Droit d'accueil pour les élèves des écoles (Urgence)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire.
Discussion générale
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. - (Applaudissements sur les bancs de la commission et du groupe UMP) La France aime passionnément son école. Elle a le plus grand respect pour ceux qui chaque jour, dans les classes, sont les artisans opiniâtres de la liberté des individus et du progrès social. Elle observe, attentive, la façon dont notre système éducatif parvient à relever les nouveaux défis que lui pose la société et veille à ce qu'il continue de porter l'espoir des Condorcet, des Guizot, des Ferry, de tous ceux qui ont pensé un jour que la première des libertés était celle de savoir. C'est la raison pour laquelle la France place l'intérêt de l'enfant, la liberté de sa famille et les droits de ses professeurs au-dessus des contingences que peuvent entraîner les discussions, les polémiques, voire les conflits liés aux évolutions de l'institution scolaire. L'école est avant tout un lieu où l'on apprend à respecter toutes les libertés, et à concilier les intérêts des uns et des autres.
Il était donc fort illogique que cet enseignement fondamental transmis par l'école fût démenti à chaque mouvement de grève important des personnels enseignants, leur légitime liberté de cesser leur travail entrant alors en conflit avec la liberté des familles de poursuivre leur propre activité professionnelle. Car c'est aux familles que revient le soin de trouver, souvent dans l'urgence, une solution de garde pour leurs enfants lorsque l'école n'est plus en mesure de les accueillir ; bien souvent ils sont contraints d'interrompre leur activité professionnelle, parfois sans solde, et cela peut avoir des conséquences durables sur les relations qu'elles entretiennent avec leurs employeurs. Cette situation est d'autant moins acceptable qu'elle pénalise particulièrement les foyers les plus modestes et les familles monoparentales. (M. Jean-Claude Carle marque son approbation) Elle révèle l'inégalité des Français face aux mouvements de grève, selon la fréquence des conflits dans l'école où leurs enfants sont scolarisés, selon leur capacité de financer un autre mode de garde, et selon l'aide familiale dont elles disposent.
L'accueil des enfants durant le temps scolaire habituel, condition de la stabilité professionnelle des parents, n'est pas un simple service offert aux familles, qui pourrait varier en fonction des circonstances. C'est un droit qui doit pouvoir s'exercer de façon permanente et immédiate. Le Président de la République a donc souhaité qu'un projet de loi définisse la nature et les modalités d'application de ce droit.
Ce projet de loi pose le principe de ce droit. Il garantit à tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique le droit d'y être accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour recevoir les enseignements prévus par les programmes. En temps ordinaire, ce droit à l'accueil relève de la responsabilité de l'État, qui doit veiller à ce que les enseignants absents soient rapidement remplacés en dehors des cas où leur absence s'inscrit dans le cadre d'un préavis de grève.
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Très bien !
M. Xavier Darcos, ministre. - A cette fin, j'ai décidé de moderniser en profondeur l'ensemble de la politique de remplacement conduite par le ministère de l'éducation nationale et de créer une Agence nationale du remplacement. Elle devra faire en sorte que les moyens de remplacement soient toujours utilisés au mieux, afin de limiter autant que possible les conséquences de l'absence d'un enseignant sur la scolarité des écoliers.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. - Très bien ! C'est essentiel !
M. Xavier Darcos, ministre. - En cas de grève, les enseignements suspendus ne sauraient être remplacés, sauf à prendre des mesures qui seraient contraires au droit de grève des salariés.
M. Yannick Bodin. - Ah !
M. Xavier Darcos, ministre. - Les élèves pourront cependant continuer à être accueillis durant le temps scolaire ; leurs parents pourront ainsi poursuivre normalement leur activité professionnelle. L'État pourra continuer à organiser l'accueil des élèves en les répartissant dans les classes existantes jusqu'à un certain seuil -dont vous souhaitez revoir la définition. En cas de mouvement de grève important, la mise en place d'un véritable dispositif d'accueil s'impose. Le projet de loi en confie la mise en oeuvre aux communes, avec la participation financière de l'État. Je tiens à préciser d'emblée que, contrairement à ce que j'ai lu ou entendu, ce projet de loi ne porte pas atteinte à la libre administration des communes. (Marques d'ironie à gauche)
En effet, la création d'une nouvelle compétence pour les communes, accompagnée de moyens financiers pour l'assurer, est parfaitement conforme aux dispositions des articles 72 et 72-2 de la Constitution.
Je ne souhaite imposer aux collectivités ni contraintes superflues, ni normes nouvelles. Au contraire, je souhaite que ces dernières puissent disposer de la plus grande souplesse pour organiser ce service : je sais que le groupe UC-UDF, et notamment M. Détraigne, sont particulièrement sensibles à cette question. Souplesse d'abord, dans le choix du lieu d'accueil des élèves : ce peut être l'école, si elle est fermée ou partiellement ouverte ; tel est le sens de l'article 7 de ce texte, car ce serait bien le comble que la commune, propriétaire des locaux scolaires, ne puisse utiliser ceux-ci pour assurer le service d'accueil. Mais ce peut être aussi un centre de loisirs. Souplesse ensuite, dans la manière dont plusieurs communes pourront s'entendre pour organiser le service : le projet de loi permet aux communes de conclure des conventions pour confier à l'une d'entre elles l'organisation du service. C'est une solution adaptée en milieu rural au sein des regroupements pédagogiques intercommunaux, qui ne sont pas toujours adossés à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). (On le confirme au banc des commissions) Ainsi, trois ou quatre communes membres d'un regroupement pédagogique intercommunal diffus pourront confier à l'une d'entre elles l'organisation du service. Souplesse enfin dans le choix des intervenants mobilisés pour accueillir les élèves : assistantes maternelles ou autres fonctionnaires municipaux, associations gestionnaires de centres de loisirs, associations familiales, mères de familles, enseignants retraités ou étudiants. Je rappelle que le code de l'action sociale et sanitaire n'exige aucune qualification spécifique, et n'impose pas de normes d'encadrement tant que l'accueil ne dépasse pas quatorze jours. C'était l'une des demandes de l'AMF en 2006 lorsque la règlementation sur l'encadrement des mineurs a vu le jour.
La bonne organisation de ce service d'accueil suppose d'une part que l'État et les représentants du personnel aient pris toutes leurs responsabilités pour prévenir le déclenchement de la grève, d'autre part que l'État puisse faire savoir aux communes, dans un délai raisonnable, combien d'enseignants ont déclaré vouloir se mettre en grève. C'est pourquoi le projet de loi propose d'instaurer un dispositif d'alerte sociale, novateur dans la fonction publique : l'État et les organisations syndicales représentatives auront l'obligation de négocier pendant une période ne pouvant excéder huit jours. Il s'agit d'anticiper le dépôt d'un préavis de grève et de permettre un vrai dialogue social ; la procédure mise en place, qui sera précisée dans le décret joint, garantira la transparence et la parfaite information des personnels. Pour que ce dialogue social soit un véritable instrument de prévention des conflits, il faut que l'échange soit conduit au bon niveau, c'est-à-dire au niveau des autorités déconcentrées lorsque le sujet concerne l'échelon local, et au niveau des autorités nationales lorsque la question est d'ampleur nationale.
Le projet de loi fait obligation aux personnes ayant l'intention de participer à une grève d'en informer leur autorité administrative au plus tard quarante-huit heures avant la date de déclenchement prévue par le préavis. Il ne s'agit pas d'une mesure contre les syndicats ou contre le droit de grève : ce délai est nécessaire à la mise en place de l'accueil par les communes ; certains pensaient d'ailleurs qu'il était trop court. La procédure de déclaration à l'autorité administrative est tout aussi nécessaire. Les grévistes ne peuvent se contenter de prévenir les familles, car l'accueil serait alors difficile à organiser. Le projet de loi précise les garanties qui assureront la confidentialité des informations recueillies sur les personnes.
Enfin, ce texte précise les financements dont bénéficieront les communes pour l'exercice de ces nouvelles compétences.
Protéger la liberté de travailler sans rien retirer au droit de grève : tel est l'objet et l'esprit de ce texte qui marque une étape nouvelle dans les relations entre l'école, la famille et les enseignants. Afin de le mettre au point, j'ai engagé depuis plusieurs semaines un travail de fond avec les élus de toutes sensibilités. J'ai rencontré à plusieurs reprises des sénateurs, des députés, des maires et des associations d'élus comme l'Association des maires de France, l'Association des maires des grandes villes de France, l'Association nationale des élus de montagne ou encore l'Association des maires d'Ile-de-France. Je veux souligner publiquement la qualité de ces discussions, en particulier de celles qui ont eu lieu dans le cadre de la commission des affaires culturelles du Sénat. Je tiens à remercier l'ensemble des sénateurs qui y ont contribué, à commencer par M. Philippe Richert, rapporteur au fond pour ce texte, et M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. (MM. Philippe Richert et Jacques Valade marquent leur gratitude pour ces remerciements) Ce travail de concertation a permis de clarifier un certain nombre de points. Il a permis de dissiper des malentendus, de répondre aux interrogations des collectivités locales, et d'obtenir certaines avancées concrètes.
J'ai été attentif aux observations et aux propositions exprimées lors du travail préliminaire et lors de ma rencontre avec la commission des affaires culturelles. Je souhaite vous apporter d'ores et déjà un éclairage sur cinq sujets.
Le premier concerne le délai de quarante-huit heures que les enseignants doivent respecter pour déclarer leur intention de participer à une grève. Certains se sont demandés ce qu'il adviendrait si ces quarante-huit heures correspondaient à un week-end.
M. Jean-Claude Carle. - Eh oui !
M. Xavier Darcos, ministre. - Dans l'éducation nationale, les grèves importantes se déroulent généralement le mardi ou le jeudi, presque jamais le lundi ou le vendredi. Mais pour rassurer les maires, je soutiendrai l'amendement à l'article 5 présenté par M. Carle, qui précise que le délai de quarante-huit heures doit comprendre au moins un jour ouvré. (Au banc des commissions, on félicite l'auteur de l'initiative)
M. Jean-Claude Carle. - Merci !
M. Yannick Bodin. - Bravo !
M. Xavier Darcos, ministre. - Le deuxième sujet concerne les modalités de déclaration des grévistes auprès de l'autorité administrative. La commission des affaires culturelles a présenté un amendement à l'article 5 pour permettre à l'État de s'entendre avec une organisation syndicale sur les modalités selon lesquelles les enseignants qui veulent faire grève en informent l'autorité administrative. Je soutiens très fermement cet amendement qui rencontre d'ailleurs l'assentiment de l'une des grandes centrales syndicales et qui permettra de diffuser la culture de la négociation au sein de la fonction publique.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. - Merci.
M. Xavier Darcos, ministre. - Cet amendement souligne l'intérêt de la coexistence, dans ce texte, de l'organisation du service d'accueil et d'un mécanisme de négociation préalable.
Le troisième sujet touche à la responsabilité des maires. Je soutiendrai l'amendement de la commission qui substitue la responsabilité administrative de l'État à celle de la commune pour les dommages causés aux enfants et liés à l'organisation ou au fonctionnement du service d'accueil. J'en avais très tôt annoncé le principe, et il répond très clairement aux inquiétudes des élus et des collectivités locales.
Le quatrième sujet concerne le financement du dispositif, qui sera calculé en fonction du nombre d'élèves accueillis. Le montant sera précisé dans un texte réglementaire dont la promulgation conditionne l'entrée en vigueur de ce projet de loi. Lors de l'expérimentation organisée en janvier et mai, les communes ont reçu un financement s'élevant à 90 euros par groupe d'un à quinze élèves, pour deux fois trois heures d'accueil. Cela correspond au montant moyen de la rémunération journalière d'un enseignant du premier degré. Dans le cadre du travail conduit avec l'Association nationale des élus de montagne (Anem), nous avons voulu que le dispositif soit encore plus juste financièrement, notamment pour les petites communes rurales. Pour garantir sa recevabilité, j'ai repris au nom du Gouvernement l'amendement déposé par le sénateur Carle, qui prévoit que l'État verse à toute commune ayant mis en place le service d'accueil une contribution minimale de 200 euros, quel que soit le nombre d'enfants accueillis.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. - Quel succès !
M. Yannick Bodin. - Vive la grève !
M. Xavier Darcos, ministre. - Dans le même esprit de justice et d'équité, j'ai repris la proposition tendant à indexer le financement apporté par l'État aux collectivités.
Le cinquième sujet concerne la qualification des personnes chargées de l'accueil. J'adhère sans réserve à la proposition de la commission tendant à ce que la commune établisse, en lien avec l'inspecteur de circonscription, la liste des personnes susceptibles d'intervenir. Ainsi, l'État pourra vérifier qu'un intervenant pressenti ne figure pas dans le fichier national des infractions sexuelles.
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est la moindre des choses !
M. Xavier Darcos, ministre. - Ce projet de loi a fait l'objet d'une concertation avec des élus de toutes les sensibilités politiques. Vos propositions et les échanges que nous allons avoir en renforceront la portée. Je suis convaincu que nous parviendrons à nous entendre sur un texte équilibré qui répondra aux attentes des familles comme aux interrogations des élus et des collectivités locales. A ceux qui voudraient n'y voir qu'une provocation à l'égard des syndicats d'enseignants, à ceux qui voudraient minimiser les difficultés que rencontrent les familles les plus modestes pour faire garder leurs enfants les jours de grève, à ceux qui voudraient exagérer les contraintes que représentera pour les communes cette mission nouvelle, je réponds qu'il y a un temps pour la polémique et un temps pour la politique. (On s'offusque à gauche) Le temps de la polémique est derrière nous : il ne s'agit plus de savoir si le fait de vouloir aider les familles est une concession faite à la droite, une trahison faite à la gauche ou un hommage rendu au centre, mais de chercher comment moderniser notre dialogue social dans l'intérêt de l'État, de ses salariés et des usagers des services publics. Cette ambition politique, c'est une ambition moderne qui repose désormais sur vous. (Applaudissements à droite. Mme Muguette Dini applaudit aussi)
M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. - Dans les mémoires de chacun de nous sont gravés les trois attributs de l'école républicaine, gratuite, laïque et obligatoire. Nous ne parvenons plus à imaginer ce que pouvait être la vie des enfants et des familles de notre pays avant que la loi du 28 mars 1882 n'impose à chaque jeune de rejoindre les bancs de l'école communale. Jusqu'aux grandes lois de Jules Ferry, les enfants vivaient et grandissaient au sein de leurs familles. Notre société a bien changé et rares sont à présent les parents qui ne travaillent pas à l'extérieur du domicile familial. Ce changement a été rendu possible par la scolarisation obligatoire et l'allongement continu de sa durée. Le problème de la garde des enfants ne se pose plus qu'aux premiers mois de leur existence.
L'école publique n'est donc pas seulement un lieu d'enseignement, mais aussi un lieu d'accueil. Chaque grève ou absence non remplacée d'un professeur le prouve, et nombreuses sont alors les familles qui connaissent des difficultés pour faire garder leurs enfants. Certaines peuvent s'appuyer sur les solidarités familiales ou de voisinage, d'autres devront prendre un jour de congé ou de RTT. Or des absences répétées, même liées à des obligations familiales indiscutables, peuvent indisposer les employeurs et éroder la confiance qu'ils placent dans leurs salariés. Cela explique pourquoi les familles sont si nettement favorables à la création d'un service d'accueil dans les écoles primaires publiques -elles le soutiennent à 78 % selon un sondage PEEP-BVA.
Mme Jacqueline Gourault. - C'est le contraire qui serait étonnant !
M. Philippe Richert, rapporteur. - Avant que ce projet de loi ne soit déposé, de nombreuses communes avaient décidé d'offrir un service d'accueil et près de trois mille d'entre elles ont participé à l'expérimentation proposée par le ministère de l'éducation nationale. Ce texte prend donc la suite d'initiatives locales et gouvernementales qui ont cherché, par-delà toute considération idéologique, à apporter une réponse concrète à un besoin indiscutable des familles. Votre commission l'a examiné dans le même esprit de pragmatisme.
En cas de grève ou d'absence non remplacée des professeurs, les écoliers bénéficieront d'un accueil qui se distinguera d'un service minimum, puisque celui-ci supposerait que des enseignements soient délivrés. Par principe, l'accueil doit être assuré par l'État sauf lorsque l'ampleur de la grève est telle que les services de l'éducation nationale ne sont plus en mesure de l'organiser. Il revient alors à la commune, ou à la structure intercommunale, de le prendre en charge. Je n'ignore pas les réticences que cette compétence nouvelle fait naître chez certains maires. Toutefois, l'État ne se défausse pas sur les communes de l'une de ses compétences, il tire simplement les conséquences de l'impossibilité d'assurer ce service quand un nombre substantiel de professeurs est en grève. Les communes, qui ont, depuis le XIXe siècle, accompagné le développement de l'école primaire républicaine, sont les seules à pouvoir assurer l'accueil dans des conditions satisfaisantes.
Il serait impossible d'organiser ce service sans connaître en amont le nombre des professeurs absents et des élèves qui devront être accueillis. En prévoyant que les enseignants du primaire déclarent leur intention de participer au mouvement quarante-huit heures à l'avance, le projet de loi ne porte pas une atteinte excessive au droit de grève. Il organise la conciliation de ce droit et du principe de continuité du service public, tous deux garantis par la Constitution. Le cadre proposé par le projet de loi apparaît donc bien-fondé : il est indispensable que les communes interviennent lorsque l'État n'est plus en mesure de le faire, et cela suppose une déclaration d'intention préalable de la part des professeurs. Pour cela, il faut alléger la charge pesant sur les communes et simplifier les modalités de déclaration demandées aux enseignants.
Votre commission vous soumettra plusieurs amendements destinés à faciliter l'organisation du service par les communes. Elle vous proposera de confier aux communes le soin de déterminer, en accord avec l'inspecteur de l'éducation nationale, la liste des personnes qui pourront assurer le service d'accueil, de transférer à l'État la responsabilité administrative à laquelle s'exposent les communes, de refondre le mode de calcul du seuil d'intervention de la commune lorsque cela est devenu manifestement impossible pour l'État, et de faire de la subvention versée par l'État une compensation et non une simple contribution.
S'agissant de l'exercice du droit de grève, votre commission a souhaité que les enseignants puissent déclarer leur intention de la manière la plus simple et la plus apaisée possible en levant leurs craintes d'être « marqués » aux yeux de leurs supérieurs hiérarchiques. Elle vous proposera d'autoriser les organisations syndicales à convenir avec le ministère de l'éducation nationale, lors de la procédure de négociation préalable obligatoire avant tout dépôt de préavis, des modalités pratiques de cette déclaration.
Loin de priver d'effet les mouvements sociaux et d'affaiblir le dialogue social en limitant le droit de grève, ce texte s'efforce d'instaurer une vraie culture de la concertation dans l'éducation nationale. Une journée de garderie ne remplacera jamais une journée de cours : toute journée de grève se traduit donc par un préjudice certain pour les élèves. Aussi la grève ne doit-elle être qu'un dernier recours, lorsque les négociations achoppent. Encore faut-il qu'il y ait négociation. Ce n'est pas toujours le cas, les organisations syndicales étant loin d'en être toujours les seules responsables.
La commission ne peut qu'être favorable à l'obligation de négocier avant tout recours à la grève. Certains y verront une formalité inutile mais cela ouvre aux syndicats un droit d'accès au Gouvernement. L'élu alsacien que je suis sais bien que de l'autre côté du Rhin, on ne lance pas une grève d'un jour à l'autre, et qu'il y a au contraire de vraies négociations entre les syndicats et le Gouvernement. Les partenaires sociaux en mesurent-ils l'avantage ? L'État sera obligé à entrer en dialogue avec eux. Loin d'être une régression, le projet constitue donc une avancée et sous réserve de ses amendements, la commission vous demande de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs UMP. Mme Muguette Dini applaudit aussi)
M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances. - La commission des finances ne s'est pas prononcée sur le fond, souscrivant dans sa majorité à la quasi-totalité des conclusions de M. Richert. Elle s'est demandée si le texte impacte les finances publiques, de l'État et des collectivités locales. Nous disposons d'une expérimentation, les 24 janvier, 15 et 22 mai. Nous avons déjà une idée du fonctionnement du dispositif : pas tout à fait trois mille communes ont mis en place un système qui a concerné une population globale de 2 millions à 2,5 millions de personnes, soit un Français sur trente, ce qui est significatif mais pas suffisant pour répondre aux besoins.
L'équilibre du projet paraît pertinent. Il instaure un droit d'accueil et non une continuité de l'enseignement, ce qui a des conséquences financière significatives. Faut-il rappeler que dans les collèges et lycées l'enseignement est assuré par une multiplicité d'enseignants alors que dans le primaire c'est un maître par classe. Le seuil de déclenchement prévu est de 10 % de grévistes, ce qui est intéressant pour les écoles rurales, où l'on pourra faire jouer la coopération intercommunale.
M. Richert ayant évoqué les modalités d'organisation, je me bornerai à rappeler la déclaration d'intention quarante-huit heures à l'avance, le seuil de déclenchement et la responsabilité des communes pour l'organisation des modalités d'accueil : cela est conforme au principe constitutionnel de libre administration des collectivités comme au simple bon sens.
Il s'agit d'une nouvelle compétence. Je rappelle en effet pour le plaisir de l'érudition juridique que si l'enseignement est gratuit, laïc et obligatoire, la présence scolaire peut prendre plusieurs formes. Il ne s'agit pas d'enseignement, mais d'une obligation d'accueil, il n'y a donc pas transfert de compétences : l'État s'assigne une obligation nouvelle qu'il entend faire assumer par les collectivités locales, responsables de l'organisation de l'enseignement primaire. Dans le cadre de l'article 72-2 de la Constitution, il doit mettre à leur disposition des moyens à la hauteur de la prestation. Aux termes de la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2005, les communes doivent garder la maîtrise de l'organisation d'une telle obligation. Cela nous conduira à trouver le point d'équilibre le plus juste et la commission proposera un amendement qui est plus que sémantique, pour remplacer le mot « contribution », certes sympathique, par celui de « compensation », plus rassurant et qu'une longue expérience républicaine nous amène à préférer. (Sourires)
Si les communes ont la liberté d'organisation, vous nous faites, monsieur le ministre, des propositions extrêmement attractives : les locaux scolaires seront à leur disposition sans que leur emploi soit obligatoire. Ainsi tiendra-t-on compte des réalités du terrain.
La première expérimentation n'est pas parfaitement concluante quant à l'équilibre financier. Vous avez évoqué favorablement la proposition de M. Carle et la commission ne peut que s'en réjouir car il est sûr que les économies d'échelle ne sont pas strictement proportionnelles au nombre des élèves accueillis. (Approbations sur le banc des commissions et à droite)
Je me risquerai à une remarque malicieuse. Faire grève est un acte courageux, responsable, louable ; le gréviste consent un sacrifice important puisque vous pratiquez une retenue sur salaire du trentième indivisible. Qu'advient-il sur une année type ? En 2007, l'État a réalisé une économie ou un report de dépense de 62 millions. La compensation lui coûtera 34 millions. La différence correspond aux dépenses supportées par les familles obligées de renoncer à des journées de travail ou à des RTT pour garder les enfants. En réalité, comme le service d'accueil est établi dans le primaire, les retenues sur salaire de l'ensemble des enseignants financeront la compensation de l'accueil dans le primaire. Et l'État ne gagne pas d'argent car l'obligation d'éduquer demeure et il faudra rattraper les heures perdues. Nul doute que dans une nouvelle étape, les parents n'en expriment très fortement la demande.
La commission des finances ne s'en tient pas à une approche purement comptable : l'économie apparente sera remployée dans ce rattrapage pour assurer la réussite de nos jeunes. (Applaudissements à droite)
M. Ivan Renar. - Alors, il ne faut plus supprimer de postes !
M. Jean-Claude Carle. - Qui va les garder ? Tous les parents qui ont des enfants en maternelle ou en primaire se posent cette question les jours de grève. Il leur faut aujourd'hui trouver des solutions de dernière minute, prendre un jour de congé, recourir à la famille ou aux amis ; la situation des mères célibataires est encore plus difficile. Il n'est pas acceptable de subir ainsi une double peine : leurs enfants n'ont pas cours et ils sont bien souvent contraints de renoncer à une journée de travail, donc de salaire. Le droit au travail n'est-il pas pourtant aussi important que le droit de grève ?
C'est pour mettre un terme à cette injustice que le Gouvernement présente ce texte voulu par le Président de la République, qui concilie la liberté de faire grève et celle de travailler, qui rétablit l'égalité entre les parents qui ont les moyens de faire garder leurs enfants et ceux qui ne les ont pas. Assurer l'accès de tous au service public n'est-il pas un des premiers devoirs de la République ?
Près de trois mille communes ont expérimenté en mai dernier le service minimum, avec des résultats satisfaisants ; mais elles étaient volontaires et presque exclusivement dirigées par des maires appartenant à la majorité. Il faut une loi pour assurer l'équité, car on ne peut accepter que l'accès au service public dépende de prises de position politiciennes. Le service public qu'est l'école ne peut être interrompu arbitrairement : c'est aussi cela l'école de Jules Ferry.
Ce texte est ainsi un instrument de justice sociale, qui s'adresse d?abord aux plus modestes -plus de 60 % des Français approuvent d'ailleurs la mise en place d'un service minimum. Il organise un véritable service d'accueil quand les enseignements ne peuvent être dispensés, ce qui est une petite révolution. Les enfants n'assimileront plus les jours de grève à la pagaille ou aux vacances ; et la collectivité assurera la contrepartie de l'obligation de présence qu'elle exige des élèves.
Le projet de loi oblige en outre l'État et les syndicats à mener une négociation préalable de huit jours maximum avant tout dépôt d'un préavis de grève. Cette procédure d'alerte sociale, qui doit favoriser le dialogue et limiter les conflits, s'inspire de ce qui a été mis en place, avec efficacité, dans les transports. Une déclaration préalable des enseignants grévistes est requise quarante-huit heures à l'avance : les communes pourront ainsi préparer l'accueil des élèves dans les meilleures conditions. Ces informations seront évidemment protégées par le secret professionnel -et le seront encore davantage avec les propositions du rapporteur.
Contrairement à ce que prétendent certains syndicats d'enseignants, le droit de grève n'est pas atteint ; il est seulement organisé de façon à ne pas pénaliser la vie des parents. Le texte peut même rendre leur popularité aux mouvements de grève en évitant qu'ils pénalisent les familles.
En contrepartie de la mise en place du service d'accueil, les communes concernées recevront de l'État une contribution financière dont le montant et les modalités seront fixés par décret, après concertation. Certains soutiennent qu'elles n'ont pas à régler les conflits entre l'État et ses fonctionnaires, et que c'est à l'éducation nationale d'organiser le service minimum ; il s'agit en réalité, non de trouver des remplaçants pour assurer les cours, mais d'assurer l'accueil physique des enfants, ce qui n'a rien à voir. Les communes assurent d'ailleurs déjà des services périscolaires ; l'accueil des enfants, distinct des missions d'enseignement, relève plus de leur responsabilité que de celle de l'éducation nationale.
Quant aux petites communes en zone rurale ou de montagne, je vous remercie, monsieur le ministre, au nom de l'Association nationale des élus de montagne et de son président M. Saddier, d'avoir repris l'amendement que j'avais déposé avec certains de mes collègues et qui a subi le couperet de l'article 40. Sans doute avons-nous eu tort d'avoir raison trop tôt... Cette disposition est très attendue.
Je salue le travail de notre rapporteur M. Richert ; il fallait en effet dissiper les craintes des élus locaux à propos de leur responsabilité, et celles des enseignants en matière de confidentialité des informations.
Je salue aussi votre action au service de l'école, monsieur le ministre, notamment pour lutter contre le fléau de l'échec scolaire. Vous avez hérité d'une situation où 15 % des enfants qui entrent chaque année au collège ont de graves lacunes en lecture, en écriture ou en calcul ; ce sont souvent des enfants de milieux modestes. On sait qu'un enfant d'ouvrier a dix-sept fois moins de chance de préparer une grande école qu'un enfant d'enseignant ou de cadre supérieur, mais quatre fois plus de risques de connaître l'échec scolaire. Contrairement à ce que disent certains, cette situation n'est pas due à un manque de moyens : le budget de l'éducation a doublé en quinze ans et le nombre d'enseignants a augmenté de 40 % alors que le nombre d'élèves diminuait.
Des réformes de fond étaient nécessaires : le groupe UMP vous remercie de les avoir engagées avec notamment la définition des nouveaux programmes scolaires et la mise en place de stages de vacances gratuits de remise à niveau pour les élèves en difficulté de CM1 et de CM2. Il y a d'un côté ceux qui ne cessent d'invoquer en parole l'égalité des chances, mais qui portent une grande part de responsabilité dans l'échec de notre système, et de l'autre ceux qui, comme vous, agissent avec pragmatisme pour améliorer les choses.
Le groupe UMP soutient votre projet et proposera des amendements constructifs pour le rendre encore plus efficace. Ce texte répond à l'attente des parents, qui auront ainsi la garantie de voir accueillis leurs enfants dans de bonnes conditions pérennes ; il répond à l'intérêt des enfants, qui prendront conscience que l'obligation scolaire doit être respectée tous les jours -l'exemplarité des institutions publiques est nécessaire à la formation des jeunes consciences ; il répond à l'intérêt des enseignants eux-mêmes, dont les mouvements de grève seront mieux compris et acceptés ; et à celui de l'éducation nationale : les parents seront moins tentés d'inscrire leurs enfants dans le privé (Mme Jacqueline Gourault s'étonne de l'argument)
Ce projet mobilise l'ensemble de la communauté éducative, dont chaque membre devra assumer ses responsabilités. « Le savoir est la seule matière qui augmente lorsqu'on la partage », disait Socrate ; encore faut-il que les conditions de ce partage soient réunies. (Applaudissements à droite)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Encore un texte examiné en urgence ; il serait plus juste en l'espèce de parler de précipitation. Malgré le travail du rapporteur, la majorité a déposé pas moins de vingt-sept amendements pour tenter de limiter la casse et rendre le projet de loi présentable, auprès des maires notamment. Pourquoi le « droit d'accueil » ne s'applique-t-il pas dans les départements et territoires d'outre-mer ? Ce qui est bon pour les familles et les écoliers de métropole ne le serait-il pas pour ceux de l'outre-mer ?
Le Président de la République annonce le 15 mai le dépôt, avant l'été, d'un projet de loi -au moment où des milliers d'enseignants, de lycéens et de parents d'élèves manifestent contre la politique de casse du service public de l'éducation menée par le Gouvernement, et alors que les deux expérimentations du « service minimum d'accueil » ont été des échecs : 2 023 communes volontaires le 24 janvier, 2 837 le 15 mai, sur les 22 500 communes qui ont une école sur leur territoire.
La décision a été prise sans aucune concertation préalable, alors que vous promettez une négociation aux organisations syndicales depuis un an. Le 4 juin, le projet de loi leur a été présenté tout ficelé lors d'un comité technique paritaire qui a tourné court.
Ce texte est dangereux parce qu'il instaure, aux côtés de l'obligation et de la gratuité scolaires, un prétendu droit d'accueil, mettant sur le même plan la continuité de l'enseignement et ce qui sera une garderie ; il est dangereux parce qu'il restreint le droit de grève ; il est dangereux parce qu'il porte gravement atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. C'est une véritable régression.
Le droit d'accueil existe d'ailleurs déjà, la loi faisant obligation à toute école ouverte d'accueillir les élèves qui lui sont présentés. C'est pour cela que l'usage, depuis toujours, veut qu'en cas de grève les enseignants avertissent les parents à l'avance. Avec votre texte, vous prétendez garantir aux parents la continuité du service public de l'enseignement, en vous appuyant sur une aspiration bien légitime, et pour faire respecter leur droit au travail. Un comble quand votre gouvernement n'a de cesse d'organiser la dégradation des droits et des garanties au travail !
Encore faut-il s'interroger sur les cas dans lesquels cette continuité n'est plus assurée. En cas de grève ? Dans le primaire en moyenne depuis 2000, on ne comptabilise pas plus de trois jours de grève par an. Ou en cas de non remplacement des professeurs absents du premier degré ? Problème bien réel et sur lequel les parents d'élèves alertent de plus en plus souvent les inspecteurs de l'éducation nationale. Comment ne pas s'inquiéter de la dégradation des conditions de remplacements en raison notamment des suppressions de postes ?
Vous affichez dans l'exposé des motifs la volonté de créer un « droit d'accueil ». Or les dix articles du texte ne parlent que de « service d'accueil ». Il serait d'ailleurs plus juste de parler de « garderie », une garderie qui sera mise en place dans deux cas de figure : en cas de grève par les communes, mais aussi par l'État, lorsque les « enseignements ne peuvent pas être dispensés », c'est-à-dire, comme le précise le rapporteur, « en cas d'impossibilité matérielle de remplacer un enseignant absent ». C'est la remise en cause du principe de continuité du service public de l'école. A l'avenir, dans une même école, des enfants se verront dispenser des enseignements quand leurs camarades, dont l'enseignant absent n'aura pu être remplacé, n'auront plus le droit qu'à être gardés ! Et, évidemment pas par des enseignants ! Vous inscrivez dans la loi la possibilité d'une école à deux vitesses, source d'inégalités !
Cette mesure, contraire à l'intérêt des élèves, s'ajoute à la trop longue liste de réformes qui affectent aujourd'hui le premier degré : suppression de la carte scolaire, diminution des horaires d'enseignements, réécriture des programmes, formation des enseignants. Toutes mesures prises sans réelle concertation, et qui contribuent au démantèlement du service public de l'éducation.
Une telle logique impose bien sûr de briser toutes les résistances. Vous organisez donc la restriction du droit de grève. Sinon comment comprendre l'introduction dans le code de l'éducation, via l'article 3, de dispositions qui relèvent du code du travail ? Bel exemple de cavalier législatif ! L'article 3 n'est en fait qu'un copié-collé de l'article 2 de la loi d'août 2007 qui a instauré un service minimum dans les transports. A l'époque, vous aviez déclaré, monsieur le ministre, que cela ne concernerait pas l'éducation nationale... Avec cet article 3, bien que vous vous abritiez derrière la décision du Conseil constitutionnel du 16 août 2007 concernant les transports, il y a bien atteinte au droit de grève des enseignants du premier degré. Vous créez une procédure dite « d'alerte sociale ». Cela pourrait être une bonne nouvelle tant vous ignorez les revendications des organisations syndicales, notamment sur les suppressions de postes ou la réforme des programmes. En réalité, ce processus de négociation préalable, qui ne fait aucune obligation à l'État, allongera le temps nécessaire au dépôt d'un préavis de grève : onze jours ! L'obligation faite ensuite aux enseignants de se déclarer nominativement gréviste au moins quarante-huit heures avant une grève, n'est pas non plus une avancée démocratique. Cela ignore l'usage en vigueur dans le premier degré où les enseignants informent toujours les parents, au moins trois jours à l'avance, de leur intention de faire grève. En résumé : onze jours avant de déposer un préavis, auxquels s'ajoutent les cinq jours francs obligatoires entre le dépôt du préavis et la grève ! Pourtant, les enseignants ne pratiquent pas la grève sauvage et se mobilisent toujours pour défendre la qualité de l'enseignement !
Votre objectif est, en réalité, de décourager les enseignants de faire grève. C'est le sens de l'article 5 qui inverse la procédure de déclaration de grève. Jusqu'à aujourd'hui, la loi impose aux enseignants d'informer leur directeur et les parents de leur intention de faire grève et c'est ensuite à l'Inspecteur de l'éducation nationale (IEN) de leur circonscription de constater l'état de grève. Votre projet de loi inverse la procédure en obligeant les enseignants à déclarer leur « intention de prendre part à la grève » auprès de leur autorité administrative. Or, informer son autorité administrative de son « intention de prendre part à la grève », cela ne veut pas dire forcément faire grève mais c'est être déclaré comme tel auprès de son IEN. C'est une façon de mettre dans la loi une pratique de plus en plus usitée, celle de réaliser systématiquement en cas de grève des retenues sur salaires -à charge pour les non grévistes de prouver qu'ils étaient bien au travail.
Aux maires vous voulez imposer la responsabilité de gérer les conséquences des conflits sociaux avec vos fonctionnaires. Et quid du droit de grève des agents territoriaux auxquels on va proposer la casquette du briseur de grève ? Les maires, de droite comme de gauche, ne veulent pas que ce service leur soit imposé. A Saint-Quentin dans l'Aisne, -commune dont M. Xavier Bertrand, grand militant du service minimum, est maire adjoint-, le maire ne l'a pas organisé. Car ce texte, les maires l'ont compris, va les mettre en danger financièrement et juridiquement. En danger financier parce que les communes, incapables de savoir à l'avance le nombre d'enfants à accueillir, risquent d'engager des dépenses supérieures à la contribution que vous voudrez bien leur accorder. Retiendrez-vous le forfait de 90 euros par tranche de quinze élèves accueillis ? C'est insuffisant ! Mais nous n'aurons pas le loisir de débattre de cette contribution, puisque son montant, fonction du nombre d'élèves accueillis, et ses modalités de versement, seront fixés par décret. Pourtant, selon l'article 72-2 de la Constitution, garant de la libre administration des collectivités territoriales, « Toute création (...) de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. ». C'est-à-dire ici par nous sénatrices et sénateurs. Pour clarifier les choses, nous avions donc déposé deux amendements à l'article 8 en faveur d'une compensation financière intégrale calculée en fonction du « nombre d'enseignants grévistes ». Deux amendements rejetés par la commission des finances au prétexte, bien pratique, de l'article 40. C'est bien la preuve que votre « contribution » ne couvrira pas la dépense. Après l'article 89 de la loi du d'août 2004 faisant obligation aux communes de financer les écoles privées, le Gouvernement leur impose le service d'accueil ! C'est une double peine pour les communes, notamment pour les moins bien dotées et les communes rurales.
De plus, au motif de « laisser aux communes la plus grande souplesse possible », il n'est fait aucune mention d'un taux d'encadrement minimum, ce qui aura pour conséquence de transformer cet accueil en garderie. Le code de l'action sociale et des familles prévoit la présence, au minimum, d'un animateur pour dix enfants de moins de six ans et d'un animateur pour quatorze enfants âgés de six ans ou plus. Comptez-vous appliquer ces taux ? Et qui encadrera les enfants ? Des animateurs ? Pourquoi pas dans les communes qui en emploient déjà pour leurs centres de loisirs. Mais les autres, les communes rurales qui ne disposent pas de tels centres et n'auront pas le personnel suffisant, devront-elles employer des chômeurs ayant refusé plus de deux offres d'emplois raisonnables ? Quelle sera la qualification, l'expérience, les critères de recrutement de ces personnes ? Il est difficile d'occuper des enfants sans un minimum d'expérience, surtout quand il s'agit d'enfants que l'on ne connaît pas et dont l'âge pourra aller de 2 à 7 ans...
Et dans quels locaux seront accueillis les enfants ? Les classes ? Le réfectoire, le préau, la cour ? Là encore les communes rurales se trouveront dans l'impossibilité matérielle d'organiser ce service, a fortiori quand elles ne disposent plus d'école sur leur territoire. Cela fait dire à l'ancien président de l'Association des maires ruraux de France, Gérard Pelletier, que ce service est tout simplement « inapplicable » dans les petites communes. Or faire appliquer ce service avec un taux de gréviste de 10 % c'est l'appliquer dans quasiment toutes les écoles. Les maires devront donc investir...
Sur tous ces points le projet de loi ne dit pas un mot. Ils sont pourtant essentiels et ne peuvent être laissés au hasard quand on prétend « instaurer un droit d'accueil ». Ce taux d'encadrement que vous refusez de définir dans la loi engagera directement la responsabilité pénale et civile du maire en cas d'accident. Et c'est le juge qui tranchera en s'appuyant sur la jurisprudence. Les maires ont donc raison de s'opposer à ce texte, inutile, dangereux, démagogique, et attentatoire à ce qui fonde notre service public de l'enseignement. Mon groupe se prononcera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Muguette Dini. - Ce projet de loi crée un nouveau droit pour les familles et une nouvelle charge pour les communes. Leur mise en oeuvre pourra, j'en suis convaincue, s'opérer sans frustration ni opposition, notamment grâce aux propositions de notre rapporteur.
Selon un récent sondage, 60 % des Français trouvent qu'il s'agit d'une « bonne » initiative, ce pourcentage atteignant 69 % chez les femmes, qui parlent de « soulagement », de la fin espérée de la sempiternelle question : « Mais qui va garder les enfants ? ».
Les propos d'une de nos concitoyennes, publiés sur le site d'un quotidien du soir résument bien la position de beaucoup de Français : « discussions familiales pour savoir qui garde, discussions sur son lieu de travail pour poser un jour de congé, perte d'un vrai jour de vacances choisi, perte de rémunération, perte de contrat, de clients, modification du planning de rendez-vous, rattrapage du retard... A chacun sa liste mais elle peut être longue. Je suis dans une région où les entreprises sont principalement des TPE et PME et à la différence des très grandes entreprises où les absences arrivent à être diluées dans la masse, les absences non planifiées portent, dans les entreprises de petite taille, préjudice aux salariés et aux employeurs. Ce service est ! » J'irai plus loin en disant que ce dispositif d'accueil est crucial pour toutes les femmes qui élèvent seules leurs enfants, crucial pour toutes les familles mais particulièrement pour les familles modestes quand elles ne peuvent compter sur la solidarité familiale.
Les premiers conscients de ces difficultés sont les maires : « Nous sommes des gens pragmatiques et nous n'apprécions pas d'être confrontés à des parents sur les nerfs » déclare l'un d'eux. « C'est un service que j'aurai rendu de toute façon » indique cet autre.
En effet, en cas de grève, nombreux sont les maires qui proposent, depuis des années, des solutions de remplacement : embauche de vacataires, accueil dans les centres de loisirs et dans les garderies. Ce texte généralise ce service d'accueil à l'ensemble du territoire et les maires demandent à juste titre des garanties juridiques et financières pour assumer la mise en place et l'organisation de ce dispositif. Les amendements proposés par notre rapporteur répondent à leurs revendications. Il sera ainsi instauré une compétence de principe de l'État, en matière d'organisation du service d'accueil, et une compétence par exception pour les communes. De même, le seuil d'intervention de la commune sera relevé de 10 % à 20 % de grévistes. Les communes créeront un fichier de personnels qualifiés à l'occasion de la mise en place de ce service d'accueil.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. - C'est une très bonne idée !
Mme Muguette Dini. - Il est également prévu la subrogation de l'État aux droits des communes en cas de dommage commis ou subi par un élève du fait du fonctionnement dudit dispositif. Enfin, l'État devra verser aux communes une réelle contribution financière.
Les maires réclament surtout une plus grande souplesse dans la mise en oeuvre de ce dispositif. L'organisation d'un tel service doit en effet être décidée librement par chaque commune, en fonction des contingences locales et des besoins des familles, comme c'est déjà le cas dans certaines villes. D'ailleurs, le président de l'Association des maires de France, Jacques Pélissard, ne dit pas autre chose.
Enfin, je regrette que nous nous soyons focalisés sur la création de ce service public et que nous ayons passé sous silence celle de la procédure de négociation obligatoire et préalable à tout mouvement de grève. Cette disposition est en effet très importante puisque c'est seulement en cas d'échec de ces pourparlers qu'il y aurait mouvement de grève, avec l'obligation pour l'enseignant de déclarer à sa hiérarchie, quarante-huit heures à l'avance, son intention d'y participer.
Cette obligation de déclaration préalable n'est pas vraiment nouvelle puisque lorsqu'un enseignant décide de suivre un mot d'ordre de grève, il en informe les parents en mettant un mot dans le carnet de liaison et il vérifie qu'il a bien été lu le lendemain, ce qui correspond à peu près à un délai de quarante-huit heures.
Ce projet de loi, amendé par notre commission, permettra d'aborder la question des grèves des enseignants de manière plus sereine tant par les enseignants eux-mêmes que par les parents. Les Français, moins englués dans leur quotidien, porteront sans doute plus d'attention aux revendications du corps enseignant.
Dans sa grande majorité, le groupe UC-UDF apportera donc son soutien à votre projet. (Applaudissements sur divers bancs au centre et à droite)
M. Serge Lagauche. - Ce projet de loi est démagogique parce qu'il est inapplicable dans la majorité des communes. Dès janvier, l'Association des maires ruraux vous alertait, monsieur le ministre. Aucune commune rurale ne dispose du personnel nécessaire pour assurer un service minimum en cas de grève. De même, l'AMF estime que les 20 000 communes de moins de 2 000 habitants ne pourront pas appliquer cette loi. Vous prenez donc les communes en otages, d'autant que vous n'instaurez pas une faculté, mais une obligation. Peu vous importe : vous avez réussi votre opération de communication en faisant croire aux parents que vous aviez réglé la question. Si cela ne fonctionne pas, ils ne demanderont pas des comptes au Gouvernement, mais aux communes.
Démagogique également, ce projet de loi poursuit un objectif tout autre que celui de l'accueil des élèves de maternelles et de primaires les jours de grève. Le Gouvernement, enfermé dans son idéologie, oppose les parents aux enseignants, les enseignants aux fonctionnaires territoriaux en affirmant que ceux qui assureront le service d'accueil seront payés par les retenues sur salaires des grévistes. Or, en cas de grève, les enseignants s'organisaient entre eux pour accueillir les enfants pour lesquels les parents n'avaient pas de solution.
Il faut donc redonner à ce problème sa juste proportion et, lorsqu'on interroge les parents sur les absences, ce ne sont pas celles dues aux grèves qu'ils mentionnent mais bien les non-remplacements des enseignants absents.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Oui !
M. Serge Lagauche. - En outre, le Gouvernement sait pertinemment qu'il aura de moins en moins de moyens pour les remplacements. Avec 11 200 suppressions de postes en 2008 et 17 000 annoncées pour 2009, la situation n'est pas près de s'améliorer ! Et que dire des jugements du tribunal administratif de Versailles en 2003 qui l'ont conduit à affirmer qu'il était du devoir de l'État d'assurer le remplacement des professeurs absents ? Dans les onze affaires jugées, le tribunal a condamné l'État à verser aux parents d'élèves des indemnités comprises entre 150 et 450 euros, selon le nombre d'heures de cours non dispensées. A chaque fois, le tribunal a jugé que « la mission d'intérêt général d'enseignement impose à l'État l'obligation légale d'assurer l'enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes. Le manquement à cette obligation légale (...) est constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité ». Quant aux « manques de crédits budgétaires » allégué par le recteur de l'Académie de Versailles ou les démarches qu'il aurait mises en oeuvre, ils « ne sauraient exonérer l'administration de la responsabilité qui lui incombe », ont estimé les juges. Voilà bien des condamnations que le Gouvernement entend éviter en substituant un droit d'accueil à la continuité du service public d'enseignement. L'État ne sera ainsi plus contraint de remplacer un enseignant par un autre. Avec ce projet de loi, il se défausse de ses responsabilités sur les collectivités territoriales.
Votre politique consiste à habiller la pénurie : avec l'amputation de deux heures de travail par semaine, comment croire que c'est en travaillant moins que l'on fera mieux ? Et que dire du recentrage sur les fondamentaux en primaire ? Ne s'agit-il pas d'un retour à l'école d'avant mai 1968, une école largement mythifiée et qui n'était destinée qu'à une élite ? De même, vous avez décidé de supprimer l'année de formation professionnelle des futurs enseignants, celle qui permettait de développer leurs capacités pédagogiques, afin, dites-vous, monsieur le ministre, « d'en finir avec trente ans de pédagogisme qui a laissé croire qu'on pouvait apprendre en s'amusant ». Une telle mesure va à l'encontre de la professionnalisation des enseignants : il ne suffit pas d'avoir des connaissances pour savoir les transmettre. (M. Jacques Valade, le président de la commission des affaires culturelles, approuve) Enfin, le ministère a décidé de créer une agence de gestion des remplacements des enseignants en faisant appel à des non-fonctionnaires, parce que l'État n'est plus en mesure d'assurer les remplacements avec ses propres personnels du fait des réductions d'effectifs.
Cette gestion de la pénurie est au service d'une idéologie : le libéralisme éducatif qui, en totale rupture avec la continuité républicaine française, prône le ciblage de l'individu et le rejet de la dimension collective, le culte de la performance de l'individu et des établissements, la suppression de la carte scolaire qui va renforcer les ghettos. Ce projet de loi s'inscrit parfaitement dans cette logique et va bien au-delà de l'accueil des enfants lors des grèves.
Vous franchissez donc une étape supplémentaire avec le dévoiement de la mission d'éducation de l'école et vous leurrez nos concitoyens sur l'objectif poursuivi. Si vous disiez aux parents qu'en cas d'absence d'un professeur, leurs enfants seront désormais en garderie, et non pas en classe avec un professeur remplaçant, bien peu vous soutiendraient ! Vous concevez l'institution scolaire comme un service dont l'objectif est de satisfaire, sur le court terme, ses usagers, au détriment de sa mission éducatrice. Ce n'est pas notre conception du service public de l'éducation nationale.
Pour autant, la commission propose des évolutions et nous attendons de voir le sort réservé à ces amendements par la majorité pour nous prononcer définitivement. (Applaudissements à gauche)
Mme Jacqueline Gourault. - Je m'exprimerai non seulement en mon nom propre, mais aussi au nom de M. Détraigne, qui, empêché, m'a demandé de le suppléer en posant un certain nombre de questions précises. Je souhaite intervenir sur ce texte de façon positive, sans opposer les particularismes des uns à ceux des autres, la plaine à la montagne, les frontaliers à ceux du centre, et surtout pas le privé au public ! Je regrette l'absence de M. Carle : évitons de rallumer cette guerre stérile...
Tout d'abord, les maires ont été choqués de la façon dont cette réforme a été engagée : dans de nombreux endroits, un service d'accueil existe depuis longtemps. Les maires ont pris leur responsabilité et ont décidé, ou non, d'accueillir les élèves les jours de grève. Si 2 878 maires ont accepté l'expérience en janvier, beaucoup plus de communes ont assuré, comme à l'accoutumée, l'accueil des élèves. Quoi que l'on dise, les maires, les directeurs d'école et les enseignants se parlent. Alors, de grâce, ne prétendez pas inventer quelque chose de nouveau et d'extraordinaire !
Et puis, il est bien normal que 80 % des parents souhaitent l'accueil des enfants les jours de grève.
Je vous le dis gentiment : si l'on faisait un tel sondage quand on ferme une classe, on obtiendrait la même unanimité chez les parents d'élèves. (Approbation sur les bancs CRC)
M. Raffarin...
M. Philippe Richert, rapporteur. - Une bonne référence !
Mme Jacqueline Gourault. - ... disait à juste titre que nos concitoyens n'acceptent plus les projets de loi concoctés dans le secret des cabinets. Il est vrai qu'en l'occurrence ce n'aura peut-être pas été le cas. (Sourires)
Pour tout vous dire, je ne vois vraiment pas pourquoi on légifère sur un tel sujet. En légiférant, on déplace la frontière entre le domaine régalien et ce qui relève des collectivités territoriales. Celles-ci interviennent certes pour l'organisation des cantines ou le périscolaire, mais pas pour le contenu de celui-ci. C'est cela l'école de la République, l'école de Jules Ferry, l'école de Xavier Darcos. (Sourires)
Quand M. Jospin, alors ministre de l'éducation nationale, a voulu qu'on enseigne les langues étrangères dès l'école primaire, l'État n'avait pas les moyens de financer cet enseignement et il s'est tourné vers les collectivités territoriales.
M. Xavier Darcos, ministre. - C'est typiquement socialiste !
Mme Jacqueline Gourault. - Il faut veiller à ce que l'État assume les missions régaliennes et les collectivités territoriales les leurs.
M. Ivan Renar. - Cela semble raisonnable.
M. Xavier Darcos, ministre. - Attention, les communistes vous approuvent !
Mme Jacqueline Gourault. - Vous pouviez passer par la voie réglementaire. Pourquoi tenez-vous à changer un système qui marche ?
J'en viens maintenant aux questions que M. Détraigne eût aimé poser. Comment un maire pourra-t-il s'y prendre, surtout dans les communes rurales ? Avec quel personnel ? Ceux qui accueillent les enfants avant et après l'école ont souvent un autre métier. Comment l'État va-t-il indemniser les collectivités territoriales ? Avec 90 euros ? Quelle sera la responsabilité des élus en cas de problème dans l'enceinte scolaire ? Vous dites que cet accueil sera mis en place dès lors qu'il y aura 10 % de grévistes. Quid des écoles, les plus nombreuses, où il y a moins de dix enseignants ? Nous avons déposé un amendement rendant facultative la mise en place de ce dispositif ; qu'en pensez-vous ? Il faut aborder ces questions avec le plus de souplesse possible, en laissant la plus grande liberté aux collectivités territoriales.
Je conclus sur une question connexe : qu'en est-il de la carte scolaire ? (Applaudissements au banc des commissions ainsi que sur les bancs CRC)
M. Yannick Bodin. - Ce texte prétend mettre en place un service d'accueil dans les écoles. En fait, dans le cas où l'on réussirait à l'appliquer dans les communes, ce qui est loin d'être gagné, il susciterait un nombre incalculable de contentieux. Ce texte exploite le sentiment des parents d'élèves, en montrant du doigt les enseignants et en faisant porter sur les communes la responsabilité d'un éventuel échec de la politique du Gouvernement. Habile, monsieur le ministre ! Mais gouverner, ce n'est pas dresser les Français les uns contre les autres, ce n'est pas le cynisme de qui ne songe qu'à diviser pour régner, bien que ce soit la méthode Sarkozy.
La voie que vous avez choisie est démagogique, l'objectif réel est bien éloigné de l'objectif officiel, et je crains que le résultat ne soit largement contre-productif, et d'abord pour les enfants.
Vous partez d'une idée inacceptable : employer les retenues sur salaires des enseignants grévistes pour faire remplacer ceux-ci au pied levé par des personnes non qualifiées pour enseigner. Cette idée est douteuse et malsaine, tout autant qu'elle est floue et anticonstitutionnelle.
Vous avez commencé le 8 janvier, par une lettre aux maires leur annonçant qu'ils pourraient à loisir organiser ce service de garderie « sur la base du volontariat ». Jusqu'à la fin du mois de janvier, vous évoquiez donc le volontariat et la concertation ouverte avec les syndicats d'enseignants. Vous proposiez ainsi, aux communes qui le souhaitaient, une convention de trois ans moyennant un dédommagement financier, annoncé par décret. Il s'agissait de la phase expérimentale de votre projet de service minimum d'accueil dans les écoles.
Dès le 24 janvier, cette expérimentation dans les communes volontaires apparaît comme un échec cuisant. Vous vous félicitez que 2 000 communes aient joué le jeu, oubliant qu'elles ne représentent que 5 % de nos communes et, surtout, qu'elles étaient volontaires. Il n'était pas utile de faire un sondage pour savoir que les parents préfèrent faire garder leurs enfants ! Ils sont comme les enseignants, qui préfèrent ne pas être obligés de faire grève.
Au vu de cet échec, vous abandonnez la voie du volontariat et décidez de contraindre par la loi. C'est plus sûr, puisque aucune dépense à la charge de l'État ou d'un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu d'une loi. Compte tenu de l'ampleur du projet, de l'usine à gaz que vous proposez aux communes, aux fonctionnaires de l'éducation nationale, et aux parents d'élèves, on aurait pu imaginer que vous engageriez de véritables concertations ainsi que des négociations. Une simple « consultation » aura suffi. Tout est déjà décidé. Et, comme d'habitude quand il s'agit de légiférer, c'est l'urgence. Pour quelle raison ? Est-ce bien la continuité du service public qui est votre priorité, ou la volonté de faire plier les salariés du service public d'éducation en s'attaquant à leur droit de grève ?
Si vous voulez satisfaire les fédérations de parents d'élèves, les enseignants et leurs syndicats, ainsi que les enfants et éviter les conflits, mettez en oeuvre une politique qui évite les grèves. Durant une scolarité normale, un enfant perd une année entière du fait de la mauvaise organisation des remplacements d'enseignants, absences dont les causes sont multiples : congés de maternité, obligations dues aux responsabilités syndicales, maladie, stages pédagogiques. Ces absences sont régulières, normales, mais doivent être gérées par l'éducation nationale dans le cadre de la continuité du service public. Nous sommes d'accord sur ce principe, mais que faites-vous pour assurer ces remplacements ? Les non-remplacements augmentent au fur et à mesure que vous supprimez des postes.
En cas de grève, vous proposez de remplacer les enseignants par des non-enseignants, qui peuvent être qualifiés pour encadrer des centres de loisirs sans hébergement. Je vous en prie, ne parlez pas de continuité du service public ! Vous le remplacez par de la garderie ou de l'animation éducative. Il n'y a pas continuité du service public d'enseignement, il y a rupture.
Votre objectif est bel et bien de limiter le droit de grève des enseignants alors que les grèves n'ont d'autre but que de préserver, défendre et améliorer le service public et son école. Comment oser prétendre que les enseignants feraient grève, pour autre chose que l'intérêt commun ? (Sourires à droite) Il leur arrive certes, comme à tous les salariés, de faire grève pour défendre leurs intérêts catégoriels, mais ils font aussi grève parce qu'ils se préoccupent du contenu de leur mission de service public. Et c'est tout à leur honneur.
S'il y a un service d'accueil à l'école, il doit être de la responsabilité civile et pénale de l'État. Pourquoi une défaillance dans le service public de l'État ferait-elle porter de nouvelles charges sur les communes ?
Votre projet de loi est de surcroît inapplicable pour les nombreuses communes qui ne disposent pas du personnel suffisant, même non qualifié. Avez-vous pris conscience du déploiement d'activités que vous allez imposer aux communes dans l'urgence ? Désorganisation des services, embauche d'occasionnels. Et les cantines ? Seront-elles ouvertes ou fermées ? Et les transports scolaires ? Bref, cela risque d'être un joyeux bazar.
Votre gouvernement aime prendre en exemple les modèles nord-européens pour leur faible taux de chômage et leur fort taux de réussite scolaire. Dans ces pays la syndicalisation est maximale et c'est dans la concertation qu'avancent ensemble gouvernement et représentants du public et du privé. Vous n'atteindrez pas les mêmes objectifs sans la même méthode. En optant pour des méthodes de sape et de division du monde syndical, vous n'obtiendrez pas de meilleurs résultats des élèves de l'école publique. Une seule méthode : le dialogue. Celle-là, votre Gouvernement ne sait pas ou ne veut pas l'utiliser.
Nous voterons donc contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marie-Christine Blandin. - Faire grève, c'est ne pas accomplir sa mission, de manière collective et organisée, en toute visibilité, quitte à entamer sa rémunération et au risque de perturber les usagers. Les initiateurs n'agissent pas par volonté de nuire, mais dans l'espoir que la gêne créée mettra en évidence le côté indispensable de leur mission et les causes de leur mécontentement. Ce droit, inscrit dans la Constitution depuis 1946, a vacillé avec l'émergence de la notion de service minimum, d'abord dans les transports, les médias détaillant davantage la détresse des usagers qu'ils n'expliquent les causes du débrayage...
Au moins les trains sont-ils encore conduits par des cheminots et non par des quidams de la ville ! (Exclamations sur le banc des commissions) Le texte ne parle que des « personnes chargées de l'accueil »... Le ministre nous a donné des précisions oralement, mais c'est sur l'écrit que nous votons...
L'habillage social du texte, après la provocante annonce du Président de la République au lendemain de la grève des enseignants, pourrait faire illusion : nous avons tous été parents actifs désemparés à la veille d'une grève, sans nounou mobilisable. Mais aussi parents avertis par les maîtres grévistes, soucieux de ne pas nous prendre au dépourvu, parents organisés se répartissant les enfants, parents solidaires aussi qui constataient que les enseignants se mobilisaient plus souvent contre la suppression de classes ou de filières que pour leur salaire, pourtant peu élevé.
Le ministre dit vouloir « placer l'intérêt de l'enfant au-delà des contingences », dont les grèves, qui seraient, à l'en croire, purement corporatistes. Or les grèves pour la sauvegarde d'une classe ou d'une école sont dans l'intérêt de l'enfant, et sont d'ailleurs accompagnées par les parents.
Les orateurs de la majorité ont évoqué le coût pour les familles de la garde des enfants. Mais tout service rendu n'est pas marchand, et les liens entre voisins sont d'un autre ordre. Et c'est l'impôt des familles qui paiera votre dispositif...
Sous couvert d'un service rendu aux parents, c'est la mission même de l'école que vous modifiez. Le code de l'éducation ne traitera plus seulement d'éducation, mais d'accueil. De lieu de transmission du savoir, l'école devient le lieu commode où poser les enfants. On aurait pu imaginer un service social d'une autre dimension ! Au passage, vous affaiblissez la grève : l'absence d'enseignement risque de peser bien peu au regard de la facilité créée par l'accueil... Quel message pour les enfants : on peut aller à l'école uniquement pour être gardé !
Dans certains pays d'Amérique latine, ce service d'accueil est pris au sérieux, et comprend un suivi sanitaire, de modestes appuis vestimentaires, une nourriture suffisante et équilibrée. Ce n'est pas l'ambition de ce Gouvernement, qui accuse les collectivités de dépenses inutiles quand elles achètent des livres, et n'évoque même pas le problème de la cantine !
L'objectif est de rendre cet accueil obligatoire en se déchargeant sur les collectivités, de lancer à la hâte une vague négociation préalable, d'imposer une déclaration anticipée, au risque de transgresser la convention 87 de l'OIT sur le droit de grève.
Saluons le talent du rapporteur (M. Jean-Claude Carle approuve) et sa célérité -je m'étonne au passage que la réforme constitutionnelle n'ait pas généralisé la procédure d'urgence, qui est si fréquemment notre lot. Il s'est attaché à combler les failles du texte, sans parvenir pour autant à en faire un projet exempt d'arrière-pensées ultralibérales. (Exclamations sur le banc des commissions)
M. Philippe Richert, rapporteur. - Ultralibéral, moi ? Jamais !
Mme Marie-Christine Blandin. - Crèches, centres aérés, budget jeunesse et sport, animateurs de quartier, lieux de vie culturelle, sportive et sociale : il y avait d'autres pistes !
M. Yannick Bodin. - Très bien !
Mme Marie-Christine Blandin. - Avec ce texte à risque, l'État pourra ordonner aux maires, sans garantie de juste compensation...
M. Jean-Claude Carle. - Mais si !
Mme Marie-Christine Blandin. - ... de mettre les enfants sous la surveillance de personnes choisies au pied levé. Qui plus est, l'article 2 permet un accueil en l'absence du maître, en toute circonstance, sans qu'aient été épuisées les voies de la recherche d'un enseignant remplaçant ! La commune sera-t-elle tenue d'organiser l'accueil en cas de congés pour maladie non remplacés ? (Dénégations sur le banc des commissions) Comment sera organisé le travail des bénévoles, et sous quelle autorité ?
Une fois de plus, la spontanéité ultralibérale du Président a déclenché une cascade de décisions précipitées. Avec, pour la communication, un habillage social, qui masque la fragilisation de ceux qui se battent pour la qualité de l'éducation. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce projet de loi n'est pas acceptable. Il s'agit, ni plus ni moins, de demander aux communes d'intervenir dans des locaux scolaires, durant le temps scolaire, pour remédier à l'incurie d'un ministère incapable de prévenir et de gérer les conflits avec ses fonctionnaires ! Et ce sous leur responsabilité, et à prix cassé ! L'État y gagne 28 millions. Vous feriez encore plus d'économies en transférant l'enseignement aux communes ! Pauvre Jules Ferry...
Aux questions de principe s'ajoute l'impossibilité pratique pour les petites communes d'assurer ce service d'accueil. Nous demanderons que les communes rurales en soient exonérées : avec la règle des 10 %, elles seront touchées dès qu'un seul enseignant sera en grève ! Comment financeront-elles ce service ? Pas avec l'aumône de 90 euros par paquet de quinze élèves, étant donné leur potentiel financier qui va de 505 euros à 718 euros pour les plus petites, contre 1 197 euros pour celles de plus de 100 000 habitants. Où trouveront-elles le personnel nécessaire ? Le personnel communal étant notoirement insuffisant, il faudra trouver des intérimaires -pour quelques heures ! Il faut n'avoir jamais mis les pieds dans une école pour imaginer qu'une ou deux personnes non qualifiées suffiront à garder trente enfants dans une classe, ou cent sous un préau ou dans une cour, le tout dans l'harmonie, la bonne humeur et sans risque d'accident ! J'espère au moins que le ministre poussera l'obligeance jusqu'à remplacer à la barre un maire accusé de mise en danger d'autrui, car le problème est bien celui de la responsabilité pénale.
Un maire rural de mes amis, dont la commune scolarise 94 enfants, a calculé qu'il lui faudrait recruter huit personnes, dont quatre titulaires du Bafa, pour respecter les normes. Mais peut-être celles-ci sont-elles purement décoratives ?
Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues qui représentez en majorité les zones rurales, que les maires ruraux n'acceptent pas de se voir imposer unilatéralement des obligations qu'ils ne peuvent honorer. Réunie en assemblée générale le 15 juin à Lyon, l'Association des maires ruraux de France a déclaré s'opposer à l'instauration d'un service minimum d'accueil obligatoire. Son communiqué se termine ainsi : « Rendre obligatoire ne permet pas de rendre possible ce qui ne l'est pas. Si tel était le cas, les maires ruraux proposeraient volontiers de rendre le bon sens obligatoire pour éviter des projets de lois de cette nature. » En votant cet amendement, vous pourrez rendre le bon sens obligatoire. (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Darcos, ministre. - Je voudrais répondre aux interrogations qui se sont exprimées, et rectifier certaines affirmations.
Plusieurs orateurs de gauche ont laissé entendre que ce projet de loi donnait aux communes des obligations en matière d'enseignement. Il n'en est rien. Elles sont exclusivement chargées de l'accueil des élèves en cas de grève. On pourrait d'ailleurs imaginer d'étendre ce service aux cas où des professeurs sont absents pour d'autres motifs, sans être remplacés.
Certains sénateurs de l'UMP et de l'Union centriste ont posé la question d'une contribution minimale de l'État aux dépenses des communes. Nous ne souhaitons pas créer de dépenses nouvelles pour les communes. Conformément à la suggestion de M. Longuet, nous créerons une contribution ou une compensation, et nous sommes prêts à lui fixer un seuil minimal.
Fallait-il légiférer à ce sujet ? Vous avez rappelé, madame Gourault, qu'un dispositif d'accueil existe déjà dans certaines communes. Mais c'est une question d'équité : ce service doit être assuré sur tout le territoire, pour toutes les familles. Cependant, comme Mme Dini l'a souligné, il faut garder une certaine souplesse : oui à l'équité, non à la contrainte.
Certains sénateurs socialistes et communistes ont mis en cause l'intention même du projet de loi. Ils l'ont présenté comme un texte démagogique, calculateur, qui tendrait à monter les parents contre les enseignants. Mais nous n'avons aucune intention maligne ! Nous avons simplement constaté que le droit de grève des uns entrave le droit de travailler des autres, et nous avons voulu concilier ces deux droits, pour éviter qu'un conflit n'intervienne.
Madame Gonthier-Maurin, je vous rassure : les DOM-TOM sont aussi concernés par ce projet de loi.
En ce qui concerne le remplacement des professeurs absents, j'ai souhaité que l'État donne l'exemple, en s'obligeant lui-même, afin d'éviter que se succèdent des journées sans classe. J'ai donc décidé de réorganiser le système du remplacement, afin d'assurer la continuité du service public.
D'autres sujets ont été abordés, qui ne sont pas au coeur du projet de loi. Certains orateurs ont évoqué les suppressions d'emplois dans l'éducation, et prétendu que le nouveau dispositif d'accueil cachait la pénurie d'enseignants. Je suis surpris d'entendre des sénateurs bien informés tenir de tels propos : il n'y a pas de suppressions d'emplois dans le premier degré ; bien au contraire il y aura à la rentrée prochaine 840 emplois supplémentaires dans les écoles.
S'agissant de la carte scolaire, je persiste à penser que son assouplissement permettra aux élèves des quartiers difficiles de tenter leur chance ailleurs. Je rappelle que les dérogations sont soumises à des critères sociaux : il ne s'agit pas de favoriser la fuite des bons élèves, mais de faire en sorte que des élèves méritants, titulaires de bourses sociales, handicapés, ou dont les familles connaissent des difficultés particulières puissent échapper aux contraintes de la carte scolaire. Vous avez eu raison d'évoquer ce sujet, madame Gourault : car il s'agit dans tous les cas de donner des droits nouveaux aux familles : droit de choisir l'école de leurs enfants, droit de les faire garder, droit à ce que les enseignements soient assurés en permanence. Ne nous prêtez donc pas des intentions cachées ! (Applaudissements sur les bancs des commissions et du groupe UMP)
M. Jean-Claude Carle. - Très bien !
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (n°389, 2007-2008) (urgence déclarée).
M. Serge Lagauche. - Les dispositions de ce projet de loi sont non seulement inopérantes, mais aussi disproportionnées au regard de son objet, ce qui remet en cause sa constitutionnalité. Il existe au moins deux motifs d'irrecevabilité.
Ce projet pose d'abord le problème de l'articulation entre le droit de grève et la continuité du service public. Plusieurs orateurs ont déjà établi un parallèle entre ce texte et la loi relative au service minimum dans les transports. La seule comparaison des termes est riche d'enseignements. Si l'intitulé de la loi sur le service public dans les transports mentionnait explicitement la continuité du service public, on ne parle plus aujourd'hui que de « droit d'accueil ». La raison en est que ce projet de loi ne vise absolument pas la continuité du service public d'enseignement : il crée seulement un service d'accueil sans aucun lien avec les missions de l'enseignement scolaire. Il n'est nullement question de transmission des connaissances ou de dispense d'une formation, mais de garderie. D'où la possibilité d'accueillir les élèves ailleurs que dans des établissements scolaires.
La décision du 25 juillet 1979 du Conseil constitutionnel a reconnu une valeur égale au droit de grève et au principe de continuité du service public : « en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ; ces limitations peuvent aller jusqu'à l'interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ». Dans un considérant de principe de sa décision du 11 octobre 1984, le Conseil précise que « s'agissant d'une liberté fondamentale, la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ». Le texte gouvernemental ne vise évidemment pas à rendre le droit de grève plus effectif ; mais il ne vise pas non plus à le concilier avec cet autre principe constitutionnel qu'est la continuité du service public. Bien au contraire, il prétend seulement garantir la continuité du service public en instaurant un service minimum, alors qu'il durcit les conditions d'exercice du droit de grève et en annule les effets. D'ailleurs le texte ne garantit pas la continuité du service public d'enseignement, qui consiste selon le code de l'éducation à transmettre et à faire acquérir des connaissances et des méthodes de travail. Les missions de l'école seront réduites à celles d'une garderie, y compris dans la gestion quotidienne des absences d'enseignants.
Reprenons la comparaison avec le service minimum dans les transports. Les restrictions pouvant être apportées au droit de grève des fonctionnaires ont été limitées par la décision du 18 septembre 1986 du Conseil constitutionnel : « les dispositions (...) qui réglementent les modalités de dépôt du préavis de grève, qui indiquent les conditions dans lesquelles doivent être assurées la création, la transmission et l'émission des signaux de radio et de télévision par des sociétés chargées de l'exécution d'une mission de service public, et qui prévoient qu'un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application de ces conditions, n'autorisent nullement à ce que, par l'institution d'un service normal et non d'un service minimum, il puisse être fait obstacle à l'exercice du droit de grève dans des cas où sa limitation ou son interdiction n'apparaissent pas justifiées au regard des principes de valeur constitutionnelle ». C'est sur le fondement de cette jurisprudence que la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs a été élaborée. Le Conseil constitutionnel a estimé dans sa décision du 16 août 2007, à propos du délai de négociation préalable au dépôt du préavis de grève, qu'« en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit des limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ».
Il a précisé en outre que « ce délai n'apporte pas de restriction injustifiée aux conditions d'exercice du droit de grève ».
L'organisation d'un service minimum d'accueil dans les écoles publiques, les jours de grève, est-elle juridiquement fondée sur la base du critère de continuité du service public ? Les conditions de mise en oeuvre de la grève, avec obligation de négociation préalable au dépôt du préavis, correspondent au système validé par le Conseil constitutionnel en 2007 pour les transports. Mais la continuité du service public ne justifie pas cette obligation dans le cas qui nous occupe puisqu'à un service public d'enseignement sera substitué un service d'accueil, durant lequel aucune dispense d'enseignement n'est prévue par la loi. La continuité du service public ne saurait être invoquée ici pour autoriser le Gouvernement à durcir les conditions d'exercice du droit de grève des enseignants du premier degré tout en se défaussant de la gestion des remplacements sur les collectivités territoriales.
La loi du 31 juillet 1963 relative à la grève dans les services publics a encadré le droit de grève des agents de l'État, des collectivités territoriales de plus de 10 000 habitants, et des personnels des entreprises, établissements et organismes chargés de la gestion d'un service public. Elle a imposé le dépôt par une organisation syndicale d'un préavis de cinq jours précisant les motifs de la grève, ses dates et sa durée. Les grèves roulantes ou tournantes sont interdites dans la fonction publique et les entreprises soumises à cette législation. De plus, la loi du 19 octobre 1982 a institué pendant la durée du préavis une obligation de négociation que le Gouvernement se garde bien de mettre en oeuvre.
Par son imprécision, l'article 2 laisse entendre que, lorsqu'un enseignement n'est pas dispensé, quelle qu'en soit la raison, l'enfant bénéficie d'un service d'accueil. Ce sont toutes les absences des enseignants -congé maladie ou maternité, formation, décharge pour obligation syndicale, et non pas seulement les absences pour grève- qui seraient ainsi visées et il n'est pas précisé à qui il revient d'organiser et de financer ce service d'accueil. L'article 4 traite du cas spécifique de l'accueil les jours de grève, organisé par la commune. Semble s'annoncer un désengagement généralisé de l'État sur les collectivités territoriales pour organiser un service n'existant pas actuellement. De nouvelles compétences seraient ainsi créées pour les collectivités sans qu'aucun fonds correspondant ne soit prévu. La libre administration des collectivités territoriales s'en trouve compromise, tout comme l'attribution d'une ressource équivalant à la création d'une nouvelle compétence.
Nous pouvons aussi nous interroger sur la compatibilité du dispositif d'accueil imposé aux communes avec le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et avec l'attribution de ressources nouvelles lors de la création d'une compétence. L'article L. 1614-1-1 du code des collectivités territoriales pose le principe de la compensation, par l'État, de toute charge induite par un transfert de compétences à une collectivité territoriale et précise que les ressources rendues nécessaires par un tel transfert de charges sont « déterminées par la loi ».
C'est à votre initiative, chers collègues de la majorité gouvernementale, que cette compensation a été élevée au rang constitutionnel par la révision de 2003. Le nouvel article 72-2 de la Constitution prévoit deux types de garanties financières pour les collectivités territoriales selon qu'il y a transfert, création ou extension de compétence avec des modalités différentes de compensations.
L'instauration du service minimum par les communes s'analyse plutôt comme la création d'une compétence que comme un transfert, puisqu'un tel service n'existait pas auparavant. Les ressources allouées en compensation devraient donc être déterminées par la loi, sans aucune possibilité de comparaison avec des dépenses déjà existantes. Or, le présent projet de loi ne prévoit aucune compensation financière puisqu'il renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer librement le montant que l'État attribuera aux communes. Et il y a fort à parier que cette compensation ne se fera pas à l'euro près. N'y a-t-il pas, en l'espèce, un nouveau motif d'inconstitutionnalité ? Assurément, oui. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Richert, rapporteur. - M. Lagauche estime qu'il y a atteinte au droit de grève. Nous ne partageons pas ce point de vue car il n'est pas prévu d'assurer un service minimum d'éducation, mais plutôt un service d'accueil. Il juge en outre que le principe de libre administration des collectivités locales n'est pas respecté. Or, les communes et les intercommunalités à qui cette compétence sera transférée s'organiseront à leur guise. L'État prendra en charge la responsabilité administrative et versera une compensation intégrale -et non pas une dotation- conformément aux textes de la décentralisation. Pour ces raisons, nous sommes défavorables à la motion.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous voterons cette motion car ce texte, inapplicable et disproportionné, contient un risque de contentieux. Le service d'accueil se substituerait à la continuité du service public de l'enseignement, des restrictions inspirées du code du travail affecteraient le droit de grève des enseignants et la libre administration des collectivités territoriales serait menacée.
M. Xavier Darcos, ministre. - Tout d'abord, l'article 72 de la Constitution ne fige pas les compétences des collectivités territoriales. Le législateur peut en créer de nouvelles. Ensuite, l'État n'assurait pas au préalable ce service d'accueil. On ne peut donc dire qu'il transfère une compétence propre. Enfin, la compétence propre des communes n'est pas méconnue puisqu'il s'agit d'une surveillance qu'elles assurent déjà avant ou après la classe.
M. Pierre-Yves Collombat. - Mais pas pendant le temps scolaire !
M. Xavier Darcos, ministre. - Nous étendons une de leurs compétences, mais nous n'en créons pas une nouvelle. Il n'y a donc pas lieu de la compenser.
Nous demandons en conséquence le rejet de cette motion.
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Question préalable
M. le président. - Motion n°18, présentée par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi instaurant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (n° 389, 2007-2008) (Urgence déclarée).
M. Ivan Renar. - Malgré le rejet de l'exception d'irrecevabilité déposée par nos collègues socialistes, le groupe CRC persiste à considérer que ce projet de loi est contraire aux principes et à la lettre de notre Constitution. Il ne respecte ni l'esprit ni la volonté du législateur qui a inspiré l'article 72-2 de notre Constitution. Sur la base de ce seul motif, notre Assemblée devrait décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre nos délibérations.
Il en est de même de la mise en cause du droit de grève : les nouvelles obligations qui le restreignent ne s'appliquent qu'à une seule catégorie de fonctionnaires, une partie du corps enseignant. En cas de conflit de l'ensemble des fonctionnaires, les enseignants des écoles maternelles et élémentaires auraient davantage d'obligations à respecter que leurs collègues. Sous couvert d'un « droit d'accueil minimum », l'État s'exonère de sa responsabilité d'employeur dans la gestion des conflits qui l'opposent à ses salariés en sommant les maires de gérer les crises à sa place. Plutôt que de légiférer, l'État patron devrait développer la culture de la négociation.
Ainsi, le Gouvernement et sa majorité se soucieraient enfin de ce que font les enfants quand les parents travaillent ! Cette préoccupation est très sélective : vous faites une loi pour assurer l'accueil des enfants deux à quatre jours par an, mais qu'en est-il de l'accueil des jeunes le soir après l'école, à l'heure du déjeuner, le mercredi, durant les vacances scolaires, le samedi matin désormais ? C'est pourtant un casse-tête pour les parents. Vous ne vous sentez pas concernés par le quotidien de millions de familles, ni par les problèmes de garde des enfants de moins de trois ans, mais quelques jours de grève par an, cela vous est insupportable !
Est-ce pour faciliter la vie des familles que vous supprimez l'école le samedi matin ou que le Gouvernement détricote le droit du travail pour autoriser le travail du dimanche : que va-t-on faire des enfants ? Votre cible est toute autre. C'est le droit de grève des enseignants qui en en cause : dans ce projet, tout est idéologie et affichage politique ; vous divisez les Français pour porter atteinte à un droit fondamental.
Vous avez tenté en vain de mobiliser les maires puis vous avez suscité le volontariat de vos amis avec des compensations financières mais le succès n'est toujours pas au rendez-vous, les maires n'ayant jugé ni utile ni pertinent de vous suivre -car ils en avaient le droit. Vous en venez à les contraindre en faisant fi de la lettre comme de l'esprit des lois de décentralisation et, pour éviter la constitution d'un front du refus, vous faites examiner votre projet en urgence, en juillet, quand les Français sont en vacances. Il ne s'agit que de 5 millions d'élèves, de 22 000 communes, de quelques centaines de milliers de fonctionnaires territoriaux et de 330 000 enseignants du premier degré...
Devant la complexité du dispositif, vous aviez annoncé en début d'année une concertation. Laquelle ? Selon la presse, moins de 10 % des parents ont eu recours à l'accueil là où il était organisé ; il n'a donc concerné que 31 000 élèves, soit onze élèves par commune : pas même une demi classe ! Ce chiffre ridicule prouve que la loi n'est ni urgente, ni nécessaire. Rien n'est d'ailleurs prévu en cas de grève du personnel d'accueil.
Il n'y a pas lieu de légiférer en ce domaine et encore moins de cette façon. Cette nouvelle restriction du droit de grève est inquiétante pour tous les salariés car il se trouvera toujours quelque bon esprit pour tenter de le réduire.
Ce projet est dangereux pour le service éducatif lui-même, car sous prétexte de créer un service d'accueil en cas de grève, il signe la fin de l'obligation de remplacement des enseignants absents. Si la formulation du projet initial était suffisamment vague, l'amendement de la commission formule explicitement l'objectif. Sous couvert de difficultés réelles de parents durant les rares jours de grève, vous réduisez vos responsabilités éducatives : après le savoir minimum avec le socle commun de la loi Fillon, voici le service minimum de garderie, assimilée à l'éducation. Pour notre rapporteur l'accueil dans l'esprit des parents équivaudrait à l'obligation scolaire. Le code de l'éducation disposera-t-il, comme le propose le rapporteur, qu'il n'est plus obligatoire de ne pas remplacer les enseignants ? Il serait difficilement acceptable que l'enseignement devienne accessoire : la conception même de l'école est en jeu.
Rien dans l'exposé des motifs ne laisse présager la suppression du remplacement des enseignants et je remercie le rapporteur de donner en le précisant une toute autre signification au texte. Aussi doit-il être réécrit, afin de mettre en harmonie son titre, ses objectifs, sa motivation et son contenu.
Enfin, le projet ne répond pas aux obligations de clarté et d'intelligibilité de la loi et les amendements de la commission le brouillent encore plus. Les communes seront organisatrices, ce qui ne garantit pas l'égalité. Devant les critiques formulées par l'Association des maires de France, la commission propose de transférer la responsabilité à l'État. Cette dilution des responsabilités n'empêchera pas les maires de rester pénalement et civilement responsables.
Cette nouvelle limitation du droit de grève répond à une volonté d'affichage politique et idéologique. Cela ne suffira pas à masquer le mécontentement qui croît au fur et à mesure que vous limitez les moyens de l'enseignement. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Richert, rapporteur. - Les représentants des familles sont d'accord avec l'accueil en maternelle et dans le primaire. Comment faire ? L'État ne le peut pas...
Mme Jacqueline Gourault. - Et les communes ?
M. Philippe Richert, rapporteur. - Les communes doivent donc l'organiser.
M. Renar a parfois fait référence au texte initial et parfois aux amendements de la commission. Il affirme que je propose que le remplacement ne soit plus assuré alors que c'est exactement le contraire...
M. Ivan Renar. - C'est un précédent !
M. Philippe Richert, rapporteur. - Nous avons explicitement prévu que la première mesure est le remplacement : on ne peut pas nous adresser ce reproche !
Le projet porte-t-il atteinte au droit de grève ? Non, parce que nous ne substituons pas un service éducatif à un autre, nous mettons en place un accueil qui répond aux besoins des familles. Nous ne proposons pas de réquisitions, comme certains le souhaitaient.
Quant à la contribution financière de l'État, ce sera une compensation dont nous allons discuter et j'espère que le ministre pourra nous répondre car nous souhaitons la porter de 90 à 120 euros par tranche de quinze élèves.
Pour toutes ces raisons, je propose de ne pas donner suite à cette motion.
M. Xavier Darcos, ministre. - Je ne comprends pas l'idée selon laquelle le projet manquerait à l'obligation de prévoir une compensation financière. Il la prévoit parfaitement et en fixe les modalités de calcul, ne renvoyant au décret que pour son montant afin de ne pas empêcher celui-ci d'évoluer : il n'y a rien là que du bon sens.
Le projet ne porte pas atteinte au droit de grève : il n'y a ni réquisition, ni organisation d'un service éducatif, mais accueil des enfants, soit dans les classes soit par l'organisation d'un accueil en cas de mouvement d'ampleur.
Votre troisième observation est presque une argutie. Vous allez trop vite quand vous tirez argument du fait que toutes les communes socialistes et communistes se sont opposées à l'expérimentation. A qui la faute des chiffres que vous citez ?
On ne peut à la fois vouloir qu'un service soit rendu et faire en sorte qu'il ne le soit pas. J'ajoute qu'en janvier dernier 30 % des communes de plus de 100 000 habitants avaient mis en place un service d'accueil.
La motion n°18 n'est pas adoptée.
Discussion des articles
Article premier
I. - L'intitulé du titre III du livre Ier du code de l'éducation est remplacé par l'intitulé suivant :
« TITRE III
« L'OBLIGATION SCOLAIRE, LA GRATUITÉ ET L'ACCUEIL DES « ÉLÈVES DES ÉCOLES MATERNELLES ET ÉLÉMENTAIRES ».
II. - Le titre III du livre Ier du code de l'éducation est complété par un chapitre III intitulé :
« CHAPITRE III
« L'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires ».
M. le président. - Amendement n°38, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Serge Lagauche. - Au détour d'un texte censé régler une situation ponctuelle, le Gouvernement confie une nouvelle mission à l'éducation nationale sans même en préciser les contours. On sait les difficultés qu'il rencontre pour remplacer les enseignants et assurer la continuité du service public ; mais il est seul responsable des suppressions massives de postes, plus de 30 000 en six ans, et plus de 16 000 encore annoncées pour 2009. Nous ne pouvons pas accepter cet article, qui modifie les missions de l'enseignement primaire sans préciser ni dégager les moyens nécessaires.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit l'intitulé proposé par le de cet article pour le titre III du livre Ier du code de l'éducation :
L'obligation scolaire et la gratuité
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous refusons de mettre l'accueil sur le même plan que l'obligation scolaire et la gratuité, deux principes qui fondent notre service public d'éducation. L'accueil ne saurait être considéré comme un principe fondamental, sauf à transformer le système éducatif. Si l'accueil devenait même premier, les priorités se trouveraient renversées, et les pouvoirs publics seraient contraints de l'assurer avant même de dégager les moyens nécessaires aux missions d'enseignement.
En cette période de vaches maigres pour les politiques publiques et de diminution drastique des effectifs de l'éducation nationale, l'article premier ouvre la porte à la création d'un nouveau corps chargé de la garderie, privatisé et précarisé. Cette dérive est dangereuse, qui altère notre pacte social et républicain et révise à la baisse l'ambition éducative du pays. Nous la refusons. Si vraiment vous tenez à mettre en place un service d'accueil, inscrivez-le au moins à un autre endroit du code de l'éducation.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC.
Supprimer le II de cet article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Il est défendu.
M. Philippe Richert, rapporteur. - Avis défavorable aux trois amendements. Il est important que les enfants puissent être accueillis pendant les grèves ; ce qui ne veut pas dire que l'accueil devient une priorité. Si la mission première de l'école reste bien évidemment la transmission des connaissances, des savoirs et du savoir-être, il ne faut pas se voiler la face et faire comme si les familles ne connaissaient pas de difficultés en cas de grève. C'est pourquoi le texte est bienvenu.
M. Xavier Darcos, ministre. - Même avis, l'article premier est essentiel.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Pourquoi mentionner l'accueil dans l'intitulé du titre III du livre premier, et le mettre ainsi sur le même plan que les principes qui fondent le service public de l'éducation ?
L'amendement n°38 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s19 et 20.
L'article premier est adopté.
Article 2
Dans le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l'éducation, il est inséré un article L. 133-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-1. - Tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique est accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour y suivre les enseignements prévus par les programmes. Lorsque ces enseignements ne peuvent pas être dispensés, il bénéficie d'un service d'accueil. »
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Depuis des mois les déclarations présidentielles et gouvernementales font croire à l'opinion que vous voulez remédier aux difficultés que rencontrent les parents lors des grèves des enseignants. Mais la grève n'est qu'un alibi, qui n'est même pas mentionnée dans l'article 2. C'est un rideau de fumée pour cacher une réforme bien plus grave : la mise en place du service d'accueil lorsque l'enseignement ne pourra pas être dispensé, quelle qu'en soit la raison. Si nous refusons qu'un tel service soit mis en place en cas de grève, nous nous opposons davantage encore à ce qu'il puisse être instauré pour pallier le non-remplacement des enseignants absents.
Nous demandons la suppression de cet article par scrutin public.
M. le président. - Amendement identique n°39, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. Yannick Bodin. - Vous avez attiré au départ l'attention de l'opinion sur l'intérêt qu'il y aurait à mettre en place un service d'accueil en cas de grève des enseignants. Mais qu'en est-il dans les autres cas ? A la lecture de l'article, on peut s'interroger : ne va-t-on pas demander l'organisation d'un tel service dès qu'un fonctionnaire de l'éducation nationale sera absent, pour maladie, maternité, formation, décharge syndicale ? Nous avons besoin d'éclaircissements, d'autant qu'on ne sait qui devra l'organiser et le financer.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles.
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-1 du code de l'éducation, après les mots :
temps scolaire
supprimer le mot :
obligatoire
M. Philippe Richert, rapporteur. - Nous voulons lever toute ambigüité. Certains ont interprété la rédaction du Gouvernement comme rendant la maternelle obligatoire.
Mme Annie David. - Nous ne serions pas contre !
M. Philippe Richert, rapporteur. - Mieux vaut préciser les choses.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles.
Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 133-1 du code de l'éducation :
Lorsque par suite de l'absence ou de l'empêchement du professeur habituel de l'élève et de l'impossibilité de le remplacer, ces enseignements ne peuvent lui être délivrés, il bénéficie gratuitement d'un service d'accueil.
M. Philippe Richert, rapporteur. - Nous apportons une précision importante. La mission première du système éducatif, c'est l'enseignement. C'est uniquement lorsque celui-ci ne sera pas assuré -nous le dirons encore à l'article 4- que le service d'accueil sera mis en place.
Avis défavorable aux amendements de suppression car cet article 2 pose le principe de la mise en place d'un service d'accueil.
M. Xavier Darcos, ministre. - Avis défavorable aux amendements de suppression. Avis favorable aux amendements de la commission, de nature à rassurer M. Bodin.
L'amendement n°21, identique à l'amendement n°39, n'est pas adopté.
M. Pierre-Yves Collombat. - Loin de clarifier les choses, les amendements de la commission les compliquent. En quoi la suppression du qualificatif « obligatoire » signifie-t-elle que la maternelle est concernée ? Quant à l'amendement n°3, il aurait été plus clair s'il avait simplement précisé que seuls les cas de grève étaient concernés : les amendements n°s26 rectifié et 33 rectifié auraient été préférables.
L'amendement n°2 est adopté.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous tenons à remercier le rapporteur pour l'amendement n°3. En effet, nous nous interrogions sur la signification de l'article 2. Pourquoi aucune référence à la grève ne venait-elle justifier ce service d'accueil, alors que l'exposé des motifs était clair ? Était-ce un oubli ou une mise en réserve pour un développement ultérieur ? Grâce à l'amendement de la commission nous comprenons mieux les objectifs du Gouvernement et de sa majorité. L'accueil, les jours de grève, n'est qu'un alibi pour restreindre le droit de grève des enseignants et pour tenter de régler le problème du remplacement des enseignants absents, pour cause de maladie ou de formation. Et cela, sans être obligé de recruter et en faisant même des économies. Sous prétexte que les parents se plaignent quand un enseignant est absent et qu'ils sont contraints de garder leur enfant, ce texte semble régler une partie du problème : les enfants seront accueillis en toutes circonstances. Qu'importe que cela mette à mal la qualité de notre système éducatif ? D'ailleurs, des idéologues bien-pensants ne proposent-ils pas de supprimer l'école maternelle sous sa forme éducative, que nous sommes les seuls à posséder en Europe ? Alors remplacer un enseignant par un animateur, quelques jours par an, cela ne devrait pas poser de problème... Et si en plus cette dérive permettait de remettre en question de l'utilité de la maternelle, ce serait une très bonne chose...
Même problématique pour les classes élémentaires. Réduire les coûts, tel est le seul objectif ! Plus la peine de prévoir une cohorte d'enseignants remplaçants. Des animateurs précaires ou en retraite devraient suffire. Mais personne ne soulève la question de la qualité de notre enseignement, et des risques pour les enfants en difficulté. L'école ne sera plus le lieu de l'instruction et de l'éducation, ce sera aussi un terrain de jeux et d'aventure y compris parfois quand les copains travaillent. Ce non-remplacement des maîtres risque d'être désastreux pour l'avenir scolaire de nombreux enfants. Les programmes ne seront pas faits, les retards s'accumuleront. Nous ne pouvons accepter que, pour réduire les dépenses, on fasse ainsi des économies sur le dos de notre jeunesse. L'école est un investissement d'avenir, restreindre ses moyens c'est menacer l'avenir des plus fragiles, c'est rompre notre pacte social et républicain.
M. Yannick Bodin. - Quand un professeur est absent pour fait de grève, il y a rupture du service public d'enseignement et on met alors en place un service d'accueil. Quand il est malade ou en formation, il y a aussi rupture du service public...
M. Xavier Darcos, ministre et M. Philippe Richert, rapporteur. - On le remplace !
M. Yannick Bodin. - Pas du tout ! L'article comme l'amendement disent que l'élève bénéficie « d'un service d'accueil ». Il ne bénéficie pas d'un service d'enseignement. Il n'est pas dit que qu'il y a continuité du service public d'enseignement. Qu'il s'agisse de grève ou d'absence pour maladie, dans les deux cas, c'est l'accueil ! Si je n'ai pas bien compris, expliquez-moi.
M. Xavier Darcos, ministre. - Quand un professeur est malade, il est remplacé.
M. Yannick Bodin. - Et si on ne peut pas le remplacer ?
M. Xavier Darcos, ministre. - Supposons qu'on ne le puisse pas et que cette absence dure, que faire ? Laisser les enfants à la rue ? Non, nous les accueillons dans les classes. S'il ne s'agit que d'un professeur, les élèves sont ventilés dans les autres classes. S'il s'agit d'un nombre important d'enseignants -10 ou 20 %, un seuil que nous fixerons- nous organiserons cet accueil. Nous n'évoquons cette éventualité que par honnêteté intellectuelle mais elle est rarissime.
M. Yannick Bodin. - Tous les hivers !
M. Xavier Darcos, ministre. - Le principe est de ne pas laisser les élèves à la rue au cas où le remplaçant, qui viendrait pour enseigner, n'aurait pas pu rejoindre son poste. (M. Dominique Mortemousque applaudit)
L'amendement n°3 est adopté.
A la demande du groupe CRC, l'article 2, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté.
La séance est suspendue à midi quarante-cinq.
présidence de M. Christian Poncelet
La séance reprend à 15 heures.