Médicament (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.
Discussion générale
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. - Pour garantir des médicaments sûrs et soutenir la recherche thérapeutique, l'Union européenne met en place le marché unique du médicament et la France s'est d'emblée associée à cette politique ambitieuse. Je vous propose aujourd'hui de ratifier l'ordonnance du 26 avril 2007, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament. Ce texte intègre au droit français cinq directives. L'ordonnance concerne des produits très divers, allant des aliments diététiques, aux produits d'origine humaine, en passant par les produits cosmétiques, et les médicaments à usage humain et vétérinaire. Pour être technique, elle n'en est pas moins très importante, comme en témoigne les débats en première lecture. La Haute assemblée est depuis longtemps en pointe sur les questions biomédicales : nous fêtons les vingt ans de la loi Huriet, je tenais à saluer votre rôle précurseur !
Sur les onze articles de ce texte, vous avez déjà approuvé les quatre premiers, l'Assemblée nationale vous a suivis. Considérons plutôt ceux que vous n'avez pas encore examinés.
L'article premier ter sollicite une nouvelle habilitation de dix mois pour légiférer par ordonnance. Le Gouvernement pourra conduire à son terme le projet d'ordonnance qui vise à étendre aux territoires d'outre-mer la loi du 26 février 2007 et l'ordonnance du 26 avril 2007.
L'article 5 fait de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), l'unique autorité compétente en matière de recherche biomédicale, à compter du 1er juin, au lieu du 1er avril comme prévu initialement, pour tenir compte du retard dans le calendrier parlementaire.
L'article 6, introduit sur proposition de votre assemblée, repousse de quelques mois l'interdiction de l'utilisation, à des fins humanitaires, des médicaments non utilisés. Le dispositif Cyclamed ne s'est pas montré à la hauteur de ses promesses, malgré le dévouement des bénévoles et des associations. Les médicaments non utilisés ne présentent pas les garanties suffisantes de qualité et de conservation, ils sont souvent mal adaptés aux pathologies de ceux qu'ils prétendent soigner et ils ont pu alimenter des circuits parallèles de revente. L'OMS s'est prononcée pour l'interdiction, tout comme Médecins du Monde et l'Ordre de Malte. Nous devons toutefois accorder un délai aux associations humanitaires pour s'organiser et trouver d'autres sources d'approvisionnement, c'est le sens de l'article 6.
L'article 7 donne aux officines la possibilité de sous-traiter certaines préparations à des établissements pharmaceutiques fabricants, sous le contrôle de l'Afssaps et dans le respect des bonnes pratiques mentionnées par le code de santé publique. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) exige des entreprises pharmaceutiques qu'elles mènent des études pharmaco-épidémiologiques après toute autorisation de mise sur le marché (AMM).
L'article 8 prévoit de sanctionner les fabricants qui ne conduiraient pas systématiquement ces études, ou qui tarderaient à le faire.
L'article 9 remplace la déclaration obligatoire auprès de l'Afssaps de la vente de tout produit remboursé, par la déclaration obligatoire de son code dans la liste des produits et prestations.
Vous aviez adopté ces deux derniers articles avec le PLFSS pour 2008, le Conseil constitutionnel les a écartés, considérant que les économies attendues ne justifiaient pas leur rattachement à une loi de financement de la sécurité sociale. Leur intérêt demeure, nous les adjoignons à ce texte.
La France ne saurait prendre plus de retard dans la transposition de ces directives européennes, je ne doute pas de votre soutien ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales. - La nouvelle législation européenne en matière de médicament renforce la sécurité sanitaire pour les patients et la transparence des agences chargées d'autoriser la commercialisation des produits de santé. Elle a pris en compte l'apparition de nouvelles catégories de produits de santé, au-delà des seuls médicaments à usage humain.
Plusieurs directives sont intervenues dans des domaines aussi divers que les normes de qualité et de sécurité pour le sang humain, les produits cosmétiques, les normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules humains, les médicaments traditionnels à base de plantes ou les médicaments vétérinaires.
Pour cette seconde lecture, deux points me semblent devoir attirer particulièrement notre attention.
D'abord la distribution et la destruction des médicaments non utilisés. Nous en avons débattu en février et en octobre 2007. En première lecture, nous avons prolongé le délai avant l'interdiction d'usage, le temps que les ONG trouvent de nouvelles sources d'approvisionnement en médicament. La situation a évolué, le groupe de travail ad hoc doit rendre son rapport sous peu et la date butoir du 31 décembre 2008 est une solution équilibrée.
Ensuite, les études post-AMM. Le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme, a censuré la sanction que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoyait contre le défaut d'études post-AMM, le Gouvernement y revient utilement.
Ces études post-AMM sont commandées par le CEPS.
M. François Autain. - Pas seulement !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Dans quels délais ces sanctions seront-elles appliquées ? Dès la publication de la loi ou faudra-t-il attendre le renouvellement de l'accord-cadre entre le CEPS et les entreprises pharmaceutiques ? Des sanctions sont-elles envisagées si les études prévues dans le cadre des plans de gestion des risques, ne sont pas réalisées ? Comment le montant de ces sanctions sera-t-il déterminé ?
L'Assemblée nationale a également précisé les conditions dans lesquelles les pharmaciens d'officine peuvent réaliser des préparations magistrales et les modalités de régulation des dispositifs médicaux.
Les articles en navette vont au-delà de la simple ratification d'ordonnance, mais l'ensemble forme un tout homogène, centré sur la transposition des directives européennes : la commission des affaires sociales vous propose d'adopter ce texte ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Michel. - Ce texte nous revient aminci et augmenté. (Sourires) L'article 6 ne nous pose guère de problème, il vient d'un amendement du groupe socialiste. En revanche, plusieurs questions se posent sur les études post-AMM. Lors de l'examen du PLFSS, vous avez annoncé, madame la ministre, des crédits pour soutenir ces études : qu'en est-il ?
En première lecture, nous nous étions abstenus à la suite de l'introduction de l'article 1er bis, qui autorise le Gouvernement à procéder par ordonnance pour transposer la directive relative aux tissus et cellules humains, qui traite notamment du don de gamètes et de la procréation médicalement assistée. Ces sujets relèvent de la loi bioéthique, qui doit être révisée en 2009. La France autorise le don d'organes et de gamètes ; qu'en restera-t-il, dans un environnement concurrentiel ? Si la maternité pour autrui devait être autorisée en France, donnerait-elle lieu à rémunération, comme c'est le cas dans certains pays ? Compte tenu de ces enjeux éthiques : nous nous abstiendrons à nouveau.
M. François Autain. - Ce texte ne suscite pas de critiques majeures. (Sourires)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Nous attendons la fin !
M. François Autain. - Je centrerai donc mon propos sur les études post-AMM, qui se multiplient depuis l'instauration, en 2005, de plans de gestion des risques, jusqu'à devenir systématiques pour les nouvelles molécules innovantes et coûteuses. Les crises sanitaires comme celles de la Cerivastatine et du Vioxx ne sont pas étrangères à ce renforcement. Ces études ne sauraient toutefois pallier les insuffisances d'une évaluation en amont. Or il semble que les AMM sont octroyées de plus en plus facilement et précocement (Mme le ministre le conteste), comme si les agences avaient de plus en plus de mal à résister aux pressions de l'industrie pharmaceutique....
En outre, les délais de réalisation de ces études post-AMM sont considérables : de 1997 à mai 2007, sur 131 demandes, 12 % seulement ont été menées à leur terme, la moitié n'ayant pas reçu un commencement d'exécution ! Le principe de précaution aurait dû conduire les agences à différer la mise sur le marché des molécules concernées. On prescrit des médicaments pour lesquels les mesures de sécurité n'ont pas été mises en oeuvre !
La mission d'information de notre commission avait dénoncé le manque de cohérence et de coordination entre les nombreuses structures qui prescrivent des études post-AMM, malgré la création d'un groupe d'intérêt scientifique et plus récemment d'un comité de liaison informel. La Haute autorité de santé (HAS) devrait être tenue de publier régulièrement des informations sur le devenir des études que les firmes se sont engagées à réaliser. A l'heure actuelle, l'anarchie règne, doublée d'une véritable opacité !
Les conventions entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les firmes n'étant pas publiques, on ne sait pas quelles études ont été demandées, ni dans quels délais. L'étude portant sur le Vioxx a été publiée trois ans après sa réalisation, et trois mois après le retrait du médicament incriminé -ce qui n'a pas empêché le maintien sur le marché d'un médicament de la même famille, le Celebrex, tout aussi toxique.
Nous manquons d'équipes de recherche spécialisées dans l'évaluation des risques médicamenteux. Autre difficulté, l'insuffisance des bases de données publiques et privées relatives à la prescription des médicaments. A cet égard, la suppression de l'Observatoire national des prescriptions témoigne du désintérêt manifeste du Gouvernement...
Enfin, les pouvoirs publics s'impliquent insuffisamment dans le financement de ces études : de 1999 à 2004, l'AFSSAPS n'en a financé que six, et les dix-neuf études réalisées depuis 2005 n'ont pas été rendues publiques. L'essentiel de l'effort financier repose sur l'industrie pharmaceutique, guère portée à investir dans des études coûteuses qui peuvent aboutir à une remise en cause de l'AMM.
Je doute que l'article 8 suffise pour contraindre les firmes à respecter leurs engagements. Quand entrera-t-il en vigueur ? Faudra-t-il attendre un nouvel avenant à l'accord-cadre CEPS-Leem, ou bien s'impose-t-elle à toute nouvelle convention, à dater de la promulgation de la loi, malgré l'accord CEPS-Leem ?
Aux termes de l'accord cadre CEPS-Leem, certaines études demandées par la commission de transparence ou le CEPS ne pourraient pas donner lieu à des sanctions au motif qu'elles seraient redondantes avec celles demandées par la commission d'AMM. Il me semble que toutes les études, quel qu'en soit le prescripteur, doivent être traitées de la même façon. Leur non-réalisation doit être sanctionnée. C'est un impératif de santé publique. Enfin, aucun délai limite n'est fixé pour la réalisation de ces études : comment dès lors sanctionner un retard ? Quant aux conventions CEPS-firmes, elles ne sont pas rendues publiques.
Je vous proposerai des amendements pour tenter de combler ces lacunes. L'article 8 procède d'une bonne intention, mais je reste réservé sur son efficacité. Nous subordonnerons notre vote à l'accueil qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements à gauche)
M. Nicolas About, président de la commission. - Les amendements déposés présentent certes un intérêt mais vont au-delà de ce qui est possible et souhaitable. Sans compter que la transposition de la directive a déjà pris du retard...
Toutefois, quand une entreprise n'a pas réalisé une étude dans les délais, il serait normal que le renouvellement de l'AMM ne donne pas lieu à une autorisation définitive. Le Gouvernement peut-il donner des assurances à la représentation nationale sur ce point ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Merci, monsieur le rapporteur pour votre analyse et votre soutien sur un projet de loi plus important qu'il n'y paraît.
Sur l'article 8, je partage l'avis du président About : il ne faudrait pas que l'adoption d'amendements empêche un vote conforme et retarde l'application de mesures indispensables.
M. François Autain. - Ce n'est pas un bon argument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cet article, qui prévoit des sanctions en cas de non réalisation des études post-AMM, vise à permettre l'évaluation, correcte et dans les délais prévus, d'un médicament dans la pratique médicale réelle. Seuls 7 % des études demandées ont été menées à terme, 43 % n'ont pas reçu un début d'exécution et, dans 30 % des cas, les laboratoires n'ont rien communiqué du tout à la Haute autorité de santé. Le pharmacien que je suis rejoint donc le médecin que vous êtes, monsieur Autain. Votez cet article pour nous permettre de mettre sur pied des sanctions en cas de non réalisation des études. Comme on ne peut remettre en cause l'AMM, la seule carte à jouer est celle des sanctions financières.
Monsieur Autain, je suis stupéfaite de vous entendre dire que les AMM sont accordées plus facilement. Au contraire, le principe de précaution est appliqué, les études sont fouillées, de plus en plus minutieuses et ces autorisations sont toutes associées à un plan de gestion des risques. De plus, on ne peut comparer comme vous le faites le Vioxx avec le Celebrex : les dosages ne sont pas du tout les mêmes et vous savez bien qu'en pharmacie, cet aspect est décisif.
Dans quel délai, demandez-vous, cette disposition sera-t-elle mise en oeuvre ? L'application sera immédiate car un décret n'est pas nécessaire. Mes services me parlent d'un délai de deux mois après le vote. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Les articles premier ter, 5, 6 et 7 sont successivement adoptés.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article L. 5121-9 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les études pharmaco-épidémiologiques mises en oeuvre postérieurement à l'octroi de cette autorisation ne sont pas réalisées dans un délai de cinq ans, celle-ci ne peut être renouvelée. »
M. François Autain. - Vous me trouvez sévère lorsque je dis que les AMM sont facilement accordées. Un seul exemple : le Rimonabant a reçu cette autorisation, subordonnée à un plan de gestion, alors qu'aux États-Unis, la Food and drug administration l'a interdit ! Ici, on devrait pousser plus loin l'évaluation, quitte à retarder l'AMM. La même remarque vaut pour le Champix...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Tous les médicaments ont des effets indésirables !
M. François Autain. - Vous ne m'avez pas répondu sur les études post-AMM prescrites par l'Afssaps. Les amendements que j'ai déposés règleraient tous ces problèmes. Celui-ci interdit le renouvellement de cette autorisation pour un médicament pour lequel des études post-AMM prescrites n'auraient pas été réalisées. C'est d'autant plus nécessaire que ce renouvellement est définitif. Accepter, cinq ans après, de renouveler l'autorisation, c'est prendre un risque pour la sécurité sanitaire. Il faut la différer jusqu'à ce que les études soient réalisées.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - La commission comprend le souci de M. Autain, mais faut-il pour cela ...
M. François Autain. - Oui ! (M. Fischer le confirme)
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - .... aller jusqu'à interdire le renouvellement ? C'est une mesure sévère et surtout préjudiciable au patient lorsque le médicament est efficace.
M. François Autain. - Il y a toujours des équivalents !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Avis défavorable : on ne peut remettre en cause ce renouvellement, d'autant que cela relève de la législation européenne.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ce projet de loi fait partie du processus de transposition de cinq directives : la France ne peut plus prendre de retard.
M. François Autain. - Sauf pour l'article 8 !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cet article 8 a déjà été amendé quand vous avez débattu du PLFSS et toute AMM peut à tout moment être suspendue au vu des études de l'Afssaps ou de l'Agence européenne. Nous voulons sanctionner les laboratoires, non les patients. La sanction économique est donc la plus appropriée. Avis défavorable.
M. François Autain. - Vous n'avez toujours pas répondu à ma question : les études prescrites par l'Afssaps sont-elles, oui ou non, concernées par l'article 8 ? Moi, je pense que non. Mais je voudrais une réponse claire.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
Article 8
Le 4° bis de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « , ainsi que les sanctions encourues en cas de non-réalisation ou de retard dans la réalisation de ces études qui pourront aboutir, après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations, à une baisse de prix du médicament concerné, fixée exclusivement sur la base des conséquences entraînées pour l'assurance maladie par la non-réalisation des études ».
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque ces études pharmaco-épidémiologiques ne sont pas réalisées dans un délai de cinq ans, l'inscription du médicament concerné sur la liste prévue à l'article L. 5126-4 du code de la santé publique ne peut être renouvelée.
M. François Autain. - Je n'ai toujours pas obtenu de réponse...
Cet amendement vise à éviter qu'un médicament qui a été insuffisamment évalué en dépit des recommandations de la HAS ou de l'Afssaps continue à être pris en charge par l'assurance maladie cinq ans après sa mise sur le marché.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Défavorable. Ne pas rembourser certains médicaments au seul motif de l'absence d'étude a posteriori serait infondé et pourrait priver le patient de médicaments utiles.
L'amendement n°2, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC.
Dans le 4° bis de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, après les mots : « études pharmaco-épidémiologiques » sont insérés les mots : « prescrites par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, la Haute autorité de santé ou le Comité économique des produits de santé ».
M. François Autain. - Cet amendement répond à la question à laquelle, madame la ministre, vous n'avez pas répondu. Il tente à prendre en considération le fait que les études post-AMM peuvent être prescrites par l'Afssaps, la Haute autorité de santé et le CEPS. A l'article 6, il est bien dit que seules les études demandées par la Commission de transparence et le CEPS peuvent donner lieu à des conventions, donc à des sanctions éventuelles. Si vous m'aviez dit, madame la ministre, que les études prescrites par l'Afssaps seraient retenues, j'aurais pu retirer cet amendement. Vous ne l'avez hélas pas fait. Il en va pourtant de la sécurité de nos concitoyens.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Dans le cadre de notre mission « médicament » de 2006, que j'avais eu l'honneur de présider, nous avions souhaité que des financements publics soient débloqués pour ces études. Mais je ne pense pas qu'il soit besoin de légiférer ; mon avis est donc défavorable. C'est une question de volonté gouvernementale. Quelles sont vos intentions, madame la ministre, en matière de financement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Pour éclairer parfaitement le débat, je précise que les études pharmaco-épidémiologiques de suivi, réalisées par le CEPS reprennent en général les études demandées par l'Afssaps. Si je n'ai pas répondu à votre question, c'est que le texte de simple transposition que nous examinons ne me semble pas être le lieu pour l'évoquer. Il est vrai cependant, qu'elle mérite d'être soulevée. Je m'engage à l'examiner s'il existe des difficultés. En tout état de cause, elles ne tiennent pas, monsieur le rapporteur, au financement, puisque le coût des études est pris en compte lors de la fixation du prix. L'assurance maladie le prend donc indirectement en charge. L'industrie pharmaceutique sait au reste très bien, monsieur Autain, rappeler cette exigence dans le dossier économique.
M. François Autain. - Sans doute peut-il y avoir quelquefois redondance, mais bien des études de l'Afssaps sont originales et ne sont reprises ni par le CEPS, ni par la Commission de transparence. Je regrette, pour la sécurité des patients, que vous ne teniez pas compte de mes arguments.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous cherchez un alibi !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - C'est le lobby de Prescrire !
M. François Autain. - Je n'ai pas parlé du lobby des laboratoires ! A chacun le sien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ne nous égarons pas...
M. François Autain. - Que la sécurité des patients soit en cause, c'est une réalité ! Pas moins de 140 000 hospitalisations par an sont imputables à une iatrogénie médicamenteuse. Le professeur Lucien Abenhaim cite le chiffre de 18 000 décès par an.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Et combien sont sauvés par les médicaments ? Vous voulez priver les malades de traitements intéressants !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Cet amendement, dont je comprends les motifs, me semble présenter deux inconvénients. Aux États-Unis, un seul organisme est compétent pour lancer de telles études. Nous sommes un des rares pays où prolifèrent les organismes pouvant demander des études. Cette prolifération explique notre faible compétitivité dans un certain nombre de secteurs. En adoptant votre amendement, nous fragiliserions l'AMM. Alors que toute la pratique française va à l'inverse, nous laisserions penser qu'on la délivre sans avoir pris toutes les précautions. (Applaudissements à droite)
M. François Autain. - C'est malheureusement le cas !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Excellente mise au point.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
M. le président. - Les autres dispositions ne faisaient pas l'objet de cette deuxième lecture.
Interventions sur l'ensemble
Mme Catherine Procaccia. - Ce texte constitue une étape nouvelle dans le renforcement de la sécurité sanitaire et nous permet de nous mettre en conformité avec la législation européenne, qui tend, sur ce sujet, à l'harmonisation entre les États membres.
La commission des affaires sociales, sous l'égide de notre excellent rapporteur et de son président l'a examiné de près à plusieurs reprises ; son examen a donc pu être rapide. Le groupe UMP, qui en approuve les objectifs, votera en faveur de son adoption.
Je profite de l'occasion pour vous rappeler, madame la ministre, les préoccupations que nous avions exprimées, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur le reconditionnement des médicaments. (Applaudissements à droite)
M. François Autain. - J'ai eu aujourd'hui le sentiment d'un débat verrouillé. Nos amendements n'avaient pourtant pour seul objectif que de sécuriser le dispositif en rendant l'article 8 applicable. Nous nous abstiendrons donc.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Fourcade, pour déplorer la prolifération des structures, mais je n'adhère pas à la deuxième partie de votre argumentation. Si l'on délivre aujourd'hui de plus en plus facilement l'AMM...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'est faux !
M. François Autain. - ... c'est parce que l'on s'en remet à des études postérieures, qui la plupart du temps ne sont même pas réalisées !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Faux !
M. François Autain. - D'où la nécessité, nous semblait-il, de fixer une date butoir et des sanctions, en prenant en compte les trois commanditaires possibles. Je regrette donc que les études commandées par l'Afssaps ne figurent pas à l'article 8.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je m'inscris en faux contre l'idée que les études demandées après l'AMM seraient un complément de celles demandées avant. En amont, les études -mathématiques, animales, ou sur échantillons humains- durent au moins une dizaine d'années. Après, il s'agit seulement de suivi : l'industriel rend compte notamment de l'utilisation, ou d'éventuels effets secondaires, à l'autorité de contrôle sanitaire. M. Fourcade a eu raison de dire que si nous rentrions dans votre logique, le système serait fragilisé.
M. François Autain. - Il l'est déjà !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous étiez d'accord pour voter le texte et, à présent que nous apportons une garantie supplémentaire, vous vous abstenez : faites preuve d'un peu plus de cohérence !
M. André Lardeux. - Je ne reviens pas sur mes réserves à l'égard de l'article 6. Mais Mme Hermange et moi-même tenons à répéter, même si elles ne sont plus en discussion, que les dispositions relatives aux produits d'origine humaine heurtent nos convictions. Nous n'avons pas voté le projet en première lecture pour cette raison. Et je me demande si la rédaction n'est pas en contradiction avec la loi bioéthique.
M. Jean-Pierre Michel. - En première lecture, le groupe socialiste s'était abstenu pour les raisons indiquées par M. Lardeux. On ne saurait procéder par ordonnance dans des domaines qui touchent le don d'organes et la matière humaine. Nous nous réjouissons que l'article 8 ait été réintroduit dans le projet. Hélas, les amendements de M. Autain n'ont pas été adoptés, le Gouvernement cherchant un vote conforme, alors qu'ils reprenaient les recommandations de la mission sur le médicament que présidait M. Barbier.
M. François Autain. - Il a perdu la mémoire !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le projet de loi ne porte pas atteinte aux décisions des États membres en ce qui concerne les cellules embryonnaires ! Le texte européen se limite à établir des normes de qualité et de sécurité pour les tissus et les cellules humains destinés à des applications humaines. Les cellules embryonnaires ne sont pas exclues du champ de la directive, mais les décisions particulières des États membres sont respectées.
Dans notre droit, les cellules embryonnaires ne sont pas soumises à toutes les dispositions de la loi bioéthiques concernant les tissus et cellules, uniquement à celles qui régissent leur préparation, leur conservation et leur utilisation. Reportez-vous au chapitre III du code de la santé. Quant à la recherche sur les cellules embryonnaires, elle est abordée dans un chapitre distinct du code.
J'y insiste, l'ordonnance du 26 avril 2007 ne remet nullement en cause la position du législateur français sur les cellules embryonnaires. Elle garantit en revanche un niveau élevé de qualité et de sécurité des tissus et cellules humains. Les développements concernant l'importation et l'exportation ne visent pas les cellules embryonnaires.
Le législateur français en débattra, lui, lors de la révision de la loi bioéthique, dans quelques mois. En revanche, il y a urgence à ratifier, trop de retard ayant été pris dans la transposition de la directive.
Le projet de loi est adopté.