire.

L'industrie militaire représente 165 000 emplois directs et autant d'emplois indirects, pour un chiffre d'affaires compris entre 15 et 16 milliards d'euros, tous les sites de production étant situés en France, qu'il s'agisse de grandes entreprises ou des nombreuses PME intervenant à titre direct ou comme sous-traitants disséminés sur l'ensemble du territoire. J'ajoute que la défense consacre 1 200 millions d'euros aux infrastructures, là encore en irriguant de grands groupes de BTP ou des PME. Cette mission représente donc une composante importante de l'investissement public. J'ajoute qu'elle consacre d'importants crédits à la recherche, avec, souvent, des applications civiles. La défense pourra donc participer pleinement au plan de relance que le Gouvernement et le Président de la République doivent annoncer dans quelques jours.

Le Livre blanc a défini les missions, le format et le contrat opérationnel de la défense. Monsieur Chevènement, nous ne sommes pas en train de préparer une petite armée de projection. Le Président de la République a rappelé que le précédent contrat opérationnel était virtuel. A l'inverse, le Livre blanc repose sur l'idée d'une France grande puissance militaire pouvant projeter 30 000 hommes sur un théâtre d'opérations majeures, 5 000 sur un théâtre mineur, avec 70 avions de combat, un groupe aéronaval et un groupe amphibie.

Depuis 1945, la France n'a jamais déployé 30 000 hommes sur un théâtre extérieur.

M. Jean-Louis Carrère.  - Elle ne le peut pas !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - En Indochine et en Algérie ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Si vous introduisez les guerres coloniales dans le débat, il risque d'être long !

Le contrat opérationnel, comparable à celui des Britanniques, fait de la France une grande puissance militaire.

Nous avons fixé un objectif d'augmentation des ressources au « zéro volume » jusqu'en 2011, puis à hauteur de 1 % par an en volume. Le financement des besoins est assuré pour les années à venir, y compris la « bosse » des dépenses exceptionnelles d'équipement jusqu'en 2011, auxquelles seront affectées des ressources exceptionnelles en plus des crédits budgétaires.

Sans vouloir polémiquer, la loi de programmation 1997-2002 a été si mal appliquée qu'une année de budget entière a été mise aux oubliettes ! (Marques d'approbation au banc des commissions)

M. Didier Boulaud.  - Qui était le chef des armées ?

M. François Trucy, rapporteur spécial.  - Alain Richard !

M. Hervé Morin, ministre.  - Le budget de la défense est défendu par un gouvernement et voté par une majorité parlementaire.

Un effort remarquable a été consenti entre 2002 et 2007, dans un contexte budgétaire difficile, afin de rétablir la disponibilité opérationnelle de nos forces. Souvenons-nous dans quel état déplorable elles se trouvaient au début des années 2000, par exemple les sous-marins nucléaires d'attaque ! Cet effort budgétaire n'était pas soutenable sur le long terme, mais il mérite d'être salué.

J'en viens à la réforme du ministère, portant principalement sur nos dispositifs d'administration et de soutien. La suppression de 54 000 postes permettra de dégager des ressources d'environ 3 ou 3,5 milliards d'euros sur l'ensemble de la période, qui serviront à améliorer les conditions de travail des personnels et l'équipement de nos troupes. C'est bien la somme des 36 000 suppressions résultant de la réforme du ministère, compte non tenu des externalisations, et des 18 000 résultant de la réduction du format des armées prévue par le Livre blanc, conformément au nouveau contexte géostratégique. Ces réductions d'effectifs porteront principalement sur le soutien, l'alimentation et les infrastructures.

L'armée de terre verra ses effectifs réduits de 11 000 postes, sur les 18 000 du Livre blanc. L'essentiel porte sur les fonctions de soutien, ce qui limitera l'impact de la mesure sur les forces projetables.

L'objectif fixé à la marine est ambitieux mais accessible, étant donné les rationalisations fonctionnelles auxquelles nous procéderons. Je fais confiance à l'état-major de cette armée qui a toujours fait preuve d'agilité et d'imagination. Les officiers de la marine disent qu'ils ont déjà réformé leurs structures, et qu'ils n'ont pas à faire les frais de la nouvelle réforme.

M. Jean-Louis Carrère.  - Eh oui !

M. Hervé Morin, ministre.  - C'est pourquoi nous en demandons moins à la marine qu'à l'armée de l'air.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est encore trop !

M. Hervé Morin, ministre.  - La réévaluation systématique des contrats opérationnels, des formations, des programmes d'armement et de notre organisation administrative permettra ainsi de diminuer les besoins de financement ordinaires et d'aplanir la « bosse » de 5 ou 6 milliards sur la durée de la loi de programmation.

Le budget triennal montre que la défense est l'une des priorités du Gouvernement. La progression des crédits prévue par le Livre blanc déroge à la norme financière de stabilisation, voire de baisse des ressources appliquée aux autres ministères. La défense bénéficiera d'un financement complémentaire pour le pic de besoins relatifs aux équipements, la « bosse » résiduelle d'1,7 milliard sur trois ans. Les ressources de la mission « Défense » hors pensions augmenteront de 1,6 milliard d'euros en 2009, pour atteindre un total dépassant 32 milliards contre 30,4 milliards en 2008, à structure budgétaire comparable.

Monsieur Chevènement, votre norme Otan n'est pas la mienne. Nous ne sommes pas à 1,6 % du PIB...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Comprenez-vous les pensions dans votre calcul ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Mais le système de pensions britannique n'est pas le nôtre !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Raisonnons donc hors pensions.

M. Hervé Morin, ministre.  - Justement : si l'on met à part les pensions et les charges salariales, on s'aperçoit que les sommes consacrées à l'équipement des armées en France et au Royaume-Uni sont à peu près équivalentes : elles ne diffèrent que d'environ 500 millions d'euros.

M. François Trucy, rapporteur spécial.  - C'est vrai.

M. Hervé Morin, ministre.  - L'augmentation des crédits de la défense résultera en partie des recettes exceptionnelles dégagées par la cession d'immeubles et de fréquences hertziennes, inscrites sur deux comptes d'affectation spéciale. Ces sommes, qui s'élèvent à environ 1,6 milliard d'euros, pourront être reportées si elles ne sont pas consommées dans l'année. Il s'agit de ressources parfaitement identifiées et sanctuarisées : la Lolf interdit qu'elles fassent l'objet de mesures de régulation et qu'elles soient versées dans un autre compte. Le recours à des sociétés de portage permettra de dégager immédiatement des moyens de trésorerie.

Le produit de la vente des fréquences hertziennes, monsieur Pintat, ne devrait pas être amputé par la crise économique, car celle-ci ne modifie pas les perspectives de développement à moyen terme de la téléphonie et de l'internet mobiles. Il est vrai que ce n'est pas le ministère de la défense qui maîtrise ce processus mais le Premier ministre, compte tenu de la dimension interministérielle de ce dossier. C'est précisément un arbitrage du Premier ministre qui a déterminé ce montant de 600 millions d'euros en 2009 : je suis donc confiant et serein.

S'agissant d'un éventuel partenariat public-privé dans le domaine des satellites de télécommunication, le projet est encore à l'étude. Les ressources dégagées seront inscrites en fonction des besoins.

Je remercie au passage le Sénat d'avoir exonéré de contribution au désendettement le produit des cessions immobilières de la Défense jusqu'au 31 décembre 2014.

Mme Nathalie Goulet.  - Ce ne fut pas sans mal !

M. Hervé Morin, ministre.  - Cette ponction aurait nui à la réalisation du plan d'infrastructures prévu par la loi de programmation. Je tiens à le dire au cas où d'autres amendements seraient déposés dans la suite de la discussion budgétaire : toute cession à titre gratuit au-delà du dispositif proposé par le Gouvernement aurait un impact sur la réalisation de la loi de programmation.

Pour la première fois dans l'histoire récente du ministère, la masse salariale ne progressera pas. S'agissant de la mission « Défense », elle va même diminuer pour s'établir à 11,7 milliards d'euros en 2009 contre 11,8 milliards en 2008, grâce à la suppression de 8 400 postes. Ces économies permettront d'améliorer les conditions de travail des personnels et de procéder à un repyramidage de rémunérations. Un capitaine gagnera ainsi entre deux et trois mois de solde supplémentaire par an dès 2011 ; dans les grades les moins favorisés, on gagnera au moins un mois de solde de plus, ce qui est assez rare pour être souligné.

Nous financerons également le plan d'accompagnement social des réformes à hauteur de 140 millions d'euros en 2009. Sur l'ensemble des emplois réservés, monsieur Dulait, 550 le seront aux fonctionnaires du ministère de la défense, 1 100 aux autres ministères. Les réformes ne nous empêcheront pas de recruter 21 000 militaires et 1 300 civils en 2009.

Notre effort d'équipement est considérable, puisqu'il atteindra 17 milliards de crédits de paiement en 2009, contre 15,4 milliards en 2008. Nous disposerons d'autorisations d'engagement pour passer 10,2 milliards de nouvelles commandes globales. Une plus grande visibilité des appels d'offres permettra au ministère de négocier dans les meilleures conditions.

La priorité accordée à la fonction « Connaissance et anticipation » et à l'espace sera concrétisée dès 2009 avec le lancement de la phase de conception du programme européen Musis. Contrairement à ce que certains d'entre vous ont dit, le bilan de la présidence française de l'Union européenne en matière de défense est extrêmement positif : tous nos partenaires s'accordent à le dire. Nous avons relancé la politique européenne de sécurité et de défense, en avançant sur des sujets concrets : capacité militaire, programmes de recherche, Erasmus militaire, plans d'évacuation des ressortissants européens, etc. Nous collaborons avec le Royaume-Uni.

Pour la première fois, une opération européenne se déroulera sous commandement britannique depuis le centre de commandement de Northwoods. L'Europe de la défense avance même chez les plus réticents.

Nous poursuivons l'effort pour le renseignement, notamment en créant 700 postes. Il n'est pas raisonnable de lancer le groupe aéronaval maintenant, monsieur Kerguéris, car il faut raisonner en termes de capacité globale. La décision sera prise en 2011 ou 2012.

Sur le nucléaire, j'indique à Mme Demessine comme à M. Chevènement que le programme que nous menons nous donne une souplesse incomparable : les M-51 arriveront en 2010 sur le Terrible ; nous poursuivons le programme TNO pour 2015 sans négliger la composante aéronavale. Oui, le glaive finit toujours par l'emporter sur le bouclier et c'est pourquoi la France améliore sa capacité de dissuasion.

Nous accomplissons des progrès en matière de MCO et M. Carrère a bien voulu noter l'amélioration du taux de disponibilité du matériel, grâce à l'effort budgétaire et aux réformes de structure.

Vous avez été nombreux à souligner l'importance des Opex, qui mobilisent 13 000 hommes et femmes. Moi aussi, je trouve que certains commentaires sur le drame de la vallée de l'Uzbin, particulièrement déplacés, témoignent d'une méconnaissance du sens de notre engagement.

Nous continuons à améliorer les provisions et elles augmenteront encore de 60 millions l'an en 2010 et en 2011. La prochaine loi de programmation militaire prévoira un mécanisme de financement interministériel. Quel progrès par rapport à il y a dix ans, quand les crédits d'équipement les finançaient en totalité ! La contribution de ces crédits sera réduite à 100 millions dès le collectif 2008. Il est en revanche trop tôt pour répondre sur les reports de crédits, même si j'espère de bonnes nouvelles.

Je ferai des propositions au Premier ministre pour réduire la dispersion : faut-il maintenir un tel niveau en Côte d'Ivoire, au Kosovo, en Bosnie, au Sinaï...

Mme Nathalie Goulet.  - Oui !

M. Hervé Morin, ministre.  - Ces ajustements se feront en concertation avec nos partenaires européens. J'appelle de mes voeux, pour janvier, le débat suggéré par Mme Garriaud-Maylam, comme le prévoit la Constitution.

Tous ces efforts n'ont qu'un but : garantir à nos armées les moyens de leur noble et exigeante mission. Je sais pouvoir compter sur votre soutien. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Le compte d'affectation spéciale immobilier servira à sanctuariser le produit des cessions mais la commission des finances s'est longuement interrogée sur les modalités de portage car elle ne voudrait pas que l'on transfère les dettes à une institution périphérique. Quelles que soient les subtilités, un immeuble ne sera cédé que lorsqu'un tiers se sera véritablement porté acquéreur. Nous voudrions être sûrs qu'il ne s'agira pas d'une nouvelle dette de l'État : au fond, nous ne verrions pas d'inconvénient à ce que l'État choisisse de s'endetter plutôt que de recourir à des modalités de portage quelque peu artificielles. Pouvez-vous nous apporter quelques apaisements ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Cette solution innovante s'opère dans une transparence totale. Une société de portage a été créée, dont la Caisse des dépôts et consignations sera actionnaire et qui achètera nos immeubles à l'estimation réalisée par le service des domaines. Nous en bénéficions ainsi dès 2009 sans subir de moins-values importantes et nous louons ensuite les locaux, comme cela apparaît dans le budget selon les règles de la loi organique relative aux lois de finance. Pour nous, l'opération est financièrement neutre mais nous disposons immédiatement de l'argent sans encourir les reproches qu'ont pu susciter des cessions trop rapides : la solution nous donne le temps et l'argent dont nous avons besoin.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je comprends bien le mécanisme. L'État pourrait vendre tous ses immeubles et empocher des centaines de milliards. Mais quand viendra la vraie vente, qui empochera la plus-value et viendrez-vous au secours de la structure de portage en cas de moins-value ?

M. Hervé Morin, ministre.  - La chose n'est pas totalement conclue mais le risque est transféré à la structure de portage.

Questions et réponses

Piratage

M. Christian Cambon.  - Depuis 2007, on assiste à une recrudescence de la piraterie au large de la Somalie : 80 attaques en 2008, dont le Ponant et le Carré d'as. Les pirates sont de plus en plus organisés et ils peuvent désormais attaquer à plus de 450 miles des cotes des navires de plus en plus importants. Le nombre de kidnappings augmente, de même que les rançons qui servent à renforcer leur arsenal. La cargaison du Sirius Star était estimée à 100 millions de dollars, mais ce sont aussi des bâtiments affrétés par le programme alimentaire mondial ou des transports d'armes, avec des conséquences toujours pus importantes.

Depuis octobre, la France a pris des initiatives au Conseil de sécurité de l'ONU, qui a accepté un droit de suite automatique en cas de flagrance ainsi que l'autorisation de patrouilles. L'adoption des résolutions 1814, 1816 et 1838 témoigne bien, de même que les déclarations franco-espagnoles, de la détermination de notre pays. A la tête de l'Union européenne, la France souhaite une véritable coordination avec l'Alliance atlantique afin de protéger le trafic maritime. L'installation d'une cellule à Bruxelles et le lancement d'opérations sont autant de signaux forts, ainsi que le fait que la Grande Bretagne dirige une opération navale.

Les moyens seront-ils renforcés et quel sera le rôle de la France quand elle quittera la présidence de l'Union européenne ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Vous avez remarquablement analysé le dispositif. Nous avons la certitude que cela se prolongera au-delà de la présidence française : nous y intégrons d'ailleurs la marine de pays qui n'appartiennent pas à l'Union et l'Alliance atlantique en complète les moyens.

Nombre de pays participent à l'opération. Pour l'Union européenne, nous aurons entre cinq et six bâtiments, complétés par des moyens venant d'autres pays. Il nous faut des moyens maritimes et de patrouille en nombre suffisant si nous voulons, sur ce théâtre étendu, que l'opération joue son rôle de dissuasion.

L'Europe a été à l'origine de cette mission. C'est grâce à la volonté de la France et de l'Espagne que nous pourrons assurer la sécurité du trafic dans cette région stratégique qu'est le golfe d'Aden.

Concertation avec les élus sur la carte militaire

M. Philippe Madrelle.  - La réorganisation du ministère de la défense provoque de réels bouleversements. Depuis 1960, on n'avait pas connu une telle déflation des effectifs. Les territoires seront rudement mis à contribution. Nombre d'unités sont déplacées, quelque trente garnisons sont appelées à disparaître. L'impact va se faire sentir sur les collectivités locales : des centaines d'emplois seront perdus, des zones d'activité condamnées. L'inquiétude est grande chez les personnels civils et militaires, ainsi qu'au sein des populations concernées.

On nous assure que les économies liées à la suppression de 54 000 postes seront entièrement réinvesties au profit des équipements et des personnels. Nous y serons attentifs. La restructuration commencera par coûter avant de rapporter : il serait bon que notre commission se dote d'un outil de suivi.

Quelle méthode entendez-vous suivre, monsieur le ministre, pour mettre en place la nouvelle carte militaire ? Le Gouvernement était censé dialoguer en amont et prévoir des compensations si des décisions négatives sont prises. Certaines ont été prévues mais elles restent insuffisantes. Comment comptez-vous améliorer la concertation avec les élus, défaillante aux yeux des intéressés ? (M. Jean-Louis Carrère applaudit)

M. Hervé Morin, ministre.  - Je suis prêt à vous rencontrer dès demain matin, comme j'ai rencontré tous les élus qui l'ont souhaité et je continuerai à le faire. J'ai demandé aux préfets de mettre en place des comités chargés de la restructuration. Si tel n'est pas le cas, je vous invite à m'en tenir informé.

Le financement attaché à la restructuration est important : 300 millions, plus 20 millions pour l'outre-mer, auxquels viennent s'ajouter 100 millions par an au titre du dispositif dit « Warsmann » d'exonérations fiscales et sociales consenties aux territoires les plus affectés, pour un total de 700 millions.

Quant à la méthode, elle passe par la signature de contrats de redynamisation des sites. Nous mettrons en place l'ensemble des moyens d'accompagnement requis. Le Président de la République a annoncé que nos emprises sur 24 sites seront cédées au prix de l'euro symbolique ; des aides aux entreprises sont prévues, ainsi qu'un programme de délocalisation des services de l'administration centrale. Un grand plan pour le nord-est doit aider à mobiliser des moyens considérables. J'ai reçu, la semaine dernière, en dépit des incertitudes économiques, les assurances d'une grande entreprise qui prévoit d'investir massivement sur un site et d'y créer des centaines d'emplois.

L'État n'a jamais été autant mobilisé pour les territoires. Il ne fait là que son devoir.

M. Philippe Madrelle.  - Les conditions de la fermeture de l'école de gendarmerie de Libourne contredisent vos affirmations.

M. Hervé Morin, ministre.  - Cela relève du ministère de l'intérieur.

M. Philippe Madrelle.  - Nous sommes dans le brouillard complet et on ne peut pas dire que la concertation soit exemplaire.

M. Jean-Louis Carrère.  - Peut-être à cause du nom du maire...

Base aérienne de Reims

M. Yves Détraigne.  - Le projet de budget pour 2009 comprend les premières mesures de mise en oeuvre de la restructuration des armées annoncée le 24 juillet. Son envergure est préoccupante : elle aura des effets sur l'économie et, en termes d'aménagement du territoire, dans toutes les régions, dont certaines sont déjà frappées de plein fouet par la crise de l'automobile. C'est le cas dans la Marne, en particulier dans la région de Reims qui compte de nombreuses entreprises de sous-traitance automobile, dont l'une vient déjà d'annoncer un plan social touchant plus d'une centaine de salariés.

La fermeture de la base aérienne 112, qui emploie 1 600 personnes et fait travailler de nombreuses entreprises du secteur civil avec des retombées économique de 50 et 60 millions, accélérera la crise, surtout si la fermeture intervient dès 2011, comme cela a été annoncé. Les élus comprennent mal cette date alors que le mirage F1-CR doit rester en service jusqu'en 2014. Ils auront bientôt l'occasion de vous faire part de leur perplexité.

La presse se fait l'écho de contacts avec nos amis étrangers pour la vente de Rafale, dont une partie est censée remplacée, sur la base de Mont-de-Marsan, une partie des F1-CR stationnés à Reims. Pouvez-vous-nous indiquer, monsieur le ministre, quel impact auraient d'éventuelles exportations sur le rythme d'équipement de nos armées ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Il ne restera, d'ici à 2011, qu'un escadron de Rafale F1-CR, regroupé à Mont-de-Marsan. Des mesures de restructuration des bases auraient dû être prises depuis des années, sachant que le programme Rafale, lancé depuis vingt-cinq ans, impliquait une réduction du nombre d'appareils, en raison de sa polyvalence.

Il n'y a aucune connexion entre la problématique de la restructuration et l'exportation des Rafale. Je puis cependant vous dire que nos contacts progressent bien et que nous avons bon espoir. Vous comprendrez que je ne puisse vous en dire plus, pour ne pas favoriser la concurrence.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est comme pour les champignons.

M. Hervé Morin, ministre.  - Je suis bien évidemment prêt à discuter des conséquences des restructurations dans votre région, où j'ai cru cependant déceler que la position des élus n'est pas forcément la même que celle des personnels et des syndicats de la base.

M. Yves Détraigne.  - Votre réponse me satisfait d'autant moins que l'on nous avait assuré que la base n'avait rien à craindre tant qu'il y aurait des Mirages F1-CR.

M. Hervé Morin, ministre.  - On ne va pas maintenir deux bases alors qu'il n'y a plus qu'un escadron !

Base aérienne de Cambrai

Mme Michelle Demessine.  - Dans le cadre du plan de restructuration, vous avez annoncé la fermeture, en 2011, de la base aérienne du Cambrésis. Les 1 364 employés et leurs familles s'inquiètent pour leur avenir alors que les conditions d'emploi local sont déjà difficiles. Monsieur le ministre, quelles seront les mesures d'accompagnement social ? Avez-vous lancé une étude sur une nouvelle affectation des terrains ? Confirmez-vous l'implantation à Cambrai de la direction centrale du commissariat de l'armée de terre ?

M. Hervé Morin, ministre.  - La restructuration s'accompagnera d'un contrat de redynamisation du site, doté de 10 millions, davantage si nécessaire, ce qui dépendra aussi des projets des collectivités. Les terrains de la base seront cédés à l'euro symbolique et les communes où la base est implantée bénéficieront de l'exonération fiscale et sociale « Warsmann ». Je vous confirme l'implantation à Cambrai de la direction centrale du commissariat de l'armée de terre.

Appui au sol des troupes en Afghanistan

M. Jacques Gautier.  - Je salue la réactivité du Gouvernement qui a envoyé des matériels de protection à nos troupes en Afghanistan, qui ont désormais besoin d'un appui au sol et d'aéromobilité. Monsieur le ministre, envisagez-vous de déployer à Bagram l'hélicoptère Tigre, dont le canon de 30 millimètres gyro-stabilisé serait d'une efficacité redoutable ? Cet appareil, testé par le 5ème régiment d'hélicoptères de combat, semble donner entièrement satisfaction. Allez-vous déployer des mini-drones Drac pour devancer la progression de nos troupes, en complément des trois drones mâles que nous y possédons déjà ? Enfin, ne trouvez-vous pas indispensable d'acheminer deux hélicoptères Caracal supplémentaires et d'en remplacer la mitrailleuse de 7,62 par une de 12,7 ou un canon de 20 millimètres, de façon à passer de l'autoprotection, à l'appui au sol ? Aurez-vous les moyens de procéder à l'achat de matériels adaptés à ce théâtre d'opérations particulier où les combats se durcissent ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Merci de souligner les efforts déjà déployés par le Gouvernement : les moyens en matériels mobilisés représentent 400 millions d'euros.

L'hélicoptère Tigre arrive tout juste dans l'équipement de nos armées, mais il n'est pas exclu que nous l'acheminions en Afghanistan l'an prochain. De même, pour les mini-drones de type Drac. Enfin, je vous répondrai ultérieurement sur le remplacement de la mitrailleuse du Caracal, mais je puis d'ores et déjà vous dire que nous ne disposons pas assez de ces hélicoptères pour en envoyer d'autres en Afghanistan : ceux que nous avons en plus servent à d'autres missions, ou à la formation des équipages.

Défense européenne

Mme Josette Durrieu.  - Les opérations extérieures européennes sont principalement financées par trois pays : l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Monsieur le ministre, la défense européenne progresse-t-elle ? Les Britanniques y seraient acquis à 60 %, les Européens à 80 %. Peut-on espérer, lors du Conseil européen des 11 et 12 décembre, un accord sur la stratégie de sécurité révisée ? Quid du renforcement des capacités militaires et de l'interopérabilité des armées européennes ? Envisage-t-on de partager nos compétences technologiques ?

L'an passé, notre aviation est intervenue, dans le cadre de l'Alliance atlantique, pour sécuriser l'espace aérien des pays baltes, et cette année de l'Islande. La menace était russe, semble-t-il : monsieur le ministre, la Russie est-elle une menace ou un partenaire ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Vastes questions... La défense européenne avance depuis qu'elle a pris corps en 1998, elle a fortement progressé avec la présidence européenne. Nous avons donné de nouveaux programmes à l'agence européenne de défense, créée en 2004. Nous avons lancé, à 27, le programme Erasmus pour les officiers qui pourront se former dans un autre pays de l'Union : ce sera une occasion très concrète de rapprochement et d'interopérabilité. Nous mettons en place la possibilité de plans d'évacuation des ressortissants européens en cas de crise internationale. Il existe un projet de groupe aéronaval européen : un porte-avions pourrait être escorté par des bâtiments d'autres pays. Nos interventions aériennes l'an passé et cette année, dans les pays baltes et en Islande, ont été des missions exécutées dans le cadre de l'Alliance atlantique, qui ont aussi servi à assurer la sécurité aérienne.

Nous intervenons au titre de nos accords, pas du tout en fonction d'une Russie belliqueuse. L'Europe devra créer un vrai partenariat stratégique et un dialogue confiant avec la Russie. C'est important pour la stabilité de notre continent.

Mme Josette Durrieu.  - On peut quand même s'interroger sur la Russie qui a reconnu l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. C'est une décision unilatérale, une brèche qui a été ouverte et peut-être a-t-elle été ouverte parce que, dans le cadre de l'accord signé par notre Président de la République entre la Russie et la Géorgie, il manquait une garantie essentielle, le respect de l'intégrité et de la souveraineté du pays. C'est à cause de cette défaillance que la Russie a trouvé l'occasion d'aller plus loin.

Programme Barracuda

M. René Beaumont.  - En décembre 2006, le ministère de la défense a annoncé la notification du contrat de réalisation de sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda aux entreprises DCNS et Areva-TA. Les livraisons s'échelonneront entre 2016 et 2027. Le programme Barracuda permettra le remplacement des six sous-marins d'attaque de type Rubis et il répond au besoin primordial de renouveler notre escadre de sous-marins nucléaires. J'ai pu personnellement en vérifier l'urgente nécessité lors d'un stage passionnant de 72 heures en janvier, en immersion en Méditerranée à bord de l'Améthyste. Les quatre cinquièmes du globe sont recouverts d'eau et, le trafic maritime s'intensifiant chaque jour, il est capital que notre pays puisse assurer la sécurité de ses échanges tant économiques que stratégiques. Le SNA est une composante clé de notre capacité de dissuasion à différentes échelles.

Nous ne pouvons prétendre à un statut de grande puissance dans un espace aéromaritime globalisé où les menaces présentent désormais un visage transnational et non étatique si notre marine nationale ne dispose pas de réelles et effectives capacités opérationnelles. La sécurisation de nos approvisionnements et de nos ressortissants en mer est un défi majeur tant pour nos intérêts nationaux que pour nos ambitions au sein de la politique européenne de défense, qui engagera d'ailleurs bientôt des bâtiments dans le Golfe d'Aden.

Le SNA a une vocation stratégique mais aussi un rôle de base arrière de soutien essentiel pour nos troupes dans les opérations spéciales telles que le largage et la récupération de commandos. Il est également indispensable en accompagnement des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. Par sa conception, il constitue un élément moteur pour la politique de recherche et développement de la France, comme l'attestent les innovations acoustiques et écologiques avec le « passeport vert » mises au point par le CEA, et pour notre économie : la DCNS dépend pour plus de 70 % de son activité du budget français de la défense, et plus de 100 sous- traitants et PME sont impliqués dans ce programme. Outre sa traduction économique en milliers d'emplois sur plusieurs sites, le programme Barracuda est aussi un enjeu stratégique pour le maintien d'un savoir-faire français dans le domaine de la dissuasion nucléaire et de sa composante navale.

Alors, monsieur le ministre, dans le cadre de la réforme des armées et dans l'optique de la future loi de programmation militaire, pouvez-vous nous confirmer que les crédits de la mission seront maintenus et respectés et que ce programme sera mené à bien ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Vous avez parfaitement décrit le programme Barracuda et le rôle de nos SNA. Ils constituent une priorité stratégique. La loi de programmation militaire y consacre des crédits extrêmement importants. Mes services viennent de me notifier la tranche conditionnelle correspondant à la commande complète du premier SNA et 2009 verra le lancement du financement du deuxième. Le financement de la production d'un SNA tous les deux ans est prévu sur plus de deux lois de programmation militaire. Le coût total est de 8 milliards. Dès 2016, on procèdera aux essais du premier de la série et la cadence sera ensuite de deux ans entre chaque livraison, jusqu'en 2027. Rassurez-vous, ce programme est inscrit et c'est une priorité de la loi de programmation.

Capacités de mobilité aérienne

M. Daniel Reiner.  - L'expérience montre que nos capacités aériennes sont tout à fait insuffisantes pour la projection de nos forces sur un terrain d'opération. La loi de programmation mettra en avant le programme A400M, programme majeur mené en coopération avec six pays européens. Ce programme devait nous livrer un premier appareil en 2009. On constate qu'il est hésitant et qu'on recule d'année en année la livraison de ce premier appareil. Où en est ce programme ? Quelles mesures palliatives peut-on prendre en attendant une éventuelle flotte européenne de transport ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Une flotte européenne de transport fait partie des projets arrêtés pendant la présidence française. Ce transport tactique permettra de compléter nos moyens. Pour l'A400M, les difficultés sont sérieuses. L'industriel est incapable de nous donner une date. J'ai rencontré à plusieurs reprises le président Gallois. J'ai réuni les ministres de la défense concernés et nous sommes convenus que nous étions prêts à revoir certaines spécifications de l'avion ainsi que les sanctions financières attachées au retard de livraison. Mais nous ne le ferons que lorsque EADS sera capable de nous fixer une date de livraison. Les délégués généraux pour l'armement travaillent de leur côté sur les spécifications. On essaie donc de remettre le programme en ligne, mais il nous faudra des mesures transitoires. Nous avons plusieurs solutions : l'affrètement ou l'acquisition d'A 330.

Avenir de DCNS

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Ce budget 2009 signe un retour à la réalité qui vous a conduit à prendre des décisions ; certains programmes ont ainsi été étalés ou supprimés. Pour la marine nationale, c'est l'abandon du second porte-avions et la réduction et l'étalement du programme Fremm. Un bon point cependant : le maintien de six Barracuda comme priorité.

Ces décisions ne sont pas sans conséquences sur les entreprises industrielles qui fournissent ces équipements, parmi lesquelles DCNS. Cela m'inquiète d'autant plus que l'on ne comprend pas quel avenir vous réservez à cette entreprise. En 2004, le Gouvernement avait choisi de concentrer l'industrie navale militaire française de défense par le rapprochement entre DCN et Thalès. Cette opération, baptisée « Convergence », a été réalisée en 2006, non sans mal d'ailleurs. Quelle ne fut donc pas notre surprise, et peut-être la vôtre, d'entendre le Président de la République dire récemment qu'il était favorable à un rapprochement entre les Chantiers de l'Atlantique et DCNS, c'est-à-dire à un rapprochement entre construction navale civile et militaire. Personne n'a vraiment compris sur quelle synergie industrielle reposerait un tel rapprochement. Le chiffre d'affaire de DCNS repose à 40 % sur les services, les équipements et la propulsion nucléaire ; le reste, c'est-à-dire la conception de navires armés, se décompose entre sous marins (35 %) et bâtiments de surface (25 %). Seul ce dernier segment pourrait profiter des moyens d'un chantier civil, et encore pas complètement puisque l'électronique y tient une part importante. A moins que l'objectif soit en fait de sécuriser les activités cycliques -donc risquées- des chantiers de Saint-Nazaire en les rapprochant de celles, beaucoup plus stables, de DCNS.

Dès lors, quel est le lien entre cette annonce et la décision de remettre en cause l'unicité de DCNS en favorisant, via l'article 10 de la future loi de programmation, la filialisation et la privatisation de l'entreprise ? Lors du changement de statut de DCN -que je n'ai pas voté-, l'État s'était engagé à préserver le statut de société de plein exercice de l'entreprise. Vous décidez aujourd'hui de rompre cet engagement en organisant la vente à la découpe de DCNS. Selon moi, c'est une véritable boite de Pandore qui, en favorisant les transferts d'activités et de personnels, pourrait conduire à l'éclatement du groupe.

Quelle est votre stratégie, votre projet industriel pour DCNS ?

M. Didier Boulaud.  - Très bien !

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous sommes tous deux ici, ainsi que la sénatrice de l'Orne, attachés à la réunion de la Haute et de la Basse-Normandie. Voilà au moins un point d'accord entre nous !

Vous êtes injuste lorsque vous dites que nous privatisons DCNS.

Ce n'est absolument pas le cas. Ce que je souhaite, c'est que DCNS soit en mesure de nouer des partenariats industriels en Europe. Nous avons un atout extraordinaire : grâce à notre effort d'équipement colossal, l'entreprise bénéficie d'un plan de charge garanti à quinze ou vingt ans. Elle a la sérénité et la force, il lui reste à nouer des partenariats en Europe, par le biais de filiales communes. Or le personnel jusqu'à présent, en raison de son statut, ne pouvait travailler dans des filiales où DCNS n'aurait pas été majoritaire. Et si on demande à nos partenaires de créer des filiales sous la condition que DCNS soit majoritaire, on ne fera pas grand chose !

Nous voulons mieux tirer parti des compétences extraordinaires des ouvriers d'État - celles pour la construction des coques de sous-marin, par exemple, sont sans équivalent chez nos voisins !

Vous vous dites européen. Alors acceptez que DCNS s'ouvre à des discussions avec ses partenaires : la guerre que se livrent aujourd'hui les divers chantiers navals en Europe est incroyable ! L'industrie européenne de défense trouverait pourtant dans le secteur de la construction navale des perspectives prometteuses, des projets auxquels notre magnifique fleuron pourrait apporter beaucoup.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - J'adhère totalement au projet... de réunification de la Normandie ! (Rires) Et je ne doute pas que les propos tenus par le Président de la République contribueront à convaincre nos collègues. Vous n'avez en revanche pas répondu à ma question : pourquoi cette annonce à propos des Chantiers de l'Atlantique et de DCNS ? Les ouvriers à statut d'État ont été mal traités. J'avais interrogé M. Xavier Bertrand pour savoir ce que prévoirait le décret sur la participation pour les entreprises à statut particulier : hélas, le ministre est revenu sur ce qu'il nous avait promis.

Mais peut-être le but est-il de faire disparaître au plus vite ce statut particulier ? Nous ne sommes pas hostiles aux partenariats. Mais les ouvriers d'État, qui contribuent à la richesse et la créativité de leur entreprise, méritent d'y trouver leur compte !

Calendrier d'examen des projets de loi

M. Jean-Louis Carrère.  - Ce budget constitue la première annuité d'une loi de programmation qui n'existe pas encore. La loi de programmation militaire n'a été ni débattue, ni votée. La gendarmerie est désormais annexée au ministère de l'intérieur -mais le texte sur la gendarmerie n'a été ni débattu ni voté. Quant au projet de loi sur la sécurité intérieure, il n'a pas même été présenté au conseil des ministres. Nous examinons donc la première annuité de projets de loi virtuels. C'est une mauvaise méthode et une désinvolture à l'égard du Parlement. Qu'est devenu l'esprit de la révision constitutionnelle ? Vous déconsidérez le rôle du Parlement.

Nous examinerons l'an prochain un projet de loi de programmation militaire purement franco-français. Le récent Livre blanc était franco-français. Le Gouvernement n'a pas profité de la présidence française pour donner un nouvel essor à la défense européenne. Le seul geste fort concerne l'intégration à l'OTAN : tout un symbole de nos ambitions ! Nous ne cautionnerons pas cette dérive. Quand changerez-vous de méthode ? Laquelle adopterez-vous ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Ce n'est pas la première fois que des textes sont examinés dans cet ordre-là.

M. Jean-Louis Carrère.  - Ah oui ? Quand est-ce arrivé ?

M. Hervé Morin, ministre.  - En 1993.

M. Jean-Louis Carrère.  - Inexact !

M. Hervé Morin, ministre.  - Et en 2002.

M. Jean-Louis Carrère.  - Les circonstances étaient différentes.

M. Hervé Morin, ministre.  - Le projet de loi de programmation militaire est sur le bureau des assemblées. Quant à ce budget, il trace des perspectives triennales, il est par lui-même un texte de programmation !

L'Europe de la défense a accompli ces six derniers mois des progrès considérables ; un programme de travail a été arrêté, qui comporte des avancées sur bien des sujets. Au point que lorsque les Tchèques, les Suédois, les Espagnols évoquent leur tâche à venir comme présidents de l'Europe, ils estiment avoir surtout à faire aboutir les projets lancés par la France. Quel hommage !

M. Jean-Louis Carrère.  - Je profite de l'occasion pour saluer les efforts d'équipement que vous avez consentis au profit de nos troupes en Afghanistan, en réponse à nos demandes, au retour d'une mission sur place. Je vous remercie de ce que vous avez fait.

Mais a-t-on mis la charrue avant les boeufs en 1993 comme vous l'affirmez ? Je ne le crois pas. En 2002, c'était un autre cas de figure, marqué par des élections et un changement de gouvernement. Ici, il en va différemment ! Et si le projet de loi de programmation est déjà déposé sur le bureau des assemblées, c'est encore pire, car il suffisait de l'inscrire à l'ordre du jour avant le budget ! Cette omission est regrettable.

Les démarches entreprises pour faire avancer l'Europe de la défense ne vont pas dans la bonne direction. Et pourquoi n'avoir pas lancé de processus nous menant à une vraie défense européenne pendant la présidence française ?

Examen des crédits

Article 35

M. le président. - Amendement n°II-14 rectifié, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances.

M. Charles Guené, rapporteur spécial.  - Nous modifions les crédits dans le sens d'une plus grande sincérité des prévisions de dépenses sur les opérations intérieures (Opint). Celles-ci ne faisaient l'objet, à l'origine, ni d'autorisations d'engagement, ni de crédits de paiement. Cette année, comme l'an dernier, nous vous proposons une augmentation des crédits inscrits, cette fois de 360 000 à 500 000 euros.

Nous réduisons donc de 50 000 euros les crédits des « Dépenses de personnel », ceux de l'action 4 « Politique immobilière » du programme 212, ceux du « Soutien de la politique de la défense », ceux de l'action 11, « Préparation et conduite des opérations d'armement » du programme 146 « Equipement des forces ». Nous réduisons aussi de 40 000 euros les crédits de l'action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » du programme 144. Tout cela au profit de l'action 7 « Surcoûts liés aux opérations intérieures » du programme 178.

M. Hervé Morin, ministre.  - Je vous réponds oui sur le fond, mais procédons par redéploiements : ne pénalisez pas, par exemple, les services de renseignement.

Nous faisons justement un effort en matière de renseignement.

Je demande le retrait de l'amendement mais je m'engage à satisfaire votre souhait.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je propose de rectifier l'amendement dans le sens des observations que M. le ministre vient de formuler.

M. Hervé Morin, ministre.  - Je préfère le retrait.

M. Charles Guené, rapporteur spécial.  - M. le ministre s'engageant à porter les crédits à 500 000 euros, je retire l'amendement.

L'amendement n°II-14 est retiré.

Les crédits de la mission sont adoptés.

Article 59 decies

I.  -  Peuvent prétendre, à compter du 1er janvier 2009 et jusqu'au 31 décembre 2014, sur demande agréée et dans la limite d'un contingent annuel fixé par arrêté du ministre de la défense, au versement d'un pécule modulable d'incitation à une seconde carrière déterminé en fonction de la solde budgétaire perçue en fin de service :

1° Le militaire de carrière en position d'activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge de son grade pouvant bénéficier d'une solde de réserve au titre de l'article L. 51 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou mis à la retraite avec le bénéfice d'une pension liquidée dans les conditions fixées aux articles L. 24 ou L. 25 du même code ;

2° Le militaire engagé en position d'activité rayé des contrôles avant quinze ans de service.

Le pécule est attribué en tenant compte notamment des nécessités du service, de l'ancienneté de service du militaire et de sa situation par rapport à la limite d'âge de son grade.

Ce pécule est versé en deux fois, le second versement étant conditionné par l'exercice d'une activité professionnelle.

Le montant du pécule perçu est remboursé par tout bénéficiaire qui, dans les cinq années suivant sa radiation des cadres ou des contrôles, souscrit un nouvel engagement dans les armées ou est nommé dans un corps ou cadre d'emploi de l'une des fonctions publiques.

Le remboursement est effectué dans le délai d'un an à compter de l'engagement ou de la titularisation.

Un décret détermine, pour chaque catégorie de militaires mentionnée aux 1° et 2°, les conditions d'attribution ainsi que les modalités de calcul, de versement et, le cas échéant, de remboursement du pécule.

II.  -  Le 30°  de l'article 81 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 30° Le pécule modulable d'incitation des militaires à une seconde carrière, versé en application du I de l'article 59 decies de la loi n°   du       de finances pour 2009 ; ».

III.  -  Le dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996 relative aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées est supprimé.

M. le président.  - Amendement n°II-22, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances.

Compléter le sixième alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cette disposition ne s'applique pas aux anciens militaires admis dans un emploi au sein de l'Établissement public d'insertion de la défense.

M. Charles Guené, rapporteur spécial.  - Les anciens militaires doivent rembourser le pécule s'ils occupent un emploi public. Or, nous l'avions exclu pour les personnes employées par l'Établissement public d'insertion de la défense (Epid).

Il faut maintenir cette exception.

M. Hervé Morin, ministre.  - La loi impose ce remboursement lorsque l'ancien militaire est nommé dans l'une des trois fonctions publiques. Les personnes employées par l'Epid étant contractuels, l'amendement est ipso facto satisfait.

L'amendement n°II-22 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-24, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances.

Dans la première phrase du I de cet article, après le mot :

agréée

insérer les mots :

par le ministre de la défense

M. Charles Guené, rapporteur spécial.  - Cette précision rédactionnelle est conforme au droit en vigueur.

M. Hervé Morin, ministre.  - Totalement favorable.

L'amendement n°II-24 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-30, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances.

Supprimer le III de cet article.

M. Charles Guené, rapporteur spécial.  - Ces dispositions ne paraissent pas avoir d'effet juridique, puisque tout ce qui se rapporte à l'ancien pécule est caduc à l'exception des règles régissant son reversement.

L'amendement n°II-30, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 59 decies, modifié, est adopté.

Les articles 59 undecies et 59 duodecies sont successivement adoptés.

Prochaine séance, mardi 2 décembre 2008 à 9 h 30.

La séance est levée à 21 heures 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 2 décembre 2008

Séance publique

À 9 HEURES 30, À 15 HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).

Rapport (n° 99, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Examen des missions :

- Sécurité

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 27) ;

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Sécurité - Gendarmerie nationale  -  avis n° 102, tome IX) ;

MM. Jean-Patrick Courtois et François-Noël Buffet, rapporteurs pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 104, tome XI).

- Sécurité civile

M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 28) ;

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 104, tome X).

- Solidarité, insertion et égalité des chances (+ articles 74, 75, 76 et 76 bis)

MM. Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux (rapport n° 99, annexe n° 29) ;

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome VI).

- Outre-mer (+ articles 64 et 65)

MM. Marc Massion et Éric Doligé, rapporteurs spéciaux (rapport n° 99, annexe n° 18) ;

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome IV) ;

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome II) ;

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 104, tome VII).