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Table des matières



Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)

Immigration, asile et intégration

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Article 33

Article 45

Article additionnel

Outre-Mer

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Article 33

Article additionel

Commissions (Candidatures)

Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)

Défense

Orateurs inscrits

Commissions (Nominations)

Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)

Défense (Suite)

Orateurs inscrits (Suite)

Examen des crédits

Article 33

Articles additionnels




SÉANCE

du lundi 3 décembre 2007

34e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Immigration, asile et intégration

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Orateurs inscrits

M. André Ferrand, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Cette nouvelle mission, dont nous examinons les crédits ce matin, correspond à la traduction budgétaire de la création du ministère de l'immigration.

Pour la commission des finances, ce ministère devra être celui de la réforme administrative. La coordination des administrations chargées de l'immigration et de l'intégration est une nécessité. Dans un rapport de novembre 2004, la Cour des comptes dénonçait « l'absence de pilotage » en ce « domaine sensible », laquelle « n'a pas été étrangère à l'incapacité à définir une politique claire de l'immigration ». Votre ministère aura la tâche difficile de faire travailler ensemble des administrations aux traditions parfois antagonistes.

En tant que ministre de la modernisation, il vous faudra renforcer la tutelle financière sur les opérateurs de cette mission afin d'améliorer leur gestion.

La question de la répartition des tâches entre l'Agence nationale pour l'accueil des étrangers et des migrations, l'Anaem, et l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSE, et des objectifs qui leur sont assignés devra être tranchée. Ainsi, en matière de formation linguistique, les deux agences ont affaire au même public bien que l'Anaem soit en théorie chargée des primo-arrivants, et l'ACSE des personnes présentes sur le sol français depuis plus d'un an. Au reste, les opérateurs gagneraient à se professionnaliser. Enfin, leur gestion n'est pas conforme aux prescriptions de la Lolf. Pour exemple, l'Anaem ne dispose pas de comptabilité d'engagement, ce qui empêche de savoir si ses ressources sont conformes à ses besoins. Cette anomalie doit être corrigée. Je vous proposerai un amendement visant à réduire le fonds de roulement de cet organisme qui représente 62 millions sur 134 millions de budget en 2007.

La Cour nationale du droit d'asile devra être réformée, les délais d'examen des recours étant actuellement trop longs. Une réduction du nombre de formations de jugement -elles sont 130 !-, et une professionnalisation des présidents de ces formations sont incontournables.

Ministre de la maîtrise de l'immigration, vous êtes aussi chargé d'attirer les talents sur notre territoire. Pour atteindre l'objectif de 50 % d'immigration économique fixé par la lettre de mission du Président de la République, il faudra construire une administration de l'immigration économique performante et accueillante. Pour mesurer vos résultats, des objectifs et indicateurs de performance devront être présentés au Parlement dans le prochain budget. Au-delà du taux de migrants économiques, je propose de créer des indicateurs de simplification administrative et des indicateurs plus qualitatifs sur la base d'enquêtes relatives à l'accueil dans les services des visas et des préfectures.

Enfin, monsieur le ministre, vous êtes le ministre de l'intégration, autre pilier de la politique de l'immigration. Sur ce point, la quasi-totalité des actions est déléguée à l'ACSE, pour un peu plus de 100 millions, qui financent plus de 4 800 associations. Or le Parlement ne peut juger des actions entreprises en l'absence d'indicateurs. L'ACSE, consciente de ce besoin d'évaluation, a commandé des audits sur les principales associations qu'elle finance en 2006. Ces dernières, en sus d'un certain essoufflement de leur vie associative, peinent à concentrer leurs actions sur la lutte contre les discriminations. Cette situation devra être améliorée.

Sous le bénéfice de ces remarques et des trois amendements que je vous présenterai, je vous propose d'adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Le programme « garantie de l'exercice du droit d'asile » comprend les crédits dévolus à l'office pour les réfugiés et les apatrides, l'Ofpra, à la commission de recours des réfugiés, qui étaient auparavant sous la tutelle de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France du ministère des affaires étrangères. L'Ofpra, dont le fonctionnement s'est amélioré ces dernières années grâce à un renforcement notable de ses moyens humains, a toujours fonctionné comme un service à part. Ses personnels sont davantage des spécialistes des pays d'origine des réfugiés que des diplomates. Pour les membres des corps du ministère, la tutelle est maintenue ; une convention de délégation de gestion permettra leur rémunération.

Le délai d'un mois pour faire appel d'une décision de l'Ofpra n'a pas été modifié par la loi sur l'immigration du 20 novembre. La subvention attribuée à l'office, qui a doublé depuis la loi sur l'asile de 2003, est de 43 millions dans ce budget et 370 équivalents temps plein travaillé lui sont affectés, dont 137 sont transférés du ministère des affaires étrangères. L'augmentation des moyens, conjuguée à une baisse des demandes d'asile -elles sont passées de 57 700 à 26 300 de 2004 à 2006 pour les personnes majeures-, a permis de réduire la durée d'instruction des dossiers d'une vingtaine de jours de 2004 à 2007 ainsi que le stock des dossiers en instance pour s'établir à deux mois d'activité en 2006. Le nombre de demandes de réexamen par la commission de recours des réfugiés a été également réduit de 31 % entre 2003 et 2006. Cependant, on peut s'interroger sur le caractère durable de cette amélioration avec l'augmentation des demandes émanant de ressortissants bangladais, chinois ou serbes début 2007 et la pression exercée par les populations des pays de l'Est non membres de l'Union et des pays les plus troublés des Balkans.

Le Haut commissariat pour les réfugiés estime à 660 400 le nombre des demandeurs d'asile dans le monde en 2005, dont la moitié en Europe. Si le flux est aujourd'hui stabilisé en France, autour de 26 000 demandes, le nombre de recours devant être traités dans le délai d'un mois ne cesse en revanche d'augmenter, traduisant le rôle positif d'information que jouent les associations. Mais fonctionnellement, la charge de travail de la Commission de recours des réfugiés s'en trouve alourdie et la durée de séjour sur notre territoire de personnes dont le sort reste incertain inutilement allongée. Il serait souhaitable que le ministre de l'immigration veille au bon fonctionnement tant de l'Ofpra que de la Commission des recours et augmente, si nécessaire, leurs moyens.

Sous ces réserves, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements à droite et au centre)

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Après avoir longtemps balancé entre le mythe de « l'immigration zéro » et une certaine résignation à subir les bouleversements de notre monde, notre pays, depuis 2003, se dote progressivement d'une politique migratoire.

Si du chemin reste à parcourir pour passer d'une politique de maîtrise des flux à une politique visant, dans un espace européen ouvert, à leur pilotage, la création d'un ministère unique, qui réunit enfin l'ensemble des administrations concernées, autrefois éclatées entre différents ministères, marque une étape importante.

La création de la mission « Immigration, asile et intégration », traduction budgétaire de cette réforme fondamentale, est aussi cohérente avec l'approche globale développée par l'Union européenne.

J'insiste sur la nécessité, monsieur le ministre, de disposer, ainsi que le préconisait déjà la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine, d'éléments statistiques sérieux et sur celle de poursuivre dans la voie de la promotion de l'immigration professionnelle. Comment s'organisera à l'étranger la promotion de nos besoins de main-d'oeuvre : sont-ce nos consulats, nos missions économiques ou encore l'Anaem qui en auront la charge ? Disposez-vous d'un premier bilan des besoins de main-d'oeuvre qui ont pu être satisfait grâce à l'ouverture de certains métiers aux ressortissants des nouveaux États membres de l'Union européenne ?

La mission « Immigration, asile et intégration », équilibrée et cohérente, ne couvre cependant pas l'ensemble de vos compétences. Les services déconcentrés comme les services des visas, ceux des étrangers dans les préfectures ainsi que la police aux frontières n'y figurent pas, alors même que vous avez autorité conjointe sur certains. La réhabilitation d'une vision positive de la politique de l'immigration, trop longtemps cantonnée à des tâches de maîtrise des flux et de gestion des demandes, passe par une rénovation administrative. Il y faudra du temps et du doigté, mais je ne doute pas de votre détermination.

Dans les crédits relatifs à l'exercice du droit d'asile, qui représentent les trois quarts des crédits du programme « immigration et asile », ceux qui sont alloués à l'Ofpra devraient diminuer de 5 % afin de tenir compte de la très forte baisse des premières demandes d'asile depuis trois ans. Cette baisse reste modérée, et il ne serait pas de bonne méthode de réduire trop brutalement les moyens de l'Ofpra, car les fluctuations imprévisibles de la demande risquent de grossir, comme en 2002, le stock des affaires en cours au prix d'un allongement de la durée des procédures et donc des frais d'hébergement et de prise en charge des demandeurs.

Pour assurer l'autonomie de la Cour nationale du droit d'asile, anciennement dénommée Commission des recours des réfugiés, vous avez pris l'engagement, monsieur le ministre, de consacrer son autonomie budgétaire dès 2009 en distinguant son budget de celui de l'Ofpra. Cette réforme doit s'accompagner d'une réflexion plus globale sur le fonctionnement de la Cour.

Je salue le succès du nouveau contrat d'accueil et d'intégration. Ayant assisté à une journée d'accueil de primo-arrivants sur la plate-forme de l'Anaem à Paris, j'ai pu constater que les signataires apprécient le déroulement de cette journée, qui permet de poser les jalons de leur intégration. Ce succès, il faut le conforter. Certains prestataires, notamment des cours de langue, ne seraient pas toujours aussi performants qu'ils le devraient. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, où en est la démarche d'évaluation et si des mesures ont été prises pour remédier au problème ?

L'année 2008 sera une année européenne. Le Président de la République a fait de l'immigration une priorité de la présidence française. L'organisation d'une nouvelle conférence euro-africaine permettra à la France de mettre en avant l'expérience de ses accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires. Il serait souhaitable, monsieur le ministre, que la représentation nationale soit tenue informée des avancées sur le projet de pacte européen des migrations.

Quelques mots de la situation des mineurs étrangers isolés en France, sur lesquels je me suis plus particulièrement penché dans mon rapport. Les conditions matérielles et juridiques de leur arrivée à Roissy se sont, depuis quelques années, sensiblement améliorées. Mais la prise en charge des quelque 5 000 mineurs isolés se trouvant sur le territoire français reste inégale, la diversité des profils expliquant pour partie ce constat. Je tiens toutefois à saluer le travail effectué par le lieu d'accueil et d'orientation (LAO) de Taverny, géré par la Croix-Rouge. La plupart des mineurs qui y passent parviennent, à leur majorité, à être régularisés en raison de leur bonne insertion. Autre piste à explorer : le développement de partenariats avec des entreprises françaises intervenant dans les pays d'origine de ces mineurs ou jeunes majeurs, notamment dans le BTP. Elles pourraient soutenir la formation de ces jeunes en vue de leur embauche dans le pays d'origine, tandis que leur retour, à leur majorité, serait contractualisé et s'inscrirait dans un projet de réinsertion.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vont invite à adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Tasca.  - Si depuis l'entrée en vigueur de la Lolf, l'architecture des missions qui composent le budget de l'État a subi un certain nombre d'ajustements, la création d'une mission nouvelle relevant d'un ministère nouveau est inédite. L'ensemble des crédits concourant aux politiques d'immigration, d'asile et d'intégration relevaient jusqu'alors des missions « Solidarité et intégration », « Sécurité » ou « Action extérieure de l'État », et dépendaient de quatre ministères. L'examen du budget du nouveau ministère n'est donc pas aisé, faute de nomenclature de référence.

Je regrette que l'asile, qui relève du droit international et est protégé par la Convention de Genève de 1951, ne soit plus qu'une composante des crédits consacrés à l'immigration et un instrument de régulation des flux. Les crédits de l'action 2, relative à la garantie de l'exercice du droit d'asile, diminuent de 4,1 % en autorisations d'engagement et 3,7 % en crédits de paiement. Certes, l'Ofpra est parvenu à résorber une grande part du stock des demandes, mais les délais de traitement restent plus proche des cent jours que des soixante, objectif pourtant fixé par la loi de finances pour 2007.

À une diminution des crédits tenant compte de la baisse constatée des demandes d'asile s'ajoute une réduction supplémentaire de 10 % bien imprudente alors que la multiplication des conflits régionaux, en République du Congo, au Liban, en Tchétchénie, et la guerre en Irak risquent de provoquer un afflux massif de réfugiés.

La France, au titre de ses obligations liées à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et au Protocole de New-York du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés, doit assurer la prise en charge sociale des personnes qui demandent à accéder à ce statut, tout au long de l'instruction de leur dossier par l'Ofpra et la Commission de recours des réfugiés, en assurant leur hébergement en centre d'accueil pour demandeurs d'asile ou, à défaut de places disponibles, par le versement d'une allocation temporaire d'attente. Alors que le budget 2007 prévoyait la création de 1 000 places, aucune création n'est prévue cette année, fait regrettable quand on sait qu'un demandeur d'asile hébergé en centre d'accueil a quatre fois plus de chances qu'un autre d'obtenir le statut de réfugié. Et il n'est toujours pas prévu de création à Paris, ville qui compte pourtant le plus grand nombre de réfugiés !

Nous déplorons aussi l'absence d'efforts réels en faveur de l'intégration. Le Président de la République, au cours de son allocution télévisée de jeudi dernier, s'exprimant à propos des violences à Villiers-le-Bel, faisait du défaut d'intégration l'une des causes du malaise social des banlieues.

Notre cohésion nationale dépend davantage des efforts d'intégration que de la promotion de ce qui serait notre identité nationale. Qu'en est-il de l'intégration dans votre budget, monsieur le ministre ?

La mission « accueil des étrangers et intégration » échoit pour l'essentiel à l'Anaem dont la subvention baisse de 10 %. Ce budget devrait lui permettre d'assurer l'accueil des étrangers et les formations prévus dans le cadre de l'actuel contrat d'accueil et d'intégration, l'évaluation, dans le pays d'origine, de la connaissance de la langue française et des valeurs de la République et, enfin, la formation gratuite de 140 heures des étrangers ne connaissant pas suffisamment le français ni ses valeurs et la formation aux droits et devoirs parentaux induite par l'entrée en vigueur du contrat d'accueil et d'intégration familiale. Or actuellement il faut attendre des semaines et des mois pour trouver une place auprès des associations qui initient à la langue française : l'Anaem est insuffisamment dotée. L'augmentation de la taxe sur les attestations d'accueil payée par les étrangers, qui passe de 30 à 45 euros, ne compense pas la baisse de sa subvention concomitante à l'augmentation de ses missions induite par la dernière loi sur l'immigration. Ces moyens en diminution traduisent-ils l'approche purement comptable de l'immigration que votre Gouvernement, ainsi que la Commission européenne, veulent désormais privilégier en instaurant des quotas selon le métier et la nationalité ? Je refuse une telle politique de l'immigration sélective : il faut prendre en compte les besoins d'intégration, d'emploi et de cohésion sociale. J'espère que la Charte européenne de l'immigration que vous proposez de créer lors de la présidence française ira dans ce sens.

Les crédits accordés à la police des étrangers sont conséquents, mais je crains qu'ils ne soient davantage consacrés à la traque des étrangers et à la reconduite à la frontière qu'à l'amélioration des conditions d'accueil des centres de rétention administrative. Comme la Cimade, je suis indignée par les effets dévastateurs de la multiplication du nombre de personnes mises en rétention. La logique du chiffre que vous mettez en oeuvre confine à l'absurde et provoque chaque jour des drames humains.

Je regrette enfin que les contrats de partenariat avec les pays d'origine visent essentiellement à freiner les flux d'immigration et non à éradiquer la misère des pays d'origine. J'espère que vous nous préciserez le contenu des récents accords signés, notamment avec le Bénin.

Objectifs chiffrés de reconduite à la frontière, insuffisance de la coopération avec les pays d'origine, rupture avec la tradition du droit d'asile de la France, restriction des crédits et, surtout, absence de politique réelle de l'intégration, c'est toute votre politique de l'immigration qui est à revoir. Le groupe socialiste votera contre votre projet de budget.

M. Christian Cambon.  - Votre ministère de plein exercice, inédit dans l'histoire de la Ve République, illustre une ambition que le ministre d'État Nicolas Sarkozy avait appelée de ses voeux et que, Président de la République, il a réalisée. Son intitulé révèle la cohérence de la nouvelle politique.

L'immigration, l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens depuis plus de vingt-cinq ans, a acquis une dimension européenne et internationale. Votre mission, monsieur le Ministre, est de construire une nouvelle politique d'immigration en France qui soit cohérente et équilibrée entre la fermeté à l'égard des immigrés qui ne respectent pas les lois de la République et la protection de ceux qui partagent nos règles et nos valeurs. On ne peut plus traiter de l'immigration sans y associer les questions d'intégration, d'identité nationale et de codéveloppement.

Pour remplir cette mission, encore fallait-il des ressources financières et humaines. Il était temps que la France, à l'image de nombreuses démocraties occidentales, se dote d'une structure de coordination pour rationaliser sa politique d'immigration. Vous avez obtenu les moyens nécessaires. Avec un budget propre et une véritable administration centrale, vous aurez à mener à bien trois objectifs : maîtriser et rééquilibrer les flux migratoires de telle sorte qu'en 2012, 50 % d'entre eux soient d'ordre économique ; intégrer les immigrés légaux ; imposer le codéveloppement comme une nouvelle forme d'aide publique au développement.

Les crédits inscrits, à la hauteur des enjeux, permettront la nécessaire maîtrise des flux et l'harmonieuse coexistence entre nos concitoyens. Refusant la solution de facilité consistant à exiger toujours plus de crédits, vous avez élaboré un projet de budget ambitieux, en misant sur des gains de productivité là où cela semble possible.

Le codéveloppement, est la seule solution pour maîtriser, à long terme, les flux migratoires. Je me félicite de la création du programme « codéveloppement » qui marque, comme la mission « Immigration, asile et intégration » un tournant. Ce programme prévoit certaines actions significatives en direction des pays d'origine et, surtout, la signature d'accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement, qui doivent servir nos intérêts autant que ceux de ces pays par l'appui aux projets portés par les diasporas. La migration clandestine vers le Nord se nourrit des déséquilibres du Sud : plus d'un tiers des 900 millions d'Africains vit avec moins d'un euro par jour et la moitié de la population de ce continent a moins de 20 ans. Ce continent représente 65 % des flux réguliers vers la France à des fins de séjour permanent. L'un des enjeux des années à venir est donc de redonner confiance à la jeunesse d'Afrique pour qu'elle comprenne qu'il existe un avenir en dehors de l'émigration. L'objectif est de permettre aux ressortissants des pays d'émigration de mieux vivre chez eux, plutôt que de survivre ailleurs.

La lutte contre l'immigration clandestine est un préalable sur le plan de la dignité humaine ; il est inadmissible que des étrangers, dans un dénuement extrême, soient exploités par des esclavagistes des temps modernes. L'immigration clandestine menace aussi notre cohésion sociale, car elle diffuse dans notre pays un rejet global de l'étranger, source de xénophobie et de racisme.

L'immigration préoccupe également les États de l'Union Européenne, tous affectés par les flux migratoires. Pour la première fois, les députés européens se sont prononcés pour l'harmonisation des procédures de gestion du retour des réfugiés illégaux. A la conférence sur l'immigration légale, à Lisbonne en septembre dernier, le Premier ministre portugais a expliqué que l'Union se trouvait face à « l'immense défi d'une politique visant à faire de l'immigration un processus gagnant pour tous : pour les pays d'accueil, mais aussi pour les pays d'origine et, naturellement, pour les immigrants eux-mêmes ».

Pendant la présidence française, le Gouvernement organisera trois grandes manifestations : la conférence dite Rabat II, une conférence sur l'intégration et une autre sur l'élaboration d'un régime européen d'asile. Parmi vos priorités, vous avez souhaité renforcer les moyens de l'agence Frontex, à laquelle de nombreux partenaires européens reprochent la faiblesse de ses actions concrètes ; ébaucher un régime européen d'asile ; conclure un pacte européen sur l'immigration, qui pourrait notamment affirmer le refus des régularisations massives ; approuver des accords de réadmission et mettre en avant le codéveloppement. Nous nous félicitons de l'annonce par le Président de la République à Rabat de la tenue, dans le cadre de la présidence française, d'une conférence euro-africaine tendant à définir une gestion concertée des flux migratoires entre les deux rives de la Méditerranée.

De même, nous nous félicitons de vos récentes démarches en Afrique et de l'augmentation des enveloppes destinées à la poursuite des accords de partenariat. Combien de ces accords de gestion concertée des flux migratoires ont-ils été signés depuis 2007 ? Combien avez-vous l'intention d'en signer en 2008 ? En quoi consistent-ils et comment choisissez-vous les pays ? Qu'en est-il du volet « réadmission et codéveloppement » ? Je pense notamment à celui que vous venez de signer avec le Congo et, tout récemment, avec le Bénin. Enfin, quelles sont les sanctions en cas de non respect d'un accord ?

Le candidat Nicolas Sarkozy a au le courage d'affronter le problème, faisant des propositions concrètes parmi lesquelles la création de votre ministère. Que de cris d'orfraie n'a-t-on pas entendus de la part de ces bonnes consciences de tout poil qui n'avaient rien fait quand elles étaient aux affaires ?

La majorité du pays quant à elle était en phase avec vos propositions fermes mais équilibrées. Vous avez accepté avec courage, avec panache même, ce ministère difficile. Vous nous présentez un bon budget. Le groupe UMP le votera avec détermination.

Mme Éliane Assassi.  - Contrairement à M. Cambon et au ministre, je n'arrive pas à me réjouir de ce nouveau ministère, inédit sous la Vè République ! Votre politique est centrée sur une traque systématique, que les termes « codéveloppement », « intégration » ou « accès à la nationalité française » ne sauraient faire oublier. Le programme « asile et immigration » vient parachever au plan budgétaire le rattachement de l'asile au ministère de l'immigration alors qu'il relevait auparavant des affaires étrangères. Vous entendez gérer le droit d'asile -la protection offerte à des personnes persécutées- comme on gère les flux migratoires. Et vous n'hésitez pas à tabler sur une diminution de 10 % des demandes d'asile afin de réaliser de substantielles économies. Le budget de l'Ofpra passe de 45,5 millions d'euros à 43 millions. Les sommes dédiées à l'allocation temporaire d'attente sont en baisse, la durée moyenne prévue d'une procédure d'asile aussi. Auriez-vous des informations que nous n'aurions pas sur la situation dans le monde ? Y aura-t-il moins de famines, moins de guerres, moins de pauvreté ? Ou comptez-vous plutôt sur vos réformes successives qui toutes tendent à restreindre l'accès au droit d'asile ? Acteurs de protection, asile interne, liste des pays d'origine sûrs, protection subsidiaire, etc. : autant de moyens de faire des économies sur le dos des gens les plus vulnérables du monde. Mais que se passera-t-il si votre prévision ne se confirmait pas comme le craignent les rapporteurs de l'Assemblée nationale ? Les priorités que vous avez retenues pour la présidence française de l'Union européenne nous inquiètent : l'objectif de votre régime européen de l'asile sera certainement, sous couvert d'harmonisation, de restreindre les délais et voies de recours ; le pacte européen sur l'immigration interdira les régularisations massives, entérinera les accords de réadmission...

Les reconduites à la frontière via les centres de rétention sont de véritables machines à expulser du territoire. En la matière, vous quantifiez les objectifs : 26 000 en 2008, 28 000 en 2010. Sur quels critères et quel article de loi fondez-vous ces objectifs ? Inhumains, ils sont également impossibles à atteindre et ne servent qu'à manipuler l'opinion publique en faisant croire que « le Gouvernement agit ». Du reste, ils ont déjà été revus à la baisse. L'an dernier, le niveau de 28 000 était annoncé pour la fin 2008. C'est l'aveu d'un pur effet d'affichage, sans efficacité.

Un autre chiffre est moins souvent mis en avant : le taux de mise en oeuvre effective des mesures d'éloignement. Il ne dépasse jamais 30 % -2006 étant une année record avec 29,5 %. Au premier semestre 2007, ce taux était inférieur à 20 %. Pour expulser 25 000 personnes, il faut donc en interpeller trois à cinq fois plus parce que plus de 70 % des mesures d'éloignement ne sont pas mises en oeuvre  -annulation de la procédure par le juge, non délivrance de laissez-passer consulaire, manque de places en centre de rétention administrative. Pour faire du chiffre à tout prix, il faut multiplier les contrôles au faciès, rechercher des auxiliaires de police parmi les agents de l'Urssaf, des Caisses d'allocations familiales, de l'Unedic, de l'ANPE, de l'inspection du travail, etc. pour traquer les étrangers. Au point que les défenestrations parfois mortelles se multiplient lors des contrôles de police... On place en rétention administrative ou en zone d'attente des personnes qui n'ont rien à y faire : je pense à ce couple et à son bébé de trois semaines qui ont failli être expulsés avant même d'obtenir réponse à leur demande d'asile, ou à cette jeune femme qui, malgré son passeport français, a été placée en zone d'attente pendant onze heures à Orly. Les arrestations pour délit de solidarité ou d'entrave à la circulation d'un aéronef se généralisent : c'est une criminalisation de l'action militante ! Ces personnes ne sont ni des passeurs, ni des employeurs sans scrupule, ni des marchands de sommeil.

Quant au coût moyen d'une reconduite, de 1 800 euros dans les documents budgétaires, il est très en deçà de la réalité ; vous avez indiqué, à la télévision, un coût de 13 000 euros...

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.  - Chez les Britanniques, pas chez nous.

Mme Éliane Assassi. - J'ai regardé à nouveau cette émission pour m'en assurer : vous y parlez bien du coût de nos procédures. Auparavant, vous réussissiez à atteindre les objectifs assignés grâce aux Roumains et aux Bulgares. Mais depuis janvier dernier, ils font partie de l'Europe... On voit bien là les limites de votre politique d'immigration.

Vous avez annoncé une réforme de la Constitution afin de fixer des plafonds annuels d'immigration selon les motifs d'installation et les régions d'origine. N'avez-vous pas l'impression de revenir à une politique aux relents colonialistes ? (M. de Rohan s'exclame) Vous projetez d'uniformiser le contentieux de l'entrée, du séjour et de l'éloignement des étrangers au profit d'un seul ordre juridictionnel. Vous souhaitez que l'État soit systématiquement représenté lors des audiences devant le juge des libertés et de la détention, afin d'éviter que les décisions d'annulation n'empêchent un tiers des expulsions... Le décalage est total entre les effets d'annonce et la réalité. Ce projet de budget entièrement idéologique utilise l'argent public à des fins purement répressives, pour mettre en oeuvre une politique aux principes contestables et aux résultats inefficaces. Le groupe CRC votera contre ce budget. (Applaudissements à gauche)

M. Georges Othily.  - Une mutation de nos politiques d'accueil et d'immigration est à l'oeuvre. L'immigration zéro n'existe pas et je loue les trois axes désormais promus : immigration choisie et concertée, politique d'intégration, amélioration des conditions du droit d'asile.

Le groupe RDSE soutient ce programme d'action dès lors qu'il s'agit bien d'une politique combinée et non exclusive. Nos concitoyens surestiment généralement la présence des immigrés sur notre territoire, qu'ils évaluent autour de 30 % quand le chiffre réel est de 10 %. L'idée d'une « intrusion massive » ne correspond pas à la réalité. Il faudrait plutôt parler d'« infusion durable ». Gardons-nous cependant de tout angélisme : il y bien eu un apport générationnel, continu, qui a largement modifié la composition de la société française et pose d'innombrables problèmes d'insertion économiques et sociale, sans oublier les tensions causées par la concentration géographique.

Notre politique migratoire a entamé une nouvelle phase avec les lois de novembre 2003 et de juillet 2006, poursuivie avec le récent texte sur la maîtrise de l'immigration, l'intégration et l'asile. Le véritable défi concerne la gestion -notamment territoriale- des flux migratoires, non leur ampleur. Si la population active, dans nos démocraties, a déjà entamé son déclin du fait du départ à la retraite des baby-boomers, le niveau de la demande de biens et de services ne va pas baisser. Et tout ne pourra pas venir des gains de productivité, de la remise au travail de nombre de nos concitoyens qui se maintiennent volontairement en marge du marché du travail, sans parler de la délocalisation des productions. Il faudra recourir à une politique migratoire sélective ; cependant, l'action publique sur le marché est contrecarrée par la logique des droits comme celui au regroupement familial : la sélectivité qualitative ne peut pallier totalement les flux quantitatifs. Il n'en reste pas moins que la gestion concertée est incontournable, notamment pour faire face à l'attrait anglo-saxon sur de nombreuses catégories de professionnels.

Mais dans tous les cas, la pression migratoire des personnes les moins qualifiées va se poursuivre. Il faut prendre la mesure de cette tendance lourde.

La République est une et indivisible ; mais les zones géographiques de métropole et d'outre-mer ont chacune des spécificités territoriales, démographiques, socio-économiques différentes. En métropole, ce sont les effets du brassage des phases successives d'immigration qui sont source de tensions ; certains territoires d'outre-mer doivent, eux, subir les effets directs d'une immigration totalement dérogatoire au modèle habituel. La Guyane est devenue en quelques années un eldorado pour des dizaines de milliers de Brésiliens ou Surinamiens, désoeuvrés ou exploités, attirés par les sites aurifères clandestins ou la possibilité d'accéder à nos droits sociaux. Elle est le département d'outre-mer où l'immigration est la plus forte : on y compte 20 000 clandestins et 30 % de la population y est d'origine étrangère.

Le droit français de la nationalité, s'il est mixte, privilégie le droit du sol. En septembre 2005, M. Baroin, alors en charge de l'outre-mer, se référant à la situation à Mayotte, avait évoqué publiquement la nécessité d'une dérogation au droit commun. Qu'en est-il, monsieur le ministre ? L'article 73 de la Constitution, révisé en mars 2003, a ouvert l'expérimentation législative aux départements, mais en a exclu le droit de la nationalité. Comment certains territoires peuvent-ils peser sur les flux migratoires attirés par les garanties offertes par la nationalité française ?

Je veux enfin attirer votre attention sur l'esclavage moderne que subissent les Haïtiens en République dominicaine, chassés de leur pays par la crise économique et l'instabilité politique. Certains risquent leur vie dans le Golfe du Mexique ou la mer des Caraïbes pour rejoindre des rivages plus hospitaliers. Lorsque la coupe de la canne à sucre sera mécanisée en Républlique dominicaine, les Haïtiens seront tentés par d'autres zones des Caraïbes ; Guadeloupe, Martinique et Guyane seront alors en première ligne, avec des risques de réactions xénophobes.

Votre tâche n'est pas simple, monsieur le ministre, qui exige tout à la fois intelligence, humanisme et fermeté. Si des voix s'élèvent pour contester votre action, d'autres, plus nombreuses, en métropole comme outre-mer, vous soutiennent. Nous entendons, comme vous, préserver l'essentiel : l'homme. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Dominati.  - L'aridité des chiffres peut cacher la réalité. L'immigration passionne les Français, parfois il est vrai de façon exagérée. La création de votre ministère et celle en janvier prochain d'une nouvelle administration sont les étapes supplémentaires de la politique équilibrée initiée depuis 2005, dont l'intégration est la clé de voûte et la condition de la réussite. On n'avait rien fait dans ce domaine pendant des années. Désormais une ligne claire est définie, fondée sur le logement, l'emploi et l'acquisition de la langue française.

L'article 2 de la loi de juillet 2006 a prévu la création d'une carte « compétence et talent » ; le décret de mars 2007 devait en définir les conditions d'attribution. Vous avez préféré mettre en place une commission ; où en sont ses travaux ? Quand les premières cartes seront-elles distribuées ?

Je vous confirme le large soutien du groupe UMP à la politique de rupture que vous avez engagée. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.  - Je me félicite que ce tout premier budget reçoive un assez large assentiment.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. - Très large !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - La mission comporte les programmes « codéveloppement », -que vous avez déjà adopté-, « intégration et accès à la nationalité française », doté de 195 millions d'euros, et « immigration et asile », doté de 414 millions.

M. Ferrand m'a invité à mobiliser mes services pour promouvoir l'immigration professionnelle ; il a souhaité une simplification des procédures et la mise en place d'indicateurs de résultat. Le sujet me tient à coeur. Je signerai avant la fin de l'année avec Mme Lagarde l'arrêté ouvrant cent cinquante métiers aux ressortissants des nouveaux États-membres de l'Union et trente aux ressortissants de pays tiers. Je confirme à Mme Tasca, qui s'interroge, que le Gouvernement et la Commission européenne sont sur la même ligne. Pendant des années, on a dit, à tort ou à raison, que la Commission était composée de technocrates déconnectés de la réalité ; ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui, ses titulaires ont pour la plupart exercé de hautes responsabilités ou des mandats électifs dans leurs pays d'origine, à l'instar du Commissaire en charge de ces questions, l'ancien ministre des affaires étrangères italien M. Frattini. Pour moi, cette convergence de vues est un atout.

Une nouvelle administration centrale sera créée le 1er janvier, au sein de laquelle figurera une mission pour la promotion de l'immigration professionnelle. C'est un signal fort. La deuxième étape sera la mise en place de quotas par métier et par pays, ce qui ne pose pas de problème pour l'immigration professionnelle mais se heurte, pour l'immigration familiale, à des problèmes juridiques dont j'ai confié l'étude à un groupe de travail ; ses conclusions me seront remises en avril.

J'indique à M. Ferrand que le Gouvernement s'en remettra à la sagesse sur son amendement relatif à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem). Il souhaitera en revanche le retrait de celui relatif à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE), qui nécessite un examen préalable avec ma collègue en charge de la ville.

Le Gouvernement approuve aussi l'amendement qui tend à créer un document de politique transversale concernant le secteur dont j'ai la responsabilité.

Monsieur Branger, je vous remercie pour l'avis favorable que vous avez exprimé au nom de la commission des affaires étrangères. J'insiste sur l'Ofpra et la réforme de la nouvelle Cour nationale du droit d'asile qui remplacera en 2009 la commission de recours des réfugiés. Cette réforme dotera la nouvelle cour de l'autonomie budgétaire. En outre, la professionnalisation accrue des magistrats devrait progressivement raccourcir les délais de jugement de treize mois et demi à neuf. J'attends beaucoup de la RGPP. Je serai très vigilant quant aux moyens dont sera doté l'Ofpra. Il est vrai que les subventions versées diminuent de 5 % cette année, mais je fais observer à Mme Tasca et à Mme Assassi que ce n'est pas incohérent avec la réduction des demandes constatée en octobre, soit 14,8 %.

Monsieur Buffet, vous avez exprimé l'avis favorable de la commission des lois et marqué votre intérêt pour l'immigration économique. Le 7 novembre, j'ai présidé le comité interministériel de contrôle de l'immigration, animé par M. Stefanini. Nous avons défini trois catégories. La première concerne les ressortissants de nouveaux États membres. Le principe même de ce nouveau flux nous échappe, mais nous maîtrisons le calendrier. La deuxième catégorie regroupe ceux que l'on dénomme couramment les pays tiers à l'Union. Enfin, j'ai voulu créer une troisième catégorie pour les pays externes à l'Union européenne mais avec lesquels nous entretenons des relations privilégiées. J'ai déjà cité l'exemple de l'Australie, qui a pris une mesure unilatérale envers le continent africain en décidant que plus aucun titre de séjour ne serait délivré à ses ressortissants jusqu'au 30 juin 2008. Il est vrai que le Premier ministre a été battu... Mais l'Australie n'a pas les mêmes liens historiques ni les mêmes devoirs que nous envers les pays africains.

Depuis le 1er mai 2006, les ressortissants des nouveaux États membres avaient accès à soixante-et-un métiers représentant 25 % du marché du travail. Nous en avons ajouté quatre-vingt-neuf, ce qui leur ouvre environ 40 % de ce marché.

J'espère avoir déjà répondu à vos interrogations en matière de droit d'asile.

Nous ferons le point après cette année sur le pilotage de la formation linguistique liée aux contrats d'accueil et d'intégration.

J'en viens au réseau administratif chargé de promouvoir l'immigration de travail. Dans le cadre de la RGPP, je souhaite que les consulats et surtout les missions économiques soient davantage mobilisés au contact des personnes qui souhaitent porter en France un projet de développement économique.

Vous m'avez également interrogé sur la place des politiques d'immigration en Europe. Elles seront au coeur de la présidence française. Il est déjà prévu que mon ministère participe à trois manifestations : la deuxième conférence ministérielle sur les migrations et le développement -ou suivi de la conférence de Rabat, les 20 et 21 octobre- ; la conférence sur l'intégration des 17 et 18 novembre ; la conférence européenne sur l'asile des 13 et 14 octobre. La conclusion d'un pacte européen de l'immigration donnera une vision claire aux pays d'origine. Nous devons impérativement obtenir un socle de règles communes pour la gestion des flux migratoires.

Ma deuxième priorité pendant la présidence française concernera les accords de partenariat avec les pays source d'immigration et les pays de transit.

Madame Tasca, je ne peux laisser dire que l'asile est sacrifié, car ce n'est pas la réalité. Dès le 1er janvier 2008, mon ministère comportera un service de l'asile qui regroupera toutes les administrations compétentes. Sans vouloir polémiquer, j'observe que cela n'avait jamais été fait. Sur le fond, c'est une bonne nouvelle. Je ne sais dans quel idiome m'exprimer pour vous rassurer, mais je répète qu'il n'y aura pas de confusion avec la direction de l'immigration. Vous avez redit pour la dix-septième fois que cette structure serait le bras armé de la politique de l'immigration ; je répète pour la cinquantième que les deux politiques sont totalement distinctes. Vous le constaterez dans un an, avec moi-même ou mon successeur.

Madame Assassi, nous ne créons pas de nouvelles places de Cada parce que les demandes d'asile ont diminué de 10 % en 2005, de 36 % en 2006 et de 13 à 14 % en 2007. Je vous trouve assez décontractée lorsque vous nous reprochez de ne pas continuer le plan, alors qu'entre 2002 et 2007 nous avons porté de 5 000 à 20 000 le nombre de places en Cada. Prévoir que les demandes baisseront de 10 % en 2008 semble raisonnable.

Le codéveloppement n'est pas une fiction : c'est un véritable espoir ! J'ai signé un accord hautement symbolique avec le Bénin. J'ai raconté jeudi l'histoire exemplaire du ministre de la santé de ce pays. Aux termes de l'accord signé, nous verserons chaque année, pendant trois ans, 5 millions d'euros, dont 3 en faveur de la santé. Ce pays de dix millions d'habitants répartis sur 116 000 kilomètres carrés compte un seul scanner ! C'est dire si les besoins sont pressants. Je souligne que notre action n'est pas limitée à la capitale : elle concerne aussi les hôpitaux du reste du pays. La presse béninoise relate que le ministre de la santé et le Président de la République, le Dr Thomas Boni Yayi, ont salué cet accord jugé « historique ». Nous souhaitons que cette formidable avancée de la solidarité soit suivie par de nombreux autres accords.

Je remercie M. Cambon pour son soutien encourageant et presque affectueux à la politique engagée. Les accords dont je viens de parler reposent sur un trépied. En premier vient l'organisation de l'immigration légale, en toute transparence. Elle facilite par exemple la délivrance de visas à certaines catégories de personnes. Avec le Congo et le Bénin, nous avons signé des accords quantitatifs, avec une clause de formation professionnelle. Vient ensuite l'organisation de la lutte contre l'immigration illégale, avec une réadmission dans leur pays d'origine des ressortissants en situation irrégulière. Enfin, le codéveloppement comporte des concours ciblés qui doivent directement répondre aux besoins.

Bien sûr, les accords de réadmission comportent une contrepartie. J'en ai parlé avec le Président de la République du Bénin, mais aussi avec le Président de la République du Mali. Ce pays de 1 250 000 kilomètres carrés compte 14 à 15 millions d'habitants, dont 45 000 à 50 000 vivent légalement en France, outre une importante quantité d'illégaux. Dès lors que la réadmission est organisée, nous délivrons les visas de circulation et dispensons de visas les porteurs de passeports diplomatiques ou de service. Ce n'est pas un sujet anecdotique, mais une question extrêmement sensible aux yeux des pays concernés, qui le voient comme une forme de la reconnaissance qui leur est due. S'ajoutent l'ouverture de notre marché du travail dans des conditions plus favorables que celles du droit commun et le codéveloppement.

Nous avons signé quatre accords en ce sens et espérons en ajouter bientôt six. Au demeurant, nous ne nous limitons pas à l'Afrique subsaharienne, même si elle est au coeur des préoccupations. Monsieur Othily, je partage votre souhait d'un accord avec Haïti, où vous pourriez m'accompagner. Cela signifie qu'il faudra également signer un accord avec le Brésil, qui a une frontière commune avec la Guyane. Je souhaite faire de même avec Madagascar. Il importe aussi de ne pas oublier les pays asiatiques, afin de définir ensemble une politique. J'ai représenté la France au cinquantième anniversaire de la création de l'État malaisien. À l'époque, seulement dix-huit pays avaient reconnu la Malaisie, ce qui nous donne une place particulière. J'en ai profité pour prendre contact avec des responsables de pays voisins.

Mme Assassi ne m'a pas déstabilisé, je m'attendais un peu à ce qu'elle ne vote pas mon budget (sourires) mais il est paradoxal de nous soupçonner des pires intentions au moment où nous mettons en place la Cour nationale du droit d'asile, juridiction indépendante qui examinera les recours contre les décisions de l'Ofpra.

Notre philosophie est simple et claire. Pour nous, un étranger en situation irrégulière a, sauf circonstances exceptionnelles, vocation à être raccompagné dans son pays d'origine. Lors du récent conseil des ministres européens au Portugal, le ministre italien des affaires sociales a demandé à me rencontrer. Pourquoi ce qui est bien aux yeux de ce responsable issu de l'ancien parti communiste italien, est-il mauvais aux yeux du parti communiste français ? (Approbations amusées à droite)

M. Jean-Guy Branger.  - Parce qu'ils sont conservateurs !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Je remercie M. Othily de son soutien. Je mesure son intérêt pour un accord avec le Brésil. Il faut tenir compte des spécificités et de la réalité des flux dans les Caraïbes. Tous les élus, y compris la nouvelle député, se rejoignent pour constater la réalité des chiffres. La question du droit de la nationalité est complexe et délicate -on se rappelle les déclarations de M. Baroin. Je ne la laisserai pas sans réponse mais elle mérite d'être abordée dans le calme et la sérénité.

Je remercie M. Dominati de ses encouragements. Nous n'avons pas de solution miracle pour la politique de l'intégration. Nous avançons avec pragmatisme et résolution. Un million d'immigrés vivent dans les ghettos urbains. Je proposerai aux bailleurs de mieux réguler leur contingent, ce qui suppose des discussions ; nous donnerons du sens et des repères aux étrangers qui vivent en France -c'est la loi de novembre dernier ; il s'agit aussi de permettre aux étrangers vivant en France ou aux Français issus de l'immigration de travailler, d'où le bilan de compétences. Le taux de chômage est de 8 % pour les Français et de 22 % pour les immigrés : on ne peut continuer comme cela.

Je suis sûr qu'avec ce budget et son identification, nous faisons progresser l'identité nationale et l'intégration (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je salue votre engagement, monsieur le ministre. Vous avez besoin de mobiliser tous les moyens dans cette mission. Or, ainsi que l'a remarqué M. Ferrand à propos du réseau Visa, ce n'est pas le cas des crédits informatiques. La réforme de l'Etat n'est pas un long fleuve tranquille et le Quai d'Orsay n'a pas joué le jeu. M. Gouteyron, rapporteur spécial, avait déposé un amendement les transférant à votre mission mais nous avons compris qu'il ne pourrait être adopté. Le ministère de l'intérieur, lui, avait joué le jeu pour les cartes de séjour. Peut-être regrettez-vous avec moi que le Quai d'Orsay ne l'ait pas fait.

Examen des crédits

Article 33

M. le président.  - Amendement n°II-16 rectifié, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes (en euros) :

 Intégration et accès à la nationalité française

AE Réduire de 500 000

CP Réduire de 500 000

M. André Ferrand, rapporteur spécial.  - Le ministre, que je remercie de son efficacité, a répondu par avance. L'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations doit respecter la Lolf et ses crédits être justifiés dès le premier euro.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Sagesse.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - L'Anaem a-t-elle vocation à encourager l'expatriation. A l'heure où l'on encourage les Français à travailler plus pour gagner plus en France, faut-il mobiliser trente-cinq équivalents temps plein pour encourager des candidats à l'expatriation ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - On ne peut débattre du rôle de l'Agence à propos d'un amendement. Sur la forme, j'ai proposé pour la présider une personnalité que vous connaissez, M. Philippe Bas, l'ancien ministre de la santé, qui est intéressé par ces sujets. (M. Gournac approuve) Sur le fond, comment organiser l'expatriation ? Dans la réflexion à mener, je rappelle que l'Agence a une responsabilité en matière de formation et qu'elle est présente dans d'autres pays.

Nous allons travailler avec nos partenaires allemands, notamment pour mettre à disposition les locaux de l'Anaem en Tunisie, contre un accueil dans des locaux allemands en Turquie.

L'examen plus large que vous appelez de vos voeux, sera possible dans le cadre de la revue générale des politiques publiques.

L'amendement n°II-16 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-17 rectifié, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Immigration et asile

AP : + 500 000

CP : +500 000

Intégration et accès à la nationalité française

AP : - 500 000

CP : -500 000

M. André Ferrand, rapporteur spécial.  - Conformément à la Lolf, nous souhaitons définir un plafond d'emplois pour l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE), au niveau strictement nécessaire à l'exercice de ses missions. La diminution que nous demandons, correspond à dix emplois équivalent temps plein. Nous confortons l'application informatique Trinat/Prenat, outil interministériel de gestion des demandes d'acquisition de la nationalité française.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Retrait, sinon rejet.

M. André Ferrand, rapporteur spécial.  - D'accord, sous réserve que vous ayez bien entendu cet appel à l'évaluation et à l'animation des emplois utilisés par cette agence nationale (M. le ministre acquiesce)

L'amendement n°II-17 rectifié est retiré.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - L'enquête de la Cour des comptes sur la politique de la ville, demandée par nos collègues MM Karoutchi et Dallier, avait souligné le manque d'évaluation des actions entreprises par les associations subventionnées. Nous retirons l'amendement, mais nous attendons une action vigoureuse pour évaluer leur performance, car le transfert d'activités à l'Anaem libère des capacités d'action ; nous serons très vigilants !

A la demande du groupe socialiste, les crédits de la mission sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 201
Contre 126

Le Sénat a adopté.

Article 45

Dans l'article L. 211-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le montant : « 30 € » est remplacé par le montant : « 45 € ».

Mme Éliane Assassi.  - Nous voterons contre cette augmentation de la taxe perçue par l'Anaem pour validation d'une attestation d'accueil. De même qu'avec le contrat d'accueil et d'intégration, le Gouvernement fait payer aux étrangers les obligations supplémentaires qu'il leur impose, tout comme, avec les comptes d'épargne-développement, il veut faire financer le « codéveloppement » par les étrangers qui travaillent en France. C'est inique, nous sommes contre !

L'article 45 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°II-18, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances.

 

Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 11° du I de l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

12° Politique française de l'immigration et de l'intégration

M. André Ferrand, rapporteur spécial.  - Nous souhaitons qu'un document de politique transversale regroupe les crédits consacrés à l'intégration et à l'immigration.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Très favorable

L'amendement n°II-18 est adopté, il devient article additionnel.

Outre-Mer

M. le président.  - Nous allons examiner les crédits de la mission « Outre-Mer »

Orateurs inscrits

M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Avec 1,73 milliard, les crédits de cette mission ne représentent qu'une petite partie des 15,3 milliards que l'Etat consacre aux collectivités ultramarines.

Tout d'abord, les informations fournies au Parlement restent très insuffisantes. En témoignent le faible taux de réponses aux questionnaires budgétaires, de l'ordre de 37 %, et surtout le manque total d'évaluation de la mission. Nous sommes ainsi incapables de mesurer l'efficacité du dispositif d'exonération des charges patronales, soit 867 millions dans ce budget, qui est de surcroît notoirement sous-évalué. Il en va de même des dépenses fiscales, dont le montant, 2,8 milliards, est largement supérieur aux crédits de cette mission. Si l'on se livre à un rapide calcul, pas moins de 800 000 euros sont dépensés par emploi... C'est beaucoup, d'autant que l'opinion publique est choquée par les publicités qui encouragent les investissements défiscalisés outre-mer en les présentant comme des placements très rentables et sans risque. En outre, le mécanisme a des effets pervers, entre autres, l'augmentation des prix de l'immobilier (M. Jean Arthuis, président de la commission, le confirme.). Alors que l'État consacre 5,5 % de son budget à l'outre-mer, qui ne représente que 4,2 % de la population française, la dépense mériterait d'être mieux justifiée, ce qui est impossible en l'absence d'évaluations fiables.

Ensuite, la transformation du ministère de l'outre-mer en secrétariat d'État au printemps 2007 s'est accompagnée du transfert à son ministère de tutelle, celui de l'intérieur, des crédits relatifs au soutien à la politique de l'outre-mer. Ce changement préfigure une meilleure gestion du secrétariat d'État. Également, je me réjouis que les crédits destinés à l'aide à l'emploi et à la création d'entreprise soient désormais confiés à la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle dont l'expertise est plus grande que celle du secrétariat d'État. Toutefois, du fait de cette nouvelle organisation, le programme « emploi outre-mer », constitué à 86 % du dispositif d'exonération des charges sociales, ne rend plus compte de la politique menée outre-mer en faveur de l'emploi. Compte tenu de ces éléments, l'expertise du secrétariat d'État serait mieux utilisée à des fonctions de coordination, plutôt que de gestion.

J'en viens à la sous-budgétisation récurrente dont souffre cette mission. En matière de logement, le Gouvernement a tenu sa promesse d'augmenter les crédits en 2007, suite, entre autres, à mon rapport d'information. De surcroit, l'écart entre crédits de paiement et autorisations d'engagement a été réduit dans ce budget, ce dont je me réjouis. Toutefois, il représente encore 35 millions, ce qui est trop élevé au regard des 800 millions d'engagements non couverts par les crédits de paiement. La dotation allouée aux contrats de plan État-région est également sous-évaluée de 80 millions dans ce budget, alors que ces dépenses sont, par nature, prévisibles. Est-il vrai que 30 à 40 millions pourraient être ajoutés en collectif. Le Gouvernement peut-il confirmer cette information ? Enfin, dernière sous-budgétisation particulièrement préoccupante, celle des crédits consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales, dans ce budget comme celui de l'an dernier. Leur montant devrait être de 300 millions. Cette situation est d'autant plus regrettable que l'État avait soldé sa dette fin 2006.

Enfin, je regrette que le débat sur les régimes spéciaux de retraite n'ait pas été l'occasion de discuter des suppléments de retraites perçus par les fonctionnaires outre-mer. En première partie de loi de finances, sans donner un avis favorable à l'amendement que le président de notre commission a défendu en s'inspirant de la proposition de loi déposée par M. Leclerc et Mme Procaccia, le ministre du budget s'est déclaré ouvert à une réforme. Madame la Ministre, Monsieur le Secrétaire d'État, quelle est votre position ? Nous devons mettre fin à ce système choquant, injuste et anachronique ! (M. le président de la commission approuve.)

Mais, rassurez-vous, la commission invite le Sénat à adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - J'espère que la transformation du ministère de l'outre-mer en un secrétariat d'État n'aura pas d'incidence sur la politique menée en faveur de ces territoires, qui disposent d'atouts réels mais souffrent également de forts handicaps structurels.

Le budget de l'outre-mer représente seulement 0,6 % du budget de l'État. Ses crédits diminuent de 220 millions -du fait de la disparition du programme « intégration et valorisation de l'outre-mer » et du transfert de 158 millions consacrés aux aides directes et à l'embauche vers la mission « travail et emploi »- ce qui peut laisser craindre que l'on ne vide ce département ministériel de sa substance.

Or l'outre-mer doit relever des défis spécifiques. Ainsi, en matière d'emploi, le taux de chômage y est le double de celui de la métropole, voire le triple dans les DOM ! L'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale, instaurée par la loi d'orientation pour l'outre-mer de 2000 et confortée par la loi de programmation de 2003, est donc essentielle pour restaurer la compétitivité du travail. Il en va de même des contrats aidés -je m'inquiète d'ailleurs que leur financement soit réduit de 25 millions dans ce budget- et des dépenses fiscales, auxquels s'ajoutera bientôt la création de zones franches globales d'activité. Sur ce dernier point, la définition et le découpage des zones devra faire l'objet d'une concertation avec les acteurs locaux, notamment les très petites entreprises qui représentent 95 % des entreprises du secteur marchand.

J'en viens au programme « conditions de vie outre-mer ». Les moyens consacrés au logement restent largement insuffisants, compte tenu du manque de logements sociaux, de l'importance de l'habitat insalubre, de la prolifération de l'habitat spontané, des risques sismiques et climatiques et de la rareté et la cherté du foncier. L'augmentation des crédits -25 millions- couvre à peine la dette de l'État envers les entreprises du bâtiment oeuvrant pour l'amélioration de l'habitat et la construction très sociale.

Les moyens de l'action « continuité territoriale » sont notoirement insuffisants. À propos de l'action relative à « l'insertion économique et à la coopération régionale », je regrette que les collectivités ultra-marines n'aient pas été davantage associées aux négociations sur les accords entre l'Union européenne les pays ACP, compte tenu de leur impact sur la réalité socio-économique de ces territoires.

J'en viens à deux dossiers d'actualité, en prenant d'abord note du déblocage de 61 millions consenti par le Gouvernement à l'égard des victimes de l'ouragan Dean, même si cela reste insuffisant. Les collectivités de Martinique et de Guadeloupe, qui ont déjà beaucoup contribué aux indemnisations, n'ont plus les moyens d'en faire davantage. Ensuite, il convient de prendre la véritable mesure, quoiqu'elle ait donné lieu à des excès médiatiques, de l'utilisation jusqu'en 1993, voire juillet dernier pour certains territoires, de pesticides interdits.

Des moyens importants doivent être accordés à la région pour parer aux risques encourus par la population.

Deux recommandations, enfin, pour la bonne information du Parlement : tous les crédits affectés à l'outre-mer par les autres ministères, ainsi que les fonds d'intervention européens, devraient figurer aux bleus budgétaires, ainsi qu'un document retraçant la ventilation des crédits entre collectivités d'outre-mer établi chaque année.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits de la mission, votre rapporteur exprimant un avis contraire. (Applaudissements à gauche et sur le banc des commissions.)

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'augmentation de 3 %, à périmètre constant, des crédits de la mission, et de 3,5 % de l'ensemble des crédits de l'État consacrés à l'outre-mer confirment l'engagement du Gouvernement en faveur de l'outre-mer.

On relève, cependant, d'importants changements de périmètre. La « Mission outre-mer » ne compte plus que deux programmes, les crédits du troisième étant transférés pour une partie au programme « conditions de vie outre-mer » et pour l'autre au programme « administration générale de l'État », dans une logique, que nous approuvons, de mutualisation des moyens liée au rattachement du secrétariat d'État à l'outre-mer au ministère de l'intérieur.

Une part des crédits consacrés à l'emploi outre-mer est, quant à elle, versée à la mission « Travail et emploi », partagée entre le ministère des Finances et celui du Travail, qui gèrera donc la plupart des contrats aidés de l'outre-mer, l'objectif étant de réorienter le secrétariat d'État vers son rôle de coordination.

Si nous approuvons ces orientations, il nous semble néanmoins important de conserver une bonne visibilité aux politiques de l'emploi outre-mer et de concilier l'indispensable évolution du secrétariat d'État avec une présentation budgétaire satisfaisante.

Les compensations d'exonérations de charges sociales progressent de 5,3 %. C'est beaucoup, mais est-ce suffisant ? Les 867 millions prévus en 2008 sont loin du montant prévisionnel -1,13 milliard- des remboursements d'exonérations pour 2008. Notre commission insiste sur la nécessité de tout faire pour éviter que la dette de l'État à l'égard des organismes de sécurité sociale n'augmente pas à nouveau en 2008.

Dans le domaine du logement, j'insiste, monsieur le ministre, sur la nécessité d'obtenir rapidement une programmation pluriannuelle des crédits du logement social et la défiscalisation des acquisitions foncières des collectivités locales, pour les mettre en capacité de constituer des réserves foncières. J'insiste de même sur la nécessité de réaliser les objectifs de construction fixés à l'article 23 de la loi instituant le droit au logement opposable et souhaiterais, madame la ministre, des précisions sur ce point. Les crédits consacrés à la résorption de l'habitat insalubre sont ramenés de 34,5 millions à 21,3 millions : quelles sont les raisons de cette diminution ?

La continuité territoriale est dotée de 54,2 millions contre 54 millions en 2007. Ces crédits financent le « passeport mobilité », doté de 15,8 millions, quand son coût effectif s'est élevé à 19,8 millions en autorisations d'engagement en 2006. Le passeport coûte de plus en plus cher, mais je crois qu'en fixant des prix plafond, par exemple, des économies sensibles sont possibles du côté des compagnies aériennes. Est-ce une piste que vous envisagez de suivre ?

La commission des affaires sociales vous invite à adopter ce budget, qui, malgré quelques interrogations de détail, ouvre d'encourageantes perspectives d'évolution. (Applaudissements au centre et à droite.)

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Trois nouveautés importantes marquent ce budget : deux nouvelles collectivités, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ont été créées ; les trois programmes de la « Mission outre-mer » ont été réduits à deux ; le secrétariat d'État, enfin, a été incorporé au sein du ministère de l'intérieur.

L'effort global de la Nation à l'égard de l'outre-mer, renouvelé, représente toujours, avec 15 milliards, une part non négligeable des moyens de l'État, ce dont on peut se réjouir. Toutefois, la disproportion flagrante entre la « Mission outre-mer », dont les crédits n'atteignent pas 14 % du total, et l'effort global de I'État en faveur des collectivités ultramarines ne fait que s'accentuer ; les modifications successives du périmètre budgétaire de la mission comme l'éparpillement des crédits entre les divers ministères concernés ne favorisent pas la transparence, en dépit de l'effort réel que constitue le document de politique transversale. Recourir à une mission interministérielle, comme le permet la Lolf, ne serait-il pas plus judicieux ?

Je vous invite maintenant à m'accompagner, sans pour autant quitter votre fauteuil, dans un rapide tour du monde.

La Guadeloupe connaît toujours une forte pression migratoire et la situation de l'emploi y reste préoccupante, avec un taux de chômage de 27,3 %. Malgré la crise de la banane, la croissance connaît un léger mieux, grâce aux secteurs du tourisme et du BTP. Le président de région a reçu, en janvier 2007, pouvoir de négocier, au nom de la France, un accord avec la Dominique.

En Martinique, si le secteur du BTP reste également dynamique, le taux de chômage dépasse encore 25 %. En revanche, on peut noter avec satisfaction une baisse du taux de la délinquance. Quant à la dette du département, elle reste à un niveau préoccupant.

La Réunion a connu une croissance soutenue, de l'ordre de 5 %, en dépit d'une baisse spectaculaire du tourisme due à l'épidémie de chikungunya et aux tempêtes. Le taux de chômage comme celui de la délinquance, y sont cependant en recul.

En Guyane, l'élément marquant reste la forte pression migratoire avec une augmentation de la délinquance et une progression du chômage de plus de 29 %. Malgré la stagnation du tourisme, on note un léger redressement de l'économie grâce au commerce et aux services.

A Mayotte, la commission de révision de l'état-civil poursuit ses travaux à un rythme soutenu. On sait qu'à compter de 2008, le conseil général pourra demander l'ouverture du processus de départementalisation.

En Polynésie française, une remise en route de l'économie est plus que jamais nécessaire. Quant au statut rénové, il ne pourra porter tous ses fruits qu'avec l'adoption du projet de loi organique annoncé sur les compétences et les ressources financières des communes.

En Nouvelle-Calédonie les deux nouvelles usines de nickel sont en bonne voie. Celle de Goro, au sud, sera bientôt opérationnelle et celle du Koniambo, au nord, est, enfin, en cours de réalisation. Quant à la Société Le Nickel (SLN), elle développe de nouveaux projets.

La collectivité d'outre-mer de Wallis-et-Futuna est la seule dont le statut n'a pas été mis en conformité avec les nouvelles dispositions constitutionnelles. Le deuil consécutif au décès du Lavelua, roi du royaume d'Uvea, vient de se terminer et un nouveau Lavelua sera prochainement désigné. Des réflexions visant à moderniser le statut devraient alors pouvoir s'engager.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, où le nouveau statut s'est mis en place à la suite de la loi organique de février 2007, la situation financière est difficile. Des perspectives sont ouvertes par la coopération régionale avec le Canada et nous ne pouvons que nous référer aux recommandations faites dans le rapport de notre excellent collègue Denis Detcheverry.

Les deux nouvelles collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy viennent de se mettre en place avec leurs institutions et une organisation administrative appropriée sous l'autorité du Préfet de Guadeloupe également nommé représentant de l'État dans chacune de ces collectivités. Le 1er août 2007, un accord avec la partie néerlandaise de Saint-Martin est entré en vigueur pour un contrôle conjoint des aéroports, nécessaire dans une île soumise à une forte pression migratoire. Quant à Saint-Barthélemy, son PIB par habitant est presque équivalent à celui de la métropole.

Enfin les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) ont mis en place le cinquième district résultant du rattachement par la loi organique de février 2007 des îles éparses. Ce territoire, disposant d'un potentiel écologique élevé, constitue un pôle important de recherche sur le passé et le devenir de notre planète ainsi qu'une zone de première importance pour la préservation de la biodiversité. Ayant perdu les ressources du pavillon maritime des Kerguelen, il est essentiel qu'il puisse bénéficier de nouvelles sources financières.

Ce rapide tour d'horizon démontre à quel point la solidarité nationale est fondamentale envers nos compatriotes ultramarins, qui savent porter avec fierté, tout autour de la terre, les couleurs de notre pays. Il est naturel que nous les accompagnions avec conviction et fraternité dans leur développement. C'est pourquoi votre commission des lois vous invite à adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - À travers ce budget, c'est bien une vision de l'outre-mer ambitieuse, moderne, dynamique qui transparaît. L'outre-mer, à l'heure de la mondialisation, est une chance pour la France et pour l'Europe. Elle nous offre un avantage géostratégique exceptionnel. C'est pourquoi leur développement économique est un enjeu essentiel.

Les entreprises ultramarines sont au premier rang de l'action en faveur du développement économique. Notre objectif est donc de mobiliser les compétences et les moyens, notamment budgétaires, pour valoriser les atouts de l'outre-mer. Notre politique de développement doit être fondée sur l'excellence économique et la compétitivité. Le projet de loi de programme que je prépare avec Christian Estrosi vise à encourager un développement durable spécifique à chaque département d'outre-mer, conformément aux engagements du Président de la République. Avec la création de zones franches globales d'activité, notre démarche se veut novatrice et partagée, parce que j'ai voulu que ce projet fasse l'objet d'une large consultation dans chaque département d'outre-mer, et les secteurs favorisés sont ceux qu'avaient proposés les partenaires locaux.

Ce projet, nécessaire et ambitieux, requiert le soutien de l'Union européenne parce que les DOM restent fragiles et que leurs handicaps structurels ainsi que les risques qu'ils courent -à ce sujet, j'assure la population de la Martinique de notre soutien dans l'épreuve qu'elle a subie lors du récent séisme- justifient des réglementations communautaires spécifiques. Mais très peu de pays européens savent ce qu'est l'outre-mer, si bien que, dès mon arrivée Place Beauvau, je me suis efforcée de faire partager mes convictions. J'ai pu obtenir de la Commissaire en charge de la concurrence un régime fiscal largement dérogatoire pour les DOM afin de favoriser la compétitivité de leurs entreprises et, à diverses reprises, je me suis entretenue avec Peter Mandelson, commissaire en charge du commerce et de la négociation, des Accords de partenariat économique (APE) avec les États ACP. Nos conversations ont été courtoises mais musclées. Sur des secteurs fragiles, notamment la banane ou la filière canne-sucre, j'ai déjà pu obtenir des résultats. Soyez assurés que je resterai vigilante quant aux intérêts des DOM.

J'entends mettre à profit le semestre de la présidence française de l'Union pour faire mieux connaître l'outre-mer aux États membres, notamment les plus récents, et leur dire pourquoi l'outre-mer est une chance pour l'Europe, une chance pour la biodiversité, la lutte contre le changement climatique et la coopération.

Le budget doit servir cette ambition. La « Mission outre-mer » ne représente qu'une fraction du total des crédits que consacre l'État à l'outre-mer : un peu moins de 2 milliards sur un total de 15. Le tour du monde outre-mer dans lequel vous nous avez entraînés, monsieur Cointat, montre en effet que la solidarité nationale est essentielle et j'ai voulu faire de ce budget un acte de solidarité et de vérité.

Solidarité d'abord. La situation du logement outre-mer demeure souvent indigne de la République. Les crédits consacrés au logement reviennent au sein de cette mission, contrairement à l'orientation retenue antérieurement, et ils augmentent de 14 %, même si l'effort est encore insuffisant eu égard à la situation. A défaut de tout redresser en un an, nous ferons du logement, particulièrement social, une priorité du projet de loi de programme. De même la loi corrigera certains choix, notamment fiscaux, qui n'ont pas atteint les objectifs recherchés.

En ce qui concerne les régimes de retraite, le Gouvernement n'est pas hostile à une réforme, mais cette dernière ne pourrait porter que sur les nouveaux retraités. Il n'est pas question de supprimer des pensions, mais je suis d'accord pour qu'on examine, cas par cas, certaines situations caricaturales qui tiennent plus de l'effet d'aubaine que d'un réel lien avec l'outre-mer.

Cette mission traduira aussi une politique de vérité. Par l'évaluation tout d'abord. Oui, monsieur Torre, de nombreux dispositifs étaient insuffisamment évalués, comme par exemple les mesures de défiscalisation. Je souhaite développer l'évaluation et le pilotage des politiques publiques. Dès maintenant, j'ai donc souhaité qu'un responsable des services de la rue Oudinot soit chargé du suivi systématique des politiques mises en oeuvre pour l'outre-mer. Si la continuité territoriale doit corriger, au moins en partie, les effets de l'éloignement, je veux tirer les conséquences des dysfonctionnements de la dotation de continuité territoriale ou du passeport mobilité, qui seront réformés dans le projet de loi de programme, afin de mieux répondre aux besoins, pour davantage de jeunes et pour des projets mieux assurés.

L'augmentation des crédits du logement ou d'aménagement du territoire, pour sensible qu'elle soit, ne doit pas nous satisfaire et ce projet de budget pour 2008 doit être considéré comme un premier pas vers le redressement et la responsabilité. Oui, monsieur Torre, il y aura un collectif budgétaire.

Désormais, l'Intérieur est le responsable gouvernemental de tous les territoires français, métropolitains ou non. Pour l'outre-mer cette nouvelle organisation est gage d'efficacité accrue parce qu'il bénéficiera de la mutualisation de nombreuses fonctions avec les services de la Place Beauvau, sans remettre en cause, bien entendu, l'exceptionnelle connaissance que les services de la rue Oudinot ont des spécificités de nos collectivités d'outre-mer. Je rassure M. le rapporteur spécial sur ce point. En accord avec Christian Estrosi, j'ai chargé le secrétaire général du ministère de me proposer une organisation administrative de la rue Oudinot conforme au nouveau périmètre gouvernemental. Ces propositions nous seront présentées au début de l'année prochaine et je m'appuierai également sur la mission confiée à Patrick Karam, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer.

Mes ambitions pour l'outre-mer sont grandes. Dans la bataille pour la croissance, l'emploi, le développement durable et l'égalité des chances, l'outre-mer doit prendre toute sa place. C'est l'enjeu de la politique que j'entends mener, une politique ambitieuse pour l'outre-mer et donc une politique ambitieuse pour la France. (Applaudissements à droite et au centre).

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.  - Je salue le travail des rapporteurs et les sénateurs représentant l'outre-mer ainsi que les sénateurs métropolitains qui sont venus leur témoigner leur solidarité.

Monsieur Torre, vous nous reprochez de n'avoir pas transmis tous les documents dans les délais utiles. Si le taux de non-réponse était de 37 % au 10 octobre, tous les documents sont aujourd'hui à votre disposition. Quant à la qualité des réponses, je note que les autres orateurs ne l'ont pas mise en cause.

Les crédits de la mission témoignent de l'effort de solidarité de mon secrétariat d'État et, compte tenu des changements de périmètre qu'a connus cette mission, il faut noter que, à périmètre constant, l'augmentation est de 2 % pour les autorisations d'engagement et de 3 % pour les crédits de paiement.

Conséquence de la Lolf, on retrouve les crédits pour l'emploi, qui dépendaient en 2007 de l'outre-mer, affectés à l'Emploi, mais la ministre de l'intérieur et moi-même avons un droit de regard sur l'administration de ces crédits. Cela ne remet pas en cause l'action de l'État, nous voulons seulement que les spécificités ultramarines soient mieux prises en compte et mon secrétariat d'État sera un aiguillon en ce sens.

Lors du séisme de Martinique, l'État s'est mobilisé et la cellule de crise constituée au ministère de l'intérieur a pu apporter des réponses immédiates. Je rappelle l'intervention du Fonds de secours pour l'outre-mer lors des cyclones de 2007, à hauteur de 17 millions, et les dispositifs d'aide à l'agriculture.

Nous travaillons à une remise des bâtiments aux normes antisismiques le plus tôt possible. Il est du reste miraculeux qu'un tel séisme d'amplitude 7 sur l'échelle de Richter n'ait pas fait plus de dégâts.

La solidarité nationale joue à plein, notre volonté politique est sans faille. Après le cyclone, 60 millions d'euros ont été mobilisés sur les fonds de secours de mon secrétariat d'État, ainsi que 5 millions sur le Fisac et 4,5 sur des crédits du ministère de l'agriculture. Jamais la décision de placement en état de catastrophe naturelle n'a été aussi rapide, et elle a concerné toutes les communes de Martinique et de Guadeloupe : les indemnités d'assurance seront donc partout majorées.

Nous voulons promouvoir un développement économique fondé sur les atouts de chaque territoire, préservant l'environnement et créant de la richesse. Je ne partage pas la vision pessimiste de certains, je constate partout des réussites, des projets ambitieux. Le PIB outre-mer progresse trois fois plus vite qu'en métropole ! Les ressources et le potentiel humain sont considérables. Il faut donc lever les contraintes liées au handicap naturel et avancer dans la valorisation des atouts. Des pôles de compétitivité ont été créés en Guyane, en Guadeloupe, à la Réunion, ils signifient de nouveaux métiers et de nouvelles filières de formation. Le projet de zone franche globale sera mis en oeuvre après la prochaine loi de programme. Il s'agit de couvrir l'ensemble du territoire des départements d'outre-mer et de jouer sur la fiscalité des entreprises, avec des aides majorées dans quelques secteurs porteurs. La concertation locale a eu lieu, sous l'égide des préfets ; et j'indique dès maintenant que les secteurs concernés incluront le petit commerce et les services à la personne. Notre projet est équilibré, il va aussi vers les plus démunis.

Oui, les crédits des contrats aidés reculent, mais, dans le même temps, les exonérations de prestations sociales augmentent. Et la baisse du chômage est sensible !

De la protection de l'environnement dépendent non seulement les conditions de vie de nos compatriotes mais la préservation d'un patrimoine naturel exceptionnel et prometteur pour les économies locales. J'ai évoqué cette question dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Une grande partie du Bengladesh pourrait disparaître avec la montée des eaux ; dans le Pacifique Sud, certains de nos territoires ne seraient pas non plus épargnés, ne l'oublions pas, et leurs populations pourraient être les premiers orphelins de la République.

Développement des énergies renouvelables, maîtrise et gestion des déchets, mais aussi politique de solidarité sociale : en 2008, les crédits du logement social augmentent de 14 %. Je rappelle qu'en 2007 a été soldée la dette sur la ligne budgétaire unique (LBU). Notre souci, aujourd'hui, est de mobiliser davantage de foncier et de sécuriser les outils de financement du logement social. Le logement n'est pas un sujet comme un autre : il faut un toit pour s'épanouir affectivement et réussir économiquement. M. Torre a évoqué une sous-budgétisation : mais, je le répète, la totalité des dettes a été réglée en 2007 grâce à un effort exceptionnel. Les crédits pour 2008, hors cette dépense, progressent !

En ce qui concerne l'amélioration des conditions de vie et le problème de la continuité territoriale, gage de cohésion sociale pour Mme Payet, nous entendons réviser le dispositif et améliorer l'accès à la santé, l'éducation, la formation. Les dysfonctionnements du passeport mobilité seront corrigés. L'effort financier concernant les engagements contractuels s'accroît de 10 % : ces engagements seront honorés.

La récente loi sur la Polynésie française a donné un souffle nouveau à la démocratie locale et les lois de décentralisation vont être étendues à l'ensemble des communes polynésiennes et à l'intercommunalité. En Nouvelle-Calédonie, le droit communal a été actualisé par l'ordonnance du 25 juillet dernier, les accords de Nouméa sont mis en oeuvre. Le comité des signataires se réunira le 20 décembre prochain à Matignon pour faire le point : je m'attelle à la préparation de cette réunion. Qu'il s'agisse de Saint-Barthélemy, Saint-Martin ou Mayotte, les engagements du Président de la République seront tenus. A Mayotte, tout changement de statut sera bien sûr soumis à la consultation de la population, si le conseil général en fait la demande.

La sécurité est la première des libertés ; sans elle, pas d'amélioration des conditions de vie. Le rôle de l'État, dans cette mission régalienne, est essentiel. Mme Alliot-Marie et moi-même travaillons à implanter des GIR dans les départements d'outre-mer et à Mayotte, afin de lutter contre les réseaux. Si certains chiffres de la délinquance sont à la hausse en 2007, c'est aussi parce que l'activité des forces de sécurité s'est renforcée ! Les problèmes sont différents, du reste, d'une collectivité à l'autre.

Nous devons avoir, chacun en convient, une vision globale de l'action de l'État en faveur de l'outre-mer.

Tous les rapporteurs ont évoqué cette vision globale. Une réflexion à ce sujet est en cours, que je suis de très près, dans le cadre de la révision des politiques publiques. Le document de politique transversale est à cet égard particulièrement précieux. M. Cointat suggère de faire du secrétariat d'État, en l'allégeant de certaines de ses missions de gestion, un outil de mission, d'impulsion, de pilotage interministériel. Mme Alliot-Marie et moi-même souscrivons totalement à cette approche. C'est une voie d'avenir que nous explorerons avec constance.

Chacun des rapporteurs a présenté ses chiffres. Chacun sa vérité... M. Torre a souligné que l'effort global en direction de l'outre-mer atteignait 5,5 % du budget de l'État ; il a raison. M. Lise a noté que la mission représentait 0,6% de ce même budget ; c'est la vérité. Mme Payet a salué des crédits en augmentation de 3 % à périmètre constant ; c'est l'évidence. Mais M. Torre a dit : 5,5 % du budget de l'État pour 4,2 % de la population. Cette remarque, toute révérence due, appelle une correction.

M. Henri Torre, rapporteur spécial.  - C'est un constat !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - Certes. Mais vous tous représentez ici des territoires et les femmes et les hommes qui y vivent. Les conditions faites à chacun d'eux vous importent. Je ne plaide pas pour l'égalitarisme, vous le savez, mais pour l'équité et la justice. L'État donne plus, par habitant, à l'Ardèche, à l'Ariège, aux Vosges ou à la Corse qu'au 7e ou au 15e arrondissement de Paris ; tout simplement parce qu'il y va de l'équité : il faut donner plus à ceux qui ont moins. A Wallis, à 26 000 kilomètres de la métropole, au milieu du Pacifique, les enfants ne disposent pas d'autant d'ordinateurs dans leurs écoles qu'à Paris ! Les infirmières de l'hôpital n'y ont pas toutes la blouse dont elles ont besoin pour exercer leur métier ; quand les installations de radiographie y sont défectueuses, quand il faut opérer un patient atteint de péritonite sans qu'on puisse le transférer par avion en Nouvelle-Calédonie, on imagine les conséquences ! Comparer les 5,5 % du budget et les 4,2 % de la population n'est dès lors ni juste ni équitable.

Les territoires d'outre-mer, éloignés, isolés, méritent que la métropole soit plus solidaire (Applaudissements sur tous les bancs). L'outre-mer peut beaucoup pour la France et l'Europe ; la France peut beaucoup pour l'outre-mer. Parce que c'est la mission que le Président de la République m'a confiée dans sa lettre de mission, parce qu'il me soutient, c'est cette vision de l'équité et de la justice qui me guide. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Je relève que le Gouvernement a épuisé son temps de parole avant même de répondre aux orateurs. J'appelle chacun à respecter les règles.

M. Simon Loueckhote.  - Il y a tant à dire sur l'outre-mer !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Nous débattons du budget, non de politique générale ; que chacun en ait conscience et en tire les conséquences ...

Je ne viendrai pas au secours de M. Torre, qui est suffisamment armé pour se défendre lui-même ; mais, monsieur le secrétaire d'État, il ne suffit pas de dépenser plus pour être efficace. L'effort de l'État est de grande ampleur, mais force est de constater, en matière de logement par exemple, que l'argent dépensé ne va pas là où il devrait aller. On parle aussi beaucoup ces temps-ci de pouvoir d'achat ; une réflexion s'impose à l'évidence sur les systèmes de distribution outre-mer. (Applaudissements au centre et à droite). Il semble que plus on met d'argent public, plus les prix augmentent... Les moyens de l'État devraient être mobilisés pour qu'on y voie plus clair (Applaudissements au centre et à droite).

La séance est suspendue à 13 h 10.

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

La séance reprend à 15 h 15.

M. Claude Lise.  - Un constat s'impose : ce budget est en stagnation. Il n'augmente, en effet, à périmètre constant, que de 1,85 % alors qu'il a baissé de 7 % en 2005 et 2006 et de 12 % en 2007. Donc, loin de s'inscrire dans une dynamique de changement -je ne dis même pas de rupture !-, ce budget s'installe dans une très réelle et décevante continuité : les priorités habituelles sont réduites à l'affichage.

La première est, comme il se doit, l'emploi. On ne peut que s'en féliciter quand on est l'élu d'un département, la Martinique, dont le taux de chômage dépasse les 25 % -dont 45,8 % de chômeurs de longue durée. Mais comment ne pas être déçu ? Le seul réel changement réside dans le transfert à Bercy de la gestion des 158 millions de crédits d'aides à l'emploi. Pour le reste, on ne note aucun effort budgétaire supplémentaire.

Le dispositif d'exonération de charges patronales de sécurité sociale, mis en place par les lois de décembre 2000 et de juillet 2003, est manifestement sous-doté : seulement 867 millions de crédits de paiement quand les prévisions de compensation à verser aux organismes de sécurité sociale atteignent 1 100 millions. Cette nouvelle et très sensible diminution traduit la persistance d'une vision péjorative des contrats aidés, notamment ceux à destination du secteur non marchand. Une politique contre laquelle je n'ai cessé de mettre en garde, compte tenu des risques qu'elle comporte pour la cohésion sociale dans un département qui compte un chômage trois fois plus élevé que dans l'Hexagone, avec 8 % de Rmistes, près de 13 % de personnes vivant de minima sociaux et près de 16 % percevant un revenu inférieur au seuil de pauvreté.

II importe, bien sûr, de promouvoir la création d'emplois générés par l'activité des entreprises. À cet égard, le dynamisme des Antilles est supérieur à celui de bien des départements. Mais il serait irréaliste d'imaginer pouvoir se passer à court et même moyen terme d'un important volet d'emplois aidés, tout particulièrement dans le secteur non marchand. La future loi de programme pour l'outre-mer ne pourra, surtout dans le domaine de l'emploi, avoir des effets à court terme. D'autant plus qu'elle sera essentiellement fondée sur l'outil fiscal, dont on connaît les avantages mais qui a déjà aussi montré ses limites.

L'élément nouveau sera le dispositif annoncé de zones franches globales d'activités, qui suscite chez beaucoup d'élus et d'acteurs économiques bien des interrogations : sur sa compatibilité avec les règlements européens, sur le risque de suppressions d'autres mesures à titre de compensation, sur le coût pour les collectivités territoriales, mais surtout sur le découpage sectoriel qui sera retenu. Pour réellement promouvoir l'emploi, il faudra se préoccuper surtout du secteur des services, en particulier à la personne, et pour les très petites entreprises, qui représentent 95 % des entreprises du secteur marchand dans les DOM.

Pour tout vous dire, ce que je regrette, c'est que le dispositif de zones franches globales soit promu au rang de panacée : on a faussé tout le processus d'élaboration de la future loi de programmation. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu concertation, mais celle-ci n'a, jusqu'ici, pas su faire la place qu'il fallait à la remontée des attentes des forces vives locales et des projets de développement élaborés localement. Si j'avais le temps, je vous décrirais la façon dont se déroule la concertation, je vous parlerais du Schéma martiniquais de développement économique du Conseil régional et de l'Agenda 21 du Conseil général. Cela fait deux ans et demi que cet Agenda existe et qu'on ne l'a pas encore ouvert !

La deuxième priorité affichée par ce projet de budget est le logement. Là encore, l'effort budgétaire ne suit pas. Les 25 millions supplémentaires ne suffiront même pas à résorber la dette de l'État envers les entreprises du BTP oeuvrant dans le domaine de l'amélioration de l'habitat et de la construction très sociale. À la Martinique, la situation est catastrophique. Pour les logements locatifs sociaux, on est passé de 1 306 en 2001 à 325 en 2006, pour en arriver à 32 cette année. Pour les logements bénéficiant de l'Aide à l'amélioration de l'habitat, on est passé de 882 l'année dernière à 444 cette année. Le passage de l'ouragan Dean au mois d'août n'a fait qu'aggraver les choses : des centaines de sinistrés vivent toujours dans des conditions difficiles, et certains ont été touchés par le récent séisme. Le Conseil général et le Conseil régional ont voté respectivement 10 et 13 millions d'aides ; l'État doit, lui aussi, envisager une intervention d'envergure.

J'attire aussi votre attention sur les conséquences qu'aura la décision d'orienter la défiscalisation vers le logement social. Les futurs montages financiers impliqueront sans doute les collectivités territoriales, déjà confrontées à tant de difficultés. Dans d'autres domaines encore, ce budget me parait insuffisant doté. Les actions sanitaires, d'abord, qui devraient recevoir les crédits permettant de financer des études spécifiques, sur l'impact des pesticides, par exemple. La continuité territoriale, ensuite, pour laquelle les crédits sont dérisoires en comparaison de ceux que l'on accorde à la Corse. Je pense aussi aux dotations aux collectivités territoriales, à la coopération régionale. Quant à la ligne budgétaire regroupant les crédits consacrés à un fond de secours aux victimes de sinistres, elle n'est dotée que de 1,6 million.

Bref, ce budget sous-doté, même dans les domaines où il affiche très justement une priorité, tombe mal dans une période où, aux difficultés économiques et sociales habituelles, s'ajoutent les conséquences d'un cyclone qui a fait un grand nombre de sinistrés et d'importants dégâts, suivi d'un séisme dont on n'a pas fini d'évaluer les dégâts.

Au-delà du manque de crédits se pose la question, plus fondamentale, du positionnement de l'instance gouvernementale chargée de l'outre-mer et de son champ de compétence. Répondre à cette question, c'est exprimer la vision que l'on a de l'outre-mer. Pour l'heure, elle me paraît encore incertaine. Et il reste à convaincre ceux qui nous gouvernent de la nécessité d'appréhender les outre-mer dans toute leur diversité et en tenant compte de leurs spécificités et de leurs atouts. À les convaincre aussi de l'assurance de pouvoir tirer de réels retours sur investissement des engagements financiers outre-mer. Encore faut-il que les projets de développement soient essentiellement pensés par les acteurs locaux, que la logique d'adaptation aux réalités locales l'emporte définitivement sur la logique jacobine, qu'une écoute suffisante soit accordée aux aspirations des différents peuples d'outre-mer. (Applaudissements à gauche et au banc des commissions)

Mme Lucette Michaux-Chevry.  - J'avais l'intention de présenter mes observations de manière traditionnelle. Mais les explications données ce matin par le Gouvernement me donnent l'occasion inespérée de dire ce que je pense en toute sincérité. Élaboré dans un contexte difficile, ce projet de budget marque incontestablement une volonté du Gouvernement de faire avancer l'outre-mer.

L'architecture nouvelle de votre budget se caractérise par des axes très bien définis et deux grands programmes. Je ne reviens pas sur les chiffres, car vous avez magistralement démontré ce matin qu'on leur fait dire ce qu'on veut. Comme le dit M Torre, les Français ont raison de penser que l'outre-mer coûte très cher à la France. Il faut avoir le courage de le dire. Mais je rends hommage à M. Arthuis : on ne fait pas l'évolution d'un peuple à travers des subventions budgétaires. Il faut une autre politique outre-mer !

Lorsque M. Sarkozy -alors candidat- est venu outre-mer, il a prononcé des mots forts. La jeunesse applaudissait debout lorsqu'il a dit en avoir assez de l'assistanat ; même les syndicalistes ont applaudi lorsqu'il a dit qu'il en avait assez des conflits sociaux et qu'il fallait dialoguer. Mais il faut aussi préserver les valeurs du travail et du mérite ; il faut préserver la famille comme levier de liens dans la société antillaise.

Je vois dans ce budget deux éléments positifs. Vous avez mentionné ce matin le soutien au développement économique et à l'emploi. Le corollaire de la loi que vous allez présenter est la zone franche. C'est une idée géniale de M. Sarkozy ! Il faut remonter à 1972 pour voir apparaître l'idée d'une complémentarité entre la Caraïbe française et le reste de la Caraïbe.

Je siège au Parlement depuis une trentaine d'années. Nul ne peut prétendre que j'ai trahi mon parti. J'ai envoyé à tous les ministres des rapports sur la coopération, j'ai écrit au Président de la République pour le mettre en garde contre les accords de Cotonou et les accords de partenariat économique (APE). Je suis donc triste d'avoir dû voter ici contre mon groupe. Le 29 novembre, les pays ACP ont refusé de signer les accords de partenariat économique. D'un côté j'en suis satisfaite, mais de l'autre je suis triste que la France y ait perdu une part de son image. Maintenant, le Premier ministre de la Dominique demande comment nous avons pu ratifier ces accords. Aujourd'hui, les pays ACP sont critiques au point que vous avez dû monter au créneau pour défendre l'octroi de mer in limine litis, alors même que les pays concernés gardent la negative list encore douze ans ! Nous aurions été en position de force si nous n'avions rien notifié. Vous avez encore réussi à obtenir une clause régionale protégeant le sucre deux fois dix ans, mais vous auriez pu accrocher la Dominique et Sainte-Lucie, qui le demandent.

Nous aurions pu conduire une politique Caraïbe qui rentre dans les ACP, tout comme les Américains ont su élaborer une politique de la banane dans la zone dollar. Les Réunionnais siègent dans la commission de l'océan indien et ont fait accepter par Bruxelles l'existence de spécificités réunionnaises. Comment pouvons-nous défendre la spécificité des Antilles ou de la Guyane, alors que la France ne siège pas dans le Caribean forum of states (Cariforum) ? L'Union européenne négocie dans la Caraïbe, sans que nous ayons droit à la parole !

J'approuve l'idée de zone franche globale, mais nous sommes en position de faiblesse, car tous les pays de la Caraïbe sont déjà en zone franche. À Tortona, à Trinité, à la Barbade, vous vendez des produits de l'excellence française moins cher qu'en Martinique ! Nous serons forts lorsque la production française sera en vente chez nous et y fera venir les touristes. Mais ne mésestimons pas le poids de la France dans la zone : elle contribue à l'équilibre des institutions.

Je n'ai pas signé la loi de programme ni la zone franche, car l'occasion est trop belle de redonner l'espoir. Comme le dit M. Arthuis, cette zone doit mettre en valeur ce que nous avons de plus précieux : le capital humain. Elle ne doit pas simplement favoriser les socioprofessionnels. Lorsqu'un client achète un produit dans un supermarché, il paye tout de suite, alors que le fournisseur est payé à quatre-vingt-dix jours. Et les socioprofessionnels demandent que l'on améliore leurs fonds de roulement !

J'ai vécu la loi Pons, la loi Perben, la loi Girardin, j'ai vu les socioprofessionnels guadeloupéens remettre un mémoire où ils disaient que si on leur accordait tous les avantages qu'ils demandent, le taux de chômage régresserait de 27 % à 20 % en dix ans. Allez-vous présenter ça à la jeunesse ? Ce n'est pas possible ! Ce serait méconnaître la réalité locale. Il faut encore travailler sur le thème de la zone franche.

M. le président.  - Il faudrait songer à conclure.

Mme Lucette Michaux-Chevry.  - J'en viens au deuxième élément positif de votre budget : le logement social. Il n'y aura jamais assez d'argent, mais il faut commencer par les ressources en eau et l'assainissement.

Monsieur le ministre, je vous ai adressé deux questions écrites. La première, pour demander que l'administration ne change pas de casquette lorsqu'un nouveau préfet arrive. La question des déchets a été traitée, mais la décision du conseil général la Guadeloupe a été annulée contre toute attente par la justice administrative, si bien que les contribuables remboursent aujourd'hui à une société un ouvrage qu'elle n'a pas construit !

Je voterai votre budget, car vous avez entrebâillé une porte pour sortir l'outre-mer de l'exotisme et l'engager vers la responsabilité. Il faut persévérer ! (Applaudissements à droite.)

Mme Gélita Hoarau.  - Alors que le Parlement n'examine pas les dépenses engagées par l'État pour les autres collectivités, il se prononce sur celles destinées à l'outre-mer, mais à travers un budget qui n'en représente qu'une partie. En outre, le périmètre variable du secrétariat d'État complique l'analyse des évolutions et leur comparaison avec la démographie ou le coût de la vie.

Votre budget comporte deux programmes principaux : l'emploi et les conditions de vie. Le premier repose principalement sur les exonérations de charges sociales, pour 867 millions, alors que la pertinence du dispositif n'est pas démontrée. D'ailleurs, le rapport d'étape de la commission d'évaluation de loi de programme, le Conseil économique et social et le rapport d'audit sur les exonérations sont réservés. L'un de ces documents décrit « un dispositif indifférencié de transfert de la métropole vers les DOM » plutôt qu'un « dispositif ciblé sur la création d'emplois fermés ». La baisse des crédits destinés aux contrats aidés m'inquiète. Certes, nos performances économiques sont bonnes, mais la progression démographique en gomme partiellement l'incidence sur le chômage, qui reste le plus élevé de la République.

La zone franche globale que vous proposez ne répond pas aux besoins d'une société en mutation. Nous devons donc bâtir une véritable économie de la solidarité. La Réunion va expérimenter le contrat unique d'insertion, mais d'autres initiatives sont possibles. Innovons donc pour conduire le contrat aidé vers l'emploi pérenne. Par la professionnalisation des employés, passons d'une logique du guichet à celle d'un choix partagé. Trouvons de nouveaux partenaires et d'autres sources de financement. Cela suppose que l'État augmente les crédits du Fedom. Je milite pour la transformation des emplois aidés en emplois durables, dans l'environnement et dans les services à la personne.

Vous dites que les crédits du logement social augmentent, mais ce point est contesté. Vous envisagez d'inscrire dans la loi de programme une défiscalisation profitable au logement social, mais la complexité du problème excède ce que peuvent obtenir des dispositifs fiscaux et une ligne budgétaire. À la Réunion, tous les partenaires partagent la même analyse et les mêmes préconisations.

Les collectivités territoriales, les associations de maires et le représentant de l'État ont signé le Livre blanc sur le logement en 2004. Cette unanimité justifie qu'on étudie ses propositions ainsi que les voies et moyens de leur mise en oeuvre. Or les gouvernements qui se sont succédé l'ont refusé. Allez-vous élaborer une loi sur le logement dans les départements d'outre-mer ?

L'évaluation de la continuité territoriale nous inquiète. Êtes-vous enclin à nous aider à disposer d'A 320, ce qui permettrait d'abaisser le prix des billets d'avion ?

Quand ouvrira-t-on les chantiers du chef de l'État pour l'outre-mer ? Je vous ai également interpelé sur la hausse des prix. Nos prix sont plus chers qu'en métropole. Très dépendants de l'extérieur, nous subissons la hausse du coût du fret maritime en raison de l'évolution du prix des carburants et du manque de cargos, avec de nombreuses conséquences. Il faut répondre sur la baisse du pouvoir d'achat, sur la pénurie de matières premières et sur la desserte maritime : je compte sur une action forte.

Un accord intermédiaire vient d'intervenir avec les pays de l'Afrique de l'est et australe ; nos intérêts seront-ils bien défendus dans l'accord définitif ? La départementalisation de Mayotte aboutira-t-elle à la création d'une région Océan indien ? L'accord sur le sucre arrivera bientôt à expiration et l'octroi de mer va prendre fin. Il faut préparer ces rendez-vous ; j'espère que votre loi de programmation nous donnera l'occasion dans parler, ce dont nous n'avons pas le temps aujourd'hui.

Le candidat Sarkozy a souligné les apports essentiels de l'outre-mer à la France, qui est grâce à eux la quatrième puissance maritime mondiale et jouit d'une diversité culturelle. Les hommes et les femmes d'outre-mer se sont battus pour la France et font coexister les grandes religions. Il est temps de porter un autre regard sur eux concluait M. Sarkozy : il faut nous considérer comme des partenaires. Que la Nation reconnaisse ce que nous lui apportons et ne lésine pas sa solidarité. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Marsin.  - L'outre-mer, qui souffre de ses différences et de son éloignement, souhaite transformer ses spécificités en forces de développement et en atouts pour la France. Dès votre prise de fonction, monsieur le ministre, vous avez compris l'ampleur de la tâche que vous a confiée le Président de la République : créer les conditions d'un vrai développement économique. Pour appréhender au mieux la situation de chacun, vous avez été très présent sur le terrain. Ce volontarisme est de nature à rassurer nos compatriotes. Encore faut-il effacer rapidement les effets des trois dernières catastrophes. Après le cyclone Dean, l'état de catastrophe naturelle a été déclaré mais les sommes débloquées sont insuffisantes par rapport à l'ampleur des dégâts et des besoins. Que comptez-vous faire ? Pouvez-vous nous assurer que la solidarité nationale s'exercera et que les fonds débloqués n'ont pas été prélevés, comme le craint un député, sur d'autres fonds ?

Même si le rapport Belpomme sur la pollution par les pesticides est controversé, il a eu le mérite d'attirer l'attention sur la nécessité d'apporter des réponses. Où en sommes-nous depuis les trois auditions en commission ?

Un séisme d'une intensité de 6,8 à 7,3 a frappé les Antilles jeudi dernier. Nous l'avons échappé belle et j'ai eu très peur car je connais la fragilité des grandes barres au sud de ma bonne ville des Abymes. J'ai encore peur en pensant à un prochain séisme et je désespère. Non, je continue à espérer de voir valider l'ample programme de travaux que j'ai déposé et auquel la participation de l'État est indispensable.

Comme tout budget, votre premier budget comporte des faiblesses. Il semble baisser mais il convient de tenir compte du départ du programme 160. Un retraitement des données 2007 aurait rendu les données plus lisibles et permis les comparaisons. En réalité, votre budget augmente de 3 % en crédits de paiement et de 2 % en autorisations d'engagement. Cependant, ne risquons-nous pas des difficultés ?

Le programme 123 augmente de 2,21 %. L'action relative au logement augmente fortement en apparence, mais le budget servira-t-il à payer des dettes ou à financer de nouveaux programmes. Lors de la conférence nationale sur le logement outre-mer, MM. Borloo et Baroin avaient reconnu la nécessité d'éponger les dettes et d'augmenter les dotations. Qu'en sera-t-il en 2008 ? Le logement fait partie de la dignité, a déclaré M. Sarkozy. Il est plus que temps de doubler les crédits, conformément au plan de cohésion sociale et à l'engagement national pour le logement.

Les crédits pour la continuité territoriale stagnent. Je regrette la régression des moyens du passeport mobilité, qui est un succès auprès des jeunes. Où en est-on sur ce gage de stabilité ? Les socioprofessionnels s'inquiètent de la taxe sur les billets d'avions, qui s'établirait à 0,88 euro par billet.

Le programme emploi outre-mer a été transféré...

M. le président. - Veuillez terminer.

M. Daniel Marsin. - Il faut s'assurer de l'effort de l'État : y a-t-il concurrence entre la métropole et l'outre-mer. Tous les crédits destinés à ce dernier ne figurent pas dans votre budget. Nous aurions aimé disposer d'un document lisible, facilitant les comparaisons. L'outre-mer exige un engagement fort. En faire un pôle d'excellence est un projet ambitieux qui nécessite des moyens ambitieux. J'espère que votre loi-programme nous apportera les réponses que nous attendons. Votre budget de transition n'est pas absolument satisfaisant. Pour vous encourager à aller plus loin...

M. le président. - Concluez !

M. Daniel Marsin. - ...je le voterai. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Adrien Giraud.  - Les Mahorais regardent l'année 2008 comme déterminante sur le chemin de la départementalisation, qu'ils ont appelée de leurs voeux dès 1958, lors du Congrès de Tsounzou. La loi organique du 21 février 2007 en prévoit les modalités. Nous nous souvenons de « La lettre aux Mahorais » que M. Sarkozy nous a adressée pendant la campagne présidentielle, s'engageant à consulter dès 2008 les Mahorais sur la départementalisation, si le conseil général lui en faisait la demande. Le Président de la République tiendra ses engagements, nous sommes confiants !

Dans ma proposition de loi, je prévois de prévoir explicitement cette consultation des Mahorais. Sur cette base juridique sûre, dans ce cadre institutionnel stable, Mayotte trouvera les voies et les moyens d'une véritable politique de développement économique et social.

Pour ne représenter que 10 % des sommes allant à l'outre mer, ce débat budgétaire est l'occasion, encore trop rare, d'évoquer au Parlement nos collectivités et leurs projets. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les graves conséquences de l'immigration clandestine, d'origine comorienne pour l'essentiel, sur les équilibres de l'économie et de la société mahoraises : le marché de l'emploi, la modernisation de l'habitat, l'aménagement de notre territoire, mais aussi la sécurité et la tranquillité des Mahorais, puisque de plus en plus, nos établissements d'enseignement, de soins et pénitentiaires sont soumis à d'intolérables pressions. Les forces de la gendarmerie et de la police nationales reconduisent les clandestins à la frontière, mais l'afflux des migrations est tel qu'il faut adapter les moyens. L'implantation d'un nouveau radar et le renforcement de la brigade nautique éviteraient ces tragiques naufrages provoqués par des mouvements incontrôlés de populations. La loi du 24 juillet 2006 a utilement renforcé les conditions des contrôles d'identité. Cependant, seule la relance de notre politique d'aide et de coopération avec les pays environnants endiguera l'afflux de cette émigration de la misère. Mayotte n'est nullement hostile à l'établissement de relations apaisées avec son voisinage dès lors que notre attachement à la souveraineté française sera respecté par tous, mais nous ne sacrifierons pas notre volonté de rattraper nos retards de développement !

Nous nous félicitons que ce budget retienne parmi ses objectifs le soutien de l'économie et de l'emploi outre-mer et nous partageons votre analyse sur les priorités de l'économie productive par rapport aux politiques d'assistance généralisée. Cependant, je déplore la diminution des crédits destinés à Mayotte. Les concours de l'Union européenne connaissent de lourdes disparités, toujours au détriment de Mayotte : ainsi la Guyane, dont le poids démographique est comparable au nôtre, a bénéficié de 388 millions de subventions entre 2000 et 2006, alors que Mayotte n'a reçu que 15 millions entre 2004 et 2008.

Il est vrai que notre « collectivité départementale », classée parmi les pays ACP indépendants, n'est pas éligible comme le DOM de Guyane aux fonds structurels européens. Cet argument juridique ne tient pas, sachant que les deux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui ne sont plus des DOM, ont néanmoins conservé leur statut de région ultrapériphérique qui leur donne accès aux fonds structurels de l'Union européenne. L'Europe aide moins ceux qui ont le plus besoin d'aide : il faut faire cesser ce paradoxe !

L'État, ensuite, demeure débiteur de la collectivité de Mayotte au titre de la gestion des personnels : 64 millions au 30 juin 2007, 70 millions au 31 octobre. Le Conseil général est ainsi contraint à des avances de trésorerie, ce n'est pas raisonnable.

Sur l'égalité des chances pour les citoyens d'outre-mer, les Mahorais ont depuis longtemps compris tous les intérêts qui s'attachent à l'éducation de leurs enfants comme à la formation des jeunes. Le Gouvernement a su répondre à ces appels en accentuant les efforts de création, de développement ou de modernisation des établissements et des équipements d'enseignement. Dans ces domaines, les retards se résorbent régulièrement et les jeunes Mahorais démontrent leur volonté de progresser, qui est de très bon augure pour l'avenir de Mayotte.

Le budget de l'outre-mer doit jouer un rôle d'entraînement et de coordination des dépenses des autres ministères affectées à nos collectivités d'outre-mer. Mais c'est plutôt l'inverse qui se passe, quand les crédits de l'outre-mer sont transférés vers d'autres ministères, notamment l'Éducation nationale, l'Intérieur et la Santé.

Quant à la loi de programme sur l'outre-mer, nous approuvons le projet de renforcer l'engagement de l'État auprès des collectivités locales pour les investissements lourds ou structurants. Encore faudrait-il que la parole donnée soit respectée... Mayotte éprouve encore quelques vieilles méfiances : monsieur le Ministre, merci de les dissiper ! En signe de confiance, je voterai ce budget. (Applaudissements à droite au centre)

M. Serge Larcher.  - S'il est vrai qu'un budget est avant tout l'expression d'une volonté politique, nous sommes, monsieur le ministre, au moment de vérité. Nous allons voir si la rupture, si hautement proclamée, là-bas, trouve, ici, sa traduction concrète.

Les crédits de la « Mission outre-mer » ne représentent qu'une faible part -13,5 %- de l'effort de l'État, qui s'élève cette année à près de 16 milliards, soit 5,4 % de son budget. Certains pensent que c'est encore trop, mais compte tenu de notre héritage historique, j'estime, quant à moi, qu'il reste de la marge.

L'apparente diminution de 11,3 % des crédits de la « Mission outre-mer » résulte, nous dites-vous, de transferts de crédits vers le ministère de l'intérieur et celui de l'économie. Mais ces variations de périmètre et autres redéploiements de crédits, que ne retrace aucun document synthétique, rendent les chiffres qui nous sont présentés opaques et peu lisibles. Et la fongibilité de ces crédits peut laisser craindre de voir l'outre-mer réduite au rang de discrète variable d'ajustement.

Quelques éléments vont cependant dans le bon sens. Ainsi de l'effort consenti sur les contrats de projet État-régions et les conventions de développement, dont l'enveloppe augmente de 10 % pour atteindre 110 millions. L'emploi demeure la priorité de ce budget, qui lui consacre 60 % des crédits. Mais le chemin à parcourir est encore long tant l'écart est encore criant entre nos régions et celles de l'Hexagone. Le chômage, malgré une légère décrue, y reste deux fois plus élevé et les Rmistes quatre fois plus nombreux en proportion de la population. Cependant, sur les cinq indicateurs définis par vos propres services pour apprécier l'efficacité de ces politiques, un seul critère est renseigné, celui du revenu minimum d'activité. Il est bon : le taux d'insertion des volontaires en fin de contrat s'établit à 76,5 % en 2006.

Alors que le montant prévisionnel des exonérations de cotisations sociales s'élève à 1 130 millions, seuls 867 sont budgétés. Ainsi, la dette envers les organismes de sécurité sociale augmenterait cette année de 263 millions auxquels il convient d'ajouter les 993 millions accumulés en 2007, fragilisant à court terme le dispositif d'exonération et faisant peser un risque sur l'équilibre du régime. J'espère qu'en cours d'année, des ajustements seront opérés.

Dans ce contexte économique déprimé, des politiques d'accompagnement ambitieuses s'imposent. Or la réduction de 25 millions sur les crédits destinés aux contrats aidés et la disparition pure et simple du congé solidarité laisseront sans horizon des milliers de nos jeunes. Je souhaite que la loi de programme prévue pour l'an prochain leur ouvre de meilleures perspectives. Les crédits consacrés au logement social, je m'en réjouis, passent à 200 millions d'euros, en augmentation de près de 14 %. Mais l'effort demeure encore insuffisant, puisque ces 25 millions supplémentaires ne serviront qu'à éponger la dette. Et comment répondre tout à la fois, avec 236 millions en autorisation d'engagement, aux exigences de la mise en application du droit au logement opposable et à l'accroissement de la demande provoquée par le passage du cyclone Dean ? Les arbitrages budgétaires ne vous ayant pas permis d'augmenter significativement la ligne budgétaire unique, vous entendez assurer la relance par la défiscalisation. Le stratagème, inopérant, aboutirait, de l'avis des spécialistes consultés, à multiplier par deux ou trois le prix de sortie des logements sociaux.

Pour sécuriser le financement de la politique du logement social outre-mer, il conviendrait, d'une part, d'éviter les gels et annulations de crédits en cours d'année, comme s'y était engagé M. Borloo, alors ministre du logement ; d'autre part, pour assurer une programmation pluriannuelle minimale, il serait utile d'ouvrir une autorisation d'engagement d'une durée de cinq ans et de ventiler de même les crédits de paiement.

Autre frein au développement du secteur, le coût et la rareté du foncier, effet pervers de la défiscalisation. La création, comme à la Réunion, d'un Établissement public foncier bénéficiant du droit de préemption sur les terrains à construire réduirait la spéculation. La création, comme en Corse, d'un GIP regroupant État, professionnels et élus chargé de réduire le nombre de terrains en indivision permettrait également de libérer du foncier pour la construction. La viabilisation des terrains a de même un coût que les communes sont rarement capables d'assumer : relancer la réforme du Frafu (Fonds Régional Aménagement Foncier et Urbain) les aiderait.

Les crédits consacrés à la continuité territoriale, à laquelle nos populations sont très attachées, sont nettement insuffisants. Je comprends mal, dans notre République égalitaire, que la Martinique ne reçoive que 5 millions quand la Corse s'en voit attribuer 172, soit trente-cinq fois plus ! Il y a certainement là une explication que vous ne manquerez pas de nous donner et que nous attendons avec impatience.

J'en viens à la situation financière des communes, dont les charges de personnel grèvent dans des proportions considérables les capacités d'autofinancement. Elles ont aujourd'hui la plus grande difficulté à financer par leurs ressources propres leurs dépenses d'équipement. Des ressources externes sont indispensables pour financer, en particulier, leurs écoles primaires et maternelles. Le parc immobilier des établissements scolaires est souvent très vétuste et ne répond pas aux normes parasismiques, les expertises opérées immédiatement après le récent séisme en témoignent. Si régions et départements peuvent disposer de fonds de concours européens, les communes ne disposent d'aucune aide spécifique, ni de l'Europe, ni de l'État, ni des grandes collectivités. II devient impératif de mettre en place un plan pluriannuel de reconstruction et de mise aux normes de ces établissements scolaires. J'en appelle à la responsabilité du Gouvernement.

Vous ne cessez, monsieur le ministre, de nous annoncer la rupture. Nous attendions un budget portant un changement radical. Or, je n'y vois que continuité, quand ce n'est pas une détérioration. Surprenez-moi, monsieur le ministre, ou je crains de ne pouvoir voter votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Virapoullé, président de la commission. - L'analyse des crédits de la « Mission outre-mer », en levée de rideau du prochain vote d'une grande loi de programme annoncée par le Président de la République pour donner un nouveau souffle économique et social aux départements d'outre-mer, nous est l'occasion de mesurer les carences économiques dont souffre l'outre-mer et de préciser notre vision. Ce budget marque la volonté du Président et du Gouvernement de maintenir, en ces temps difficiles, le cap de la solidarité. Et ce n'est pas chose facile, car l'économie, elle, appelle un changement de cap.

Départements français depuis 1946, les DOM, sous une belle carrosserie départementale, cachent un vieux moteur colonial, coûteux pour l'État et qui autorise bien des rentes de situation. Le Président de la République a été élu par 53 % des Français pour changer les choses. Sans faire de procès d'intention aux entreprises -pas une seule voix de l'outre-mer n'a manqué pour voter les textes destiné à aider leur relance- force est de constater que les situations de monopole sont de plus en plus abusives, les ententes illicites sur les prix de plus en plus flagrantes, l'opacité sur la formation et le niveau des prix de plus en plus insupportable. Un exemple, le prix de l'air liquide vendu à la Réunion, malgré la défiscalisation des investissements, malgré la TVA NPR, atteint 600 % de celui de la métropole !

Et comme l'air de la Martinique est notoirement plus pur que l'air de l'Himalaya, en Martinique cet écart passe de 600 à 1 200 %. Si l'hôpital de Bellepierre devait acheter la quantité maximum de gaz et fluides médicaux prévue au marché, il devrait payer 5,7 millions contre un million en métropole. C'est avec de tels surcoûts coloniaux que nos hôpitaux sont en déficit ! Monsieur le ministre, je viens ici réclamer la décolonisation économique, la justice sociale pour l'outre-mer et une bonne utilisation de l'argent au profit du plus grand nombre. (Applaudissements à droite et au centre).

Nous avons mis en place l'Observatoire des prix qui analyse la formation des prix des décarburants à la Réunion. On nous a indiqué que celui des carburants FOB Singapour était de 40 % plus cher que celui de Rotterdam. Mais là où l'Observatoire a montré ses limites c'est lorsque nous avons demandé aux importateurs de nous fournir des explications sur ces 40 % de surcoût, il nous a été opposé une fin de non-recevoir.

Nous proposons un moyen d'augmenter le pouvoir d'achat. L'État dispose d'excellents services de la concurrence et des prix qu'on peut charger de mener, dans un délai rapproché, une étude précise sur la formation des prix dans ces départements pour chacun des produits et services manifestement plus chers qu'en métropole. A la publication de cette étude, je propose que les prix d'un certain nombre de biens et de produits de première nécessité soient réglementés par décret après consultation du Conseil de la concurrence, comme l'autorise aujourd'hui le Code du commerce. Pour faire baisser le coût de la vie, il faut mettre fin aux rentes et monopoles !

Il faut supprimer la TVA non perçue récupérable (NPR), dont l'effet est inexistant, et doubler la ligne budgétaire unique pour financer la construction de logements. Les travailleurs pauvres, aux revenus inférieurs à un Smic et demi, ne peuvent accéder à la propriété. Il faut augmenter l'aide au logement locatif et favoriser la vente des logements sociaux à leurs locataires, aider les collectivités locales et les SEM à aménager le foncier destiné à accueillir les logements sociaux.

La zone franche globale exprime la détermination de l'État de créer encore plus de croissance économique. Vous demandez aux élus quels sont les secteurs à cibler. Il faudrait aussi déterminer les zones prioritaires. Mais si nos universités ne suivent pas et ne forment pas les cadres ou agents de maîtrise qui devront travailler dans ces zones franches, nous devrons encore importer de la main d'oeuvre qualifiée. D'accord avec les zones franches globales mais l'éducation doit suivre !

Le développement économique n'est pas exclusif de la justice sociale. Dans des départements où le taux de chômage oscille entre 24 et 30 % il faut concevoir une nouvelle génération de contrats aidés adaptés à l'âge, le niveau scolaire et la santé du public visé.

Bien entendu, la loi de programmation comprendra bien d'autres volets. Tout cela bouillonne. En votant ce budget, j'apporte ma pierre à l'édifice de la volonté du Président et du Gouvernement de faire de l'outre-mer une priorité. (Applaudissements à droite et au centre).

M. Georges Othily.  - La discussion des crédits de la mission outre-mer est un moment important pour près de deux millions de nos compatriotes des neuf départements et collectivités d'outre-mer. Cette mission ne regroupe que les crédits gérés par le secrétariat d'État, crédits qui, à périmètre constant, augmentent de 3 %, soit plus que les dépenses de l'État. Ils ne représentent que 13,5 % de l'effort budgétaire total en direction des collectivités ultramarines. L'ensemble de la politique transversale « outre-mer » est abondé à hauteur de 15 milliards. Je me félicite d'ailleurs que la Guyane, avec 5 629 euros par habitant, soit l'une des collectivités les mieux dotées.

L'outre-mer doit faire face à de graves difficultés. Le logement social n'en est pas des moindres, qui connaît une crise aiguë, laquelle comporte trois conséquences : forte baisse de l'offre, dégradation du taux d'effort et des conditions d'accès des familles modestes à un logement décent et, enfin, regain de l'habitat indigne. La situation a tellement empiré qu'en Guyane, la production d'habitat spontané et insalubre dépasse désormais l'offre de logements décents. Il est urgent de relancer la construction de logements sociaux et de mener bataille contre l'insalubrité, dans la perspective de la mise en oeuvre du droit au logement opposable. Au vu de ce contexte préoccupant, l'examen des crédits alloués à la ligne budgétaire unique me laisse perplexe : les 200 millions inscrits en crédits de paiement s'apparentent à une diminution budgétaire maquillée, à laquelle il faut ajouter la baisse de 24 millions des autorisations d'engagement. Monsieur le Ministre, au vu de ces chiffres, comment démêler le vrai du faux ? La relance de la construction de logements sociaux passe nécessairement par le maintien de l'effort de l'État, mais aussi par la relance de la construction. L'urgence est patente pour l'actualisation des aides personnelles, du forfait charges DOM, de la libération de foncier pour la construction. Le futur projet de loi de programmation devra impulser une nouvelle dynamique.

Je souhaiterais également mentionner l'incertitude quant au sort du Fedom, après la promulgation de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail. Ce fonds, qui permet aux parlementaires de l'outre-mer de s'associer à l'État dans la définition de la politique de l'emploi outre-mer, a fait ses preuves et les populations ultramarines connaissent son apport. Or il semblerait que ses crédits aient été transférés au ministère de l'emploi. Qu'en est-il, monsieur le ministre ?

La Guyane a besoin aujourd'hui d'un développement par l'excellence. L'ère du rattrapage est révolue. Le schéma régional de développement économique a synthétisé les maux dont souffre aujourd'hui notre Région : isolement géographique de la plus grande partie du territoire, stagnation du revenu moyen, taux de chômage élevé, fragilité financière des PME, insuffisances des infrastructures et des services publics. J'y ajouterai la rapidité de la croissance démographie alimentée par des flux migratoires hors de contrôle. La Guyane n'a d'autre choix que celui d'une croissance économique rapide et riche en emplois, sous peine de voir éclater une grave crise sociale. Tous les élus sont conscients des contraintes budgétaires ; nous n'en aspirons pas moins à bénéficier du principe d'égalité des chances entre régions des États membres que les traités européens promeuvent. Le projet gouvernemental de Zone franche globale d'activités (ZFGA) peut constituer ce levier qui nous manque tant, sur lequel prendrait appui un développement économique et social harmonieux. Mais ce dispositif ne doit pas être mis en place à n'importe quel prix. Il doit s'inscrire sur le long terme -dix ans minimum- afin d'assurer une réelle continuité de ses mécanismes qui garantirait, pour les investisseurs, la lisibilité des avantages fiscaux. Cette durée doit rendre ce dispositif cohérent avec les lois d'orientation et de programmation sous peine d'écraser toute initiative sous le poids des réglementations. Il serait contreproductif que la ZFGA fasse table rase des acquis précédents, alors qu'on n'a pas assez de recul pour les évaluer. Les spécificités des marchés actuels des entreprises guyanaises -Antilles et marchés intracommunautaires- requièrent de leur laisser le temps de se placer à l'exportation.

Il faut créer un commissaire à l'industrie pour l'outre-mer.

La Guyane ne manque pas d'atouts ni de richesses, elle recèle un biotope dont les ressources demeurent méconnues et dont l'intérêt pour la médecine et la pharmacie pourrait être prometteur. De nouvelles filières de formation pourraient ainsi être financées pour encourager la recherche en la matière, avec peut-être d'immenses retombées économiques et sociales. Dans le pôle de compétitivité de santé tropicale, quels crédits seront mis en place pour financer la recherche fondamentale et les applications à très forte valeur ajoutée ? Nous pouvons espérer faire des progrès immenses, au point d'endiguer des pathologies telles que la dengue ou le paludisme.

Les crédits de la mission « Outre-mer » ne répondent certes pas à toutes les attentes. La conjoncture économique interdit sans doute d'accentuer l'effort. Mais ce budget est sur le bon chemin ; il doit être plus ambitieux l'an prochain. C'est donc avec responsabilité que je le voterai. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jacques Gillot.  - Le budget de l'outre-mer mériterait une présentation plus lisible, par territoire plutôt que par action, afin de démontrer votre capacité à conjuguer unité et diversité. Le transfert des crédits consacrés aux emplois aidés à la mission « Travail et emploi » n'arrange rien ! A périmètre constant, les crédits de paiement baissent significativement, de 1,95 milliard en 2007 à 1,73 en 2008. Le budget me semble insuffisant pour tourner l'outre-mer vers l'avenir comme vous vous y êtes engagé. Pour la Guadeloupe, il y faudrait une politique volontariste de rattrapage.

Nous militons depuis 2004 pour obtenir une programmation pluriannuelle de la LBU, car 26 000 foyers en Guadeloupe attendent un logement et il serait nécessaire d'en construire 5 000 par an pendant cinq ans : les crédits inscrits n'en couvriront que 1 300 en moyenne. Plus largement, une réforme du financement du logement social s'impose dans notre département : les bailleurs sociaux ne parviennent plus à équilibrer leurs opérations et ont donc cessé toute production. Or la défiscalisation ne suscite pas suffisamment de programmes immobiliers pour satisfaire la demande. Nous attendons une intervention de l'État.

La situation de l'emploi chez nous demeure préoccupante : 27 % de chômeurs, nous sommes loin des 8 % de l'Hexagone ! Seuls l'État et les collectivités locales peuvent soutenir les secteurs porteurs d'emplois, le tourisme et les très petites entreprises qui forment presque la totalité de notre tissu économique -et qui bénéficieront, je l'espère, des exonérations de la zone franche globale. Tant que les conditions de la croissance ne seront pas réunies, les emplois aidés seront vitaux. Le nombre des bénéficiaires du RMI augmente, laissant à la charge du département un solde non compensé de 26,3 millions d'euros : une refonte du calcul de cette compensation devient urgente.

Je m'inquiète également des coupes opérées dans les crédits en faveur de la formation et de l'activité des jeunes. L'ensemble des crédits de l'action « continuité territoriale » stagnent, alors que la nomination du nouveau délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer, M. Karam, semblait annoncer une prise de conscience... La continuité territoriale est un enjeu capital, notamment pour le pouvoir d'achat. Nous avons besoin d'un véritable plan d'ensemble, une sorte de Fidom réactivé !

La mise en oeuvre du plan départemental d'élimination des déchets exige le concours de l'État, aux côtés de l'Europe et des collectivités. Quelle participation est envisageable ? Il en va de même pour la mise aux normes des équipements collectifs : transports collectifs, barrages pour l'irrigation agricole, hôpitaux, établissements pour personnes âgées. Le séisme a montré l'urgence de la mise aux normes antisismiques des écoles.

Le Président de la République a annoncé ses objectifs de baisse de la délinquance ; des moyens intéressants ont déjà été déployés, il faut les renforcer.

La Guadeloupe a fait l'objet d'une regrettable médiatisation après la publication du rapport Belpomme sur la pollution aux organochlorés, dont les conclusions sont du reste controversées. Il convient de déterminer l'étendue des zones polluées, de dépolluer puis d'indemniser les agriculteurs, voire d'organiser des reconversions.

La loi de programme est en préparation, profitons-en pour clarifier ! Les orientations qui vous ont été remises par les élus et les milieux socioprofessionnels seront-elles prises en compte ? La zone franche globale n'en sera que plus efficace...

Une autre politique, au moins pour le logement, aurait été le signe d'une volonté de changement. En l'état de ce budget, mon vote ne peut être que défavorable ; peut-être évoluera-t-il en fonction de vos réponses. (Applaudissements à gauche ; M. Othily applaudit également)

M. Denis Detcheverry.  - Je ne rentrerai pas dans le détail des lignes de la mission, les discussions de marchands de tapis ne m'intéressent pas. Globalement, les financements destinés à l'outre-mer sont difficiles à évaluer. Certaines aides directes à l'embauche seront par exemple prises en charge par le ministère de l'économie. Malgré cette petite gymnastique, on peut conclure que les aides en direction de l'outre-mer sont en légère augmentation, je serai donc favorable à ce budget, malgré la disparition du programme « intégration et valorisation de l'Outre-mer », dont l'intitulé était un message fort.

Je salue votre volonté de favoriser l'intégration des économies ultramarines dans leur environnement régional. Nous nous tournons enfin vers la mondialisation : on ne gagne rien à la politique de l'autruche ! L'outre-mer doit prendre sa place partout dans le monde !

A la demande du Gouvernement, j'ai effectué une mission de coopération régionale destinée à évaluer les possibilités d'intégration régionale pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Notre grand voisin canadien est ouvert à une telle évolution et plusieurs projets économiques communs sont envisagés. Malheureusement, nous sommes confrontés à des réglementations internationales disparates et très complexes, française, canadienne et européenne. Aucun organisme n'étant suffisamment étoffé et compétent sur l'archipel pour traiter ce genre de dossier, les projets restent en suspens. L'accès à l'Europe semble plus facile pour des projets canadiens que pour les nôtres. La loi de programme est en préparation : profitons-en ! Mettons en place des outils tels que le bureau de la coopération régionale ainsi que l'Euro-info-centre.

Heureusement, pour la première fois, vous octroyez 150 000 euros à Saint-Pierre-et-Miquelon à travers le fonds de coopération régionale. C'est un début, je vous en remercie. Le contrat État-région 2008-2013 est une bouffée d'oxygène -mais insuffisante, car il s'agit moins d'un contrat de développement que d'un contrat de dépenses et ses retombées ne correspondent pas au changement de politique économique dont nous avons besoin. Ce contrat, préparé localement peut-être un peu à la hâte, a le mérite d'exister mais il devra être complété pour inclure certaines opérations hélas délaissées.

En attendant, le contrat de plan continuera de fournir du travail à court terme, ce qui n'est pas un luxe, même si je considère qu'il faut cesser de travailler dans l'urgence, sans vision ni conviction.

Il est cependant un seuil de financement en deçà duquel on ne peut descendre, sauf à compromettre l'avenir. Je suis bien placé pour parler de chômage, ma commune est passée du jour au lendemain d'un taux de chômage nul à un taux de chômage saisonnier de longue durée de 25 %, qui a déjà conduit à l'exil 15 % de sa population. Je crains que nous n'atteignions rapidement le point de non retour.

Si la situation financière des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon est très difficile, elles manquent aussi de moyens humains ; elles sont entrées dans une spirale infernale : leur déficit les empêche de trouver les solutions qui leur permettraient de s'en sortir... Je salue le travail du député de l'archipel, qui vous a conduit à étudier une réévaluation des critères d'attribution de la DGF ; j'espère que le délai prévu pour cette étude pourra être ramené à trois mois.

L'inflation à Saint-Pierre est quatre fois plus élevée qu'en métropole, telle est la réalité de nos collectivités, isolées, soumises aux fluctuations du dollar et aux rigueurs de climat. Le Gouvernement a annoncé une prime à la cuve au fioul ; mais avec 150 euros, nos maisons ne peuvent être chauffées que huit à dix jours ... C'est pourquoi je soutiens sans complexe l'amendement sur la DGF qui viendra en discussion mercredi prochain et qui vise à prendre en compte l'inflation à Saint-Pierre-et-Miquelon ; si nous faisons preuve de responsabilité, nous réussirons à trouver des solutions, et l'amendement sera sans conséquence à moyen terme.

Vous avez d'autre part accepté, à ma demande, d'examiner la possibilité de mettre en place une liaison entre Paris et Saint-Jean-de-Terre-Neuve, qui se trouve à seulement quarante minutes de vol de Saint-Pierre. Avec un meilleur service et une réduction des coûts de transport, on pourrait faire baisser les prix et le montant de certaines aides de l'État.

Il faut véritablement mettre le paquet pour permettre à l'archipel de sortir la tête de l'eau une bonne fois pour toutes. C'est la voie du développement durable, qui lui permettra de se responsabiliser et de devenir plus autonome. Dans une situation assainie, nous serons mieux armés pour soutenir les acteurs économiques.

Mais notre potentiel dépasse à mes yeux les besoins de notre population. Plusieurs pistes de développement s'offrent à nous, qui sont bien connues. Le bassin laurentien est riche en hydrocarbures ; nous pouvons être de bons prestataires de services pour les compagnies exploitantes ; ce serait d'ailleurs un juste retour de l'histoire... Notre statut nous confère d'autre part une autonomie fiscale ; nous pouvons proposer certains avantages à la clientèle canadienne ou américaine. Les conséquences, modestes au niveau national, seraient importantes pour nous ; nos demandes financières auprès de l'État pourraient être réduites d'autant.

Nous pouvons en outre revendiquer une zone maritime jusqu'au plateau continental ; le dossier doit avancer rapidement en liaison avec le Canada. Si nous ne pêchons plus comme par le passé, nous avons des projets désormais viables d'aquaculture, comme celui d'EDC. J'espère que le Gouvernement saura les soutenir. Reste que nos produits sont encore très peu valorisés et vendus à des prix trop bas, que le coût et l'irrégularité des transports nous pénalisent. Ne pourrions-nous bénéficier d'un dispositif inspiré du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements français d'outre-mer (Poseidom) ? Nous avons d'autres opportunités en valorisant notre biodiversité ou en développant nos infrastructures touristiques. En plus d'un soutien financier, tous ces projets ont besoin de moyens humains et techniques pour aboutir. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Simon Loueckhote.  - Ce budget nous rassure, même s'il ne représente que 15 % de l'effort national en faveur de l'outre-mer. Il intervient dans le contexte des réformes voulues par le Président de la République, dont je tiens à saluer la détermination et le courage politique. J'ai toute confiance dans sa capacité à améliorer la situation de la France et celle des Français de métropole et d'outre-mer.

Il reste beaucoup à faire pour nos territoires, ce qui impose une réflexion commune et le dialogue avec les responsables politiques locaux. Je salue la sagesse du président de la commission des finances qui, à la demande du Gouvernement, a accepté de retirer son amendement relatif à la majoration des retraites des fonctionnaires outre-mer. Un groupe de travail va être créé pour examiner, d'ici la fin du premier semestre 2008, tous les aspects du problème ...

M. Philippe Marini.  - Tout cela ne peut plus durer !

M. Simon Loueckhote.  - ...et élaborer un texte. (On s'en félicite à droite) Ce n'est pas une stratégie d'évitement mais la prise de conscience qu'on ne peut décider qu'en pleine connaissance de cause. Le sujet pourrait avoir sa place dans l'agenda du conseil interministériel annoncé pour le premier semestre, qui pourrait être présidé par M. Sarkozy lui-même. La tenue de ce conseil est une marque significative d'attention à l'égard de nos compatriotes ultramarins. La dynamique du changement doit aussi toucher l'outre-mer.

De nombreuses contraintes pèsent sur l'activité économique et la création de richesses outre-mer. Nos collectivités sont tenues de soutenir en permanence un développement économique et social fragile, mais elles sont limitées par l'insuffisance de leurs ressources propres. L'enjeu fondamental est de leur permettre de passer d'une logique de rattrapage à une logique de développement. Je souhaite que la mise en place de pôles de compétitivité et la création de zones franches d'activité permettent de donner un nouvel élan à nos économies.

Nos collectivités sont gérées dans le cadre de la décentralisation ce qui, selon nos statuts respectifs, se traduit par un transfert de compétences et de moyens plus ou moins étendu. La gestion de proximité ne permet pas de résoudre tous nos problèmes. Le Sénat connaît bien les difficultés induites par le processus de décentralisation. Son président a souhaité le doter d'un observatoire de la décentralisation chargé d'évaluer et de faire des propositions.

Nos collectivités sont très diverses, elles ont besoin de réponses adaptées à leurs identités particulières. Or, continuellement confrontées à l'évolution de leur statut et de leurs liens avec l'État, elles demandent à être plus autonomes. L'autonomie locale, selon l'article 3 de la Charte européenne de l'autonomie locale, c'est « le droit et la capacité effective pour les collectivités de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ». L'exercice de l'autonomie est de fait très variable d'une collectivité à l'autre : les exécutifs locaux ne sont par exemple responsables qu'en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et ... en Corse.

Personne ne songe aujourd'hui à contester le bien-fondé d'une gestion de proximité. Pour autant, l'outre-mer a besoin de concevoir son évolution statutaire dans un cadre plus global, en fonction des étapes que chaque collectivité doit pouvoir franchir à son rythme et, bien entendu, selon la volonté de sa population. (M. Othily applaudit) Cela suppose de mener une réflexion au sein de chaque collectivité d'outre-mer sur l'évolution de ses relations avec l'État ; des initiatives pourront alors être prises pour proposer les réformes institutionnelles ou les adaptations nécessaires dans le domaine de la loi ou du règlement.

Le Gouvernement a clairement manifesté sa volonté de privilégier l'écoute des populations ultramarines. Nous avons franchi un pas supplémentaire et très symbolique avec la loi organique du 21 février 2007, qui permet désormais aux départements et aux régions d'outre-mer, conformément à l'article 73 de la Constitution, d'adapter les dispositions législatives et réglementaires aux spécificités de leur territoire.

Cependant, une action publique plus décentralisée, mieux adaptée à nos réalités locales, davantage d'autonomie pour nos collectivités ultramarines, est-ce vraiment la panacée ? La réalité est beaucoup plus complexe, à l'image des priorités établies par le Gouvernement qui sont de tout mettre en oeuvre pour accroître l'essor économique et la création de richesses dans nos collectivités et d'améliorer les conditions de vie de nos compatriotes d'outre-mer.

La France de l'outre-mer a aussi besoin d'inscrire son évolution statutaire dans l'Union européenne. La différence que fait l'Union européenne entre les régions ultrapériphériques (RUP) et les pays et territoires d'outre-mer (PTOM) se traduit dans le niveau de l'aide accordée. L'évolution statutaire de nos collectivités ultramarines devrait pouvoir se faire sans que cela induise un changement majeur de traitement au niveau européen. La présidence française de l'Union serait une bonne occasion pour réformer le statut des collectivités d'outre-mer, dans le sens d'une uniformisation et d'une plus grande efficacité de l'intervention européenne dans les PTOM. Nos populations pourraient bénéficier de cette meilleure intégration de nos collectivités dans l'Europe.

Il est tout aussi essentiel de mieux prendre en considération l'insertion de nos collectivités dans leur environnement régional. La faiblesse et l'irrégularité de nos échanges commerciaux avec nos voisins nous font manquer des occasions de développement. Le cloisonnement dans lequel nous évoluons au sein de nos environnements régionaux respectifs paraît totalement dépassé, à l'époque de la mondialisation. Nous nous félicitons d'afficher des PIB élevés -qui cachent cependant de très fortes disparités de développement au sein de nos propres collectivités- mais nous avons des coûts de production et un coût de la vie très élevés, qui sont une entrave à notre compétitivité.

La gestion autonome de nos collectivités repose sur deux piliers : la liberté d'action mais aussi des moyens suffisants pour mettre en oeuvre nos politiques publiques. On peut concevoir que nos collectivités se soucient de la pérennité de leurs ressources dans le contexte d'un éventuel désengagement de l'État. La Nouvelle-Calédonie est engagée dans un processus d'autodétermination qui se traduira par une consultation locale à partir de 2014. Le transfert de compétences est une étape supplémentaire dans le processus de décentralisation inclus dans l'accord de Nouméa mais l'État -et il faut s'en féliciter- continue d'accompagner et de financer nos politiques publiques, notamment par le biais des contrats de développement. La stabilité politique actuelle, qui est le fruit de la signature des accords de Matignon et de Nouméa, nous permet de nous concentrer sur notre développement économique. Les grands projets de construction d'une usine de traitement du nickel dans le Sud et d'une seconde en province Nord nous font espérer une croissance soutenue, pendant quelques années. Les perspectives qu'ouvre l'essor de l'activité nickel confortent ceux qui pensent que la Nouvelle-Calédonie peut s'affranchir de la France et devenir indépendante. L'idée dans l'air du temps est de faire payer une redevance aux opérateurs miniers, de façon à accroître les ressources propres de notre collectivité, dans un contexte de désengagement de l'État. Mais notre forte autonomie ne doit pas nous faire oublier les handicaps structurels, que nous devons corriger pour asseoir le développement économique et social de notre archipel sur des fondements pérennes. Depuis plusieurs décennies, nous misons notre développement économique sur le nickel et ne parvenons pas à diversifier notre économie. La construction de deux nouvelles usines ne peut que favoriser notre essor mais les opérateurs miniers ne sont pas des philanthropes : ils veulent réaliser des profits et ils ne se substitueront pas à l'État en cas de crise du nickel. Parallèlement, nous mesurons la difficulté de créer des zones d'activité durables sur l'ensemble de notre territoire, en dépit de la manne financière injectée depuis plus de vingt ans.

En 2008, nous célébrerons les vingt ans des accords de Matignon.

Si nous sommes en mesure de faire un bilan politique, il est temps de dresser un bilan économique de la décentralisation. Je ne veux pas tomber dans la caricature et présenter les élus locaux comme de mauvais gestionnaires mais il faut avoir le courage politique de mettre en évidence les faiblesses du processus, de façon à les corriger. L'accroissement des ressources propres d'une collectivité permet certes l'exercice d'une gestion autonome mais il ne faut pas confondre cette logique avec la croyance idéologique d'un désengagement de l'État en Nouvelle-Calédonie.

La vraie question porte sur l'équilibrage et la pérennité de notre activité économique. L'outre-mer doit s'inscrire dans les grandes réformes que conduit le Président de la République. Ce n'est pas par de simples mesures financières à la hausse ou à la baisse que nous pourrons définir et occuper toute notre place. Nous sommes demandeurs d'un véritable projet pour l'outre-mer, qui soit défini en concertation avec les responsables des collectivités ultramarines. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Robert Laufoaulu.  - Je remercie nos rapporteurs, qui sont parmi les meilleurs connaisseurs de ma collectivité, et M. le Ministre apporte sa fraîcheur d'esprit. Comment ne pas me sentir alors en confiance pour évoquer quelques situations difficiles de mon territoire ? On hésite parfois, ici, dans ce qui est peut-être le plus beau palais de République, dans la capitale de la France où les hôpitaux sont parfaitement équipés, où les lycées disposent de budgets de fonctionnement suffisants, où les moyens de communication sont performants, oui, on hésite parfois à parler de nos problèmes, de peur de ne pas être compris.

Monsieur le ministre, vous êtes venu nous voir il y a un mois et demi et, avant même que vous ne posiez le pied sur le sol de nos îles, vous avez vécu certaines difficultés quotidiennes de nos concitoyens du bout du monde. Vous avez dû prendre, de Nouvelle-Calédonie, un avion de l'armée pour nous atteindre au bout de cinq heures de vol. Il vous a fallu, presque en cours de route, modifier le plan de vol et aller jusqu'à Wallis pour y récupérer les élus qui devaient vous accueillir à Futuna, première étape de votre visite. Le bimoteur qui assure les liaisons inter-îles avait une fois de plus manqué à l'appel. Dans votre entourage, tous n'étaient pas très rassurés par les turbulences. Seul le ministre semblait serein, et c'était son devoir car le chef ne doit jamais pâlir. Ainsi, monsieur le ministre, vous avez compris sans beaucoup d'explication que la desserte entre nos deux îles pose d'énormes problèmes. Les retards ou les reports de vol peuvent être compris, et même acceptés, mais quand il est question de la santé et de la vie, on ne peut attendre. Les évacuations sanitaires pour maladie, accident ou accouchement ne peuvent se faire de nuit, ou par simple mauvais temps. Encore moins quand l'avion est en panne.

Vous avez évoqué cette situation inacceptable et pris des engagements pour que le chantier de la piste de Vele, dont le financement est déjà programmé, se déroule dans les meilleures conditions. Vous avez aussi évoqué la possibilité d'acquérir un deuxième avion affecté à cette desserte. Puis-je vous demander à quelle échéance nous pouvons espérer la concrétisation de ce projet ?

Vous avez visité le dispensaire de Futuna. Ce que vous avez vu vous a visiblement choqué et chacun a pu sentir que votre émotion n'était pas feinte. Après y avoir passé plus d'une heure, qui n'avait pas été prévue dans votre programme, vous avez dit qu'il n'était pas digne de la France et que ce n'est pas parce qu'on est à 20 000 kilomètres que l'on est moins Français. Je tiens sincèrement à vous remercier de votre écoute, de votre sens si juste de la proximité.

Je compte sur votre soutien pour que la réfection de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna se réalise en conformité avec les plans et le calendrier fixés. J'évoquerai aussi le budget de cette agence, qu'il faudrait établir en fonction de ses besoins réels pour éviter que la dette qui s'accumule ne continue à parasiter nos relations avec nos fournisseurs de produits et de services essentiellement néo-calédoniens.

J'ai regretté que vous n'ayez pas eu le temps de visiter le lycée du territoire. Cet établissement, construit en dépit du bon sens, ne correspond absolument pas aux conditions climatiques locales. Sa présence témoigne de la réalité de la solidarité nationale, puisqu'il a coûté 15,5 millions. Malheureusement, une minable gestion de cette générosité fait dire à certains que ce que la France donne de la main droite, elle le reprend de la main gauche. Certains locaux sont sans fenêtres et il a fallu installer la climatisation, alors que le prix de l'électricité est chez nous sept fois plus élevé qu'en métropole. Ces défauts de conception et les malfaçons entraînent des coûts de fonctionnement que les ministères considèrent aujourd'hui comme prohibitifs et qui les font hésiter à mettre des moyens à la hauteur des réels besoins. C'est injuste pour nos enfants qui subissent ainsi les conséquences de la négligence de certains responsables.

Je pense aussi à nos lycéens obligés de quitter le territoire pour poursuivre leur scolarité parce que les structures manquent sur place. Nous comprenons bien qu'on ne peut ouvrir une filière professionnelle pour une dizaine d'élèves, mais il faudrait mettre en place un accueil et un suivi de ces adolescents envoyés à 20 000 kilomètres de leurs familles.

La desserte aérienne extérieure, du fait du monopole d'Air Calin, s'organise à des horaires peu pratiques et à des tarifs prohibitifs. Nous avons besoin de l'aide du Gouvernement. Ne faudrait-il pas autoriser une autre compagnie aérienne ? L'enclavement, c'est aussi la fracture numérique. Lors du Forum des îles du Pacifique, qui s'est tenu à Tonga en octobre 2007, vous avez dit qu'il était inadmissible que les femmes et les hommes du Pacifique subissent une si injuste fracture numérique, et qu'y remédier rapidement était pour vous un devoir d'équité et de justice. Le projet de câble sous-marin trans-Pacifique reliant l'Australie à la Polynésie Française, en passant à proximité de Wallis-et-Futuna, constitue une réponse adaptée à nos difficultés. Mais nos moyens étant faibles, nous avons besoin de l'État pour nous aider à financer une éventuelle participation du territoire à ce projet.

Les mini-jeux du Pacifique se tiendront à Wallis-et-Futuna en 2013. Pour la première fois, notre territoire organisera une grande manifestation régionale et nous espérons pouvoir compter sur l'aide de l'État pour la réalisation d'infrastructures sportives et d'accueil afin que ces jeux se déroulent dans de bonnes conditions. Le prestige de la France dans cette partie du monde est en jeu.

Enfin, qu'il me soit permis d'attirer votre vigilance, comme je le fais hélas presque chaque année depuis 1998, sur les problèmes récurrents que nous rencontrons dans le cadre de l'exécution du contrat de développement.

Certains ministères prennent du retard dans la délégation des crédits. Par ailleurs, nous manquons toujours de personnel technique. Pour cette raison, Mme le ministre a proposé d'envoyer à Wallis-et-Futuna une mission d'ingénierie afin d'évaluer les besoins. Nous y souscrivons pleinement, comme l'a confirmé le Président de l'Assemblée territoriale, M. Taputai, et nous espérons qu'elle se concrétisera bientôt.

En vous remerciant d'avance pour vos réponses et en disant combien nous comptons sur la loi de programme que vous préparez pour donner à l'outre-mer un nouvel élan d'intégration régionale et de développement durable appuyé sur l'économie et l'écologie, j'exprime à nouveau l'immense gratitude de la population qui bénéficie la solidarité nationale rendue possible par le partage des fruits du travail de chacun.

Je voterai bien sûr votre budget. (Applaudissements à droite et au centre.)

M. Soibahaddine Ibrahim Ramadani.  - Bien que les concours de l'État en faveur de l'outre-mer passent de 13 à 15,3 milliards d'euros, les crédits de la « Mission outre-mer » semblent diminuer, avec 1,76 milliard contre 1,96. Cependant, les crédits du programme « intégration et valorisation de l'outre-mer » ayant été transférés vers d'autres missions, la dotation à périmètre constant progresse de 2 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement.

L'année 2008 sera cruciale et difficile pour Mayotte, car le droit commun s'appliquera dans l'île à partir du 1er janvier, hors six matières. J'évoquerai plus particulièrement les conséquences pour l'éducation et la consommation.

L'évolution du code de l'éducation comporte trois objectifs pour le premier degré : supprimer les rotations de classes, mettre les bâtiments aux normes et généraliser l'accueil à l'école maternelle des enfants de 3 à 5 ans.

Alors que le programme quinquennal comporte la création de 641 classes et la rénovation de 900, 423 classes ont été construites ou sont en voie l'être et presque toutes les écoles vétustes ont été mises aux normes, pour un coût total de 55 millions d'euros. Il faut donc résorber le déficit de 218 classes et ajouter les besoins nouveaux pour 2007-2013, soit 220 classes pour l'enseignement pré-élémentaire, outre 50 classes supplémentaires chaque année pour absorber la poussée démographique et un nombre indéterminé afin d'accueillir les enfants issus de l'immigration clandestine, dont les parents ont souvent été reconduits à la frontière.

La convention de développement signée entre l'État et Mayotte pour 2003-2007 consacre 16,2 millions d'euros à la lutte contre les rotations de classes et pour la mise aux normes des écoles, auxquels s'ajoute la dotation annuelle de construction et des équipements, qui dépend des effectifs d'élèves.

L'EPCI en charge des écoles pour les dix-sept communes de Mayotte est en rupture de trésorerie depuis six mois : l'État lui doit 4,3 millions d'euros au titre de la convention de développement, le conseil général doit 1 million d'euros et les communes doivent elles aussi 4,3 millions. À quelques semaines de la clôture de l'exercice, les perspectives de versement du fonds d'investissement et de péréquation s'estompent, ce qui aggrave les difficultés des communes.

Le contrat de projet 2007-2013 en cours de finalisation devrait comporter 15 millions d'euros pour l'enseignement du premier degré, soit bien moins qu'en 2003, pour une période plus longue et des besoins accrus. Ainsi, à la veille de la départementalisation, l'état de l'enseignement du premier degré demeure préoccupant : les perspectives de financement restent incertaines alors que les besoins augmentent.

L'enseignement supérieur ne relève pas directement de votre mission, mais vous serez sans doute consultés pour l'élaboration de l'ordonnance portant application outre-mer de la loi Pécresse. Faut-il rappeler que l'accord du 27 janvier 2000 prévoit l'implantation de Mayotte d'une antenne universitaire devant assumer les deux premières années d'études ? C'est un important facteur d'égalité des chances face à l'échec massif subi par nos étudiants scolarisés hors de Mayotte. Le candidat Sarkozy s'y était engagé. Homme de parole, il tiendra sa parole. Je ne vois que des avantages à ce que l'enseignement se structure autour de l'institut de formation des maîtres (IFM) de Dembéni, à condition qu'il devienne un établissement public doté de l'autonomie administrative et financière.

J'en viens à l'application du code de la consommation. Comme vous le savez, l'antenne de Mayotte de l'Insee doit conduire une étude sur la formation des prix afin que les pouvoirs publics puissent se prononcer sur l'indexation des salaires, mesurer l'ampleur de la concurrence déloyale et repérer les produits non conformes aux règles de sécurité. Il manque toutefois une structure de contrôle complétant la direction régionale des douanes. L'installation à Mayotte d'une antenne de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est indispensable.

Je voudrais conclure mon propos avec l'avenir institutionnel de l'île. La loi dispose que les Mahorais seront consultés sur la départementalisation de l'île si le conseil général se prononce en ce sens à la majorité absolue de ses membres. Je remercie la commission des lois et son président pour avoir accepté d'envoyer une mission préalable à cette consultation, pour mieux la préparer.

Je voterai le projet de budget pour 2008. (Applaudissements à droite et au centre.)

M. le président.  - Au cours de ce débat passionnant, les orateurs ont démontré bien sûr leur parfaite connaissance des dossiers mais aussi la passion pour leurs territoires. Je les prie de bien vouloir excuser mes rappels aux temps de paroles, mais cela fait partie de la vie parlementaire. Reste qu'ils ont su concilier l'élégance de l'expression et la force des convictions. (Applaudissements)

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - En effet, nous avons partagé un grand moment d'émotion au cours de ce rendez-vous annuel.

Je voudrais que les manuels d'histoire et de géographie enseignent à tous les petits Français la réalité de ces instants magiques. (Applaudissements à droite et au centre.) La beauté et la grandeur de la France : voilà ce qu'on traduit vos discours cet après-midi. Vous vous êtes exprimés avec votre coeur, avec votre histoire et votre identité, votre culture et votre héritage, mais aussi un profond attachement aux idéaux de la République française.

Il est vrai que seuls des instants trop brefs nous sont accordés pour parler de l'océan Indien, de la Caraïbe, de l'océan Pacifique. C'est dur d'avoir fait plus de 10 000 km pour n'avoir droit qu'à dix minutes de tribune !

J'essaierai modestement de répondre, sans insister sur la hausse de 2 % des autorisations de programme et de 3 % des crédits de paiement à périmètre constant. Vous avez déjà entendu tant de chiffres, vous en entendrez encore beaucoup : c'est un peu une antienne ! Mais avec mon enthousiasme et avec la feuille de route tracée par le Président de la République j'essaye de servir au mieux. M. Loueckhote a raison de dire que l'important n'était pas de dire qu'un budget était bon parce que les crédits de dépenses augmentent ou qu'il est mauvais parce qu'ils diminuent ; comme l'a rappelé Mme Michaux-Chevry, seule compte la volonté politique au service de l'outre-mer.

Imaginons un instant que je vous présente une hausse formidable des crédits de 15 %, 20 % voire 30 %. Ce serait non seulement impossible, mais ce serait également inutile sans regard nouveau sur l'outre-mer.

Ce qui est essentiel, c'est le volontarisme. Je n'aime pas le mot d'assistanat même si je sais qu'il fut un temps où il n'y avait pas d'autre réponse pour éviter que certains soient laissés au bord du chemin. Mais aujourd'hui, nous voulons assurer la solidarité envers les plus faibles, mais aussi assurer l'égalité des chances, permettre à chaque Français, qu'il soit né à Mayotte, à Wallis ou à Saint-Pierre, de profiter de l'ascenseur social et de prétendre aux plus hautes responsabilités.

M. Lise a critiqué les crédits malgré leur progression de 3 %. Le logement social sera pris en compte dans la loi de programme. La concertation sur la zone franche globale a été lancée et j'attends les conclusions du conseil régional comme votre agenda 21. Je suis prêt à en tenir compte si vous me les faites parvenir avant la fin de l'année. J'ajoute qu'après Dean, l'Etat a débloqué 40 millions.

La Martinique a fait le choix de réhabiliter les logements anciens plutôt que d'en construire de nouveaux, d'où la construction de seulement trente-deux logements. La pénurie de foncier et l'absence d'établissement public foncier, faute de consensus, n'aident pas les communes martiniquaises. Je veillerai à ce que la loi de programme apporte des solutions mais il ne faut pas invoquer une baisse des crédits : ils s'élevaient à 35,4 millions en 2007...

M. Claude Lise.  - Mais il y avait 16 millions de dettes !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - La situation s'explique par des choix locaux. Entre 2003 et 2006, on a construit 1 453 logements en Guadeloupe contre 393 en Martinique ; on en a rénové 692 en Guadeloupe, mais 1 035 en Martinique. Il faudrait produire 700 logements par an pour respecter la loi sur le droit au logement opposable.

Vous estimez que l'Etat n'a pas rempli sa mission. Je suis pourtant venu tout de suite après le passage du cyclone puis revenu quarante-huit heures après avec le Premier ministre. Nous reviendrons avant la fin du mois de janvier nous assurer que les engagements pris ont été respectés. Le conseil général a mis 10 millions, le conseil régional 12 millions, c'est tout à leur honneur mais des collectivités métropolitaines, en nombre hélas insuffisant, ont apporté 236 184 euros dont 50 % pour le département des Alpes-Maritimes que j'ai l'honneur de présider. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

Les inspections ont évalué le coût à 500 millions. Notre diligence a accéléré l'intervention des assureurs. L'Etat apportera 69 millions et j'attends la réponse de l'Europe à ma demande d'aide. Nous travaillons pour que les deux cents logements sinistrés soient rénovés ou reconstruits.

MM. Marsin et Larcher ont parlé du récent séisme, dont l'épicentre se situait à 16 km de Fort-de-France. Son impact a été beaucoup plus important chez nos voisins qu'en Martinique. Il ne faut pas moins mettre en oeuvre le plan séisme aux Antilles. Les 350 millions de sa première tranche iront en priorité au logement social et aux constructions scolaires. Comptez sur ma détermination.

Mme Hoarau a évoqué de nombreux dossiers, à commencer par la continuité territoriale. Nous serons vigilants sur le contrôle des aides et sur les exonérations sociales. Je reviendrai sur les zones franches globales. La loi de programme comportera un fort volet logement. Je souhaite que le passeport mobilité devienne plus efficace. J'ai reçu les compagnies aériennes et évoqué la concurrence sur la desserte et un allègement des obligations de service public. Je soutiens l'idée d'utiliser des gros porteurs comme l'A-380. Nous ne voulons pas remettre en cause les congés bonifiés mais les lisser pendant les périodes d'hyper-pointe.

Le plan de rénovation urbaine des Abymes est un des projets les plus ambitieux en France métropolitaine et outre-mer, tant en termes budgétaires que par son caractère innovant. Je m'engage, monsieur Marsin, à ce que l'Etat vous accompagne pour le budget comme pour la fiscalité.

Si le conseil général de Mayotte souhaite une évolution statutaire, le Gouvernement consultera les Mahorais au lendemain des cantonales. C'est la Constitution et c'est l'engagement du Président de la République. Avec le traité simplifié, Mayotte pourra plus facilement devenir une région ultrapériphérique et bénéficier de la politique de cohésion européenne. Je partage votre souhait d'évolution et j'ai fait inscrire une clause passerelle dans le prochain traité. (Applaudissements au centre) Le dixième FED marque une sensible augmentation. Avec le contrat de projets, il permettra de répondre aux besoins en matière d'infrastructures et de formation. Enfin, je travaille avec Mme Pécresse sur l'ouverture d'une antenne universitaire à Mayotte. Les conclusions de l'Observatoire des prix seront prises en compte.

Mme Michaux-Chevry m'a interrogé sur les accords de partenariat.

Dans les relations entre l'Union européenne et les pays ACP, le Gouvernement a déjà obtenu des résultats : exclusion de l'octroi de mer de la négociation, clause de sauvegarde, mesures transitoires pour la banane et le sucre. Tout, cependant, ne sera pas possible : nous sommes 27 dans l'Union, nos intérêts ne convergent pas sur tout. Mais vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour défendre le développement et les atouts de l'outre-mer ! Je vais réunir prochainement mes homologues des cinq autres pays directement concernés par l'outre-mer pour définir des initiatives communes à prendre pendant la présidence française.

Vous avez raison, monsieur Othily, de vous inquiéter du logement social en Guyane : 25 millions y seront consacrés l'an prochain, puis viendra la loi de programme. Quant au Fedom, les emplois aidés transférés vont s'adosser aux 153 millions de crédits mobilisés par le ministère du travail et nous serons attentifs à ce que les crédits aillent bien à leurs destinataires.

Monsieur Gillot, vous souhaitez qu'un document identifie les moyens budgétaires par territoire, c'est déjà le cas : voyez la page 116. Je suis parfaitement d'accord avec vous pour le plan d'élimination des déchets, question particulièrement sensible en Guadeloupe. L'Ademe et le Feder seront mobilisés.

Le plan d'action agricole recueille toute mon attention, il devra tenir compte des reconversions, de l'environnement sanitaire, de la protection des consommateurs et de celle des milieux aquatiques.

A la Guadeloupe et à la Martinique, était-il normal de proclamer que toute la production agricole avait été polluée par des pesticides, de jeter ainsi l'opprobre sur l'agriculture antillaise en tenant compte de l'avis d'un seul scientifique, qui s'est rétracté une semaine après ses premières déclarations ? Les pesticides n'ont jamais été utilisés à Marie-Galante, par exemple ! Voilà pourquoi je veux promouvoir les labels de qualité sur ces territoires qui n'ont jamais été pollués ! Il faut que justice soit rendue aux Antilles. (Applaudissements à droite et au centre)

Vous m'interrogez sur la lutte contre la délinquance. J'ai créé un groupement d'intervention régional. La loi Dati sur les peines planchers commence à porter ses fruits. Quand des multirécidivistes sortent du tribunal avec une simple admonestation, il est bien normal que la population s'exaspère ! Avec les peines planchers dès la première récidive, il y a de quoi faire réfléchir : la tranquillité des honnêtes gens y gagnera !

J'ai entendu vos demandes, monsieur Detcheverry, pour la pêche et l'aquaculture à Saint-Pierre-et-Miquelon : je réunis une table ronde le 14 décembre. Nous avons abouti à un accord avec nos amis canadiens sur la répartition du champ d'hydrocarbures transfrontalier. Il reste à régler la question du plateau continental : je m'inspirerai de vos propositions. Je sais la fragilité financière de votre collectivité : 1 million sera mis à sa disposition. Il est évident que le coût du déneigement à Saint-Pierre n'a rien à voir avec ce qu'il est dans la métropole !

Monsieur Laufoaulu, je sais que Wallis-et-Futuna souffre d'isolement : un seul avion trimoteur relie les deux îles : lorsqu'il est en panne, il n'y a plus d'évacuations sanitaires ! C'est pourquoi je vous annonce qu'un contrat sera passé avec une société australienne pour la location d'un deuxième avion trimoteur à compter du mois d'avril ! (Applaudissements à droite et au centre) Je me réjouis que vous organisiez les Jeux du Pacifique en 2013 : grâce aux dotations de plusieurs ministères, ce sera un facteur de rattrapage dans bien des domaines. Quant à la convention relative à l'agence de santé, elle sera bientôt signée : 170 000 euros lui sont consacrés. La formation des jeunes est un enjeu essentiel : je soutiens votre projet de construire des logements en Nouvelle-Calédonie pour les étudiants venus de Wallis-et-Futuna ! Quant à la fracture numérique, nous tâchons de la résorber : sur les cinq cybercafés, un est réalisé ; grâce à un deuxième opérateur la diffusion du téléphone mobile va commencer -Wallis-et-Futuna est le seul territoire de la République sans aucune couverture de réseau. Je vais également tout faire pour que le câble sous-marin joignant Sydney à la Polynésie soit raccordé à Wallis-et-Futuna.

Je partage votre avis, monsieur Virapoullé, les prix sont trop élevés outre-mer.

À votre initiative, le Gouvernement a décidé d'une baisse significative, d'au moins 5 % avant fin 2007, du prix des médicaments, qui doit bénéficier au premier chef aux populations les plus défavorisées. Nous avons, sur tous les exemples que vous avez évoqués en les qualifiant de scories du colonialisme, un combat à livrer ensemble pour plus de justice et plus d'équité.

L'engagement de l'État en Nouvelle-Calédonie est, vous le savez, monsieur Loueckhote, plein et entier. Je me réjouis que l'usine du sud ait donné un nouveau départ à des territoires longtemps en difficulté. L'usine du nord bénéficiera quant à elle, de 235 milliards de défiscalisations qui aideront à engager le chantier.

Si la Nouvelle-Calédonie a enregistré une croissance de près de 7,3 % en 2006, si le nombre de demandeurs d'emplois y a diminué de 35 % en quatre ans, c'est bien que les choix que nous partageons ont porté leurs fruits.

Nous devons respecter les accords de Nouméa, veiller à ce que les demandes du comité des signataires soient respectées. Mon voeu le plus cher est de voir la Nouvelle-Calédonie inscrire son avenir dans la République française. Si nous respectons le calendrier du transfert de compétences et que nous aidons au développement économique, j'ai la conviction que les Calédoniens, quand sera venu le temps du référendum d'autodétermination, ne se tromperont pas. Mais je veux que l'on s'y achemine dans le respect des convictions de chacun. Je veux que l'État assume fermement les responsabilités régaliennes qui sont les siennes. Ceux qui n'hésitent pas à bloquer les usines, à stigmatiser les commerçants qui ne se plient pas à leurs règles, à susciter des troubles doivent savoir que l'État est là pour faire régner l'ordre public ! (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

Sur le problème des retraites, sur lequel M. Arthuis, au nom de la commission des finances, est encore revenu samedi, oui, monsieur Loueckhote, un groupe de travail sera constitué, dont les conclusions devront être intégrées au bilan d'étape sur la réforme des retraites engagée depuis 2003. Personne ne comprendrait que l'on s'en tienne durablement à la situation actuelle, mais il faut prendre le temps de la concertation et réfléchir aux conséquences économiques de la mesure. En Polynésie, par exemple, il y a 6 000 retraités, dont la moitié de Polynésiens, tandis que 11 000 sont sur le point de les rejoindre : cela représente 230 millions injectés dans l'économie locale. Remettre tout en cause aurait, là-bas comme ailleurs, d'importantes conséquences. Oui, il faut plus de justice et plus d'équité, et c'est pourquoi nous voulons revoir les régimes spéciaux, mais il faut aussi prévoir un accompagnement, pour qu'aucun territoire d'outre-mer ne soit pénalisé.

Vous avez également souhaité que s'engage une réflexion sur le statut européen des collectivités d'outre-mer. Je partage ce voeu. La Commission européenne va rédiger un Livre vert sur la question, qui a aussi donné son thème central au forum des territoires d'outre-mer tenu la semaine dernière à Bruxelles. Je suis heureux de voir la France y jouer un rôle moteur et entends réunir mes homologues pour les inciter à nous suivre : nos compatriotes ultramarins sont et doivent être des citoyens européens à part entière.

Une phrase de Mme Michaux-Chevry m'a séduit : « Passons à des politiques de responsabilité ». « Le Président de la République le veut, » a-t-elle ajouté, « essayons de respecter sa volonté ». Mais pouvez-vous imaginer un seul instant que je n'y emploie pas toutes mes forces ? Je suis heureux que vous soyez nombreux à vouloir m'apporter votre concours. Vous avez tous évoqué, et je m'en réjouis, la nécessité de trouver un juste équilibre entre solidarité, principe fondateur de la République française, et recherche de nouvelles voies économiques propres à valoriser les extraordinaires ressources, tant humaines que naturelles, de l'outre-mer. Je reste persuadé que sa jeunesse, si on lui en donne les moyens, donnera le meilleur d'elle-même.

Ce budget n'a rien de révolutionnaire sinon qu'il anticipe, comme pour les zones franches globales, sur ce que je vous proposerai en février dans la loi de programmation. M. Virapoullé l'a dit, l'outre-mer attend des mesures fortes sur le logement social, l'accompagnement des personnes âgées, l'aide aux plus démunis. Je veillerai à ce que ces secteurs prioritaires ne soient pas oubliés, mais je souhaite aussi que soient pris en compte les besoins en matière de services à la personne (Mme Payet approuve), ceux aussi des petits commerces, à Pointe-à-Pitre comme à Marie-Galante, car les territoires les plus isolés méritent toute notre attention.

L'outre-mer n'est pas oubliée dans les pôles de compétitivité. La Guadeloupe a été labellisée pour les énergies renouvelables, la Guyane pour la recherche en matière de maladies tropicales, adossée à Lyon-Biopôle : le nouvel appel à projets prendra en compte les projets émanant de Guyane. La forêt amazonienne est un riche vivier pour la découverte de nouvelles molécules. Alors que des maladies comme la dengue frappent les Antilles, ses pôles de recherche méritent d'être dynamisés. À la Réunion, j'ai visité une usine de transformation de canne à sucre en énergie renouvelable. Voilà un département exemplaire, qui produit 35 % de l'énergie qu'il consomme. La France doit le savoir et apporter des réponses à la hauteur de ses projets. Je pense au projet de faire de la Réunion une île verte d'ici à dix ans. Ce qui est possible là-bas doit être possible dans tous les territoires d'outre-mer. Voilà une dynamique nouvelle créatrice d'emplois, de richesse ; voilà une référence pour la France et pour l'Union européenne. Dans le Pacifique, un pôle doit voir le jour, entre les universités de Nouméa et de Papeete, sur la biodiversité, auquel sera adossée Wallis-et-Futuna. Je défends l'inscription du récif corallien au patrimoine mondial de l'Unesco.

Vous le voyez, c'est en allant à votre écoute, pas en imposant des décisions depuis Paris, que je défendrai vos territoires. Je remercie chacun d'entre vous d'avoir apporté, ici, sa part de vérité.

Avec la loi de programmation, j'essaierai de mettre à leur disposition des outils dont se saisiront les ultramarins pour relever un nouveau défi pour l'outre-mer et pour la France. (Applaudissements à droite et au centre).

M. le président.  - Votre enthousiasme nous a fait oublier que votre temps de parole était limité - mais l'outre-mer en valait bien la peine...

Examen des crédits

Article 33

Mme Gélita Hoarau.  - Vous allez présenter un projet de loi de programme visant à traiter des problèmes économiques et sociaux de l'outre-mer. Comment ne pas approuver cette initiative quand on sait qu'à la Réunion, sur 300 000 actifs, 90 000 sont au chômage, que le nombre d'illettrés -un record- est de 120 000 et que plus de 26 000 demandes de logement sont en attente. Ce budget est-il à la hauteur des besoins ? Non ! Même si la loi de programme apporte une amélioration pour la création d'emplois, leurs effets ne se feront sentir que dans quelques années. Il faut donc en attendant, et contrairement à ce que vous faites, augmenter les crédits pour les emplois aidés, que je propose d'orienter vers des secteurs de main-d'oeuvre comme l'environnement et les services à la personne. Le développement global et des milliers d'emplois sont possibles à partir de grands travaux d'infrastructure -le tram-train à la Réunion, la nouvelle route littorale- des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de la communication, ou de la pêche, secteur très porteur dans l'océan indien où près de 15 000 emplois peuvent être ainsi créés. Certaines solutions sont à l'étude mais dont les retombées ne seront sensibles que dans quelques années. Le Président de la République a proposé d'ouvrir d'importants chantiers, je n'en vois pas trace dans ce budget. Peut-être cela apparaîtra-t-il dans la loi programme ? Le chef de l'État a reconnu que l'outre-mer apportait beaucoup à la République. J'espérais que nous serions payés en retour. Ce n'est pas le cas et le groupe CRC ne peut, en l'état, voter ce budget.

Les crédits de la mission sont adoptés.

L'article 45 bis est adopté.

Article additionel

M. le président.  - Amendement n°II-94, présenté par Mme Payet et les membres du groupe UC-UDF.

Après l'article 45 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Dans le premier alinéa de l'article 568 du code général des impôts, après les mots : « Le monopole de la vente au détail », sont insérés les mots : « en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer ».

II - Dans l'article 574 du même code, la référence : « 568 » est remplacée par la référence : « 570 »

Mme Anne-Marie Payet.  - Le monopole de la vente des tabacs n'a pas été étendu aux DOM. Le décret de mars 1948 précisait que le régime antérieur à la départementalisation était provisoire, mais c'est un provisoire qui dure depuis soixante ans. A plusieurs reprises, j'ai attiré l'attention des gouvernements précédents sur cette situation, sans jamais obtenir de réponse satisfaisante. Un ministre de l'industrie m'a même affirmé que le nombre de décès dus au tabac diminuait. Il n'en est rien puisqu'on est passé de cinq cents à six cents décès annuels soit six fois plus que ceux provoqués par les accidents de la route ! Cette spécificité nuisible à la santé publique a assez duré ! Il est des spécificités nécessaires, celle-ci ne l'est pas ! (Applaudissements au centre).

M. François Trucy au nom de la commission des finances.  - Avant de donner ce qui pourrait être un avis favorable, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - Je partage l'inquiétude de Mme Payet. Outre-mer, en l'absence de monopole, les prix des tabacs manufacturés sont libres, différents d'un point de vente à l'autre et les conseils généraux ont la possibilité de percevoir une taxe sur les cigarettes. Le Gouvernement ne peut méconnaître ces spécificités qui touchent aux ressources des conseils généraux et à la liberté du commerce. D'un autre côté, nous sommes conscients des impératifs de santé publique. Je souhaite donc lancer une étude d'impact sur l'instauration du monopole et du régime social particulier qui s'y attache. L'intérêt de votre proposition est de lui laisser un an de délai, pendant lequel la réflexion du Gouvernement, des parlementaires, des acteurs économiques et des collectivités concernées doit pouvoir avancer.

Fort de cette proposition, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. François Trucy, au nom de la commission des finances.  - Devant une telle convergence de vues, la commission ne peut qu'émettre un avis favorable.

M. Philippe Nogrix.  - Mme Payet a toujours porté une grande attention à l'état sanitaire de l'outre-mer. Rappelez-vous aussi son admirable travail sur le syndrome d'alcoolisation foetale, sujet que personne n'osait aborder, et qui est désormais à l'ordre du jour, même en métropole. Le présent amendement mérite d'être voté.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - A la Réunion, nous avons fait un effort et aligné le prix des cigarettes sur celui de la métropole. En décembre 2000, nous avons été le premier département français à doubler leur prix par décret. Nous avons joué le jeu et la consommation a chuté de 25 %. On propose aujourd'hui de modifier la distribution, mais il n'y a pas de réseau de buralistes à la Réunion. Un délai d'un an ne sera pas de trop pour l'organiser. Sur le plan de la santé publique, l'amendement est bienvenu, mais sur le plan de la faisabilité, il appartiendra au groupe de travail de se prononcer. Je voterai l'amendement.

L'amendement n°II-94 est adopté et devient un article additionnel.

Commissions (Candidatures)

M. le président.  - Le groupe UMP a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles et la commission des affaires sociales aux places laissées vacantes par M. Philippe Goujon, élu député, et M. Daniel Bernardet, décédé.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)

Défense

M. le président. - Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Défense » figurant à l'état B.

Orateurs inscrits

M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Face à l'évolution des risques depuis le précédent Livre blanc, notre effort de défense est en cours de redéfinition Dans cette attente, le budget 2008 devait-il anticiper sur les nouvelles orientations ou se maintenir dans le droit fil de la loi de programmation actuelle ? Vous avez opté pour la seconde solution : c'est le bon choix car il eût été dangereux d'anticiper. Vous maintenez une continuité dans l'effort. Avec un budget de 36,8 milliards d'euros, la France consacre environ 1,7 % de son PIB à sa défense, moins que les États-Unis bien sûr, mais à peu près autant que la Grande-Bretagne et nettement plus que la plupart des pays européens.

Le budget de la mission « Défense » croît de 1,14 % en crédits de paiement ; il faudra y ajouter, en seconde délibération, le ministre des comptes l'a annoncé, 100 millions d'euros pour les Opex. Sera-ce suffisant ? Les crédits de personnel représentent la moitié du budget de la défense. Je profite de l'occasion pour rendre hommage aux fers de lance que sont nos troupes en Opex ou embarquées dans les sous-marins de surveillance.

Les cotisations de retraite de l'employeur sont en hausse ; le non remplacement de la moitié des départs en retraite ne compense pas cette évolution. La diminution du nombre de postes affecte-t-elle les opérations ? Les effectifs de soutien, nous a-t-on répondu, sont plus nombreux que chez nos voisins. C'est là aussi qu'il y a des efforts de réorganisation à prévoir.

Les dépenses de fonctionnement sont réduites de 3 milliards d'euros. Je crains que les dépenses de carburant opérationnel aient été sous-estimées. La commission des finances sera attentive au règlement des problèmes de TVA. Lorsque l'on réalise des économies sur le titre II, un rétablissement de crédits équivalent doit être accordé par le budget général. (M. le ministre approuve)

Ce budget lève-t-il les doutes sur la réalisation de la programmation ? Le Parlement est dans une situation délicate ; nous sommes en fin de période de la loi de programmation militaire (LPM), nous n'avons pas de vue à moyen terme. La programmation est respectée, à l'inflation près : du jamais vu depuis 1964 ! Mais il y avait le retard de la précédente LPM à combler, 10 à 12 milliards d'euros, soit une année budgétaire entière. Des réallocations de ressources ont dû être effectuées : majoration de 1,5 milliard pour la dissuasion, autant pour le programme Rafale. On a certes supprimé deux frégates Horizon, mais d'autres programmes ont été retardés. Les dotations d'entretien ont dû être portées de 2,4 milliards en 2002 à 3,4 en 2008 pour rétablir une situation gravement détériorée en 2002 : un seul sous-marin d'attaque opérationnel, problèmes sur les avions ravitailleurs, etc. Mais les crédits ne suffisent pas. Des réorganisations sont nécessaires -certaines ont été réalisées, je songe au service de soutien de la flotte ou de l'aviation : qu'en sera-t-il pour l'armée de terre ?

Les reports de crédits d'une année à l'autre perdurent : cette année, malgré la modification dans le financement des Opex, le report est de 1,5 milliard d'euros, à quoi s'ajoute 1,5 milliard de report de charges.

L'inertie du budget d'équipement obère la prochaine programmation militaire. (M. Boulaud renchérit) Celle-ci est contrainte à 70 % : Rafale, avions ravitailleurs, M51, porte-avions,... Je souligne que tous nos grands programmes, hors le Rafale, sont désormais menés en coopération.

J'en viens à des questions de méthode : vous avez décidé, à raison, d'adjoindre un comité d'investissement à la DGA et à l'état-major pour mieux apprécier l'ensemble des coûts avant de prendre une décision d'investissement. Avons-nous besoin d'un quatrième Hawkeye ? D'occasion, il sera moins cher, mais plus coûteux en entretien. Quels en seront les frais de fonctionnement ?

La loi de programmation se fera en deux étapes, une tranche dure de trois ans, une plus souple ensuite. Si une programmation glissante était possible, nous n'aurions plus devant nous ce mur noir auquel nous nous heurtons cette année.

Ce budget sauvegarde l'essentiel, dans le cadre de la stabilisation de la dépense publique. Mais je laisse à M. Trucy le soin de dire si les arguments que j'ai mentionnés ont séduit la commission ! (Sourires et applaudissements au centre et à droite ; M. Boulaud applaudit également)

M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Le rapporteur spécial de la commission des finances a dit à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'un budget de « transition ». Mais il n'y a de transition que lorsqu'on a affaire à une évolution, connue d'avance, vers le mieux ou le pire. Or, la situation économique et financière de la France incitant peu à l'optimisme, la perspective d'une amélioration importante de ce budget est difficilement envisageable !

Je parlerai donc d'un budget d'« attente » : attente de la mise à plat des programmes, du contenu du Livre blanc, des orientations du Président de la République, de vos choix, monsieur le ministre, et enfin des décisions.

Ces décisions, nous les attendons avec anxiété. Compte tenu des échéances financières résultant des engagements antérieurs et des besoins probablement accrus de l'avenir, nous nous demandons en effet comment il sera possible de boucler une loi de programmation à la hauteur de nos ambitions internationales.

Cela dit, vous nous présentez un bon budget, qui répond aux nécessités du présent. Mais, comme il s'agit du dernier relevant de la loi de programmation actuelle, un bilan s'impose. Saluons nos armées, qui ont réussi à la perfection leur professionnalisation. Quel travail et quelle persévérance ! On imagine le tumulte que cette réforme aurait provoqué dans certaines grandes administrations civiles ! La loi de programmation a été respectée de bout en bout, ce qui est d'autant plus méritoire que nous avons dû réparer les graves erreurs du gouvernement de gauche qui, entre 1997 et 2002, considérait souvent ce poste budgétaire comme la variable d'ajustement de ses budgets.

Pendant cette période, nous avons connu une profonde dégradation de la disponibilité du matériel, un affaiblissement des crédits de fonctionnement et une sous-budgétisation initiale des crédits des opérations extérieures, les Opex. Pour les financer en fin d'année, le Gouvernement a procédé à des annulations de crédits massives dans le titre V et a fait naître des reports difficiles à résorber.

Je salue pour cette raison le travail effectué entre 2002 et 2007 par Michèle Alliot-Marie à la Défense, avec le soutien du président Chirac, pour qui le rôle de chef des armées avait une réelle signification. Ainsi, année après année, les crédits indispensables ont été rétablis.

En ce qui concerne les effectifs, la consigne de réduction dans la fonction publique a été suivie cette année : ils passent de 329 907 à 320 612. Cette réduction représente 29 % de celle du budget général, alors que l'armée ne compte que pour 14,5 % des emplois publics. C'est dire si des efforts importants ont pesé sur l'armée. Toutefois, pour l'essentiel, cette diminution s'est traduite par la suppression d'emplois budgétés non pourvus et ne porte pas atteinte à notre potentiel militaire. Mais l'opération ne pourra pas être renouvelée dans les années à venir. Approuvez-vous mon point de vue, monsieur le ministre ?

Dans la future loi de programmation, la question des effectifs devra donc être particulièrement abordée. Compte tenu de la spécificité des missions des armées, les effectifs ne peuvent être remis en question chaque année au gré des évolutions de la politique en matière d'emplois publics.

En ce qui concerne le budget de fonctionnement, je dirai : « peut mieux faire ». En effet, il laisse beaucoup de problèmes non réglés, qui concernent pourtant des aspects importants de la vie des unités, des bases et des bâtiments. Les chefs de corps et les commandants d'unité n'ont qu'une faible marge de manoeuvre. J'attire donc votre attention sur ce point : trouvez-vous cette partie du budget particulièrement concluante ? Estimez-vous que les premières externalisations ont été faites dans de bonnes conditions, qu'elles ont permis des économies significatives et, si oui, allez-vous les poursuivre ?

Les crédits d'entretien sont maintenant plus conséquents. Leur reconstitution a permis un net redressement du maintien en condition opérationnelle, mais ils ne suffisent pas encore à atteindre les niveaux souhaitables pour certaines catégories de matériels. Dans ce domaine aussi, la loi de programmation devra être vigilante, car il ne sert à rien d'acquérir des matériels performants si les lignes budgétaires nécessaires à leur maintien et à leur entretien ne suivent pas.

Une mention spéciale revient au service militaire adapté, très utile aux jeunes de l'outre-mer et auquel nos collègues d'outre-mer sont très attachés. Où en est à ce propos l'opération « Défense deuxième chance » ?

Le service de santé des armées, au prix de gros efforts, a quant à lui réussi sa professionnalisation qui l'a privé au départ d'une large part de ses personnels, médecins, dentistes, etc. Monsieur le ministre, lors de l'inauguration de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne 2000 à Toulon, vous avez exprimé votre estime pour le travail accompli par le service de santé au profit des militaires, mais aussi d'une large partie de la population française, où qu'elle réside. Votre bienveillance à son égard semble donc acquise.

Cette année encore, les efforts budgétaires consacrés à la condition militaire sont importants et ils sont bien choisis, ce qui, dans le cadre d'une armée professionnelle, est capital. Ainsi, l'action sociale des armées est essentielle auprès de ces familles et particulièrement pendant les affectations aux Opex.

Pour les carburants, j'ai renoncé il y a longtemps à comprendre comment les armées parvenaient à faire face aux augmentations du pétrole. Toutefois, l'exonération de la TIPP au profit des carburants des armées vient à échéance fin 2008.

Reste le financement des Opex. Votre budgétisation est meilleure que celle de la gauche, mais les efforts doivent être poursuivis car elle ne couvre pas encore tous les besoins.

Bref, ce budget est bon. Les crédits sont suffisants pour que nos armées continuent à assurer dans de bonnes conditions des missions chaque jour plus difficiles. La commission des finances apprécie votre détermination, votre efficacité et l'ensemble de votre action. Elle approuve donc votre budget et vous exprime ses encouragements. (Applaudissements à droite et au centre).

M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Avant d'aborder le budget, je voudrais manifester notre profonde déception en constatant que la réunion trimestrielle de suivi avec le ministre qui nous avait été promise ne se soit toujours tenue, du moins au Sénat, car elle a eu lieu à l'Assemblée nationale. Le respect de notre système bicaméral, voudrait que cette réunion ait lieu avant la fin de l'année. (M. Nogrix et M. Pintat, rapporteurs pour avis, applaudissent)

M. Hervé Morin, ministre de la défense.  - Vous avez raison.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - La commission des finances s'associe au voeu de M. Dulait. (Applaudissements)

M. André Dulait, rapporteur pour avis.  - La professionnalisation des armées est récente : elle a à peine dix ans. Après une montée en puissance, nous atteignons une phase d'ajustement et de consolidation. Ainsi, la suppression des postes vacants montre que le format initialement prévu ne sera pas rejoint.

Le principe de ne pas renouveler un départ sur deux à la retraite permet de financer des mesures catégorielles pour les personnels en poste. Or, l'amélioration de la condition des personnels ne peut se faire qu'en agissant sur les effectifs, et cette action elle-même ne peut se poursuivre avec une organisation inchangée.

Les réductions des effectifs militaires et civils sont menées de façon parallèle. Ces deux catégories sont gérées de façon cloisonnée : elles ne sont soumises ni à la même autorité de gestion, ni aux mêmes règles de mobilité et de mutation. C'est un premier chantier à ouvrir : faire mieux travailler ensemble civils et militaires.

Un second chantier concerne la révision des schémas d'implantation, notamment pour l'armée de terre et l'armée de l'air. Venant après la révision générale des politiques publiques et le Livre blanc, elle devrait se trouver au coeur de la prochaine loi de programmation, car elle seule peut préserver l'efficacité opérationnelle de nos armées dans un contexte de réduction des effectifs.

Pour faire face aux diminutions d'effectifs, la réduction du volume des recrutements est la solution la plus simple, mais aussi la plus dommageable. En effet, sans être encore confrontés aux mêmes problèmes que les Britanniques, les armées devraient connaître une période de recrutement difficile pour des raisons démographiques. Sur ce point, un indicateur qualitatif sur le recrutement permettrait d'évaluer le phénomène et d'être vigilants.

Il convient donc de ne négliger aucun vivier et la commission considère que le plan pour l'égalité des chances, qui vise à ouvrir les lycées et les écoles militaires aux jeunes défavorisés, est tout à fait dans l'intérêt des armées.

M. Hervé Morin, ministre de la défense.  - C'est fait !

M. André Dulait, rapporteur pour avis.  - Cette ouverture donnera à nos armées l'occasion de mieux refléter la diversité de la société française après la suspension du service national et de recruter des personnes qui pensaient spontanément que l'armée leur était inaccessible. Mais cette évolution a un coût, la formation, mais s'il est aujourd'hui plus difficile et plus long de faire passer un jeune de l'état civil à l'état militaire, ce jeune, une fois formé, fait preuve d'un professionnalisme reconnu. Cet acquis de la professionnalisation doit être préservé.

La budgétisation des surcoûts liés aux Opex, entamée depuis 2005, marque le pas ; la provision est stable, à 360 millions, alors que les dépenses prévisibles pour 2007 se montent à 650 millions et que rien ne laisse présager une réduction de l'engagement de la France sur les théâtres extérieurs. Il restera donc à financer 300 millions en cours d'année, ce qui, dans le contexte actuel, risque de peser sur les programmes d'armement, qui ont longtemps été la variable d'ajustement en cette matière. Ce serait une grave erreur, car la condition militaire, la motivation des personnels, l'attractivité des métiers sont indissociables de la question des équipements.

Nous ne nous apprêtons pas à voter un budget de transition mais un budget qui doit, dans l'attente de réformes substantielles, préserver l'efficacité de notre outil de défense et dont l'exécution sera excessivement tendue. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Préparation et emploi des forces).  - Des efforts importants ont été accomplis depuis 2000 pour rationaliser l'organisation et les coûts du maintien en condition opérationnelle (MCO). Grâce à la loi de programmation, le taux de disponibilité des matériels, qui était parfois descendu sous les 50 %, a pu être redressé, et les modalités de réalisation des opérations de MCO ont été rationalisées.

La création en 2000 du Service de soutien de la flotte, puis celle de la Structure interarmées de maintenance des matériels aéronautiques de défense (Simmad) en 2002 et la prochaine mise en place, début 2008, du Service industriel de l'aéronautique (SIAE) sont autant d'atouts pour les armées. Ces actions de mutualisation sont bénéfiques, les militaires l'ont compris, à nous de renforcer la démarche. « L'interarmisation » de la MCO progresse ; le processus pourrait utilement être transposé au niveau de l'Agence européenne de défense, notamment pour la répartition des marchés de MCO de l'hélicoptère NH90 ou de l'avion de transport militaire A400M. Nous regrettons que ce dernier programme ait pris du retard ; mais lorsque l'avion sera là, serons-nous prêts à l'accueillir et à en assurer la maintenance ? La prochaine création du SIAE devrait optimiser la répartition des actions de MCO entre les armées et les industriels déterminer les opérations de soutien indispensables.

J'en viens aux difficultés. (M. Didier Boulaud ironise) Le premier bilan des externalisations est contrasté, les prestations ne sont pas toujours satisfaisantes, le renouvellement des contrats est systématiquement l'occasion d'augmentations de prix ; pour les dépenses de fonctionnement, les contrats de sous-traitance des activités non militaires ne sont pas toujours signés dans de bonnes conditions. Il est vrai que la gestion des marchés publics et de la location de services est un métier que les militaires doivent apprendre à maîtriser davantage. La location de services est souvent coûteuse et le sera de plus en plus, sans que l'efficacité du service rendu soit garantie. On doit se poser la question d'une éventuelle réintégration de certaines tâches au sein des armées ; une évaluation est en tout cas nécessaire.

Je salue l'excellence du service des essences des armées, que nos partenaires reconnaissent à sa juste valeur ; ce service a en effet assuré le soutien de toutes les forces engagées au Kosovo, à la satisfaction générale. Le ministère lui a cependant imposé de souscrire une assurance pour se prémunir contre les fluctuations des cours, assurance qui coûte fort cher -4 millions en 2006, 3 en 2007. Pourquoi la rège selon laquelle l'État est son propre assureur ne joue-t-elle pas en l'occurrence ? Le Gouvernement nous éclairera certainement sur cette singularité.

Je ne peux enfin m'empêcher de m'inscrire en faux contre les propos de M. Fréville sur le Rafale. Avion de combat, de reconnaissance, de dissuasion et d'intervention au sol tout à la fois, c'est une excellente arme !

MM. Yves Fréville et François Trucy, rapporteurs spéciaux.  - Mais très chère !

M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis.  - L'aéronavale en est très satisfaite et l'armée de l'air l'attend avec impatience. Quant à l'A400M, ses retards nous contraignent à de coûteuses locations de matériels de remplacement. Telles sont les remarques personnelles que je voulais ajouter à mon rapport. (Applaudissement au centre et à droite)

M. Didier Boulaud. - Ils vont être fabriqués aux États-Unis. Il est vrai que les centristes sont toujours atlantistes.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Equipement des forces).  - Je m'exprime également au nom de M. André Boyer, empêché.

Le niveau des crédits de paiement 2008 doit garantir le respect de la loi de programmation. Certes, les dotations sont légèrement inférieures à l'annuité prévue et des annulations sont intervenues la semaine dernière pour financer le surcoût des opérations extérieures. Bien qu'encore insuffisante, la budgétisation partielle de ce surcoût en loi de finances initiale a modéré le montant des annulations en fin d'exercice. Enfin, le volume de crédits disponibles mais non consommés, qui avait atteint un pic début 2005, a notablement diminué. Globalement, on peut considérer que les entorses à la réalisation financière de la programmation seront limitées, en tout cas sans commune mesure avec celles constatées sur la loi précédente...

M. Didier Boulaud. - Assumez votre héritage !

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis  - ...ce qui n'empêche pas reports et décalages. Le ministère pourra-t-il consommer intégralement les crédits d'équipement inscrits en loi de finances initiale ? Comment la norme de dépense sera-t-elle appliquée sur les crédits 2007 ? Quel sera le sort des reports ?

Comment, en outre, le programme de frégates multimissions sera-t-il financé ? La dotation complémentaire de 338 millions, qui avait été annoncée, ne figure pas dans le prochain collectif.

M. Didier Boulaud.  - Il y aura des financements « innovants » !

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis  - S'agissant des autorisations d'engagement, le programme « équipement des forces » est dans une situation particulière, marquée par une provision de 3 milliards pour le lancement éventuel du deuxième porte-avions et une réduction de 30 % sur toutes les autres lignes. Le montant des engagements nouveaux en 2008 est l'enjeu majeur du programme ; il dépendra des ressources disponibles en 2009 et au-delà, dans le cadre de la prochaine loi de programmation. Compte tenu de l'ampleur des programmes en cours, il faudra faire des choix et réviser certains objectifs pour retrouver des marges de manoeuvre.

Comme l'a noté le président Vinçon dans son rapport sur l'équipement de nos forces, notre effort de défense, en dépit du redressement opéré depuis 2002, reste très inférieur à ce qu'il était en 1996 -1,65 % du PIB contre 2 %-, inférieur aussi de près de 9 milliards à celui du Royaume-Uni, qui progressera de plus de 1,5 % les trois prochaines années.

Quels que soient les efforts d'économies engagés, un simple maintien du budget d'équipement à son niveau actuel, pour autant que cela soit possible, compte tenu des engagements déjà passés, impliquerait de renoncer à moderniser une partie de notre outil militaire pour s'orienter vers un modèle très différent de celui que nous nous étions fixé, sans doute plus proche de l'allemand ou de l'italien que du britannique, auquel nous nous comparons souvent. Aussi notre commission a-t-elle estimé nécessaire de poursuivre le redressement du budget de défense engagé ces dernières années pour répondre aux défis qui se posent à la France et à l'Europe.

La dissuasion nucléaire constitue un point d'accord au sein de la commission du Livre blanc ; elle continuera de jouer un rôle fondamental dans notre stratégie de défense. Le renouvellement de nos moyens est déjà très avancé, qu'il s'agisse des missiles en cours de fabrication, des plates-formes, avec la réalisation du quatrième SNLE et l'arrivée du Rafale, ou des moyens de simulation, avec le laser mégajoule.

M. Didier Boulaud.  - Les deux composantes ?

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.  - La composante aéroportée fait souvent l'objet de débats ; notre commission considère que, compte tenu des investissements déjà réalisés, sa remise en cause générerait peu d'économies immédiates et priverait la France d'un volet appréciable de sa capacité de dissuasion.

Les autorisations d'engagement diminuent dans le domaine spatial. Les besoins sont certes moindres, après les réalisations de ces dernières années, mais cette évolution montre surtout que notre programme spatial est en attente de perspectives. Votre rapporteur veut croire que ce reflux ne sera que temporaire. Nul ne conteste le caractère stratégique des capacités spatiales dans les domaines de la défense et de la sécurité. Il faudra en tirer les conclusions dans la prochaine loi de programmation, tant pour pérenniser les moyens actuels que pour acquérir de véritables capacités opérationnelles en matière d'écoute ou de d'alerte sur les tirs de missiles balistiques. Il est urgent de lancer la conception du satellite successeur d'Hélios II.

Le retard annoncé sur le programme A400M prolonge d'autant nos difficultés sur le transport aérien. Quelles sont les solutions envisageables et leur coût ? Est-il déjà possible de donner des indications sur le remplacement des trois avions qui ne seront pas rénovés ?

Nous nous réjouissons de la commande, annoncée vendredi, de douze hélicoptères NH90 pour l'armée de terre. Ce programme présente un caractère absolument prioritaire aux yeux de notre commission qui, avant même le vote de l'actuelle loi de programmation, s'était vivement inquiétée de la dégradation de nos capacités jusqu'au début de la prochaine décennie. Il faudra aussi engager sans tarder la rénovation des Cougar.

L'année 2008 sera importante pour notre aviation, avec la qualification du Rafale au standard F3, qui donnera véritablement la pleine mesure de sa polyvalence, et l'arrivée de munitions de précision indispensables aux conditions d'engagement actuelles.

S'agissant de nos forces navales, je n'évoquerai que pour mémoire le financement des frégates multimissions mais le point essentiel pour 2008 concerne le second porte-avions. La phase de concertation avec les Britanniques est achevée, la décision doit donc désormais mettre en balance les nécessités opérationnelles et les implications financières. S'il était lancé, le programme représenterait une annuité moyenne de l'ordre de 500 millions sur la prochaine loi de programmation. La commission considère que le lancement de ce projet doit être lié à la mise en place de ressources supplémentaires, faute de quoi la réalisation d'autres programmes essentiels s'en trouverait affectée.

La modernisation des équipements de combat aéroterrestre, attendue de longue date, entre dans une phase significative. Vous avez officialisé la mise en service du Tigre dans les forces à Pau, il y a quelques jours. L'année 2008 verra l'arrivée du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI), des premiers équipements Félin, des canons Caesar. La commission insiste pour qu'au cours de la prochaine loi de programmation, cette modernisation se poursuive et ne soit pas remise en cause par les besoins des grands programmes aéronautiques et navals. Il y va de la protection et de l'efficacité de nos forces terrestres engagées en opérations.

En conclusion, notre commission estime que l'équipement des forces bénéficiera en 2008 des crédits de paiement nécessaires à la livraison du matériel commandé. En ce qui concerne les autorisations d'engagement, le budget d'équipement pour 2008 peut être qualifié de « budget d'attente » puisque le niveau des engagements effectifs dépendra des perspectives tracées pour la prochaine loi de programmation. Sous le bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « équipement des forces » de la mission « Défense ». (Applaudissements à droite et au centre)

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. (Environnement et soutien de la politique de défense)  - Le programme « soutien de la politique de défense » touche à de multiples actions, dont les enjeux sont souvent sous-estimés, et qui sont néanmoins essentielles au fonctionnement efficace du ministère de la défense. Sous l'impulsion du secrétaire général du ministère pour l'administration, de nombreuses réformes ont été engagées. Je ne mentionnerai que la politique immobilière, avec la mise en place des loyers budgétaires, la rationalisation des sites et la cession de nombreux immeubles, ou encore l'externalisation de la gestion des logements domaniaux. Le regroupement dans un même programme de crédits jusqu'alors dispersés donne une vision plus globale et permet une gestion plus adaptée au rythme d'avancement des opérations d'infrastructure.

S'agissant du Service d'infrastructure de la défense, il convient de trouver le bon équilibre entre les bénéfices incontestables de l'approche interarmées et la nécessaire prise en compte des besoins spécifiques liés aux activités opérationnelles des forces. Les dotations prévues en 2008 progressent très sensiblement, tant pour les infrastructures que pour le logement familial, et témoignent d'un volontarisme certain. Souhaitons qu'elles ne soient pas remises en cause, en cours de gestion, au vu des arbitrages à venir sur la prochaine loi de programmation.

À propos du programme « environnement et prospective de la politique de défense », je soulignerai la difficulté qu'il y a à mesurer et à suivre l'effort de recherche et technologie. Nous nous trouvons face à des références multiples, dont la définition peut varier dans le temps et qui ne recoupent pas la présentation des crédits, telle qu'elle résulte de la Lolf. Une réflexion a été engagée. Je souhaite qu'elle facilite à la fois un véritable suivi dans la durée et des comparaisons pertinentes avec nos partenaires européens.

Après un relèvement significatif à compter de 2005, les dotations consacrées à la recherche plafonnent. Le budget des contrats de recherche passés avec l'industrie restera en 2008 situé autour de 640 millions. Ce n'est certes pas négligeable et cela permettra de poursuivre le lancement de démonstrateurs technologiques. Mais on reste encore loin de l'objectif de 1 milliard par an auquel le ministère de la défense souhaitait progressivement parvenir. On ne peut que s'inquiéter de voir la recherche servir de variable d'ajustement étant donné les besoins financiers considérables nécessaires à la réalisation des programmes d'armement. Le renforcement de la coopération européenne en matière de recherche est en tout état de cause indispensable au maintien de nos capacités technologiques, compte tenu de nos budgets limités. Les progrès sont lents mais réels et il est encourageant de constater qu'en dépit des réserves britanniques, l'Agence européenne de défense commence à jouer un rôle fédérateur.

Je termine par le renseignement de sécurité. Je salue une évolution positive des investissements techniques. Cet effort devra être poursuivi. La stagnation des crédits de fonctionnement est en revanche difficilement justifiable, au vu des besoins supplémentaires liés à l'entrée en service de nouveaux équipements. Enfin, il est surprenant que l'augmentation lente mais continue des effectifs de la DGSE, qui avait été engagée ces dernières années, soit désormais stoppée. Depuis le début de la décennie, ce service doit relever des défis croissants avec des effectifs nettement inférieurs à ceux des services britanniques ou même allemands. La structure de son personnel reste trop déséquilibrée, au détriment des emplois de cadres. La mise en adéquation des moyens humains de la DGSE avec ses missions reste à faire ; ce budget ne le permettra pas, alors que les moyens de renseignement, de connaissance et d'anticipation doivent jouer un rôle fondamental dans notre politique de défense, tant pour la protection de notre territoire et de notre population que pour la garantie de notre autonomie de décision et l'efficacité de nos opérations.

En conclusion, la grande stabilité qui caractérise les dotations destinées à la recherche et au renseignement extérieur, deux domaines où les besoins sont loin d'être satisfaits, déçoit votre rapporteur. La commission a cependant émis un avis favorable à ces crédits.

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

Commissions (Nominations)

M. le président.  - Je rappelle au Sénat que le groupe UMP a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles et une candidature pour la commission des affaires sociales.

Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La Présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame Mme Catherine Dumas membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Philippe Goujon, élu député ; et M. Louis Pinton membre de la commission des affaires sociales à la place laissée vacante par M. Daniel Bernardet, décédé.

Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)

Défense (Suite)

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen des crédits de la mission « Défense ».

Orateurs inscrits (Suite)

M. Michel Guerry.  - La France doit pouvoir assumer les missions qui lui incombent en tant que grande puissance mondiale, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, membre de l'Alliance atlantique et pivot de la défense européenne. Mais il faut concilier nos ambitions avec la contrainte financière pesant sur la modernisation de notre outil militaire : ce sera le rôle du Livre blanc.

Pour la sixième année consécutive, ce projet de loi de finances respecte la loi de programmation militaire. Les crédits de la mission « Défense » progressent de manière modérée : 35,9 milliards en autorisations d'engagement et 36,8 milliards en crédits de paiement. Le ministère participe à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques grâce au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux : 6 000 postes -dont 4 800 militaires et 1 200 civils- seront supprimés sur 320 000. Nous souhaitons que cet effort porte plutôt sur les fonctions de soutien administratif et technique.

Mme Michelle Demessine.  - Merci pour eux !

M. Michel Guerry.  - Notre budget militaire est le cinquième du monde, loin derrière ceux des États-Unis, de la Chine, de la Russie et du Royaume-Uni, à égalité avec le Japon. Pourtant, l'effort de défense n'est pas seulement garant de l'indépendance nationale et de la sécurité de nos compatriotes à l'étranger, c'est aussi un moteur de l'économie. Une grande partie des masses financières investies reviennent aux industries nationales, à commencer par l'industrie aéronautique et spatiale, EADS en tête. Ce secteur dynamique emploie 131 000 personnes en France, ce à quoi il faut ajouter 80 000 personnes employées par 4 000 sous-traitants. En 2006, le solde commercial de cette industrie a été de 12,4 milliards, soit à peu près le coût des 35 heures...

Les crédits du programme « équipement » s'élèvent à 9,8 milliards en autorisations d'engagement et à 10,4 milliards en crédits de paiement. Conformément aux objectifs de la loi de programmation, les Rafale et les Tigre prévus seront disponibles fin 2008, ainsi qu'une frégate Horizon. Les principales commandes porteront sur le Rafale, les véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) et les hélicoptères NH90. La première tranche conditionnelle du sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda est la plus importante des commandes passées. Les hélicoptères NH90 sont indispensables en Opex. Après les silences répétés d'EADS sur les retards du programme de l'avion de transport A400M, on nous annonce aujourd'hui des délais et des surcoûts supplémentaires... Nous demandons au ministre d'être extrêmement ferme sur ce dossier. Si les décisions sur le second porte-avions relèvent des plus hautes autorités de l'État, il serait souhaitable que le Parlement puisse être associé à la réflexion.

La crédibilité de la dissuasion nucléaire suppose un système d'armes crédible et un processus d'engagement réactif, qui exclut que la décision soit soumise à plusieurs autorités politiques. Les efforts en faveur de notre force de frappe, sur le plan industriel ou opérationnel, bénéficient à toutes les composantes des armées. Si l'arme nucléaire n'est pas l'unique réponse à toutes les menaces, elle reste une arme politique, facteur essentiel de stabilité. Il ne peut y avoir de demi-mesure ou de mutualisation de la dissuasion. Les crédits importants destinés à la dissuasion nucléaire -18,4 % du programme- traduisent la volonté de la France de disposer d'un arsenal autonome. Il faut poursuivre cet effort.

Je rends hommage aux forces qui servent notre pays sur des théâtres extérieurs. A la demande insistante du Parlement, le Gouvernement a décidé d'inscrire, dès la loi de finances initiale, une somme correspondant aux prévisions de dépenses liées aux opérations extérieures, qui a été portée à 375 millions, comme en 2007. Or la facture devrait dépasser les 600 millions... Il faudra donc continuer nos efforts de budgétisation des Opex...

Les programmes menés en collaboration avec nos alliés européens se sont heurtés aux divergences stratégiques et tactiques entre les différentes armées concernées. Aujourd'hui, nous sommes arrivés à un point crucial : les futures collaborations porteront sur des fonctions éminemment stratégiques, dont l'espace. Avec la rédaction du Livre blanc et de la future loi de programmation militaire, 2008 sera l'année de choix décisifs en la matière : un effort dans le secteur spatial est nécessaire à notre autonomie de renseignement et de commandement. Pouvez-vous nous rassurer sur vos intentions à ce sujet, monsieur le ministre ? Nos partenaires européens ne comprendraient pas que la France ne soit pas au premier rang : il faut qu'ils aient envie de consacrer les moyens nécessaires à la défense européenne.

L'Otan constitue un cadre essentiel de notre politique de défense : un quart des militaires français engagés en opérations extérieures le sont au titre de l'Otan, et nous prenons une part active aux réformes militaires en cours au sein de l'organisation. La France doit définir clairement ce qu'elle attend de l'Alliance, proposer une articulation cohérente et crédible avec l'Europe de la défense, et de se donner les moyens de promouvoir ses idées dans une organisation où son rôle politique ne semble pas à la hauteur de sa contribution militaire.

Le Livre blanc, la revue de programmes et la RGPP auront une incidence sur les équipements de nos armées dans les années à venir. Les responsabilités du chef d'état-major des armées, des états-majors d'armées et de la DGA devront être précisées, le suivi et le contrôle des industriels resserrés. Le Parlement doit prolonger son travail sur le Livre blanc, notamment à travers des missions d'information. Un suivi des programmes d'armement permettrait d'éviter que l'on découvre par la presse des retards inexcusables. Cela contribuerait à renforcer la fonction de contrôle du Parlement, chère au président de la commission des finances et à son rapporteur général.

Parce que ce budget est réaliste et équilibré, le groupe UMP le votera. (Applaudissements à droite)

Mme Michelle Demessine.  - Un budget est la traduction financière d'une politique. Tandis que s'élabore le Livre blanc préalable à la prochaine loi de programmation, vous gérez les affaires courantes. Le Livre blanc validera sans doute les orientations du Président de la République car je crains que ses réponses soient déjà dans la lettre de mission établie par le Président. Voilà donc un budget virtuel pour gérer l'existant.

Si l'on considère les fondamentaux, vous maintenez grosso modo l'effort de défense et l'on constate une légère progression. A y regarder de plus près, pourtant, le programme 144 diminue, de même que les dépenses d'équipement. L'entraînement de l'armée de terre revient de cent à quatre-vingt-huit jours. Le matériel vieillit du fait du retard des programmes neufs. Les crédits de recherche de défense sont stables alors qu'il faudrait accentuer notre effort afin de lutter contre les effets négatifs de la parité euro-dollar. Cet effort est d'autant plus nécessaire que certains dirigeants de l'aéronautique en tirent argument pour annoncer des délocalisations, ce qui n'est qu'une fuite en avant et une facilité : on peut faire autrement. Notre pays doit intervenir auprès de Bruxelles pour défendre à l'OMC l'outil des avances remboursables.

L'industrie aéronautique est stratégique pour notre économie ; cent mille salariés, des régions entières en vivent. Or, et c'est une grande question d'actualité, le traité européen simplifié serait ratifié sans débat populaire ni référendum ; il renforce pourtant le rôle de la Banque centrale européenne, ce qui avait motivé le vote négatif des Français. Si la banque centrale soutenait l'emploi et la croissance, nous ne serions pas dans cette impuissance catastrophique. Comment expliquer que l'Europe avance quand elle est incapable de sauvegarder des emplois ?

Le spatial militaire est sous-estimé malgré son importance et le montant des crédits de paiement du programme 146 est inférieur aux années précédentes. Comment moderniser nos moyens spatiaux et jouer un rôle moteur en Europe, alors que vient d'intervenir un accord, certes imparfait, sur le financement de Galileo ?

Les autorisations d'engagement stagnent, dont 3 milliards sont réservés à l'hypothétique commande d'un second porte-avion malgré les difficultés de la coopération avec les Britanniques et les incertitudes sur les propositions du Livre blanc comme sur les arbitrages du Président de la République.

Constatons un léger effort pour améliorer la condition des hommes du rang et des jeunes sous-officiers ainsi que la conversion des officiers mais regrettons la suppression de 6 037 emplois.

J'approuve, au nom de la transparence et de la sincérité budgétaires, que 315 millions, que Bercy devrait abonder d'un quart, soient inscrits pour les Opex. Cependant, nous n'approuvons et n'approuverons que celles qui sont menées dans le cadre strict d'opérations de paix sous mandat du Conseil de sécurité l'ONU. Nous nous interrogeons sur le maintien de nos troupes en Afghanistan.

Vous gérez tout juste l'existant mais ce que vous appelez « une trajectoire de dépenses problématique » vous conduira à réduire certaines capacités : votre budget n'est pas adapté à la réalité, aux nouveaux risques, aux nouvelles menaces que décrira le Livre blanc. Pour rester une grande puissance, notre outil militaire doit posséder l'ensemble des grandes capacités. Or votre budget, en consacrant trop à l'arme nucléaire, ne se conforme pas au principe de stricte suffisance : 18,4 % du programme équipement des forces, c'est trop. La ventilation est disproportionnée quand un tiers des crédits d'équipement vont à ce secteur. Nous n'avons pas besoin d'infléchir notre doctrine d'emploi. Ce ne serait pas la bonne réponse à la menace terroriste, ni une attitude pertinente contre la prolifération qui appelle plutôt une approche multilatérale. Il serait plus efficace d'augmenter les crédits de recherche pour disposer d'un meilleur renseignement.

Le Livre blanc abordera ces sujets comme celui de notre retour dans la structure intégrée de l'Otan mais nous ne disposons ici d'aucune indication sur un choix qui pourrait nous coûter cher. Cette idée fallacieuse ne nous fera pas peser plus au sein de l'Otan, qui n'est que la justification de l'hégémonie des Etats-Unis. Incompatible avec l'indépendance de la France, cette posture mettrait en cause notre souveraineté. Nos partenaires l'interpréteraient comme un signe négatif, de nature à affaiblir une politique européenne de défense, surtout au moment où l'Otan semble dans l'impasse en Afghanistan. N'abandonnons pas ainsi tout espoir d'une politique européenne de défense !

Nous regrettons que ce sujet ne soit pas véritablement débattu en amont de la prochaine loi de programmation. La démocratie voudrait que le Parlement soit mieux associé aux affaires de défense et que vous acceptiez d'en débattre. Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera contre ce budget. (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - Je dois ma science toute neuve de la défense au stage en immersion que je viens d'effectuer à la Direction du renseignement militaire (DRM). Je remercie les militaires qui m'ont reçue. Ces stages sont une excellente idée et j'espère que les contacts que j'ai noués pourront se prolonger.

Nous n'avons pas, à la différence des États-Unis, de culture du renseignement. Alors que nous sommes les meilleurs, notamment en matière d'imagerie...

Mme Dominique Voynet.  - Ça c'est de l'immersion !

Mme Nathalie Goulet.  - ...aucune école militaire n'enseigne le renseignement. Il serait bon de l'introduire sans délai à Saint-Cyr, à l'École Navale et à l'École de l'Air pour sensibiliser nos militaires à la filière. Il serait bon, de même, de soutenir le Centre de renseignement interarmées de Strasbourg, remarquable outil qui pourrait peut-être devenir interministériel ou européen, grâce à un tronc commun à déterminer, pour que l'équipe France, à l'étranger, fonctionne en cohérence -militaires, diplomates et personnels en charge des postes d'expansion économique.

La DRM est en charge du renseignement d'intérêt militaire. Ses membres coopèrent déjà, sur certains outils, avec les services de la DGSE, mais les objectifs sont différents et ne doivent pas être confondus. Toute proposition qui tendrait, par souci de rationalisation théorique ou comptable, à fusionner ces services serait incohérente : c'est leur spécificité qui en fait l'efficacité.

J'en viens à l'Europe de la défense. La France prendra en janvier la présidence de l'Union de l'Europe occidentale (UEO). Les missions de Petersberg ont été transférées depuis plusieurs années au Parlement européen. La contribution de la France à l'Assemblée de l'UEO reste pourtant importante -2,5 millions sur un budget de 7 millions. N'est-il pas temps de songer à une assemblée parlementaire de défense dépoussiérée et ragaillardie ?

Tels sont, monsieur le ministre, les points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention, tout en espérant que vos hautes fonctions ne vous détourneront pas d'un autre dossier, tout aussi stratégique, je veux parler de la réunification de la Normandie, où vous savez que la famille vous est acquise ! (Applaudissements au centre)

M. le président.  - La parole est à M. Pozzo di Borgo, au nom de l'UC-UDF.

M. Didier Boulaud.  - UDF ? Personne ne sait plus où on en est, à commencer par les intéressés ! (Rires)

M. Yves Pozzo di Borgo.   - Voilà un budget de transition pour une défense à la croisée des chemins. (Mme Voynet s'amuse) La dernière loi de programmation militaire arrive à son terme, et les évolutions budgétaires prévisionnelles sont parlantes dans un contexte international incertain.

Les crédits d'équipement annuels, ainsi que nous l'a indiqué le ministre, devraient passer d'une moyenne de 15,4 milliards entre 2003 et 2007 à une moyenne de 21,9 milliards entre 2009 et 2013, soit une augmentation de 42 % en volume sur la période, particulièrement marquée à partir de 2009, avec une marche de 2,9 milliards pour 2008. Mais ces chiffres improbables restent de l'ordre de l'idéal.

L'heure est donc aux choix, et notamment au choix européen. C'est tout le sens des trois grands chantiers qui doivent adapter notre outil de défense : le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale définira un concept de défense globale et les contrats opérationnels assignés aux forces armées tandis que la revue des programmes d'armement menée au sein du ministère de la défense fournira tous les éléments techniques et financiers préparatoires aux arbitrages et que la loi de programmation militaire mettra le tout en musique.

La situation de transition dans laquelle il s'inscrit explique les caractéristiques de ce budget.

Je salue certains des arbitrages, comme l'effort en faveur de la condition des personnels, en particulier des militaires du rang et des jeunes sous-officiers, et les mesures en faveur du personnel civil, d'un montant supérieur à ceux des précédents exercices.

Le ministère participe aussi à la réduction des effectifs, effort d'autant plus méritoire dans son cas que celles-ci ne porteront pas sur les forces opérationnelles mais uniquement sur les fonctions de soutien et d'administration.

Je m'insurge en revanche contre le transfert projeté, mais heureusement non encore arrêté, de l'état-major de l'armée de terre de la rue Saint Dominique à l'École militaire. En ma qualité d'élu du VIIè arrondissement et de sénateur de Paris, membre de la commission de la défense, je me suis toujours opposé à ce projet inopportun, qui ne répond pas à un besoin évident de l'Armée. Je préférerais que l'on développe dans ce lieu historique une grande École européenne de défense. Je vous proposerai donc un amendement visant à réduire les crédits aujourd'hui affectés à ce transfert.

M. Charles Pasqua.  - Très bien !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Le niveau des crédits d'équipement sera inférieur de 250 millions aux prévisions de la loi de programmation. Certes, la levée de la réserve de 1,15 milliard sur le budget 2007, l'ouverture de crédits supplémentaires pour les frégates multimissions et la couverture intégrale en collectif budgétaire du surcoût des opérations extérieures de 2007 tempèrent cet écart, mais il reste que la loi de programmation militaire a été perturbée par la nécessité de faire face à des besoins supérieurs aux prévisions, notamment sur le maintien en conditions opérationnelles et le nucléaire, qui se sont ajoutés au rattrapage des coupes opérées entre 1997 et 2002, soit plus de 13 milliards, l'équivalent d'une annuité complète de crédits d'équipement. L'action de nos armées est entravée par l'existence de lacunes capacitaires, notamment en matière de projection de forces, de recueil de renseignements et d'aéromobilité.

Nous avons pris, de surcroît, des engagements intenables. Le « diagnostic vérité » commandé par le Président de la République et le Premier ministre n'est pas un luxe. C'est, semble-t-il, au prix d'aménagements, voire de fragilités dans certains domaines, que les armées parviendraient à remplir globalement leur contrat opérationnel. Plusieurs matériels importants, comme les hélicoptères Puma et SuperFrelon ou les avions Transall C160 ont été prolongés à l'extrême.

Les capacités en avions et hélicoptères de transport, en drones, en batellerie des bâtiments amphibies, en moyens de combat en zone urbaine et en interopérabilité des systèmes de commandement sont elles aussi insuffisantes.

Mais la question du matériel, si importante soit-elle, n'est, elle-même, qu'un symptôme. Le coeur du problème, c'est que la défense ne peut plus être aujourd'hui que collective et multilatérale. La mutualisation européenne est donc la solution. Les comparaisons chiffrées France-Europe-États-Unis sont, à ce titre, instructives. Quand la France consacre 1,92 % de son PIB à sa défense, les États-Unis y consacrent, Irak et Afghanistan inclus, plus de 4 %. En matière d'équipement, le budget américain est deux fois et demie supérieur au budget global européen. Même déséquilibre en matière de recherche et de développement : 67 milliards contre 11 seulement en Europe. Dans l'Europe à vingt-sept, deux pays supportent 40 % de l'effort de défense : la Grande-Bretagne et la France.

Le problème est que notre défense repose sur deux piliers totalement déséquilibrés : l'Otan et l'Europe.

Vous nous avez affirmé, monsieur le ministre, que priorité serait accordée au rééquilibrage et qu'un travail de réflexion était en cours en vue de préparer des propositions à avancer lors de la future présidence française de l'Union européenne. Le dernier sommet européen de Bruxelles a été une réussite ; le traité simplifié doit ouvrir de nouvelles possibilités de coopérations renforcées : le contexte est donc favorable.

Pourtant, ainsi que le souligne fort justement notre commission des affaires étrangères dans son excellent rapport d'information de juillet dernier consacré aux enjeux des évolutions de l'Otan, de très grandes incertitudes planent encore sur le futur de la politique européenne de sécurité et de défense.

La position de la France a, jusqu'ici, singulièrement manqué de lisibilité. Car nous n'avancerons pas sans clarifier notre position atlantique. Mais nos partenaires européens, surtout ceux de l'Est, s'en sont remis dès longtemps à l'Otan et ne sont pas disposés à l'abandonner au profit du système de défense collective européenne en gestation, que certains regardent avec méfiance. Ainsi, la création récente d'un État-major européen de planification a-t-elle été jugée redondante au regard des structures déjà existantes dans l'Otan.

D'où le blocage de la PESD. D'où peut-être aussi le rapprochement que l'on peut observer de la France avec l'Otan.

Pour sortir de l'impasse, certains ont récemment évoqué l'idée qu'une sorte de marché pourrait être conclu avec nos partenaires. D'un côté, la France se rapprocherait des structures atlantiques, voire les réintégrerait pleinement, même si ce n'est pas à l'ordre du jour. De l'autre, en contrepartie, nous obtiendrions un engagement plus résolu de nos partenaires dans la politique européenne de défense.

La crise des euromissiles américains de Pologne est emblématique du blocage et de l'aberration de la situation. Elle souligne aussi, s'il en était encore besoin, la nécessité de développer la PESD. Il est quand même fou que cette question ne soit véritablement discutée dans aucune enceinte multilatérale. Nos consultations, menées dans le cadre du rapport que nous avons rendu à la Délégation pour l'Union européenne sur les relations UE-Russie, ont fait apparaître un refus ou une crainte d'aborder cette question tant au sein de l'UEO que de l'Otan. Or, c'est une question éminemment européenne. Pour faire face à cette crise, une réponse européenne commune est nécessaire ! Et la Russie attend une telle réponse : elle souhaite trouver une voie d'entente avec l'Union en matière de défense antimissiles.

Si ce budget est un budget de transition, nous devons profiter de cette période charnière pour développer substantiellement la politique européenne de défense. Je voterai ce budget, et l'UC-UDF, le Modem, et le Nouveau centre aussi. (Rires).

M. Didier Boulaud.  - La situation est particulière, voire paradoxale. Par rapport à 2007, les crédits de la mission « Défense » stagnent. Ce ministère qui n'échappe pas au dogme gouvernemental du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, prévoit la suppression de six mille postes sur un total de trois cent vingt mille. Situation particulière parce qu'il s'agit du premier budget du quinquennat Sarkozy... et ce n'est pas un bon budget. Situation paradoxale, parce que, en réalité, vous êtes, monsieur le ministre, prisonnier d'un héritage, celui de votre prédécesseur, aujourd'hui à l'Intérieur. Cet héritage devient une contrainte supplémentaire sur un budget très serré. A force d'avoir fermé les yeux pendant cinq ans il est difficile, pour la majorité sortante et reconduite, de regarder la réalité en face. Là encore, on cherche la « rupture »... Une revue des programmes -engagés et à venir- est en cours, les résultats, dit-on, seraient déjà dans le tiroir du ministre. Pourquoi les résultats de cette revue ne sont-ils pas pris en compte par cette dernière annuité de la programmation militaire ? Pourquoi ? J'ai une réponse à vous proposer : il s'agit de maintenir la fiction d'une exécution parfaite de cette programmation irréaliste et conservatrice. Dans le théâtre d'ombres qu'est devenu le budget de l'État, -d'un État en faillite-, il faut garder les apparences et maintenir le mythe de la bonne-programmation-bien-exécutée. Votre prédécesseur était devenu une spécialiste de ce jeu de cache-vérité. Malgré nos avertissements et nos analyses, elle a fait semblant de ne pas voir grandir la « bosse financière » dont tout le monde parle aujourd'hui. A cet égard, il est intéressant de lire, cinq ans après, l'excellent rapport de notre collègue Vinçon -pour lequel nous avons tous une pensée ce soir.

Si la programmation 2003-2008, a été si bien préparée et si bien respectée, pourquoi doit-on procéder en catastrophe, dès décembre 2008 à une revue des programmes sur cette même loi ? Pourquoi alors une « opération vérité" » -excusez du peu- demandée dès son arrivée par le nouveau ministre de la défense sur les comptes du ministère ? La vérité dévoilée est apparue tout-à-coup, ex abrupto, aux yeux du nouveau ministre ? Ou alors, ce qui était vrai en 2006 est devenu faux en 2007, seulement parce que nous avons changé de gouvernement ?

Non, l'explication est plus prosaïque : d'une part, cette loi de programmation basée sur un modèle d'armée caduc et sur un Livre blanc d'avant la professionnalisation de nos armées, était déphasée, et, d'autre part, la politique économique et sociale du gouvernement d'alors ne permettait pas d'atteindre les ambitieux objectifs fixés. Je n'aurai pas la cruauté de répéter les arguments que je vous ai exposés récemment -vous pouvez lire utilement le rapport Vinçon n° 370 et en particulier son annexe.

Cela ne met pas en cause la vaillance avec laquelle Mme Alliot-Marie a défendu bec et ongles ses budgets face aux offensives régulières de Bercy, d'ailleurs dirigé un moment par un certain Nicolas Sarkozy ; sans elle, les crédits du ministère auraient connu un sort encore plus néfaste.

Ma critique porte sur l'essence même d'une loi de programmation mal préparée et inadaptée. Aujourd'hui, cet héritage-là vous tombe sur la tête accompagné en plus d'une autre mauvaise nouvelle : il faudra respecter, nous y veillerons, la promesse présidentielle d'un budget de défense atteignant 2 % du PIB. Le candidat Sarkozy avait déclaré : « C'est le prix de notre indépendance nationale, de nos responsabilités internationales, et de notre sécurité. C'est là un devoir de l'État qu'il serait irresponsable d'opposer à d'autres politiques non moins essentielles à la Nation comme l'éducation ou la recherche ». Nous sommes curieux de savoir comment vous allez vous y prendre pour tenir cet engagement présidentiel. En tout cas le budget 2008 n'en prend pas le chemin financier et le Gouvernement ne nous propose qu'un petit 1,61 % du PIB. Ce budget n'est donc pas très différent de ses devanciers. C'est aussi un budget de transition, car le dernier de la loi de programmation militaire en cours. Le président de la commission de la défense de l'Assemblée nationale déplorait, début octobre, des crédits en baisse sur « des points stratégiques" », en particulier l'armée de terre et l'espace. II estimait alors que la commission ne pouvait y souscrire. Nous non plus !

Pour le proche avenir, les sujets d'inquiétude ne manquent pas. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le Livre blanc sur les affaires étrangères, sont des exercices nécessaires qui ne trouveront leur raison d'être que dans une consécration démocratique, avec présentation, débat et vote au Parlement. Les dangers auxquels nous sommes confrontés exigent que les moyens et les doctrines de notre défense soient clairement exposés sur la place publique. On a beaucoup glosé sur le « consensus national » entourant les questions de défense. Il serait temps de lui redonner du tonus démocratique !

Depuis quelques mois, il y a une course à l'Otan qui semble inopportune. Le rapprochement avec l'Otan est une chimère qui varie au gré des déclarations gouvernementales : un jour c'est oui et un autre peut-être ! On aimerait y voir plus clair. Pour moi, la défense européenne doit être notre priorité, ce qui n'exclut pas le travail avec nos amis américains. Mais, à force de vouloir se rapprocher de Washington et de vouloir intégrer l'Otan, on obère nos capacités d'action autonome et on nous place dans une situation de dépendance. Voulons-nous que notre politique étrangère et de défense ressemble à celle de la Grande-Bretagne ? Des informations font état d'un futur renforcement, encore un, de nos forces en Afghanistan ; la France pourrait fournir l'essentiel de la « réserve tactique » prévue par l'Otan pour renforcer les forces de l'Organisation sur les théâtres extérieurs, en particulier en Afghanistan. Est-ce la bonne politique ? Cette intervention dure depuis plusieurs années, en voit-on la fin ? A-t-on une idée de la sortie du conflit ? Nous devrions avoir un débat de fond sur cette question et je souhaite que, pour commencer, le ministre nous apporte un bilan complet -politique et militaire- de l'intervention de la France en Afghanistan.

II y a quelques jours, l'ambassadrice américaine auprès de l'Otan, Mme Victoria Nuland a réaffirmé la nécessité du bouclier antimissiles américain qui serait composé d'un système de détection radar basé en République tchèque, et d'une dizaine de missiles anti-missiles en Pologne ; pour justifier ce déploiement, sur le sol européen, Mme Nuland avance que « la menace vient non seulement d'Iran mais aussi de la Corée du nord, du développement de missiles balistiques par des agents « voyous », cette menace est réelle et va croissant » ; elle a ajouté qu'il s'agissait d'offrir une protection aux pays européens contre une frappe éventuelle en provenance des pays susmentionnés, et a aussi estimé que cette « frappe avec des missiles » pouvait intervenir d'ici l'an 2015. On sait déjà ce qu'ont coûté d'autres brillantes analyses stratégiques de nos alliés américains sur les théâtres moyen-orientaux, en particulier quand on a brandi la menace d'armes de destruction massive pas encore retrouvées I Donc, prudence et réflexion avant d'embarquer notre pays, et l'Union européenne, dans une nouvelle course aux armements... même s'il s'agit, dit-on, d'armements « défensifs ». Nous n'avons pas la même perception de la menace iranienne et encore moins de son caractère « imminent »... Nous devons aussi évaluer le coût et la rentabilité de l'investissement exigé par ce bouclier, surtout dans la mesure où son degré d'efficacité est inconnu. Nous devons aussi soulever la question de l'utilisation militaire de l'espace et last but not least, nous devrions évaluer l'impact d'une stratégie qui incorporerait le bouclier antimissiles sur la crédibilité, l'efficacité et la pérennité de notre politique de dissuasion nucléaire.

Cette question du bouclier antimissiles entraîne une autre inquiétude : celle de voir se dessiner à long terme une alliance bilatérale Etats-Unis et Russie, qui pourraient relier leurs futurs systèmes respectifs pour faire face aux menaces balistiques avec, au milieu, l'Europe, prise en otage de conceptions stratégiques dont elle n'aurait pas la maîtrise... Scénario hypothétique certes, mais prenons garde à ne pas perdre, d'alignement en ralliement, notre marge d'autonomie stratégique, et tentons au contraire de faire accroître cette capacité au sein de l'Union européenne.

J'aurais voulu parler de l'accord trouvé autour du projet Galileo dont je me réjouis. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des détails sur cet accord ? Je souhaite aussi vous interroger sur les négociations sur le paquet « Armement ».

Le rapporteur pour avis a très justement regretté la faiblesse de l'effort fait en faveur du renseignement et de la recherche, jugeant que notre pays faisait là une pause préjudiciable qu'aucune orthodoxie budgétaire ne pouvait justifier.

Pour terminer, je veux saluer les personnels de la défense, civils et militaires, et leur faire parvenir notre message de solidarité et d'encouragement. Souvent, quand on parle de la défense, de la sécurité, on parle longuement des matériels, des équipements, des stratégies et on oublie les personnels qui les servent. Je vous invite, monsieur le ministre, à poursuivre l'amélioration de la condition militaire, y compris, bien entendu, dans la Gendarmerie. Le recrutement et la fidélisation sont des chantiers sur lesquels notre vigilance doit être constante.

Je crains hélas que votre budget ne soit pas à la hauteur des exigences et qu'il hypothèque gravement l'avenir. Le groupe socialiste votera contre.

M. Hervé Morin, ministre.  - A l'Assemblée nationale, les socialistes ont voté pour !

M. Didier Boulaud.  - Parce qu'ils ont des informations dont nous ne disposons pas!

M. Georges Othily.  - Nous avons besoin d'une politique maritime ambitieuse. La mondialisation accroît la séparation entre zones de production et zones de consommation et multiplie les échanges par voie de mer. L'acheminement par bateaux de nos approvisionnements et de notre énergie rend la France et l'Europe étroitement dépendantes de ces échanges en flux tendu. Mais la liberté de circulation et d'action bénéficie aussi aux trafics, à la piraterie, au terrorisme. Ce qui est vital pour nous, nous rend vulnérables. M. Woerth a reconnu qu'il y avait lieu de définir une politique nationale qui intéresse de nombreux secteurs d'activité et différents ministères ; il a admis que les pays européens devaient se structurer pour élaborer une véritable politique maritime européenne -cela prendra du temps car il faut bâtir un cadre juridique et politique commun. Nous cherchons, pour l'heure, les moyens d'assurer un espace de surveillance commun, c'est déjà un pas considérable, essentiel. L'enjeu est de saisir les avantages stratégiques de la mondialisation, de placer notre pays en situation d'acteur et non de spectateur, d'inspirer les règles plutôt que de les déplorer. L'un des facteurs-clé est précisément la sécurité maritime, qui repose sur les moyens d'action de l'État sur nos côtes et au large. Pour être efficace, il faut pouvoir agir près des points de départ et de passage de nos approvisionnements vitaux, au plus près de la source des trafics ou dans les zones de piraterie, le long des pays où travaillent nos ressortissants et où sont situés nos intérêts, près des foyers de déstabilisation...

Autour de nos côtes, la maîtrise des mers s'appelle « sauvegarde maritime ». Des actions de police sont conduites pour lutter contre les trafics, prévenir les catastrophes, en limiter les effets. Plus loin, par exemple dans les détroits bordant des pays peu fiables, seuls des moyens militaires sont efficaces, conjuguant en haute mer endurance et polyvalence : frégates, sous-marins, avions de surveillance.... Et il faut conserver la possibilité d'envoyer des forces supplémentaires chaque fois que la menace augmente. Outre la sécurisation de notre approvisionnement énergétique et commercial, cette maîtrise des mers est indispensable pour déployer des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins ou des avions, pour projeter des troupes -que ce soit pour ramener la paix ou défendre nos ressortissants ou nos intérêts. Deux porte-avions seront nécessaires pour restaurer notre capacité à participer à des opérations interalliées et peser sur le cours des évènements : nous en sommes aujourd'hui temporairement privés. Si nous ne savons pas maîtriser les espaces maritimes, d'autres le feront à notre place et selon leurs priorités.

L'examen des crédits 2008 pour la mission « Défense » amène à réfléchir aux moyens dont il faut doter nos forces armées... sans occulter l'exigence de préserver notre environnement, dont le Président de la République a rappelé l'importance lors du Grenelle de l'environnement. Cette priorité réaffirmée appelle un changement des comportements. Monsieur le ministre, vous entendez manifestement participer pleinement à cette politique, je vous en félicite.

Il est vrai que votre ministère exerce la police de l'environnement à travers la marine et la gendarmerie nationale. Et que son engagement pour le développement durable est ancien. La défense a notamment signé, le 9 juillet 2003, avec le ministère de l'écologie et du développement durable, un partenariat en faveur de la protection de l'environnement. Vous avez, quant à vous tout récemment arrêté quarante mesures, notamment pour la gestion des déchets et des substances dangereuses, les déplacements et la politique d'achats -180 millions sont prévus à cet effet sur deux ans. Un schéma directeur national d'implantation des stockages de matériels déclassés et de déchets du ministère de la défense sera élaboré. Des passeports verts seront attribués aux navires en service de la marine. Enfin, le ministère doit conduire une véritable politique d'achat éco-responsable et socio-responsable. Une nouvelle structure élaborera, animera et coordonnera la politique du ministère en ce domaine.

Monsieur le ministre, je me réjouis de vos mesures et de vos projets. Une large majorité de notre groupe vous soutiendra. Nous resterons attentifs à la conduite de votre politique. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Josette Durrieu. - Je salue la présence du président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, où siègent les vingt-huit États membres de l'Union européenne. Des parlementaires nationaux, dont je suis, y représentent leur pays. C'est un espace où nous évoquons la sécurité et la défense ; nous nous rendons aussi sur le terrain, nous voyons les réalités et cela modifie notre approche. Je souhaiterais que la France s'intéresse plus à cette assemblée, ne serait-ce que par courtoisie pour nos collègues... Cette année, nous recevons notamment les ministres de la défense de la Turquie et du Portugal.

Aujourd'hui, les risques sont nombreux et considérables. Puissance de certains, comme la Chine ; régions déstabilisées, comme l'Afghanistan, où nous avons 2 000 hommes, l'Irak, le Moyen-Orient, le Liban, où stationne la Finul... N'oublions pas le conflit majeur entre Israël et la Palestine. Et le Caucase, la Géorgie, les Balkans. La France a 1 850 hommes au Kosovo, elle est partie prenante dans les opérations en Bosnie ou en Macédoine. Mais les Opex sont toujours sous-estimées : 375 millions d'euros prévus, 600 finalement. Reste que la France est présente.

Les enjeux. En Asie centrale, j'ai senti toute la force de la présence russe. La Russie a engagé la guerre de l'énergie, elle a gagné la première manche. Gazprom puise les réserves du Kazakhstan, du Turkmenistan, et la Russie maîtrise les gisements, les réseaux, les prix. Ukraine, Moldavie, Allemagne, et même Italie mesurent la faiblesse de l'Europe, totalement absente. La Russie, grand acteur de déstabilisation des pays d'Europe de l'Est, acquiert une influence redoutable au Kosovo et dans les Balkans. L'indépendance du Kosovo est devenue l'objectif des Américains, mais il y a là un facteur de déstabilisation des Balkans. Contre le bouclier antimissiles américain, les Russes ciblent l'Europe de l'Est : la Russie est un prédateur dans cette région.

Dans l'Organisation de coopération de Shanghai, Russie et Chine se partagent l'influence tandis que l'Europe est absente. D'une façon générale, la politique de la Russie se révèle de plus en plus audacieuse et ambitieuse.

Les États-Unis sont un colosse aux pieds d'argile. La politique étrangère du Président Bush est un fiasco complet. Dans le domaine économique, le pays est endetté et finance sa dette en émettant des titres en Chine. En matière de défense, il veut déployer en Europe son bouclier anti-missiles. En France aussi ?

La menace majeure réside dans le conflit israélo-palestinien, pour lequel personne ne croit à un accord politique. Cette menace est d'autant plus grave qu'elle s'inscrit dans un contexte régional instable : avec l'Iran et son programme nucléaire, tout est possible. Le Président Bush ne rêve que de bombarder les sites depuis des bases de l'Otan, tandis qu'Israël est obsédé par ce dossier.

Dans ce contexte, tout le monde réarme, sauf l'Europe. En dix ans, les dépenses militaires dans le monde ont augmenté de 37 % ; en Chine de 15 % ; en Russie de 155 % depuis 1998. Les ventes d'armes augmentent, dans lesquelles l'Europe ne compte que pour 10 % et la France pour moins de 4 %. C'est dire si l'Europe dépend de l'Otan.

La puissance américaine est-elle donc sans limites ? Les États-Unis entretiennent 160 000 soldats en Irak et ont engagé 800 milliards de dollars depuis 2001 pour lutter contre le terrorisme, alors que la totalité de l'armée française ne compte que 124 000 soldats.

Au vu de ces périls, quels sont les impératifs ? Ils sont certes stratégiques et financiers, mais ils doivent aussi être de cohérence. Ainsi, au Proche-Orient, nous devons jeter les bases d'une solution juste reposant sur l'existence de deux États pour deux peuples. Mais il n'y a pour ainsi dire plus de Palestine : la Cisjordanie, entourée de centaines de kilomètres de mur, est morcelée de quatre-vingts zones colonisées. Le gouvernement n'y existe plus. Le Conseil palestinien, qui compte quatre-vingt-huit députés en prison, ne se réunit plus. Le président Abbas contrôle encore l'OLP, mais n'est plus que le président nominal d'un État qui n'existe plus. Il faut pourtant aider la Palestine ! L'Europe, l'un de ses principaux bailleurs de fonds devant les États-Unis, a un rôle à jouer. Au nombre des aides européennes, figure un fonds pour l'organisation des élections. Mais qu'avons-nous fait là-bas des principes démocratiques ? Si on ne voulait pas que le Hamas accède au pouvoir, il convenait de décider, avant les élections, qui ne pourrait pas participer au gouvernement. Ce n'est pas après le scrutin qu'il faut dire qui nous convient ou non.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Josette Durrieu.  - L'Autorité palestinienne a mis en place sa police. C'est une bonne démarche. J'étais sur place lorsque le Premier ministre se félicitait de son efficacité. Encore faut-il que l'équilibre -toujours fragile- ne soit pas aussitôt brisé par une incursion israélienne à Naplouse !

M. le président.  - Vous en êtes à treize minutes !

Mme Josette Durrieu.  - L'Europe se trouve confrontée à un choix capital entre une Europe de la défense autonome et une soumission à l'Otan. Il est à craindre que le choix soit déjà fait en faveur de la seconde option !

M. le président.  - Il faut finir.

Mme Josette Durrieu.  - Quelle est donc sur ce point la position de la France ? (Applaudissements à gauche et au centre)

M. le président.  - Chacun devrait respecter son temps de parole.

M. Pierre Laffitte.  - Ma passion pour l'innovation m'amène à aborder par ce biais la question de la défense. Sur ce plan, les chiffres de votre budget le confirment, la France fait figure de bon élève en Europe : la recherche et l'innovation représentent un total de 3,6 milliards d'euros incluant notamment la recherche et le développement, la recherche duale, le CEA. En 2006, les États-Unis consacraient à ce secteur 10,5 milliards de dollars, mais ce chiffre est sans doute sous-évalué.

En raison de la mondialisation, nous devons considérer la France dans son rapport à l'Europe. C'est dire si je me réjouis d'entendre notre collègue du groupe CRC parler enfin de défense européenne ! (Sourires) La relance de l'Europe par le Président de la République et la prochaine présidence française peuvent favoriser des avancées. J'ai noté, monsieur le ministre, que vous voulez la participation des petites et moyennes entreprises, dont les compétences sont grandes en matière d'innovation. Aux États-Unis, le Small Business Act a été d'un grand intérêt dans ce domaine, surtout quand on connaît les règles de l'OMC. Il serait utile de lancer une initiative similaire en Europe d'autant que la vigilance de la Commission européenne en matière d'aides publiques est extrême, ce qui entrave notre compétitivité Ces petites entreprises seront fondamentales par exemple lors de la mise en oeuvre de Galileo, qui semble désormais reparti sur de bonnes bases : la révolution ne fait que commencer.

Une autre révolution est déjà en route : celle qui concerne l'utilisation des espaces virtuels. Les technologies de l'information permettent ainsi des progrès en matière de simulation. L'armée sait à quel point les manoeuvres qui simulent des actions militaires sont riches en enseignement.

L'univers ludique d'Internet ou de la téléphonie mobile peut acquérir une importance considérable pour les entreprises. En maîtriser la pratique peut constituer un atout formidable pour les États, sans dépense importante, y compris dans le domaine du renseignement. À condition de les maîtriser, ces nouvelles technologies nous ouvrent donc des possibilités immenses. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Dominique Voynet.  - Quelle politique de défense et de sécurité pour la France ? Bien malin qui pourrait se faire une opinion à l'écoute des principaux responsables politiques ou à la lecture des analyses des principaux chefs militaires. Au fil de l'eau, les options varient ; un jour, c'est l'Europe de la défense, le lendemain, le rapprochement avec l'Otan, sans le moindre débat démocratique, sans qu'on en tire des enseignements en termes de stratégie et d'équipements. On est passé de la conscription, outil de cohésion nationale, à une armée professionnelle dédiée aux interventions extérieures, de l'autonomie stratégique à une démarche d'intégration, sans évaluer l'impact de ces évolutions sur une industrie de défense hier nationale, demain plus intégrée.

Quelles sont les menaces ? Quels sont les outils de notre sécurité ? La France agit-elle toujours dans le respect des principes qu'elle prétend défendre ? Comment construire une paix durable ? La commission chargée d'élaborer le Livre blanc apportera-t-elle des éléments de réponse ? On peut s'interroger au regard de sa composition, largement endogamique : on y observe une surreprésentation du ministère de la Défense ; on y compte un seul représentant du ministère des affaires étrangères et aucune personnalité qualifiée issue de mouvements plus sensibles à la prévention des conflits ou à la culture de paix.

Après la multiplication des « Grenelle », voici l'avalanche des livres blancs, sur la défense, les institutions, la politique étrangère. Pour quelle cohérence ? Pour quels arbitrages ? Quel rôle pour le Parlement ? Mystère. On nous dit que le Livre blanc traduira une nouvelle approche, qu'il permettra de mieux prendre en compte le terrorisme ou la prolifération. Peut-être. Mais traitera-t-il des menaces nouvelles, de la raréfaction des matières premières, de la multiplication des événements climatiques extrêmes, du risque de terrorisme informatique ou de la destruction des satellites ? Nous verrons bien. Nous avons le sentiment que les décisions importantes sont déjà prises. Pourquoi les catapultes nécessaires au second porte-avions sont-elles commandées, et 3 milliards provisionnés au budget -contre votre avis, monsieur le ministre, si j'ai bien suivi- si rien n'est décidé ?

Pourquoi ne pas admettre que la réponse aux nouvelles menaces n'est pas militaire ? Qui peut une seconde imaginer que c'est en agitant sous le nez de Vladimir Poutine le chiffon rouge d'une défense anti-missiles positionnée sur le sol européen que l'on renforce la sécurité de notre continent ? Comment ne pas considérer la décision annoncée vendredi dernier par la Russie de suspendre sa participation au traité de réduction des forces conventionnelles en Europe comme une réponse à une inutile et dangereuse provocation ? Comment lutter contre le terrorisme ? Qui espère qu'une victoire militaire contre la ou les têtes d'Al-Qaïda suffirait à assurer la sécurité de nos villes et de nos approvisionnements ?

Un mot de la dissuasion nucléaire. C'est un sujet dont il reste difficile de débattre, le Président de la République n'a-t-il pas écrit à M. Mallet qu'elle « reste un impératif absolu » ? Le nucléaire ne nous protège pourtant d'aucune des menaces d'aujourd'hui ; une vingtaine de pays sont aujourd'hui au seuil de le maîtriser, il y en aura deux fois plus d'ici quinze ans. Quel en sera l'impact sur la sécurité du monde et sur la nôtre ? Poser la question, c'est hélas y répondre ! Qu'attend notre pays, qui présente volontiers -un peu vite- le renoncement à la composante terrestre de sa dissuasion comme une mesure de désarmement, pour prendre une initiative diplomatique forte ? Le moment n'est-il pas venu d'élaborer, sur le modèle de la Convention sur le désarmement chimique, une Convention sur le désarmement nucléaire -au lieu de finaliser le missile M51, de contourner nos engagements internationaux par le développement de Mégajoule et de préparer les esprits à une guerre contre l'Iran ?

Qu'en pensent nos principaux partenaires européens ? M. Sarkozy a tenté, si on en croit Der Spiegel, de convaincre la chancelière allemande de l'intérêt qu'elle pourrait trouver à placer son pays sous la protection nucléaire française. Quelle méconnaissance de la situation politique et de l'opinion allemandes ! Mme Merkel en aurait été irritée. Aucun de nos partenaires européens ne se place dans cette perspective hâtivement tracée et tous s'interrogent : que veut la France ? Réintégrer l'Otan ou construire l'Europe de la défense ?

Je m'inquiète de la perspective d'une réintégration de la France dans l'Otan, si elle ne s'accompagne pas de la reconnaissance de l'autonomie du pilier européen, de la restauration du débat stratégique entre alliés et de la redéfinition du champ d'action et de la doctrine d'intervention de l'organisation. D'abord parce que le statut actuel de la France n'empêche pas la coopération, ensuite parce que le prix à payer pour ce geste politique en direction des États-Unis serait élevé, comme le souligne M. Védrine dans le rapport qu'il a remis au Président de la République. Il donnerait à penser que la France n'a plus les moyens de son autonomie stratégique et éroderait sa capacité à se faire entendre en Afrique ou au Proche-Orient, en donnant le sentiment qu'elle se rallie à l'idée d'un choc des civilisations. On trouve dans ce budget la contribution française à l'Otan, soit 106 millions, ce qui fait de notre pays le cinquième contributeur, mais pas le montant des dépenses de personnels et de matériels liées à sa participation aux opérations de l'organisation. Qu'en est-il exactement ?

Autre sujet de préoccupation : la politique française d'exportation d'armes. Dans le rapport au Parlement que nous venons de recevoir, vous dites vouloir, dans un contexte de concurrence internationale, faire du soutien aux exportations d'équipements de défense et de sécurité l'une des priorités de votre ministère. Mais ce n'est pas à vous de rassembler les industriels, c'est au secrétaire d'état au commerce extérieur -dans l'hypothèse, que je conteste, où les entreprises de la défense seraient des entreprises comme les autres. Ce n'est pas à vous non plus d'alléger le contrôle sur les exportations d'armes. Comme le dit votre Directeur des affaires stratégiques : « on ne peut s'en remettre à la seule responsabilité des industriels » ou encore « le dispositif actuel a au moins le mérite de ne pas exposer la France au reproche fait à d'autres de diffuser des technologies sensibles dans des états proliférants ». Les procédures d'agrément préalable unique ou de délivrance d'autorisations globales pour les matériels les moins sensibles devront être sérieusement évaluées et si nécessaire remises en cause.

Quant aux bombes à sous-munitions, que la France continue à produire, utiliser et exporter, je relaye cette année encore le plaidoyer de Handicap international en faveur de leur interdiction.

Un mot aussi de l'impact écologique des activités de défense. Je n'évoquerai pas la question du prix des carburants, dont tout indique qu'il sera demain plus élevé qu'aujourd'hui : on peut espérer que le renouvellement des matériels permettra de progresser. Quant au démantèlement des navires de guerre et des sous-marins, il pose des problèmes considérables, qu'il s'agisse de la santé des travailleurs ou de l'impact environnemental. Pourquoi ne pas mettre en jeu, en matière d'équipements militaires, la responsabilité des industriels, du berceau à la tombe ?

Bien d'autres sujets mériteraient d'être évoqués, de la sous-évaluation du coût des Opex au retard pris par l'A400M. Mais ils ne doivent pas occulter une préoccupation réellement politique : comment le Parlement, qui sait consacrer des heures de débat à la sécurité des manèges forains ou aux chiens dangereux, peut-il continuer à admettre que 48 milliards sont dépensés chaque année pour assurer la sécurité du pays sans que l'efficacité de cette dépense soit démontrée au service du seul objectif qui vaille, la paix ? (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Ce budget est de transition et d'attente, et le contexte financier de la prochaine loi de programmation est incertain. Les besoins de financement des programmes sont très élevés, et atteindront 19,1 milliards en 2009 et 23 milliards en 2012. Vous reconnaissez vous-même qu'il sera impossible de tenir ce niveau de dépenses, que certains programmes subiront des coupes et que d'autres seront lancés en fonction des besoins et des conclusions du Livre blanc.

Je m'inquiète particulièrement pour le programme des sous-marins Barracuda, sur lequel j'avais interrogé votre prédécesseur à plusieurs reprises. La lecture des documents budgétaires et les débats à l'Assemblée nationale ne m'ont pas rassuré. Les 336 millions de crédits de paiement et les 253 millions d'autorisations d'engagement inscrits en 2008 correspondent à la commande du premier sous-marin ; nous n'avons aucune indication sur la suite d'un programme qui prévoit la mise en service de six bâtiments entre 2016 et 2927 pour un coût total de 7,9 milliards ; nous serons alors aux limites extrêmes du renouvellement de la flotte.

Interrogé à l'Assemblée nationale, vous avez répondu de façon particulièrement évasive : la France, selon vous, a besoin d'un nouveau programme de sous-marins nucléaires d'attaque : reste à en fixer le nombre et la cadence de réalisation, sachant que nous n'avons pas une grande marge de manoeuvre. On ne saurait être plus explicite. Mais le nombre a été fixé par la loi de programmation : six, ce qui correspond aux besoins de la Marine ; la cadence s'impose à nous au rythme du retrait des sous-marins actuels ; quant aux marges de manoeuvre, il faut éviter des trous dans les livraisons, sauf à mettre en péril l'efficacité et la crédibilité de nos forces navales et à contraindre la Marine à faire des choix entre ses capacités de dissuasion et de projection.

Nous ne pouvons plus tergiverser. Mais les premiers échos que nous avons du Livre blanc inquiètent : serait-ce la fin programmée de la sanctuarisation des crédits de la défense ? Il serait inacceptable de conditionner le lancement du deuxième porte-avions à la capacité de la Marine à accepter des sacrifices.

La réalisation des six Barracuda donnera du travail à des milliers de salariés, à DCN et ailleurs. Elle pourrait être remise en question pour des raisons stratégiques, mais je n'en perçois aujourd'hui aucune. J'avais dit l'an dernier que les retards pris notamment à cause de la notification tardive du contrat fin 2006 avaient déjà des conséquences pour DCN.

Vous vous efforcez de démentir les rumeurs sur une diminution du nombre de frégates Freem, mais pouvez-vous nous éclairer sur l'ensemble de programmes importants de la marine ?

L'élu de la Manche que je suis conclura en rejoignant l'élue de l'Orne qu'est Mme Goulet -et, j'espère, un élu de l'Eure- dans un combat essentiel : pour la réunification de la Normandie. (Sourires et applaudissements à gauche)

M. le Président.  - M. le Ministre désire certainement répondre aux orateurs.

M. Hervé Morin, ministre de la défense.  - Parce que je suis moi aussi normand ? (Sourires)

L'examen du budget de la Défense est toujours un moment privilégié pour poser des questions au ministre. J'ai été servi ! Je voudrais, avant de remercier les rapporteurs pour l'excellence de leur travail, adresser un message d'amitié au président Vinçon, qui est sans doute un des parlementaires qui connait le mieux les questions de défense.

Notre outil de défense est à la veille d'une mutation majeure. Parlons d'abord du contexte. La France a consenti depuis 2003 un niveau élevé d'engagement : elle a 12 500 hommes en opérations extérieures, 17 000 déployés pour des missions de souveraineté outre-mer, 6 000 en Afrique dans le cadre de nos accords bilatéraux. Si l'on compte les relèves, ce sont 60 000 de nos militaires qui partent chaque année en mission de deux à six mois. Je rends hommage à leur dévouement sans limite.

La France appartient au club très fermé -nous ne sommes que trois membres, avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis- des pays capables d'assumer le spectre complet des opérations et d'exercer le rôle de nation cadre au sein d'une coalition. Nos armées sont internationalement crédibles ; elles remplissent leurs contrats opérationnels mais au prix d'aménagements et en consentant des fragilités dans certains domaines.

L'état des lieux que j'ai dressé a montré que nous étions sur une trajectoire très problématique. À contrats opérationnels inchangés, les besoins en crédits d'équipement de 2009 à 2013 seraient en moyenne supérieurs de 41 % en volume aux crédits ouverts entre 2003 et 2007. La moyenne annuelle devrait ainsi passer de 15,5 milliards à presque 22 milliards. C'est ce que l'on appelle la bosse. D'où vient-elle ? De ce qu'entre 1997 et 2002, on a rayé d'un trait de plume une année de la loi de programmation. (« Très bien ! » à droite) Il a fallu ensuite toute la ténacité de Jacques Chirac, à qui je rends hommage, et de Michèle Alliot-Marie pour que remonte le niveau de nos équipements. Depuis 2003, la loi de programmation est rigoureusement respectée.

Malgré cette bonne exécution sur le plan des ressources, il a fallu financer sur le budget des ajustements très significatifs, pour un montant de 7,5 milliards : l'agrégat nucléaire a bénéficié d'un abondement de 1,5 milliard ; les crédits de maintenance ont dû être augmentés du même montant. À l'avenir, dans la conception des programmes d'armement, il serait bon d'intégrer entre l'état-major et les industriels de l'armement une représentation de la réflexion économétrique, en particulier sur le coût de possession.

Des besoins opérationnels nouveaux sont apparus, comme la lutte contre les engins explosifs improvisés, pour un montant total de 0,7 milliard ; les besoins de trésorerie de certains programmes comme le Rafale avaient été sous-estimés et n'ont pu être contenus qu'au prix d'étalements et de reports. De manière générale, l'évolution du coût des facteurs s'est révélée durablement supérieure aux indices d'actualisation des ressources.

Avec un niveau de ressources de l'ordre de 2 % du PIB, l'enjeu pour la Défense sera à la fois de maintenir la cohérence d'ensemble de ses capacités, de garantir les normes d'activité et d'entraînement, de continuer d'améliorer la condition militaire. Atteindre ces objectifs implique de réévaluer nos choix capacitaires et de transformer l'organisation et les implantations de nos armées, en resserrant notre dispositif de soutien et d'administration au profit des unités opérationnelles. C'est le sens des grands chantiers en cours : le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la revue des programmes d'armement et la révision générale des politiques publiques. La commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a pour objectif essentiel de redéfinir notre concept de défense globale et de préciser les missions et les contrats opérationnels de nos armées, en posant toutes les questions, « sans tabous ni préjugés », selon le souhait du Président de la République. Elle ne compte que dix membres relevant du ministère de la Défense, et le Parlement est associé à son travail, y compris l'opposition puisque le Sénat y est représenté par M. Dulait, en remplacement de M. Vinçon, et M. Boulaud.

La revue des programmes d'armement, exercice interne au ministère, doit reconsidérer l'opportunité et les modalités des programmes en cours ou à lancer. Il s'agit de radiographier cette bosse physico-financière afin d'évaluer nos marges de manoeuvre dans la construction de la future programmation. Nous disposerons ainsi d'une boîte à outil qui nous permettra de valider les grandes hypothèses avec sûreté et rapidité.

La révision générale des politiques publiques nous permettra de faire des gains de productivité dans tous les domaines du soutien et de l'administration. Il ne s'agit pas de supprimer des services ou des fonctions dont certains sont essentiels à l'activité des forces, mais de les rationaliser ou de les moderniser, ce qui veut dire que nous devons aller résolument vers l'interarmisation et la restructuration des forces de soutien. Le ratio britannique est de 65 % de forces opérationnelles pour 35 % de forces de soutien ; nous sommes à peu près à 50-50, nous devons améliorer notre ratio.

Ces travaux convergeront à la fin de l'année et seront traduits dans la future loi de programmation militaire que le Gouvernement vous soumettra au printemps.

Premier préalable, le maintien de l'effort de défense, auquel s'est engagé le Président de la République. Deuxième préalable, la confirmation de notre autonomie de décision, qui ne peut être déléguée à un allié de référence ou à une organisation internationale, et qui suppose de solides capacités en matière de renseignement et de commandement. Il faut améliorer la coordination entre les services de renseignement du ministère de la défense et du ministère de l'intérieur et développer les synergies. Troisième préalable, il est inconcevable que la France renonce à rester une puissance militaire crédible, possédant l'ensemble des grandes capacités -ce qui n'empêche pas la coopération, et devrait même nous y inciter, car la coopération est d'autant plus facile que l'on est fort.

Ce budget est en effet un budget de transition ou d'attente : il applique, pour la dernière année, la loi de programmation militaire votée par le Parlement, dans l'attente des grandes décisions stratégiques que le Président de la République prendra début 2008.

Le ministère de la défense ne remplacera pas la moitié des départs à la retraite, à l'instar de la quasi-totalité des administrations. Cela représente six mille trente sept emplois, dans des fonctions d'administration et de soutien, car il n'est pas question de remettre en cause la capacité opérationnelle de nos forces. La réduction du plafond ministériel d'emploi porte sur sept mille cinq cents emplois vacants non financés, donc virtuels.

Nous aurons un personnel moins nombreux, mais mieux payé : nous prévoyons 102 millions en contrepartie de ces mesures de rationalisation. Le Haut conseil à l'évaluation de la condition militaire évalue à 350 millions l'effort nécessaire pour rétablir la parité entre fonctionnaires en tenue et militaires. Cette année, l'effort porte sur les militaires du rang, et les sous-officiers ; pour les autres, des réunions interministérielles sont en cours, car il faut modifier les statuts. Pour le personnel civil, le plan prévu s'élève à 15,9 millions, montant le plus élevé depuis dix ans. Malgré les réductions de postes, le ministère de la défense demeurera en 2008 le premier recruteur de l'État avec près de trente mille militaires et deux mille civils recrutés.

S'agissant du porte-avions, c'est dans l'esprit de la Lolf que nous provisionnons 3 milliards en autorisations d'engagement pour financer le début du programme, si le Président de la République devait en prendre la décision.

S'agissant du NH 90 terrestre, le contrat sera notifié avant la fin de l'année, pour douze appareils. L'affermissement d'une nouvelle tranche de vingt-deux appareils figure dans ce budget, celui de la tranche suivante de trente-quatre appareils sera inscrit dans la prochaine loi de programmation militaire. Le marché de rénovation des Cougar sera bien notifié fin décembre.

Le programme des frégates multi-missions (FREMM) est financé pour partie en loi de finances initiales, le solde dans le collectif. Au regard des reports de crédits qu'entraîne une telle procédure, nous y avons renoncé dès cette année. Nous prévoyons 1,5 milliard de report de crédits de 2007 sur 2008, soit le même montant que l'an passé, sous réserve des ajustements de la fin de gestion. Cette décision de gestion financière ne doit en aucun cas être interprétée comme une volonté de réduire le nombre de frégates. Nous financerons bien évidemment les FREMM malgré l'absence de ces crédits, grâce à nos reports, dans le cadre des arbitrages de la prochaine loi de programmation.

Le Barracuda remplacera, sans rupture de capacité, le sous-marin nucléaire d'attaque Rubis : six sont prévus dans la loi de programmation. Le premier marché a été notifié le 21 décembre 2006 : le rythme de livraisons dépendra des conclusions du Livre blanc.

EADS a confirmé un retard de six mois, qui risque d'être reconduit, dans la livraison de l'avion de transport A400M. Nous y remédions provisoirement en louant de gros porteurs à des opérateurs privés, mais nous serons très fermes sur le respect de ses obligations contractuelles par l'industriel. S'agissant des ravitailleurs, les décisions seront prises dans la future loi de programmation militaire.

Les crédits de paiement pour l'espace s'élèvent à 393 millions en 2008, moins qu'en 2007, mais plus que l'exécution réelle, puisque les crédits effectivement consommés ont été de 370 millions par an en moyenne entre 2003 et 2006. Notre effort de recherche technologique restera soutenu : nos industriels comptent parmi les meilleurs au monde. Il n'y aura pas de rupture de capacité en matière d'observation spatiale. La Grèce, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne participent à nos côtés au projet Musis : le développement de la capacité d'observation spatiale européenne sera l'une des priorités de la présidence française.

Galileo est un programme civil. Le financement complémentaire -2,4 milliards- sera couvert par le budget communautaire moyennant des redéploiements qui ne remettent en cause aucun autre grand projet européen. Je m'en réjouis en tant qu'utilisateur futur.

Une attention particulière sera portée au maintien de la disponibilité opérationnelle des matériels, qui conditionne le moral et l'enthousiasme de nos unités. Au-delà d'une dotation prévue de 3,3 milliards, la démarche d'amélioration de l'efficacité de la dépense de maintien en condition opérationnelle (MCO) sera poursuivie, au travers de la nouvelle politique d'emploi et de gestion des parcs de l'armée de terre, la consolidation des nouveaux modes de contractualisation du MCO naval ou la création du service industriel de l'aéronautique.

Le chantier est énorme pour unifier les procédures. Savez-vous que lorsqu'un hélicoptère atterrit à Villacoublay, un mécanicien de l'armée de terre ne peut intervenir sur un appareil de l'armée de l'air ?

Un mot des crédits pour la préparation de l'avenir. Les crédits en amont s'élèvent à 640 millions. En effet, la France et le Royaume-Uni assurent 40 % de l'effort de recherche de l'Union mais, la semaine dernière, grâce au dialogue avec les Britanniques, 6 millions ont été débloqués pour un programme sur les drones. La présidence française pourra faire évoluer l'Europe sur ce sujet et donner enfin son envol à l'accord de Saint-Malo.

D'où vient cette information sur l'activité de l'armée de terre ? Il y aura, comme en 2006 et en 2007, 96 jours dont 4 jours au titre de l'international.

S'agissant du carburant, nous finirons l'année 2007 sans trop de dommage mais l'année 2008 s'annonce difficile. Cela confirme la nécessité de disposer d'un dispositif de couverture contre la hausse du brut. Le maintien d'une exonération de TIPP au-delà de 2008 est indispensable.

J'ai une attitude pragmatique sur l'externalisation. Si l'enseignement du pilotage à Cognac est une réussite, je souhaite que nous abordions l'ensemble des problématiques sans reporter les charges vers l'avenir. Il faut en tout cas neutraliser les effets de la TVA, comme l'a fait le Royaume-Uni.

Cette année, 375 millions ont été inscrits en loi de finances initiale pour les Opex et le Premier ministre a décidé d'y ajouter 100 millions -j'imagine que le président de la commission des finances approuve cette décision.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - C'est mieux.

M. Hervé Morin, ministre.  - La politique du ministère de la défense s'inscrit dans un ensemble de politiques publiques, dont l'environnement et le développement durable. Nous en avons les moyens, sans remettre en cause les capacités opérationnelles, qui restent le coeur de notre métier. Nous pouvons participer aux économies d'énergie. Polytechnique et une implantation de chaque arme subiront un bilan complet en 2008 puis feront l'objet d'un programme complet afin que nous montrions l'exemple à l'ensemble du pays.

J'ai annoncé à midi la mise en place d'un plan pour les PME afin que les sous-traitants bénéficient des mêmes délais de paiement que les gros donneurs d'ordres dans les plans d'études. Nous devons soutenir ces trésors de réactivité et d'intelligence.

L'égalité des chances fera l'objet d'expérimentations. Le ministère de la défense est sans doute l'institution où l'ascenseur social marche le mieux : 50 % des sous-officiers sont issus du rang et 50 % des officiers ont été sous-officiers. Lorsque l'on s'en donne la peine, on peut y franchir les étapes. Le plan que j'ai présenté il y a trois mois se met en place, avec un tutorat par les élèves des écoles militaires de jeunes de lycées en zone sensible ou rurale. Nous ouvrons dans les lycées militaires des classes tampon pour que ces jeunes aient toutes leurs chances aux concours. Tout en maintenant la règle des 70 %, nous ouvrons les lycées militaires tandis que nous rouvrons celui de Strasbourg pour permettre à nos personnels civils de passer le bac et de développer leur carrière. Nous développons les préparations militaires et les cadets de la défense ; les choses se passent de manière remarquable. Si 72 millions vont au dispositif Défense deuxième chance, celui-ci, malgré son nom, ne dépend pas de nous mais de Bercy et je n'entends pas que ce budget y participe.

Nous avons mis cinquante ans à construire une industrie de défense. C'est un trésor de technologie, une pointe de diamant qui récompense l'effort d'une nation. En la maintenant, nous préservons 200 000 à 300 000 emplois. Nous devons pour cela conserver notre place relative à l'exportation car Israël est sur le point de nous dépasser. Madame Voynet, on peut rêver d'un monde idéal mais il n'existe pas. Dès lors, il nous appartient de développer nos programmes. Pourquoi le ministère de la défense assure-t-il la tutelle de ces établissements ? Parce qu'il connaît les programmes et les risques stratégiques. Le contrôle revient à une commission placée auprès du Premier ministre et où plusieurs ministères et l'Élysée sont représentés.

Nous devons améliorer les délais d'autorisation d'exportation, en particulier vers l'Allemagne et le Royaume-Uni. Il nous faut réfléchir aux conditions d'exportation au sein de l'Union : pourquoi les règles sont-elles les mêmes entre deux filiales européennes que pour exporter vers un pays sensible ? Il convient encore d'aider nos PME à l'export. Il est opportun, enfin, de repenser la nomenclature des exportations.

J'en viens à l'Europe de la défense, à laquelle la France s'est engagée à donner un nouvel élan, dans le cadre de sa future présidence. C'est donc dès à présent qu'il faut y travailler. En premier lieu, l'Europe doit bénéficier d'un centre de commandement et de planification autonome pour être à même de mener des opérations sur ses théâtres naturels d'intervention. Elle doit, ensuite, développer ses capacités militaires : je ne reviens pas sur la question du satellite européen et de l'observation. Elle doit aussi lancer un Erasmus militaire, formation commune, dotée d'un tronc commun, et élaborer un plan commun d'évacuation de ses ressortissants, pour gagner en efficacité en cas de crise.

Nous manquons encore de souffle sur ces questions. Mais on ne relancera le projet européen qu'en affirmant clairement que l'on n'avancera pas contre l'Otan. La plupart de nos partenaires ont vu naître l'Europe de la défense dans la méfiance, comme un cheval de bataille contre l'Otan. La position de la France est claire : elle ne peut lui être que complémentaire.

Ce budget s'adresse à ceux qui servent : je ne doute pas que vous rendrez un juste hommage aux militaires français, qui ont fait un choix dont leur vie peut être le prix. En votant ce budget, vous apporterez votre soutien à une institution placée au coeur de la vie sociale, industrielle, économique du pays. (Applaudissements à droite, au centre et sur le banc des commissions.)

Examen des crédits

Article 33

M. le président.  - Amendement n°II-108, présenté par M. Pozzo di Borgo.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Soutien à la politique de la défense

AE réduire de 10 000 000

CP réduire de 10 000 000

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Cet amendement, identique à celui que j'ai présenté l'an passé, vise à réduire les crédits de transfert de l'Etat-major de l'Armée de Terre à l'École militaire de Paris. Le VIIème arrondissement de Paris est le quartier prestigieux du pouvoir et particulièrement de l'armée : les habitants en sont fiers. Que certains ministères se relogent quand leurs locaux deviennent trop exigus, soit. Mais conservons aux bâtiments leur vocation historique. Malraux a voulu faire des Invalides un lieu de mémoire militaire. Faisons de même pour l'École militaire. Faisons mieux : nous n'avons que peu de lieux dans Paris, où installer nos grandes écoles, que l'on a affaiblies en les déconcentrant. Conservons à ce lieu mythique qu'est l'École militaire une vocation éducative.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial.  - La commission n'a pu examiner cet amendement, mais il est de même nature que celui que vous aviez présenté l'an dernier. Vous contestez le projet de transfert de l'État-major de l'armée de terre vers l'École militaire. Il permettra pourtant de maintenir le caractère architectural du bâtiment et la vocation de recherche de l'École militaire pourra y être maintenue. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Je souhaite, monsieur Pozzo di Borgo, que vous retiriez cet amendement pour préserver ces 10 millions de crédits d'infrastructure dont nous avons tellement besoin. Toute décision d'installation est gelée dans l'attente des conclusions de la révision générale des politiques publiques. Il n'est pas question de lancer pour l'instant de travaux, et il est fort probable qu'une autre hypothèse soit retenue, qui vous rassurerait pleinement.

M. Philippe Nogrix.  - Dites en plus !

L'amendement n°II-108 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-29, présenté par M. Fréville, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes:

(en euros)

Environnement et prospective de la politique de défense

AE réduire de 90 000

CP réduire de 90 000

Soutien de la politique de la défense

AE réduire de 90 000

CP réduire de 90 000

Équipement des forces

AE réduire de 90 000

CP réduire de 90 000

Préparation et emploi des forces

AE majorer de 270 000

CP majorer de 270 000

 

M. François Trucy, rapporteur spécial.  - Sans comparer le coût des opérations intérieures à celui des Opex, la commission estime souhaitable, par principe, de tenir compte de leur surcoût éventuel.

L'amendement n°II-29, accepté par le Gouvernement, est adopté.

A la demande de la commission, les crédits de la mission figurant à l'état B sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 201
Contre 126

Le Sénat a adopté. (Applaudissements à droite et au centre)

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-30, présenté par M. Fréville, au nom de la commission des finances.

I. Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le gouvernement transmet au Parlement un rapport présentant les résultats des expérimentations menées pour la mise en oeuvre du nouveau régime dérogatoire d'avance de trésorerie dite avance « activité des forces », dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi.

II. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Défense

M. Yves Fréville. - Il existe des dépenses de l'armée, dites « dépenses à bon compte » qui s'élèvent à10,5 milliards. Ces dépenses dérogatoires sont un héritage de l'Ancien régime, lorsque le colonel partait en campagne avec ses fonds et les dépensait sur le tas. Les avances de trésorerie pour soldes et pour alimentation ont été régularisées. Restent maintenant les « masses » dont le ministère a entrepris la réforme par expérimentations. L'amendement propose que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport sur les résultats de ces expérimentations, pour que l'esprit de la Lolf soit respecté.

M. Hervé Morin, ministre.  - Une réforme est en cours, à la demande de la Cour des comptes. Nous la menons par voie d'expérimentations qui auront lieu en 2008, si bien que je risque de ne pouvoir vous remettre de rapport avant le dernier trimestre de l'année prochaine. Convenons plutôt de nous rencontrer dans le cadre du pouvoir de contrôle sur pièces et sur place des rapporteurs spéciaux, pour contrôler les expérimentations en cours.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial.  - Je propose de remplacer « dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi » par « à la fin de la période d'expérimentation ».

L'amendement n°II-30 rectifié, accepté par le Gouvernement est adopté et devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°II-31, présenté par M. Fréville, au nom de la commission des finances.

Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement transmet au Parlement un rapport présentant les besoins de financement dans le domaine de la défense pour les années à venir, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial. - La Lolf ne traite pas de la pluriannualité. Or, nous avons besoin d'avoir une vision indicative de l'évolution des crédits d'équipement. Le « bleu » de 2008 est déjà un progrès. En 2007, nous avions voté un amendement prévoyant que, pour les grands programmes d'équipement -plus d'un milliard d'euros-, le Gouvernement informerait les commissions des finances de l'échéancier de paiement. Nous voulons aller plus loin et avoir un échéancier indicatif pluriannuel des dépenses d'équipement.

M. Hervé Morin, ministre.  - Retrait car je vais vous donner plus ample satisfaction : d'abord en allant vers une programmation glissante car il faut actualiser la loi de programmation au fur et à mesure de sa réalisation, et vers un budget triennal pour indiquer, dans le cadre du budget annuel, une progression à trois ans.

M. Didier Boulaud.  - Pour glisser, ça va glisser...

L'amendement n°II-31 est retiré.

M. le président. - Amendement n°II-62, présenté par Mme Rozier, MM. Barraux, Doligé, Mmes Henneron et Procaccia.

Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Par dérogation aux dispositions du VI de l'article 108 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, la durée d'application des dispositions de l'article 244 quater N du code général des impôts est prorogée jusqu'au 31 décembre 2008.

Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Janine Rozier.  - Le crédit d'impôt en faveur des entreprises qui favorisent la participation à des activités de réserve opérationnelle incite à ce partenariat en apportant une contrepartie très attendue par les employeurs. Le but du crédit d'impôt est d'inciter les employeurs à accorder à leurs salariés réservistes le maintien de leur salaire habituel ainsi que des facilités plus grandes que celles imposées par la loi en matière de durée d'emploi dans la réserve. Pour pouvoir prétendre à ce crédit d'impôt, les entreprises doivent soit autoriser une absence pour activités militaires d'une durée annuelle cumulée de plus de cinq jours ouvrés, soit accepter un préavis d'absence inférieur à un mois.

M. François Trucy, rapporteur spécial.  - Avis favorable à cet amendement. Il favorise une politique de réserve qui fonctionne bien et qui entretient le lien armée-nation.

Mme Michelle Demessine.  - Article 40 ?

M. Jean Arthuis, président de la commission - Madame Demessine, l'amendement est recevable parce que la déduction fiscale ne peut s'imputer que sur l'impôt dû. Il serait irrecevable s'il s'agissait d'un crédit d'impôt éventuellement à rembourser.

M. Hervé Morin, ministre.  - Excellent amendement : les réservistes jouent un rôle irremplaçable et il existe un plan de développement des réserves : ils sont 68 000 et servent 25 à 26 jours par an, à l'extérieur comme sur le territoire national, y compris dans la gendarmerie, en zone touristique notamment. Nous maintiendrons ce dispositif en 2008 et je lève le gage.

L'amendement n°II-62 est adopté et devient un article additionnel.

Prochaine séance, aujourd'hui, mardi 4 décembre 2007 à 9 h 45.

La séance est levée à minuit quarante-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 4 décembre 2007

Séance publique

À 9 HEURES 45, À 15 HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

Rapport (n° 91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Examen des missions :

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales (+ article 41, 41 bis et 41 ter)

Compte spécial : développement agricole et rural

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial  (rapport n° 91, annexe n° 3) ;

MM. Gérard César, Jean-Marc Pastor, Gérard Delfau et Alain Gérard, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome I).

Culture

Compte spécial : cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial  (rapport n° 91, annexe n° 7) ;

MM. Philippe Nachbar et Serge Lagauche, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 92, tome III).

M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 92, tome IX).