Loi de finances rectificative pour le financement de l'économie pour 2008
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour le financement de l'économie.
Discussion générale
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. - (Applaudissements à droite, sur plusieurs bancs au centre et au banc des commissions) La crise financière internationale que nous avons vécue, que nous vivons, est à bien des égards une crise des excès. Excès de spéculation, tout d'abord, qui a conduit à l'apparition d'une bulle immobilière aux États-Unis et dans de nombreux pays Européens, y compris proches, comme l'Irlande et l'Espagne. Excès de crédit, aussi, aux États-Unis, où un système de distribution de prêts sans garde-fous a précipité tout un pays dans une crise hypothécaire sans précédent. Excès de complexité, ensuite, la profession financière ayant perdu la maîtrise des outils qu'elle avait créés. Excès de cupidité enfin, avec des politiques de rémunération qui incitaient bien souvent à saisir sur l'instant des bonus faciles pour laisser au lendemain des risques incommensurables. Sans oublier l'excès qui a saisi les marchés depuis la défaillance de la banque Lehman Brothers, le 15 septembre. Cet accès d'irrationnel qui a saisi la Bourse et les investisseurs fait qu'aujourd'hui, certaines entreprises industrielles valent moins que les immeubles dans lesquels elles exercent leur activité.
M. Jean-Pierre Michel. - Bref, excès du libéralisme ! (A droite, on réclame le silence)
Mme Christine Lagarde, ministre. - Il fallait donc réagir avec vigueur et détermination. Car quand l'irrationnel prend racine au coeur du système financier, c'est toute l'économie qui menace de caler, et avec elle, l'emploi, l'activité et les entreprises. Au final, on assiste à l'appauvrissement non des banquiers, mais de tout un peuple.
M. Jean-Pierre Michel. - Vous croyez au peuple ? C'est nouveau !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Un peu de sérénité, monsieur le juge !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Avec ce collectif, nous proposons d'opposer la solidité de l'État à la volatilité des marchés, la permanence de l'État à l'évanescence de la liquidité. Nous mettons la solidité et la permanence de l'État, par le biais de sa garantie, au service de nos concitoyens pour vaincre la défiance. C'est en relançant le refinancement du système financier que nous éviterons des conséquences beaucoup plus graves si notre réaction n'était pas rapide. (M. Jean-Pierre Michel se gausse)
Ce plan procède aussi d'un véritable élan européen. Adopté hier en conseil des ministres, il est l'aboutissement d'un processus de coordination international qui a commencé le 4 octobre avec un G4 convoqué par le Président de la République, s'est poursuivi à seize, avec l'Eurogroupe, le 6, à vingt-sept, le 7, avec l'Ecofin, puis s'est élargi en traversant l'Atlantique, puisque les États-Unis, le Canada, le Japon, ont rejoint les conclusions du G7, le 10 octobre. Au-delà, ce sont les pays du G20, dont les pays émergents, eux aussi affectés par la crise, qui nous ont rejoints, le 11 octobre tandis que le comité monétaire et financier du FMI, qui compte 78 États membres, endossait les principes fondamentaux du plan. Ce mouvement a enfin débouché sur l'accord historique des chefs d'État et de gouvernement de l'Eurogroupe, le 12 octobre. Accord historique par la portée de ses engagements et parce que c'est la première fois que les chefs d'État et de gouvernement de l'Eurogroupe décident, en accord avec la BCE, de mettre les mêmes principes au service des mêmes objectifs.
M. Jean-Pierre Michel. - Vive la Grande-Bretagne !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Ces principes, il nous appartient aujourd'hui de les décliner en les adaptant à la situation de notre pays. Le texte a été élaboré en urgence, grâce à l'attention concentrée de l'ensemble des acteurs. Achevé vendredi, il a été, après examen dimanche par le Conseil d'État, adopté dès lundi par un conseil des ministres extraordinaire, soumis aux commissions des finances de vos deux assemblées mardi, voté hier à l'Assemblée nationale avant de vous être soumis cet après-midi. Je salue la riche contribution de votre commission des finances, animée par son président et son rapporteur général. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
Le Gouvernement vous propose trois mesures simples et de bon sens, toutes fondées sur l'apport par l'État de sa garantie. Nous vous proposons tout d'abord de créer une société de refinancement. La crise de confiance rend difficile le financement interbancaire et, partant, les prêts aux ménages et aux entreprises. L'investissement et l'emploi ne peuvent qu'en souffrir. C'est inacceptable. Pour rétablir un cercle vertueux, cette société lèvera des fonds sur les marchés avec la garantie de l'État, destinés à être prêtés aux banques qui pourront à leur tour assurer le financement normal des ménages et des entreprises. Il s'agira d'une société privée dont le capital sera détenu à 34 % par l'État, soit une minorité de blocage. M. Camdessus vient d'en accepter la présidence et M. Coste la direction générale.
Au-delà des droits que lui confère sa présence au capital, l'État exercera un contrôle étroit sur toutes les décisions susceptibles d'avoir un impact sur le contribuable au travers de la garantie de l'État. A cet effet, des commissaires du Gouvernement, dotés d'un droit de veto, siégeront au conseil d'administration. La Banque de France exercera également un contrôle, notamment quant à la qualité du collatéral déposé en garantie par les banques pour bénéficier de la mise à disposition de fonds.
Le Gouvernement souhaite une structure transparente, au fonctionnement de laquelle il entend associer la représentation nationale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Excellent !
Mme Christine Lagarde, ministre. - C'est un travail que je souhaite mener en liaison avec les commissions des finances des deux assemblées, dans les prochains jours.
D'autres pays ont fait le choix de garantir directement toute la dette de toutes leurs banques. Nous avons retenu une solution tout aussi efficace et mieux protectrice des intérêts du contribuable.
Le contribuable français aura deux protections : nous facturerons la garantie que nous accorderons et les prêts que la société de refinancement fera aux banques seront assortis d'un gage. La société de refinancement prêtera et elle recevra parallèlement des actifs dont la Banque de France contrôlera la bonne qualité. Si la banque ne parvient pas à rembourser, la société de refinancement disposera de ces actifs.
Il ne s'agit pas d'une structure de défaisance ou d'acquisition d'actifs comme en Espagne ou dans le plan Paulson, selon lequel l'État américain prendra à sa charge les actifs les plus mauvais. En France, l'État n'achètera pas d'actifs, il donnera sa garantie à une société qui, grâce à cette garantie, aura emprunté à des taux bas. Il s'agit de réamorcer la pompe à finances.
La deuxième mesure consiste à créer un guichet bénéficiant de la garantie de l'État pour renforcer les fonds propres des organismes financiers qui le souhaitent. Les États-Unis ont abandonné leur structure de défaisance pour mettre eux aussi en place deux guichets, de refinancement et de recapitalisation. Je vous le dis très clairement, les fonds propres des banques françaises excèdent aujourd'hui largement les minima réglementaires. Pour autant, la France ne doit pas être en reste. Nous devons disposer des mêmes moyens que nos partenaires pour renforcer les fonds propres de nos établissements financiers, s'ils le souhaitent.
Ce dispositif complète l'engagement solennel du Président de la République d'intervenir pour stabiliser la situation de toute banque qui connaîtrait des difficultés. L'État ne laissera pas tomber une seule des banques françaises. Aucun déposant français n'aura à souffrir de la défaillance d'un établissement financier exerçant sur notre sol.
La troisième garantie que le Gouvernement vous propose d'adopter aujourd'hui, c'est celle en faveur du groupe Dexia, qu'il fallait sauver tant pour la stabilité de notre secteur financier que pour le financement de nos collectivités locales. C'est pourquoi nous sommes intervenus au coté des gouvernements belge et luxembourgeois pour stabiliser le groupe. Il faut maintenant assurer la pérennité de l'activité, c'est le sens de la garantie que nous vous proposons d'adopter sur les nouvelles émissions des entités du groupe Dexia.
J'en viens au montant du plafond des garanties que le Gouvernement vous propose d'adopter. J'insiste sur le fait qu'il s'agit de garanties, qui ne seront probablement jamais tirées et, en tout état de cause, on n'atteindrait pas les plafonds annoncés. Nous voulons disposer des moyens pour rétablir la confiance.
Pour les trois dispositifs -la société de refinancement, la société de prise de participation et Dexia- le plafond de la garantie pouvant être accordée par l'État atteint 360 milliards, dont 40 pour garantir les émissions de la société de prise de participation de l'État destinée à renforcer les fonds propres des banques qui le souhaitent ou à intervenir au capital de banques en difficulté.
En contrepartie, nous ne pourrons accepter que l'implication de l'État cautionne des pratiques que nous n'approuvons pas. La doctrine que j'ai appliquée pour Dexia vaudra pour les autres : dirigeants et actionnaires doivent supporter les conséquences d'une intervention de l'État en capital. Les dirigeants doivent être remerciés, les parachutes dorés rester pliés, et l'État prendre sa part du contrôle de la société.
M. Charles Pasqua. - Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Les refinancements que l'État rendra possibles en apportant sa garantie devront servir pour des financements nouveaux aux ménages et aux entreprises. Je demanderai aux banques de se fixer des objectifs pour le financement de l'économie. Le management me rendra compte régulièrement de leur réalisation et proposera le cas échéant des mesures correctrices.
En matière éthique, je demanderai un encadrement strict de la rémunération des dirigeants avec l'interdiction du cumul contrat de travail et mandat social, le plafonnement des indemnités de départ et l'institution d'un comité des rémunérations là où il n'y en a pas. (Applaudissements sur certains bancs UMP)
Je demanderai également aux établissements qui souhaitent en bénéficier de présenter à la commission bancaire une politique de rémunération de leurs opérateurs qui permette de garantir qu'elle n'incite pas à la prise de risques déraisonnables.
Une convention signée entre l'État et chaque banque participante fixera ces contreparties.
S'agissant du guichet de renforcement des fonds propres pour les banques bien capitalisées qui souhaitent en bénéficier, je demanderai la renonciation aux parachutes dorés, l'interdiction des rachats d'actions et l'association de l'État aux performances futures de l'établissement. (Applaudissements sur certains bancs UMP)
Ces contreparties sont essentielles. Mais, au-delà, nous devons bâtir un nouveau cadre plus éthique pour le capitalisme, au service du financement de l'économie réelle. Il faut des boussoles éthiques ! Le Président de la République a mis cette exigence au sommet de ses priorités. Il va ouvrir ce chantier à Bruxelles, où je le rejoins tout à l'heure, laissant à M. Novelli le soin de me suppléer. Nous verrons si la structure la plus adéquate sera un G4, un G8 ou un G14.
M. Jean-Louis Carrère. - Ou les amis du Fouquet's !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Il s'agit là d'un texte important, fondateur, que vous abordez dans une extrême urgence. Je vous remercie de l'attention que vous lui portez et du travail que vous avez accepté de fournir. (Applaudissements à droite et sur de nombreux bancs au centre)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Il y a une semaine, nous débattions de la crise en termes généraux. Nous en venons aux exercices pratiques, avec un texte exceptionnel pour une situation d'exception.
Je félicite madame la ministre et je remercie ses collaborateurs pour la transparence dont Bercy a fait preuve à notre égard.
Vous nous avez tenus informés des négociations du week-end et nous avons été associés à la réflexion sur ce texte. Je tiens à vous en remercier.
Le projet constitue une performance dans le temps comme sur le fonds car il traduit un vrai esprit d'inventivité juridique et financière pour un retour aux fondamentaux, aux conceptions d'un droit financier non puisées dans l'univers anglo-saxon, jusqu'ici omniprésent. N'oublions pas qu'il est l'effet direct de toute une série de réunions internationales essentielles et que nous devons le caractère très pugnace de cette séquence d'événements au Président en exercice de l'Union européenne, Nicolas Sarkozy... (Applaudissements sur les bancs UMP et sur quelques bancs au centre)
M. Jean-Louis Carrère. - ...et du Fouquet's !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Au moins pendant ce semestre, la présidence tournante est un mécanisme viable...
Je commencerai par dire ce que ce projet de loi de finances rectificative pour l'économie n'est pas. Il n'est pas, contrairement à ce qui a été dit, un collectif budgétaire. Il n'y a rien ici de budgétaire.
M. Jean-Louis Carrère. - Ni de collectif !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - On n'y trouvera pas un euro de dépense supplémentaire. S'il s'agit bien d'une loi de finances rectificative...
Mme Nicole Bricq. - Ah !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - ...c'est suivant la bonne discipline de la loi organique relative aux lois de finances, la Lolf.
J'ai vérifié les intitulés des lois de finances rectificatives depuis le début de la Ve République. Je croyais que celle-ci était la première à porter un intitulé plus complet, je me trompais : il y a un précédent, avec la loi du 21 juillet 1960 portant loi de finances rectificative pour 1960 pour la régularisation et l'orientation des marchés agricoles.
M. Charles Revet. - Belle référence !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La Lolf requiert l'autorisation du Parlement pour consentir l'octroi par l'État d'une garantie financière.
Le texte compte deux volets étroitement complémentaires. Je me bornerai ici à l'article 6, renvoyant les autres à la suite du débat. Il s'agit de préserver la liquidité du système bancaire et sa solvabilité. Nous le savons, le blocage des financements interbancaires au-delà de quelques jours porte en germe de gros problèmes de solvabilité bilantielle de certains établissements financiers, parmi les plus importants. L'État joue donc ici son rôle de garant en dernier ressort du système bancaire mais s'il exerce temporairement cette fonction, il ne crée pas une banque centrale bis mais un outil de transformation afin de susciter la confiance entre les établissements de crédit. Il convient en effet d'éviter la raréfaction, le renchérissement, l'effondrement du crédit -le credit crunch-, facteurs d'une crise de l'économie réelle.
Le texte porte ainsi autorisation d'une garantie plafonnée à 360 milliards d'euros : 40 milliards pour garantir un soutien public sous forme de prises de participation, 320 milliards pour garantir le bon fonctionnement du marché interbancaire. Le chiffre sur lequel on nous demande de délibérer est global car il n'est pas possible, aujourd'hui, d'opérer leur ventilation avec une précision arithmétique, mais les ordres de grandeur sont là et ils sont très voisins, voire similaires à ceux de nos principaux partenaires de la zone euro ainsi que, et surtout, de ceux du Royaume-Uni.
Les deux outils ne sont pas créés par le texte mais celui-ci en définit le régime d'intervention conformément à l'accord intergouvernemental. Cela représente 19 points de PIB, ou encore sept fois le déficit 2008-2009 mais je renonce à cette deuxième comparaison car il s'agit d'une limite. Il appartiendra d'ailleurs à l'Union européenne et à Eurostat, qui n'est à la vérité qu'une direction de la Commission, de déterminer sa jurisprudence : les opérations dont il s'agit sont-elles susceptibles d'entrer dans le ratio dette publique sur PIB, et de quelle manière ? Si la dette émise par la société de prise de participations sera consolidée avec celle de l'État, la réponse est moins évidente pour la caisse de refinancement, bien que garantie par l'État et n'intervenant que pour lui. Au-delà des données maastrichtiennes, ce qui importe est l'appréciation macro-économique.
La société de refinancement fonctionnera comme une pompe aspirante et refoulante ; elle sera comme un pacemaker implanté pour s'assurer que le muscle cardiaque projette le liquide financier à un rythme régulier à tout l'organisme économique -espérons que l'on pourra s'en passer au-delà de la crise.
Voix sur les bancs socialistes - Changez le coeur !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ses concours sont assortis de nombreuses contreparties. Premièrement, sa garantie étant onéreuse, le coût en sera refacturé aux banques. Deuxièmement, le montant des prêts dépendra de la qualité des actifs financiers qu'elles apporteront en gage, en garantie ou en pension ; une équipe issue de la Banque de France ou de la Commission bancaire en assurera la cotation afin que le niveau du crédit soit fonction de celui des contre-garanties. Troisièmement, le taux des concours, taux de marché, dépendra de la qualité de la signature des banques, dont on regardera le bilan et les engagements.
Enfin, et c'est essentiel, les décisions seront prises à la vérité par le ministre de l'économie plus que par la société elle-même puisque chaque engagement sera autorisé par un arrêté ministériel et qu'une convention interviendra entre la banque et l'État.
Cette aide sera conditionnée à l'obligation pour les établissements d'adopter un comportement adapté à un monde en crise, notamment en matière de rémunération des dirigeants, à un moment où l'on risque de demander bien des efforts à nos concitoyens, ainsi qu'à une nécessaire traçabilité des sommes allouées, qui devront être réinvesties et non thésaurisées.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est un peu long...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je serai très heureux d'entendre vos préconisations tout à l'heure... (Sourires moqueurs et applaudissements à droite)
M. Charles Pasqua. - Ils n'en ont aucune !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Même si l'examen de ce texte est nécessairement rapide, nous devrons être très vigilants au bon déroulement des procédures et à leur dénouement lorsque l'économie aura repris son rythme de croisière. Le Parlement devra être dûment informé de ce que l'on fait de cette garantie, bien comprendre comment sera établie la convention type. Nous n'abuserons pas du contrôle sur pièces et sur place, mais nous en userons certainement ! Enfin, il serait logique que des représentants du Parlement soient partie prenante dans l'organe de surveillance ou, en tant que censeurs, dans l'organe collégial d'administration de la caisse de refinancement, où l'État aura une minorité de blocage.
C'est un texte extrêmement important, novateur, que la commission des finances appelle à adopter dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. - Après plusieurs semaines d'un incendie financier dévastateur, le feu semble aujourd'hui contenu. (Moues dubitatives sur les bancs socialistes) Ce texte, traduction nationale des engagements pris par l'Eurogroupe le week-end dernier, est l'outil efficace pour ramener les marchés à la raison. La détermination du Président Sarkozy a été payante, l'écroulement du système a été évité, mais nous avons frôlé la catastrophe. L'organisation et le contrôle de l'industrie financière doivent être revus sans attendre.
L'avenir à court terme reste incertain pour notre économie, pour les échanges mondiaux, pour la croissance. Les mesures de sauvegarde prises avant le week-end ont été inefficaces, car les marchés ont anticipé la contagion de la crise financière à l'économie réelle. Le crédit interbancaire qui se tarit, c'est le crédit aux entreprises, aux collectivités locales et aux particuliers qui s'assèche, l'investissement qui s'interrompt, le marché de l'immobilier qui se retourne, la consommation qui ralentit, les carnets de commande vides, les trésoreries qui fondent, l'activité qui stagne. Les entreprises réduisent les heures supplémentaires, ne recrutent plus, et risquent, demain, de licencier. Chacun de ses effets alimentant les autres, le cycle économique est sous tension.
Cette crise n'est pas un simple ajustement du marché, comme lorsqu'éclate une bulle. Il fallait intervenir massivement pour restaurer la confiance. Pour autant, le feu couve encore. Au-delà du présent texte, les initiatives prises par le Gouvernement sont de nature à éviter le pire : 8 milliards du livret de développement durable pour les PME, 9 milliards du livret d'épargne populaire pour les entreprises de taille intermédiaire, chères au président Larcher, 5 milliards mobilisés par Oséo pour les entreprises. J'espère que l'élargissement du dispositif Avance Plus ne pénalisera pas les collectivités locales, qui en sont les premiers destinataires : il serait dramatique que les tensions sur le crédit entraînent un report de leurs investissements. Du reste, si les PME n'avaient plus de commandes publiques, ceci annihilerait en partie les soutiens publics...
Les banques imposent des conditions de financement extrêmement rudes, qui augmentent le coût du crédit et engagent les collectivités sur des durées de plus en plus longues. Le soutien de l'État aux banques devra être conditionné par un retour à des pratiques normales, notamment s'agissant de Dexia, banque des collectivités locales dont l'État est désormais actionnaire. De par son rôle, le Sénat tout entier se place résolument aux côtés des collectivités territoriales.
Les gestionnaires de l'Unedic ont décidé vendredi dernier d'accorder aux PME confrontées à des difficultés de trésorerie un report de l'appel de leurs cotisations. C'est une décision courageuse, même s'il s'agit d'un calcul payant : mieux vaut financer un report de paiement que supporter une diminution nette des cotisations provoquée par des faillites qui s'accompagneraient inévitablement de licenciements ! L'État n'aurait-il pas intérêt à favoriser un mécanisme de report similaire pour les autres cotisations sociales, voire pour la fiscalité des PME ? Certes, la puissance publique intervient déjà massivement, mais les circonstances exceptionnelles peuvent justifier de tout faire pour limiter les faillites.
Cette crise relance le débat que nous avons eu sur les délais de paiement lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie. Chacun reconnaissait alors que la diminution du crédit inter-entreprise, qui allait résulter du passage du délai à soixante jours maximum, devait, pour être supportable, être accompagnée d'une augmentation à due proportion du crédit bancaire. Or, loin de s'ouvrir, l'accès des entreprises à ce crédit s'est rétréci !
Le dispositif adopté ramène la France dans la moyenne européenne en la matière : il n'y a pas lieu de reporter la mise en oeuvre de la réforme, prévue au 1er janvier 2009, à moins que, malgré le présent texte, malgré l'action de l'État, les conditions de financement n'aient pas retrouvé, fin novembre, le niveau qui était le leur au moment de la LME. Les craintes exposées par le président Larcher et par notre rapporteur, Mme Lamure, lors du débat au Sénat, sur l'équilibre de nombreuses filières pourraient s'avérer fondées. Qui aurait intérêt à fragiliser encore des entreprises qui soutiennent tout un secteur ?
Si d'ici six semaines l'accès « normal » au crédit n'était pas rétabli, seriez-vous toujours opposé, monsieur le ministre, à un report de la mise en oeuvre des délais de paiement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Bonne suggestion !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. - Je regrette d'avoir à vous poser cette question, car elle témoigne de la gravité de la situation et, comme beaucoup de nos concitoyens, je suis en colère car elle était évitable si le capitalisme mondial avait été encadré, comme il l'est en France. Notre système bancaire et financier est régulé, et il a mieux résisté que les autres.
Ainsi, notre système énergétique est régulé, notre système de communication également et notre système de transports ferroviaires va l'être prochainement...
M. Bernard Piras. - Pour combien de temps ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. - L'économie ne peut pas être soumise au diktat des idéologies : la faillite des systèmes socialistes l'a prouvé au XXème siècle. (Exclamation à gauche tandis qu'on applaudit à droite)
M. Didier Guillaume. - C'est la crise du libéralisme. (M. François Marc le confirme en montrant la une d'un quotidien du soir)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. - Aujourd'hui, nous avons échappé de peu à une faillite généralisée causée par un libéralisme sauvage, obnubilé par l'appât du gain immédiat et méprisant la croissance à long terme (Nouvelles exclamations à gauche)
Aussi le texte que nous examinons ne saurait être une fin : il n'a de sens que s'il marque le point de départ d'une réflexion devant conduire à une plus grande régulation mondiale du système économique et financier.
A cet égard, je rends hommage, monsieur le président, à l'initiative que vous avez évoquée dans votre discours d'hier et consistant à créer une commission mixte associant l'Assemblée nationale et le Sénat, chargée de réfléchir à l'avenir du système financier ainsi qu'aux nouvelles régulations qui s'imposent. Je soutiens pleinement cette démarche, tout en vous assurant que la commission des affaires économiques participera activement à tous les efforts permettant de rendre à l'économie sa mission véritable : assurer une croissance durable pour le bénéfice de tous. (Applaudissements à droite)
M. Philippe Darniche. - La crise exceptionnelle que nous connaissons est une véritable crise du capitalisme sauvage et débridé. Elle s'affirme tout à la fois comme l'échec du mondialisme, la dissociation excessive du capital et du travail dont l'enjeu majeur demeure la prise de risque, la fin rapide de la mondialisation béate.
Aujourd'hui, nos concitoyens constatent que seuls les États sont les garants de leur sécurité économique et sociale car seules les réponses nationales sont efficaces pour sortir de cette crise et rétablir au plus vite le crédit, la confiance et le pouvoir.
Devant la gravité de la situation, il était urgent de reprendre en main ce système et je salue, à cet égard, la réactivité du Président de la République et du Gouvernement qui ont proposé un plan de sauvetage de notre système bancaire fragilisé par la crise venue des États-Unis.
A la suite des mesures annoncées par le Président de la République, je me réjouis du retour du politique sur l'économie qui se traduit par la garantie par l'État des crédits interbancaires. Avec ce projet de loi de finances rectificative, il était urgent d'apporter cette garantie aux dépôts sans toutefois faire payer ce plan par les seuls contribuables français.
Monsieur le ministre, quelle sera concrètement la forme de garantie prise par l'État dans le cadre de la Caisse de garantie et de la Caisse de prise de participation ? Qui sera facturé et comment, afin de favoriser la reprise nécessaire de l'efficacité des liquidités interbancaires ? Quel sera l'impact concret dans les prochains mois sur le renchérissement du crédit pour les particuliers et les entreprises ?
Un tel dispositif ne peut en effet être viable que si les normes prudentielles deviennent indissociables de sanctions à l'encontre de l'inconscience et de l'immoralité des responsables financiers d'une telle catastrophe. Nous devrons donc voter en urgence une loi sur les parachutes dorés qui ont provoqué la chute vertigineuse que nous subissons. Il est de notre devoir de parlementaire de veiller scrupuleusement à l'application des sanctions promises par le Président de la République, contre les responsables « prédateurs » de cette crise financière catastrophique et nous ne devrons pas nous contenter d'une petite charte éthique.
En outre, alors que le pouvoir politique demande depuis des mois à Jean-Claude Trichet de baisser les taux, il n'y consent qu'en catastrophe et sous la pression. J'exhorte donc le Président de la République, actuellement Président de l'Union européenne, à exiger de la Banque centrale européenne (BCE) qu'elle baisse unilatéralement ses taux d'intérêts car cette mesure essentielle permettrait aux banques de se refinancer et d'éviter un effondrement de l'économie nationale.
Enfin, ne leurrons pas nos concitoyens : la crise bancaire et financière sanctionne de plein fouet une économie virtuelle devenue folle. Il est grand temps, à présent, de revenir à une économie du réel.
Afin de ralentir une propagation de la crise bancaire, financière et sociale à notre pays, je réclame un moratoire sur les prêts-relais qu'au moins 30 000 Français ne peuvent plus payer. Si l'État en fait beaucoup pour les banquiers, il faut en faire au moins autant pour les ouvriers.
M. Sarkozy doit donc imposer immédiatement à la Commission de Bruxelles un plan de relocalisation des entreprises avec l'instauration d'une protection européenne, seule mesure capable d'éviter la propagation de la crise financière à l'économie réelle et de stopper les délocalisations.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous en revenons toujours à la TVA sociale...(Sourires)
M. Philippe Darniche. - Une loi de sauvegarde devra empêcher les fonds souverains de venir racheter nos entreprises dans un contexte économique et financier très tendu.
Enfin, il faut examiner les conséquences négatives de cette crise sur l'emploi et sur nos PME-PMI. La France doit profiter de la brèche dans les critères de Bruxelles pour élaborer un plan de relocalisation pour sauver notre industrie, notre agriculture et notre pêche. Après le geste fait par le Gouvernement à l'attention des PME-PMI, des dispositions d'incitation doivent être mises en place dans les plus brefs délais, pour soutenir des prêts de courte durée et garantis par l'État en faveur des jeunes entreprises, véritable clef de voûte de cette sortie de crise.
En effet, la crise bancaire et financière se propage comme une traînée de poudre dans la plupart des entreprises. L'obtention d'un crédit est en train de devenir un rêve inaccessible pour une majorité de PME, ce qui est inacceptable car ce sont elles qui créent des emplois.
Ayant entendu et compris le plan proposé par le Président de la République et par le Gouvernement, et en accord avec tous mes collègues non inscrits, je voterai ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Bricq. - Quelles que soient les qualités de M. Novelli, le groupe socialiste trouve regrettable qu'un débat aussi important -on voit le nombre de nos collègues ici présents- ne soit pas honoré par la présence du Premier ministre.
M. Guy Fischer. - C'est scandaleux !
Mme Nicole Bricq. - En outre, Mme Lagarde est partie et M. le ministre du budget n'est pas là. (Exclamations indignées à droite tandis qu'on applaudit vivement à gauche)
M. le président. - Je tiens à préciser que M. le Premier ministre s'est rendu, avec M. le Président de la République, au Conseil de l'Europe qui se tient aujourd'hui et demain. J'ai en outre souhaité que Mme Lagarde participe à la discussion générale. Enfin, M. Woerth devrait arriver dans une dizaine de minutes.
Mme Nicole Bricq. - En présentant avec ses collègues de l'Eurogroupe le plan d'urgence, M. Sarkozy nous a appelés à « réformer le capitalisme ». Mme Lagarde, quant à elle, a parlé de « crise des excès », tandis que vous disiez hier, à l'Assemblée nationale, qu'il fallait corriger ces excès.
Au nom de mes amis socialistes, je tiens à vous dire qu'à nos yeux, c'est la logique même du système qui est en cause. Vous êtes-vous demandé pourquoi les financiers ont pu concevoir des produits, notamment aux États-Unis, qui aient pu déclencher pareille crise ? En fait, les ménages qui ne pouvaient pas rembourser ont quand même pu s'endetter et les banques ont refilé le risque au monde entier. Pourquoi avoir proposé un produit de cette nature ? Ces vingt dernières années, le rapport entre le capital et le travail n'a cessé de se dégrader au détriment de ce dernier. Mais il fallait faire croire aux pauvres gens qu'en s'endettant, ils s'enrichissaient et participaient à la croissance. Et, malheureusement, ils l'ont cru. Nous devons donc nous interroger sur la logique même du système. Comment se fait-il que la croissance indéniable qu'ont connue les États-Unis ces dernières années, n'ait profité qu'à 1 % de la population ? Bien plus d'une crise des excès, il s'agit bien de celle du système tout entier ! Rappelez-vous le mot du Général de Gaulle : « Le capitalisme n'est ni moral, ni immoral, il est amoral ». (Applaudissements à gauche)
Quoi qu'il en soit, nous saluons le plan d'urgence qui a été élaboré à l'initiative du Premier ministre britannique et l'activisme du Président de la République qui a su convaincre Mme Merkel d'y adhérer. Aujourd'hui, sa traduction législative nous est soumise. Ce matin, nous en avons très longuement débattu au sein de la commission des finances mais nos questions, ainsi que celles de nombreux collègues de la majorité, sont restées sans réponses.
On nous demande, au fond, de ratifier par un vote conforme un texte établi dans l'urgence. Certes, il faut faire vite. Mais alors que même les ordonnances sont encadrées, nous n'avons pas ici une telle possibilité. Qu'au moins, donc, ce débat soit utile, qu'il oriente l'action de l'exécutif à l'égard des établissements bancaires.
Les articles premier à 5 traitent, inévitablement, de l'état de nos finances publiques. Un manque à gagner de 5 milliards d'euros en recettes, une charge nette de la dette qui a bondi de 4 milliards : avant même la fin de l'exécution budgétaire, nous sommes en grande difficulté. Le ralentissement économique était pourtant là depuis un an et demi...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela ne nous avait pas échappé.
Mme Nicole Bricq. - Il pèse sur les comptes publics qui vont encore se dégrader d'ici le collectif budgétaire de fin d'année. Bref, ce texte est également une loi de finances rectificative. Mais j'en viens à l'article 6 et aux questions qu'il suscite. Sur les finances publiques d'abord : l'appel en garantie de l'État sera-t-il compté dans la dette publique ? Question peut-être superficielle...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Oui !
Mme Nicole Bricq. - Le ministre des comptes a indiqué qu'il « devrait » être exclu dans les calculs des ratios de Maastricht. Vous vous en remettez à Eurostat...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Oui, et pour tout vous avouer, cela m'est indifférent car ce qui compte à mes yeux, c'est la réalité.
Mme Nicole Bricq. - Mais nous n'avons plus aucune marge de manoeuvre dans la récession qui s'annonce...
Nos interrogations portent aussi sur les conventions qui seront signées entre l'État et les établissements faisant appel à sa garantie. Ces conventions comprendront des « conditionnalités » sur l'éthique et sur la destination des liquidités. Il s'agit ici de centaines de milliards d'euros. Quand un particulier ou une entreprise négocient un prêt, ils n'ont pas crédit ouvert à la banque... Or Mme Lagarde nous parle d'un code de bonne conduite, qui pourrait être celui présenté par le Medef. Nous préférons un processus législatif. (Applaudissements à gauche) Nous avons, à plusieurs reprises, proposé des limitations des rémunérations indirectes des dirigeants, stock-options, retraite chapeau, etc. On ne nous a pas écoutés. Mais si ces dispositions doivent figurer dans les conventions, pourquoi ne pas les inscrire dans le présent texte de loi ? Nous déposerons, à l'occasion de la prochaine niche parlementaire, une proposition de loi visant à limiter les rémunérations des dirigeants, comme l'ont fait, déjà, d'autres pays. L'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Hollande imposent des conditions plus strictes dans leurs plans de sauvetage ! La Hollande a légiféré pour limiter les rémunérations, nous pouvons le faire aussi, vous auriez dû le faire.
Les liquidités iront-elles vers l'économie réelle ? L'engagement est purement verbal, aucune garantie n'est encore écrite. Nous déposerons donc des amendements, notamment afin que la commission des finances participe à la rédaction des conventions-types et, dans l'esprit du discours de notre Président hier, auquel j'ai été sensible, pour que l'opposition soit associée au contrôle parlementaire sur ces conventions.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous contrôlerons ensemble.
Mme Nicole Bricq. - Ce sera un gage de votre nouvelle volonté de dialogue entre l'opposition et la majorité.
Nous sommes sceptiques sur les codes de bonne conduite et sur les conventions particulières qui s'en inspirent. M. Lambert, ce matin, a soulevé le problème des filiales de groupes étrangers, y compris ceux qui auraient leur siège dans un paradis fiscal, et des établissements français qui auraient des filiales dans des paradis fiscaux. Y aura-t-il une condition de territorialité ? Importante question ! Et quels actifs seront apportés en refinancement par les établissements ? Existe-t-il une liste ? N'oublions pas l'aveu des banques : elles ne savent pas exactement ce qu'elles détiennent en portefeuille ni la part des actifs « toxiques » qu'elles ont absorbés ! Si les bons actifs sont apportés, où passeront les mauvais ? La cotation des établissements n'en souffrira-t-elle pas ? Ni leur accès aux marchés de capitaux ?
Nous avons aussi des questions sur la gouvernance, sur le rôle de la Banque de France et de la Commission bancaire. Quant à l'État, il devra être très présent, puisque l'on ne peut s'en remettre aux opérateurs bancaires...
L'alinéa 20 de l'article 6 prévoit un cas de super urgence, où le ministre de l'économie pourrait agir seul. On peut en comprendre la nécessité, mais ce mécanisme n'est pas du tout encadré. Et nous ne disposons d'aucun élément d'information sur ce point.
Allons-nous enfin être entendus, quand nous demandons, comme M. Camdessus dans un entretien aux Échos, que l'on remette « l'économie dans le bon sens » ? Nous le préconisons depuis un an et demi ! La crise économique latente est désormais ouverte, la récession s'annonce, les prévisions de croissance sont revues à la baisse, notre pays traverse aussi -ce n'est pas nouveau- une crise sociale. Et vous ne changez rien... Que vous ne vouliez pas vous renier, je peux le comprendre, mais rectifiez au moins les erreurs ! De loi de finances en loi de finances, de projet de loi en projet de loi, et encore fin juillet avec la loi de modernisation de l'économie, vous entendiez « libérer les énergies ».
M. Jean-Pierre Godefroy. - Eh oui !
M. François Marc. - Le bouclier fiscal !
Mme Nicole Bricq. - Votre seul souci était de ressembler à la place de Londres et de la concurrencer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Grâce à la crise, ce sera de plus en plus le cas !
Mme Nicole Bricq. - Aujourd'hui, le Premier ministre appelle à l'union nationale, mais c'est pour masquer votre défaillance, votre incapacité à répondre aux problèmes économiques et sociaux. (M. Daniel Raoul renchérit) Et vous vous plaignez que « les socialistes, on ne sait jamais ce qu'ils pensent, ils vont sans doute s'abstenir ». Eh bien, si après mes explications, je n'ai pu vous faire comprendre pourquoi exactement nous nous abstiendrons, c'est que nous avons du mal à nous faire entendre. Écoutez-nous et tout ira beaucoup mieux. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Mercier. - J'aborderai cette discussion avec humilité. Nous avons entendu des spécialistes, qui ont exposé en détail les origines de la crise, son déroulement et les mesures envisagées. Je vous dirai, pour ma part, pourquoi je pense que ce plan est un bon plan. Ne l'oublions pas : ce sont les spécialistes et les techniciens qui nous ont entraînés dans le gouffre, par la surtechnicisation de l'économie financière. Pourquoi une banque comme Dexia, chargée du financement des collectivités territoriales en France et en Belgique, est-elle allée racheter au fin fond des États-Unis une banque chargée du crédit hypothécaire ?
M. Thierry Repentin. - En effet !
M. Michel Mercier. - A chacun son métier et ses responsabilités. On a construit des produits financiers de plus en plus sophistiqués, sans se soucier de leur lien avec l'économie réelle. Aujourd'hui, après le blocage de l'économie financière, nous sommes confrontés à celui de l'économie réelle. La crise du crédit interbancaire a conduit à un grave problème de financement de l'économie.
Nous avons assisté, ces derniers jours, à une crise systémique, où les difficultés et les faillites se sont enchaînées. Plus personne n'avait de prise sur la situation. Nous avons vu se succéder des plans nationaux, sans aucun résultat : le plan Paulson aux États-Unis, puis les plans strictement nationaux en Europe. L'exemple allemand est très intéressant : il témoigne de l'inefficacité des politiques étroitement nationales.
Enfin, on est parvenu à une solution coordonnée au niveau européen, qui a mis fin à la séquence la plus grave de la crise financière.
C'est parce que le plan a été élaboré au niveau européen qu'il a réussi (M. Jean-Pierre Chevènement se montre dubitatif), même si le mot européen n'agrée pas facilement à M. Gouteyron (M. Adrien Gouteyron s'en défend) Je fais partie d'un groupe qui croit en la construction européenne. Or nous avons assisté ces derniers mois à deux épisodes qui ont montré qu'il était pertinent de travailler au niveau européen pour résoudre les problèmes : la guerre en Géorgie, et la crise financière. (M. Jean-Pierre Chevènement proteste) Ces deux événements ont marqué la relance de l'Europe, qui a su parler d'une seule voix face aux États-Unis. C'est pour nous une raison d'espérer.
La crise n'est pas terminée : des produits financiers très alambiqués ont été créés, sans que l'on sût très bien ce qu'ils contenaient, ce qui n'a pas empêché de les vendre fort cher. Il faudra des mois pour assainir la situation. Mais j'ai bon espoir : les États européens ont su agir collectivement, dans le cadre du G4, du G7, de l'Eurogroupe ou de l'Europe des Vingt-sept. Ces réunions de crise sont un excellent moyen pour sortir l'Europe de l'ornière et rendre l'espoir aux citoyens : de nouveaux modes de gouvernance sont apparus et les pays européens ont su, face à l'urgence, s'affranchir des procédures habituelles qui nous avaient fâchés avec la construction européenne !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Très bien !
M. Michel Mercier. - Au cours de ces deux crises, les Européens ont su aller à l'essentiel. Les membres de mon groupe ont si souvent réclamé la mise en place d'un gouvernement économique européen, corollaire de la monnaie unique !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Bien !
M. Michel Mercier. - Un premier pas a été accompli dans ce sens au cours des derniers jours et, il faut l'avouer, nous le devons au Président de la République.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Jean-Jacques Jégou. - C'est vrai !
M. Michel Mercier. - Il reste beaucoup à faire. La crise financière a quelque chose d'artificiel, mais elle va peser lourdement sur les épargnants et les PME : nous devons leur venir en aide. La relance économique ne sera possible qu'au niveau européen, à condition que l'on mette en place un nouveau système financier, plus régulé : il est temps que la politique retrouve sa place.
Le texte d'aujourd'hui est un texte technique dont on pourrait reprendre tel ou tel point mais, ce qui compte et qui explique notre vote conforme, c'est qu'il fait partie d'un plan coordonné que nous approuvons. Si nous modifions un seul point du texte, c'est tout le plan européen que nous remettons en cause.
M. Jean-Pierre Bel. - Pas du tout !
Mme Nicole Bricq. - Non, les remèdes diffèrent d'un pays à l'autre !
M. Michel Mercier. - Voilà pourquoi nous apporterons toutes nos voix au plan élaboré à Paris, dans l'attente de sa confirmation par le sommet de l'Union. (Applaudissements au centre et à droite)
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
Mme la présidente. - La parole est à M. Bernard Vera. (On applaudit la présidente sur les bancs UMP et, sur ceux du groupe CRC, l'orateur)
M. Bernard Vera. - II y a moins de quinze jours, nous avons demandé au président du Sénat l'organisation, dans les meilleurs délais, d'un débat sur la grave crise financière que connaît le système bancaire international. Aujourd'hui, suite à de nombreuses péripéties, on nous présente un projet de loi de finances rectificative pour le financement de l'économie. Le Gouvernement s'est rendu compte qu'un projet de loi était nécessaire alors qu'un simple débat sans vote semblait suffisant la semaine dernière. Dès que le projet de loi a été annoncé, les appels à l'unité nationale se sont faits pressants : on espérait que le Sénat et l'Assemblée nationale voteraient unanimement ce texte. Eh bien, il ne faut pas compter sur nous pour donner un chèque en blanc à ceux-là mêmes qui ont créé la situation de crise que nous connaissons. L'union nationale ne peut se faire autour des recettes libérales qui sont à l'origine de la crise. Dans le débat, certains ont même avancé des propositions surprenantes : le président de l'Assemblée nationale a proposé l'amnistie fiscale des fraudeurs spécialistes de la fuite des capitaux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est la meilleure !
M. Guy Fischer. - Scandaleux !
M. Bernard Vera. - Le texte qui nous est présenté est tout aussi choquant. Valider ce collectif budgétaire, c'est valider le résultat des choix budgétaires du Gouvernement depuis 2007 : paquet fiscal de la loi Tepa, bouclier fiscal, austérité... (Mme Nicole Bricq applaudit) L'article 2 consacre l'aggravation du déficit des comptes publics. Le déficit de l'État avoisine 50 milliards d'euros auxquels s'ajoutent 10 milliards d'euros de déficit de la sécurité sociale et environ 50 milliards d'euros de déficit de notre commerce extérieur : beau bilan d'un an et demi de mandature ! On nous l'avait promis : sous ce gouvernement, tout devient possible, et surtout le pire !
Les sommes en question sont très importantes, mais peut-être convient-il de les relativiser. Ne sommes-nous pas sur le point d'injecter 360 milliards d'euros, levés sur les marchés financiers, précisément dans le secteur où se développe le cancer de la spéculation, pour sauver la cause perdue de l'impéritie bancaire ?
L'aggravation de la situation économique n'est pas seulement liée aux mouvements de yoyo du CAC 40 : cela fait déjà longtemps que l'économie boursière s'est déconnectée de l'économie réelle. Les indices boursiers se nourrissent de rumeurs, de bruits de couloir et de spéculations diverses, les valeurs progressent à la faveur des plans de licenciement et de l'attente de dividendes sans cesse accrus. La crise de l'économie réelle se traduit par la récession économique, la chute de l'emploi salarié, le ralentissement des investissements. Oubliés les communiqués victorieux sur la croissance que l'on entendait au début de l'année !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le « Tout va très bien. » de Mme Lagarde !
M. Bernard Vera. - Les banquiers ont leur part de responsabilité dans cette situation, avec leur fâcheuse habitude de refuser aux entreprises les crédits dont elles ont besoin pour faire face à leurs coûts d'exploitation, pour financer leurs investissements et assurer leur développement. Combien de dépôts de bilan, de procédures collectives de licenciements, de missions d'intérim interrompues, malgré la bonne santé de nos établissements de crédit ? Vous vous félicitez du fait que nos banques ne soient pas trop exposées à la crise. Et pour cause : le coût du crédit aux entreprises a augmenté, sans parler des crédits accordés aux ménages !
Ces mesures se traduisent dans le budget : 5 milliards de moins-value fiscale, 4 milliards supplémentaires de charge de la dette, 7 milliards de plus aux remboursements et dégrèvements d'impositions diverses, ou encore 300 millions de dépenses en moins. On déroule le tapis rouge pour les spéculateurs fautifs, mais on refuse des moyens nécessaires pour tel tramway, tel programme de logements sociaux ou encore à la formation supérieure, autant de secteurs fragilisés par la régulation budgétaire !
L'article 4, quant à lui, nous apprend le report d'un prêt de 1,5 milliard à la Côté-d'Ivoire : est-ce à dire que la coopération internationale passe après la stabilisation des marchés financiers ?
Les 360 milliards de l'article 6 donnent le tournis. Osons la comparaison : cette somme décuple le montant du programme de rénovation urbaine, elle équivaut à trente fois l'effort de solidarité pour les minima sociaux, cent fois le montant du plan Pécresse pour l'université ! Le Gouvernement, depuis des années, refuse quelques millions supplémentaires à la satisfaction de besoins sociaux prioritaires, mais voici qu'il trouve 360 milliards pour sauver des banquiers qui ont spéculé impunément !
Qui plus est, le montage passe par les biais d'un organisme de refinancement et d'un autre de recapitalisation, avec la garantie de l'État. La caisse de recapitalisation s'apparente à une grande lessiveuse : des capitaux sont prélevés sur le marché pour être prêtés à des banques, contre des frais d'intermédiation, cela revient à créer une banque, spécialisée dans le refinancement, mais avec la garantie de l'État ! Le taux sera proche de celui de la BCE, soit quatre fois le taux de l'inflation. Pour les PME qui cherchent du crédit, rien ne sera changé : elles n'ont aucun assouplissement à espérer ! En somme, ce collectif budgétaire jettera des milliards par les fenêtres, sans effet sur la croissance : la récession est déjà là, avec ses cortèges de licenciements en préparation, vous voulez sauver le système financier sans aucun bénéfice pour la société, pour tous ceux qui travaillent et qui voient leurs difficultés s'accroître !
Nous refusons d'éponger ainsi l'ardoise des spéculateurs, sans rien changer à ce système : le peuple de France a assez subi, changeons ce système qui a créé la crise ! Nous voterons contre ce collectif ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jean-Pierre Fourcade. - Au moment où les Vingt-sept s'apprêtent à parachever l'accord issu d'une longue et passionnante négociation commencée il y a un mois, j'apporte le soutien unanime du groupe UMP à ce texte et je salue les initiatives courageuses du Président de la République et du Premier ministre.
Ce collectif, en son article 6, traduit le plan de soutien des pays européens intervenu en fin de semaine dernière. Il ne faut pas se tromper sur le sens des chiffres. J'entends certains comparer des montants budgétaires et des montants de garantie, mais ce n'est pas du tout la même chose d'engager des crédits, ou d'apporter une garantie, nous le savons tous comme gestionnaires de collectivités locales. Il fallait marquer les esprits pour rétablir la confiance, c'est ce qui explique ce montant de 360 milliards garantis par l'État. Ensuite, alors que le plan américain concerne directement les actifs des banques, y compris les actifs dit toxiques, le plan des pays européens vise les relations interbancaires, qu'il entend débloquer.
Nous assistons au retour normal de l'État garant, un peu oublié avec l'importance des banques américaines, et non pas au retour du vieux système de l'État interventionniste, comme nous l'entendons dire ici ou là. Cette différence a une conséquence de taille : les Français ne paieront pas pour les pertes des banques !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien ! Voilà la vérité !
M. Jean-Pierre Fourcade. - La garantie de l'État n'est donc pas synonyme de crédits, c'est très important. Ensuite, la garantie est accordée en contrepartie de mesures d'intérêt général, concernant la rémunération de l'État, mais aussi la rémunération des dirigeants d'entreprise. Mme Bricq en appelle à une loi, je suis d'accord pour dire qu'un mécanisme fiscal serait bienvenu : il suffirait que les avantages accordés aux dirigeants ne soient plus déductibles des frais généraux des entreprises, pour que les pratiques changent rapidement, et dans de bien meilleures conditions qu'une définition a priori des avantages acceptables.
Ce plan résulte d'une véritable coopération européenne qui a demandé du temps. Quatre pays se sont d'abord engagés, puis sept, puis l'Eurogroupe, puis la Grande-Bretagne. On doit au Premier ministre britannique ce choix de débloquer d'abord les relations interbancaires, c'est une excellente chose de voir ainsi le gouvernement britannique se rapprocher de l'Union ! La coordination, cependant, exigeait un chef d'orchestre : nous nous félicitons que, dans le désastre financier, la présidence européenne ait été entre les mains du Président de la République ! On se demande ce qu'il en aurait été si la crise s'était produite dans six mois, lorsque la présidence de l'Union sera confiée à l'eurosceptique président tchèque...
J'espère que, ce soir, les Vingt-sept approuveront le plan. Mme Merkel a parlé d'une boîte à outils, dans laquelle chaque pays peut se servir en fonction de sa situation propre : j'espère que chacun s'en servira effectivement, y compris Polonais, Tchèques et Roumains !
Nous vous apportons notre entier soutien. Mais nous ne saurions nous arrêter en chemin et il nous faut envisager l'avenir. D'abord en prenant les mesures nécessaires en matière d'emploi, pour limiter l'impact de la crise sur les licenciements, mais aussi en matière d'écologie, véritable gisement d'emplois et d'innovation que nous pouvons exploiter sans attendre le retour à meilleure fortune, car nous savons qu'alors, on en oubliera les bénéfices possibles. Nous devons encore aider les collectivités locales à faire face à leurs difficultés de trésorerie.
Enfin, le président du Sénat, avec celui de l'Assemblée nationale, ont lancé une mission commune d'analyse et de réflexion sur l'organisation des collectivités territoriales dont j'espère qu'il sortira quelque chose de plus simple et de moins coûteux.
Au plan international, on ne peut pas s'en tenir au programme sanctionné par l'accord européen. Il faudra en revenir à un vrai système monétaire international. Trois choses, à mon sens, restent à faire. Tout d'abord, et je m'étonne d'être le premier orateur à en parler, lutter contre les dérives du FMI.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Il est inexistant !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Il s'emploie davantage à donner des conseils de politique économique aux gouvernements qu'à réguler les transactions financières et à surveiller le fonctionnement des marchés financiers. Je me souviens que, ministre des finances en 1974, lors du premier choc pétrolier, je fus inspecté par un aréopage belgo-anglo-américain soucieux de vérifier que j'avais bien pris toutes les mesures pour redresser notre économie nationale... Le rôle du FMI est de s'occuper de l'ensemble des mécanismes financiers internationaux : je compte sur le Gouvernement pour saisir cette occasion de le lui rappeler.
Il ne s'agit évidemment pas de revenir au système des parités fixes, que la Chine, les États-Unis, l'Inde, le Brésil n'accepteraient pas, mais bien de renforcer le contrôle. N'est-il pas temps de revenir sur cet ensemble de produits sophistiqués, inventés par de très jeunes talents, et qui passent par une titrisation incluant des fonds douteux ? On en est au point que dans le bilan des banques, personne ne sait l'importance des risques encourus par la possession de ces titres pourris, que l'on se repasse comme le mistigri. On est allé trop loin en matière de produits dérivés. Il est temps de revenir à des méthodes plus classiques, à l'image de celles que j'ai connues, moins périlleuses pour l'économie.
L'article 6, relatif à la recapitalisation de Dexia, prêteur des collectivités, ne prévoit une garantie de l'État que pour les engagements financiers pris à compter du 9 octobre. Ne risque-t-on pas ainsi de laisser persister dans les comptes de Dexia des actifs toxiques ? S'est-on, au moment de l'accord entre les trois gouvernements, assuré que 6,4 milliards seront suffisants pour éponger l'ensemble des actifs douteux ?
Avec nombre de mes collègues, clients, comme responsables d'exécutifs locaux, de Dexia, qui constatent que l'action Dexia n'a pas retrouvé une parité satisfaisante, j'aimerais, monsieur le ministre, être rassuré sur son sort, même si cela n'entache pas l'appui global que nous apportons à votre texte. (Applaudissements à droite, sur plusieurs bancs au centre et au banc des commissions)
M. Jean-Michel Baylet. - L'heure est grave, elle est capitale. Le projet que vous nous soumettez a déjà été ratifié par les marchés et, n'en doutons pas, par l'opinion.
Dans les nouvelles conditions économiques mais aussi politiques créées par les décisions de l'Eurogroupe, qui peut s'opposer, fût-ce par une abstention de circonstance, au volet national de ce plan européen ? J'entends dire que ce plan n'est pas parfait, qu'il ne va pas assez loin, que la confiance retrouvée est fragile, que les prévisions de croissance restent mauvaises, que le pouvoir d'achat ne s'en trouve pas amélioré. Objections partiellement fondées, mais enfin, que constatons-nous et que voulons-nous ? Il y a quelques jours, la panique s'étendait à grande vitesse depuis le coeur des institutions financières jusqu'aux petits porteurs, fondés à craindre pour leur retraite. Le sentiment de la gravité de la crise n'était plus celui des seuls spéculateurs -très justement mis en accusation par leurs victimes potentielles- mais celui de nos concitoyens. Il y a quelques semaines, nous déplorions l'insigne faiblesse politique de l'Europe face au géant américain. Et voici qu'aujourd'hui, c'est l'initiative coordonnée des Européens qui rend la confiance aux marchés et aux peuples alors que le plan Paulson, avait été impuissant à enrayer la crise. Il y a quelques mois, les tenants d'un libéralisme sans principes et d'une mondialisation sans lois espéraient encore leur survie de « la main invisible du marché », alors même que celle de certains profiteurs était déjà bien visible dans la crise énergétique ou alimentaire, et ils ne jurent plus aujourd'hui, de M. Bush à Mme Merkel et au gouvernement anglais que par le mot « régulation », nouvel euphémisme qui désigne cette économie mixte où la puissance publique réhabilitée ne se résigne plus à ce que les banquiers jugent inéluctable.
Certains s'interrogent sur le financement du volet français du plan de sauvetage de l'économie. Mais si la confiance retrouvée perdure, la garantie payante donnée aux opérations interbancaires n'aura aucune raison d'être mise en jeu, tandis que les prises de participations dans les établissements exprimant des besoins en capital pourraient se révéler sources de bénéfices pour l'État. L'essentiel est bien là où les Français l'ont vu : pour la première fois, les Européens parlent d'une seule voix et la similitude, tant en volume que dans leurs modalités, des volets anglais, allemand et français du plan suffit à démontrer que l'élan communautaire s'est imposé comme une évidence que les radicaux de gauche, fédéralistes convaincus, saluent aujourd'hui.
Faudra-t-il pour autant en rester là et se contenter d'un succès d'étape dont chacun devine qu'il est à la merci de nouvelles convulsions ? Je ne le crois pas, pour trois raisons. La situation de ceux qui travaillent vraiment et qui ne jouent pas au Monopoly dans une salle dorée, je veux dire les vrais entrepreneurs et les salariés, ne s'est pas améliorée. La croissance est en panne, les prévisions pour 2009 sont mauvaises et la crise de liquidités a révélé les besoins de financement de ce qu'il est désormais convenu d'appeler l' « économie réelle ».
Les énormes facilités accordées au système bancaire imposent de véritables contreparties, caractéristiques de cette économie mixte que les radicaux ont toujours appelée de leurs voeux. Il faut bien sûr modifier les règles d'un jeu devenu fou, notamment sur les ratios de liquidités, la nature des risques et les échanges à terme. Mais il faut aussi profiter de l'effet de levier produit par l'aide de l'État pour imposer aux banques de financer effectivement et à de meilleures conditions ceux qui créent des emplois. Je songe, par exemple, à un vaste système de prêts bonifiés avec différé d'amortissement, au moins jusqu'en 2010, au profit des PME et PMI, gisement d'emploi, d'innovation et de capacité d'exportation. Ne contribuerait-il pas à aider Mme le ministre du logement à améliorer son plan d'endettement perpétuel pour en faire un véritable plan d'accession sociale à la propriété, en diminuant la durée des prêts non seulement pour le rachat des HLM mais pour la construction neuve dans un secteur où 150 000 emplois sont en danger ? Ne contribuerait-il pas à sortir les collectivités d'une situation financière liée aux conditions de leur endettement mais aussi aux effets de la récession sur les recettes de taxe professionnelle, de droits de mutation et de foncier bâti ? Il faut imposer aux banques de renégocier les prêts, en passant des taux variables, qui livrent nos collectivités à la spéculation, aux taux fixes.
Le deuxième effet heureux de l'élan interventionniste est à rechercher dans le champ européen. Les évènements de ce week-end sont la preuve éclatante que l'Union européenne a besoin d'un gouvernement économique doté d'armes telles qu'une fiscalité directe communautaire...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Holà !
M. Jean-Michel Baylet. - ... de grands services publics européens, qu'il faudra bien cesser de démanteler, comme La Poste, au moment même où l'on réinvente la régulation financière par les États, mais aussi, n'ayons pas peur du mot, de l'usage raisonné du déficit budgétaire qui permettrait, au rebours de la stricte orthodoxie, de financer de grands travaux d'investissement favorables à l'emploi. La réponse du berger européen à la bergère américaine, en somme. En signant le très strict traité de Maastricht, nous avons renoncé, au plan national, à cette arme, mais nous n'avons jamais déclaré que nous l'abandonnions pour l'avenir au niveau européen. En 2009, nous aurons un nouveau Parlement européen et, sous réserve de la ratification finale du traité de Lisbonne, une nouvelle Commission. L'occasion est belle de poser cette question : l'Europe, enfin devenue visible aux yeux de ses citoyens, est-elle décidée à continuer d'exister ?
Troisième raison, enfin, de souhaiter que la résurgence d'une volonté politique se prolonge : la nécessité de réformer en profondeur les règles monétaires internationales et celles de l'OMC. Le déséquilibre des accords de Bretton-Woods signe leur caducité et la faible capacité d'intervention du FMI montre son inadaptation. De fait, les fondements du système étaient faussés depuis 1971 et la décision de non-convertibilité du dollar, en un temps où le Secrétaire d'État américain au Trésor déclarait aux Européens : « Le dollar est notre monnaie mais c'est votre problème ». Déclaration cynique mais pourtant exacte ainsi que nous l'avons vérifié aussi bien avec la politique agricole commune qu'avec le cours du pétrole : nous ne cessons de payer le déficit de la réserve fédérale américaine.
L'ensemble du système doit donc être repensé, en donnant priorité au rééquilibrage, dans leur rôle arbitres des échanges internationaux, entre les grandes monnaies mondiales ; en imposant des règles aux titulaires de rentes énergétiques, aujourd'hui en mesure d'irriguer ou d'assécher entièrement des économies nationales ; en révisant de fond en comble les règles d'intervention d'inspiration strictement libérale du FMI au profit des pays en développement.
Le chantier est immense. C'est une raison de plus de s'y attaquer dès la réunion du G8 élargi, qu'on nous annonce pour novembre. Quant aux accords de Maastricht, ils étaient dépassés dès leur signature. S'il s'agit de « moraliser » ou de « refonder » le capitalisme, il n'y aura pas de commerce international équitable aussi longtemps que le libre échange ne sera pas assorti de critères sociaux générateurs d'espoir dans les pays émergents, de clauses environnementales et de conditions démocratiques.
Vous le voyez, l'approbation que les radicaux de gauche apportent à ce texte n'est ni aveugle ni dépourvue d'inquiétudes pour demain. Mais nous croyons qu'il est du devoir d'une opposition responsable et sûre d'elle-même de dépasser les strictes considérations partisanes pour s'attacher à l'intérêt public national -et, en l'occurrence, européen- tout en aiguillonnant le pouvoir exécutif et en le rappelant à l'objectif de justice sociale sans lequel aucune politique économique n'a de sens puisqu'elle ne se donne pas l'homme comme mesure et comme finalité. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jacques Muller. - Nous voici rassemblés pour légiférer en urgence afin d'apporter des solutions concrètes à ce que l'on appelle la crise financière. Les conséquences d'une crise de l'économie réelle sur la vie quotidienne de nos concitoyens seraient tellement graves qu'il est de notre devoir de récuser toute approche partisane et de mettre en oeuvre des solutions concrètes et efficaces. Pour autant, croyez-vous un instant que l'étatisation des créances toxiques et la recapitalisation des banques résoudra la crise, mondiale, à laquelle nous sommes confrontés ? Ne faisons pas l'autruche. II y a bientôt vingt ans s'écroulait le mur de Berlin, marquant la fin du socialisme dit « réel ». Aujourd'hui, nous assistons à l'écroulement d'un autre mur, le mur de l'idéologie ultralibérale qui a contaminé nos sociétés.
Cette imposture idéologique néolibérale n'a eu de cesse de ringardiser le politique au retour duquel appelait hier le président du Sénat ; elle a laissé croire que la « main invisible » des marchés financiers était le seul garant de l'optimum économique et social. Comme si l'intérêt général n'était que la somme des égoïsmes particuliers, comme si l'histoire pouvait se construire rationnellement en laissant faire ! Ne nous trompons pas de crise. La crise financière mondiale ne provient pas de la rémunération excessive -donc a priori facile à corriger, il ne s'agirait que de mesures techniques- des banquiers et autres PDG. Elle plonge ses racines dans la crise sociale, plus précisément dans l'abandon de la régulation fordiste et keynésienne qui avait prévalu jusqu'au début des années 80.
Par le jeu de règles collectives issues d'un véritable compromis social entre le capital et le travail, les gains de pouvoir d'achat évoluaient parallèlement aux gains de productivité du travail ; on résolvait ainsi le problème consubstantiel du capitalisme, qui l'avait conduit dans la crise de 29 : celui des débouchés. Mais, depuis le début des années 80 et la révolution néolibérale qui, partie des Etats-Unis, a déferlé dans tous les pays industrialisés, nous observons la même baisse tendancielle, durable, profonde, de la part des salaires dans la richesse marchande créée au profit des revenus du capital. On retrouve partout les mêmes recettes néolibérales : austérité salariale et flexibilisation du marché du travail. Aux États-Unis, d'où est partie la crise financière, la durée moyenne du travail n'est plus que de 33,6 heures, non à cause d'une RTT mais de la multiplication des emplois précaires. Votre gouvernement n'a eu de cesse de transposer ce modèle, comme en témoignent les lois dites de « modernisation du marché du travail » et de « modernisation des relations sociales et du temps de travail ». La nouvelle norme de travail, y compris pour les cadres, c'est l'emploi précaire, que nos concitoyens ont fini par accepter sous la pression du chômage.
Les résultats macro-économiques sont clairs : la part des revenus du travail dans le PIB a diminué de 15 % depuis 1980, passant de 78 % à 66 %. Ces 200 milliards prélevés chaque année depuis vingt ans sur la richesse nationale alimentent cette économie-casino qui gangrène l'économie réelle et dont les bénéficiaires ont été particulièrement soignés par votre gouvernement, entre la baisse de l'impôt sur le revenu et le bouclier fiscal. Ce sont 200 milliards annuels qui ne participent pas au financement de la sécurité sociale ni de la retraite par répartition, dont le sauvetage devrait être une priorité nationale -chacun aura compris ce que valent les promesses des chantres de la retraite par capitalisation ! Ces 200 milliards, pris chaque année à la rémunération du travail, manquent aux débouchés internes : comme nos voisins, nous comptons sur les exportations, c'est-à-dire les marchés des autres, pour écouler notre production.
Pour éviter l'écroulement pendant ces deux décennies, on a pratiqué la fuite en avant dans la dette. Les États-Unis ont montré la voie : de 1950 à 1980, le rapport dette/PIB est resté constant, à 120 % environ ; depuis la rupture engagée par Reagan et ses grands prêtres de l'ultralibéralisme, ce ratio a doublé. Les États-Unis ont une économie artificielle qui vit à crédit, et que nous avons laissé faire puisqu'elle tire nos propres économies en important à tour de bras nos produits : leur balance commerciale est déficitaire depuis 1971.
Dans ce contexte, les propositions que faisait le candidat Sarkozy prennent un relief particulier : « il faut développer le crédit hypothécaire des ménages » de sorte que « ceux qui ont des rémunérations modestes puissent garantir leur emprunt par la valeur de leur logement ». Beau programme lorsque, simultanément, on n'a de cesse de précariser les salariés, au nom de l'idéologie qui réduit le travail des êtres humains à une simple marchandise ! Il ajoutait : « une économie qui ne s'endette pas suffisamment, c'est une économie qui ne croit pas en l'avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain ». Celui qui portait ainsi aux nues le rêve américain nous explique aujourd'hui que la « moralisation du capitalisme financier demeure une priorité ». Ce n'est plus du grand écart, c'est un double salto arrière !
Et vous venez maintenant nous demander de tendre benoîtement avec vous les filets de sécurité, au nom de je ne sais quelle exigence de solidarité nationale ! Nos concitoyens n'en peuvent plus d'assister impuissants au cirque pathétique des serviteurs de l'ultralibéralisme. Pour autant, les Verts ne se déroberont pas à leurs responsabilités : nous ne nous opposerons pas au panel de mesures de bon sens que vous nous proposez aujourd'hui mais nous ne garderons pas le silence. Quand Martin Hirsch peine pour récolter le 1,6 milliard nécessaire au financement du RSA, les chiffres maniés aujourd'hui impressionnent. Dans le même esprit, nous ne pouvons que relever et dénoncer, avec les partenaires sociaux réunis -comme au bon vieux temps du pacte social fordiste ?- le hold-up effectué par le Gouvernement sur le 1 % logement pour financer le plan Boutin.
Dans un esprit constructif, pour participer à ce plan d'urgence, nous faisons un certain nombre de propositions tant sur les plans international -puisque la France préside encore l'Union européenne pour quelques mois- que national.
Nous proposons que la garantie de l'État soit conditionnée par un meilleur encadrement des rémunérations et une double exigence sociale et environnementale. Nous proposons de lutter contre les places offshore et les paradis fiscaux. Il faut, en la matière, commencer par balayer devant notre porte et imposer des règles strictes à la présence d'entreprises françaises dans ces centres. II convient également de contrôler les sociétés de refinancement, de lutter contre les prédateurs que sont les fonds LBO et, enfin, de revenir sur le bouclier fiscal.
Ces dispositions d'urgence étant prises, nous ne pourrons éviter d'analyser la cause profonde de la crise : l'abandon de toute régulation macro-économique. Un remède exclusivement financier ne serait donc qu'un cautère sur une jambe de bois : l'économie réelle reste menacée par la crispation sur les doctrines néolibérales, les politiques dites de l'offre. Un retour à des politiques de régulation doit se construire à l'échelle adaptée et cesser de démanteler au plan national ce qui contribue à consolider la formation des revenus du travail, le pouvoir d'achat. Revalorisation des retraites inférieure à l'inflation, franchises médicales, nouvelles cotisations sur les mutuelles, taxe sur l'épargne populaire pour financer le RSA, licenciements dans la fonction publique -toutes ces dispositions, contraires à la consolidation de la demande globale, accentuent les risques d'une crise majeure.
Les Verts n'appellent pas à un simple New-Deal néofordiste et productiviste : nous vivons dans un monde fini ! Ainsi le nouveau pacte social à construire ne saurait être un copier/coller de celui sur lequel se sont appuyées les Trente Glorieuses. Il faut lancer sans tarder un Eco-Deal !
A l'heure où une croissance de 1 % semble une hypothèse optimiste, le rapport Stern calcule qu'il faut prélever un point de croissance chaque année pour éviter les conséquences humaines et géopolitiques incalculables d'une montée des océans. Dans le même esprit, l'AIEA rappelle qu'il faudrait investir 42 000 milliards pour passer effectivement aux énergies renouvelables.
Nous ne nous déroberons pas à nos responsabilités, nous ne ferons pas obstacle à la présente loi qui s'inscrit dans un sursaut historique de l'Europe politique qu'il nous faudra construire, non l'Europe des marchés, des marchands et des spéculateurs, mais une Europe des citoyens.
Il est de notre devoir de dire haut et clair qu'il faut sortir du paradigme néolibéral et de l'idéologie de la croissance pour travailler à un nouveau compromis social, écologiste et solidaire, qui mette les liens entre les personnes avant les biens. Pareille transformation risque de prendre du temps. Prenant acte des promesses de moralisation du système du Président de la République, nous proposerons des amendements techniques, car nos compatriotes n'accepteraient pas que l'on mette du carburant dans la machine financière sans lui fixer un cap. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme la présidente. - Je salue l'arrivée de M. Woerth qui rejoint la séance publique au sortir d'une audition à l'Assemblée nationale. (Applaudissements à droite)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Parce que ce projet répond à la gravité sans précédent de la crise à laquelle nous sommes confrontés, nous allons le voter, et je félicite le Gouvernement pour la promptitude de sa réponse comme pour la transparence qu'il a pratiquée, en associant le rapporteur général et le président de la commission des finances à la préparation de ce texte. Je rends également hommage au Président en exercice de l'Union européenne, qui a démontré sa pugnacité, sa volonté, sa détermination, et je salue l'effectivité de la gouvernance économique de l'Europe, qui pourrait préfigurer son gouvernement économique.
Le projet a pour ambition de rétablir la confiance entre les banques. Nous espérons que l'objectif sera atteint, quoique des hauts et des bas ne soient pas exclus, car nombre d'opérations à terme avaient été nouées à découvert, d'où des risques de nervosité sur les marchés.
Mme Lagarde a présenté la philosophie et le contenu de ce dispositif ; je la remercie d'avoir bien voulu préciser que le Parlement, en l'occurrence les deux commissions des finances, seraient associées à l'élaboration du cahier des charges de la convention-type entre les banques qui recourront au dispositif et la caisse de refinancement. Nous attachons en effet un certain prix à ce que le fléchage soit clair et que le mode de gouvernance des établissements concernés soit à l'abri de critiques d'ordre éthique. Tout sera fait pour réduire ces trous noirs de l'économie que sont les paradis fiscaux.
Les 360 milliards entreront-ils dans le calcul de la dette selon Maastricht ? Ces considérations apparaissent quelque peu byzantines car il faut distinguer la dette publique préoccupante qui sert à financer le déficit, et celle qui finance des actifs qui ont une valeur réelle et qui est moins préoccupante. Il faut donc que la situation patrimoniale de l'État fasse apparaître les engagements hors bilan et que tous ceux qui le souhaitent soient en mesure d'apprécier sa solvabilité.
Puisque la politique reprend sa place, il faut qu'elle ait une place déterminante dans le fonctionnement de la caisse de refinancement et de la société de participation pour éviter que les banquiers ne restent entre eux à la tête d'un établissement ayant la garantie de l'État ! S'il s'agit de rétablir la confiance entre les banques, je veux aussi évoquer la fluidité des liquidités ainsi mises dans le circuit. L'économie mondiale a été victime d'un gigantesque accident vasculaire cérébral ; on a pu mettre en place un Samu, mais il faut maintenant administrer des anticoagulants pour que les liquidités parviennent jusqu'aux PME et aux particuliers.
Compte-tenu des délais de paiement français, nombre de PME parviennent à mobiliser des fonds grâce à l'assurance crédit. Or on me signale que les assureurs prennent désormais des précautions extrêmes et que le crédit se réduit comme peau de chagrin, d'où une congestion et un risque de cessation de paiement de ces PME. Sans aller jusqu'à suggérer de créer une caisse de réassurance crédit, j'attire votre attention sur ce sujet.
La loi de modernisation de l'économie a fait naître de grandes espérances parmi les PME qui travaillent pour des donneurs d'ordres en position hégémonique en raison de leur puissance d'achat. Certes, le crédit est légalement réduit d'un mois, mais ces donneurs d'ordres considèrent que cela ne s'applique pas aux marchés passés antérieurement à la loi, de sorte qu'ils escomptent le troisième mois, le déduisent du prix, nuisant ainsi à la compétitivité et à la rentabilité des PME.
La vraie difficulté de l'économie française est sa compétitivité. Il y a quelques semaines, son déficit commercial allait vers les 50 milliards, soit une aggravation par rapport à 2007. Les délocalisations continuent donc, qui interviennent désormais quand un produit vient à terme : on installe alors la nouvelle ligne de production à l'étranger, en Europe de l'Est, en Asie ou au Maghreb. Je vous invite donc à la revue générale des prélèvements obligatoires. Ce débat doit s'ouvrir afin que l'économie réelle reparte, crée de la croissance et nous aide à lutter pour l'emploi. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - (Applaudissements à droite) Ce débat a été très intéressant et, même si je n'ai pas partagé toutes les remarques des orateurs, j'ai trouvé beaucoup de réalisme dans toutes les interventions auxquelles je vais essayer de répondre.
J'ai beaucoup apprécié l'hommage que MM. Marini et Arthuis ont rendu à Mme Lagarde en se réjouissant de la coopération que nous avons eue avec les commissions des finances sur ce texte : elle était en effet très importante sur ce texte stratégiquement majeur.
Monsieur Marini, le projet de convention-type avec les contreparties fera l'objet d'une consultation ; la maquette est bien entendu à la disposition de la commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Comme vous l'avez dit, nous prévoyons deux formes de contreparties, éthiques et économiques : d'une part, nous encadrerons la rémunération des dirigeants ; d'autre part, nous demanderons à chaque banque de se fixer des objectifs de prêts aux ménages et aux entreprises, notamment aux PME, selon sa spécialité.
Je veux rassurer le président Emorine sur le financement des PME et des collectivités territoriales. Le président d'Oséo m'a assuré que l'extension du dispositif Avance Plus aux donneurs d'ordres privés, qui consolide les lignes de trésorerie, ne mettrait pas en danger l'escompte des créances des collectivités locales.
Le plan du Gouvernement en faveur des PME représente 22 milliards : 5 milliards proviennent d'Oséo, et 17 des excédents des livrets d'épargne réglementés...
M. Guy Fischer. - Et voilà ! Le livret A !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Sur ces 17 milliards, 9 seront mis à disposition des PME et des entreprises de taille intermédiaire. Une convention-type entre l'État et les banques permettra de vérifier l'affectation de ces crédits.
Dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, le Sénat a réduit les délais de paiement à soixante jours, à compter du 1er janvier 2009, M. Émorine et M. Arthuis l'ont rappelé, mais il a prévu des dispositions dérogatoires pour prendre en compte les spécificités de certains secteurs à rotation lente -je pense au bricolage ou à l'automobile- avec une convergence prévue pour fin 2011. Ce sont avant tout les plus faibles, les plus petites entreprises qui peuvent tirer profit d'une réduction des délais de paiement.
Le président Émorine, comme M. Fourcade, a rappelé l'importance de Dexia dans le financement des collectivités locales. Le Gouvernement a agi avec vigueur et célérité : nous n'avons pas hésité à entrer dans le capital de Dexia, avec une minorité de blocage, et à trouver avec la Belgique et le Luxembourg un accord pour garantir sa dette.
Nous intervenons, en ce moment même, au Conseil européen pour définir de nouvelles règles plus saines pour le secteur financier, notamment pour mieux contrôler les agences de notation : une directive paraîtra d'ici fin 2008. Une autre refondera les règles prudentielles. La politique de rémunération ne doit pas encourager la prise de risques déraisonnables. La solution réside dans une régulation mieux adaptée.
Monsieur Darniche, nous demanderons des contreparties éthiques aux banques : plafonnement des indemnités de départ, mais aussi interdiction de cumuler contrat de travail et mandat social ou d'attribuer des actions sans condition de performance.
La tarification de la garantie aura deux composantes : l'une forfaitaire, l'autre en fonction de l'établissement. Le Gouvernement a saisi la Commission européenne pour harmoniser les conditions de garantie à travers l'Europe.
Nous espérons que l'impact de cette mesure permettra d'en finir avec la thrombose du financement de l'économie. Signe encourageant, les taux interbancaires ont baissé : c'est la première étape d'un retour à la normale.
Mme Bricq a estimé que la logique même du système était en cause. Je ne partage pas cette analyse...
M. Bernard Piras. - On s'en doutait !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Elle a néanmoins posé des questions pertinentes. Non, les filiales situées dans des paradis fiscaux n'auront pas accès au refinancement : seuls les établissements situés en France sont concernés par l'article 6. La Banque de France sera chargée du contrôle de la qualité des gages. Un « actif de qualité », c'est par exemple un prêt immobilier hypothécaire ou une créance sur une entreprise en bonne santé.
Vous souhaitez que l'État soit présent et exerce un contrôle très étroit. Ce sera le cas, madame Bricq : l'État donnera l'agrément aux dirigeants de la société de refinancement et Mme Lagarde vous en a, tout à l'heure, donné les noms, MM. Camdessus et Coste. De même, les statuts devront être agréés et les commissaires du Gouvernement auront un droit de veto au conseil d'administration. De plus, les conventions qui fixent les contreparties seront étroitement contrôlées. Enfin, chaque établissement devra signer une convention éthique : ainsi, les indemnités de départ seront plafonnées et les cumuls interdits.
Vous vous êtes également interrogée sur la clause de « super urgence ». Nous avons le précédent de Dexia : si cette société n'avait pas été traîtée en urgence, elle aurait été mise en faillite. Il y a des cas où l'intervention de l'État doit être la plus rapide possible, d'heure en heure. Les garanties de ces super urgences sont inscrites dans le plafond prévu des 320 milliards. Nous ne ferons donc pas n'importe quoi.
M. Mercier m'a interrogé sur l'aventure américaine de Dexia mais j'ai déjà répondu à ce sujet. Il a également fait remarquer, à juste titre, que la concertation, la coordination et la cohésion européenne étaient un fait majeur : sous l'impulsion du Président de la République, nous avons fait progresser l'idée que, lorsque l'Europe coordonne ses politiques, elle peut être très forte et qu'elle est en mesure de faire face à des événements cruciaux. Cela a été également le cas au plan international avec le conflit en Géorgie.
M. Vera s'est interrogé ou, plutôt, il ne s'est pas interrogé puisqu'il a refusé l'union nationale pour des raisons qui lui sont propres. Cette union eût été importante car vous savez bien que ce séisme financier n'est pas franco-français. Le refus de participer à cette solidarité sera mal compris par nos concitoyens. (M. Guy Fischer s'exclame) Il ne s'agit pas de sauver les banques mais de sauver l'économie. Lorsque le système bancaire est en panne, c'est tout le financement des PME, des artisans et des commerçants qui en pâtit. Sans les banques, ces entreprises ne pourraient pas vivre et c'est donc bien pourquoi nous devions agir pour sauver l'ensemble de l'économie. C'est pourquoi je vous réponds qu'il n'est nullement question, avec ce texte, de jeter de l'argent par les fenêtres. En outre, comme l'a fort justement fait remarquer M. Fourcade, les montants annoncés ne représentent pas un coût mais indiquent un simple plafond de garantie. Par définition, un plafond n'a pas vocation à être atteint.
Monsieur Fourcade, j'ai déjà répondu à toutes vos questions.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Sauf sur le FMI !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - D'abord, je veux remercier le groupe UMP pour son soutien. Grâce à vous, cet indispensable plan de sauvetage prendra corps. Concernant le FMI, le Gouvernement est, comme vous, soucieux de faire évoluer les missions du Fonds. Avec les Britanniques, nous voulons que le FMI joue un rôle d'alerte et de prévention des crises financières. Comme vous le souhaitez, nous voulons refonder, avec nos partenaires européens, une régulation financière qui existait certes mais qui, à l'évidence, était inadaptée. Une directive devrait, d'ici la fin de l'année, modifier les règles de fonctionnement des agences de notation. Nous devrons aussi définir de nouvelles règles prudentielles sur les risques de liquidité et de titrisation. Enfin, les politiques de rémunération dans le secteur financier ne devront plus encourager les prises de risque déraisonnables.
M. Baylet souhaite la mise en place de prêts préférentiels pour les PME. Je lui rappelle qu'à ce jour, 22 milliards leur ont été attribués, ce qui démontre bien tout l'intérêt que nous portons au financement de ces entreprises. En tant que responsable, avec Mme Lagarde, des PME, j'ai alerté dès le mois d'août M. le Premier ministre et M. le Président de la République des risques auxquels étaient confrontées les PME et c'est pourquoi nous avons pu réagir aussi vite.
Vos propositions sont hors sujet, monsieur Muller. Je comprends vos attaques en règle mais je ne puis y souscrire.
Enfin, je tiens à vous remercier, monsieur Arthuis, pour votre avis positif sur ce projet de loi. Nous vous adresserons la maquette de la convention entre la société de refinancement et les banques. Vous avez également mis le doigt sur quelque chose de très important : l'assurance crédit. Cet après-midi même, mon directeur de cabinet recevait les sociétés d'assurance crédit pour voir avec elles comment éviter que, de proche en proche, un certain nombre de difficultés ne surviennent.
Nous allons faire en sorte que la loi de modernisation de l'économie soit mise en oeuvre dans de bonnes conditions et, en dépit des dérogations prévues, il faudra faire en sorte que les délais de paiement se réduisent car ils sont, en France, supérieurs à la moyenne européenne et de vingt jours supérieurs à ceux pratiqués en Allemagne, ce qui explique en partie la bonne santé financière des PME outre-Rhin.
Vous avez, monsieur le président, mille fois raison : la compétitivité de nos entreprises est une question fondamentale. Il ne sert effectivement à rien de prendre telle ou telle mesure si nos entreprises ne sont pas structurellement compétitives. C'est tout l'objet des politiques que nous menons en faveur des entreprises, et notamment des PME. Ainsi en est-il avec Oseo, guichet unique pour le financement des PME. Il en va de même lorsque nous simulons l'innovation grâce au crédit impôt recherche ou lorsque la durée du travail est renvoyée à la négociation par entreprise. De même, lorsque nous adoptons une mesure ISF-PME et que l'on consacre ainsi 1 milliard à développer les PME, nous améliorons leur compétitivité.
Mme Nicole Bricq. - Nous verrons !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ce texte vise à rétablir le financement de l'économie et le Gouvernement souhaite que le plus grand nombre de parlementaires le vote : ce sera une bonne action pour l'économie française. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. - M. Arthuis a évoqué les paradis fiscaux...
Mme Nicole Bricq. - Il n'a pas été le seul !
M. Éric Woerth, ministre. - Le 21 octobre, les représentants des pays de l'OCDE vont se réunir pour examiner la classification de ces pays : il n'en reste plus que trois dans la liste, ce qui est anormal.
En ce qui concerne le report de paiement des cotisations sociales évoqué par M. Émorine, nous estimons préférable d'agir au cas par cas. Les outils existent dans les départements.
Les services pourront examiner chaque situation particulière : je crois cela préférable à une mesure globale, qui serait en outre coûteuse pour l'Acoss. Notre solution me semble plus raisonnable. (M. le président Jean-Paul Émorine remercie)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Je veux dire à M. Novelli qu'il faudra aussi bousculer notre vision de la fiscalité. Faire payer les entreprises est politiquement correct mais c'est un facteur de délocalisation économique. Et que l'impôt soit versé par les entreprises ou par les ménages, il est toujours payé par ces derniers puisqu'il est intégré dans le prix de vente des produits et des services. Il est temps, sur la taxe professionnelle, cet impôt de production, comme sur les cotisations sociales, de faire vivre le débat devant l'opinion publique afin de faire bouger les points de vue.
Je souhaite une brève suspension de séance, afin que la commission examine les amendements et la motion de procédure qui ont été déposés.
La séance est suspendue à 18 h 20.
Pprésidence de M. Roland du Luart,vice-président
La séance reprend à 18 h 40.
Question préalable
M. le président. - Motion n°13, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l'économie, adopté par l'Assemblée nationale (n°22, 2008-2009).
Mme Marie-France Beaufils. - Rarement une question préalable aura eu autant de sens. Le Gouvernement nous propose de dépenser 360 milliards d'euros : pour qui, et pour quoi faire ? Nous vivons non seulement une crise financière historique, mais aussi une crise économique et sociale profonde, qui appelle des solutions fortes et urgentes. Il y a urgence à préserver l'emploi et le pouvoir d'achat, à venir en aide aux petits épargnants et aux petites entreprises. M. Fillon lui-même s'accorde à le dire, mais c'est l'incendiaire qui crie au feu ! Car nous sommes au bord du gouffre, confrontés à une crise systémique.
M. Nicolas About. - N'exagérons rien !
Mme Marie-France Beaufils. - Mais il n'y a aucune urgence à renflouer les spéculateurs et ceux qui nous ont conduits là où nous en sommes aujourd'hui.
Une dépense de 360 milliards d'euros, pour qui, et pour quoi faire ? Nos interrogations persistent après le débat à l'Assemblée nationale. Une telle somme est l'équivalent du budget de l'éducation nationale ! Elle exige d'importantes garanties en contrepartie.
Car il faut rappeler une évidence, que le Gouvernement et sa majorité ont du mal à percevoir : le krach boursier résulte d'une politique à long terme, qui s'est détournée du développement économique et industriel pour favoriser les profits financiers. La bulle financière qui vient d'éclater est la conséquence des politiques mises en oeuvre à partir de la fin des années 1970, sous l'impulsion de Reagan et de Margaret Thatcher. Le modèle libéral anglo-saxon s'est vite imposé, et un intense travail idéologique a été entrepris pour faire croire que la préservation du secteur public conduisait à la stagnation, que l'intérêt général était une notion conservatrice, et que l'individualisme exacerbé, la réussite sociale et l'argent étaient des valeurs de progrès. Le chacun pour soi, la concurrence et l'enrichissement sont devenus les valeurs cardinales de nos sociétés.
La construction européenne s'est rapidement mise au diapason libéral. L'Acte unique en 1986 posa le principe de la libre circulation des marchandises et des capitaux. Le traité de Maastricht mit en place des institutions dévouées au marché, comme la BCE -que ni M. Sarkozy, ni le Gouvernement ne remettent en cause. Ce traité imposa les dogmes de la concurrence libre et non faussée. Aujourd'hui encore, vous défendez le traité de Lisbonne qui vise à perpétuer un système qui s'effondre. Les dirigeants acquis au capitalisme financier refusent même la démocratie, puisqu'ils tentent de contourner le refus opposé par les Français, les Néerlandais et les Irlandais à cette Europe qui sert les intérêts des financiers et non des citoyens.
Oui, il était acquis depuis longtemps que nous devrions payer l'addition des politiques libérales. Les privatisations massives de 1986 et 1993, sur lesquelles la gauche n'a pas pu, pas su ou pas voulu revenir, ne furent pas seulement un moyen de combler les déficits publics : elles constituèrent un immense cadeau aux marchés financiers, qui a entraîné la formation de bulles spéculatives. Les privatisations ont grandement participé à la déconnexion des bourses et de l'économie réelle.
Le Gouvernement, la majorité et le Président de la République espèrent sans doute qu'une fois l'orage passé, les affaires pourront reprendre comme auparavant. A ce qu'il paraît, la privatisation de La Poste serait suspendue : M. Sarkozy estimerait peu judicieux de mettre sur le marché la Banque Postale dans la conjoncture actuelle. Mais le projet n'est pas abandonné. Monsieur le ministre, il faut aujourd'hui reconnaître publiquement que les privatisations à tout va ont été une erreur, et affirmer que La Poste ne sera pas cédée aux spéculateurs.
Oui, la crise d'aujourd'hui a sa source dans l'évolution du capitalisme vers un capitalisme financier et mondialisé. M. Fillon pourrait en tirer enseignement, lui qui s'est attaqué au système de financement des retraites par répartition, en favorisant le développement de produits financiers destinés à compenser la baisse des pensions par des recettes tirées de la capitalisation. Heureusement, il y eut les archaïques, les partisans d'une société prétendument révolue, pour empêcher que l'exemple américain soit tout de suite imité : les fonds de pension des États-Unis ont perdu pas moins de 2 000 milliards depuis le mois de janvier, provoquant l'appauvrissement immédiat de centaines de milliers de personnes. J'ai lu dans Les Echos de ce matin que les performances financières du Fonds de réserve pour les retraites ont baissé de 14,5 % depuis le début de l'année. Nous avons de longue date alerté le public sur la crise des fonds de pension et ses graves conséquences pour les économies du monde.
C'est dans les années 1980 que la bourse est devenue l'alpha et l'oméga de l'économie. On n'a plus mesuré alors l'influence de notre pays à la richesse de son agriculture ni au rayonnement de sa culture mais à l'épaisseur des portefeuilles de ses courtiers. Ici même, quelle n'a pas été l'insistance de Mme Lagarde pour faire de Paris une place boursière de tout premier ordre ?
Quel sera le bénéfice de ce plan de sauvetage ? Plus de croissance et de pouvoir d'achat ? Certainement pas, mais bien plutôt la joie immense des financiers, trop heureux de cette manne publique ! La crise est-elle terminée ? Un collègue vient de se féliciter d'un retour à plus de sérénité, mais aujourd'hui, même les marchés sont en baisse !
J'entends le Gouvernement chanter « Du passé, faisons table rase » ! (Sourires) Mais le Président de la République refait aux Français le coup du « Je vous ai compris » en leur expliquant qu'il y a urgence face à la crise mais qu'il est plus urgent encore pour lui d'aider d'abord ses amis... L'autoproclamé « président du pouvoir d'achat », qui a commencé par accorder un cadeau fiscal de 15 milliards aux plus riches, échange son costume de libéral dogmatique pour celui de refondateur du capitalisme ! Sa recette est très simple : on prend les mêmes banquiers, responsables de la crise, et on recommence en leur confiant 360 milliards de plus ! La refondation viendra plus tard !
Oui, il faut agir, mais certainement pas pour ne rien changer ! Les sommes engagées doivent s'accompagner de contreparties : les banques, qui gèrent l'épargne populaire, doivent rompre avec la spéculation, qui ne fait rien d'autre que détourner et retourner l'argent du peuple contre le peuple même !
Plutôt que de signer un chèque en blanc aux spéculateurs, ce que fait cet article 6 en n'exigeant aucune garantie des spéculateurs, nous vous proposons d'agir en profondeur. D'abord en conditionnant l'intervention à un véritable changement de la stratégie des banques pour qu'elles s'engagent à aider d'abord l'économie réelle, l'industrie. Ensuite en augmentant le rendement du livret A et en consacrant au logement social l'intégralité des fonds collectés. Il faut également relever le plafond du livret de développement durable : il n'est que de 6 000 euros, à comparer aux 150 000 euros d'un contrat d'assurance vie, orientés vers la spéculation...
Il faut exiger, également, un certain contrôle sur l'avenir des banques. L'argent public vole à leur secours mais, le calme revenu, les bénéfices devraient revenir au privé ? C'est insupportable car cela revient à socialiser les pertes et privatiser les profits. La nationalisation n'est plus un tabou, nous devons saisir l'occasion de constituer un grand pôle financier public, au service du pays, comme cela s'est produit en 1945.
Il faut encore exiger des garanties budgétaires. Chacun sait que les 320 milliards seront utilisés : aux États-Unis, neuf banques ont utilisé hier 125 milliards de dollars du plan américain ! Le service public ne doit pas être mis en cause, et il ne faut pas solliciter les contribuables modestes. Ce sont les financiers, les plus riches, les grandes fortunes qui, pour une fois, doivent mettre la main à la poche ! Il faut abroger le bouclier fiscal, modifier le barème de l'impôt sur le revenu pour taxer les plus hauts revenus, il faut reformer l'ISF pour accroître son rendement et y intégrer les fortunes financières et industrielles !
Nous demandons encore que les banques rompent avec les paradis fiscaux et la pratique détestable des « hedge funds ». Nous vous proposerons encore de mettre fin aux « parachutes dorés » et à la pratique des stock-options : des voix s'élèvent partout, y compris à l'Élysée, contre ces excès, mais il ne se passe rien ! Les responsables de la crise doivent répondre de leurs actes et de leurs malversations !
L'État doit également garantir les emprunts des collectivités locales car elles vont subir de plein fouet la crise du crédit. Enfin, il faut garantir les rémunérations en cas de licenciement et interdire les expulsions, y compris pour les accédants touchés par la crise des crédits-relais. Tout doit être mis en oeuvre pour garantir les emplois, y compris l'interdiction du licenciement quand le motif est financier.
Vous demandez l'union nationale et certains mettent en cause notre sens des responsabilités quand nous repoussons ce hold-up planétaire ! La ficelle est grosse : pour masquer votre responsabilité écrasante, vous tentez d'associer l'opposition à vos erreurs et turpitudes passées ! Ce plan, largement précipité, ne comporte aucune garantie : avec la responsabilité de ceux qui dénoncent depuis si longtemps les dangers du capitalisme aujourd'hui mondialisé, nous voterons contre ce texte ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis défavorable. L'adoption de cette motion empêcherait tout débat et toute précision sur le plan.
M. Éric Woerth, ministre. - Nous sommes confrontés à une crise particulièrement difficile, nous y répondons avec ce plan ambitieux, en coordination avec les autres gouvernements européens.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cela n'empêche pas de prendre des garanties !
La motion n°13 n'est pas adoptée.
Discussion des articles
Première partie
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article premier du code général des impôts est abrogé.
M. Jacques Muller. - Le bouclier fiscal ne saurait être maintenu au moment où l'on mobilise les petits contribuables, qui seront en première ligne en cas de difficulté.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles premier et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.
M. Bernard Vera. - Les 320 milliards garantis et les 40 milliards de recapitalisation, quoiqu'on nous dise, seront bel et bien utilisés et la crise financière affecte déjà le collectif budgétaire. Les spéculateurs doivent mettre la main à la poche, le bouclier fiscal est inacceptable !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je crains que ces amendements ne s'écartent un peu trop de ce qui fait l'objet de ce texte. On pourra en reparler lors du projet de loi de finances pour 2009... (Sourires)
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Le Gouvernement partage cet avis.
M. Bernard Vera. - Nous pensons au contraire que cet amendement est approprié.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
A la demande du groupe CRC, l'amendement n°14 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 231 |
Nombre de suffrages exprimés | 231 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 116 |
Pour l'adoption | 30 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I- Après l'article 885 U du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art ... - Le montant de l'impôt de solidarité sur la fortune, calculé dans les conditions prévues à l'article 885 U, est majoré de 30 % à compter de la promulgation de la loi n°... du ..... de finances rectificative pour le financement de l'économie. »
II- Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, toute rémunération ou partie de rémunération liée à l'évolution de cours boursiers, octroyée et calculée sous quelque forme que ce soit, est soumis à une taxe de 100 %.
M. Bernard Vera. - Grâce à quelques artifices comptables, vous nous présentez un collectif budgétaire présentant un déficit mis à jour légèrement en dessous de 50 milliards. La dérive des comptes est admise, montrant s'il en était besoin que les choix budgétaires de l'été 2007 (le paquet fiscal) et de l'automne suivant (la loi de finances) n'étaient pas les bons. Il faut donc nous inscrire clairement dans le cadre du redressement des comptes publics.
Nous ne sommes pas des partisans forcenés de l'accroissement des déficits publics, contrairement à une légende complaisamment répandue. Surtout quand ils se développent dans un contexte de stagnation économique et que la dette publique trouve son origine dans des difficultés de trésorerie de l'État pour faire face à ses engagements quotidiens. La loi de finances pour 2008, avait prévu de mobiliser 145 milliards de nouveaux titres de dette publique pour financer 13 milliards de nouveaux investissements publics. Vous avez voté l'an dernier une dette publique où le tiers des nouvelles émissions vient amortir l'existant, un autre tiers le déficit budgétaire prévu et l'essentiel du tiers restant faire face aux risques de trésorerie.
Augmenter le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune d'un peu plus d'un milliard permettra de dégager les moyens d'un plan de relance de l'activité et de l'emploi et d'accorder, sous des conditions particulières, des prêts sans intérêt ou à taux extrêmement faible à certaines PME ou TPE en vue de faciliter le développement de leurs investissements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission des finances ne peut être favorable à cet amendement. Si vous y tenez beaucoup, nous reprendrons cette discussion à l'occasion du projet de loi de finances.
Retrait.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°16 rectifié n'est pas adopté.
L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2 et la première partie.
Deuxième partie
L'article 3 est adopté, ainsi que les articles 4 et 5.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 221-1 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Art. L. 221-1. - Les sommes versées sur un premier livret de la Caisse nationale d'épargne ou des caisses d'épargne et de prévoyance, dénommé livret A, ou sur un compte spécial sur livret du crédit mutuel, sont soumises à plafonnement.
« Ce plafonnement, pour 2008, est fixé à 20 000 euros. Il est révisé, chaque année, par décret du ministre chargé de l'économie et des finances, à concurrence de la formation brute de capital fixe des entreprises telle que définie dans le cadrage macro-écnomique de la loi de finances de l'année.
« Les sommes versées en excédent du plafond peuvent être déposées sur un ou plusieurs livrets supplémentaires. Les livrets de caisse d'épargne sont nominatifs.
« Une même personne ne peut être titulaire que d'un seul livret A de caisse d'épargne ou d'un seul compte spécial sur livret du crédit mutuel. »
II. - Les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.
Mme Marie-France Beaufils. - Le livret A retrouve beaucoup d'attrait dans cette époque de perte de confiance envers les banques. Il convient d'en relever le plafond afin de le rendre plus conforme à la réalité de l'épargne des ménages et aux exigences de l'activité économique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cette épargne est déjà en forte croissance ; un relèvement du plafond ne s'impose donc pas. D'autant que 20 000 euros représente une grosse somme pour un patrimoine individuel. Le livret A peut être détenu par toute personne physique... Vous voulez faire un cadeau qui nous paraît excessif à des personnes qui n'en ont pas vraiment besoin.
Défavorable.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Cet amendement est un cadeau aux riches ! (Exclamations sur les bancs CRC)
M. Guy Fischer. - Vous faites de la provocation !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Il n'est en outre pas vraiment de circonstance, quand l'économie risque de ralentir. Et je ne parle pas de son coût fiscal...
L'amendement n°17 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 221-27 et L. 221-28 du code monétaire et financier sont ainsi rédigés :
« Art. L. 221-27. - Le livret de développement durable est ouvert par les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France dans les établissements et organismes autorisés à recevoir des dépôts. Les sommes déposées sur ce livret servent pour moitié au financement des petites et moyennes entreprises et, pour moitié, des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens.
« Le plafond de versement sur ce livret est fixé à 12 000 euros. Il est révisé chaque année par décret du ministre en charge de l'économie et des finances à proposition de l'évolution de la formation brute de capital fixe des entreprises.
« Il ne peut être ouvert qu'un livret par contribuable ou un livret pour chacun des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune.
« Les modalités d'ouverture et de fonctionnement du livret de développement durable, ainsi que la nature des travaux d'économies d'énergie auxquels sont affectées les sommes déposées sur ce livret, sont fixées par voie réglementaire.
« Les opérations relatives au livret de développement durable sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l'inspection générale des finances.
« Art. L. 221-28. - Les établissements recevant des dépôts sur des livrets de développement durable mettent à la disposition des titulaires de ces livrets, une fois par an, une information écrite sur les concours financiers accordés à l'aide des fonds ainsi collectés.
« Cette information porte notamment sur la localisation des investissements financiers.
« Ces établissements fournissent, une fois par trimestre, au ministre chargé de l'économie, une information écrite sur les concours financiers accordés à l'aide des fonds ainsi collectés.
« La forme et le contenu des informations écrites mentionnées aux trois alinéas précédents sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie.
M. Bernard Vera. - Le retour à une utilisation saine de l'argent est au coeur de ce débat. Il faut revenir à un cycle vertueux de la croissance. Les livrets de développement économique peuvent y contribuer si leurs ressources sont mieux affectées. Relever leur plafond rassurerait aussi les épargnants.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je pourrais reprendre les mêmes arguments qu'à l'amendement précédent. Avis défavorable.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article 193 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, la fraction des revenus correspondant aux éléments de rémunération, indemnités et avantages visés aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, dont le montant annuel excède trois fois le montant annuel du salaire minimal interprofessionnel de croissance, est taxée à 95 %. »
M. Jacques Muller. - Les parachutes dorés et golden hello doivent être restreints. Les patrons ne peuvent être juges et parties : il faut un mode d'emploi pour mettre fin à ces dérives.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous allez trop loin avec cette quasi-interdiction. Avis défavorable.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Même avis. L'article 17 de la loi Tepa a déjà défini des restrictions et, si de nouvelles ne sont pas appliquées de manière volontaire, la loi y reviendra début 2009. Ne soyons pas outranciers !
L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, pour les dirigeants d'entreprise qui ont une rémunération annuelle excédant 250 000 euros après prélèvement des cotisations sociales, le montant des indemnités de départ qui excède un mois de rémunération par année d'ancienneté après prélèvement des cotisations sociales ou qui excède 250 000 euros est imposé à un taux de 100 %.
Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, la société qui octroie une rémunération de départ supérieure, calculée conformément à l'alinéa précédent, en vertu d'un contrat de travail, d'un contrat d'entreprise ou d'un mandat est soumise à une taxe supplémentaire de 15 % sur son bénéfice imposable.
Mme Marie-France Beaufils. - Cet amendement va dans le même sens que le précédent car l'une des grandes urgences pour sortir de la crise est la moralisation des marchés financiers et du fonctionnement des entreprises. Les parachutes dorés sont l'un des aspects les plus choquants des inégalités qui se creusent entre les salariés et les dirigeants d'entreprise. Cela ne peut continuer. On va nous dire qu'on en reparlera demain, mais c'est aujourd'hui que nous parlons du plan pour les banques et aujourd'hui qu'il faut des engagements clairs pour éviter que se renouvellent des exemples aussi rudes que celui de M. Forgeard. C'est pourquoi nous demandons un scrutin public.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission demande le rejet de cet amendement, encore plus excessif que le précédent.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Même avis défavorable.
A la demande du groupe CRC, l'amendement n°15 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 139 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 6
I. - Le ministre chargé de l'économie peut accorder la garantie de l'État dans les conditions mentionnées au présent article.
II. - A. - La garantie de l'État peut être accordée à titre onéreux aux titres de créance émis par une société de refinancement dont le siège est situé en France et qui a pour objet, par dérogation à l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, de consentir des prêts aux établissements de crédit agréés et contrôlés dans les conditions définies par ce code.
Les établissements concernés passent une convention avec l'État qui fixe les contreparties de la garantie, notamment en ce qui concerne le financement des particuliers, des entreprises et des collectivités territoriales. Cette convention précise également les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques conformes à l'intérêt général.
Seuls les établissements de crédit satisfaisant aux exigences de fonds propres prévues en application du code monétaire et financier pourront bénéficier des prêts accordés par la société.
La société mentionnée au premier alinéa peut acquérir des billets à ordre, régis par les articles L. 313-43 à L. 313-49, émis par des établissements de crédit, souscrire ou acquérir des parts ou titres de créances émis par des organismes visés aux articles L. 214-42-1 à L. 214-49-14 ou des fiducies.
Pour les besoins de son activité, la société de refinancement bénéficie des dispositions des articles L. 431-7 à L. 431-7-5 au même titre que les établissements de crédit.
Ces parts, titres de créances ou billets à ordre confèrent à la société de refinancement :
- un droit de créance sur l'établissement de crédit bénéficiaire d'un montant égal au principal et aux intérêts et accessoires du prêt consenti par la société de refinancement à l'établissement de crédit ;
- en cas de défaillance de l'établissement de crédit bénéficiaire, un droit direct sur le remboursement des créances sous-jacentes répondant aux caractéristiques définies aux 1° à 6° ci-dessous et le paiement des intérêts et accessoires se rapportant à ces créances ainsi que le produit de l'exécution des garanties attachées à ces créances, dans les conditions contractuelles qui les régissent ; la société de refinancement doit bénéficier de ce droit direct, même en cas de défaillance de l'établissement de crédit bénéficiaire du refinancement ou d'une entité interposée, sans subir le concours d'un autre créancier de rang supérieur à l'exception éventuelle de ceux qui tirent leurs droits de la gestion des créances et des garanties ou de la gestion ou du fonctionnement d'une entité interposée.
Peuvent être mobilisés en application du présent article :
1° Les prêts assortis d'une hypothèque de premier rang ou d'une sûreté immobilière conférant une garantie au moins équivalente ;
2° Les prêts exclusivement affectés au financement d'un bien immobilier situé en France, sous la forme d'une opération de crédit-bail ou assortis d'un cautionnement d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'assurance ;
3° Les prêts mentionnés aux I et II de l'article L. 515-15 du code monétaire et financier ;
4° Les prêts aux entreprises bénéficiant au moins du quatrième meilleur échelon de qualité de crédit établi par un organisme externe d'évaluation de crédit reconnu par la Commission bancaire conformément à l'article L. 511-44 du même code ;
5° Les prêts à la consommation consentis aux particuliers résidant en France ;
6° (nouveau) Les crédits à l'exportation assurés ou garantis par une agence de crédit export d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, des États-Unis d'Amérique, de la Confédération suisse, du Japon, du Canada, de l'Australie ou de la Nouvelle-Zélande.
Selon des modalités prévues par arrêté du ministre chargé de l'économie, le montant total des éléments d'actif mobilisés par les établissements de crédit doit être supérieur au montant des éléments de passif bénéficiant de la garantie de l'État.
La Commission bancaire contrôle pour le compte de l'État dans les conditions prévues aux articles L. 613-6 à L. 613-11 du code monétaire et financier les conditions d'exploitation de la société mentionnée au premier alinéa et la qualité de sa situation financière.
Les statuts de la société mentionnée au premier alinéa sont agréés par arrêté du ministre chargé de l'économie. Un commissaire du Gouvernement assiste aux séances de l'organe d'administration de cette société avec un droit de veto sur toute décision de nature à affecter les intérêts de l'État au titre de cette garantie.
Les dirigeants de la société ne peuvent exercer leurs fonctions qu'après agrément du ministre chargé de l'économie.
Par dérogation au premier alinéa de l'article L. 228-39 du code de commerce, la société mentionnée au premier alinéa peut émettre des obligations dès la publication de la présente loi.
B. - Le ministre chargé de l'économie peut exceptionnellement décider, notamment en cas d'urgence, d'apporter la garantie de l'État, à titre onéreux, aux titres émis par les établissements de crédit, à condition que l'État bénéficie de sûretés conférant une garantie équivalente à celle dont bénéficie la société de refinancement.
C. - La garantie de l'État prévue aux A et B est accordée à des titres de créances émis avant le 31 décembre 2009 et d'une durée maximale de cinq ans.
III. - Afin de garantir la stabilité du système financier français, la garantie de l'État peut être accordée aux financements levés par une société dont l'État est l'unique actionnaire, ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers et qui constituent des fonds propres réglementaires.
La décision du ministre chargé de l'économie accordant la garantie de l'État précise, pour chaque financement garanti, notamment la durée et le plafond de la garantie accordée.
Les dirigeants de la société mentionnée au premier alinéa sont nommés par décret.
Cette société n'est pas soumise aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
IV. - Le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder à titre onéreux la garantie de l'État aux financements levés jusqu'au 31 octobre 2009 par les sociétés Dexia SA, Dexia Banque Internationale Luxembourg, Dexia Banque Belgique et Dexia Crédit Local de France auprès d'établissements de crédit et de déposants institutionnels, ainsi qu'aux obligations et titres de créance qu'elles émettent à destination d'investisseurs institutionnels, dès lors que ces financements, obligations ou titres ont été levés ou souscrits entre le 9 octobre 2008 et le 31 octobre 2009 inclus et arrivent à échéance avant le 31 octobre 2011. Cette garantie de l'État s'exercera, sous réserve de l'appel conjoint en garantie du Royaume de Belgique et du Grand-duché du Luxembourg, et dans la limite de 36,5 % des montants éligibles.
V. - La garantie de l'État mentionnée au présent article est accordée pour un montant maximal de 360 milliards d'euros.
VI. - Le Gouvernement adresse chaque trimestre au Parlement un rapport rendant compte de la mise en oeuvre du présent article.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Le RDSE est un groupe de libre expression et, n'étant pas intervenu dans la discussion générale, j'ai souhaité le faire sur cet article qui reprend l'essentiel du dispositif en prévoyant que 360 milliards sont apportés aux banques mais avec quelles garanties pour l'État, pour les contribuables ?
Le ministre se rappelle que, le 8 octobre, j'avais demandé qu'on recapitalise les banques pour constituer un pôle financier public, qu'on enraye la contraction du crédit, qu'on arrête un plan de relance sélectif et qu'on mène une action internationale. Or le plan élaboré par le Président de la République, s'il constitue une réaction rapide et forte qu'il faut saluer, ne répond qu'au deuxième de ces quatre objectifs -il est d'ailleurs surréaliste qu'en raison des critères de Maastricht, la participation de l'État reste minimale, le contrôle du Parlement demeurant flou.
Une recapitalisation est nécessaire. Regardez les États-Unis : l'administration américaine, qui a nationalisé des banques, sait bien que la crise est devant nous. Le CAC 40 chute de nouveau : ne le voyez-vous pas, et ne pourrions-nous pas, pour une fois, prendre une longueur d'avance sur les Américains ? Croyez-vous qu'il suffit de détenir 28 % de Dexia et comment a-t-on laissé la banque des collectivités locales devenir une société de droit belge ?
Le plan de sauvetage que vous avez préparé ne constitue pas un plan de relance ciblée. La moralisation du capitalisme dont parle Mme Lagarde relève d'un G8... M. Arthuis parle d'anticoagulants mais il doute que cette dose massive d'aspirine suffise à soigner le tissu des PME.
Comment faire confiance à ces banquiers dont Mme Lagarde flétrissait la cupidité ? Comment compter sur eux pour nous sortir de l'ornière dans laquelle ils nous ont enfoncés ? Nous ne connaissons pas les règles proposées par le Medef en matière de rémunération ; elles n'ont pas de valeur légale !
Difficile pour un parlementaire de faire un chèque en blanc de 360 milliards, de voter avec un revolver sur la tempe ! Vous demandez l'unité nationale, mais nous ne sommes pas en 1914, le territoire n'est pas menacé !
Je vous accorde qu'il n'est pas possible de dire non dans l'urgence où nous sommes, mais on ne peut pas non plus faire confiance les yeux fermés, même si chaque pays vole au secours de ses banquiers. J'émettrai donc une abstention constructive, (on s'en réjouit à droite) pour vous inciter à être plus ambitieux, moins dogmatiques, à ne pas hésiter devant une renationalisation du crédit, bref, à aller vers un nouveau New Deal. (Applaudissements sur quelques bancs à gauche)
M. Bernard Vera. - Ce plan de sauvetage serait-il déjà dépassé ? Lundi, suite à la réunion du G7, le CAC 40 s'envolait de plus de 11 points ; hier, il gagnait 2,75 points. Et voici qu'aujourd'hui, les propos du Premier ministre sur la détérioration de la situation économique et la perspective d'une crise plus grave que prévue aux États-Unis ont entraîné un nouveau plongeon des bourses mondiales, preuve que, ne vous en déplaise, la confiance n'est pas encore revenue.
Nous ne connaissons pas les besoins des banques en matière de recapitalisation. Une étude de Merrill Lynch estime l'insuffisance de fonds propres des banques européennes entre 132 et 292 milliards, le Crédit agricole, la Société générale et BNP-Paribas étant les plus exposées. Nous attendons des précisions !
M. Guy Fischer. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Rédiger comme suit la seconde phrase du deuxième alinéa du A du II de cet article :
Cette convention précise également les engagements des établissements en matière de gouvernance et de respects de règles et normes éthiques et financières applicables à l'ensemble des salariés ou des mandataires sociaux dans les sociétés, fonds, trust, fondations, fiducie détenues directement ou indirectement par l'établissement de crédit signataire.
M. François Marc. - Nous nous interrogeons sur la portée de la contrepartie exigée des banques. La notion d'« engagements sur des règles éthiques conformes à l'intérêt général » est particulièrement vague, et n'engage pas réellement les partenaires. Mme Lagarde dit vouloir redonner des boussoles éthiques et économiques aux banques, mais celles-ci seront-elles obligées de s'en servir ? Quid de l'application effective de ces règles ? Que compte faire le Gouvernement en la matière ? Comment le Parlement sera-t-il informé du contenu des conventions passées entre l'État et les banques ? Ces amendements d'appel visent à obtenir du Gouvernement davantage de précisions.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter le deuxième alinéa du A du II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les conventions sont transmises aux deux commissions des finances du Parlement dans un délai de quinze jours suivant leur conclusion.
M. François Marc. - Il est défendu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ces amendements d'appel sont bienvenus : il est important que le Gouvernement apporte des réponses précises à la représentation nationale sur le fonctionnement de ce système, et notamment sur les conditions mises à ce refinancement. J'ai interrogé Mme Lagarde sur le contenu des conventions entre l'État et les banques. Peut-on escompter des obligations précises en matière de rémunération, d'octroi de crédits aux diverses catégories d'agents économiques ? Comment seront-elles exprimées ? Selon quelle ventilation ? Prévoira-t-on un calendrier, un reporting à la société de refinancement, à la représentation nationale ? Les conventions d'éligibilité seront-elles susceptibles de couvrir l'ensemble des concours ? Mme Lagarde a confirmé qu'il serait débattu avec nous de l'élaboration de la convention-type. Quelle sanction enfin en cas de non respect par les banques de leurs obligations ? Le Parlement sera-t-il informé en temps réel ou a posteriori des décisions individuelles d'octroi de la garantie ? Des représentants du Parlement seront-ils appelés à siéger dans l'organe social, ou dans un organe collatéral de la société de refinancement ? Je souhaite que nos commissions des finances reçoivent en temps réel le dossier de l'organe d'administration, même si elles n'y sont pas représentées.
Les amendements à l'article 6 sont des amendements d'appel, qui ont vocation à être retirés quand le Gouvernement aura apporté les précisions nécessaires.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Les conventions comprendront des obligations d'ordre éthique et économique.
Concernant l'éthique, il y a au moins trois obligations : le plafonnement des indemnités de départ -les fameux parachutes dorés-, l'interdiction du cumul entre un mandat social et un contrat de travail et l'interdiction de distribution d'actions sans objectif de performance.
De même, un certain nombre d'obligations seront requises au niveau économique : chaque banque devra respecter des objectifs chiffrés afin de financer les prêts aux entreprises et aux ménages. A la demande du ministère de l'économie, des points d'étapes réguliers auront lieu sur les chiffrages et les objectifs. Enfin, si les objectifs ne sont pas atteints, des avenants pourront relever le coût des garanties offertes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Et si les conditions d'éthique ne sont pas respectées ?
Mme Nicole Bricq. - Eh oui !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Comme elles seront claires, on verra tout de suite si elles sont, ou non, respectées. Si tel n'est pas le cas, un certain nombre de conséquences pourront en découler, ce qui pourra aller jusqu'au remplacement de la direction.
J'en viens au comité de suivi qui regroupera des parlementaires. Dans les prochains jours, le ministère de l'économie et les deux commissions des finances se réuniront pour voir dans quelles conditions ce comité de suivi pourra fonctionner. Il aura accès aux informations dont disposera la Société de refinancement. Depuis le début de la crise, nous avons voulu une totale transparence et nous allons poursuivre dans cette voie : nous continuerons donc d'entretenir un dialogue permanent avec les deux commissions des finances afin que la représentation parlementaire soit parfaitement associée aux décisions et au suivi des mesures.
Enfin, la maquette de la convention vous sera transmise dès qu'elle sera disponible pour que vous puissiez nous faire part de vos remarques.
Sous le bénéfice de ces explications, je souhaite le retrait de ces deux amendements.
Mme Nicole Bricq. - J'avais indiqué en les présentant que ces amendements avaient une fonction d'appel. Sur les mentions éthiques, vous connaissez notre position : nous estimons qu'une loi est nécessaire. Ceci dit, M. le ministre ayant répondu aux questions que nous lui avions posées, nous retirons nos deux amendements.
Nous en avions déposé un autre instaurant un comité de suivi, mais comme M. le ministre vient de prendre l'engagement d'en créer un, nous le retirons aussi. Bien évidemment, il faudra qu'un membre de l'opposition siège dans ce comité, mais ce n'est pas M. le ministre qui peut trancher la question.
L'amendement n°9 est retiré, ainsi que les amendements n°s10 et 11.
M. le président. - Le président de la commission va sans doute vous rassurer.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Mme Lagarde a dit cet après-midi qu'elle viendrait devant la commission pour que nous débattions de la convention-type. Pour le reste, j'estime que les parlementaires n'ont pas leur place dans un conseil d'administration. En revanche, nous exercerons nos prérogatives de contrôle sans restriction aucune.
La mise en oeuvre de ce dispositif demandera de la subtilité car une banque qui se tournera vers la Caisse de refinancement risque d'être jugée par la place qui estimera qu'elle vient trouver des ressources qu'elle n'a pu trouver ailleurs. Il ne faut donc pas que les banques soient dissuadées de venir devant la Caisse. Nous devrons donc trouver un dispositif approprié pour qu'elles ne craignent pas de se voir pénalisées par le marché et par leurs partenaires. Pourquoi ne pas envisager que la communauté bancaire fasse un mouvement collectif ?
Bien évidemment, l'opposition sera représentée au sein du comité. L'autorité du Sénat tient à son pluralisme.
M. Daniel Raoul. - C'est nouveau, mais c'est bien !
M. le président. - Amendement n°1, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Après le deuxième alinéa du A du II de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
Dans les conditions fixées par décret et après consultation pour avis de l'Autorité des marchés financiers, les établissements ainsi que leurs dirigeants ayant passé une convention avec l'État s'engagent :
- A ouvrir le cas échéant leur capital à l'État sous forme d'action avec droit de vote ;
- A n'émettre des actions préférentielles avec dividende prioritaire qu'avec l'autorisation de l'État.
M. Jacques Muller. - Il convient de préciser les modalités de garantie de l'État au système bancaire et financier. Les deux dispositions que nous proposons permettront d'instaurer des garde-fous afin de garantir l'argent des contribuables qui ont leur mot à dire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous ne sommes plus ici dans le dispositif de refinancement mais nous abordons la question des prises de participation.
J'ai cru comprendre que les interventions de l'État pourraient se faire, selon les situations, en titres subsidiaires, en actions à dividendes privilégiés sans droit de vote ou en actions ordinaires. Si l'État se trouve détenir, comme actionnaire stratégique, une partie importante du capital de telles ou telles banques concurrentes entre elles, ou entrées dans un processus de recomposition, nous risquons de nous retrouver dans une situation confuse car il devra arbitrer entre deux positions, l'une patrimoniale puisque le dispositif lui permettra de se rembourser grâce aux plus-values réalisées sur les cessions d'actifs temporairement acquis, et l'autre d'actionnaire influent qui devra se prononcer sur des choix nationaux et internationaux de groupes bancaires. Nous entrerions alors dans une zone inconnue qui rappellerait à M. Chevènement la position de l'État dans les années 1980 et 1990.
Nous ne pouvons apporter de réponse claire et simple à ce type d'interrogation, mais j'espère que M. le ministre nous répondra sur les catégories de titres susceptibles d'être souscrits par l'État via la Société de participation.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - La Société de participation pourra agir de deux façons, en prise de capital, soit en souscrivant des actions en fonds propres, soit en quasi-fonds propres, avec des titres subordonnés qui n'ont pas les mêmes caractéristiques que les actions mais qui permettront une prise de participation. Avis défavorable.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Après le deuxième alinéa du A du II de cet article, insérer dix alinéas ainsi rédigés :
Dans les conditions fixées par décret et après consultation pour avis de l'Autorité des marchés financiers, les établissements ainsi que leurs dirigeants ayant passé une convention avec l'État s'engagent notamment à évaluer la performance de leur établissement et la rémunération de leurs dirigeants sur le fondement de critères sociaux tels que :
1° le nombre d'emplois créés,
2° la proportion de salariés en contrat à durée indéterminée,
3° la proportion de salariés de plus de 50 ans et de moins de 25 ans,
4° la proportion de salariés payés au moins 1,5 fois le Smic ;
et de critères environnementaux tels que :
1° les émissions de CO2 économisées,
2° la proportion de bâtiments répondant aux normes Haute qualité environnementale (HQE),
3° la proportion de déchets recyclés,
4° la consommation d'eau économisée, dans les concours qu'ils financent ou garantissent.
M. Jacques Muller. - Alors que des milliards sortent soudainement du chapeau d'un « État en quasi-faillite », pour reprendre les termes du Premier ministre, nous refusons que la défaillance de quelque-uns entraîne la défaillance de tous et de la planète. C'est pourquoi la responsabilité sociale et environnementale des bénéficiaires de cette aide devra être engagée afin de respecter l'accord de Kyoto et le Grenelle de l'environnement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je souhaite le retrait de cet amendement car l'urgence actuelle interdit d'imposer de telles conditions.
L'amendement n°2, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Après le deuxième alinéa du A du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans les conditions fixées par décret et après consultation pour avis de l'Autorité des marchés financiers, les établissements ainsi que leurs dirigeants ayant passé une convention avec l'État s'engagent notamment d'ici la fin du premier semestre 2009 à fermer leurs comptes, filiales et holdings situés dans l'un des trente-sept centres financiers extraterritoriaux recensées par le Fonds Monétaire International.
M. Jacques Muller. - « Il faudra bien évoquer les sujets qui fâchent, comme les paradis fiscaux » avait dit le Président de la République. Vous lui emboîtez le pas, monsieur le ministre, en annonçant la réflexion menée dans le cadre de l'OCDE. Ces paradis financiers, qui comptent souvent plus de holdings que d'habitants, sont mis à l'index par le FMI lui-même. Ils ne sont pas toujours exotiques : Irlande, Danemark, Royaume-Uni dans ses territoires de Gibraltar ou Jersey, État du Delaware aux États-Unis, ou encore Suisse et Luxembourg. Ce sont des repaires pour le blanchiment d'argent sale, la fraude fiscale, le détournement d'argent public par les dictateurs, sans oublier les fonds spéculatifs. Toutes les grandes banques, tous les grands groupes y sont implantés -je ne citerai que Schlumberger aux Antilles néerlandaises. Il faudrait encore parler d'Andorre, du Lichtenstein, etc.
La lutte ne saurait reposer exclusivement sur la bonne volonté des « démocraties financières ». Le Premier ministre veut combattre les paradis fiscaux : commençons avec cet amendement imposant aux établissements faisant appel à la garantie de l'État de fermer comptes, filiales et holdings situés dans de tels paradis. La position de la Haute assemblée sur cet amendement aura valeur de symbole.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Une mission parlementaire commune portant sur la régulation financière internationale sera bientôt constituée. Ne créez pas un handicap supplémentaire pour les établissements en difficulté. Votre préoccupation est justifiée mais je vous invite à retirer votre amendement et à participer aux travaux de la mission.
M. Éric Woerth, ministre. - Le Gouvernement est mobilisé sur cette question, mais le problème n'est pas simple à résoudre. La France cherche à donner une impulsion nouvelle à la réflexion au sein de l'OCDE ; je suis prêt à venir vous informer de l'état des travaux menés dans ce cadre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Jacques Muller. - Je ne peux imaginer qu'on engage l'argent des contribuables français sans cette condition minimale.
M. Guy Fischer. - Il a raison.
M. Jacques Muller. - Les Verts comptaient s'abstenir mais si vous refusez cet amendement, nous ne pourrons que rejeter en retour le projet de loi.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
M. Guy Fischer. - Entre les discours et les actes...
M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
I. - Après le deuxième alinéa du A du II de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Les financements accordés sur la base des conventions passées sont assorties de conditions portant sur le nombre d'emplois où le volume d'investissements productifs générés.
Le taux d'intérêt grevant ces prêts peut tendre vers zéro en fonction des projets portés par les entreprises débitrices.
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les éventuelles pertes de recettes pour l'État sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Marie-France Beaufils. - La loi doit donner les grandes lignes des conventions ; en particulier, le taux d'intérêt devrait tenir compte du contenu du projet des entreprises en matière d'emploi ou de recherche développement, jusqu'à tendre vers 0 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La question a été abordée par M. Novelli. Je ne crois pas qu'il faille aller aussi loin dans la contrainte administrative. L'amendement est satisfait. Retrait.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Même avis.
Mme Marie-France Beaufils. - Le rapporteur général me reproche d'être trop précise.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Dans le libellé de votre amendement !
Mme Marie-France Beaufils. - Votre réponse me conforte dans mon opinion.
L'amendement n°21 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Après le dix-huitième alinéa du A du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
L'organe d'administration comprend un représentant de chacun des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que des représentants de syndicats représentatifs du secteur et d'organisations représentatives de consommateurs et usagers de banques et d'établissements financiers.
M. Jacques Muller. - Il faut une surveillance et un contrôle et cela passe par la présence de parlementaires, de syndicalistes, d'associations d'usagers et de consommateurs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis défavorable. Cet organisme technique statuera dans l'urgence : gardons-nous de mettre en place un petit parlement. Retrait ou rejet.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Défavorable. J'ajoute qu'un comité de suivi va se mettre en place.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Après la première phrase de l'antépénultième alinéa du A du II de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Les organes dirigeants de la société comportent une représentation majoritaire de l'État, des parlementaires des deux assemblées, des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés, des usagers du secteur bancaire.
M. Bernard Vera. - On ne saurait fixer le statut de la société par voie réglementaire, dans l'opacité des critères de gestion. Le capital sera détenu majoritairement par les banques débitrices et les membres du conseil d'administration seront donc choisis en leur sein. Il conviendrait tout de même d'assurer à l'État et aux collectivités publiques le moyen de contrôler effectivement les décisions des établissements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Même avis que sur l'amendement précédent : retrait ou rejet.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°23 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Compléter l'avant-dernier alinéa du A du II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ils ne peuvent percevoir d'éléments de rémunération liés à l'intéressement aux résultats de l'entreprise.
Mme Annie David. - Cet amendement porte sur le statut des dirigeants de la société de refinancement créée à l'article 6. Il importe, selon nous, que la rémunération de ces dirigeants reste dans les limites du raisonnable, et qu'elle ne fasse pas l'objet de dispositions scandaleuses au regard du droit commun. La banque en question présente un caractère particulier, compte-tenu de son rôle d'intermédiation et du fait que l'État pourrait avoir à faire jouer sa garantie. Certes, cet établissement ne devra pas connaître de difficultés de financement, et devra donc avoir une certaine rentabilité. Mais la loi doit exclure toute forme de rémunération des dirigeants fondée sur l'intéressement aux résultats. C'est une mission de salut public qui est confiée l'entreprise : nous ne voulons pas de golden hello, pas de parachute doré, pas de stock-options pour ceux qui vont la gérer.
M. Guy Fischer. - C'est bien vu !
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Compléter le troisième alinéa du III de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ils ne peuvent disposer d'éléments de rémunération fondés sur l'intéressement aux résultats de l'entreprise.
Mme Annie David. - Cet amendement a le même objet que le précédent, pour la société de recapitalisation prévue par le III.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je comprends l'inspiration de ces amendements. Mais il me semble que les sociétés en question devront viser l'équilibre de gestion, et ne sont pas destinées à dégager de bénéfices comptables annuels. Il n'y aura donc pas matière à intéressement : le cas de figure que vous évoquez est purement théorique.
Mme Annie David. - Certes, mais mieux vaut prévoir ce cas dans la loi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si M. le ministre confirme mon hypothèse sur la gestion de ces sociétés, je demande le retrait ou le rejet de l'amendement.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Je confirme les vues du rapporteur général : la société de refinancement ne dégagera pas de bénéfices nets. Il n'y aura donc pas matière à intéressement. Quant à la société de recapitalisation, ses effectifs seront très réduits : la question ne se pose donc pas.
Mme Annie David. - Il est bon de dire les choses, mais il est encore mieux de les écrire. La loi doit prévoir que, le cas échéant, les bénéfices de ces sociétés ne serviront pas à financer des revenus exceptionnels pour leurs dirigeants, mais seront réinvestis : c'est la moindre des choses. Je maintiens l'amendement.
L'amendement n°22 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°25.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le B du II de cet article, remplacer les mots :
notamment en cas d'urgence
par les mots :
en cas d'incapacité pour la société de refinancement de remplir ses missions
Mme Nicole Bricq. - Il s'agit de préciser le B du II de cet article, consacré à « l'urgence de l'urgence » : Dans les cas d'extrême nécessité, le ministre de l'économie et des finances interviendrait directement, à la place des deux sociétés dont nous avons parlé. L'expression « notamment en cas d'urgence » nous paraît trop vague : nous proposons de la remplacer par les mots : « en cas d'incapacité pour la société de refinancement de remplir ses missions ». Cette rédaction serait plus claire, et conforme à l'esprit des propos du rapporteur général lorsqu'il évoquait le sauvetage de Dexia.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je m'associe à l'interrogation de Mme Bricq, et je demande au Gouvernement de s'expliquer le plus clairement possible sur cette notion d'urgence.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - La rédaction actuelle recouvre le cas prévu par votre amendement. L'État proposera directement sa garantie, si la société créée n'est pas en mesure de le faire. Retrait ou rejet.
Mme Nicole Bricq. - C'est une simple précision rédactionnelle que nous proposons ! Il ne coûte rien de mieux écrire la loi ! Vous savez bien que l'adverbe « notamment » n'a aucune valeur juridique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Comme nous l'a annoncé M. Arthuis, Mme Lagarde sera auditionnée par la commission des finances : elle pourra à cette occasion nous apporter un éclairage sur la convention-type, et nous pourrons la questionner sur la signification de la clause d'urgence. Je comprends parfaitement que tout ne puisse être écrit par avance : les circonstances d'un sauvetage peuvent être imprévisibles. Mais notre discussion avec Mme Lagarde sera utile, et je suis sûr que Mme Bricq sera présente.
Mme Nicole Bricq. - Assurément !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis défavorable.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Supprimer le dernier alinéa du III de cet article.
M. Bernard Vera. - Cet amendement vise à exclure clairement du secteur privé la société de recapitalisation créée à l'article 6. En disposant que cette société n'est pas soumise aux dispositions de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le dernier alinéa du III lui confère un statut hybride, qui n'est pas propre à garantir une gestion conforme à l'intérêt général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La société en question, étant donné le très faible nombre de ses salariés, sera située hors du champ d'application de la loi de 1983. Retrait ou rejet.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Je confirme que les effectifs de cette société seront très réduits. Retrait ou rejet.
L'amendement n°24 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Compléter le IV de cet article par une phrase ainsi rédigée :
En conséquence, la société Dexia Crédit local de France doit s'engager à consentir prioritairement des prêts à taux préférentiels aux collectivités territoriales françaises.
Mme Marie-France Beaufils. - Le Crédit local de France, privatisé à l'initiative de M. Balladur, est devenu une banque de droit commun, Dexia, suite à sa fusion avec l'ancien Crédit communal de Belgique. On sait que cet établissement, spécialisé dans le crédit aux collectivités locales, a été l'un des plus attaqués depuis le début de la crise financière. Ce soir, à la clôture de la bourse de Paris, l'action Dexia était cotée à 5,05 euros, en baisse de 4,7 %. Sur un an, la valorisation boursière de Dexia a chuté de 20,6 milliards d'euros, soit plus des trois quarts de la capitalisation antérieure. C'est là l'illustration des conséquences désastreuses des privatisations dans un secteur, la finance, où la foi publique s'efface devant les instruments financiers, les trafics de marché et la spéculation. Le plan de redressement de Dexia, mené conjointement par la France et la Belgique, était nécessaire ; il a conduit à une renationalisation de fait. Mais il faut dans le même temps s'assurer de l'efficacité sociale et économique de l'entreprise. La dette que les collectivités locales ont souscrite auprès de Dexia, et qui contribue largement à la constitution de ses fonds propres et de sa capitalisation boursière, doit être réaménagée. Il ne faudrait pas que les débiteurs de Dexia, c'est-à-dire pour l'essentiel les collectivités locales, fassent les frais de l'opération.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous évoquez des crédits à taux préférentiel. Mais qui paiera la différence entre le coût de la ressource et les intérêts versés au titre des crédits consentis ? Dans l'esprit des auteurs de l'amendement, ce serait sans doute l'État. Dans cette hypothèse, l'amendement n'est pas financièrement recevable.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'invoque l'article 40.
Mme Annie David. - Il ne s'applique pas !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Dexia n'est pas encore une société publique : l'article 40 ne s'applique donc pas.
Mme Dominique Voynet. - Étant donné l'urgence et la gravité de la situation de l'établissement, je ne vais pas contester le plan de sauvetage de Dexia. Cependant, j'attire votre attention sur les difficultés d'accès des collectivités locales au crédit : elles s'inquiètent pour leurs investissements ! Monsieur le ministre, je vous pose la question que se posent tous les membres de cette assemblée, comme M. Fourcade la semaine dernière : comment comptez-vous faciliter l'accès au crédit des collectivités locales ?
M. Éric Woerth, ministre. - Les collectivités locales ont moins un problème d'accès au crédit que des difficultés, parfois, avec certains de leurs établissements prêteurs, un problème de signature d'emprunt. Ce texte apporte la garantie de l'État à Dexia, ce qui confortera l'accès au crédit des collectivités locales.
Mme Marie-France Beaufils. - Vous dites que les collectivités locales accèdent au crédit, mais nous connaissons bien des communes qui ont des problèmes de financement !
A la demande du groupe CRC, l'amendement n°19 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 139 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Lorsque l'État ou une personne morale de droit public accède à la propriété de parts sociales du capital d'un établissement bancaire ou financier, lesdites parts sont incessibles durant au moins dix-huit mois.
... - Lorsque l'État ou une personne morale de droit public accède à la propriété de parts sociales du capital d'un établissement bancaire ou financier à hauteur de 5 %, il exige au moins un siège d'administrateur au sein de son conseil d'administration ou de surveillance. A hauteur de 10 % un deuxième est réservé aux représentants de syndicats représentatifs de la société.
M. Jacques Muller. - Nous souhaitons que l'État dispose effectivement d'une capacité de régulation et de contrôle.
M. le président. - Amendement identique n°20, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC.
Mme Marie-France Beaufils. - Nous voulons stabiliser les participations publiques dans les établissements bancaires et financiers, afin notamment de les mettre à l'abri des OPA.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ces amendements sont contraires à l'esprit de ce texte et à l'intérêt des contribuables. Le Sénat a déjà repoussé des amendements qui allaient dans ce sens : avis défavorable.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°20.
Mme Dominique Voynet. - M. Marini a présenté les amendements à l'article 6 comme étant d'appel, reconnaissant en filigrane qu'il fallait prodiguer de bonnes paroles, rassurer. Nous avons entendu des propos rassurants, mais rien de concret, et cet article ne comporte aucune garantie pour les contribuables ! Vous nous dites que c'est trop complexe, qu'il y a urgence et vous repoussez toute exigence éthique sur l'emploi ou, encore, pour l'environnement ! L'amendement n°3 était un bon signal ; imaginer que nous pourrions soutenir des banques qui ont des comportements douteux dans les paradis fiscaux est insupportable ! La décision prise par le Sénat sur cet amendement nous conduit à remettre en cause notre vote sur cet article et sur le texte.
L'article 6 est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°8, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cadre d'opérations de changement de contrôle de société au profit de fonds d'investissement, communément appelées Leveraged buy-out ou LBO, l'opérateur, ou holding de reprise, ne peut présenter un niveau d'endettement qui dépasse 50 % de son investissement.
M. Jacques Muller. - Nous souhaitons encadrer l'activité des fonds d'investissements qui rachètent, grâce aux LBO, des entreprises bon marché à seule fin de les revendre au plus vite, avec une marge confortable, au prix de licenciements nombreux, de sous-investissements et de liquidation d'actifs. L'association française des investisseurs en capital évalue la rentabilité de ces fonds à 21,3 % l'an passé ; en dix ans, leur capitalisation a décuplé, pour s'établir à 3,8 milliards. M. Bébéar, ancien président d'Axa, reconnaissait l'an passé que ce phénomène était malsain pour l'économie, nous proposons une mesure propre à « moraliser le capitalisme financier », comme aime à le dire le Président de la République !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cette question mérite un débat, parmi d'autres phénomènes de la vie financière, mais certainement pas dans ce texte : ce serait un cavalier, avis défavorable.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Guy Fischer. - Cet amendement mérite toute notre attention : les LBO ne manqueront pas d'être à la source de scandales, comme l'ont été les subprimes !
Il y a ainsi toute une série de domaines dans lesquels la réflexion du Gouvernement doit être prolongée.
M. Jean Arthuis. président de la commission des finances. C'est un vrai sujet sur lequel nous reviendrons : lors de l'examen de la prochaine loi de finances, je déposerai un amendement pour clarifier une circulaire ministérielle du 28 mars 2002 sur le régime d'imposition des opérateurs de LBO.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
Explications de vote
M. Nicolas Alfonsi. - Je serai bref, comme a été bref le délai mis par le Président de la République pour agir.
Nous nous réjouissons de ce retour de l'État, de ce retour de l'Europe. Cocteau disait que si la maison brûlait, il emporterait le feu. Nous, nous pensons à l'éteindre. Entre ne rien faire et faire quelque chose, nous préférons faire en sorte que les banquiers ne soient pas les seuls à profiter de ces dispositions ; elles doivent bénéficier au pays !
Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jacques Muller. - La gravité de la crise financière nous a conduits à accueillir avec attention et raison ce projet de loi. Nous étions donc prêts à nous abstenir. Que vous repoussiez nos amendements comme trop complexes, pourquoi pas. Mais la manière dont vous avez refusé notre amendement minimal est emblématique d'une attitude de refus qui nous contraint à voter contre. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Dominique Voynet. - La situation est exceptionnelle. L'Europe, l'Amérique, l'Asie sont confrontées à la nécessité de mettre en oeuvre des mesures urgentes. Je ne vous ferai pas l'injure de penser que le Gouvernement n'a dans l'esprit que d'en revenir au plus vite au business as usual mais nous ne voyons pas le plan économique qui devrait accompagner ce plan financier. Les banquiers vont donc se sentir encouragés à se montrer de plus en plus gourmands. La crise pourrait donc évoluer en une crise économique qui, à son tour, alimenterait une crise financière. Vouloir traiter l'une sans se préoccuper de l'autre risque donc fort d'être contre-productif.
Ce plan sans contrepartie est donc immoral, (M. Philippe Marini, rapporteur général, s'exclame) d'autant qu'il ne prévoit aucune sanction contre les responsables.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est faux !
Mme Dominique Voynet. - Quelle raison avons-nous de croire qu'ils ne recommenceront pas demain ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quel sens des responsabilités !
Mme Dominique Voynet. - En outre, on ne peut pas dire que les solutions proposées soient européennes. Alors qu'un semblant de position commune s'élaborait, c'est à qui renflouera le plus ses propres banques.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous voudriez que l'on aille renflouer les banques des autres ?
Mme Dominique Voynet. - Ce plan est déséquilibré et injuste : tandis qu'on mobilise 360 milliards pour les banques, on pioche dans le 1 % logement, on vote une loi Boutin non financée, on réforme la DSU, on renonce au bonus malus écologique...
Si le Gouvernement veut vraiment l'union nationale, qu'il revienne sur le bouclier fiscal et qu'il oriente les investissements vers une relance de la machine économique propre à satisfaire les besoins des familles, dans les transports, la santé, l'éducation ! (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Muller applaudit également)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelle démagogie !
M. Bernard Vera. - Il était normal que nous déposions des amendements relatifs à la fiscalité : il faut bien trouver des recettes fiscales si l'on veut diminuer les déficits publics. On nous a objecté que nos amendements coûtaient cher, que nous voulions faire des cadeaux aux riches. Que sont les 400 millions de perte fiscale due au relèvement du plafond du livret A, à côté des 770 millions d'allègement de l'ISF pour des investissements dans les PME, dont on ne sait d'ailleurs pas ce qu'ils rapportent ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un milliard.
M. Bernard Vera. - Le bouclier fiscal représente 250 millions, au bénéfice de quelques milliers de personnes alors que notre amendement sur le livret A coûterait 280 millions pour 46 millions de personnes et bénéficierait au logement social. Il est clair, en revanche, que la banque des banques créée à l'article 6 offrira de nombreux avantages aux financiers, qui pourront réaliser leurs stock-options.
Voilà pourquoi nous rejetons ce projet de loi qui ne donne pas de vrais moyens d'agir contre la crise financière et économique et dont le titre est manifestement usurpé. ((Applaudissements sur les bancs CRC et sur certains bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Fourcade. - L'objet de ce texte est de donner un signal aux marchés et à nos partenaires européens. Le Président de la République a voulu une coordination très forte et une grande rapidité. On voit ce soir, avec l'unanimité obtenue à Bruxelles, que ce signal a été reçu.
Satisfait que les ministres aient répondu à ses interrogations, le groupe UMP sera unanime à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Conformément à l'article 59 du Règlement, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 229 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 115 |
Pour l'adoption | 200 |
Contre | 29 |
Le Sénat a définitivement adopté. (Applaudissements à droite)
La séance est suspendue à 21 h 5.
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
La séance reprend à 23 h 5.
Désignation des membres de la mission commune sur l'organisation des collectivités territoriales
M. le président. - L'ordre du jour appelle la désignation des trente-six membres de la mission commune d'analyse et de réflexion sur l'organisation des collectivités territoriales et l'évolution de la décentralisation.
Les candidatures remises par les groupes ont été affichées.
La Présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, sont désignés comme membres de cette mission commune : Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Claude Bérit-Débat, Dominique Braye, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Cazeau, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Philippe Dallier, Yves Détraigne, Éric Doligé, Mmes Josette Durrieu, Anne-Marie Escoffier, M. Jean-Paul Fournier, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Serge Lagauche, Alain Lambert, Marc Laménie, Philippe Leroy, Claude Lise, Hervé Maurey, Jacques Mézard, François Patriat, Jean-Claude Peyronnet, Louis Pinton, Bernard Piras, Rémy Pointereau, Hugues Portelli, Bruno Retailleau, Philippe Richert, Jean-Pierre Vial et Jean-François Voguet.