Produits dopants (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants.
M. Alain Dufaut, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire - Après son examen par l'Assemblée nationale à la fin du mois d'avril, ce projet de loi a été adopté par le Sénat le 21 mai dernier. Nous pouvons être satisfaits des modifications que nous y avons apportées : les 17 amendements votés par notre Haute assemblée ont été retenus par la CMP, qui a reconnu que le texte avait ainsi été considérablement enrichi.
Nous avons limité l'incrimination de détention aux seules substances et procédés les plus dopants ; et, afin de faciliter le travail des enquêteurs, nous avons supprimé la nécessité de démontrer une volonté d'usage personnel du produit dopant par le sportif pour caractériser l'infraction de détention. De nouveaux pouvoirs sont dévolus à l'Agence française de lutte contre le dopage, qui pourra effectuer des contrôles pendant la garde à vue du sportif soupçonné. Lors d'un colloque, hier, un commissaire nous a dit ses difficultés en la matière. De telles anomalies vont disparaître. L'agence pourra également demander à une fédération sportive le déclassement d'un sportif non licencié en France qui a commis une infraction à la législation antidopage lors d'une compétition qu'elle a organisée ou autorisée. Ce dispositif pourrait ainsi s'appliquer au Tour de France, qui est cette année organisé sous l'autorité de la Fédération française de cyclisme et non plus de l'UCI. L'agence pourra aussi bénéficier des mêmes modalités pour le calcul des charges sociales afférentes aux rémunérations de ses préleveurs que celles appliquées au ministère des sports avant la création de l'agence.
Le Sénat a en outre adopté un amendement du groupe CRC présenté par M. Voguet, qui prévoit des peines aggravées lorsque les délits de pourvoyeur ou de trafic ont été commis par des personnes ayant autorité sur les sportifs. Enfin les compétences de l'agence ont été étendues, sur proposition de M. Ambroise Dupont, aux compétitions organisées par la Société hippique française.
Ce texte vient utilement compléter notre arsenal législatif et permettra de mieux lutter contre le trafic de produits dopants. Il ne règle cependant pas tous les problèmes : le Sénat sera probablement amené à en débattre à nouveau après l'entrée en vigueur du nouveau code le 1er janvier prochain ; les autorisations à usage thérapeutique seront certainement au coeur du débat.
Nous espérons que ce dispositif entrera en vigueur le plus rapidement possible, de telle sorte notamment qu'il s'applique lors du prochain Tour de France. Cette compétition a fait un grand effort pour assainir les pratiques, il faut l'encourager à poursuivre.
Je propose au Sénat d'adopter ce texte dans la version de la CMP. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. - Je serai bref, car le texte voté par le Sénat n'a pas été modifié par la CMP. Il a été enrichi au cours de la navette, 41 amendements ayant été adoptés, dont 17 ici même, sans que son équilibre ait été altéré. J'approuve donc un texte qui permettra d'accroître l'efficacité de la lutte contre le dopage à l'occasion de toutes les compétitions se déroulant sur le sol français. Les services de police judiciaire bénéficieront pour cela de moyens renforcés.
Ce projet de loi vient en complément d'une politique de prévention ambitieuse, dotée de 13,7 millions d'euros sur les 21 alloués à la lutte contre le dopage. Je salue votre travail, plus particulièrement celui du président Valade et de M. Dufaut, votre rapporteur, qui ont permis de faire naître le consensus en CMP. (Applaudissements au centre et à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article 4
L'article L. 232-19 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 232-19. - Dans l'ensemble des lieux mentionnés à l'article L. 232-13 auxquels ils ont accès et pour l'exercice des missions de police judiciaire diligentées dans les conditions définies à l'article L. 232-14, les agents relevant du ministre chargé des sports et les personnes agréées par l'agence mentionnés à l'article L. 232-11 ne peuvent saisir des objets ou documents se rapportant aux infractions aux dispositions du présent chapitre que sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les éléments à saisir.
« La demande d'ordonnance doit comporter tous les éléments d'information de nature à justifier la saisie. Les agents munis de cette ordonnance peuvent en tant que de besoin requérir la force publique. Les opérations s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées.
« L'ordonnance est notifiée sur place, au moment de l'accès dans les lieux ou de la saisie, au responsable des lieux ou à son représentant, qui en reçoit copie. En l'absence du responsable des lieux ou de son représentant, l'ordonnance lui est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis. Cette ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation. Ce pourvoi n'est pas suspensif.
« [ ]
« Les éléments saisis sont immédiatement inventoriés, en présence du responsable des lieux ou locaux, ou de son représentant.
« L'inventaire est annexé au procès-verbal relatant le déroulement des opérations dressé sur place. Les originaux dudit procès-verbal et l'inventaire sont transmis au juge qui a autorisé les opérations dans les cinq jours qui suivent leur clôture. Une copie est remise à l'intéressé.
« Le président du tribunal de grande instance peut à tout moment ordonner la mainlevée de la saisie.
« Les personnes mentionnées à l'article L. 232-11 constatent les infractions mentionnées au présent chapitre par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire.
« Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République, sous peine de nullité, dans les cinq jours suivant la clôture des opérations. Une copie des procès-verbaux est également remise dans le même délai à l'intéressé.
« Les agents relevant du ministre chargé des sports et les personnes agréées par l'agence mentionnés à l'article L. 232-11 peuvent être requis par le procureur de la République, le juge d'instruction ou les officiers ou agents de police judiciaire afin de leur prêter assistance. Elles prêtent alors serment, sauf lorsqu'elles sont assermentées dans les conditions prévues à l'article L. 232-11. »
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
I. - Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 232-19 du code du sport par deux phrases ainsi rédigées :
Cette ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation. Ce pourvoi n'est pas suspensif.
II. - Supprimer les quatrième à septième alinéas du même texte.
III. - Rédiger comme suit le douzième alinéa du même texte :
« Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République, sous peine de nullité, dans les cinq jours suivant la clôture des opérations. Une copie des procès-verbaux et également remise dans le même délai à l'intéressé.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État. - La prise en compte de l'arrêt Ravon s'est avérée très complexe. Cet amendement est purement technique, qui reprend les dernières analyses de la Chancellerie afin d'éviter toute insécurité juridique entre recours en matière civile et recours en matière pénale, l'hypothèse de décisions contradictoires pouvant se présenter.
M. Alain Dufaut, rapporteur. - Cette amélioration technique est bienvenue. Avis favorable.
L'amendement n°1 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Yannick Bodin. - L'actualité nous rappelle régulièrement la gravité du dopage. Il y a peu, un jeune cycliste belge plein d'avenir a été interdit de Tour de France ; le record du monde du 100 mètres vient d'être battu, et tous les commentaires se terminent par ceci : « espérons que ... ». Nous sommes au coeur de l'Euro, et tout le monde croise les doigts pour qu'il ne se passe rien...
Nous partageons la volonté du Gouvernement de lutter plus efficacement contre le dopage, il y va de la crédibilité des manifestations sportives. On n'est en effet jamais assez sévère. Mais le groupe socialiste ne considère pas que la lutte contre le dopage se résume à la sanction. Nous aurions aimé que le débat fût tenu dans un cadre plus large, qui prît en compte les aspects budgétaires du problème, et que fussent mises en avant la prévention et l'éducation des jeunes. Autant le contenu du texte nous satisfait, autant nous regrettons ses limites. Considérez notre abstention comme positive.
Mme Françoise Férat. - En plein coeur de l'Euro 2008 et à la veille du Tour de France et des Jeux Olympiques, il est plus que d'actualité de légiférer sur le dopage.
Le Gouvernement nous propose de compléter notre législation par des mesures pragmatiques et réalistes. Celle-ci souffre de lacunes importantes qui empêchent par exemple les autorités publiques d'effectuer des perquisitions, des saisies ou des placements en garde à vue. Le texte crée une infraction pour détention de produits dopants et sanctionne non seulement la vente et l'offre de ces produits, mais également leur fabrication, leur production, leur exportation, leur importation et leur transport -afin de mieux tenir compte de l'entourage du sportif et de combattre les filières de distribution.
Le Gouvernement entend également adapter notre législation au contexte international, en reconnaissant explicitement l'Agence mondiale antidopage. Comme le disait Mme Dini en première lecture, il faut prendre la mesure de la dimension internationale du fléau et de son remède, les filières de trafic se jouant de toutes les barrières et toutes les frontières. Faute d'une règlementation mondiale, le danger est d'avoir des législations nationales à plusieurs vitesses. Une véritable politique mondiale de lutte contre le dopage est indispensable. La France pourrait l'impulser. Nous devons pour cela être exemplaires.
Je veux enfin insister sur la nécessité d'améliorer la prévention. Le « tout répressif » ne suffit pas. Il faut multiplier les messages préventifs et les campagnes de communication auprès des jeunes car de nombreuses affaires ont eu tendance à banaliser la consommation de produits dopants. Le grand public risque en effet de considérer que les produits dopants sont un passage obligé vers la performance et le succès.
Pourtant, le dopage est l'antinomie du sport. C'est pourquoi nous devons être intransigeants. Le sport est et doit rester une activité ludique, facteur d'épanouissement et de santé. Nous voterons donc avec conviction les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Colette Mélot. - Alors que cet été sera marqué par d'importants événements sportifs, le dopage continue à éclabousser diverses disciplines. Ce texte permettra de renforcer la lutte contre ce fléau, tout en préservant les valeurs éthiques du sport et en protégeant la santé des sportifs.
Mais notre tâche n'en sera pas pour autant achevée : nous devrons faire preuve de vigilance face à ceux qui veulent dépasser leurs performances personnelles.
Au nom du groupe UMP, je tiens à remercier le rapporteur et le président de la commission des affaires culturelles pour la qualité de leurs travaux et de leurs analyses. Je vous remercie également, monsieur le ministre, pour votre investissement personnel et votre détermination à aller de l'avant. Soyez assuré du soutien de notre groupe pour poursuivre ce combat de longue haleine. (Applaudissements à droite et au centre)